Thomas d'Aquin les 80 opuscules - 19- Ceux Qui Combattent La Vie Religieuse Mendiante

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Avertissement : Ces œuvres ne sont pas authentiques. Elles furent toutes attribuées à saint Thomas d’Aquin au XIX° siècle (édition Louis Vivès, 1856, dont nous suivons la numérotation) car on ne prête qu’aux riches.

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OPUSCULE XVII, CONTRE LERREUR PESTIFE ETC

PAGE 6LE CULTE DE DIEU ET LA RELIGION

CONTRE CEUX QUI COMBATTENT LE CULTE DE DIEU DANS LA VIE RELIGIEUSE, LEQUEL EST POUR TOUS LES RELIGIEUX, MAIS SURTOUT POUR LES MENDIANTS, COMME UN REMPART ET UNE FORTERESSE INEXPUGNABLE

PAR SAINT THOMAS dAQUINDocteur de l'gliseOpuscule 19

(1256)Editions Louis Vivs, 1857

dition numrique, http://docteurangelique.free.fr,

Les uvres compltes de saint Thomas d'Aquin

Occasion de ce deuxime opuscule sur ce point: l'opposition de plus en plus virulente des professeurs sculiers de la Sorbonne face la nouvelle concurrence des professeurs issus des ordres mendiants. Aprs la mort de saint Thomas, l'universit de Paris obtiendra d'ailleurs pendant un temps la condamnation des crits du saint Docteur

2INTRODUCTION. But de l'ouvrage

4PREMIRE PARTIE: Ce qu'est la vie religieuse

4CHAPITRE I Quest-ce que la vie religieuse, en quoi consiste la perfection religieuse?

6SECONDE PARTIE: Les droits et devoirs des religieux.

7CHAPITRE II Est-il permis un religieux denseigner?

15CHAPITRE III Est-il permis un religieux de faire partie dune socit de moines sculiers?

22CHAPITRE IV. Le religieux qui na pas charge daine peut-il prcher et entendre les confessions.

41CHAPITRE V. Le religieux est-il tenu au travail des mains?

51CHAPITRE VI Est-il permis aux religieux de renoncer tout ce quils possdent, de ne rien conserver en propre ni en commun?

65CHAPITRE VII Le religieux peut-il vivre daumnes?

88TROISIME PARTIE: Rfutation de ceux qui s'opposent la vie religieuse

88CHAPITRE VIII Les oyens utiliss pour attaquer les ordres mendiants et particulirement leur costume

94CHAPITRE IX. Moyens quils emploient pour combattre les religieux dans leurs oeuvres de charit.

95CHAPITRE X. Moyens quils emploient pour combattre les voyages que font les religieux pour sauver les mes.

97CHAPITRE XI Raisons sur lesquelles ils sappuient pour empcher les religieux

100CHAPITRE XII Comment ils combattent la prdication prpare des religieux.

107CHAPITRE XIV: La seconde, cest parce quils rsistent leurs dtracteurs.

109CHAPITRE XV.

114CHAPITRE XVI La quatrime, cest parce que les religieux font punir ceux qui les perscutent.

117CHAPITRE XVII La cinquime cest parce quils veulent plaire aux hommes.

129CHAPITRE XXIV. Comment ils imputent aux religieux les maux qui sont craindre pour les derniers temps de l'Eglise, voulant prouver que les temps de lAntchrist sont sur le pas darriver.

133CHAPITRE XXV. Comment ils sefforcent de prouver que les religieux sont les prcurseurs de lAntchrist.

136CHAPITRE XXVI Comment ils sefforcent de pervertir et de rendre suspectes mme les bonnes oeuvres des religieux, tels que les que les prires, etc.

137CONCLUSION

Remarque: Dans tout cet ouvrage, le mot "religion" est employ dans le sens de "vie religieuse consacre". INTRODUCTION. But de l'ouvrage"Voici que vos ennemis ont excit un grand bruit, et que ceux qui vous hassent ont lev orgueilleusement la tte. Ils ont form un dessein plein de malice contre votre peuple, et ils ont conspir contre vos saints. Ils ont dit: "Venez et exterminons-les du milieu des peuples, et quon ne se souvienne plus lavenir du nom dIsral" Psaume LXXXII Le Dieu tout-puissant qui aime les hommes se sert de son amour pour nous, comme le dit saint Augustin dans son premier livre de la Doctrine chrtienne, et pour manifester sa bont, et pour notre bien. Et dabord, il sen sert pour faire briller sa bont, afin que les hommes lui donnent la gloire, ainsi que le dit Isae, XLIII: "Tout homme qui invoque mon nom, je lai cr pour ma gloire." Il sen sert pour notre avantage, afin de donner lui-mme tous le salut, comme il est crit, I Timothe II: "Qui veut que tous les hommes soient sauvs." LAnge la naissance du Seigneur annonce cette concorde entre Dieu et les hommes; il est crit dans saint Luc II: "Gloire Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volont." Mais bien que Dieu puisse, comme tout tout-puissant, tirer lui-mme sa gloire des hommes et oprer leur salut, pour garder lordre en toute chose, sa volont a t que des ministres fussent choisis et que par leur ministre lune et lautre chose saccomplit dune manire parfaite; ce qui fait que cest avec exactitude quon les appelle les aides de Dieu, comme le dit lAptre, I Corinthiens III Mais le dmon jaloux de la gloire de Dieu et du salut des hommes, sefforce par ses ministres, quil excite perscuter les ministres de Dieu dont il vient, dtre parl, dempcher lun et lautre. Ils sont videmment les ennemis de Dieu ceux qui sont ainsi les ministres du diable, ceux qui mettent un obstacle sa gloire et celle du genre humain tout entier, au salut duquel ils sopposent, et spcialement des ministres de Dieu quils perscutent. Il est crit, I Thessaloniciens II: "Ils nous ont perscut, et ils ne sont pas agrables Dieu, et ils sont les ennemis de tous les hommes". Cest pour cela que le Psalmiste, dans les paroles que nous avons rapportes, fait trois choses

1 Il montre leur haine pour Dieu dans es paroles: "Voici que vos ennemis ont excit un grand bruit, etc." cest--dire que ceux qui dabord parlaient en secret contre vous ne craignent pas maintenant de le faire en public. Il dsigne ici, comme le dit le Commentaire, les derniers temps de lAntchrist, le moment o ceux qui sont maintenant arrts par la crainte donneront leur voix toute sa libert, cette voix, parce quelle est pas conforme a la raison, mente plutt le nom de bruit que de voix; ce ne sera pas seulement par la voix quils ex leur vengeance, ils joindront encore les actions; de l il suit: "Ceux qui vous hassent ont lev orgueilleuse ment la tte," savoir lAntchrist, daprs le Commentaire, ce sont ses membres qui sous ce chef sont les ttes, afin que gouverns par un seul chef ils poursuivent plus efficacement les saints de Dieu.

2 Il montre ensuite comment ils sont les ennemis du genre humain tout entier, lorsquil ajoute: "Ils ont form un dessein de malice contre votre peuple," ou leurs penses ont t pleines dastuce, selon une autre leon, pour le tromper, daprs ce qui est crit dans le commentaire du passage suivant dIsae, III: "O mon peuple, ceux qui te disent bienheureux, ce sont ceux-l mme qui te trompent," le commentaire ajoute,"par des paroles flatteuses."3 Il fait connatre en troisime lieu comment ils perscutent les ministres de Dieu, lorsquil ajoute: "Ils ont conspir contre vos saints." Le commentaire ajouter: "ce nest pas seulement contre les plus infimes, mais encore contre les hommes clestes." Saint Grgoire dit cette occasion dans son treizime livre De Mor, expliquant les paroles suivantes de Job, XVI: "Ils ouvrirent sur moi leurs bouches, et me couvrant dopprobre, etc." "Les rprouvs poursuivent surtout parmi les saints de lEglise ceux quils voient devoir tre utiles un grand nombre." Et un peu plus bas: "les rprouvs estiment avoir fait une grande chose lorsquils tuent la vie des prdicateurs." Leurs penses contre les saints sont de deux espces. Ils dsirent en premier lieu les anantir. Il est crit dans Esther, XIII: "Nos ennemis veulent nous perdre et anantir leur hritage." Sil ne leur est pas donn datteindre ce but, ils tentent en second lieu de ruiner leur rputation auprs des hommes, pour quils ne puissent faire aucun fruit parmi eux. Il est crit dans saint Jacques, II: " Ne sont-ce point les riches qui vous oppriment par leur puissance? Ne sont-ce point eux qui blasphment le nom auguste do vous tirez la force?" Cest pourquoi le Psalmiste ajoute, relativement la premire de ces choses: "Ils dirent, venez, etc.", et le commentaire dit,"se cherchant des compagnons: "Exterminons-les du milieu de la nation ou des nations," le commentaire dit: "A savoir, pour quils ne soient plus au milieu des nations, cest--dire faisons-les disparatre de dessus la terre;" voici la perscution de lAntchrist.

Il ajoute quant au second objet de leurs dsirs: "Et quon ne se souvienne plus lavenir du nom dIsral," cest--dire pour que leur nom ne soit plus en honneur, savoir le nom de ceux qui se disent le vrai Isral ainsi que le dit la Glose. Les anciens tyrans ont fait tous leurs efforts pour les expulser, cest--dire pour expulser les saints du milieu du monde. LAptre dit cette occasion, I Romains VIII, que ce passage du Psalmiste sest accompli de son temps: "On nous gorge tous les jours pour lamour de vous, Seigneur, on ne nous considre que comme des brebis destines la boucherie." Mais maintenant cest ce que certains hommes pervers tentent de faire par des conseils pleins de fourberie, spcialement lgard des religieux qui, par leurs paroles et leur exemple, peuvent faire fructifier la perfection dont ils font profession, refusant daccrotre certaines choses qui ruineraient compltement leur tat, le rendraient trop onreux, blmable mme, leur enlevant les consolations spirituelles et leur imposant les charges corporelles.

1 Et dabord, ils font tous leurs efforts pour leur enlever et ltude et la science, afin que rduits cet tat, il leur soit impossible de rsister aux adversaires de la vrit, ni de trouver la consolation de lesprit dans lEcriture, et cest l la fourberie des Philistins, 1er livre des Rois, XIII: "Les Philistins avaient pris soin que les Hbreux ne fabriquassent ni lances ni pes;" ce que le commentaire entend de la prohibition de ltude des lettres, et cest ce que fit dans les premiers temps Julien lapostat, comme latteste lhistoire de lEglise.

2 Ils font secondement tout ce qui dpend deux pour les exclure de la socit de ceux qui tudient, pour faire tomber la vie des saints dans le mpris. Il est crit, Apoc, XIII: "De peur que personne ne puisse acheter ou vendre, sil na le caractre ou le nom de leur bte," cest--dire sil ne consent leur malice.

3 Ils sefforcent troisimement de les empcher de prcher ou den tendre les confessions, au moyen desquelles ils produisent des fruits parmi le peuple. Il est crit, I Thessaloniciens II: "Nous empchant dadresser la parole aux nations pour les sauver."40 Ils veulent eu quatrime lieu q se livrent aux travaux manuels, pour quaccabls par ces travaux, ils prennent en dgot leur tat, et quils ne puissent facilement soccuper des choses dont il a t parl, ce qui est conforme lavis de Pharaon qui dit, Exod, I: "Voici que le peuple dIsral est et plus nombreux et plus fort que nous, venez, opprimons-les adroitement" et plus bas: et il leur proposa des chefs de travaux. Daprs le commentaire, Pharaon signifie Zabulon, qui impose le joug le plus lourd du mortier et de la brique, cest--dire la servitude dun travail de boue et de fange.

