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« Pour parler de l’ouïe, l’homme pouvait-il recevoir un plus précieux bienfait ? A l’aide de cette faculté, il peut apprendre la prudence et la sagesse, mesurer le nombre dans le discours, établir la cadence, devenir lui-même tout musique, tout harmonie. »

Apulée, De la doctrine de Platon, I.14

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A Bart.

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Table des matières

Note sur la transcription 13

Liste des abréviations et symboles 14

Carte des tribus berbérophones du Rif 17

Introduction 19

Chapitre 1. L’énoncé non-verbal : formes et sens 23 I. Introduction 23

1. Approche théorique et méthodologique 24 2. La prédication non-verbale berbère 27

II. Les assertions 29 1. Les affirmations non-verbales 29 1.1. L’énoncé non-verbal à prédicat nominal 29

1.1.1. L’énoncé non-verbal à auxiliaire de prédication d 301.1.2. L’énoncé non-verbal à juxtaposition de deux nominaux 35 1.1.3. L’énoncé non-verbal à prédicat nominal unique 41

1.2. L’énoncé non-verbal à prédicat prépositionnel 43 1.3. L’énoncé non-verbal à prédicat présentatif 46 1.4. L’énoncé non-verbal à auxiliaire de prédication aqa 501.5. L’énoncé non-verbal à auxiliaire de prédication tu×a 521.6. L’énoncé non-verbal à prédicat monomorphématique 55

1.6.1. Les autonomes 55 1.6.2. Les mots-phrases 58

2. Les négations non-verbales 62 2.1. La négation non-verbale existentielle 63 2.2. La négation non-verbale attributive 67 2.3. Notes conclusives 69

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III. Les questions 70 1. La question authentique 71 1.1. La question totale 71 1.2. La question partielle 76 2. La question rhétorique 79

IV. Les requêtes 81 1. L’ordre 82 2. La requête proprement dite 84 3. Le souhait fictif 85 4. La supplication 85

V. Les exclamations 86 1. L’interjection 87 2. L’exclamation proprement dite 87 3. L’injure 88

VI. Conclusions 90

Chapitre 2. Intonation et structuration de l’oral 93 I. L’intonation comme fait de syntaxe 94

1. Identification du complément explicatif 94 2. Démarcation des énoncés assertifs et leur segmentation en phrases 95 3. La mise en relief 96

II. L’intonation et sa fonction de structurateur hiérarchique 98 1. La subordination à contour intonatif unitaire 99 1.1. La subordination complétive verbale 99 1.2. La position syntagmatique comme facteur distinctif de la

subordination 102 1.3. Un cas particulier de subordination complétive verbale 103 1.4. La subordination complétive non-verbale 104 1.5. La subordination relative 105 2. La subordination à rupture intonative 106 3. La coordination énumérative 109

III. Complémentarité syntactico-énonciative entre morphèmes et intonèmes 110

1. La requête à structure prédicative non-verbale 111 2. Les assertions non-verbales à juxtaposition de deux nominaux 118

IV. Intonation et topicalisation 119 1. Les propriétés intonatives-informatives de la topicalisation 121 2. Les fonctions intonatives des topiques cumulés en narration et en conversation 126 3. La topicalisation berbère est-elle distincte du point de vue

typologique ? 128

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Chapitre 3. Constructions du sens et interactions verbales 129 I. Introduction théorique et méthodologique 129 II. Structuration de l’interaction verbale 135

1. Les activités discursives 135 1.1. La référenciation 135 1.2. La reprise et la reformulation 137 1.3. L’implicite 139 1.4. La modalisation et la modulation 141 2. Les stratégies interactives 142

III. Langue, pouvoir et identité en Afrique du Nord et dans la diaspora 144 1. Contact des langues et construction du sens 146 2. Interactions digitales et construction identitaire 148 2.1. Les sites Web berbères et leurs ressources digitales 149 2.2. Construction identitaire par reconstruction digitale

des genres oraux 150 2.3. Construction identitaire par interaction digitale

sur des « chat forum » 152 IV. Oralité et nouvelles dimensions de l’oralité 158

1. Reconstruction digitale de la narration orale 159 2. Relocalisation digitale de la poésie orale 161 3. Poésie digitale ou voix « minoritaires » 165

V. Conclusions 168

Chapitre 4. Géographie linguistique : variation géolinguistiqueet classification dialectométrique 169 I. L’Atlas linguistique des variétés berbères du Rif 170 II. Classification dialectométrique de la variation linguistique 176

1. Introduction aux méthodes de dialectométrie 176 2. Analyses dialectométriques du lexique berbère 179 2.1. L’Atlas linguistique du Rif comme source des données 179 2.2. Matrice des données lexicales berbères du Rif 180 2.3. Matrice des distances pour le lexique berbère du Rif 182

2.3.1. La mesure de distance binaire 182 2.3.2. La mesure de distance « Gewichteter Identitätswert » 182 2.3.3. La mesure de distance Levenshtein 183

2.4. Analyses dialectométriques numériques du lexiqueberbère du Rif 184

2.5. Visualisation des analyses dialectométriques du lexique berbère du Rif 185

2.5.1. Visualisation et interprétation des analyses CA 185 2.5.2. Visualisation et interprétation des analyses MDS 189

2.6. Résultats comparatifs 190

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3. En quoi la dialectométrie peut-elle contribuer à l’aménagement linguistique ? 192

