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La revue du BRGM pour une Terre Durable BRGM's journal for a sustainable Earth Géobiodiversité: l’influence delagéologie surlabiodiversité page 10 N° 11 > juiLLET 2010 > 8 Microbiallife inthedepths oftheEarth page 52 Lesmicro-organismes dessédiments marinsprofonds page 66

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La revue du BRGM pour une Terre DurableBRGM's journal for a sustainable Earth

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N° 11 > juiLLET 2010 > 8

Microbial�life�in�the�depths�of�the�Earthpage 52

Les�micro-organismes�des�sédiments�marins�profondspage 66

Siège Tour Mirabeau, 39-43 quai André-Citroën 75739 Paris Cedex 15 - France Tél. : (33) 1 40 58 89 00 - Fax : (33) 1 40 58 89 33

Centre scientifique et technique 3, avenue Claude-Guillemin - BP 36009 45060 Orléans Cedex 2 - France Tél. : (33) 2 38 64 34 34 - Fax : (33) 2 38 64 35 18 www.brgm.fr

Abonnez-vous à Géosciences sur notre site Internet : www.brgm.fr

la Loire, Agent géologique

prochain numéro novembre 2010

La géologie détermine le cours du fleuve et les paysages naturels et construits.

Geology determines the rivercourse and natural and built landscapes.

© David Darrault.

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N°11

03 Édito-Chantal Jouanno

04 Lemotdurédacteurenchef-Jacques Varet

06 Introductionscientifique-François Guyot

10 Géobiodiversité:l’'influencedelagéologiesurlabiodiversitéPierre Nehlig, Emmanuel Egal

20 LesrochestémoinsdelabiodiversitédupasséPatrick De Wever

28 Lerôleduvivantdanslaformation desdépôts carbonatés Emmanuelle Vennin

38 Lagéologieetl’origine delavieFrances Westall

46 Lesimpacts météoritiques etl’histoire delavieAndré Brack

52 Microbial life inthedepthsoftheEarthTullis C. Onstott, Esta van Heerden, Larry Murdoch

60 Écologie microbienne desréservoirs pétroliersDidier Alazard, Michel Magot, Bernard Ollivier

66 Lesmicro-organismes dessédiments marins profonds Frédérique Duthoit

72 HabitatsandCharacteristics ofExtremophilic Microorganisms David Barrie Johnson

82 Labiolixiviation desminerais sulfurésDominique H.-R. Morin

90 Pointsdevuecroisés–BiodiversitésetGéosciences,enjeuxpourlaconnaissanceetl'économieJean-Claude Vial, Ghislaine Hierso, Catherine Aubertin

94 Chiffresclés

96 Brèves

En couverture : Activité des cyanobactéries

visible dans une source hydrothermale – Yellowstone, USA.

Activity of cyanobacteria visible in a hydrothermal spring in

Yellowstone National Park (USA).© Fotolia

Juillet2010 • numéro11

DirectiondelaCommunicationetdesÉditionsduBRGM-3av.Cl.Guillemin-45060OrléansCedex2-Tél.:02 38 64 37 [email protected] de la rédaction : Jacques Varet • Responsables du numéro « Les frontières géologie-biologie » : Emmanuel Egal, Dominique Morin • Directeur de la publication : Jacques Varet • Comité de rédaction : Loïc Beroud (Service Public), Christian Fouillac (Recherche), Jean-Claude Guillaneau (International), Dominique Guyonnet (pollution, déchets), Serge Lallier (eau), Hormoz Modaressi (risques naturels), Pierre Nehlig (géologie, cartographie), Patrice Christmann (ressources minérales), Michel Beurrier (actions régionales), Jean-Marc Lardeaux (Université de Nice), Michel Vauclin (CNRS) • Secrétariat de rédaction : Françoise Trifigny • Révision : Olivier Legendre, Françoise Trifigny • Responsable d’édition : Pierre Vassal • Maquette et réalisation : Chromatiques éditions 01 43 45 45 10 • Impression : Gibert Clarey imprimeurs, Chambrey-lès-Tours – Imprimerie certifiée Imprim’Vert • Régie pub : Com d’habitude publicité 05 55 24 14 03 – www.comdhabitude.fr – [email protected] • ISSN 1772-094X • ISBN 978-2-7159-2489-5 • Dépôt légal à parution. • Référencée dans la base Scopus d’Elsevier.Toute reproduction de ce document, des schémas et infographies, devra mentionner la source « Géosciences, la revue du BRGM pour une Terre durable ». • Le comité de rédaction remercie les auteurs et les relecteurs pour leur contribution. • Les propositions d’articles sont à envoyer à [email protected]

Liste des annonceurs : BRGM Formation p.57 • BRGM éditions c.2 • Enag c.3 • SDEC France c.3

PEFC/10-31-1073

PROMOUVOIRLA GESTION DURABLE

DE LA FORÊT

FCBA/07-00800

édito

Chantal JouannoSecrétaire d’État chargée de l’ÉcologieMinistère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai découvert que la revue Géosciences consacrait son onzième numéro aux sciences de la vie.

Force est de constater que la dynamique impulsée en 2010 par « l’Année Internationale de la Biodiversité » a été assez forte pour faire remonter les géologues à la surface et s’intéresser au Vivant.

Mais dire que le BRGM a attendu 2010 pour s’intéresser à la biodiversité, ce serait être mauvaise langue. Preuve en est, il compte parmi les membres fondateurs de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité et il fait partie des organismes qui sont tous fortement impliqués autour de ces enjeux de la biodiversité.

Les géologues, et la lecture de ce numéro en convaincra le lecteur, ont toute légitimité à contribuer à la recherche en matière de biodiversité. Leur regard sur la diversité de la vie terrestre et, osons le mot, « sous-terrestre », est particulièrement utile pour la société.

En effet, les géosciences apportent une dimension essentielle, celle du temps long : la biodiversité actuelle a été modelée par des évolutions sur de très longues durées (plusieurs milliards d’années), faites de grands développements d’espèces et de diversifications, mais aussi d’extinctions souvent massives.

Ce regard est donc essentiel pour mieux appréhender la richesse mais aussi la fragilité de la biodiversité actuelle. Les géosciences en apportent un autre, celle de la vie souterraine et des systèmes extrêmes, ou encore des interfaces, qu’il s’agisse des extrêmophiles des systèmes hydrothermaux ou des micro-organismes des sols et des aquifères profonds. Et lorsqu’elles se tournent

vers les applications, les géotechnologies peuvent identifier des procédés particulièrement efficaces, par exemple pour le bio-traitement des pollutions ou l’extraction des métaux à partir des minerais par procédés bio-hydro-métallurgiques. Il s’agit souvent de procédés bien plus propres et sobres que les procédés traditionnels, comme la pyrométallurgie.

J’observe enfin que le franchissement des frontières – dans ce domaine scientifique comme dans bien d’autres cas – s’avère, ici encore, particulièrement fer-tile. Et je me réjouis de cet « autre regard » porté sur la biodiversité à partir d’autres disciplines. Dans le cas des géosciences, s’ouvrent ainsi de nouvelles voies de recherches, d’expertises, et d’applications économiques et environnementales.

Les géologues nous apprennent que la planète a déjà subi plusieurs extinctions majeures. Celle que nous vivons, aujourd’hui, la sixième pour les scientifiques, trouve sa principale explication de la main de l’Homme. Autant dire que notre responsabilité est collective et qu’il nous faut tout faire pour la stopper.

Voilà le message essentiel de cette année 2010, « année de la biodiversité ».

La biodiversité, un enjeu pour les géosciences

La diversité végétale s’accorde à la géologie : plaines alluviales agricoles, coteaux en terrasses viticoles et pâturages et forêts dans les hauteurs (haute vallée du Rhône).Plant species diversity adapts to the prevailing geology: farmland in alluvial plains, terraced vineyards on hillsides and pastures and woodland in higher country (upper Rhone valley).© Fotolia

Publication labellisée année internationale de la biodiversité

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le mot du rédacteur en chef

Jacques VaretDirecteur

de la Prospective, BRGM [email protected]

À l’occasion de l’Année Internationale de la Biodiversité, la revue Géosciences ne pouvait ignorer le sujet, d’autant que le

BRGM est membre de la « Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité(1) ». Certes, on aurait pu considérer que les disciplines scienti-fiques sont bien définies et que les géosciences traitant justement du segment non-vivant des milieux et systèmes naturels n’avaient pas à s’aventurer dans ce champ. Mais on sait qu’en France, les deux disciplines sont enseignées dans le secondaire par les mêmes professeurs(2), qui devraient ainsi maîtriser également biolo-gie et géologie. Il ne s’agit pas seulement de nous adresser à cette tranche de notre lectorat particulièrement avide d’informations à jour. La raison est plus large : si notre revue souhaite garder sa stricte spécialisation en sciences de la terre, elle ne peut ignorer la biologie, une science beaucoup plus étudiée aujourd’hui, parce que sous ses facettes multiples, le savoir

(�) – FRB : http://www.fondationbiodiversite.fr/Accueil.html(�) – De SVT (Sciences de la Vie et de la Terre) comme on dit aujourd’hui avec la mode des abrégés.

acquis a des conséquences encore plus directes et cruciales sur l’espèce humaine que la géo-logie elle-même déjà très exposée.

Dans ce onzième numéro de notre revue, nous concentrerons notre attention sur l’un des champs d’investigation parmi les plus ambi-tieux : celui qui explore l’interface entre géologie et biologie. En effet, les frontières entre ces deux disciplines sont de plus en plus étendues : elles repoussent les recherches dans les fonds océaniques, dans les entrailles de la Terre, dans l’espace, dans tous les milieux physiques et chimiques extrêmes. Ce numéro veut présenter les aspects les plus pointus des connaissances, et de leurs enjeux dans ces différentes directions, qu’elles tiennent à la recherche fondamentale ou qu’elles soient tirées par des perspectives d’applications immédiates ou futures.

Avec le souci de fournir à nos lecteurs une vision du sujet aussi exhaustive et actuelle que possible, nous avons cherché à rassembler dans

Du Minéral à la Vie

Dépôts hydrothermaux de sels chargés en métaux à Dallol (Afar, Éthiopie). On observe un jeu de couleurs depuis les gris correspondant aux dépôts réducteurs de sulfures à la bouche des émissions (stalagmites de sel), jusqu’à des jaunes, des verts et des rouge-marron correspondant aux stades successifs d’altération en cuvettes sous l’effet bio-géochimique combiné des bactéries et de l’oxydo-réduction des métaux contenus dans les fluides géothermaux.Hydrothermal deposits of metal-rich salts at Dallol (Afar, Ethiopia). A colour palette ranging from greys corresponding to reducing sulphide deposits at emission vents (salt stalagmites) on through to yellows, greens and reddish browns corresponding to successive stages of alteration in basins under the combined biogeochemical effects of bacteria and the oxidation reduction of the metals contained in geothermal fluids.© J. Varet, 2010.

Microbiologie des sols en zonesd’altération continentale

Bioconstructions calcaires littorales

Dépôts marins bioclastiques

Extrêmophiles développés dans les systèmes hydrothermaux(dorsales océaniques)

Formations calcaires biogéniques (marines ou lacustress)

Les systèmesbio-géologiques actuels

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ce numéro les facettes les plus représentatives de ces frontières, en traitant aussi bien de la contribution des systèmes vivants dans les processus géologiques que de l’influence des systèmes géologiques sur la biologie et sur l’origine de la vie. En effet, si notre planète est porteuse de vie (même s’il n’est pas prouvé qu’elle en détienne le monopole, c’est la seule aujourd’hui identifiée comme telle), cela tient certes à sa place dans l’univers et le système solaire en particulier, qui fournit à la fois les éléments chimiques et les paramètres physiques appropriés, mais aussi au fait que la terre constitue un système géologique doté d’une dynamique endogène et exogène particuliè-rement développée(3). Il n’est pas exclu que les premières formes de vie se soient développées au sein de systèmes hydrothermaux, sous-marins ou terrestres. En outre, les phénomènes géologiques terrestres ou extra-terrestres ont joué un rôle majeur dans l’apparition et l’évolution de la vie, qu’il s’agisse des grandes expansions ou des grandes extinctions, au point d’en déterminer les grandes étapes ou ères géologiques. Et les phénomènes géologi-ques actuels et futurs continuent à déterminer une large part des réalités biologiques, que ce soit la répartition des espèces ou leur devenir.