5 Ils blment et blasphment leur perfection, savoir, la pauvret des mendiants. Saint Pierre dit, Il Ep, II: "Un grand nombre imitera leur luxe, et ce seront ceux-l qui blasphmeront la voie de la vrit," cest--dire les bonnes uvres, comme le dit la Glose.

6 Ils leur retranchent la nourriture et les aumnes qui les faisaient vivre, et ils le font de tout leur pouvoir. Il est crit, dans l'Eptre de saint Jacques,"et comme si ces choses ne lui suffisaient pas," le commentaire ajoute, de dissuader de pratiquer lhospitalit: "Ils ne soutiennent pas leurs frres," cest--dire daprs la Glose, les indigents, et ils empchent ceux qui les soutiennent, ajoute le Commentaire, de secourir lhumanit.

7 Ils sappliquent de tout leur pouvoir, ces ministres du diable, ruiner la rputation des saints, entant quils ne se contentent pas de diffamer seulement par eux-mmes et auprs des personnes prsentes les saints de Dieu, mais ils le font mme par des crits quils rpandent dans le monde entier. Il est crit dans Jrmie, XXIII: "Les prophtes de Jrusalem ont rpandu sur toute la terre la corruption."Le commentateur du prophte dit: "Nous nous servons de ce tmoignage contre ceux qui, par les crits pleins de supercherie, de mensonge et de parjure quils rpandent dans lunivers, souillent les oreilles de ceux qui les coutent." Il ne leur suffit pas, en effet, de dvorer leur propre iniquit, ou de porter prjudice au prochain; mais ce quune fois ils hassent, ils sefforcent de le diffamer dans lunivers entier, et de rpandre partout leurs blasphmes. Notre intention donc tant de rprimer la perfidie des mchants dont il vient dtre parl, nous procderons dans lordre suivant.

1 Nous dirons dabord ce que cest que la religion et en quoi consiste la perfection religieuse, parce quils semblent porter leur intention tout entire contre les religieux.

2 Nous prouverons que les raisons dont ils se servent pour opprimer les religieux sont futiles, et nont aucune valeur.

3 Nous tablirons la perversit qui les guide dans lemploi des raisons quils mettent en avant pour diffamer les religieux.

PREMIRE PARTIE: Ce qu'est la vie religieuse

CHAPITRE I Quest-ce que la vie religieuse, en quoi consiste la perfection religieuse?

Afin de pouvoir connatre la nature de la religion, cherchons ltymologie du mot lui-mme. Le nom de religion, comme semble le tmoigner saint Augustin dans son livre de la Vraie religion, le relier. On dit proprement dune chose quelle est lie, si elle est unie une autre chose, de telle faon quil ne lui soit pas possible de en sparer pour sattacher une autre. Mais ce mot lier, de nouveau emportant une union ritre, indique que quelquun est reli celui qui il tait dj uni, et duquel il commence se sparer. Et parce que toute crature a dabord exist en Dieu avant dexister en elle-mme, et quelle vient de Dieu, elle commence en quelque sorte sloigner de lui, suivant (secundum) lessence, par la cration; cest pourquoi la crature raisonnable doit tre relie Dieu, auquel elle tait unie mme avant quelle existt, afin quelle revienne son principe comme les fleuves reviennent leurs sources, ainsi quil est dit dans lEcclsiastique, I Cest pour cela que saint Augustin dit dans le livre de la Vraie religion: "La religion nous reliera un seul Dieu tout-puissant;" et on lit dans la Glose de lEptre aux Romains, XI, sur ces mots,"de lui-mme et par lui-mme, etc." "le premier lien qui attache lhomme Dieu, cest la foi,"comme le prouvent les paroles suivantes, Hbr, XI: "Il faut que celui qui sapproche de Dieu croie," parce quelle est lexpression de la vie prsente, quelle est la latrie qui rend Dieu un culte, reconnaissant en quelque manire que Dieu est son principe; cest pour cela que la religion dabord et surtout signifie la latrie qui rend Dieu un culte, pour protester de sa vraie foi. Cest ce qui fait dire saint Augustin, X liv. de la Cit de Dieu, que "la religion semble signifier non toute espce de culte, mais celui de Dieu;" et cest ainsi que Tullius dfinit la religion dans sa Rhtorique: "La religion, dit-il, est ce qui rend une certaine nature suprieure, que lon appelle Dieu, un culte intrieur et extrieur." On connat ainsi, comme appartenant premirement et surtout la vraie religion, tout ce qui constitue lintgrit de la foi et du service de latrie qui est d Dieu. On connat en second lieu, comme appartenant la vraie religion, toutes les choses au moyen desquelles nous pouvons manifester Dieu notre dpendance, parce que, comme le dit saint Augustin dans son Catchisme: "Dieu nest pas seulement honor par la foi, mais il lest encore par lesprance et la charit, de sorte que toutes les oeuvres de charit sappellent aussi des oeuvres de religion." Cest ce qui fait dire saint Jacques, I " La religion et la pit pure et sans tache aux yeux de Dieu consiste visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, etc." Ceci dmontre donc que le mot religion a une double acception:1 Une, daprs la signification premire de son nom, en tant que quelquun se lie Dieu par la foi au culte qui lui est d; et cest ainsi que chaque chrtien devient, dans le baptme, participant de la religion chrtienne, renonant Satan et toutes ses pompes. La seconde, en tant que quelquun soblige certaines oeuvres de charit, au moyen desquelles il sert Dieu spcialement, renonant aux affaires sculires; et cest dans ce sens que nous employons le mot religion. Mais la charit rend Dieu le service qui lui est d, ou par les actes de la vie active, ou par ceux de la vie contemplative. Elle le sert par les actes de la vie active de diverses manires, suivant les divers devoirs de charit que lon rend au prochain. Cest ce qui fait qu'il y a certaines religions qui ont pour but de servir Dieu par la contemplation, telles que la religion monastique et la religion rmitique; dautres, au contraire, ont pour objet de servir Dieu activement dans ses membres; telles sont les religions de ceux qui se consacrent Dieu pour soigner les malades, racheter les captifs, et pour accomplir les autres oeuvres de misricorde. Il ny a pas doeuvre de misricorde pour laquelle on ne puisse tablir une religion, si jusque-l il ny en a pas dtablie.

Mais comme lhomme, dans le baptme, est li Dieu par la religion de la foi et quil meurt au pch, de mme, par le voeu de religion, il meurt non seulement au pch, mais mme au sicle, afin de vivre pour Dieu seul, en accomplissant loeuvre de foi par laquelle il a fait voeu de servir Dieu, parce que comme le pch prive de la vie de lme, de mme les occupations du sicle sont un obstacle au service de Jsus-Christ, comme le dit lAptre, II Timothe II: "Celui qui est enrl dans le service de Dieu, ne sembarrasse pas dans les affaires du sicle;" ce qui fait que par le voeu de religion on renonce aux choses qui ont coutume doccuper surtout lesprit et dempcher le service de Dieu. La principale est la premire de ces choses, cest le mariage. LAptre dit, I aux Corinthiens VII: "Je veux que vous soyez sans sollicitude. Celui qui nest pas mari ne sinquite que des choses de Dieu, et comment il lui plaira. Mais celui qui est mari, soccupe des choses du monde, comment il plaira son pouse, et il est divis." La seconde, cest la possession des richesses de la terre. Saint Matthieu dit, X: "La sollicitude de ce sicle, et tout ce que les richesses ont de trompeur, touffent la parole et la rendent infructueuse." Cest pourquoi le commentaire des paroles suivantes de saint Luc VIII,"mais ce qui est tomb dans les pines, etc." dit: "Les richesses, tout en paraissant rjouir, sont cependant des pines pour ceux qui les possdent, elles transpercent le coeur de ceux qui les recherchent avec empressement et qui les conservent avec sollicitude, par les aiguillons des soucis."La troisime, cest sa propre volont, parce que celui-l est larbitre de sa propre volont qui a la sollicitude du gouvernement de sa propre vie, et cest pour cela quil nous est conseill de nous en remettre la divine providence, relativement notre tat. Il est crit, I Pierre, V: "Jetant dans son sein toutes vos inquitudes, parce quil prend soin de vous;" et dans le livre des Proverbes, III: "Mettez de tout votre coeur votre confiance en Dieu, et ne vous appuyez pas sur votre providence." Il rsulte de l que la religion parfaite est consacre par trois voeux, qui sont le voeu de chastet, qui fait que lon renonce au mariage, celui de pauvret par lequel on renonce aux richesses, et celui dobissance par lequel on renonce sa propre volont. Lhomme, par ces trois voeux, fait Dieu le sacrifice de tous ses biens: par le voeu de chastet, il offre Dieu en sacrifice son propre corps, cest le sacrifice dont parle lAptre, Romains XII, lorsquil dit: "Offrez Dieu votre corps comme une hostie vivante." Par le voeu de pauvret, il fait Dieu loblation des biens extrieurs. LAptre parle de ce sacrifice, Romains XV, lorsquil dit: "Et que les saints de Jrusalem reoivent favorablement le service que je vais leur rendre." Par le voeu dobissance, il fait Dieu le sacrifice de son esprit quil lui offre. Cest de ce sacrifice dont il est parl, Psaume L: "Un esprit bris de douleur est un sacrifice digne de Dieu."Ce nest pas seulement un sacrifice que lon offre Dieu par ces trois voeux, cest un holocauste; ce qui sous lancienne loi tait ce quil y avait de plus agrable Dieu. Saint Grgoire dit cette occasion, dans la huitime homlie sur lExode, part. II: "Lorsque quelquun voue Dieu quelque chose qui lui appartient et quil ne lui en voue pas une autre qui lui appartient aussi, cest un sacrifice ; mais lorsquil voue tout ce quil possde, tout ce quil a de vie, et tout ce quil a de sagesse au Dieu tout-puissant, cest un holocauste: et la religion tant ainsi entendue dans ce second sens, par cela mme quil fait Dieu un sacrifice, il imite le premier mode de religion. "Il y a certains modes de vivre, dans lesquels on omet quelques-unes de ces choses; mais ce nest pas dans ces modes-l que lon trouve la raison parfaite de la religion. Quant tout ce que lon trouve encore dans les religions, ce sont certains moyens qui aident viter ce quoi on a renonc par voeu, ou encore pour faciliter lobservation de ce par quoi lhomme sest engag par voeu servir Dieu.

On peut donc voir, daprs ce qui prcde, ce en quoi une religion peut tre plus parfaite quune autre. La dernire perfection dune chose consiste en effet obtenir son r final. Cest pour cela que lon doit surtout juger de la perfection dune religion daprs deux choses.

1 On doit la juger daprs la fin vers laquelle elle tend, de manire que lon dise, cette religion est plus minente qui est consacre un acte plus parfait; afin quainsi daprs la comparaison de la vie active et de la vie contemplative quant leur dignit et leur utilit, on puisse comparer les religions qui sont consacres lun et lautre genre de vie.