3.1. Le rifain et sa notation : entre variation et uniformisation 193 3.2. Quelles options pour la construction du tarifit « standard » ? 194

III. Variation linguistique interne comme indicateur de changement et de diffusion géolinguistiques 195

1. Diversité vocalique des variétés berbères du Rif 196 2. Vocalisation des liquides non-tendues /r/ et /¨/ 1963. Diffusion géographique de la vocalisation des liquides /r/ et /¨/ 201 4. La nature graduelle du processus de vocalisation 204 5. Répercussions morphologiques de la vocalisation 205 5.1. Innovations dans le système verbal 205

5.1.1. Le système verbal berbère 205 5.1.2. Les innovations morphologiques 207

5.2. Innovations dans le système nominal 210 6. Conclusion 211

Conclusion générale 215

Références bibliographiques 221

Index des figures 239

Index des tableaux 243

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Notes sur la transcription

En ce qui concerne les exemples en berbère, j’ai utilisé l’alphabet phonétique international pour la transcription phonétique et le système de notation le plus usité par les berbérisants pour la transcription phonologique. Dans ce qui suit, je présenterai quelques principes de transcription qui me semblent utiles à signaler :

- La labio-vélarisation est notée par le signe diacritique /w/.asegg was ‘année’

- Seules les emphatiques vraies – bien distinctes des emphatisées (des phonèmes dont l’emphase est conditionnée par le contexte phonétique) – sont marquées par un point sous le graphème. œa¨wa ‘progéniture’

- Les assimilations dans la chaîne sont restituées dans leur forme canonique afin d’améliorer l’évidence syntaxique et de faciliter ainsi la lecture des exemples. inna-as ‘il lui a dit’ au lieu de innas.

- Pour séparer les différents morphèmes, j’ai fait appel au tiret séparateur que j’insère entre le nom, le verbe ou la préposition et leurs affixes mobiles. ss×in-as-œ-id ‘Ils le lui ont acheté.’ œaddarœ-nns ‘sa maison’ ˆakid-s ‘avec lui /elle’

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Liste des abréviations et symboles

I. Abréviations

ACC Accompli ACCNEG Accompli négatif AE Accent d’emphase AOR Aoriste AP Auxiliaire de prédication APN Auxiliaire de prédication négative AMR Accent de mise en relief C Complément CC Complément circonstanciel CD Complément déterminatif direct CI Complément déterminatif indirect CE Complément explicatif CO Complément obligatoire COM Commentaire COORD Coordonnant D Durée D+ Augmentation de la durée D- Réduction de la durée Dant Déterminant Dé Déterminé EA Etat d’annexion EL Etat libre EXCL Exclamatif EXTRA Extraposition F0 Force fondamentale FS Féminin singulier FP Féminin pluriel I Intensité I+ Augmentation de l’intensité I- Réduction de l’intensité INACC Inaccompli INTER Interrogatif INTERJ Interjection INVOC Invocatif

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IT Indicateur de thème MA Marqueur adverbial MD Marqueur discursif MN Marqueur de négation MI Marqueur intonatif MIA Marqueur intonatif assertif MIE Marqueur intonatif exclamatif MII Marqueur intonatif interrogatif MIR Marqueur intonatif de requête MMR Marqueur de mise en relief MN Marqueur de négation MP Masculin pluriel MPART Marqueur participial MPERS Marqueur personnel MPNR Marqueur du présent non révolu MPR Marqueur du passé révolu MPV Marqueur préverbal MS Masculin singulier P Prédicat PART Participe PAUSE Pause RI Rupture intonative S Sujet SP Syntagme prédicatif SPNV Syntagme prédicatif non-verbal SPV Syntagme prédicatif verbal SUB Subordonnée SUBcirc Subordonnée circonstancielle SUBcompl Subordonnée complétive SUBcond Subordonnée conditionnelle SUBrel Subordonnée relative T Topique VOC Vocatif

II. Symboles

/ / Notation phonologique [ ] Notation phonétique ou paire d’opposition

... a comme résultat ... ( ) Elément facultatif, spécification / Présence simultanée ~ Opposition

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- Trait démarcatif entre le noyau et ses satellites + Rapport privilégié entre deux unités « » Citation ou soulignement ‘ ’ Traduction { } Indication de la plage mélodique . Intonation assertive ? Intonation interrogative ! Intonation exclamative (!) Intonation de requête proprement dite , Pause (,) Rupture intonative ↑ Mélodie ascendante ↓ Mélodie descendante

Pic mélodique

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Carte des tribus berbérophones du Rif

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Introduction

« Il ne faut pas courir le risque de perdre tes cheveux. »

C’est ce que me répondait ma mère chaque fois que, dans la journée, je lui demandais de me narrer un conte, justifiant ainsi son refus par une règle ancestrale qui veut que l’on conte seulement le soir si l’on ne veut pas devenir chauve.

Ce sont ces contes oraux qui m’ont donné le goût de la langue berbère, des langues et du langage de manière générale et qui m’ont incité, bien plus tard, à entreprendre des études de linguistique berbère.

Toutes mes recherches sur le berbère, dont également celles exposées dans ce travail, trahissent une place centrale accordée à l’oral.

Le présent ouvrage se veut une étude sur la variation et la structuration linguistiques et sociolinguistiques en berbère à partir de quatre thèmes principaux : la prédication non-verbale (chapitre 1), l’intonation et la structuration de l’oral (chapitre 2), la construction du sens dans et par le discours oral (chapitre 3) et la géographie linguistique (chapitre 4).