Ce numéro porte en conséquence aussi bien sur le rôle de la géologie dans l’origine de la vie

(�) – Comme nous l’avons montré dans le n° 9, Terre vivante, Terre en mouvement, les systèmes d’observation d’une Terre dynamique, avril �009.

et sur la vie actuelle dans les profondeurs ou à la surface de la Terre que sur le rôle de la biologie dans la construction des formations géologiques, notamment les carbonates (qui en retour constituent des témoins de l’évolution de la biodiversité à travers les temps géologi-ques). Il met l’accent sur les formes de vie parfois extrêmes du domaine de la géomicro-biologie, qui jouent un rôle dans certains processus géologiques, et notamment celles qui sont à l’origine de procédés de valorisation des ressources minérales ou encore de dépol-lution des sols et des eaux.

Nous espérons ainsi convaincre que non seulement ces deux disciplines ne peuvent s’ignorer, mais qu’en outre, approfondir les connaissances aux frontières communes constitue une perspective particulièrement fertile. n

Il n’est pas exclu que les premières formes de vie se soient développées au sein de systèmes hydrothermaux, sous-marins ou terrestres.

Les systèmes bio-géologiques actuels

A Microbiologie des sols en zones d’altération continentale

B Bioconstructions calcaires littorales

C Dépôts marins bioclastiques

D Extrêmophiles développés dans les systèmes hydrothermaux (dorsales océaniques)

E Formations calcaires biogéniques (marines ou lacustres)

F Source thermale© BRGM - Art Presse.

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l’Archéen, combustion actuelle de matière organique fossile) ? Peut-on construire un arbre du vivant en termes d’impacts géochimiques ? La co-évolution Terre-Vie est-elle une réalité scientifique ? L’approche de ces questions s’est intensément renouvelée depuis une quinzaine d’années, grâce aux progrès technologiques en biochimie et micro-analyses, qui ont permis, en particulier, l’introduction de la biologie au cœur du métier de géologue, à l’intérieur même des roches.

L’enjeu de la biosphère profondeIl est naturel et emblématique que ce que l’on appelle la biosphère profonde, l’ensemble des organismes du sous-sol, figure au centre des préoccupations des géologues en général et du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) en particulier. Comment ces micro-organismes (« micro » car cette Vie est confinée dans la porosité des roches, de l’ordre du micron) affecteront-ils les stockages géolo-giques de dioxyde de carbone ou d’autres fluides ? Une assimilation biologique signifi-cative du CO2 en subsurface est-elle possible et mesurable, en écho atténué mais potentiel-lement important des croissances végétales et phytoplanctoniques de surface? La biosphère profonde joue-t-elle un rôle dans la genèse de ressources actuelles ou à venir, pétrole, gaz naturel, hydrates de gaz, hydrogène ?

Dans le cursus français de formation des Maîtres, géologues et biologistes étudient ensemble les Sciences de la

Vie et de la Terre, héritières de l’Histoire Naturelle. Le maintien de cette double compé-tence des enseignants est pertinent car, comme en témoigne ce numéro de la revue Géosciences, une réelle dynamique scientifique existe à l’interface des deux disciplines. Cette associa-tion historique donne d’ailleurs à notre recherche en géobiologie une valeur ajoutée au niveau international. Ce lien qui unit les naturalistes induit des questionnements majeurs concernant l’action de la Terre sur la Vie et vice versa. La biodiversité spatiale et temporelle résultant de l’Évolution est-elle mue principalement par la dynamique interne du vivant, celle des génomes, ou bien le rôle modeleur de l’environnement est-il prépondé-rant, en particulier au travers de crises qui définissent les frontières entre étages géologi-ques ? La naissance de la Vie sur Terre a-t-elle eu un impact géochimique évident ? Peut-on corréler les relations entre grandes bifurcations dans l’arbre du vivant (symbioses majeures, apparition de la photosynthèse oxygénique, naissance des eucaryotes, explosion cam-brienne) avec des transitions du fonctionnement de la Terre ? Inversement, des innovations biologiques ont-elles modifié ou altéreront-elles les cycles géologiques et donc les roches (oxygénation de l’atmosphère et de l’océan à

Les progrès technologiques en biochimie et micro-analyses ont permis l’introduction de la biologie au cœur du métier de géologue.

François Guyot Professeur à l'université

Paris 7 Diderot

Chercheur à l'Institut de minéralogie et de physique

des milieux condensés (IMPMC) et à l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP), où il a initié l'étude

de la géomicrobiologie.

[email protected]

L’étude des interactions entre minéraux et matériaux

biologiques permet de mieux comprendre le rôle

que joue la biosphère dans la dynamique terrestre

actuelle et ancienne. À la frontière de la géologie

et de la biologie, la géobiologie est donc une science émergente.

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cellules eucaryotes actives détectées pour le moment) a fait d’immenses progrès grâce aux méthodes moléculaires. La biosphère profonde reste toutefois l’une des grandes frontières de l’exploration scientifique. Le défi tient en partie aux faibles biomasses, aux contaminations de surface, à la difficulté de caractériser correcte-ment dans les roches une matière organique souvent très peu abondante, diffuse ou conte-nue dans de minuscules inclusions fluides. Mais les développements sont constants, et l’on peut penser que, dans un avenir pas si éloigné, une mission des services géologiques nationaux sera de cartographier, comprendre et interpréter cette composante particulière du sous-sol, définissant ainsi une biogéographie et une biodiversité associées aux différentes formations géologiques et à leur histoire.

Dans le futur, des perspectives biotechnolo-giques seront vraisemblablement associées à ces organismes très particuliers. Utiliser des mécanismes biologiques pour optimiser des processus minéraux est une pratique bien maîtrisée en surface, avec un grand potentiel de développement pour l’énergie et

Comment interagit-elle avec les infrastruc-tures d’exploitation du sous-sol profond ? Participe-t-elle aux grands cycles géochimiques qui assurent l’homéostasie planétaire ? Est-elle susceptible d’affecter le cycle global du carbone en régulant la part de matière organique synthétisée en surface qui in fine rejoindra l’intérieur de la Terre sous forme économique-ment utilisable ou non ? La biodiversité des profondeurs peut-elle être source de biomo-lécules d’intérêt (pour les fonds océaniques, c’est avéré) ? Les réponses à ces questions sont limitées par les techniques actuelles qui butent sur le verrou d’identification, de visua-lisation et d’analyse des organismes et de leurs métabolismes in situ dans leurs milieux géologiques profonds. Un état de l’art et des progrès sont présentés dans ce volume (voir les articles de Tullis Onstott et al., de Frédérique Duthoit et de Didier Alazard et al.), mais plusieurs révolutions technologiques, du calibre de l’invention de la réaction de polymérisation en chaîne de l’ADN, seront encore nécessaires.

La caractérisation des bactéries et archées qui constituent la biosphère profonde (pas de

Images de microscopie électronique de bactéries magnétotactiques collectées dans la Seine. Les magnétites intracellulaires utilisées par la bactérie pour la magnétoréception sont les petits cristaux gris à noirs aux formes rectangulaires. Les grands nodules visibles dans la cellule sont des granules riches en carbone, réserves d'énergie et marqueurs d'un stress environnemental (déséquilibre des substances nutritives).

Electron microscope images of magnetotactic bacteria sampled from the Seine. The intracellular magnetite the bacteria use for magnetoreception consists of minute, rectangular-shaped grey to black crystals. The large nodules seen inside the cell are carbon-rich granules that provide stores of energy; they are indicators of environmental stress (an imbalance in nutrients).© A. Isambert, IPGP.

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08 l’environnement. Des exemples de biolixivia-tion de minerais pour accroître la production de métaux, mis au point au BRGM, sont présentés dans ce numéro dans un cadre de développement durable (voir l’article de Dominique Morin). Les études de bioremédia-tion de sols pollués ou de nappes phréatiques contaminées constituent d’autres exemples dans lesquels les interactions entre des organismes vivants et des minéraux peuvent conduire à une meilleure gestion des milieux et des procédés. Pourra-t-on étendre ces approches à des pratiques industrielles plus globales impliquant des ressources minérales, aux stockages géologiques profonds, à du « bio-géo engineering » ? La réflexion est nécessaire et les recherches présentées dans ce volume en illustrent le contexte scientifique.

La problématique de la biosphère profonde est intimement liée aux questions de vie primitive et d’origine de la Vie sur Terre, dont les traces se dissimulent dans des formations sédimentaires anciennes, modifiées par l’histoire géologique, la diagenèse, le méta-morphisme (voir l’article de Frances Westall et l’encadré de Pascal Philippot), et, élément de loin le moins connu, par les organismes vivant dans les couches profondes qui ont pu affecter ces témoins paléontologiques enfouis au cours des millions voire des milliards d’années d’histoire géologique. Elle pose aussi la

question des relations entre les molécules observées dans les météorites et les compo-sants biochimiques. Il faut imaginer une matière organique extra-terrestre évoluant sur la Terre primitive dans un environnement de forts gradients d’oxydo-réduction et d’événements de haute énergie tels les grands impacts astéroïdaux et cométaires (voir l’article d’André Brack). Le couplage entre déséquilibres énergétiques dans le milieu géologique primitif et des structures dissipa-tives biochimiques (tels que les acides nucléiques fonctionnels, les protéines cataly-tiques, les systèmes lipidiques organisés, ou les cellules) reste à comprendre. Des traces et des pistes seront peut-être disponibles au sein des roches et possiblement visibles en subsurface. Si c’était là l’unique raison d’étudier la biosphère profonde, cela justifierait déjà de gros budgets, à l’aune de ceux consacrés à la recherche de Vie sur d’autres planètes. En effet, du point de vue de la biologie, l’explora-tion du sous-sol profond s’apparente nettement à une mission spatiale planétaire à visées astrobiologiques ou exobiologiques.

Rechercher le vivant dans les profondeurs de la Terre amène une autre question passion-nante, celle des limites physiques et chimiques de la Vie. Les adaptations moléculaires sem-blent fixer aux organismes tels que nous les connaissons une température maximale de l’ordre de 150 °C, soit une dizaine de kilomètres de profondeur dans une croûte continentale froide, un à cinq kilomètres dans des zones géothermiques. Mais les raisons mécanistiques de ces bornes ne sont pas réellement comprises. Leur élucidation est l’un des grands objectifs pluridisciplinaires de la Science. La complexité des écosystèmes et des milieux fait intervenir d’autres stress environnementaux que la température, tels que la pression hydro- statique, la chimie de l’eau porale, ou la disponibilité en nutriments. L’étude des extrê-mophiles et de leurs mécanismes de survie et d’adaptation à des stress variés est à cet égard très importante (voir l’article de David Johnson). L’observation sur le terrain de la biosphère profonde, de son extension maximale, en particulier dans des sites instrumentés (forages, mines, sites de stockage géologique) sera une voie pertinente pour aborder le problème des limites de la Vie envisagée globalement et non vis-à-vis de la stabilité de telle ou telle biomolécule particulière.

Images de microscopie électronique de bactéries magnétotactiques collectées dans la Seine. Les magnétites intracellulaires utilisées par la bactérie pour la magnétoréception sont les petits cristaux gris à noirs aux formes hexagonales.

Electron microscope images of magnetotactic bacteria sampled from the Seine. The intracellular magnetite the bacteria use for magnetoreception consists of minute, hexagonal-shaped grey to black crystals.© A. Isambert, IPGP.

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Biominéralisation et biodiversitéUne partie significative des roches qui consti-tuent la Terre solide s’est formée sous l’action directe d’êtres vivants ou à leur contact. La biominéralisation, synthèse de phases solides par le vivant, est le nœud de l’interaction entre biologie et géologie. En géologie, un minéral, doté d’une structure tridimensionnelle et d’une formule chimique, est un solide rencontré dans la Nature, ce qui est assez différent de l’acception biologique du terme ; dans ce numéro, c’est bien dans le sens géologique qu’il faut comprendre la biominéralisation. Elle se produit à des échelles variées : nano-métrique lorsque des bactéries fabriquent des monocristaux de magnétite mono-domaine qu’elles utiliseront comme des boussoles, leur permettant un accès plus efficace aux nutriments (cf. images) ; kilométrique quand

on considère la structure bio-construite de la grande barrière de corail. Néanmoins, quel que soit le système considéré, la production du minéral par l’organisme vivant implique une action biologique à l’échelle moléculaire, directe lorsque les caractéristiques du solide confèrent un avantage sélectif et sont donc génétiquement contrôlées, indirecte lorsque la biominéralisation apparaît comme un sous-produit du métabolisme. L’échelle pertinente d’étude est, dans tous les cas, celle de l’interac-tion entre la biologie cellulaire et moléculaire et les nano-minéraux solides.

