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Extrait de la publication

Thomas l'obscur (passagem)

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Primeiro livro de Blanchot.

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  • DU MME AUTEUR

    Aux ditions Gallimard

    THOMAS L'OBSCUR.

    AMINADAB, roman.

    FAUX PAS.

    L'ARRT DE MORT.

    LE TRS-HAUT, roman.

    LA PART DU FEU.

    THOMASL'OBSCUR (nouvelle version).

    AU MOMENT VOULU, rcit.

    CELUI QUI NE M'ACCOMPAGNAIT PAS.

    L'ESPACE LITTRAIRE.

    LE DERNIER HOMME.

    LE LIVRE VENIR.

    L'ATTENTE L'OUBLI.

    L'ENTRETIEN INFINI.

    L'AMITI.

    LE PAS AU-DEL.

    L'CRITURE DU DSASTRE.

    DE KAFKA KAFKA.

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  • THOMAS L'OBSCUR

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  • MAURICE BLANCHOT

    THOMAS

    L'OBSCUR

    Nouvelle version

    nrf

    GALLIMARD

  • ditions Gallimard, 1950.

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  • Il y a, pour tout ouvrage, une infinit devariantes possibles. Aux pages intitules Tho-mas l'Obscur, crites partir de 1932, remises l'diteur en mai 1940, publies en 1941, laprsente version n'ajoute rien, mais comme elleleur te beaucoup, on peut la dire autre etmme toute nouvelle, mais aussi toute pareille,si, entre la figure et ce qui en est ou s'en croitle centre, l'on a raison de ne pas distinguer,chaque fois que la figure complte n'exprimeelle-mme que la recherche d'un centre ima-ginaire.

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  • Thomas s'assit et regarda la mer. Pendantquelque temps il resta immobile, comme s'iltait venu l pour suivre les mouvementsdes autres nageurs et, bien que la brumel'empcht de voir trs loin, il demeura, avec

    obstination, les yeux fixs sur ces corps quiflottaient difficilement. Puis, une vague plusforte l'ayant touch, il descendit son toursur la pente de sable et glissa au milieu desremous qui le submergrent aussitt. La mertait tranquille et Thomas avait l'habitudede nager longtemps sans fatigue. Mais aujour-d'hui il avait choisi un itinraire nouveau.

    La brume cachait le rivage. Un nuage taitdescendu sur la mer et la surface se perdaitdans une lueur qui semblait la seule chosevraiment relle. Des remous le secouaient,sans pourtant lui donner le sentiment d'tre

    l

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  • au milieu des vagues et de rouler dans deslments qu'il aurait connus. La certitudeque l'eau manquait, imposait mme soneffort pour nager le caractre d'un exercicefrivole dont il ne retirait que du dcoura-gement. Peut-tre lui et-il suffi de se ma-triser pour chasser de telles penses, mais sesregards ne pouvant s'accrocher rien, il luisemblait qu'il contemplait le vide dans l'in-tention d'y trouver quelque secours. C'estalors que la mer, souleve par le vent, sedchana. La tempte la troublait, la disper-sait dans des rgions inaccessibles, les rafalesbouleversaient le ciel et, en mme temps,

    il y avait un silence et un calme qui laissaientpenser que tout dj tait dtruit. Thomaschercha se dgager du flot fade qui l'envahis-sait. Un froid trs vif lui paralysait les bras.L'eau tournait en tourbillons. tait-ce rel-

    lement de l'eau? Tantt l'cume voltigeaitdevant ses yeux comme des flocons blan-chtres, tantt l'absence de l'eau prenait son

    corps et l'entranait violemment. Il respiraplus lentement, pendant quelques instantsil garda dans la bouche le liquide que lesrafales lui poussaient contre la tte douceurtide, breuvage trange d'un homme priv

  • de got. Puis, soit cause de la fatigue, soitpour une raison inconnue, ses membres luidonnrent la mme sensation d'tranget quel'eau dans laquelle ils roulaient. Cette sensa-tion lui parut d'abord presque agrable. Ilpoursuivait, en nageant, une sorte de rveriedans laquelle il se confondait avec la mer.L'ivresse de sortir de soi, de glisser dans levide, de se disperser dans la pense de l'eau,lui faisait oublier tout malaise. Et mme,

    lorsque cette mer idale qu'il devenait toujoursplus intimement fut devenue son tour lavraie mer o il tait comme noy, il ne futpas aussi mu qu'il aurait d l'tre il yavait sans doute quelque chose d'insuppor-table nager ainsi l'aventure avec un corpsqui lui servait uniquement penser qu'ilnageait, mais il prouvait aussi un soula-gement, comme s'il et enfin dcouvert lacl de la situation et que tout se ft bornpour lui continuer avec une absence d'orga-nisme dans une absence de mer son voyageinterminable. L'illusion ne dura pas. Il luifallut rouler d'un bord sur l'autre, comme un

    bateau la drive, dans l'eau qui lui donnaitun corps pour nager. Quelle issue? Lutterpour ne.pas tre emport par la vague qui