Dans le premier chapitre, sera étudié l’énoncé non-verbal berbèremoyennant une démarche synthétique et pluridimensionnelle fondée sur le concept central que la syntaxe, la sémantique et la pragmatique s’agrègent de façon continue par le biais de processus dans lesquels la prosodie et la paralinguistique (mimique, canal gestuel et postural) jouent un rôle indispensable en contribuant à la production et l’interprétation des échanges communicatifs.

Cette démarche a l’avantage de permettre de découvrir de nombreux phénomènes empiriquement peu connus et peu ou mal intégrés dans les cadres théoriques, berbères ou autres. C’est sous cet aspect qu’une classification formelle et fonctionnelle de l’énoncé non-verbal berbère, fondée sur l’analyse détaillée de données empiriques, sera présentée dans ce chapitre.

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Consciente de l’importance de la prosodie dans la structuration de l’oral, non seulement au niveau énonciatif mais également au niveau syntaxique, je développerai, dans le deuxième chapitre, mes recherches sur le statut de l’intonation (F0-Force fondamentale, I-Intensité, D-Durée) dans la langue et sur ses fonctions syntaxiques, sémantiques et pragmatiques, par le biais des analyses phonétiques instrumentales précises.

J’accorderai une attention particulière à la fonction de structurateur hiérarchique de l’intonation, à son rôle primordial dans le phénomène de topicalisation et au rapport de suppléance structurale et fonctionnelle entre les morphèmes (morphèmes lexématiques) et les intonèmes (morphèmes intonatifs).

Le chapitre trois vise à examiner la genèse et la dynamique du sens en berbère à partir de trois problématiques centrales.

La première problématique sur laquelle je m’interrogerai est la structuration de l’interaction verbale. Par le biais de l’analyse interactionnelle des pratiques langagières authentiques (activités et stratégies discursives), j’identifierai les unités constitutives de l’interaction verbale (unité minimale = acte de langage / unité maximale = interaction) et j’examinerai leur agencement dans le discours oral. Mon intérêt portera davantage sur l’unité d’acte de langage en raison de sa redéfinition dans l’approche interactionniste : les actes de langage se construisent et se reconstruisent dans une action conjointe entre interlocuteurs.

La deuxième problématique à laquelle je me consacrerai concerne les processus fondamentaux de la construction identitaire – considérés comme des processus sémiotiques interactifs – dans un contexte multiculturel et multilingue. Le cas particulier des Nord-Africains en Afrique et dans la diaspora (Belgique et Pays-Bas) sera retenu comme objet d’analyse, en raison de leur environnement social multilingue (réel ou électronique) dans lequel les langues employées (le berbère, l’arabe, le français, le néerlandais, l’anglais, l’espagnol et le turc par exemple) n’ont pas le même statut sociolinguistique ni les mêmes fonctions socioculturelles. Cette construction identitaire engage des procédés linguistiques spécifiques, tels le choix de la langue et l’alternance ou l’emprunt de code, que j’examinerai dans une perspective interactionniste car celle-ci permet de prendre en compte un grand nombre de variables par le biais d’une corrélation entre les variables sociales et les variables linguistiques dans un cadre multidimensionnel.

La dernière problématique qui sera traitée dans ce chapitre est l’oralité – à la fois variable et constante – et ses formes diversifiées et marquées par le changement (oralité contemporaine) autant que par la continuité (oralité traditionnelle). J’accorderai une attention particulière à l’oralité nord-africaine en Afrique du Nord et dans la diaspora, et ce dans des contextes de

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communication et de création littéraire influencés par la présence et l’expansion de la presse écrite, la radio, la télévision et, plus récemment, Internet. Dans cette orientation, je m’intéresserai à la recomposition du sens à performance orale (genres oraux) dans le format linéaire de l’écrit et le format multimodal des médias techniques.

Le chapitre quatre sera consacré à l’étude de la géographie linguistiquedu berbère (notamment du rifain). Mon intérêt pour cette approche spécifique vient principalement du fait que de nombreuses aires linguistiques et culturelles berbérophones restent encore pas ou peu étudiées et que celles qui ont été examinées sont, pour des raisons méthodologiques, pratiques ou autres, très limitées géographiquement – souvent une seule variété ou groupe de variétés homologues sont pris comme point de référence pour toute l’analyse et la généralisation qui en est déduite – et très réduites socialement – généralement, les informateurs auxquels il est fait appel sont peu nombreux et ne sont pas sélectionnés en fonction de leurs diverses réalités sociales (habitat, sexe, âge, classe sociale et niveau et type d’instruction).

Ce chapitre commencera par un exposé des outils théoriques et méthodologiques essentiels à la réalisation d’un atlas linguistique, en l’occurrence l’Atlas linguistique des variétés berbères du Rif (ALR),moyennant des logiciels spécialisés en applications géographiques et des logiciels de traitement de données (systématisation et conversion) dont plusieurs étaient faits sur mesure et donc adaptés aux exigences linguistiques spécifiques du berbère. Une attention particulière sera accordée à la méthodologie d’enquête de terrain et de constitution d’un corpus géolinguistique.