La biominéralisation au sens large, telle qu’elle est abordée dans ce numéro de Géosciences, joue un rôle de premier plan dans le fonction-nement de la Terre. C’est notamment le cas pour le cycle du carbone, car la précipitation des carbonates est le mécanisme principal de stoc-kage du CO2 atmosphérique, et un élément essentiel de sa régulation. Face à l’augmenta-tion actuelle du dioxyde de carbone d’origine anthropique (ce fait n’est contesté par aucun

scientifique, ce sont ses conséquences qui parfois font débat), se pose la question de la réponse des cellules, des organismes et des écosystèmes. Interrogation particulièrement pertinente pour la biodiversité marine dans la mesure où l’océan superficiel global actuel est « sursaturé » par rapport à la production de carbonates solides. Les squelettes calcaires produits par les êtres vivants n’ont donc pas de tendance à la dissolution, mais ce fait géologique pourrait bien être modifié à l’échelle du siècle par l’activité humaine avant que les mécanismes d’altération continentale puissent le réguler. Ce degré de sursaturation est de fait déterminé par les mécanismes de production de carbonates solides dans les eucaryotes unicellulaires marins et les coraux. De nombreux laboratoires s’intéressent directement à ces questions complexes, mais

l’intérêt principal du regard du géologue est d’apporter la profondeur temporelle. La pression partielle de CO2 a beaucoup fluctué au cours des temps géologiques, les organis-mes biominéralisateurs aussi. La lecture des archives sédimentaires de la composition de l’atmosphère et de l’océan, de la biodiversité en général, et de la production carbonatée en particulier (voir les articles d’Emmanuelle Vennin et de Patrick De Wever), doit donc être développée afin de mieux maîtriser les changements actuels et les inscrire dans le cadre du fonctionnement global de la planète. L’examen des grandes crises de l’histoire géologique nous enseigne que la centaine d’années à venir ne remettra certes pas en cause la « survie de la planète », ni même la richesse de la biodiversité sur le long terme. Par contre, cette période critique pourrait bien être compliquée à négocier pour certaines espèces, la nôtre en particulier. L’examen, en utilisant les nouveaux moyens technolo-giques, des archives de la Vie inscrites dans les roches est une attitude pertinente et

raisonnable face aux incertitudes actuelles, et les recherches dans ce domaine sont passionnantes.

La tectonique géologique conduit à disposer à la surface de la Terre les roches fabriquées par les processus biologiques, mais aussi magma-tiques, métamorphiques ou aqueux abiotiques, et à les associer suivant un agencement spatial qui, en interaction avec les enveloppes fluides de la planète, l’érosion en particulier, et les êtres vivants, définira la géographie physique des surfaces continentales. Dans ce cadre, com-prendre comment la nature géologique du sous-sol (c’est-à-dire ce qui se situe sous le sol, lui-même constituant par définition la couche limite d’interaction chimique et biochimique entre les roches et la surface) influe sur les êtres vivants et la biodiversité n’est pas l’aspect le moins important, ni le moins original, abordé dans la présente édition (voir l’article de Pierre Nehlig et Emmanuel Egal). La nature des roches du sous-sol peut avoir sur la biodiversité locale et sur son action résultante des effets anthropiquement amplifiés (parce qu’elle va conditionner l’utilisation humaine du territoire pour des pratiques agricoles ou minières) ou plus généraux (en particulier au travers de différences de biodiversités entre des sols se développant, à climat égal, sur des lithologies différentes, avec des effets quantifiables sur la macroflore et la macrofaune). Des recherches dans ce domaine devraient établir un lien plus fort entre géologues, géographes et écologues. Ce numéro de la revue Géosciences du BRGM fait donc bien le point sur l’état de grandes questions biologiques posées dans une pers-pective géologique. Osons une comparaison qui a quelques mérites malgré ses grandes limitations. Voici plus de cinquante ans, les géologues (sous l’impulsion de grands chimis-tes comme Harold Urey) commencèrent à s’approprier des concepts de chimie et firent naître la géochimie, qui prit alors un essor remarquable. La géobiologie vit sans doute actuellement des moments analogues, ceux d’une science en émergence qu’il est passion-nant d’examiner à ce stade. Les géologues pratiqueront la biologie de manière différente de celle dont l’envisagent les biologistes eux-mêmes. Cette nouvelle aventure scientifique est porteuse d’innovations conceptuelles et technologiques. n

Une partie significative des roches qui constituent la Terre solide s’est formée sous l’action directe d’êtres vivants ou à leur contact.

intro scientifique

géobiodiversité : l’influence de la géologie sur la biodiversité

La géologie est la composante du paysage la plus difficile

à appréhender dans les milieux où l’occupation biophysique

et anthropique du sol multiplie les masques. Elle détermine

pourtant largement la nature des habitats naturels et l’usage

que l’homme a pu en faire. Cet article explore les liens entre

géodiversité et biodiversité en se focalisant sur l’influence

de la nature du sous-sol sur la biodiversité.

Géobiodiversité:l’influencedelagéologiesurlabiodiversité

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géod

iver

sité

L es progrès de la connaissance des lois régissant les relations entre les êtres vivants et leurs milieux, associés au caractère non renouvelable d’un grand nombre de ressources naturelles, ont conduit à une prise de conscience du caractère

patrimonial de la biodiversité intraspécifique, interspécifique et écosystémique.

Le maintien de cette biodiversité émerge comme un enjeu fondamental principalement parce que les interactions entre ses différentes composantes – y compris ses liens avec la nature géologique du sous-sol – restent mal connues. Mais aussi, parce qu’il serait paradoxal de la laisser s’appauvrir à une époque où les progrès en biologie moléculaire ouvrent de nouvelles voies de recherche pour la compréhension de la spéciation, la classification des êtres vivants et leur évolution. De plus, le génie génétique offre de nouvelles perspectives, notamment en matière de pharmacologie et d’amélioration qualitative et quantitative des productions végétales et animales. Encore faut-il préserver toute la richesse du matériel de base, les gènes.

Pierre Nehlig Service Gé[email protected]

Emmanuel Egal Service Gé[email protected]

Surfacecordéedelacouléedelavedel’éruptiond’août2004duPitondelaFournaise(LaRéunion)

avecunmoulageenpositiondevied’unarbrecalcinédanslequelsesontaccumulésdesdébrisdelavequi

ontpermisàunegrainedegermeretdeprendreracine.The corded surface of a lava flow from the 2004 eruption

of the Piton de la Fournaise volcano (La Réunion Island). It contains the vertical cast (standing as in life) of a burnt

tree, where lava debris accumulated that allowed a seed to sprout and take root.

© M. Kerneis - Photo prise début 2005.

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geobiodiversity: the influence of geology on biodiversity

La richesse de la biodiversité est le résultat de l’Évolution et de l’interaction avec les facteurs environnementaux. Parmi ces derniers, c’est la diversité des conditions environnementales, leur variabilité temporelle et – surtout – l’isolement (« l’insularité ») de certaines populations qui ont conduit à une biodiversité d’une telle richesse. L’endémisme qui caractérise certaines îles ou continents en est la preuve la plus marquante.Très tôt a aussi été reconnue la valeur « insulaire » de certains milieux géologiques : substrats calcaires dans des environnements siliceux, karsts, roches ultrabasiques… En effet, la nature des roches du sous-sol est un paramètre important dans la distribution des habitats et des espèces de notre planète [Gray (2004) ; English Nature (2004)]. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les paysages. Ce ne sont pas tou-jours les barrières climatiques ou topographiques qui expliquent l’enchaînement des types d’occupation du sol par la végétation mais bien la nature du substrat minéral qui a guidé l’exploitation que l’homme a pu en faire. Ainsi dans la directive européenne « Habitats Faune Flore » qui liste un ensemble d’habitats et d’espèces à sauvegarder en priorité, les deux tiers sont déterminés par un critère lithologique ou géomor-phologique.

L’objectif de cet article est d’examiner l’influence de la nature lithologique du sol sur l’occupation des sols et les habitats et donc de montrer le lien étroit entre biodiversité et géodiversité. La géodiversité désigne la diversité du monde abiotique. Ce néologisme peut être défini comme la variété des roches, des géomor-phologies, des sols et des processus naturels qui les forment, les modifient, et déterminent l’aspect parti-culier d’un paysage. Les processus géologiques interviennent également de manière plus indirecte sur la biodiversité, notamment à travers les phénomènes tectoniques qui modèlent le relief et interagissent avec le climat.

La géodiversité et la biodiversité font partie des plus grandes richesses de la planète et sont pourtant parmi les moins reconnues. C’est ainsi que dans la liste des sites du patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, le patrimoine naturel (176 sites) est très largement sous-représenté par rapport au patrimoine culturel (689 sites), 25 sont mixtes (http://whc.unesco.org/fr/list).

Les roches et les sols : substrat de la géodiversitéContrairement aux domaines océaniques plus homogènes (notamment d’un point de vue géolo-gique), la biodiversité terrestre répond à la diversité des milieux continentaux conditionnés par le climat, l’altitude, la nature des substrats géologiques et l’histoire géologique, qui a permis à des îles et des continents d’évoluer en « milieu fermé ». Leurs varia-tions y déterminent une mosaïque de biotopes qui a, en outre, largement subi l’influence de l’Homme.

La géométrie de la surface terrestre et donc son relief, son altitude et son orientation sont contrôlés par la dynamique géologique. Et là où le climat, le relief et les interventions humaines ne varient pas, la diversité des types de roches peut influencer la distribution de la végétation directement ou au travers des produits d’altération de ces roches qui influencent la chimie des sols, leur granulométrie, leur texture, leur porosité, leur perméabilité, leur minéralogie, la chimie des eaux… Des différences de pH dans le sol ont un impact majeur sur les capacités d’ingestion d’éléments par les plantes.

Les roches sont généralement classées en fonction de leurs compositions minéralogiques et de leur organi-sation minéralogique et granulométrique interne (leurs texture et structure). La majorité des roches est constituée de minéraux de la « famille » des silicates. Les calcaires, formés de carbonates de calcium, constituent un deuxième grand ensemble de roches. D’autres roches peu développées à l’échelle du globe présentent des compositions encore différentes, telles les roches évaporitiques à sels. Les roches terrestres ont donc des compositions chimiques parfois très contrastées, avec de nombreuses nuances et compositions intermédiaires.

Les processus d’altération des roches en surface (processus « supergènes ») vont entraîner des modifi-cations de la composition physique et chimique de ces roches et donc ajouter une nouvelle composante de

La géodiversité et la biodiversité font partie des plus grandes richesses de la planète.

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géodiversité au substrat rocheux. Les sols représentent la partie la plus superficielle et meuble du substrat rocheux altéré. Pour les pédologues, ils sont limités à la partie enrichie en matière organique qui supporte la végétation. Il n’y a cependant pas de définition simple et universelle du sol. Certains géologues et géotechniciens le définissent comme une roche généralement non consolidée qui affleure à la surface et qui surmonte une roche consolidée non altérée par des processus supergènes.

Les roches altérées et/ou les sols sont le reflet des roches qui leur ont donné naissance, que ce soit dans leurs propriétés physiques ou chimiques. Ils sont constitués d’une portion minérale qui renferme principalement des minéraux siliceux et argileux et d’une portion de matière organique, ainsi que d’eau

et d’organismes vivants. Les sols se présentent sous une grande variété de textures qui sont principale-ment liées à l’abondance relative de sable, de silt et d’argile. Ils peuvent renfermer des zones toujours sèches et des micropores presque toujours saturés en eau sauf en période de grande sécheresse. La propor-tion et la nature de la matière organique varient spatialement et avec la profondeur.

L’influence des roches mères prédomine largement lors des premiers stades d’altération et de formation des sols (photo 1). D’autres facteurs d’origine climati-que ou biologique interviennent ensuite [Nahon (2008)]. La durée de formation des sols peut être très importante, et beaucoup de sols ont connu des climats et des végétations différents de ceux d’aujourd’hui.