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  • tait son bras? tre submerg? Se noyeramrement en soi? C'et t certes le moment

    de s'arrter, mais un espoir lui restait, ilnagea encore comme si au sein de son inti-mit restaure il et dcouvert une possi-bilit nouvelle. Il nageait, monstre priv denageoires. Sous le microscope gant, il sefaisait amas entreprenant de cils et de vibra-tions. La tentation prit un caractre tout fait insolite, lorsque de la goutte d'eau ilchercha se glisser dans une rgion vagueet pourtant infiniment prcise, quelque chosecomme un lieu sacr, lui-mme si bien

    appropri qu'il lui suffisait d'tre l, pourtre; c'tait comme un creux imaginaire oil s'enfonait parce qu'avant qu'il y ft, sonempreinte y tait dj marque. Il fit doncun dernier effort pour s'engager totalement.Cela fut facile, il ne rencontrait aucun obs-

    tacle, il se rejoignait, il se confondait avecsoi en s'installant dans ce lieu o nul autre

    ne pouvait pntrer.Finalement il dut revenir. Il trouva aisment

    le chemin du retour et prit pied un endroitqu'utilisaient quelques nageurs pour plonger.La fatigue avait disparu. Dans les oreillesil gardait une impression de bourdonnement

  • et de brlure dans les yeux, comme il fallaits'y attendre aprs un trop long sjour dansl'eau sale. Il s'en rendait compte lorsque,se tournant vers la nappe sans fin sur laquellese refltait le soleil, il essayait de reconnatredans quelle direction il s'tait loign. Ilavait alors un vritable brouillard devant la

    vue et il distinguait n'importe quoi dans cevide trouble que ses regards peraient fivreu-sement. A force d'pier, il dcouvrit un hommequi nageait trs loin, demi perdu sousl'horizon. A une pareille distance, le nageurlui chappait sans cesse. Il le voyait, ne levoyait plus et pourtant avait le sentimentde suivre toutes ses volutions non seulement

    de le percevoir toujours trs bien, mais d'trerapproch de lui d'une manire tout faitintime et comme il n'aurait pu l'tre davan-tage par aucun autre contact. Il resta long-temps regarder et attendre. Il y avait danscette contemplation quelque chose de dou-loureux qui tait comme la manifestation d'unelibert trop grande, d'une libert obtenue parla rupture de tous les liens. Son visage setroubla et prit une expression inusite.

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  • Il se dcida pourtant tourner le dos la mer et s'engagea dans un petit bois oil s'tendit aprs avoir fait quelques pas. Lajourne allait se terminer; il n'y avait presqueplus de lumire, mais on continuait voir

    assez distinctement certains dtails du paysageet, en particulier, la colline qui bornait l'ho-rizon et qui brillait, insouciante et libre. Cequi inquitait Thomas, c'est qu'il tait couchl dans l'herbe avec le dsir d'y demeurerlongtemps, bien que cette position lui ftinterdite. Comme la nuit tombait, il essayade se redresser et, les deux mains appuyessur le sol, il mit un genou terre, tandis queson autre jambe se balanait; puis, il fit unmouvement brusque et russit se tenir tout fait droit. Il tait donc debout. A la vrit,il y avait dans sa faon d'tre une indcision

    II

  • qui laissait un doute sur ce qu'il faisait.Ainsi, quoiqu'il et les yeux ferms, il nesemblait pas qu'il et renonc voir dans lestnbres, c'tait plutt le contraire. De mme,quand il se mit marcher, l'on pouvait croireque ce n'taient pas ses jambes, mais son dsirde ne pas marcher qui le faisait avancer.Il descendit dans une sorte de cave qu'ilavait d'abord crue assez vaste, mais qui trsvite lui parut d'une exigut extrme enavant, en arrire, au-dessus de lui, partouto il portait les mains, il se heurtait bruta-lement une paroi aussi solide qu'un murde maonnerie; de tous cts la route luitait barre, partout un mur infranchissable,et ce mur n'tait pas le plus grand obstacle,il fallait aussi compter sur sa volont quitait farouchement dcide le laisser dormir