Ensuite, mon intérêt portera sur deux études géolinguistiques berbères qui ont découlé de l’ALR, à savoir une étude de classificationdialectométrique réalisée moyennant des méthodes assistées par ordinateur et une recherche de dialectologie berbère montrant comment, dans certains cas, le changement et la diffusion linguistiques peuvent être provoqués par des seuls paramètres linguistiques internes, et comment, dans d’autres cas, l’innovation et la sélection des variantes linguistiques sont essentiellement motivées par une délicate interférence entre des paramètres linguistiques (formels et fonctionnels) et des paramètres sociaux. En fait, dans ce dernier cas, les deux types de paramètres interagissent de telle sorte que seule une enquête linguistique, sociolinguistique et ethnographique conjuguée et longitudinale permet de dégager leurs subtiles mais importantes interdépendances.

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Avant de clore cette introduction, j’aimerais souligner le fil conducteur de l’ensemble de mes recherches présentées dans ce travail. Il s’agit de l’idée que seule une synchronisation du rapport bilatéral et constant entre la partie descriptive et la partie constructive (théorique) de l’analyse permet d’appréhender profondément les mécanismes linguistiques et langagiers qui les fondent.

L’approche interactionniste permet de réaliser cette adéquation entre la description et la théorisation, car son concept d’interactivité, basé sur le « dialogisme » de Bakhtine, touche le langage dans ce qu’il est au plus profond par delà les mécanismes fondateurs de la langue. La contribution majeure de l’approche interactive me semble être le transfert des analyses linguistiques du niveau des formes/états au niveau des opérations/processus. Bien que toute analyse de processus langagiers implique un passage par les formes linguistiques, l’existence et l’apparition des formes émanent des fonctions qu’elles sont présumées assumer dans l’interaction.

Cependant, jusqu’à présent, les théories et études interactionnelles ont une certaine conception variationniste mécanique de la langue et l’examinent comme un outil communicatif général et non comme une constituante fondamentale et multidimensionnelle du processus interactif.

C’est pour cela que, dans les études exposées dans cet ouvrage, je reconsidérai le statut de la langue dans une perspective interactionnelle et (socio)linguistique. Car sans l’analyse des microstructures linguistiques, foncièrement liées aux contextes extralinguistiques, l’analyse descriptive et explicative de l’interaction est limitée à des processus généraux ignorant tout phénomène plus fin et complexe (voir ici-même chapitre 3).

Enfin, il m’importe de souligner que mes recherches sont fondées, d’une part, sur un vaste corpus berbère (d’oral spontané) d’environ mille sept cent quarante heures d’enregistrements sonores de nature diversifiée (conversations, narrations, chants, etc.), recueilli durant de nombreuses enquêtes de terrain en Afrique du Nord (en particulier au Maroc) depuis 1992. Et, d’autre part, sur des corpus multilingues (arabe, néerlandais, français, espagnols, turcs, italien) de matériaux sonores, vidéos et multimodaux (électroniques) et sur de nombreuses notes d’observation-participation collectées dans des contextes multilingues en Afrique du Nord et en Europe (principalement en Belgique, en France et aux Pays-Bas). Toutes ces données – recueillies à des fins linguistiques, sociolinguistiques et ethnographiques – ont été numérisées et systématisées. La plupart de ces données ont été transcrites et annotées en respectant, autant que faire se peut, leur caractère oral, et ce dans un souci permanent de représentativité et d’exhaustivité.

Le détail des hypothèses et de l’argumentation de ses études sera exposé dans les quatre chapitres qui suivront.

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Chapitre 1

L’énoncé non-verbal : formes et sens

I. Introduction

Dans le cadre de ma thèse de doctorat (Lafkioui, 1999a) – et plusieurs études d’approfondissement qui en ont découlé (Lafkioui, 2000b, 2001, 2006a) – j’ai examiné de manière précise et exhaustive l’énoncé non-verbal berbère dont j’ai établi, par le biais des analyses comparatives, une typologie formelle et fonctionnelle. A cette fin, j’ai considéré aussi bien les cas de figure généraux de la prédication non-verbale berbère que les traits spécifiques à chacun des parlers traités.

Le corpus à partir duquel j’ai mené cette recherche est de nature double : d’une part, un corpus rifain et d’autre part un ensemble de matériaux berbères appartenant à quatre parlers différents : le touareg, le kabyle, le tamazight et le chleuh. Bien que j’aie effectué certaines enquêtes linguistiques sur ces derniers, la majorité des données empiriques provient de textes écrits publiés (Lafkioui, 1999a).

Pour ce qui est du corpus rifain, il est composé, pour cette étude, d’une série d’enregistrements (environ 200 heures) étalés sur la période d’été 1993 jusqu’à l’été 1998. L’ensemble des matériaux que j’ai utilisés pour cette étude porte sur le parler d’Ayt Werya×el (Ayt Weryaghel/Ayt Wayagher,

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Rif central). Les enregistrements ont eu lieu dans des milieux diversifiés, tels le milieu familial et amical, le milieu académique et le milieu artistique. Les matériaux ont été principalement recueillis au Maroc, mais j’ai également accompli des collectes en Belgique, aux Pays-Bas et en France. Ce corpus rifain est de nature variée : il contient un grand nombre de contes (une soixantaine), de chants (une centaine), d’histoires (une quarantaine), de proverbes, de poèmes et de conversations généralement prises sur le vif.