Photo1:MursenrochesbasiquesmétamorphiquesetpierresouvragéesengranitedesruinesdelachapelledeLanguidou(Finistère)peuplésdelichens,coloniesissuesdelasymbiosed’unchampignonetd’unealgue.Onnoteunenettedifférenceentrelepeuplementlichéniquedupetitappareilderochesbasiquesetceluidesrochesplusrichesensilicedelarosace.Photo 1: Walls built of basic metamorphic rock and sculpted granite in the ruins of Languidou Chapel (Finistère Department), hosting lichens, symbiotic colonies of fungi and algae. A sharp contrast is observed between populations on the rubble masonry of basic rocks and those on the silica-rich elements of the rose window.© P. Nehlig, 2008.

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Comme les autres Parcs nationaux, les Cévennes représentent un espace remarquable – et à ce titre protégé – pour la biodiversité ; espace par ailleurs reconnu comme « réserve de biosphère » par le programme MAB (Man and Biosphere) de l’Unesco. Or, lorsque l’on cherche à identifier, au sein de ces lieux, les sites les plus remarquables en espèces classées ou en biotopes identifiés comme les plus riches, il s’agit le plus souvent de sites géologiques particuliers. C’est le cas d’une formation minérale ou géologique spécifique (comme un plateau calcaire ou une falaise schisteuse) ou d’un contact géologique, lieu souvent favorable à l’émergence de sources ou de zones humides. On vérifie ici que le milieu physique joue un rôle déterminant pour les systèmes et les espèces biologiques.

Ainsi, les trois grands types de formations géologiques caractéristiques des Cévennes, qui sont par ordre d’âge décroissant(1) :– les schistes des vallées cévenoles ; – les granites des monts Aigoual-Liron et Lozère ;– les calcaires et les grès du Causse Méjean ou des contreforts des basses Cévennes ;représentent également les trois grands systèmes de diversité biologique de l’espace cévenol. Le sous-sol détermine largement, tant par la minéra-logie et la chimie des sols que par les régimes hydriques qui en résultent, la nature des systèmes vivants susceptibles d’y « prendre racine ». Pour ne citer que quelques exemples emblématiques :– le chêne-vert et l’arbousier des schistes, où domine l’élevage caprin ;– le genêt, le châtaignier, les résineux et la lande des granites, où domine l’élevage bovin ;– les buis et les prairies calcicoles des Causses où domine l’élevage ovin.

Point remarquable en Cévennes et caractéristique fréquente de nos paysages (cf. n° 7/8 de Géosciences), la géologie ne détermine pas seulement la faune et la flore, mais aussi la biodiversité culturelle. L’espace construit par l’homme est lui aussi caractéristique de la géologie du site sur lequel toute implantation humaine est développée. C’est à ce titre que cet espace a été jugé représentatif du concept Man and Biosphere par l’Unesco. Cette caractéristique ne pèse pas seulement sur le mode d’occupation de l’espace et la dimension architecturale. Elle s’inscrit aussi dans la dimension spirituelle de la culture : l’habitat humain, mais aussi l’expression même de sa pensée et de ses valeurs apparaissent largement reliées au milieu naturel – notamment géologique – sur lequel ils se « fondent ».

Dans les vallées cévenoles notamment, cet espace de vie autonome a été construit en symbiose étroite avec la nature : depuis le captage de la source, avec le béal(2) , les bancels(3) secs ou irrigués, la clède pour sécher la châtaigne, la magnanerie pour élever les vers à soie, jusqu'à la filature en contrebas pour capter la force motrice du cours d’eau. Un espace conquis dans un environnement où les Psaumes de David entrent en résonance avec la nature(4). Un espace où l’on acquiert dès l’enfance un sens aigu de l’autonomie, une capacité à vivre en hommes et femmes foncièrement épris de liberté de conscience. n

(1) – PNC : Roches, géologie et paysages du parc national ; Revue Cévennes, n° 23 : (réédition en cours).(2) – Dans le Midi, nom d’un petit cours d’eau.(3) – Terrasses (�) – P. Cabanel : Cévennes, un jardin d'Israël, L'Hydre éditions, 200�.

> �Les Cévennes, une biodiversité naturelle et culturelle bien géologique Jacques Varet – Président du Conseil scientifique du Parc national des Cévennes – [email protected]

geobiodiversity: the influence of geology on biodiversity

Valléescévenolesschisteuses,vuepriseprèsducoldel’Asclié.Schistose valleys in the Cévennes region, viewed from near the Asclié gap.© J. Varet.

LechaosdegraniteduMontLozère.The granite boulder field on Mount Lozère.© BRGM im@gé, F. Michel.

Unedoline,surleCaussedeSauveterre,enLozère.A sinkhole on the Causse de Sauveterre (Lozère Department) .© BRGM im@gé, N. Dörfliger.

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géobiodiversité : l’influence de la géologie sur la biodiversité

Les végétaux chlorophylliens se nourrissent par la tête et par les pieds Chez les animaux, les aliments organiques apportent l’énergie et la matière, sous forme concentrée. Situés au contact du sol et de l’atmosphère, les végétaux puisent dans ces deux milieux, à travers leurs surfaces d’échanges avec l’environnement, les substances dont elles ont besoin. Le carbone est prélevé directement dans l’air. Avec l’eau du sol, les plantes prélèvent aussi les composés phosphatés et azotés ainsi que les éléments minéraux et les oligo-éléments indispensa-bles. Le CO2 ne représente que 0,038 % du volume de l’atmosphère actuel, et l’eau du sol ne contient que quelques milligrammes par litre des ions nécessaires aux plantes. Cela oblige les plantes à développer de grandes surfaces d’échange avec l’environnement pour pallier la dilution des sources d’énergie (solaire) et de matière (carbone et ions minéraux).

Association entre roches et plantes : les plantes calcicoles et les plantes calcifugesLorsqu’on aborde le lien entre la constitution géologique des sous-sols et la nature des habitats qui les surmontent, une des premières subdivisions introduite concerne

les plantes calcicoles (qui aiment les calcaires) et les plantes calcifuges (qui évitent les calcaires) (photo 2). Cet aspect de l’écologie des plantes a été reconnu par les naturalistes depuis longtemps et est pris en compte par les jardiniers et les horticulteurs.

La subdivision entre plantes calcicoles et calcifuges n’est pas simple. Mais, sur la base d’observations floristiques, de nombreux botanistes sont capables d’en déduire la nature calcaire ou non du sol tandis que les géologues cartographes se servent aussi de ces précieux indicateurs floristiques pour réaliser les cartes géologiques.

Des tests de plantation de plantes calcifuges sur des sols calcaires produisent généralement des plantes au feuillage jaunâtre (= chlorose) [Bournérias et Bock (2006)]. De même, beaucoup d’espèces calcicoles ne peuvent être cultivées sur sols acides. De nombreux travaux ont montré que la présence de calcium n’est pas toujours le facteur principal dans la présence ou l’absence de plantes calcicoles ou calcifuges. Il apparaît que le facteur principal est le pH, qui affecte la solubilité d’un grand nombre d’éléments dans les sols. Sur sols acides (encadré), de nombreuses plantes

Photo2:Landeàbruyèreetajoncsurungranitedelabaied’Audierne(sitedeMenezDrégan,pointeduSouc’h).Lalandeestl’undespaysageslesplustypiquesdelaBretagne.C’estuneformationvégétalebasseinférieureà2mètres,établiesurdessolssiliceux,acidesetchimiquementpauvres,oùdominentlabruyèreetl’ajonc.Photo 2: Moorland with heather and gorse growing on Baie d’Audierne granite (Menez Drégan site, Pointe du Souc’h). Moors are one of Brittany’s most typical landscapes. They feature low-storey vegetation less than 2 m high, rooted in acidic soils rich in silica and chemically impoverished, where heather and gorse are the dominant species.© P. Nehlig, 2009.

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calcicoles ne peuvent pas pousser, car elles ne tolèrent pas les niveaux élevés d’aluminium que l’on y trouve. De même, la chlorose dans les plantes calcifuges est due au fait que sur les substrats calcaires le fer est insoluble : ces plantes produisent donc difficilement la chlorophylle, ce qui conduit à leur coloration jaune.

Le sol, réserve de la biodiversitéLa biodiversité telle qu’on l’entend souvent est limitée à la variété d’animaux et de plantes visibles dans un habitat particulier. On pense moins naturellement aux champignons, aux bactéries, aux archées et à l’ensemble des organismes vivants qui se développent dans les sols et représentent pourtant, et de loin, la plus grande part de la biodiversité. Pourtant, l’abondance, la diver-sité et l’activité des organismes que l’on y trouve jouent un rôle primordial dans leur formation et leur évolution en décomposant les résidus d’animaux et de végétaux, en les minéralisant et en les incorporant au sol. Ils participent ainsi au recyclage du carbone et des nutriments minéraux.

L’origine de l’abondance des organismes vivants dans les sols est liée à la texture des sols et à leur impor-tante hétérogénéité. Certains sols peuvent connaître une porosité de 50 %, avec des surfaces de pores gigantesques pour les sols argileux. Cette surface

diminue avec la granulométrie des sols. La variabilité des porosités, des capacités de rétention d’eau et des surfaces d’échanges chimiques a d’importantes incidences sur la biodiversité des sols.

De nombreux végétaux aériens survivent grâce à une étroite association avec la biodiversité du sol. Ainsi, on sait maintenant que près de 90 % des plantes à fleurs sont mycorhizées (association racines et champi-gnons), notamment celles qui vivent dans des milieux difficiles, comme les tourbières ou les sols extrême-ment pauvres et acides des podzols. L’utilisation de substances marquées (isotopes radioactifs…) montre que le mycélium des champignons mycorhiziens est capable de drainer à grande distance, à partir d’un volume considérable de sol, l’eau et les ions minéraux et de les transporter sélectivement jusqu’aux racines des arbres. Cette activité biologique dans les sols contribue à accélérer l’altération des roches et des minéraux qu’elles contiennent.

Ces termes largement utilisés pour décrire les roches magmatiques sont à l’origine d’une grande confusion. En géologie, on dit qu’une roche est acide si elle renferme plus de 63 % de silice. La silice, qui est un accepteur d’ion oxyde O2-, est acide (SiO2 + H2O = H2SiO3). Réciproquement, une base est une espèce pouvant céder un ion oxyde O2-. Par exemple, l’oxyde de calcium CaO est une base, car dans la réaction CaO + H2O Y Ca(OH)2 , le CaO cède son ion oxyde (CaO Y Ca2+ + O2-) qui est capturé par l’eau (O2- + H2O Y 2OH-).Ainsi, les qualificatifs « acides » et « basiques » ne font pas directement référence aux roches, mais au pH d’équilibre du fluide en contact avec la roche : H2SiO3 (H2SiO3 = HSiO3

- + H+) étant stable en milieu acide, tandis que Ca(OH)2 (Ca(OH)2 = Ca2+ + 2OH-) est stable en milieu basique.

Une roche est considérée comme acide ou basique en fonction de la quantité de silice qu’elle contient :> 63 % roche acide granite, rhyolite…

52-63 % roche intermédiaire diorite, andésite…45-52 % roche basique gabbro, basalte…< 45 % roche ultrabasique péridotite…

Ainsi les roches riches en silice sont acides, les roches riches en calcaire sont basiques.

Les précipitations de type « pluies acides » résultant de la présence de polluants atmosphériques, tels que le dioxyde de soufre (SO2) et les oxydes d’azote (NOx), sont susceptibles de modifier le pH des sols et donc la nature de la végétation. Quand les sols ne sont pas suffisamment alcalins (granites, grès et sables) et qu’ils ne parviennent pas à neutraliser naturellement les précipitations, ils sont particulièrement sensibles aux pluies acides. n

> �Roches acides ou basiques ?

L’origine de l’abondance des organismes vivants dans les sols est liée à la texture des sols et à leur importante hétérogénéité.

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géobiodiversité : l’influence de la géologie sur la biodiversité

Le tiers de la superficie de la Nouvelle-Calédonie est occupé par des roches ultrabasiques carac-térisées par une faible teneur en silice et une forte teneur en métaux, y compris de métaux lourds. Ces roches originaires du manteau terrestre ont été mises en place sur le substrat continental calédonien à la faveur de la sub-duction de ce dernier sous la plaque pacifique au début de l’Éocène (55 Ma) puis de son exhumation vers 34 Ma. Cette nappe et ses témoins (« klippes ») satellites constituent ainsi les reliefs les plus élevés de l’île, couramment supérieurs à 1 000 mètres. Au long isolement en milieu intra-océanique vient donc s’ajouter un facteur supplémentaire de sélection fortement lié à la nature du substrat. Les diver-gences évolutives et les radiations des lignées

floristiques et faunistiques ont eu pour consé-quence un taux d’endémisme élevé et une biodiversité exceptionnelle.