2 On doit la juger en la comparant avec laccomplissement de ce pourquoi elle a t institue. Il ne suffit pas en effet quune religion soit tablie, il faut que ses observances et son mode de vivre, soient rgls de telle sorte quelle puisse sans obstacle atteindre sa fin; tel par exemple que si deux formes de vie religieuse (religion) sont institues pour la contemplation, celle qui rend lhomme la contemplation plus facile doit tre juge la plus parfaite. Mais parce que, comme le dit saint Augustin,"personne ne peut commencer une vie nouvelle sans faire pnitence pour sa vie antrieure;" toute religion par laquelle lhomme commence une nouvelle vie est un certain tat de pnitence pour purifier lhomme de son ancienne vie; et cest l le troisime mode de comparer les religions, de manire que lon tient pour plus parfaite celle dont les austrits sont plus grandes, telles que les jenes, la pauvret, etc. parce que les oeuvres satisfactoires doivent tre finales. Les premiers moyens de comparaison sont les plus essentiels, ce qui fait quil faut plutt juger de la perfection des religions daprs ces modes, surtout comme la perfection de la religion consiste plus dans la justice intrieure que dans labstinence extrieure. Ainsi donc, il demeure tabli ce quest la religion, et ce en quoi consiste sa perfection.

SECONDE PARTIE: Les droits et devoirs des religieux.

Ces choses donc tant tablies; il nous faut procder la rfutation des raisons par lesquelles nos adversaires sefforcent dopprimer la religion; nous suivrons en ceci la marche suivante:

1 Nous chercherons, sil est permis aux religieux denseigner.

2 Si un religieux peut licitement faire partie dune socit, compose de docteurs sculiers.

3 Sil est permis un religieux qui na pas charge dmes, de prcher et dentendre les confessions.

4 Si un religieux est tenu de se livrer aux travaux manuels.

5 Sil est permis un religieux dabandonner tout ce quil possde, de manire navoir rien, ni en propre ni en commun.

6 Sil lui est permis de vivre des aumnes quil aura reues et surtout de celles quil aura reues en mendiant.CHAPITRE II Est-il permis un religieux denseigner?

Il nest sorte defforts quils ne fassent pour empcher les religieux de sinstruire, pour quils ne puissent pas enseigner. Ils invoquent 1 Lautorit du Seigneur, qui dit, saint Matthieu XXIII: "Pour vous, nayez pas le dsir dtre appels matres." Ce sont, disent-ils, tous ceux qui sont parfaits qui doivent observer ce conseil, par consquent comme les religieux font profession de perfection, ils ne doivent pas enseigner. 2 Ils sappuient de lautorit de saint Jrme, lettre Ripaire et Dsir, contre Vigilance, et de ce qui se trouve dans le Droit, Quest. XVI, I: "Loffice du moine est de pleurer et non denseigner;" et Quest. VII I, Hoc nequaquam, il est dit: "La vie des moines a le verbe de la soumission et de la discipline, mais ils ne doivent ni instruire, ni prsider, ni patre, ni rien faire de semblable." Il en est de mme des rguliers et des autres religieux qui jouissent des droits des moines, comme le prouve lExtravagant, qui commence par ces mots, De postulando, de la part et de ltat des moines: "Que la crainte de Dieu est abandonne, quil nest permis aucun religieux denseigner."3 Enseigner, disent-ils encore, est contraire aux voeux de la religion; par les voeux de la religion en effet, on renonce au monde. Mais tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie; ils expliquent ces trois choses, des richesses, des plaisirs et des honneurs, ils disent que lenseignement est un honneur, et ils le prouvent par le commentaire des paroles suivantes de saint Matthieu IV: "Il le plaa sur le pinacle." " Dans la Palestine, la surface des toits tait plane, et l se trouvait le sige des docteurs, cest de l quils parlaient au peuple, cest l que le diable en a tromp un grand nombre par la vaine gloire, enorgueillis quil taient par les honneurs de lenseignement;" do ils concluent quil est contraire au voeu de religion denseigner.

4 Les religieux, disent-ils, sont tenus lhumilit parfaite comme la pauvret parfaite; mais ils sont tenus la pauvret au point de ne rien possder en propre. Donc leur humilit doit aller jusquau pas de ne leur permettre aucun honneur; mais comme il a t dit prcdemment lenseignement en est un, donc il ne leur est pas permis denseigner.

5 Ils objectent aussi ce que dit saint Denis, dans le V de la Hirarchie ecclsiastique. Il divise lune et lautre hirarchie eu trois catgories, qui sont celle des actions saintes, celle de ceux qui les accomplissent, et celle de ceux qui seulement les reoivent. Il divise les actions saintes elles-mmes en trois espces, id. V; celles qui purifient, ce sont celles des diacres; celles qui illuminent, ce sont celles des prtres; celles qui rendent parfaits et ce sont celles des vques, il divise aussi ceux qui les reoivent, en. trois catgories, id, V: savoir celle de ceux qui ne sont pas purs, et qui sont purifis par les diacres; savoir celles du peuple saint qui est illumin par les prtres, et celles des moines qui sont dans un degr plus lev et que perfectionnent les vques. Donc il est dmontr que les moines ne peuvent communiquer aux autres les choses saintes, mais quils doivent les recevoir; or, quiconque enseigne, communique autrui les choses saintes, donc le moine ne doit pas enseigner:

6 La charge de professeur, disent-ils, est bien plus trangre la vie monastique que la fonction sacerdotale; mais ainsi quil est crit, XVI Quest, I: "Personne ne peut remplir les fonctions ecclsiastiques et vivre rgulirement sous la rgle monastique." Donc bien plus forte raison, le moine ne peut-il pas remplir les fonctions scholastiques, soit en enseignant, soit en coutant. Ils ajoutent aussi que cest une chose contraire la doctrine apostolique. Il est crit, II Corinthiens X: "Ainsi, ne nous glorifions pas nous-mmes dmesurment, mais nous renfermant dans les bornes du partage que Dieu nous donne." Le commentaire ajoute: "Nous usons du pouvoir dans toute ltendue que lauteur nous a laiss, et nen outrepassons ni les bornes, ni le mode." Ils concluent de l, que tout religieux qui outrepasse le mode dagir, dtermin par lauteur de sa rgle, soutrepasse lui-mme, et quil va lencontre de la doctrine apostolique; ce qui fait quaucune religion dans son principe na eu de matres; donc aucun religieux ne peut tre promu au grade de docteur.

7 Poussant encore plus loin leur tmrit, sil ne leur est pas possible dempcher entirement les religieux de sinstruire, ils tche du moins dattnuer leur instruction, disant: "Un collge de religieux ne doit pas possder plusieurs docteurs;" et ils sappuient pour le prouver sur ce que dit saint Jacques, III: "Mes frres, quil ny ait pas parmi vous tant de gens qui se mlent dinstruire." La Glose ajoute: "Ne veuillez pas tre plusieurs matres dans lEglise." Mais un collge ou socit de religieux est une Eglise; donc dans une socit ou collge de religieux, il ne doit y avoir quun seul docteur.

8 Ils citent encore leur appui la lettre de saint Jrme Rustique, et il est crit, VI Quest, I: "Il ny a parmi les abeilles quun chef, les grues en suivent une une dans un ordre marqu", et un peu plus bas: "il ny a quun pilote dans un vaisseau, un matre dans une maison;" donc dans une socit ou collge de religieux, il ne doit pareillement y en avoir quun seul de charg denseigner.

9 Ils disent encore, comme il y a plusieurs collges ou socits de religieux; si dans une socit ou collge, il y avait plus dun docteur, il sensuivrait que le nombre des religieux docteurs serait si grand, que les matres sculiers seraient presque exclus, vu le petit nombre de leurs auditeurs, surtout parce quil ne faut dans un collge quun nombre dtermin de matres; pour empcher la doctrine sacre de tomber dans le mpris, il ne faut donc pas un grand nombre de docteurs.

Les fauteurs de ces assertions errones, ne font ici que prolonger dans l'autre extrme les arguments de ceux qui les premiers errrent. Le propre en effet, de ceux qui errent est, ne pouvant se tenir simplement dans la vrit, et voulant viter une erreur, de tomber dans lerreur oppose. Cest ce que fit Sabellius, qui, pour viter la division de lessence, introduite par Arius, tomba dans la confusion des personnes, comme le dit saint Augustin. Eutychs lui aussi, pour viter la division des personnes en Jsus-Christ, soutenue par Nestorius, confondit en lui les natures, comme le rapporte Boce. Cest aussi ce que prouve la manire dagir de Plage et de Mans, etc. Cest pourquoi lAptre dit, II Timothe III: "Les hommes dont lesprit est corrompu, sont rprouvs quant la foi." Le commentaire ajoute: "ils ne sont jamais dans la foi, parce que les impies rdent autour et ne se tiennent pas au milieu."Il y eut donc autrefois une erreur de certains religieux prsomptueux, qui, parce quils taient moines, prsumant trop de leur genre de vie, sarrogeaient de leur autorit prive la fonction denseigner, et en cela ils troublaient la paix de lEglise, comme le prouve ce qui se lit, Quest. XVI, I: "Certains moines, sans en avoir reu lordre de leur vque, viennent dans la ville de Constantinople, et y font succder le trouble la paix;" lhistoire ecclsiastique raconte plus amplement ce fait. Les saints Pres se sont efforcs de rprimer, par des preuves et des dcrets, leur prsomption. Mais il est de nos jours certains hommes pervers, qui sans science, ni stabilit, abusent de leurs paroles et en pervertissent le sens, ainsi que celui des autres Ecritures; ils agissent de la sorte pour leur perdition, comme le dit saint Pierre, Eptre II, chapitre ult. Tombant dans lerreur oppose, ils affirment quil nest pas permis aux religieux dexercer la fonction de docteur; quil ne peut pas la recevoir, quon ne peut pas lui enjoindre.

Nous tablirons dabord que cette assertion est fausse, puis nous rpondrons aux objections.

