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30 n° 275 - février 2019 - AMC Volume discret et monolithique en béton, le nouveau pavillon d’accueil de la maison de Georges Clemenceau de Saint-Vincent-sur-Jard joue pleinement son rôle de bâti- ment de transition. S’il s’intègre harmonieusement à son contexte, il ouvre aussi la porte sur un monde plus intime. « Je vis parmi les fleurs, mais avec la mer comme fond de tableau », disait Clemenceau, qui termina ses jours dans une maison de pêcheur qu’il agrémenta d’un splendide jardin « libre et sans contraintes », conçu par ses soins avec les conseils de son ami Claude Monet. Au bord de la dune, face à l’océan Atlantique, immergé dans le grand paysage, c’est un véritable petit paradis terrestre que s’est façonné le Tigre, un monde à part devenu espace muséal. A priori simple, la commande – une procédure adaptée – consistait à remplacer en lieu et place le pavillon d’accueil qui ne s’était pas relevé du passage de la tempête Xynthia, en 2010. S’il fallait marquer l’entrée, en quelque sorte l’ennoblir pour asseoir le statut du site, l’enjeu, pour les architectes de Titan, était également de créer un bâti- ment qui, au-delà de sa fonction première de billetterie, agisse comme un liant entre le dehors et le dedans, se lise autant à une échelle paysagère qu’à l’aune d’une mesure plus intime, celle de la personnalité de Clemenceau. C’est d’emblée que l’édifice sensibilise les visiteurs à la décou- verte du domaine. « Depuis l’extérieur, nous avons travaillé sur l’amorce du pavillon, qui est un passage du public au privé, la porte d’entrée sur le jardin ; vers lequel, par un effet de chicane, les visiteurs sont directement dirigés », explique l’archi- tecte Mathieu Barré. Depuis la tempête, l’application de la loi s’est faite plus stricte, impliquant notamment de reconstruire sur l’exacte emprise de l’ancien pavillon constitué de deux bâti- ments juxtaposés. L’agence a mis à profit cette contrainte pour réinterroger le volume et le plan. De même, qu’elle a dû le surélever, et donc le raccorder délicatement à l’espace public. Au choix d’un discret monolithe en béton qui renvoie à l’arché- type de la maison que la présence d’une cheminée vient signifier en en soulignant le caractère domestique, s’ajoute celui d’un espace intérieur optimisé. Ce dernier s’articule autour d’une grande nef centrale – abritant la billetterie boutique et un espace de médiation séparé par une simple cloison de verre –, à laquelle se connectent deux entités réser- vées aux locaux techniques et aux bureaux du personnel. Pour ceux qui y pénètrent, cet espace tout en profondeur, semblable à une nappe filante en béton gris laissé volontairement appa- rent, s’offre immédiatement à la déambulation. On s’y sent chaleureusement enveloppé, comme si on avait déjà un pied chez Clemenceau. Le parquet en chêne massif, la présence d’un poêle, le mobilier dessiné sur mesure ou des détails comme des poignées de porcelaine concourent à cette impres- sion, de même que tous les angles saillants, arrondis ou adoucis. « Malgré son passé illustre, cet homme était resté très simple dans son mode de vie ; nous avons cherché à matériali- ser cette humilité », indique l’architecte. Collage de bétons Une rusticité néanmoins contrôlée et contrebalancée par le parti pris architectural de la double coque en béton qui allie contemporanéité et sobriété formelle. Dans la même optique, les menuiseries en acier ont été dessinées le plus finement pos- sible, tout en tenant compte du caractère abrasif du contexte salin. Compact, le monolithe n’en est pas moins vibrant, jouant sur des jeux de texture entre béton lisse et structuré : le collage de deux matières. Il est découpé – comme en plan – avec des formes et contre-formes qui se greffent sur la nef. Cette der- nière est définie par son caractère uniformément lisse couleur dune tandis que les autres volumes sont sablés et réalisés avec des strates différenciées coulées par passe. Sur site, les archi- tectes ont collaboré avec les ouvriers pour faire des tests de sablage et ont travaillé la gradation de la coloration du béton qui, du plus foncé au plus clair, s’atténue progressivement vers le ciel en assumant ses accidents et affleurements. « Dans l’idée du monolithe, on voulait insuffler sur la vêture extérieure un côté manuel, sensible », précise Mathieu Barré. Et c’est précisé- ment ce qui fait la réussite de ce petit édifice qui, davantage que l’élégance de son langage minimaliste, s’impose par l’atmosphère qu’il dégage et sa capacité à se fondre de façon quasi-impressionniste dans un lumineux paysage. TITAN PAVILLON D’ACCUEIL SAINT-VINCENT-SUR-JARD Alice Bialestowski PAGE DE DROITE. Sur l’emprise de l’ancien pavillon d’accueil, le nouvel édifice se distingue par une longue nef en béton lisse sur laquelle se greffent deux volumes en béton texturé.