En milieu tropical, les roches ultrabasiques sont très sensibles à l’altération chimique qui karstifie la roche tout en laissant un résidu important. Ainsi se forment de grandes épais-seurs de latérites essentiellement composées d’oxydes et hydroxydes de fer, cuirassées à leur sommet. Les conditions physiques et chimiques de ces milieux sont sévères. La température de la cuirasse composée à plus de 98 % d’oxyde de fer peut atteindre dans certaines conditions 70 °C au soleil. L’eau des rivières a couramment un pH de 7,5. Qu’ils se développent directement sur les roches ultrabasiques ou sur leurs man-teaux d’altération, les sols de ces domaines sont fortement carencés en azote, phosphore, potassium et calcium. Ils sont par ailleurs exces-sivement riches en fer et magnésium. Le nickel, le manganèse ou le chrome, à des concentra-tions anormalement élevées, peuvent dans certaines conditions se trouver sous forme facilement assimilable par les plantes et se révéler toxiques.

Le bios a cependant réussi à s’adapter à ces conditions extrêmes. L’évolution a sélectionné sur ces terrains des espèces végétales disposées à une plus ou moins grande « limitation » de leurs besoins en différents éléments nutritifs (N, P, K, Ca), à croissance lente, fructification et germination irrégulières et peu fréquentes, capables d’une absorption sélective de certains éléments, souvent favorisée par des associations symbiotiques avec des bactéries ou des myco-rhizes. Deux processus évolutifs semblent avoir

réussi: l’acquisition de caractères de tolérance à une nutrition appauvrie et l’acquisition de caractères de résistance à une ressource toxique. Sur les sols anormalement riches en nickel ou manganèse assimilables, la plupart des espèces « limitent » la pénétration de ces métaux dans leurs tissus, tandis que d’autres en accumulent des quantités importantes (supérieur à 0,1 % rapportées à la matière sèche) dans leurs feuilles sans être intoxiquées. Une quarantaine d’espèces de plantes hyper-accumulatrices ont été recensées. Des teneurs de plus de 1 % de nickel ou manganèse foliaire ont été enre-gistrées chez une dizaine d’espèces et des teneurs en nickel supérieures à 20 % dans le latex (coloré en bleu-vert) de Sebertia acumi-nata, véritable « arbre à nickel » appelé « sève bleue » par les forestiers (photo).

La flore indigène des plantes vasculaires en contexte ultrabasique totalise 2 170 espèces, dont 1 740 (plus de 80 %) sont endémiques de la Nouvelle-Calédonie. Ce fort endémisme est le résultat de phénomènes de radiations intervenus à partir d’espèces pré-adaptées. Ces phénomènes ont été intensifiés par le découpage du feuillet ultrabasique initial en plusieurs massifs perchés, isolats écologiques au sein de l’île, qui ont leurs propres espèces endémiques.

La faune des massifs ultrabasiques (arthropodes, mollusques, reptiles), dépendante en grande partie de la flore, est également marquée par une forte endémicité. L’homme lui-même ne s’est pas établi à l’intérieur des zones ultraba-siques, seule la frange littorale étant de loin en loin occupée par quelques tribus. n

> L’influence de la roche sur la biodiversité - La Nouvelle-CalédoniePierre Maurizot – BRGM Nouvelle-Calédonie – [email protected] – Tanguy Jaffré – IRD Nouméa – [email protected]

Latex coloré en bleu de l’espèce Sebertia acuminata.Blue coloured latex of the species Sebertia acuminata.© Base Indigo IRD, T. Jaffré.

L’homme renforce le lien entre la biodiversité et son substratL’influence humaine a été essentielle dans la répartition des habitats telle que nous la voyons aujourd’hui [Bournérias et Bock (2006) ; Blandin (2010)]. La végétation et une grande part de la diversité des habitats ont été modifées par l’homme et sont le résultat de millénaires d’aménagement de l’espace. Sans l’intervention humaine, la France ne présenterait pas sa diversité paysagère. Seuls quelques rares habitats non modifiés par l’homme existent encore

sur le territoire métropolitain. Ainsi, les milieux diffi-ciles, où l’homme a renoncé à établir ses cultures, sont propices à la différenciation et/ou à la conservation des espèces endémiques. Il s’agit essentiellement de milieux littoraux, humides, de zones de montagne et de quelques milieux subdésertiques périméditerra-néens. Ailleurs, l’activité humaine a pour une grande part masqué et modifié les effets des processus géologiques sur la faune et la flore. Cela s’est-il traduit par une homogénéisation ou une exacerbation des habitats ? Il semblerait que la révolution néolithique

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se soit traduite par une diversification accrue et par un renforcement du lien entre géodiversité et biodiversité. Pour Bournérias et Bock, avant les premiers déboisements des zones basses, les particu-larités entre zones géologiques étaient certainement moins perceptibles qu’aujourd’hui et devaient se tra-duire par de subtiles différences dans les essences forestières et les structures du sol. Le déboisement et le développement de l’agriculture ont renforcé cette différenciation. Certaines zones ont été préférentiel-lement sélectionnées (pour partie sur des critères géologiques) pour y faire pousser certaines espèces, et les communautés florales et faunistiques s’y sont adaptées. D’autres secteurs aux sols trop pauvres sont restés boisés ou ont été transformés en pâturages. À l’échelle locale, effectuons par exemple le trajet Paris-Orléans par le train. À la ville de Paris installée pro parte sur les alluvions de la Seine succède la forêt de Fontainebleau dont le sous-sol composé principa-lement de sable siliceux très pur interdit toute agriculture intensive. Puis vient la Beauce avec ses champs de céréales à perte de vue. Installé sur des calcaires karstiques et enrichi en surface par des limons d’origine éolienne, le sol de Beauce est bien drainé et propice à la culture. Peu avant Orléans, les champs de céréales laissent place à la forêt d’Orléans installée sur les sables de Sologne qui débordent en

rive droite de la Loire. La ville d’Orléans est implantée dans et en bordure du lit majeur de la Loire.

À une autre échelle, la mise en parallèle de la carte géologique de France à 1/1 000 000 et de la couverture CORINE Land Cover à 1/100 000 montre les liens étroits qu’il peut y avoir entre nature géologique du proche sous-sol et occupation végétale, animale et humaine des sols et permet de les quantifier. La base de données géographique CORINE Land Cover est un inventaire biophysique produit, maintenu et diffusé par le Service de l’Observation et des Statistiques (SOeS) du Commissariat général au développement durable en France (http://www.ifen.fr). Elle fournit une infor-mation géographique hiérarchisée en trois niveaux avec 44 codes caissons utilisables au 1/100 000. La carte géologique de la France à 1/1 000 000 publiée par le BRGM (http://www.brgm.fr) en 2003 est la synthèse de plus de 1 000 cartes à l’échelle du 1/50 000. Ces documents sont numérisés et disponibles à un format vectoriel, et leur géométrie peut donc être croisée (analyses par correspondances multiples, ACM) afin de mettre en évidence les corrélations entre les codes

geobiodiversity: the influence of geology on biodiversity

Les liens entre nature géologique du proche sous-sol et occupation végétale, animale et humaine des sols, sont étroits.

L’agriculturecéréalièreintensivedelaplainedeBeaucebénéficieàlafoisdeslimonsrécentsd’origineéolienneetdel’aquifèrecalcairesous-jacent.Intensive grain production in the Beauce plains benefits both from recent loam of eolian origin and from the underlying limestone aquifer.© Fotolia

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Territoires artificialisésó Territoires artificialisésTerritoires agriciolesó Terres arablesó Prairiesó Autres territoires agricoles

Forêts et milieux semi-naturelsó Forêts de feuillusó Forêts de conifèresó Autres forêts et milieux

semi-naturels

Surfaces en eauó Surfaces en eauZones humidesó Zones humides

Territoires artificialisésó Territoires

artificialisésTerritoires agriciolesó Terres arablesó Prairiesó Autres

territoires agricoles

Forêts et milieux semi-naturelsó Forêts

de feuillusó Forêts

de conifèresó Autres forêts

et milieux semi-naturels

Surfaces en eauó Surfaces

en eauZones humidesó Zones

humides

ó Holocène Alluvions récentes

ó Holocène – Moyennes terrasses alluviales

ó Mio-Pliocène à Pléistocène Hautes terrasses alluviales

ó �Miocène moyen à supérieur Sables et argiles de Sologne

ó Oligocène à Miocène inférieur Calcaires lacustres de Beauce

ó Oligocène Calcaires lacustres

ó Éocène – Sables, argiles, grès, calcaires lacustres

Argiles à silexó Crétacé supérieur

Craie,tuffeau, sablesó Crétacé inférieur

Marnes, grèsó Jurrassique supérieur

(Malm) – Calcaires, marnesó �Jurrassique moyen (Dogger)

Calcairesó Jurrassique inférieur (Lias)

Calcaires, argilesó Trias – Grès, argilesó Socle cristallin – Granites,

roches métamorphiques

© BRGM © CORINE Land Cover, www.ifen.fr.

Formations sédimentairesó Argilesó Craiesó Calcairesó Sablesó Grès

Formations métamorphiquesó Schistesó Micaschistesó Schistes bleuó Ophiolitesó Gneiss

Formations plutoniquesó GranitesFormations volcaniquesó Basaltes, rhyolites…

Fig.1et2:Àgauche,cartelithologiquesimplifiée.Àdroite,cartesimplifiéedel’occupationdessols.Lajuxtapositiondesdeuxcartesillustrel’importantcontrôlegéologiquedel’occupationdessols.

Fig. 1 and 2: Left, simplified lithological map. Right, simplified land-use map. Placed side by side, the two maps illustrate how land use is indeed significantly governed by geology.

Fig.2:ZoomsurlarégionCentre.Lajuxtapositiondesdeuxcartesillustrel’importantcontrôlegéologiquedel’occupationdessols.LesterrainscalcairesdelaBeauceetduBerrysontoccupéspardesterresarablesalorsquelessablesetargilesdeSologneetlesterrassesdeLoiresontrecouvertsdeforêtsdefeuillus.LesterrainscristallinsdelaMarcheetlesgrèsetargilesduTriassontoccupéspourl’essentielpardesprairies.

Fig. 2: Enlargement of the Region Centre. Placed side by side, the two maps illustrate how land use is indeed significantly governed by geology. The limestone terrains in the Beauce and Berry regions are used as farmland, whereas the sand and clay formations in the Sologne region and on the Loire terraces host forests of deciduous species. The crystalline terrains of the Marche area and the Triassic sandstones and clays are occupied by grassland for the most part.

© BRGM © CORINE Land Cover, www.ifen.fr.

geobiodiversity: the influence of geology on biodiversity

Références : Blandin P. (2010) – Biodiversité : l’avenir du vivant. Éditions Albin Michel. Bournérias M. et Bock C. (2006) – Le génie végétal. Éditions Belin. English Nature (2004) – Linking Geology and Biodiversity, Report n° 562. Gray J.-M. (2004) – Geodiversity: valuing and conserving abiotic nature. Wiley, Chichester. Nahon D. (2008) – L’épuisement de la Terre. L’enjeu du XXIe siècle. Éditions Odile Jacob. Wever (de) P., Le Nechet Y., Cornee A. (2006) - Vademecum pour l’inventaire du patrimoine géologique national. Mémoire hors-série de la Société géologique de France, n° 12, 161 p.

d’occupation des sols de la BD CORINE et les codes lithologiques de la carte géologique (figures 1 et 2).

À l’échelle de la France, les terres arables sont princi-palement installées sur les craies, les marnes et les calcaires (ou les dépôts superficiels de type loess) alors que les prairies sont prépondérantes sur les gra-nitoïdes du Massif armoricain et du Massif central. Quelles différences entre les forêts de conifères et de feuillus ? Si les forêts de feuillus sont préférentielle-ment situées sur les calcaires, les marnes et les craies, les forêts de conifères sont développées sur sables, grès et granitoïdes.

Connaître pour protégerLa prise de conscience de la diversité des êtres vivants, de son caractère patrimonial et de la nécessité de sa protection s’est concrétisée de diverses manières ; de l’échelle internationale à celle des initiatives privées, les actions sont nombreuses pour protéger les espèces et les espaces qui les accueillent. À l’échelle nationale sont distingués les outils de protection stricte, tels la procédure de classement d’un site, l’arrêté de biotope ou la réserve naturelle, et ceux qui permettent plutôt un suivi et une gestion de l’espace tels le parc naturel régional ou la réserve naturelle associative.