1 Produisons donc lautorit de saint Jrme, lettre Rustique, laquelle se lit, XVI Quest, I: "Vivez dans votre monastre, de manire mriter dtre clerc; apprenez pendant longtemps ce que vous enseignerez ensuite. Il dit aussi dans sa lettre au mme, chapitre suivant: "Si la clricature vous flatte, tudiez votre dsir, afin de savoir si vous tes capable dinstruire." On peut conclure de l, que les moines peuvent recevoir la charge denseigner. Cest aussi ce que nous enseignent les saints par leur exemple, vivant dans leurs monastres, ils enseignrent, comme le prouve lexemple de saint Grgoire de Nazianze qui, bien quil ft moine, fut appel Constantinople, pour y enseigner lEcriture sainte, comme nous le raconte lhistoire ecclsiastique. La manire dagir de saint Damascne prouve la mme chose, lui qui, bien que moine, donne aux tudiants, non seulement des leons dEcriture sainte, mais leur enseigne encore les arts libraux, comme le prouve le livre des Miracles de la bienheureuse Vierge. Saint Jrme dans son prologue de la Bible, bien quil ft moine, promet au moine Paulin la science de la sainte Ecriture, savoir quil lui enseignera cette science, il lexhorte aussi tudier la sainte Ecriture. On lit aussi de saint Augustin, quaprs avoir tabli un monastre, dans lequel il commena vivre sous la rgle institue par les saints Aptres, il crivait des livres et enseignait les ignorants. La conduite des autres docteurs prouve la mme chose; cest en effet ce que firent saint Basile, saint Jean Chrysostome et un grand nombre dautres, qui furent religieux, et qui pourtant furent les plus grands docteurs. On peut aussi facilement ltablir par plusieurs raisons. Les oeuvres prouvent, en effet, la doctrine des saintes Ecritures. On lit au livre des Actes, chapitre I: "Jsus commena par faire, puis il enseigna." Le commentaire ajoute: "De ce quil commence par faire, et quensuite il enseigne, il forme le bon docteur qui fait ce quil enseigne." Il enseigne donc trs convenablement la doctrine vanglique, celui qui non seulement garde les prceptes, mais qui observe aussi les conseils, tel que le font les religieux. 2 Celui qui meurt une vie trangre, meurt aussi aux oeuvres de cette vie, et celui qui commence vivre dune vie quelconque, fait comme lui convenant parfaitement les oeuvres de cette vie nouvelle. Saint Denis montre cette occasion, dans le II de la Hirarchie ecclsiastique, quavant le baptme, par lequel lhomme reoit la vie divine, il ne peut pas accomplir les oeuvres divines, parce que, comme il le dit lui-mme, il faut commencer par exister avant dagir; mais le religieux, par le voeu de religion, meurt au sicle, vivant pour Dieu. Donc, parce quil est religieux, les oprations sculires, telles que le commerce et les autres affaire du sicle lui sont interdites, mais non les actions divines qui demandent un homme qui vive pour Dieu. Mais la confession est de ce genre, elle qui se fait par la science. Il est crit, Psaume CXIII: "Ce ne sont pas les morts qui vous louent Seigneur, mais nous qui vivons, etc." Ainsi les religieux ne sont pas exclus par leur voeu de religion de lenseignement. En outre, ceux-l sont surtout aptes enseigner, qui par la contemplation peuvent saisir les choses divines; ce qui fait dire saint Grgoire, dans son XVI livre de Morale: "Ceux qui contemplent, se pntrent en repos de ce quils dverseront par leurs paroles sur le prochain, lorsquils sen occuperont. Mais le but des religieux est surtout de se livrer la contemplation." Donc, par le fait mme quils sont religieux, leur tat les rend plus aptes enseigner qu les en empcher.

Il est mme ridicule de dire que quelquun ne doit pas se livrer ltude de la science, par cela que le repos auquel il se livre le rend plus apte y vaquer; comme il serait ridicule de dire de celui qui a bris les obstacles, qui lempchaient de courir, quil ne peut pas le faire. Mais les religieux, par leur triple voeu, ont renonc tout ce qui inquite lesprit, comme le prouve ce qui a t dit prcdemment. Cest donc eux quil convient surtout et dtudier et denseigner. Il est crit, Ecclsiastique, XXXVIII: "Ecrivez sur les tables de votre coeur la sagesse;" le commentaire ajoute "divine" cest--dire, apprenez pendant le temps du repos; et celui dont la vie est moins active acquerra la sagesse.

Ce sont surtout les pauvres de Jsus-Christ auxquels il convient davoir la connaissance des Ecritures, comme le prouvent les paroles de saint Jrme, dans son Prologue des Questions hbraques sur la Gense: "Que, comme nous qui sommes pauvres et humbles, qui ne possdons pas de richesses, qui ne daignons pas mme recevoir celles qui nous sont offertes, ils sachent, eux aussi, quil nest pas possible davoir la connaissance des Ecritures avec les richesses du monde; mais il appartient surtout denseigner ceux qui connaissent les Ecritures." Donc les religieux qui font profession de pauvret sont surtout mme denseigner.

On peut, comme il a t dit prcdemment, tablir une religion pour accomplir quelque oeuvre de misricorde que ce soit: mais instruire est une oeuvre de misricorde, ce qui fait que lenseignement est mis au nombre des aumnes spirituelles. Donc, on peut tablir une religion qui soit spcialement consacre lenseignement. En outre, les combats du corps qui se font avec des armes corporelles, semblent plus loigns du but de la religion que la guerre spirituelle qui se fait avec des armes spirituelles, qui sont, les saints enseignements pour combattre les erreurs. Cest de ces armes dont parle lAptre, II Corinthiens X lorsquil dit: "Le armes de nos combats ne sont pas charnelles, etc." Mais certaines religions ont t providentiellement tablies pour faire la guerre corporelle, afin de dfendre lEglise contre ses ennemis corporels, quoiquil ne manque pas dans lEglise de princes sculiers, qui en vertu de leur chaire sont obligs de la dfendre. Donc cest avec avantage que lon a institu certaines ordres religieux (religions) pour quils enseignassent et que par leur science ils dfendissent lEglise contre ses ennemis; bien quil y en ait dautres qui soient obligs de la dfendre de cette manire.

Celui que lon peut choisir avec avantage pour remplir une fonction importante qui en renferme une autre, est plus forte raison digne de remplir celle qui lest moins et que renferme la premire; mais le religieux, bien que sa religion nait pas pour but dinstruire, peut tre choisi pour remplir la fonction piscopale, comme le prouvent plusieurs chapitres du Droit, concernant les moines, XVIC Quest, I Par consquent, comme lpiscopat est suprieur au doctorat, fonction que remplissent les matres qui lisent dans les coles, et que lpiscopat emporte avec lui la science, ou ne doit pas considrer comme inconvenant, que lon choisisse un moine pour enseigner, pourvu que ce soit celui qui est revtu de lautorit ncessaire qui le fasse.

Il est permis, comme le dit la Glose des paroles suivantes de saint Luc IX: "Pour vous, allez, et annoncez le royaume de Dieu," de renoncer aux biens infrieurs pour des biens plus importants. Mais comme le bien commun passe avant le bien particulier, par consquent, comme le moine qui, dans son clotre, garde les rgles de son ordre, ne travaille que pour son propre bien, savoir pour son salut, pendant que la fonction denseigner, qui consiste instruire la multitude, reflue dans le bien commun de lEglise, il ny a pas dinconvnient ce que le moine, appuy sur le consentement de celui qui en a le pouvoir, vive hors de son monastre, et soit charg dinstruire. Ce quils disent, savoir que cela pourrait se faire, quand il y aurait un besoin pressant qui ne se fait pas prsentement sentir, vu labondance des matres sculiers, na donc aucune valeur, parce quil ne faut pas satisfaire lutilit gnrale dune manire quelconque, mais quil faut y satisfaire de la manire la plus utile possible. Mais plus le nombre des docteurs est grand, plus lutilit commune, qui provient de la science, prend daccroissement, parce quun docteur apprend ce que lautre ne savait pas encore. Il est crit cette occasion dans le livre de la Sagesse, VI: "Mais le grand nombre des sages est le salut de lunivers." Mose, guid par cet esprit, dit, au livre des Nombres, XI: "Qui donnera au peuple entier de prophtiser?" Le commentaire ajoute: "Le prdicateur fidle dsire, autant que cela peut saccomplir, que la vrit, que seul il ne suffit pas annoncer, schappe de toutes les bouches;" et un peu plus bas: "Il a voulu que tous prophtisassent, lui qui nenvia jamais sou propre bien."Cest une seule et mme chose dinstruire par la parole ceux qui sont prsents, ou instruire par crit ceux qui sont absents, ainsi que le dit lAptre, II Corinthiens X: "Nous nous conduisons dans nos actions de la mme manire, tant prsents, que nous parlons dans nos lettres, tant absents." Mais personne ne doute que les religieux ne puissent instruire par leurs crits ceux qui sont absents, vu que lon trouve toutes les bibliothques pleines douvrages ou de livres composs par des religieux, afin dinstruire les membres de lEglise; donc il leur est aussi permis dinstruire par leurs discours ceux qui sont prsents. Quant aux raisons que lon oppose cette assertion, il est facile dy rpondre.

1 Quant ce quils disent que le Seigneur dissuade dtre matre, il est vident que, sous plusieurs rapports, cest une assertion fausse. Dabord, parce que les surrogations, qui ne sont que de conseil, ont une bien plus grande rcompense, comme le prouvent les paroles suivantes qui se lisent dans saint Luc X: "Tout ce que vous aurez fait par surrogation, je vous le rendrai, lorsque je serai de retour." Le commentaire entend cela de la surrogation des conseils; ce qui fait que sabstenir des actes auxquels est due une rcompense excellente, ne peut pas tomber sous le conseil. Mais une rcompense excellente est due aux docteurs comme aux vierges, savoir laurole, ainsi que le prouvent les paroles de Daniel, XII: "Ceux qui enseignent la justice un grand nombre;" le commentaire ajout, par les paroles et par lexemple: "Brilleront comme des toiles pendant lternit." Par consquent comme il ne conviendrait pas de dire quil est conseill de dcliner la virginit ou de fuir le martyre; de mme, il nest pas permis de dire quil tombe sous le conseil de sabstenir denseigner.

2 Il nest pas permis de conseiller une chose oppose aux prceptes ou aux conseils. Mais il est de prcepte ou conseil denseigner, comme le prouvent les paroles suivantes de saint Matthieu ult.: "Allez, enseignez toutes les nations, etc." LAptre dit, Ep. Galates VI: "Vous autres qui tes spirituels, ayez soin de linstruire dans un esprit de douceur." Il nest donc pas possible quil y ait un conseil qui dfende dinstruire.

3 Les conseils que le Seigneur a proposs, sa volont a t quils fussent immdiatement observs par les Aptres, afin que leur exemple portt les autres les observer aussi. Cest pourquoi saint Paul, I Corinthiens VII, proposant le conseil de virginit, dit: "Je veux que tous les hommes soient comme moi-mme." Mais sabstenir denseigner, quils considrent comme un conseil, nappartenait pas aux Aptres, puisque leur mission tait de parcourir lunivers pour instruire. Donc sabstenir dinstruire ne tombe pas sous le conseil. On ne peut pas dire non plus que ce qui rend lenseignement solennel doive tre supprim en vertu dun conseil; parce que ce qui appartient cette solennit nengendre pas lorgueil, autrement il faudrait que tous lvitassent, car chacun est tenu de fuir lorgueil; mais ces choses ont pour but de faire voir lautorit de cette charge; et cest pourquoi, comme la perfection ne perd rien ce que le prtre sassoie au-dessus du diacre, et quil soit revtu dhabits de soie, pour l mme raison, la perfection na pas souffrir de ce que quelquun fait usage des insignes du doctorat; et cest ce que dit la Glose des paroles suivantes de saint Matthieu XXIII: "Ils aiment les premires places." Il ne dfend pas aux matres de sasseoir les premiers, mais il blme ceux qui, soit quils les aient ou ne les aient pas, les convoitent. Mais il est encore plus ridicule de dire, sil ne tombe pas sous le conseil de sabstenir denseigner, que cependant il est conseill de sabstenir du nom de docteur. Il ne peut pas y avoir de conseil ou de prcepte, pour une chose qui nest pas en notre pouvoir, mais en celui dautrui. Nous pouvons la vrit enseigner ou ne pas enseigner, et il a t prouv quil ny a pas de conseil pour cela; mais le nom de docteur nest pas en notre pouvoir, mais bien au pouvoir de ceux qui nous le donnent. Il nest donc pas possible quil soit de conseil que nous ne nous nommions pas docteurs ou matres.

4 Comme on impose les noms pour signifier les fonctions, il est ridicule de dire que le nom soit prohib, lorsque la fonction ne lest pas. Les Aptres durent surtout observer les conseils, puisque cest par leur intermdiaire que cette observation est parvenue jusquaux autres. Il nest donc pas de conseil qui interdise le nom de matre, puisque les Aptres se donnrent eux-mmes les noms de matres ou de docteurs. LAptre dit, I Timothe II: "Je dis la vrit et je ne mens pas, moi qui suis le docteur des nations, dans la foi et la vrit," et dans II Tim.: "En quoi je suis tabli le prdicateur, le docteur et le matre des nations." Il nous reste prouver que les paroles du Seigneur: "Ne veuillez pas tre appels matres," ne renferment pas un conseil, mais bien un prcepte.