    l, dans une passivit pareille la mort.Folie donc; dans cette incertitude, cherchant ttons les limites de la fosse vote, il

    plaa son corps tout contre la cloison etattendit. Ce qui le dominait, c'tait le senti-ment d'tre pouss en avant par son refusd'avancer. Aussi ne fut-il pas trs surpris,tant son anxit lui montrait distinctement

    l'avenir, lorsqu'un peu plus tard il se vit

  • port plus loin de quelques pas. Quelquespas, c'tait n'y pas croire. Sans doute, sonavance tait-elle plus apparente que relle,car, ce nouveau lieu ne se distinguant pasde l'ancien, il y rencontrait les mmes diffi-cults, et c'tait d'une certaine manire le

    mme lieu d'o il s'loignait par la terreurde s'en loigner. A cet instant, Thomas commitl'imprudence de jeter un regard autour de lui.La nuit tait plus sombre et plus pniblequ'il ne pouvait s'y attendre. L'obscurit sub-mergeait tout, il n'y avait aucun espoir d'entraverser les ombres, mais on en atteignaitla ralit dans une relation dont l'intimit

    tait bouleversante. Sa premire observationfut qu'il pouvait encore se servir de son corps,en particulier de ses yeux; ce n'tait pas qu'ilvt quelque chose, mais ce qu'il regardait, la longue le mettait en rapport avec une massenocturne qu'il percevait vaguement commetant lui-mme et dans laquelle il baignait.Naturellement, il ne formula cette remarquequ' titre d'hypothse, comme une vue quitait commode, mais laquelle seule la nces-sit de dmler des circonstances nouvelles

    l'obligeait recourir. Comme il n'avait aucunmoyen pour mesurer le temps, il attendit

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  • probablement des heures avant d'acceptercette faon de voir, mais, pour lui-mme, cefut comme si la crainte l'avait emport toutde suite, et c'est avec un sentiment de honte

    qu'il leva la tte en accueillant l'ide qu'ilavait caresse en dehors de lui se trouvait

    quelque chose de semblable sa propre pen-se que son regard ou sa main pourrait tou-cher. Rverie rpugnante. Bientt, la nuit luiparut plus sombre, plus terrible que n'importequelle nuit, comme si elle tait rellementsortie d'une blessure de la pense qui ne sepensait plus, de la pense prise ironiquementcomme objet par autre chose que la pense.C'tait la nuit mme. Des images qui faisaientson obscurit l'inondaient. Il ne voyait rienet, loin d'en tre accabl, il faisait de cetteabsence de vision le point culminant de sonregard. Son il, inutile pour voir, prenait desproportions extraordinaires, se dveloppaitd'une manire dmesure et, s'tendant sur

    l'horizon, laissait la nuit pntrer en soncentre pour en recevoir le jour. Par ce vide,c'tait donc le regard et l'objet du regard quise mlaient. Non seulement cet il qui nevoyait rien apprhendait quelque chose, maisil apprhendait la cause de sa vision. Il voyait

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  • comme objet ce qui faisait qu'il ne voyait pas.En lui, son propre regard entrait sous laforme d'une image, au moment o ce regardtait considr comme la mort de toute image.Il en rsulta pour Thomas des proccupationsnouvelles. Sa solitude ne lui sembla plus aussicomplte, et il eut mme le sentiment quequelque chose de rel l'avait heurt et cher-chait se glisser en lui. Peut-tre aurait-il puinterprter cette sensation autrement, mais illui fallait toujours aller au pire. Son excuse,c'est que l'impression tait si distincte et sipnible qu'il tait presque impossible de n'ypas cder. Mme s'il en avait contest lavrit, il aurait eu le plus grand mal ne pascroire quelque chose d'extrme et de violent,car de toute vidence un corps tranger s'taitlog dans sa pupille et s'efforait d'aller plusloin. C'tait insolite, parfaitement gnant,d'autant plus gnant qu'il ne s'agissait pasd'un petit objet, mais d'arbres entiers, de toutle bois frissonnant encore et plein de vie. Ilressentit cela comme une faiblesse qui le dis-crditait. Il ne fit mme plus attention auxdtails des vnements. Peut-tre un homme

    se glissa-t-il par la mme ouverture, il n'auraitpu l'affirmer ni le nier. Il lui sembla que les

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