Vu l’étendue de ce corpus, il a fallu que je fasse une sélection représentative d’exemples basée sur une analyse quantitative et qualitative des énoncés. Une fois le choix des matériaux fait, j’ai procédé à leur classification précise selon deux critères interdépendants, le critère structural et le critère fonctionnel. Cette classification bi-dimensionnelle a servi, à son tour, d’outil de sélection : elle a permis de trier l’ensemble des données retenues en distinguant les exemples les plus représentatifs et distinctifs des exemples redondants. J’ai appliqué la même méthode aux données de chacun des parlers examinés.

1. Approche théorique et méthodologique

Dans ma recherche sur la prédication non-verbale berbère, j’ai opté pour une démarche synthétique et pluridimensionnelle qui met en valeur l’idée que la syntaxe, la sémantique et la pragmatique se conjuguent de façon intégrée et continue. Outre ces trois plans linguistiques – dans lesquels la prosodie occupe une position centrale – les outils extralinguistiques (comme la mimique, le canal gestuel et postural) participant à la production et l’interprétation des messages se trouvent aussi intégrés dans cette perspective. Ainsi, s’y trouvent associés de façon équilibrée, d’une part, le côté spécifique de chaque analyse linguistique fondée sur une langue donnée – en l’occurrence, les parlers berbères – et, d’autre part, le côté théorique qui reste assez général afin que le système linguistique berbère puisse s’y inscrire. L’adéquation du rapport mutuel et permanent entre la partie descriptive de l’analyse, fondée sur des matériaux authentiques (essentiellement oraux), et sa partie constructive a d’ailleurs servi de fil conducteur à toutes mes recherches.

Pour cette raison, j’ai privilégié, dans cette recherche, certains concepts sémantiques et pragmatiques exposés dans le traité remarquable de Gardiner (1932), The Theory of Speech and Language (Langage et acte de langage),trop longtemps oublié1. J’ai retenu de sa perspective théorique l’importance qu’il accorde, à son époque déjà, à la prosodie (« forme élocutionnelle ») –

1 Gardiner est en France (et ailleurs) surtout connu pour ses recherches en égyptologie.

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en la considérant comme un phénomène linguistique – et aux phénomènes extralinguistiques dans son analyse des actes de langage. D’ailleurs, il considère les faits prosodiques comme des outils indispensables à l’interprétation de l’énoncé.

Mon attention a été également attirée par le fait qu’il conçoit le « discours » comme une coproduction entre locuteur et interlocuteur. Contrairement à ses confrères qui voyaient le langage plutôt comme une représentation de la pensée – vision représentationnaliste des faits – Gardiner (1989, [1932] : 82) lui confère une fonction interactive et donc dynamique. De nombreuses recherches en sémantique et en pragmatique, telles que la théorie des actes de langage de Austin (1961, 1962) et ses successeurs (Searle, 1969 ; entre autres), l’ethnométhodologie (Garfinkel, 1967 ; entre autres), l’analyse conversationnelle (Sacks, Schegloff & Jefferson 1974 ; entre autres), l’analyse interactionnelle (Goffman, 1967, 1974 ; Gumperz, 1982 ; entre autres), l’ethnographie de la communication (Hymes, 1962 ; Gumperz & Hymes, 1964 ; entre autres), l’analyse argumentative (Ducrot, 1980 ; Anscombre & Ducrot, 1983 ; entre autres) et l’analyse de discours (Foucault, 1969 ; entre autres) montrent une certaine correspondance – directe ou indirecte – avec la théorie discursive de Gardiner, quoiqu’on n’y ait jamais fait référence.

Avec sa définition du discours, Gardiner (1989, [1932] : 63-64) arrive à la problématique de l’« acte de langage » qu’il compare à une « mise en scène miniature » (miniature drama) dont les composantes de base sont : le locuteur, l’auditeur, les choses dont on parle et les mots eux-mêmes. Ces quatre constituants forment les critères de division des énoncés en classes typologiques. Selon leur degré d’importance, Gardiner distingue trois types d’énoncé : les déclarations, les demandes (questions et requêtes) et les exclamations. Dans les déclarations, par exemple, c’est le constituant « choses » qui prédomine.

J’ai aussi porté un intérêt à l’élaboration de sa théorie sémantique qui est fondée sur la distinction entre meaning ou « sens » et thing-meant ou « chose-signifiée ». Le premier fait partie de la langue ; le deuxième, en revanche, est un fait de discours. Tout emploi d’un mot (lexème) implique une référence à ces deux types de sens (Gardiner, 1989 [1932] : 225). Gardiner ne se restreint toutefois pas à la seule sémantique paradigmatique car toute la deuxième partie de son travail est consacrée à l’analyse syntactico-sémantique de l’énoncé pour laquelle il prend en considération deux éléments fondamentaux (Gardiner, 1989, [1932] : chapitre 51) :

- son « contenu locutionnel » (locutional content), c’est-à-dire la chose ou les choses sur lesquelles le locuteur veut attirer l’attention de l’auditeur ;

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- sa « qualité particulière » (special quality ), à savoir, l’intention que contient l’énoncé, ou autrement dit, ce qu’on appelle depuis Austin (1962) sa « force illocutoire ».