1 Il s'agit d'un prcepte, auquel tous les hommes sont tenus, et que ce ne sont ni lacte denseigner, ni le nom de matre qui sont prohibs, mais lambition de la matrise; ce qui fait que lorsquil ajoute: "Ni matres;" le commentaire dit: "Ne convoitez pas dtre appels;" il ninterdit pas toute espce de dsirs, mais seulement le dsir drgl, comme le prouvent les paroles de la Glose, cites plus haut, et parce quil avait aussi parl d'abord des dsirs effrns des Pharisiens, disant: "Ils aiment les premires places, etc." On peut cependant, daprs le commentaire, lentendre dans un autre sens, et cest aussi ce que prouve ce qui entoure la lettre elle-mme. Le Seigneur prohibe en effet, en mme temps et au mme endroit, le nom de pre et de matre, parce que nous navons quun seul Pre qui est dans le ciel, et quun seul matre qui est Jsus-Christ. Dieu, comme le dit en effet la Glose au mme endroit,"par nature est pre et matre." Lhomme nest appel pre, que par indulgence, et matre, par ministre. Le Seigneur dfend dattribuer quelque homme que ce soit, lautorit de la vie naturelle ou spirituelle, ou mme de la sagesse. Le commentaire dit de l: "Pour vous, ne dsirez pas dtre appel matre, de peur que vous nayez la prsomption de vous attribuer ce qui est d Dieu; nappelez pas non plus les autres matres, de peur de transporter aux hommes lhonneur divin." Il est dit cette occasion, dans un autre commentaire," que lon doit donner quelquun le nom de pre, pour honorer son ge, et non pas parce quon le considre comme auteur de la vie." On honore le matre pour ses rapports avec le matre vritable, comme son messager et par respect pour celui qui la envoy. Ainsi donc, il demeure tabli que le Seigneur na pas prohib simplement par conseil ou par prcepte, le nom de pre ou de matre; autrement comment les saints Pres eussent-ils souffert que ceux qui prsident dans les monastres, fussent appels abbs, cest--dire pres? Comment aussi le vicaire de Jsus-Christ qui doit tre un modle de perfection se laisserait-il appeler pape, cest--dire, pre? Saint Augustin et saint Jrme appellent frquemment papes, cest--dire pres, les vques auxquels ils crivent. Il est donc tout fait ridicule de soutenir que, ce que lon dit: "Ne dsirez pas dtre appels matres," soit un conseil. En admettant mme que ce soit un conseil, il ne sensuit pas que tous les hommes parfaits y soient tenus. Ceux en effet qui font profession de perfection, ne sont pas tenus tous les conseils, il ne sont tenus qu ceux auxquels ils sobligent par voeu; autrement les Aptres qui taient dans ltat de perfection eussent t tenus cette surrogation quobservait Paul, et qui faisait quil ne recevait rien des Eglises auxquelles il adressait la parole, et ils eussent pch, vu quils ne lobservaient pas; cest ce que prouve ce qui se lit, I Corinthiens IX. Il suivrait aussi de l une certaine confusion des religions, si toutes taient tenues toutes les surrogations et tous les conseils. Tout ce quune religion ferait par surrogation, les autres seraient aussi obliges de le faire, ce qui fait quil ny aurait plus entre elles de distinction, chose fort dsagrable. Donc, toutes les personnes parfaites ne sont pas obliges tous les conseils, mais seulement ceux auxquels elles sobligent par voeu.

2 Quant ce quils disent, les moines ont pour objet de pleurer et non dinstruire, cest une assertion qui ne vient nullement leur appui; car comme saint Jrme le montre ici, il convient au moine, par l mme quil est moine, de faire pnitence et non dinstruire comme le prtendaient, par prsomption, ceux desquels nous avons prcdemment parl, qui voulaient enseigner parce quils taient moines, peut-tre aussi a-t-il lintention dtablir que ltat du moine ne loblige pas enseigner. Cest l le sens de la preuve de saint Jrme, dans sa lettre contre Vigilance. Mais de ce que le moine nest pas oblig doffice denseigner, il ne faut pas en conclure quon ne peut pas lui en confier le soin, de mme que lon ne doit pas conclure, de ce que la fonction de sous-diacre noblige pas de lire lEvangile, que lon ne peut confier ce soin celui qui a reu cet ordre; cest ce que dit Gratien, XVI Quest, I, Superiori. Saint Jrme a donc voulu distinguer entre la personne du moine et celle du clerc, indiquant ce qui convient chacun par office. Autre chose en effet est ce qui convient chacun, parce quil est moine, autre chose, ce qui lui convient, parce quil est clerc. Il doit, en vertu de son tat de moine, pleurer ses pchs et ceux des autres, il peut tre comme le clerc, charg denseigner et de patre le peuple. On comprend aussi par l, le sens du chapitre cit plus haut, dans lequel Gratien, traitant cette question parle de la science, de la prdication, qui concerne surtout les vques, et non de la doctrine scholastique, laquelle se livrent peu les vques, ce qui fait que cette objection tombe dans lquivoque.

3 Etant donn quil ne soit pas permis aux moines denseigner, on ne peut pas en conclure que les chanoines rguliers ne puissent pas le faire, vu quon les compte au nombre des clercs, desquels parle saint Augustin, dans son discours sur la vie commune des clercs, et comme il est crit, XII Quest, 1, Nemo: "Celui qui aura ou qui voudra, avoir quelque chose" propre et en vivre, il ne vaut pas la peine que jen parle, il ne demeurera pas avec moi, il ne sera pas mme clerc." Ces paroles prouvent que ceux qui vivaient sous le bienheureux Augustin, navaient rien en propre pour vivre et taient compts au nombre des clercs. Bien que, par la suite, saint Augustin ait rvoqu cet interdit gnral, quil avait port; savoir que personne ne pouvait tre clerc, sil ne vivait sans rien possder en propre, il na pas pour cela rvoqu que ceux qui vivaient sous lui sans rien possder, fussent clercs, comme le prouve le 4 Quant ce qu'ils objectent, que lon considre les chanoines rguliers et les moines, comme tant sur la mme ligne, il faut lentendre de tout ce qui est commun toutes les religions; tel que, vivre sans bien propre, sabstenir de commerce, ne pas avocasser, etc. Autrement, on pourrait galement conclure, que les chanoines rguliers ne devraient pas porter de vtements de lin, parce que les moines ne doivent pas en porter. Les religieux, dont la religion a pour but d'instruire, plus forte raison doivent-ils le faire, quand mme les moines ne le pourraient pas; comme il est permis aux templiers de faire la guerre, chose qui ne lest pas aux moines.5 Quant ce quils objectent, que le voeu de religion soppose ce que lon prenne la charge de matre, plusieurs raisons dmontrent la fausset de cette assertion. Les religieux en effet, par le voeu de religion, ne renoncent pas au monde de telle faon, quils ne puissent pas user des choses du monde, ils renoncent la vie mondaine, cest--dire quils ne doivent pas se livrer ce que fait le monde. Il suit de l, quils sont dans le monde, en ce quils usent des choses du monde, mais qu'ils ne sont pas du monde, en tant quils sont libres des actions du monde. Cest pourquoi il nest pas contre le voeu de se servir des richesses du monde et mme quelquefois de partager ses plaisirs; autrement, toutes les fois quils sassoiraient une table richement servie, ils pcheraient mortellement, ce que lon ne peut pas dire. Donc, leur voeu ne dfend pas de jouir parfois des honneurs.6 Ce ne sont pas les seuls religieux qui sont tenus de renoncer au monde dans le sens quon lentend ici, mais cette dfense stend tous les hommes, comme le prouvent les paroles suivantes de saint Jean: "Si quelquun aime le monde, la charit du Pre nest pas en lui, parce que tout ce qui est dans le monde," ajoute le commentaire, etc. Tous ceux qui aiment le monde ne possdent donc rien que ces trois choses qui renferment tous les genres de vices. Il rsulte de l que ce ne sont ni les richesses, ni les dlices de la vie que lon dit appartenir simplement au monde, mais le dsir sans frein de ces mmes richesses et de ces plaisirs; et ainsi ce nest pas aux seuls religieux, mais tous les hommes, quest interdit non pas lhonneur, mais lambition de l'honneur. Le commentaire dit: "L est lorgueil de la vie, cest--dire toute ambition du monde."7 Etant donn que lon comprenne lhonneur comme appartenant simplement au monde, on ne peut cependant pas dire cela de toute espce dhonneur, mais seulement de lhonneur qui consiste dans les choses du monde. On ne peut pas dire, en effet, que lhonneur du sacerdoce appartienne au monde, ni semblablement lhonneur de la matrise, vu que la science qui acquiert un tel honneur est du nombre des biens spirituels. Donc comme les religieux, par leur voeu, ne renoncent pas au sacerdoce, ils ne renoncent pas non plus la matrise ou doctorat.

8 Il est faux de dire que la matrise ou doctorat soit un honneur, car cest une fonction qui entrane avec elle lhonneur. En admettant mme que les religieux eussent renonc toute espce dhonneur, ils noseraient pourtant pas renoncer aux choses auxquelles est d lhonneur, autrement ils auraient renonc aux actions vertueuses. Lhonneur, en effet, daprs le Philosophe, liv. l, Ethic,"est la rcompense de la vertu." Ce nest donc pas une raison pour quelquun de sabstenir de la matrise ou doctorat; parce que le diable en trompe quelques-uns, enfls quils sont par lhonneur quelle procure, comme il ne faut pas sabstenir des bonnes oeuvres, parce que, comme le dit saint Augustin, lorgueil tend mme des piges aux bonnes oeuvres pour les mortifier.

9 Ils objectent encore que les religieux font profession dune humilit parfaite. On rpond cette assertion quelle est fausse; ce nest pas, en effet, dhumilit quils font voeu, mais bien dobissance. Lhumilit, non plus que les autres vertus, ne tombe pas en effet sous le voeu, puisque les actes de vertu sont de ncessit, parce quils sont de prcepte, et que le voeu, lui, est proprement de ce qui est volontaire. La perfection dhumilit ne peut pareillement tomber sous le voeu, non plus que celle de charit, puisque la perfection dune vertu ne vient pas de notre libre arbitre, mais est un pur don de Dieu. Mais en admettant mme quils fussent tenus une humilit parfaite, il ne faut pas en conclure quils ne puissent pas jouir de quelques honneurs; de mme quen vertu de la pauvret parfaite dont ils font profession, il leur est dfendu de possder des richesses, parce que la possession des richesses est une chose oppose la pauvret; ce nest pas la jouissance des honneurs qui est oppose lhumilit, mais cest slever outre mesure dans les honneurs. Saint Bernard dit cette occasion dans son livre de la Considration: "Il ny a pas de perle plus brillante que lhumilit, savoir dans la parure du souverain Pontife." Plus, en effet, il domine les autres par son lvation, plus aussi son humilit le rend suprieur lui-mme. Il est crit dans lEcclsiastique, III: "Plus vous tes lev, plus aussi il faut vous humilier en tout." Quel est celui qui oserait dire que saint Grgoire a perdu de la perfection dhumilit, parce quil a t promu au comble des honneurs de lEglise? Ce que nous venons de dire prouve que la matrise ou doctorat nest pas un honneur; ainsi donc cette raison est de nulle valeur.