Mais pour protéger et gérer au mieux, il faut avant tout connaître. Différents outils de connaissance du patrimoine naturel ont vu le jour, tel l’inventaire des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique initié en 1982 par le ministère de l’Environnement. L’objectif de cet inventaire est de recenser de manière la plus exhaustive possible les espaces naturels qui abritent des espèces rares ou menacées ou qui représentent des écosystèmes riches et peu modifiés par l’homme.

La conservation et la gestion de la géodiversité sont devenues, après celles de la biodiversité, un objet de préoccupation mondiale. Plusieurs initiatives interna-tionales, nationales et au niveau des collectivités locales se relaient aujourd’hui pour faire reconnaître concrètement le concept de géodiversité et favoriser sa conservation. C’est le cas de l’initiative « Inventaire du Patrimoine Géologique » en France. Lancé en 2007, l’inventaire du patrimoine géologique s’inscrit dans le cadre de la loi du 27 février 2002, relative à la démocratie de proximité. Celle-ci précise que « l’État […] assure la

conception, l’animation et l’évaluation de l’inventaire du patrimoine naturel qui comprend les richesses écologiques, faunistiques, floristiques, géologiques, minéralogiques et paléontologiques ». Cet inventaire (http://geologie.naturefrance.fr), réalisé sous la responsabilité scienti-fique du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) [De Wever et al. (2006)] et avec un soutien méthodo-logique du BRGM, est intégré dans le Système d’information sur la nature et les paysages (http://www.naturefrance.fr) mis en place par le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer. Il a pour objectif : – d’identifier l’ensemble des sites et objets d’intérêt géologique ;– de collecter et saisir leurs caractéristiques ;– de hiérarchiser et valider les sites à vocation patri-moniale ;– d’évaluer leur vulnérabilité et les besoins en matière de protection.

Plusieurs outils juridiques existent et permettent une protection efficace de la géodiversité : Réserve Naturelle Nationale (1976), Réserve Naturelle Régionale (2002), Site Classé (1930), Maîtrise Foncière. Il y manquait un outil d’application rapide. C’est pratiquement chose faite avec le Projet de loi Grenelle 2, qui vise à élargir le champ d’application des arrêtés de protection de biotope aux géotopes et à inscrire les sites d’intérêt géologique dans les articles L411-1, 2 et 3 du code de l’environnement.

On considère aujourd’hui les processus géologiques ou géomorphologiques naturels comme des aléas pour la biodiversité. Pourtant, les phénomènes géolo-giques passés sont pour une grande part à l’origine de la diversité des habitats que nous connaissons. Les habitats changent, et ce changement produit de la biodiversité. C’est peut-être la principale conclusion que l’on peut tirer des études menées sur les liens entre biodiversité et géodiversité : les processus géologiques et géomorphologiques sont multiples et conduisent à de la diversité dans les sols et dans les interactions avec l’atmosphère, l’hydrosphère et la biosphère. C’est aussi grâce à cette diversité géolo-gique que les environnements de vie du vivant sont si riches. Cette conclusion – on pourrait dire évidente – suppose que soient prises en compte « l’insularité » de certains milieux géologiques, et la biodiversité endé-mique potentielle ou avérée qui les accompagne, dans les inventaires actuels du patrimoine naturel. n

Geobiodiversity: the influence of geology on biodiversityThis article investigates the relationships between biodiversity and the lithology of the subsurface. Where land use obscures so much, geology is the element of landscape that is hardest to grasp. Yet it is an essential determinant of the character of natural habitats and how man has come to use them. The chemical and physical diversity of rock directly influences the distribution of life forms. From the earliest stages of colonization by plant life to the development of soils and man’s continuing use thereof, subsurface lithology is a significant parameter to be considered in understanding biodiversity and in implementing measures to protect it. Biodiversity is often construed as restricted to the variety of animals and plants actually visible in a given habitat. Less thought is naturally given to the biota that develops in soils and accounts for an overwhelming share of biodiversity. The recognition of this wealth presupposes that consideration be given, in today’s inventories of our natural heritage, to the “insularity” of certain geological contexts and to the potential or actual endemic biodiversity associated with them.

La conservation et la gestion de la géodiversité sont devenues un objet de préoccupation mondiale.

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les roches témoins de la biodiversité du passé

Les roches et sédiments portent la trace de leur environnement

originel dont ils en sont l’enregistrement à l’image d’un film

qui a commencé il y a plusieurs milliards d’années. La biodiversité

du passé est donc inscrite dans les roches qui sont les archives de l’histoire de la vie sur Terre. Une des principales difficultés

quand on évoque la biodiversité passée est le saut d’échelle

temporelle. Le géologue qui s’intéresse à la vie

(le paléontologue) travaille avec une échelle dont l’unité

est le million d’années (dix mille siècles).

Patrick De WeverProfesseur au Muséum National d’Histoire NaturelleSpécialiste de radiolaires, s’intéresse aux relations biosphère-géosphèreResponsable de l’inventaire national du patrimoine géologique. [email protected]

Certaines roches sont particulièrement riches en restes fossiles. Ici le calcaire à Orthocères du Dévonien du Maroc

marie avec bonheur des vives couleurs qui soulignent les formes et procurent un aspect esthétique indiscutable.

L’orientation des grandes coquilles indique un courant.Certain rocks are particularly rich in fossil remains. Here, the

Devonian Orthoceras-bearing limestone in Morocco features an harmonious blend of brillant colours which enhances

the fossil shapes and produces an undeniably esthetic effect. The orientation of the large shells indicates a current was present.

© P. De Wever.

Les roches et leur empilement de couches sont le livre de l’histoire de la Terre (figure 1). Chaque strate est une page de ce livre qui nous raconte des histoires où la réalité n’a rien à envier au fantastique. Mais comme dans les vieux livres, certains passages

se sont dégradés ou n’ont pas été enregistrés ; il convient donc d’être prudent dans les reconstitutions.

Les données disponiblesLe géologue dispose des données que lui livrent les roches. Mais ces données sont-elles représentatives de cette réalité passée ? Pour comprendre comment le message initial (celui de la biodiversité au moment de la vie des organismes) peut être modifié, il convient de suivre l’évolution qui va du plancton au sédiment. Des comptages ont montré que moins de 1 ‰ des éléments vivants du plancton se retrouvent dans le sédiment du fond des océans, la plupart disparaissant généralement par dissolution du test lors de la chute dans la colonne d’eau. Non seulement le nombre de spécimens diminue mais également la diversité, les éléments les plus délicats étant dissous de préférence. Il y a donc un tri sélectif. Par la suite, des informations seront encore gommées lors de la transformation du sédiment en roche (lors de la diagenèse). Le géologue est certain de ne pas retrouver

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toute l’information contenue dans les roches, parce qu’il ne trouve pas les meilleurs échantillons, ou parce qu’une partie de l’information est détruite ou non collectée lors des manipulations de dégagement chimique, de tri etc. Ainsi, l’information accessible à partir de laquelle on cherche à reconstituer la biodiver-sité est-elle extrêmement modifiée. In fine on ne dispose que d’une toute petite partie de l’information initiale (quelques millièmes ou fractions de millièmes de la variété initiale). Faute de pouvoir reconstituer la réalité, on peut seulement restituer une hypothèse cohérente et respectueuse des faits connus. S’ajoute en effet la question de l’accès à l’observation géologique, qui est très inégale selon les conditions climatiques (végétation, érosion) ou anthropiques (creusement de puits, de galeries, etc.).

La biodiversité sur Terre Quand on évoque la biodiversité à l’échelle géologique, le Phanérozoïque – époque de « la vie qui se voit » – est souvent le seul concerné. Pourtant la vie est apparue bien plus tôt, vers 4 000 à 3 500 Ma(1) (figure 2). Traiter du seul Phanérozoïque revient donc à ne considérer que 12,3 % de l’histoire de la Terre, 14,5 % de l’histoire de la vie. Quand on prétend parler de toute l’histoire de la biodiversité sur Terre en ne remontant qu’à l’Ediacarien

(1) – Plusieurs âges peuvent être avancés selon que l’on évoque la vie sous forme de traces biologiques reconnues et avérées, ou de traces supposées ou encore d’indices indirects (géochimiques).

(ou pire au Cambrien), on ignore ainsi 85 % de l’histoire de la vie ! Ces chiffres soulignent combien il convient d’être précis dans le propos et modeste dans l’ambition.

Fig. 1 : Les couches de terrains sont exposées comme les pages d’un vieux livre. La mer finit par les user, par les gommer, comme le temps pour les livres. Ces couches sont des palimpsestes sur lesquels plusieurs histoires ont été successivement enregistrées. Fig. 1: Rock strata lie exposed like the leaves of an ancient book. Inexorably, the sea eats away at them and expunges what was once written there, just as time obliterates the pages of books. These layers are palimsests on which several stories have been successively recorded.© J. Rey.

rocks bearing witness to biodiversity in the past

Fig. 2 : Âge de la Terre, âge de la vie, âge des fossiles minéralisés. La Terre s’est formée par accrétion, il y a 4 560 Ma (4,6 Ga). La vie est apparue vers 3,8 Ga. Les plus vieux fossiles minéralisés ont environ 600 millions d’années. Pour évoquer la biodiversité terrestre il convient donc de considérer davantage que les 600 derniers millions d’années.Fig. 2: The ages of Earth, of life and of mineralized fossils. Earth formed by accretion some 4560 Ma ago (4.6 Ga). Life appeared sometime around 3.8 Ga. The oldest fossils are some 600 million years old. If one is seeking to reconstruct the history of biodiversity on Earth, far more than the last 600 Ma needs to be considered.© D’après De Wever et al., 2002.

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Biodiversité et biodiversitésLes évocations spontanées liées au terme « biodiversité » sont généralement plus affectives que raisonnées. L’ours, le bébé phoque, le dinosaure, etc., sont plus des indicateurs de l’onirisme que de la biodiversité, qui comprend aussi les anciennes céréales, les moustiques, les parasites et toute la vermine invisible. On sait aujourd’hui que l’usage intensif des pesticides est sus-ceptible de diminuer fortement la biodiversité en modifiant toute une chaîne alimentaire. Pour chiffrer la biodiversité actuelle, une première approche conduit à penser qu’il suffit de compter le nombre d’espèces enregistrées dans un catalogue au niveau international. Le nombre total d’espèces vivantes répertoriées se situe un peu au-delà de 1,7 million. Il subsiste néanmoins une incertitude, car toutes les espèces actuelles n’ont pas encore été décrites. Leur nombre ne peut être qu’estimé, et les marges d’incertitude varient beaucoup. L’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) retient en 1999 un chiffre de 7 millions au total, la fourchette probable se situant entre 5 et 15 millions, mais les degrés d’incertitudes invitent à prendre en compte la variabilité allant de 3 à 100 millions d’espèces. L’énorme incertitude concernant le nombre

Fig. 3 : Les falaises du Vercors sont constituées de l’accumulation de restes d’organismes planctoniques. Voir du calcaire, c’est donc voir un produit de la vie. Fig. 3: The cliffs in the Vercors are composed of an accumulation of the remains of plankton. When you see limestone, you are actually contemplating a product formed by living organisms. © P. De Wever.

Fig. 4 : Les radiolaires, organismes du plancton microscopique, sont de véritables joyaux réservés à l’observation au microscope (collectés lors de l’expédition du HMS Challenger, Haeckel, 1904). Ces bijoux constituent des roches et servent de chronomètre au géologue.Fig. 4: Radiolarians, planktonic micro-organisms, are true jewels which can only be seen with a microscope (collected during HMS Challenger cruise, Haeckel, 1904). These jewels form rocks and act as chronometers for geologists.

d’espèces vivantes a évidemment des répercussions sur l’estimation des extinctions actuelles.

La biodiversité comprend donc aussi tout un monde micro- et nanoscopique qui est certes infiniment petit mais aussi tellement abondant qu’il peut représenter des montagnes (figure 3). Les bâtiments de notre capitale sont faits de restes microscopiques du plancton qui vivait dans cette région il y a un peu plus de 40 millions d’années. Cela concerne les formations carbonatées, les plus abondantes (voir article E. Vennin dans ce numéro), mais aussi les formations siliceuses. Les radiolaires, micro-organismes à test siliceux, consti-tuent en effet également des formations sédimentaires souvent importantes (figure 4). Plus que le dinosaure, c’est le tout petit plancton qui constitue la montagne.