TITAN PAVILLON D’ACCUEIL SAINT-VINCENT-SUR-JARD · pavillon d’accueil de la maison de Georges Clemenceau de Saint-Vincent-sur-Jard joue pleinement son rôle de bâti-ment de transition

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30 n° 275 - février 2019 - AMC

Volume discret et monolithique en béton, le nouveau

pavillon d’accueil de la maison de Georges Clemenceau

de Saint-Vincent-sur-Jard joue pleinement son rôle de bâti-

ment de transition. S’il s’intègre harmonieusement à son

contexte, il ouvre aussi la porte sur un monde plus intime.

« Je vis parmi les fleurs, mais avec la mer comme fond de tableau », disait Clemenceau, qui termina ses jours dans une maison de pêcheur qu’il agrémenta d’un splendide jardin « libre et sans contraintes », conçu par ses soins avec les conseils de son ami Claude Monet. Au bord de la dune, face à l’océan Atlantique, immergé dans le grand paysage, c’est un véritable petit paradis terrestre que s’est façonné le Tigre, un monde à part devenu espace muséal. A priori simple, la commande – une procédure adaptée – consistait à remplacer en lieu et place le pavillon d’accueil qui ne s’était pas relevé du passage de la tempête Xynthia, en 2010. S’il fallait marquer l’entrée, en quelque sorte l’ennoblir pour asseoir le statut du site, l’enjeu, pour les architectes de Titan, était également de créer un bâti-ment qui, au-delà de sa fonction première de billetterie, agisse comme un liant entre le dehors et le dedans, se lise autant à une échelle paysagère qu’à l’aune d’une mesure plus intime, celle de la personnalité de Clemenceau. C’est d’emblée que l’édifice sensibilise les visiteurs à la décou-verte du domaine. « Depuis l’extérieur, nous avons travaillé sur l’amorce du pavillon, qui est un passage du public au privé, la porte d’entrée sur le jardin ; vers lequel, par un effet de chicane, les visiteurs sont directement dirigés », explique l’archi-tecte Mathieu Barré. Depuis la tempête, l’application de la loi s’est faite plus stricte, impliquant notamment de reconstruire sur l’exacte emprise de l’ancien pavillon constitué de deux bâti-ments juxtaposés. L’agence a mis à profit cette contrainte pour réinterroger le volume et le plan. De même, qu’elle a dû le surélever, et donc le raccorder délicatement à l’espace public. Au choix d’un discret monolithe en béton qui renvoie à l’arché-type de la maison que la présence d’une cheminée vient signifier en en soulignant le caractère domestique, s’ajoute celui d’un espace intérieur optimisé. Ce dernier s’articule autour d’une grande nef centrale – abritant la billetterie boutique et un espace de médiation séparé par une simple cloison de verre –, à laquelle se connectent deux entités réser-vées aux locaux techniques et aux bureaux du personnel. Pour ceux qui y pénètrent, cet espace tout en profondeur, semblable à une nappe filante en béton gris laissé volontairement appa-

rent, s’offre immédiatement à la déambulation. On s’y sent chaleureusement enveloppé, comme si on avait déjà un pied chez Clemenceau. Le parquet en chêne massif, la présence d’un poêle, le mobilier dessiné sur mesure ou des détails comme des poignées de porcelaine concourent à cette impres-sion, de même que tous les angles saillants, arrondis ou adoucis. « Malgré son passé illustre, cet homme était resté très simple dans son mode de vie ; nous avons cherché à matériali-ser cette humilité », indique l’architecte.