10 A ce quils objectent ensuite, on rpond que saint Denis tablit une diffrence entre les moines et les diacres, les prtres et les vques; il est vident aussi quil parle des moines qui, aux temps de la primitive Eglise, ntaient pas clercs, comme le prouve la XVI Quest, I Superiori. Lhistoire ecclsiastique atteste, que les moines, jusquaux temps dEusbe, de Zozime et de Sirice, ne furent pas clercs. Donc, on ne peut rien conclure des paroles de saint Denis, par rapport aux moines, qui sont, ou vques, ou prtres ou diacres. Leur raison se tire aussi dune fausse interprtation de saint Denis. Il donne en effet le nom dactions sacres aux sacrements de lEglise, disant que le baptme est purification et une illumination, mais que la confirmation et leucharistie sont la perfection, comme le prouve ce qui se lit, IV de la Hirarchie ecclsiastique: "Il ny a que les ordres desquels il vient dtre parl, auxquels il est permis de dispenser ces choses." Or, enseigner dans les coles, nest pas une de ces actions dont parle saint Denis; autrement personne, moins quil ne ft diacre ou prtre, naurait le pouvoir denseigner dans les coles.Les moines clercs ont pareillement le pouvoir de consacrer le corps de Jsus-Christ, ce qui nest permis quaux prtres. Donc, plus forte raison, peuvent-ils remplir les fonctions de professeur, qui ne requirent pas dordre sacr.

11 Quant ce quils objectent, que personne ne peut remplir les fonctions ecclsiastiques et continuer de vivre convenablement sous la rgle monastique, et par consquent bien moins dans lenseignement, il ne faut pas lentendre des choses qui appartiennent lessence de la religion, comme le prouve lensemble mme de la question, parce que ceux qui se livrent aux fonctions ecclsiastiques, peuvent les garder parfaitement; mais on doit lentendre des autres observances, telles que le silence, les veilles, etc. Cest encore ce que prouve ce qui suit, dans le chapitre indiqu dj: afin quil garde lui-mme, ce quil y a de difficile dans le monastre, celui qui chaque jour est contraint de se livrer aux fonctions ecclsiastiques. Il ny a pas dinconvnient ce quil y en ait quelques-uns qui sabstiennent de ces observances rgulires, pour se livrer lutilit commune, par lenseignement, comme le prouve la conduite de ceux que lon prend pour lpiscopat; mme lorsquils demeurent dans les clotres, il arrive quelquefois quon les dispense, pour des choses de ce genre, pour une raison quelconque. En outre, il y a certains religieux qui, en demeurant dans leurs clotres, gardent ce que leur ordre a de difficile, et poursuivent nanmoins leur fonction de professeur, fonction quils tiennent de la nature mme de leur ordre.

12 On rpond ce quils objectent, que celui-l dpasse les bornes qui lui sont traces, qui, comme le dit le commentaire au mme en droit, sapplique des choses qui ne lui sont pas permises. Mais on regarde comme permis ce qui nest dfendu par aucune loi. Cest pourquoi, si le religieux fait quelque chose qui ne lui est pas dfendu par sa rgle, il ne dpasse pas les bornes qui lui sont prescrites, bien que rgle ne fasse aucune mention de cette action; autrement il ne serait pas permis certains religieux, qui ont des rgles plus larges, dembrasser les rgles et les statuts dune vie plus parfaite; assertion contraire ce que dit lAptre, Philip, III: "Lequel oubliant ce qui tait derrire lui, savanait vers ce qui tait devant lui." En outre, il y a certains religieux qui, daprs linstitution mme de leur ordre, ont pour objet dacqurir de la science, ce qui fait que cette objection ne les atteint nullement. 13 Quant ce qu'ils objectent, que dans un collge de religieux il ne doit y avoir qu'un docteur, il est facile de voir qu'il s'agit d'une iniquit; car, comme ainsi que nous lavons dit plus haut, les religieux ne sont pas moins humbles que les sculiers, ils ne doivent pas, en ce qui concerne linstruction, tre dune condition pire que la leur. Mais elle le serait daprs ce qui vient dtre dit, puisque plusieurs religieux nauraient pas plus de facilit de parvenir au doctorat quun seul sculier, qui tudierait en particulier et par lui-mme; lui qui il serait possible, pourvu quil et assez de science, dobtenir le titre de docteur. On peut aussi dire quen faisant cette position aux religieux, on entraverait chez eux le progrs des tudes; car, de mme que si lon enlevait celui qui combat la rcompense de la bataille, on entraverait la bataille elle-mme, parce que, comme le dit le Philosophe, III liv, Eth.: "Les hommes, chez lesquels ceux qui sont courageux sont honors, et ceux qui sont timides sont dshonors, semblent tre de valeureux combattants;" de mme, si lon enlve celui qui tudie le titre de docteur, qui est la rcompense de son travail, cest entraver ltude.

On peut encore dire que si, aprs que quelquun aurait fait des progrs dans ltude, on lui refusait le doctorat, on considrerait ce refus comme un chtiment pour lui. Par consquent, sil est plus difficile un religieux qu un autre dobtenir le titre de docteur, par le fait quil est en religion, cest le punir cause de son tat; ce qui est punir les hommes pour le bien, chose vraiment inique.

Il faut donc dire, par rapport ce quils objectent en premier lieu, que cette autorit ne concerne pas plus les religieux que les sculiers. Sous le nouveau Testament, en effet, tous les chrtiens sont appels frres, ce qui est une chose vidente par elle-mme; le collge ou runion des chrtiens, quels quils soient, sappelle Eglise. Lautorit cite cependant ninterdit pas aux religieux, non plus quaux sculiers, dtre plusieurs docteurs, parce que, comme le dit saint Augustin,"on dit quils sont plusieurs docteurs, ceux qui enseignent des choses opposes, et ils sont plusieurs qui enseignent, mais il ny a quun matre dans le cas contraire;" ce qui fait que ce nest pas la pluralit des docteurs qui est dfendue, mais leur opposition; ou daprs la lettre, il est plutt dfendu de ne pas prendre indiffremment qui que ce soit pour enseigner; on doit choisir des hommes discrets et instruits dans les Ecritures, comme le dit encore le commentaire, et cest l le propre du petit nombre. Il est dit dans un autre commentaire,"que cette autorit loigne de la fonction de la parole, ceux qui ne sont pas instruits du verbe de la foi; de peur dentraver les vrais prdicateurs," ou quelle parle du doctorat qui convient aux prlats des glises; "car un seul prlat ne peut pas tre charg de plusieurs glises, de mme, quune seule glise ne peut pas en avoir plusieurs. Cest pour cela que le commentaire dit: "Que votre dsir ne soit pas dtre plusieurs matres ou docteurs, dans une mme glise, ni un seul dans, plusieurs; "cest--dire plusieurs vques, eux qui seuls sont les matres des glises. Ce nest pas en effet celui qui enseigne dans un collge, qui est matre de lglise, bien que le collge auquel il appartient, porte le nom dglise.

Il faut rpondre leur seconde objection, que sil y a plusieurs matres dans un collge, ils ne prsident pas ce collge, comme le pilote dans un navire, ou le chef parmi les abeilles; mais seulement que chacun prside dans sa classe. Lautorit prcite est donc loin de prouver ce quon veut lui faire prouver, elle tablit seulement quil ne peut pas y avoir plusieurs matres dans une classe.

A leur troisime objection, on rpond que, par l mme que, dans un collge de religieux, les matres sont nombreux, ce nest pas ce qui exclut les sculiers de la science; car, quoique les collges religieux soient nombreux, on ne trouve pas toujours dans chaque collge religieux plusieurs hommes aptes instruire; comme il nest pas dfendu quelquun denseigner, par cela quil peut y avoir dans un diocse autant de matres que lon trouve dhommes qui en sont dignes; pour la mme raison, il arrive que si mme lon en trouve plusieurs qui soient aptes le faire, il faut choisir parmi eux ceux qui sont le plus aptes, soit quils soient religieux ou sculiers et cela sans acception de personne. Ce nest pas le grand nombre de matres, qui fait mpriser lEcriture sainte, sils sont capables; ce qui surtout la fait mpriser, cest leur incapacit, quand mme ils seraient peu nombreux. Cest pourquoi il ne convient nullement de dterminer le nombre des docteurs, de peur dexclure par l ceux qui sont les plus dignes denseigner.CHAPITRE III Est-il permis un religieux de faire partie dune socit de moines sculiers?

Pousss quils sont par la mchancet qui les anime, ils sefforcent de prouver que les religieux ne doivent pas communiquer avec les sculiers, pour les choses qui concernent ltude, en sorte que sils ne peuvent pas compltement les empcher denseigner, ils les entravent au moins dans laccomplissement de cette charge. Pour prouver cette thse, ils sappuient sur: 1 Sur ce qui se lit dans la 16. Const, Quest. VII Cons. in nova actione; il y est dit: "Dans une seule et mme fonction, il ne doit pas y avoir de profession dissemblable;" cest aussi ce que prohibe la loi divine. Moise dit cet gard: "Vous ne labourerez pas avec le boeuf et lne lie ensemble;" cest--dire, vous nassocierez pas pour la mme fonction des hommes de professions diverses; et un peu plus bas: "Car, ils ne peuvent tre ni unis, ni associs, ceux dont les tudes et les voeux sont diffrents. "Mais comme la profession des religieux et celle des sculiers sont dissemblables, il nest pas possible de les unir pour enseigner. Comme pareillement chacun doit vivre de la mme vie que ceux avec qui il est uni, il ne parait pas convenable, daprs saint Augustin, quun seul et mme individu fasse, en mme temps et au mme moment, partie dune socit de religieux et dune socit de sculiers; il ne lui est pas possible, en effet, dimiter en mme temps les actions des uns et des autres.

Ainsi donc, un religieux qui est membre dune socit ou collge de sa religion, ne peut pas faire partie dune socit de docteurs sculiers. Il est pareillement tabli, daprs ce quen a rgl le Droit, que le mme individu ne peut pas faire partie de diverses socits sculires, moins que par hasard il nait t dispens; plus forte raison donc il nest pas permis un religieux, qui fait partie dune socit ou collge de sa religion, dtre membre dune socit sculire. Tous ceux aussi qui font partie dune socit, sont tenus dobserver les lois de cette socit ; mais les religieux ne peuvent observer les lois qui conviennent une socit de docteurs sculiers, car il ne leur est pas possible de sobliger ce quoi sengagent les autres, il ne leur est pas permis de faire les mmes serments, ni dobserver ce quils observent, vu quils ne sont pas matres deux-mmes, sui juris, mais quils sont sous la dpendance dautrui; ainsi donc, il est vident quils ne peuvent pas faire partie de la mme socit queux.