Ces deux constituants sont en interaction permanente avec la « forme phrastique » de l’énoncé et, plus précisément, avec sa « forme locutionnelle » ou les mots et leur agencement, et sa « forme élocutionnelle », soit les phénomènes prosodiques qui contribuent de façon directe à l’interprétation adéquate de l’énoncé. Cependant, une « discongruence » entre les deux formes peut avoir lieu, aussi bien au niveau des unités – ce qui explique le phénomène de la métaphore – qu’au niveau syntagmatique, dans le cas de l’ironie par exemple (Gardiner, 1989, [1932] : chapitre 61). En cas de discongruence, c’est généralement la forme prosodique qui l’emporte. En revanche, lorsque la discongruence se situe entre la structure morphologique du lexème et sa fonction syntaxique, c’est à la syntaxe que l’on donne généralement la priorité pour l’interprétation du phénomène linguistique. Ainsi, une interprétation appropriée d’un énoncé est garantie par la présence (dans cet ordre d’importance) d’une intonation adéquate, d’une structure syntaxique cohérente et de certaines marques morphologiques (Lafkioui, 1999a, 2006a).

Quant à la syntaxe (à proprement parler), j’ai emprunté plusieurs outils au structuralisme, au sens large du terme (Saussure de, 1973, [1916] ; Benveniste, 1966 ; Tesnière, 1965 ; entre autres). Cela implique que j’ai fait miens le point de vue selon lequel la description d’une langue ne s’arrête pas à l’énumération des éléments de base du système linguistique (phonème, morphème, lexème) ou de ses constituants (groupes de lexèmes, phrases), mais s’occupe aussi, et même en premier lieu, des rapports systématiques entre les unités linguistiques.

J’ai également fait appel à des concepts appartenant à des théories fonctionnalistes, et plus précisément, l’Ecole de Prague (Troubetzkoy, 1937 ; Jakobson, 1963 ; Danes, 1960, 1964 ; entre autres) et leurs successeurs (Martinet, 1970, 1971, 1972b, 1974 ; François D. 1969, 1980 ; François F. 1977, 1980 ; entre nombreux autres). Ainsi, je me suis ralliée à l’idée suivant laquelle la syntaxe est ce type d’analyse linguistique réservée à l’étude des rapports bien définis entre les différentes unités linguistiques (Martinet, 1975, 1989, 1991 ; Perrot, 1970, 1978 ; entre autres). Toute fonction syntaxique est identifiée par un ou plusieurs procédés correspondants, soit (Martinet, 1975, 1989, 1991) :

- la distribution relative des unités linguistiques sur l’axe syntagmatique (l’ordre) ;

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- la présence d’une unité linguistique assumant une fonction spécifique dans le syntagme (le fonctionnel) ;

- la présence d’une unité linguistique sans fonction spécifique dans le syntagme (l’autonome).

Des fonctionnalistes, tels François D. (1976) et Martinet (1975, 1985), ont accordé un certain espace à la prosodie dans la « syntaxe fonctionnelle », bien que le lien direct à l’extralinguistique ou à la stylistique y demeure primordial2. Vu sous l’angle fonctionnaliste, les phénomènes prosodiques assumant un rôle syntaxique précis devraient se ranger parmi les procédés syntaxiques, ce qui ramène leur nombre à quatre : l’ordre, les fonctionnels, les autonomes et la prosodie (l’intonation, la pause, l’accent). Dans certains cas de constructions non-verbales, le berbère donne même la priorité à la prosodie par rapport aux autres procédés syntaxiques, et en particulier par rapport à la position du morphème sur l’axe syntagmatique (Lafkioui, 1999a).

2. La prédication non-verbale berbère

Je partage avec Benveniste (1966 : 151-167) l’idée selon laquelle il faut dissocier l’étude de la phrase nominale de celle de la phrase à verbe « être ». En effet, l’énoncé non-verbal berbère est distinct de celui à copule3 ili (ouvariante, ‘être’) ; il connaît une représentation de toutes les personnes grammaticales, et sa formation est généralement d’ordre fixe bien qu’il ne nécessite pas du tout la présence de deux éléments identifiés comme prédicatif ou attributif. Le noyau non-verbal berbère est en outre compatible avec des modalités diverses à valeur temporelle, personnelle et modale, ce qui le distingue du modèle d’identification de Benveniste (Lafkioui, 1999a, 2000b, 2001)4. Par ailleurs, l’assertion non-verbale finie en berbère n’est pas régie par la règle qui dissocie le sujet du prédicat par une pause, ni par celle qui dicte un ordre inverse à celui de l’attribution.

2 Pour ce qui est du berbère, l’importance de la prosodie pour l’analyse syntaxique a été évoquée de façon explicite pour la première fois par Galand (1964, 1969) dans l’identification de la fonction d’« indicateur de thème ».

3 A la suite de Marouzeau (1961 : 63), j’entends par « copule », au sens large, « tout terme de liaison ».

4 Ce modèle inapproprié au berbère a été repris par Mettouchi (1995). Il a été, en revanche, mis en cause par Chaker (1983 : 322-323 ; 1984 : 143-144).