L’évaluation de la biodiversité actuelle présente de grandes incertitudes qui sont encore bien plus grandes pour le passé.

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rocks bearing witness to biodiversity in the past

Il y a plus de vingt ans déjà, les géochimistes découvraient dans l’enregistrement sédimentaire vers - 55 Ma un réchauffement climatique global lié à un effet de serre majeur. Ce maximum thermique de la limite Paléocène-Eocène (Paleocene-Eocene Thermal Maximum = PETM en anglais), dont le démarrage est aujourd’hui daté à 55,8 Ma, a duré 150 000 à 200 000 ans et reste une des anomalies climatiques les plus intenses et brèves du Phanérozoïque. Aujourd’hui, on commence à réaliser à quel point son initiation très rapide et ses liens avec une augmentation drastique des gaz à effets de serre en font un bon analogue au réchauffement climatique actuel. Il est étudié par plusieurs équipes pluridisciplinaires internationales et reconnu dans de nombreux sites sur tous les continents et tous les océans. Le PETM est synchrone d’une forte excursion négative du d 13C, impliquant une libération massive de carbone 12C dans le système océan-atmosphère. Les sources de ce carbone peuvent être multiples et sont toujours débattues :– libération d’hydrates de méthane dans les océans par augmentation de température ou chute de pression ;– éruptions volcaniques massives en liaison avec les phases finales de l’ouverture océanique de l’Atlantique nord,– recrudescence de l’hydrothermalisme des dorsales ;– intrusion de sills volcaniques dans des bassins très riches en matière organique en mer de Norvège, production de méthane par métamor-phisme de contact et éruption sur le fond marin ;– émersion de mers épicontinentales par chute du niveau marin (provoquée par le soulèvement lié au rifting de l’Atlantique nord ou la fermeture de la Néo-Téthys par collision entre Inde et Eurasie), puis dessiccation et altération du carbone organi-que sédimentaire par l’activité bactérienne ;– grands incendies de tourbières asséchées ou impact d’une comète, deux hypothèses semblant abandonnées aujourd’hui.Outre les excursions isotopiques observées du d13C et du d18O, le PETM se marque dans les archives sédimentaires par des faciès particuliers et coïncide avec des perturbations majeures de l’environnement : acidification des océans,

modification des circulations océaniques, modifi-cations régionales du régime des précipitations et de l’hydrologie des bassins versants, alternances saisonnières renforcées entre aridité et humidité, crues catastrophiques renforçant ruissellement et apports terrigènes et en nutriments aux océans. Le PETM a induit des perturbations environnemen-tales importantes, bouleversant la répartition des milieux de vie et niches écologiques, les régimes trophiques et chaînes alimentaires. Ces change-ments ont eu des conséquences non négligeables sur les populations végétales et animales, et sur la biodiversité, qui s’en est trouvée modifiée. – En milieu marin, une extinction notable des fora-minifères benthiques et des renouvellements des faunes d’ostracodes et de foraminifères agglutinés dans les mers profondes, la présence transitoire de faunes spécifiques de foraminifères plancto-niques et de nannoplancton calcaire, une acmé et un pic de diversité des espèces de dinoflagellés Apectodinium. – En milieu continental, renouvellements, dispa-ritions et chute de la diversité taxonomique affectent les flores. Parmi les animaux, différents groupes archaïques disparaissent, et des groupes modernes apparaissent. C’est le cas pour les tortues, certains lézards, grenouilles et surtout les

mammifères. Les périssodactyles, artiodactyles et primates apparaissent, se diversifient et se répandent très rapidement dans l’hémisphère nord. La migration du plus ancien primate Teilhardina s’est ainsi réalisée en moins de 25 000 ans de l’Asie vers l’Amérique, en passant par l’Europe. Les vertébrés terrestres ont pu emprunter certains passages émergés à de hautes latitudes via le détroit de Béring, le Groenland et à la faveur des reliefs liés au rift de l’Atlantique nord naissant. À l’époque, ces zones étaient des havres subtro-picaux, à la végétation luxuriante. De nombreuses inconnues subsistent quant à l’impact du PETM sur la biodiversité végétale et animale dans les différents compartiments du domaine continental. Les études à venir devront se concentrer sur les recueils de données parfaite-ment corrélées avec des courbes isotopiques à haute résolution, bien réparties sur le globe, afin de distinguer les effets locaux et globaux, et devront intégrer tous les secteurs des paysages et toutes les composantes des populations, en évitant si possible les biais taphonomiques. n

Bibliographie : Smith, T., Rose K. & Gingerich P. (2006) – Rapid Asia-Europe-North America geographic dispersal of earliest Eocene primate Teilhardina during the Paleocene-Eocene Thermal Maximum, Proceedings of the National Academy of Science, 103, 30, 11223-11227.

>CrisepaléoclimatiquedelalimitePaléocène–Eocène(crisehyperthermiquedu«PETM»)etsesconséquencessurl’environnementFlorence Quesnel – Service géologie, BRGM – [email protected] Smith – Département de Paléontologie – IRSNB Bruxelles, Belgique – [email protected] Storme et Johan Yans – Département de Géologie – FUNDP Namur – Académie Louvain, Belgique – [email protected][email protected] Dupuis – Géologie Fondamentale et Appliquée – Polytech, Université de Mons, Belgique – [email protected]

Carte paléogéographique et chemins de migration supposés du primate Teilhardina durant le PETM.Paleogeographic map and reconstructed migration pathways for the primate Teilhardina during the PETM.© D’après Smith et al., 2006.

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les roches témoins de la biodiversité du passé

Paléobiodiversité L’évolution de la biodiversité au cours du temps est souvent représentée par une seule courbe, alors que des courbes différentes sont indispensables selon que l’on traite d’un environnement (marin vs terrestre) ou

d’un niveau particulier de la classification (genre, famille…) (figure 5). Ces diagrammes montrent que si l’on évoque la biodi-versité au cours du temps, il est capital de préciser

A – Niveau : famille/milieu : terrestre + marin.La seule crise qui présente une nette diminution de biodiversité est celle de la limite entre les ères Paléozoïque et Mésozoïque à la fin du Permien. La limite Mésozoïque - Cénozoïque reste peu marquée.Modifié d’après Benton, 1988.

B – Niveau : famille/milieu : terrestre.La crise de la fin de l’Ordovicien ne ressort pas comme une diminution de la biodiversité. Au contraire, elle représente le début de cette biodiversité puisque les organismes n’étaient encore que marins. Après cette période apparaissent des organismes continentaux (sortie des eaux des plantes). Voila une « crise » qui n’en est pas une pour les organismes continentaux ! Seule la crise fini Permien correspond à une diminution de la biodiversité.Modifié d’après Benton, 1988.

C – Niveau : famille/milieu : marin.Cette courbe montre clairement les cinq grandes crises, elle est même la seule à les présenter aussi distinctement… C’est pourquoi elle est systématiquement illustrée, même quand le sujet traité concerne les organismes continentaux.Modifié d’après Sepkoski, 1996.

D – Niveau : genre/milieu : marin.L’allure de la courbe est proche de celle de la figure C (familles marines) mais les variations sont amplifiées. Certes les crises sont bien visibles, mais de nombreuses autres variations semblent brouiller le signal. La courbe verte comporte plus de 18 000 genres qui durent au moins deux intervalles de calcul. La courbe violette prend en compte tous les genres (plus de 33 000).Modifié d’après Sepkoski, 1996.

Fig. 5 : Courbes de la variation

de la biodiversité au cours des temps

géologiques (Phanérozoïque).

Les étoiles (H) positionnent les 5 crises

majeures : fini Ordovicien,

Dévonien supérieur (limite

Frasnien-Famennien), fini Permien,

fini Trias, fini Crétacé. V : Vendien,

C : Cambrien, O : Ordovicien,

S : Silurien, D : Dévonien,

Carb. : Carbonifère, P : Permien,

Tr. : Trias, Jur. : Jurassique,

Crét. : Crétacé, Tert. : Tertiaire.

Fig. 5: Curves showing variations in biodiversity

over geological time (Phanerozoic).

Stars (H) mark the five mass extinctions:

terminal Ordivician, Upper Devonian

(Frasnian-Famennian), terminal Permian,

terminal Triassic and terminal Cretaceous.

V: Vendian, C: Cambrian,

O: Ordovician, S:Silurian,

D: Devonian, Carb.: Carboniferous,

P: Permian, Tr.: Triassic,

Jur.: Jurassic, Crét.: Crétaceous,

Tert.: Tertiary.

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l’environnement concerné et le niveau de la classifi-cation. Il apparaît pertinent de ne pas mélanger des niveaux différents de la classification sur un même diagramme.

E – Niveau : familles de tétrapodes/milieu : continental.I – Amphibiens primitifs,

Anapsides et reptiles à tendances mammaliennes.

II – Premiers diapsides, Dinosaures et Ptérosaures.

III – Amphibiens modernes, lézards, serpents, tortues, crocodiles, oiseaux et mammifères.

Modifié d’après Benton, 1988.

F – Niveau : famille/milieu : terrestre.Les trois courbes représentent la biodiversité des Amniotes : les mammifères, les reptiles et les oiseaux. Selon le groupe considéré, ces courbes n’ont pas la même allure.Modifié d’après Benton, 1988.

G – Trois niveaux taxonomiques différents d’organismes marins : ordres, classes, phyla.Les courbes, bien que traitant de la même biodiversité, mais à des niveaux hiérarchiques différents de la classification, n’ont pas la même allure et ne délivrent pas le même message.Modifié d’après Valentine, 1973.

L’évaluation de la biodiversité actuelle présente de grandes incertitudes.

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les roches témoins de la biodiversité du passé

Crises de biodiversité et échelle des temps géologiques

Les crises qui ont touché la biodiversité au cours du temps géologique existent depuis toujours. Elles sont plus ou moins importantes. On a l’habitude d’en distinguer cinq principales. Ces crises, par les change-ments importants de biodiversité qu’elles engendraient, ont été interprétées en termes de catastrophes pendant un temps. Si cette notion est aujourd’hui relativisée, il n’en reste pas moins qu’elles ont servi de base pour le découpage de l’échelle des temps géo-logiques. Ce n’est en effet pas un hasard si le passage de l’ère primaire à l’ère secondaire, comme celui de l’ère secondaire à l’ère tertiaire sont compris dans les cinq crises majeures, respectivement la plus grande et la cinquième.

Les crises sont généralement présentées comme néfastes. Et pourtant, remises en perspective, elles se révèlent

favorables pour la biodiversité en général. Certes des organismes sont disparus à jamais, mais les crises, jusque-là, ont toujours été suivies par une phase de reconquête. La biodiversité est alors plus riche. Ainsi, si l’Homme a pu émerger, on peut dire que c’est parce qu’il y a eu la crise Crétacé-Tertiaire. Néanmoins, du point de vue géologique, on ne peut considérer l’ensemble de la biodiversité à la seule aune de l’Homme. Si nous vivons une sixième crise, elle ne sera sans doute pas dramatique pour la biodiversité à terme, encore moins pour la planète, même si l’Homme risque fort de ne pas y survivre.

La biodiversité au cours du temps : une variable indépendante ? La variation de la biodiversité au Phanérozoïque peut être comparée à d’autres données afin de faire ressortir d’éventuelles corrélations ou indépendances (figure 6).

Fig. 6 : Évolution phanérozoïque de la biodiversité spécifique, du nombre de spécialistes impliqués et du nombre de km2 concernés.Fig. 6: Evolution during the Phanerozoic of the biodiversity of species, the number of specialists involved and the number of sq. km available for study.

Histogramme jaune : nombre d’espèces par million

d’années. Il montre deux maxima au cours de l’ère Paléozoïque,

un vers 400 Ma et un vers 280. Depuis le Mésozoïque,

une augmentation quasi exponentielle rappelle

les courbes au niveau familial.Histogramme rouge :

nombre de paléontologues par millions d’années de chaque période.

Une bonne correspondance avec la courbe précédente est possible,

ce qui paraît logique, car il faut beaucoup de spécialistes pour étudier des espèces

en grand nombre.Histogramme bleu :

nombre de km2 de chaque type d’âge à l’affleurement. On note ici aussi

une bonne correspondance et une logique simple : de grandes

surfaces d’affleurement avec beaucoup d’espèces et donc

beaucoup de spécialistes… Mais alors que signifie la biodiversité ?