Collage de bétons Une rusticité néanmoins contrôlée et contrebalancée par le parti pris architectural de la double coque en béton qui allie contemporanéité et sobriété formelle. Dans la même optique, les menuiseries en acier ont été dessinées le plus finement pos-sible, tout en tenant compte du caractère abrasif du contexte salin. Compact, le monolithe n’en est pas moins vibrant, jouant sur des jeux de texture entre béton lisse et structuré : le collage de deux matières. Il est découpé – comme en plan – avec des formes et contre-formes qui se greffent sur la nef. Cette der-nière est définie par son caractère uniformément lisse couleur dune tandis que les autres volumes sont sablés et réalisés avec des strates différenciées coulées par passe. Sur site, les archi-tectes ont collaboré avec les ouvriers pour faire des tests de sablage et ont travaillé la gradation de la coloration du béton qui, du plus foncé au plus clair, s’atténue progressivement vers le ciel en assumant ses accidents et affleurements. « Dans l’idée du monolithe, on voulait insuffler sur la vêture extérieure un côté manuel, sensible », précise Mathieu Barré. Et c’est précisé-ment ce qui fait la réussite de ce petit édifice qui, davantage que l’élégance de son langage minimaliste, s’impose par l’atmosphère qu’il dégage et sa capacité à se fondre de façon quasi-impressionniste dans un lumineux paysage.

TITANPAVILLON D’ACCUEILSAINT-VINCENT-SUR-JARDAlice Bialestowski

PAGE DE DROITE. Sur l’emprise de l’ancien pavillon d’accueil, le nouvel édifice se distingue par une longue nef en béton lisse sur laquelle se greffent deux volumes en béton texturé.

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32 n° 275 - février 2019 - AMC

TITANPAVILLON D’ACCUEIL

A l’intérieur, les angles ont été adoucis pour une ambiance chaleureuse.

L’espace de médiation, dans le prolongement de la billetterie.PLAN DU RDC

Jardin

Salle de médiation

Accueil -boutique Esplanade publique

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Dehors comme dedans, la double coque de béton est apparente.

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AMC - n° 275 - février 2019 33

LIEU : Saint-Vincent-sur-Jard (Vendée)

MAÎTRISE D’OUVRAGE : Centre des monuments nationaux, direction des monuments et des collections

MAÎTRISE D’ŒUVRE : Titan (Mathieu Barré, François Guinaudeau et Romain Pradeau), architectes paysagistes mandataire ; ECB, économiste ; Luc Moreau, BET CFO-CFA ; inddigo, BET fluides ; Arest, BET structure

PROGRAMME : reconstruction de pavillon d’accueil

SURFACE : 125 m2

CALENDRIER : 2015-2017

COÛT : 500 000 €, dont 80 000 d’aménagement paysager

COUPE DE DÉTAIL SUR LE PAVILLON

1. Souche cheminée en béton2. Parement béton extérieur coloré3. Couche drainante4. Isolation et étanchéité

bitumineuse bicouche5. Congés béton6. Menuiserie acier7. Parement béton finition soignée8. Poêle à bois9. Plancher technique10. Parquet bois massif11. Fondation béton

Teinté dans la masse, le béton a été coulé par passe et sa gradation travaillée de manière à s’éclaircir vers le ciel.

Photo

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Couleur sable, les différents volumes en béton se distinguent par leur matérialité.

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