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Je considère la prédication comme l’acte qui résulte dans le prédicat, celui-ci étant le noyau central autour duquel les différentes unités de l’énoncé s’organisent, le constituant indispensable à la bonne formation syntaxique (grammaticalité) de l’énoncé, déterminable mais non déterminant. L’acte prédicatif a une valeur assertive-référentielle et cohésive-identificatrice (Benveniste, 1966-1974) outre la valeur sui-référentielle, transcendante, altérante et infinitisante (Kristeva, 1975). Cependant la bi-fonctionnalité, dite propre au sujet et au prédicat, n’est pas un critère obligatoire à la constitution d’un énoncé non-verbal fini car le prédicat peut à lui seul former un énoncé complet et donc fonder une assertion (Lafkioui, 1999a, 2000b, 2001). Le sujet est ce complément primaire du prédicat qui fonctionne comme point de référence – le complément restrictif du prédicat (Hagège, 1984) – et qui actualise le message (Martinet, 1991 : 4.25). La fonction de sujet implique donc celle d’actualisateur, mais la présence d’un actualisateur (nominal) ne signifie pas forcément celle d’un sujet (Lafkioui, 1999a, 2000b, 2001).

Le parler rifain des Ayt Werya×el (voir carte p. 17) a constitué le point de départ de l’étude constrastive berbère. De ses données a été dégagée une typologie de l’énoncé non-verbal rifain fondée sur deux classifications interdépendantes (Lafkioui, 1999a) :

1. la classification formelle, soit l’analyse de la forme, principalement établie par le biais de la syntaxe.

2. la classification fonctionnelle, soit l’analyse du sens, principalement établie à travers l’analyse énonciative/sémantico-pragmatique.

La classification formelle, fondée sur le critère de la nature catégorielle du prédicat, a permis d’établir six types d’énoncé non-verbal :

1. l’énoncé non-verbal à prédicat nominal - l’énoncé non-verbal à auxiliaire de prédication d- l’énoncé non-verbal à juxtaposition de deux nominaux - l’énoncé non-verbal à prédicat nominal unique

2. l’énoncé non-verbal à prédicat prépositionnel3. l’énoncé non-verbal à prédicat présentatif4. l’énoncé non-verbal à auxiliaire de prédication aqa5. l’énoncé non-verbal à auxiliaire de prédication tu×a6. l’énoncé non-verbal à prédicat monomorphématique

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La classification fonctionnelle de l’énoncé non-verbal a permis de distin-guer :

1. les déclarations ou assertions, qui se divisent à leur tour en assertions positives ou affirmations et en assertions négatives ou négations.

2. les interrogations ou questions (questions totales ou partielles, questions authentiques ou rhétoriques).

3. les requêtes, parmi lesquelles se rangent les ordres, les supplications, les permissions et les prohibitions.

4. les exclamations, dont font partie certaines interjections.

Dans la section suivante, j’analyserai chacune de ses catégories formelles et fonctionnelles par le biais des exemples provenant principalement du corpus rifain.

II. Les assertions

1. Les affirmations non-verbales

Les assertions positives ou affirmations sont des actes de langage qui font référence, de façon positive et en conformité avec la réalité extra-linguistique, à un objet de discours précis. Elles sont les mieux représentées dans l’ensemble du corpus (rifain et autres parlers). La quantité d’exemples d’affirmation est nettement supérieure à celle des autres qualités énonciatives. De plus, l’ensemble des structures syntaxiques dégagées est en mesure d’assurer l’acte d’assertion. Autrement dit, l’assertion, caractérisée par une intonation assertive et une prévalence du facteur « choses » dans le discours, se réalise par le biais de plusieurs configurations syntaxiques. Le critère qui les distingue est la nature catégorielle des prédicats respectifs (Lafkioui, 1999a, 2000b, 2001).

1.1. L’énoncé non-verbal à prédicat nominal

L’énoncé à prédicat nominal se divise en trois sous-types : l’énoncé à auxiliaire de prédication ˆd, l’énoncé à juxtaposition de deux nominaux et l’énoncé à prédicat nominal unique.

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Index des figures

Chapitre 2

Figure 1 : Contour de F0 pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan. ‘Elle l’a trouvé en train d’enseigner les élèves.’ ................................ 104 Figure 2 : Contour de I pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan. ‘Elle l’a trouvé en train d’enseigner les élèves.’ ................................ 105 Figure 3 : Contour de F0 pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan. ‘Elle l’a trouvé alors qu’il était en train d’enseigner les élèves.’....... 105 Figure 4 : Contour de I pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan. ‘Elle l’a trouvé alors qu’il était en train d’enseigner les élèves.’....... 106 Figure 5 : Contour de F0 pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan.

‘Elle l’a trouvé. Il était en train d’enseigner les élèves.’.................... 106 Figure 6 : Contour de I pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan.

‘Elle l’a trouvé. Il était en train d’enseigner les élèves.’.................... 106 Figure 7 : Contour de F0 pour l’occurrence œufi-œ iss×ura imí™øan. ‘Elle l’a trouvé en train d’enseigner les élèves.’ ............................... 108 Figure 8 : Contour de F0 pour l’occurrence › ›gin iÅf-nsn d ayœ œmsaman. ‘Ils ont fait semblant d’être des Ayt Temsaman.’ .............................. 109 Figure 9 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-s œaddøaœ œssøu s imusswn. ‘Elle a une maison pleine de chats.’ ................................................. 110 Figure 10 : Contour de F0 pour l’occurrence isqøaqb møaœayn yudf. ‘Après avoir frappé deux fois, il est entré.’ ...................................... 110 Figure 11 : Contour de I pour l’occurrence isqøaqb møaœayn yuˆdf. ‘Après avoir frappé deux fois, il est entré.’ ....................................... 111 Figure 12 : Contour de F0 pour l’occurrence arami isqøaqb møaœayn yudf. ‘Après avoir frappé deux fois, il est entré.’ ....................................... 111 Figure 13 : Contour de I pour l’occurrence arami isqøaqb møaœayn yudf. ‘Après avoir frappé deux fois, il est entré.’ ....................................... 112 Figure 14 : Contour de F0 pour l’occurrence nssa nswa... ‘On a bien mangé, bien bu...’ ............................................................ 113Figure 15 : Contour de I pour l’occurrence nssa nswa... ‘On a bien mangé, bien bu...’ ........................................................... 113 Figure 16 : Contour de F0 pour l’occurrence u ×øa-ˆk ˆbu ríqq ad œ-œn×d ! ‘Tu n’as pas le droit de le tuer !’ ....................................................... 114 Figure 17 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-ˆk ríqq ad œ-œn׈d. ‘Tu as le droit de le tuer.’ .................................................................. 115