Mais poussant encore plus loin leur malice, ils cherchent retrancher de la socit, en les diffamant, ceux quils voient ne pouvoir en sparer par des raisons efficaces. Ils disent en effet, que les religieux causent des scandales et sont des pierres dachoppement; ce qui fait quil faut viter leur socit, comme le dit lAptre, Rom ult.: "Mais je vous prie, mes frres, de prendre garde ceux qui causent parmi vous des divisions et des scandales contre la doctrine que vous avez apprise, et dviter leur compagnie."Ils soutiennent aussi, quil faut viter les religieux, parce -quils vivent dans loisivet, et que lAptre dit, II Thessaloniciens III: "Nous vous ordonnons, mes frres, au nom de Notre Seigneur Jsus-Christ;" le commentaire ajoute: "nous vous commandons par Jsus-Christ: De vous loigner de tous ceux dentre vos frres qui se conduisent dune manire drgle," la glose dit: "cest--dire, de ne pas communiquer avec ceux qui vivent dune manire peu conforme la tradition quils ont reue de nous;" il ajoute ensuite, par rapport au travail des moines, ce qui suit: "Car vous savez vous-mmes comment il faut nous imiter, etc." Il dit expressment encore plus bas: "Si quelquun nobit pas ce que nous ordonnons par notre lettre, savoir en ce qui con cerne le travail des mains, notez-le. Et nayez pas de commerce avec lui, afin quil en ait de la confusion et de la honte." Ils accusent aussi les religieux dtre eux-mmes les auteurs des dangers qui existeront dans les derniers temps, ce qui fait quil faut les viter ainsi que le dit lAptre, II Timothe III: "Mais sachez que dans les derniers jours, il viendra des temps dangereux, car il y aura des hommes amoureux deux-mmes, avares, glorieux, superbes, etc." et un peu plus bas "qui auront une apparence de pit;" cest--dire, daprs le commentaire, de religion,"mais qui ruineront la vrit et lesprit ; fuyez donc ces personnes." Mais il est crit, mme chapitre: "Les hommes mchants et les imposteurs se glorifieront de plus en plus dans le mal, tant eux-mmes dans lillusion et y faisant tomber les autres." Cest pourquoi, ne se contentant pas de diffamer les moines, ils sappliquent ruiner lautorit mme de lAptre, disant: Que lautorit apostolique elle-mme, ne peut pas les contraindre admettre les religieux dans leur socit, parce que daprs les rgles du droit civil, personne ne peut tre contraint faire partie dune socit vu que cest la volont qui donne de la consistance la socit. Il rsulte donc de l, quil ny a pas dautorit qui puisse les contraindre dadmettre les religieux dans leur socit.

Lautorit apostolique, disent-ils encore, ne stend qu ce qui concerne la chaire. Ce qui fait que lAptre disait, II Corinthiens X "Ainsi nous ne nous glorifions pas dmesurment, mais nous renfermant dans les bornes du partage que Dieu nous a donn." Mais comme ils le disent, la socit de ceux qui tudient ne dpend pas de la chaire, il ny a seulement que la collation des bnfices, ladministration des sacrements, etc. qui en dpendent; ce qui fait encore quon ne peut pas les forcer par lautorit apostolique, admettre les religieux dans leur socit. Ils disent aussi, le pouvoir confr aux ministres de lEglise, ils ne le reoivent pas pour la destruction, mais bien pour difier, ainsi que le dit lAptre, II Cor ult. Mais la socit des religieux et des sculiers est organise de manire tendre la destruction, ainsi quils sefforcent de le prouver par ce qui prcde; ce qui fait quon ne peut pas les forcer, par lautorit apostolique, admettre les religieux dans leur socit.

Il est facile de voir que ce sentiment, qui est le leur, est faux, condamnable et futile. Il mrite dtre condamn, parce quil droge lunit de lEglise qui, daprs lAptre, consiste, Romains XII,"en ce qutant plusieurs, nous ne sommes quun seul corps en Jsus-Christ, tant mutuellement les membres les uns des autres." "Nous sommes, dit le commentaire, les membre les uns des autres, quand nous venons en aide aux autres, ou que nous avons besoin de leur secours." Cest pourquoi on dit chacun, daprs le commentaire, parce quil ny en a aucun dexclu, ni le plus grand, ni le plus petit. Il est vident, daprs cela, quil droge lunit de l'Eglise celui, quel quil soit, qui empche quelquun dtre membre dun autre en le servant, suivant que sa charge lexige. Mais comme la fonction denseigner convient aux religieux, fonction de laquelle parle lAptre un peu plus loin, lorsquil dit: "Soit celui qui enseigne", le commentaire ajoute,"qui a grce pour enseigner," "devient membre de lautre par la communication de la science." il est donc vident quil droge lunit ecclsiastique celui, quel quil soit, qui empche les religieux de communiquer aux autres la science par lenseignement, ou de lapprendre eux-mmes de quelquun. Elles drogent la charit les choses dites plus haut, parce que, daprs le Philosophe, VIII liv. Ethic,"lamiti est fonde sur la communication, et cest ce qui la conserve." Ce que dit Salomon au livre des Proverbes vient lappui de ce qui prcde, XVIII: "Lhomme aimable pour la socit sera plus vritablement ami que le frre." Celui donc qui empche les sculiers davoir des rapports avec les religieux pour ltude, ou vice-versa, entrave la charit, et par-l mme rpand des ferments de dissensions et de querelles.

Cette opinion droge aussi aux progrs des tudes. Dans toutes les affaires que plusieurs peuvent traiter, lunion dun certain nombre de personnes est dun grand secours. On lit au livre des Proverbes, XVIII: "Le frre qui est soutenu de son frre est comme une ville forte;" et dans lEcclsiastique, IV: "Il vaut mieux quils soient deux quun seul, car ils ont lavantage de leur union." Mais lunion est surtout utile pour sinstruire, parce que souvent lun ignore ce quun autre dcouvre ou ce qui lui est communiqu. Le Philosophe dit aussi dans le premier livre du monde et du ciel que "les anciens philosophes, dans diverses runions, dcouvrirent la vrit sur le choses clestes." Celui donc, quel quil soit, qui spare un genre quelconque dhommes de la socit de ceux qui tudient, met un obstacle ltude commune, chose surtout vraie pour les religieux qui, plus ils sont libres des soucis du sicle, plus ils sont aptes ltude, daprs ce qui se lit dans lEcclsiastique, XXXVIII: "Celui dont la vie est moins active acquerra la sagesse."Le sentiment prcit droge aussi la communaut dans la foi qui, parce quelle doit tre une, est appele catholique. Il arrive, en effet, facilement que ceux qui ne se communiquent pas, dans leurs runions, la science quils possdent, enseignent quelquefois des choses diffrentes et mme contraires, ce qui fait que lAptre dit de lui-mme, Galates Il: "Quatorze ans aprs, jallai de nouveau Jrusalem avec Barnab, et je pris Tite avec moi. Or jy allai suivant une rvlation que jen avais eue, et jexposai aux fidles, et en particulier ceux qui paraissaient les plus considrables, lEvangile que je prche parmi les Gentils, de peur de courir ou davoir couru en vain." On lit aussi dans les Dcrets, Dist. V, cap. Canones, que "les conciles commencrent au temps de Constantin." Dans les annes qui prcdrent, la perscution svissant, on navait pas eu la facilit dinstruire les peuples, ce qui fit que la chrtient fut divise entre plusieurs hrsies, parce que les vques navaient pas la facilit de se runir tous ensemble. Il est donc dmontr quil introduit la division au pril de la foi, celui qui ne permet pas aux docteurs de cette mme foi de sunir en une seule socit. Il est par consquent prouv que, sous plusieurs rapports, cette opinion est condamnable.

Elle est fausse aussi cette opinion, comme le prouvent une foule de raisons, parce quelle est contraire la doctrine des Aptres qui ne peut pas tre fausse. Il est en effet crit, I Pierre, chapitre IV: "Que chacun de vous rende service aux autres selon quil a reu, comme tant fidle dispensateur des diffrents genres de grces de Dieu." Le commentaire dit la grce, cest--dire tout don venant du Saint-Esprit, et aidant secourir les autres, tant parmi les sculiers que parmi ceux qui mnent une vie spirituelle; et il en donne un exemple pour le don de science, disant: "Si quelquun parle, quil prononce comme la parole mme de Dieu;" le commentaire ajoute "Si quelquun a le don de la parole, quil limpute Dieu et non lui-mme, mais quil craigne dinstruire son frre contre la volont de Dieu, lautorit des Ecritures, ou contre son avantage mme; quil craigne aussi de taire ce quil devrait enseigner." Par consquent, celui qui dit que les religieux ne doivent pas communiquer mutuellement leur science avec les sculiers est en contradiction vidente avec lautorit apostolique.

Le Sage dit aussi dans lEcclsiastique, XXXIII: "Considrez que je nai pas travaill pour moi seul, mais bien pour tous ceux qui veulent sinstruire." Cest, comme le dit le commentaire sur ce point, le fait du docteur ecclsiastique qui, soit quil crive, soit quil enseigne, ne profite pas pour lui seul, mais aussi pour les autres. Celui qui dit tous ne fait pas dexception. Donc les docteurs, tant religieux que sculiers, doivent, par leur enseignement, profiter gnralement tous, aux religieux comme aux autres.

Les charges pareillement sont aussi diverses dans lEglise que les membres dans le corps, comme le prouvent et les paroles et le commentaire de la premire Ep. aux Corinthiens XII: "Mais les docteurs clans lEglise sont comme les yeux dans le corps." Ce qui fait que, par ce qui se lit dans saint Matthieu XVIII "Si votre oeil vous scandalise," on entend les docteurs et les conseillers, comme le prouve la Glose. Mais dans le corps humain, tout est dispos de telle sorte que loeil pourvoit indiffremment aux besoins de tous les membres. Il est crit, I Corinthiens XII: "Loeil ne peut dire la main, je nai pas besoin de vous, ni la tte aux pieds, je nai nul besoin de vous." Donc tous ceux qui sont chargs dinstruire doivent tre utiles tous par leurs enseignements, de quelque condition quils soient, et les religieux aux sculiers, et les sculiers aux religieux.

Il est pareillement un acte quelconque qui convient tous les hommes, quels quils soient; mais tous ceux qui ont pour but le mme acte peuvent tre admis dans la socit de ceux qui ont pour but de faire cet acte, puisque la socit parat ntre autre chose quune runion dhommes pour faire une action en commun; ce qui fait que tous ceux qui il est permis de combattre peuvent sunir dans la mme arme qui a pour but le combat. Nous ne voyons pas, en effet, les religieux militaires rejeter de leur arme les militaires sculiers, ni vice-versa. Mais la socit dtude a pour but denseigner et dapprendre. Donc, comme il nest pas seulement permis aux sculiers, mais encore aux religieux dinstruire et dapprendre, ainsi que le prouve ce qui a t dit, il nest pas douteux que les religieux et les sculiers ne puissent former une socit dtude.