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Figure 18 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-m ! ‘Fais attention !’, en contexte de danger ........................................... 115 Figure 19 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-m ! ‘Fais attention !’, en contexte de danger imminent ........................... 116 Figure 20 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-m rmfœaí-a ! ‘Veille sur cette clef !’ ...................................................................... 117 Figure 21 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-m rmfœaí. ‘(Mais) tu as une clef.’ ...................................................................... 117 Figure 22 : Contour de F0 pour l’occurrence qa ×øa-m rmfœaí. ‘Mais tu as une clef.’ ......................................................................... 118 Figure 23 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-m rmfœaí ? ‘Tu as une clef ?’ ............................................................................... 118 Figure 24 : Contour de F0 pour l’occurrence ×øa-m rmfœaí ! ‘Veille sur la clef !’ ........................................................................... 119 Figure 25 : Contour de F0 pour l’occurrence aíøamus {I-} amåyan. ‘Le garçon est petit.’ ......................................................................... 120 Figure 26 : Contour de F0 pour l’occurrence aíøamus amåyan

‘le petit garçon’ ................................................................................. 120 Figure 27 : Contour de F0 pour l’occurrence nabil(,) yøaí a ssuq. ‘Nabil, il est allé au marché.’ ............................................................ 124 Figure 28 : Contour de F0 pour l’occurrence œammøuœ-nni(,) ˆdin azÞid. ‘A l’endroit en question, il y avait un roi.’ ........................................ 124 Figure 29 : Contour de F0 pour l’occurrence œas×øaœ-nnk(,) wsi×-ak-t.

i™nat ‘Ta part, je te l’ai donnée hier.’ ............................................... 124Figure 30 : Contour de F0 pour l’occurrence wn ×a yakøan(,) a as-ikks.

fus ‘Celui qui vole, il lui coupe la main.’ .......................................... 125 Figure 31 : Contour de F0 pour l’occurrence arnŸan(,) œÅrq ymma-m. ‘Au ramadan, elle est née ta mère.’ ................................................... 125 Figure 32 : Contour de F0 pour l’occurrence ˆbaba zik(,) ira ×øa-s sb²a n

œfunasin. ‘Mon père, jadis, il avait sept vaches.’ (Interlocution) ...... 126 Figure 33 : Contour de F0 pour l’occurrence ˆbaba zik(,) ira ×øa-s sb²a n

œfunasin. ‘Mon père, jadis, il avait sept vaches.’ (Monolocution) ... 127

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Chapitre 4

Figure 1 : Carte géographique du Rif sur QCad ............................................... 168 Figure 2 : Carte des points d’enquête géoréférenciés du Rif ............................ 172 Figure 3 : Dendrogramme vs Carte CA – Bin – Tout le lexique ....................... 177 Figure 4 : Dendrogramme vs Carte CA – GIW – Tout le lexique ..................... 178 Figure 5 : Dendrogramme vs Carte CA – Lv – Tout le lexique ........................ 179 Figure 6 : Cartes CALv – 7 groupes vs 3 groupes vs 2 groupes

Tout le lexique .................................................................................. 179 Figure 7 : Carte MDSLv – Tout le lexique ......................................................... 180 Figure 8 : Cartes CALv vs MDSLv vs CCALv ..................................................... 181 Figure 9 : Cartes CCA – Bin vs GIW vs Lv – Tout le lexique .......................... 182 Figure 10 : Carte de la diffusion géographique de la vocalisation

des liquides /r/ and /¨/ dans le Rif (Maroc du Nord) ......................... 198

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Index des tableaux

Chapitre 4

Tableau 1 : Procédure générale de l’analyse dialectométrique automatisée ...... 171 Tableau 2 : Extrait des données en format numérique de l’ALR ........................ 173 Tableau 3 : Extrait des données en format texte du logiciel RuG/L04 ............... 173 Tableau 4 : Extrait de la matrice de distance binaire pour le lexème « talon » .. 174 Tableau 5 : Extrait de la matrice de distance GIW pour le lexème « talon » ..... 175 Tableau 6 : Extrait de la matrice de distance Lv pour le lexème « talon » ......... 175 Tableau 7 : Coûts des opérations permettant de modifier

awrez en inerz ................................................................................. 176 Tableau 8 : Exemple du calcul de distance Lv pour modifier

awrez en inerz ................................................................................. 176 Tableau 9 : Voyelles longues issues de la vocalisation des /r/ et /¨/ ................... 186 Tableau 10 : Système vocalique du tarifit (Rif central) ....................................... 187 Tableau 11 : Marqueurs d’opposition [accompli ~ inaccompli] .......................... 195

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