Lopinion que nous venons dexposer est frivole, et ce qui le prouve, cest que les rais6ns sur lesquelles elle sappuie sont de nulle valeur, et quelles rvlent lignorance fausse ou relle de ceux qui les rapportent. La Socit, comme il a t dit, est une runion dhommes dont le but est de faire une chose; et cest pourquoi, daprs les diffrentes choses que la socit a pour but dexcuter, il est ncessaire de distinguer les diverses socits et de les juger, vu que le jugement de chaque socit se tire surtout de la fin mme de la socit. Cest pourquoi le Philosophe, VIII livre Ethic, distingue les diffrents rapports qui ne sont rien autre chose que certaines socits, daprs les diverses fonctions pour lesquelles les hommes ont des rapports mutuels; il distingue les amitis daprs ces rapports, telles que celles de ceux qui vivent ensemble, qui font le commerce de concert, etc. Cest l aussi lorigine de la distinction des socits; on distingue la socit publique et la socit prive. On donne le nom de socit publique celle par laquelle les hommes ont des rapports mutuels pour tablir une rpublique, tels que les hommes dune ville ou dun royaume qui sont unis dans une seule rpublique. La socit prive, elle, consiste dans lunion dhommes pour excuter une oeuvre particulire, par exemple, si deux ou trois hommes sunissent pour faire le commerce ensemble. On distingue lune et lautre de ces deux socits en socit perptuelle et en socit temporaire. Lobligation que contractent certains hommes, quils soient deux ou trois, est quelquefois perptuelle; tels que ceux qui deviennent citoyens dune vifie, ils constituent alors une socit perptuelle; car, dans ce cas, on choisit une ville pour y demeurer toute sa vie, et cest l la socit politique. La socit prive pareillement, qui existe entre lhomme et la femme, le matre et le serviteur, dure perptuellement cause de la perptuit du lien qui les unit, et cette socit sappelle iconomica, ou socit de famille. Mais quand laffaire, pour lexcution de laquelle un certain nombre de personnes sunissent, ne doit durer que temporairement, la socit alors est simplement temporaire et non perptuelle; tel, par exemple, que si plusieurs marchands sunissent pour les foires, ils ne le font pas pour y demeurer toujours, mais seulement jusqu ce que leurs affaires soient termines; cest l la socit publique temporaire. Si pareillement deux associs tiennent la mme htellerie, ils ne fortifient pas une socit perptuelle, mais seulement une socit temporaire.

On ne doit donc pas juger de la mme manire de ces diverses socits; ce qui fait que celui qui se sert indistinctement du nom de socit ou de collge fait preuve dignorance. Il est donc facile de voir, daprs cela, ce quil faut rpondre nos adversaires. f A ce quils objectent, que dans une seule et mme fonction il ne

doit pas, y avoir de professions diverses, et un peu plus bas, vous nassocierez pas les hommes de professions diverses, on rpond quil faut entendre ces paroles des fonctions distinctives, comme, par exemple, quil nest pas permis dassocier les laques avec les clercs, pour lexercice des fonctions clricales, ce qui fait quil est dit avant les paroles prcites: Il ne convient pas quun laque soit le vicaire dun vque, ni que les ecclsiastiques soient juges. Il nest pas non plus permis au religieux de sassocier au laque, relativement aux choses qui le distinguent de lui; tel par exemple que pour les affaires sculires qui lui sont interdites. Il est crit, II Timothe II: "Que personne, combattant pour le Seigneur, ne se mle aux affaires du sicle." Mais apprendre et enseigner sont une fonction commune et au religieux et au sculier, comme le prouve ce qui a t dit prcdemment ; ce qui fait que rien ne soppose ce quils forment une seule et mme socit des uns et des autres, pour enseigner et pour apprendre, comme les hommes de conditions diffrentes forment le corps de lEglise en tant quils sont unis dans la foi, ainsi que le dit lAptre aux Galates, III: "Il ny a ni Juif, ni Grec, ni homme libre, ni esclave, ni homme, ni femme, .car tous vous ntes quun en Jsus-Christ."2 On rpond ce quils objectent en second lieu que, comme il y a certaines choses qui sont communes aux religieux et aux sculier3, il yen a aussi dautres qui les distinguent; tel, par exemple, quune socit qui ne concerne que les sculiers, et qui les fait sunir ensemble pour lexcution de choses qui ne regardent queux seuls. Les religieux forment aussi, seuls, une certaine socit dans laquelle on accomplit ce qui constitue la vie de religion. Il y a aussi des choses qui sont communes et aux religieux et aux sculiers, ce sont celles qui, sans les distinguer les uns des autres, font quils sentraident; ainsi les religieux et les sculiers font partie de la socit dune mme Eglise de Jsus-Christ, en tant quils nont quune mme foi qui consomme lunit de lEglise. Comme pareillement enseigner et apprendre con- vient et aux religieux et aux sculiers, on ne doit pas considrer la socit dtude comme une socit religieuse, ni comme une socit sculire, mais comme une socit embrassant lun et lautre.

3 A ce quils objectent encore, savoir que personne ne peut faire partie de deux socits, on rpond que cette raison pche par trois cts. f0 Parce que la partie ne conclut rien en nombre contre le tout. La socit prive est une partie de la socit publique, comme la maison est une partie de la ville, ce qui fait que si quelquun est membre de la socit dune famille quelconque, il fait ds lors partie de la socit de la ville qui se compose de diverses familles; il nest pas pour cela de deux socits. Par consquent, comme la socit dtude est une socit publique, si quelquun appartient une socit particulire de quelques tudiants, tel que la socit de ceux qui se runissent pour vivre ensemble dans une maison religieuse ou sculire, il fait par cela mme partie de la socit commune dtude, sans que pour cela il appartienne deux socits. 2 La raison prcite est dfec tuet en ce que rien nempche quelquun dtre membre dune socit perptuelle publique ou prive, et dtre en mme temps et ensemble de quelque socit publique ou prive temporaire; comme, par exemple, celui qui fait partie de la socit dune cit quelconque est quelquefois membre temporaire de la socit de ceux qui combattent avec lui dans la mme arme; celui qui fait partie dune famille peut temporairement aussi sassocier avec dautres dans une lj Mais la socit dtude ou collge nest pas une socit perptuelle, elle nest que temporaire; car les hommes qui sunissent pour tudier, ne sunissent pas pour demeurer toujours ensemble ils vont et viennent selon leur bon plaisir, ce qui fait que rien ne soppose ce que celui qui fait partie dune socit religieuse perptuelle ne fasse en mme temps partie dune socit scolastique. 30 La raison prcite pche encore en ce quelle tend au gnral le particulier. Que quelquun ne puisse pas faire partie de deux socits, on len tend de deux socits ecclsiastiques, vu quune mme personne ne peut pas, sans dispense ou cause lgitime, tre chanoine de deux glises; cest pourquoi il est crit, XXIC Const, quest. I: "Aucun clerc ne peut tre considr pendant un seul instant comme faisant partie de deux glises." Il nen est pas de mme pour les autres socits, car un seul et mme homme peut tre citoyen dans deux cits; par consquent comme la socit scolastique nest pas une socit ecclsiastique, rien nempche que celui qui est membre de quelque socit religieuse ou sculire ne fasse en mme temps partie dune socit scolastique.

40 On rpond ce quils objectent, quil nest permis aux religieux de faire partie dune socit de sculiers quautant quils sont autoriss enseigner ou tudier; chose quils ne peuvent pas faire sans la permission de leurs suprieurs et en dehors de leur direction; quils peuvent, sur leur autorisation, tre dchargs de leurs serments et des choses auxquelles ils sont licitement astreints, afin de pouvoir devenir membres dune socit sculire. Il importe cependant de savoir que, comme la perfection du tout consiste dans lunion des parties, cela rpugne au tout qui fait que les parties ne se con viennent pas, car cela mme rpugne la perfection du tout; ce qui fait que tous les rglements qui existent dans une rpublique doivent tre tels, quils conviennent tous ceux qui sont de cette rpublique, mais sils entravaient lunion des citoyens, il faudrait plus se hter de les faire disparatre, quil ne faudrait mettre dempressement faire disparatre la dsunion qui rgnerait dans la rpublique, vu que ces rglements sont tablis pour conserver lunit de la rpublique et non vice versa. Une socit scholastique ne doit donc pareillement pas avoir certains rglements qui ne conviennent pas tous ceux qui se runissent licitement pour tudier. Les paroles de lAptre quils citent leur appui ne prouvent rien en leur faveur, Ittt que les religieux ne ressemblaient pas ceux dont parle lAptre, comme le prouve chacune des choses quil dit. Ce quil dit en effet, Romains XII: "Mais je vous prie mes frres, etc." sentend des hrtiques qui faisaient que [ hommes ne pensaient pas de la mme manire sur la foi, comme le prouve ce quil dit: "En dehors de la doctrine que vous avez apprise," le commentaire ajoute: "des vritables aptres;"parce que ceux desquels il ordonne de sloigner traitaient de la loi, vu quils contraignaient les Gentils judaser. Il en est de mme de ce qui se lit, II Thessaloniciens III: "Mais nous vous annonons, etc." Ceci ne concerne pas les religieux, mais seulement ceux qui se livrent des commerces honteux et sabandonnent loisivet, comme le prouvent les paroles suivantes de lAptre: "Car nous avons appris quil y en parmi vous quelques-uns qui vivent dans loisivet, ne faisant rien, mais qui sont guids par la curiosit;" le. commentaire ajoute "Qui se pourvoient des choses ncessaires par des soins ignobles." Il en est de mme de ce que dit lAptre, II Timothe III: "Mais sachez cela, parce que dans les derniers temps, etc." Ces paroles concernent les hrtiques et non les religieux, comme le prouve ce qui suit: Les blasphmateurs;"la Glose: "Contre Dieu par les hrsies. Et par ce quil ajoute: "De mme que Janns et Mambrs rsistrent Mose, de mme ceux-ci," la Glose ajoute," savoir, les hrtiques rsistent la vrit, ainsi que les hommes rprouvs et dont lesprit est corrompu pour ce qui est de la foi." Ce quil ajoute "Ayant une certaine apparence de pit," cest--dire de religion, ne dtruit nullement ce que nous venons de dire. On prend, en effet, ici la religion pour la latrie qui annonce la foi. Le mot religion, dans ce sens, signifie la mme chose que pit, comme le prouve ce que dit saint Augustin dans le dixime livre de la cit de Dieu.

Mais quand mme les religieux seraient, en totalit ou en partie, tels quils le disent, il ne leur appartiendrait pas, pour cela les exclure de leur communion, ainsi que le prouve le commentaire des paroles suivantes, f. Corinthiens V: "Celui qui est appel frre,"etc. il nest pas mme permis, ainsi que le dit le commentaire, de " prendre de nourriture avec cet homme."En disant: "est appel," il prouve que ce nest pas tmrairement et sans raison, mais que cest sur un jugement quil faut retrancher les mchants de kassemble de lEglise, si on ne peut pas les en retrancher par un jugement, il faut plutt les supporter. Il ne nous est pas permis, en effet, de retrancher quelquun de notre communion, . moins quil ne confesse spontanment ou quil ne soit nomm ou convaincu dans quelque jugement ecclsiastique ou sculier. Il ne veut donc pas, en disant cela, que lhomme soit jug par lhomme sur larbitraire dun soupon, ou mme par un jugement extraordinaire et usurp, mais plutt daprs la loi de Dieu, conformment ce que lEglise a tabli, soit quil ait avou de lui-mme, ou qutant accus il ait t convaincu. Il est donc vident que quand mme les religieux seraient tels quils le disent, il ne leur serait pas pour cela permis de les loigner de leur socit, moins quils neussent t condamns par un jugement en forme. Pour ce qui est des choses qui suivent, ils drogent lautorit apostolique, ce qui fait quen ce point ils ne se rendent pas seulement coupables du crime derreur, mais encore de celui dhrsie, parce que, comme il est crit dans les dcrets, Dist .XXII, Omnes: "Celui qui sapplique enlever lEglise romaine le privilge que lui a confi le chef suprme de toutes les Eglises, tombe, sans aucun doute, dans lhrsie;" et, un peu plus bas: "car il viole la foi celui qui travaille contre celle qui est la mre de la foi." Mais Jsus-Christ a confi lEglise romaine ce privilge: cest que tous doivent lui obir comme lui-mme. Saint Cyrile, vque dAlexandrie, dit cette occasion, il livre des