Ne serait-elle que fonction de la surface d’affleurement ?

D’après De Wever et al., 2010 et d’après les données de Sheehan, 1977.

Cinq crises principales ont affecté la biodiversité au cours du temps géologique.

rocks bearing witness to biodiversity in the past

Le diagramme de la figure 6 est sujet à interrogations sur plusieurs points.

1 – Quel est le facteur majeur qui influence les autres ? a – Le grand nombre d’espèces explique-t-il le grand nombre de spécialistes pour les étudier ? Mais alors que signifie la correspondance avec la surface d’affleure-ment ?b – La grande superficie d’affleurements de formations justifie-t-il la présence d’espèces à profusion ? Si tel est le cas, alors la courbe du nombre d’espèces ne repré-sente pas la biodiversité.

2 – Si la signification de la variation de paléobiodiversité est discutable, peut-on encore parler de crises ? Les chiffres et les courbes ne sont que des indications, des outils indispensables à la science, mais ne sont pas des vérités. Cet exemple montre que des conclusions contradictoires peuvent être tirées.

La surface sous l’influence de la profondeur (la biodiversité, phénomène de surface d’une grande profondeur)Au niveau global, la biodiversité dépend de la dispersion ou du regroupement des continents, de la variation du niveau marin, des climats et de leurs variations (en importance et rapidité). Ces facteurs sont d’abord déterminés par le fonctionnement interne de la pla-nète. Par ailleurs, les grandes crises du monde vivant sont liées, au moins en partie, à la mise en place de gigantesques coulées de laves basaltiques émises par un volcanisme de type point chaud dont l’origine se situe à la limite du noyau et du manteau de la Terre, vers 2 900 km de profondeur. La biodiversité caracté-rise la biosphère, partie la plus superficielle de la Terre. Cette connexion souligne l’interdépendance des phénomènes qui peuvent sembler si éloignés les uns des autres, la surface et le centre de la Terre. Magnifique illustration des interactions à diverses échelles de temps et d’espace.

La biodiversité actuelle dans le contexte historique de la TerreOn entend souvent affirmer par les médias que la biodiversité, voire carrément la planète elle-même, seraient mises en danger par le réchauffement clima-tique. Ce discours heurte le géologue, car la planète Terre n’est pas sensible à l’élévation de sa température de surface de quelques degrés : au Crétacé la tempéra-ture moyenne était de 30 °C alors qu’elle est aujourd’hui de 13 °C ! Son histoire nous apprend par ailleurs que la biodiversité a connu bien des crises et que, à l’issue de chacune d’elles, au lieu d’en pâtir durablement, elle en est ressortie encore plus diversifiée qu’auparavant. Au niveau global, une crise, loin d’être une malédiction, peut bien s’avérer être une bénédiction. Toutefois, certains organismes disparaissent à jamais, et si l’Homme pourrait certes en être victime, assurément pas la biodiversité en tant que telle, et encore moins « la planète ». Seules les composantes actuelles de la biodiversité, celles au sein desquelles l’espèce humaine exerce sa domination, seront bouleversées, et ce, pour une fois, de la seule responsabilité de l’Homme. n

Références : Benton M. in G.P. Larwood (1988) – Extinction and survival in the fossil Record. The Syst. Ass. Sp. Vol. 34, Clarendon press, Oxford, 365 p. De Wever P. et al. (2002) – Volcanisme, cause de mort et source de vie. Vuibert & MNHN, 345 p. De Wever P., David B. & Néraudeau D. (2010) – Paléobiosphère, regards croisés des sciences de la vie et de la Terre. SGF/Vuibert, 804 p. Haeckel E. (1904) - Kunstformen der Natur. Verlag des Bibliographischen Instituts, Leipzig, 129 p. Sepkoski J.-J. in Walliser O.-H. (1996) – Global events and events Stratigraphy. Springer, Berlin, 333 p. Sheehan P.-M. (1977) – Species diversity in the Phanerozoic, Paleobiology. 1977. vol. 3, pp. 325-329. Valentine J.-W. (1973) – Evolutionary paleoecology of the marine biosphere Prentice-Hall, Englewood Cliffs, New Jersey, 511 p.

Au niveau global une crise n’est pas une malédiction, c’est une bénédiction.

Rocks bearing witness to biodiversity in the pastBiodiversity is an issue very much in the spotlight today for the same reasons as global warming. It was appropriated by politicians and the media in 1992 with the United Nations Conference on Environment and Development (UNCED) in Rio de Janeiro (and the signing of the Convention on Biological Diversity). It regularly receives media coverage, airing certain data ungrounded in scientific fact. News releases formulated for the general public may exasperate geologists because they gloss over approximations and cite data out of context, with no mention made of fundamental elements or levels of uncertainty. Biodiversity’s history is inscribed in stone, with a world all its own on a micro- and nanoscopic scale. But this history analyzed by geologists is incomplete and must rely on samples, manipulations, chemical extraction, sorting, etc. Thus the information available to scientists in their attempts to reconstruct biodiversity is highly sensitive. Globally, biodiversity is dependent, on a first level, on the way continents drifted apart or reunited, on rise and fall in sea level, on climates and how they vary, on volcanic eruptions, etc. This wealth of biodiversity that initially appeared 3.5 to 4 billion years ago is believed at the present time to be endangered by climate change. Yet Earth’s history reveals that five major mass extinctions impacted biodiversity in the past, despite which it has always succeeded in emerging reinforced. What is true, however, is that this time Man might be both its perpetrator and victim.

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le rôle du vivant dans la formation des dépôts carbonatés

Le rôle du vivant dans la formation des

dépôts carbonatésIl est important de comprendre

le rôle du vivant dans la formation des sédiments et des roches

carbonatées. Les différents organismes impliqués, producteurs

de carbonates, sont à l’origine des bioaccumulations ou

des bioconstructions préservées dans le registre fossile et actuel.

Pour comprendre l’importance du rôle du vivant dans la production

carbonatée, il est crucial de connaître les organismes,

leurs modes de fonctionnement, seuls ou en communauté,

et leurs interactions avec l’environnement.

bioc

onst

ruct

ions

Emmanuelle VenninProfesseur Biogéosciences – UMR CNRS 5561 Université de Bourgogne [email protected]

Les récifs frangeants fossiles de Cariatiz (sud-est de l’Espagne) sont un exemple de l’importance

du rôle des organismes, ici les coraux et les algues, dans la formation des roches carbonatées.

The fossil fringing reefs at Cariatiz, south-eastern Spain, exemplify the importance of the role played

by living organisms, in this instance coral and algæ, in forming carbonate rocks.

© E. Vennin.

La production carbonatée résultant de l’activité des organismes est l’un des proces-sus les plus fréquents à l’origine des sédiments et roches carbonatés accumulés dans le domaine continental et le domaine marin (figure 1). L’étude de ces formations

carbonatées apporte un éclairage sur les variations climatiques au cours des temps géologiques et permet de reconstituer les environnements de dépôts.

Dans le domaine continental, où les produits issus des processus d’érosion abondent, les dépôts carbonatés biogéniques sont souvent mal représentés et très localisés géogra-phiquement ; ils ne seront pas abordés en détail dans cet article. L’encadré en page ci-contre en fait une rapide présentation.

Le domaine marin s’étend du rivage au bassin océanique séparé de la plate-forme où se concentre l’essentiel de la production carbonatée à des profondeurs comprises entre 0 et 200 mètres environ, alors que le bassin est caractérisé par des profondeurs plus importantes. Les organismes producteurs de sédiments en domaine de plate-forme carbonatée exercent un rôle important sur sa morphologie et sa géométrie. La zonation climatique latitudinale implique un changement des organismes producteurs de sédiments, induisant la distinction entre des plates-formes carbonatées dites tropicales

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et d’autres dites tempérées. Le domaine de bassin est caractérisé par une dominance des organismes pélagiques (organismes planctoniques et nectoniques vivant dans les eaux océaniques), et le benthos (organismes aquatiques vivant à proximité du fond marin) y est réduit sauf pour certaines communautés spécialisées (crinoïdes ou coraux profonds). Les organismes macroscopiques (coraux, mollusques, etc.) sont connus pour produire des roches carbonatées. Mais ce sont d’abord les micro-organismes (bactéries, algues, protozoaires…) qui sont à l’origine de la grande majorité des roches biogéniques (90 %) constituées des vestiges de ces organismes.

Le domaine pélagique océanique enregistre des taux de sédimentation faibles rarement supérieurs à 1 cm/1000 ans alors que la production carbonatée est élevée (environ 85 % de la production carbonatée en domaine marin). Les domaines de plate-forme benthique et néritique sont caractérisés par des taux de sédimentation compris entre 10 et 1000 cm/an, alors que la produc-tion carbonatée est de 15 % environ. Ces domaines ont une productivité très forte mais sur une faible surface.

Les carbonates non marins trouvent leur origine en domaine terrestre subaérien ou aquatique et résultent de processus biotiques ou non. Les carbonates d’environnements terrestres subaériens incluent les carbonates pédogénétiques (formation de sols), les paléosols et les caliches. Ils sont issus de l’accumulation de carbonate de calcium dans un sol non induré carbonaté. Ils sont également caractérisés par des calcaires palustres formés dans des milieux lacustres peu profonds souvent à l’émersion, des karsts résultant de la précipitation de carbonates sous forme de spéléothèmes (stalactites et stalagmites), des carbonates éoliens formant des dunes et des carbonates glaciaires par dissolution et précipitation de débris carbonatés dans des dépôts marins glaciaires. Les carbonates non marins formés dans des environnements aquatiques terrestres sont pour l’essentiel des travertins (précipitation de carbonates par dégazage du CO2 en association avec des algues ou des microbialites), des suintements hydrothermaux, des carbonates lacustres (lacs de salinités variables) et des carbonates fluviatiles. Les carbonates lacustres sont bien connus dans les Limagnes en France, puisqu’ils

remplissent au Miocène les grands bassins de rifts intraconti-nentaux. Cette sédimentation lacustre est caractérisée

par le développement d’oncolites et de stromatolites de grande taille (figure 1) et de composition variable (figure 2 ; algues, insectes, gastéropodes, etc.). n

>Lescarbonatesdesenvironnements terrestressubaériensetaquatiques

Fig. 1 : Calcaires lacustres à stromatolites (Limagne, carrière du Grand Gandaillat). Fig. 1: Lacustrine limestones composed of stromatolites (Limagne). © E. Vennin.

Fig. 1 : Principaux environnements de dépôts carbonatés en domaine continental et en domaine marin benthique et pélagique.Fig. 1: Main settings for carbonate depositional environments in the continental and marine domains. © E. Vennin.

Fig. 2 : Détail d’un stromatolite lacustre (Limagne, carrière du Grand Gandaillat).Fig. 2: Close-up view of a lacustrine stromatolite (Limagne).© E. Vennin.

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le rôle du vivant dans la formation des dépôts carbonatés

En domaine pélagique, la faible sédimentation résulte de la grande étendue des domaines océaniques et d’une forte dissolution des carbonates avec la profon-deur puisque seuls 16 % des carbonates produits sont préservés.

La capacité des organismes à générer une charpente rigide minéralisée leur permet d’agir sur leur milieu de vie en créant des niches écologiques et en modifiant les conditions environnementales (changements de l’hydrodynamisme, de la nature du substrat, etc.). La lithification (induration des sédiments au cours du temps) et la fossilisation rapide de la trame biologique et des sédiments encaissants permet de conserver ces organismes dans leur position de vie originelle. La préservation de ces communautés fournit des informations fiables pour étudier les changements des conditions climatiques et océano-graphiques (chimie des eaux, température, alcalinité, etc.). Les écosystèmes carbonatés sont considérés comme des agents prépondérants dans les change-ments du cycle du carbone et des teneurs en CO2 atmosphérique. Les processus de minéralisation qui génèrent les roches carbonatéesLe processus le plus général pour la formation des roches carbonatées est celui de la précipitation de carbonate de calcium (CaCO3) qui résulte d’une diminution d’acide carbonique, le dioxyde de carbone étant prélevé par la fonction chlorophyllienne. Trois grands processus biochimiques participent à la production de carbonates : la biominéralisation, l’organominéralisation et la minéralisation. La biominéralisation correspond à une précipitation sous le contrôle de processus vitaux, à l’intérieur ou à l’extérieur de cellules vivantes (exemple : la formation d’une coquille) ; c’est donc la capacité de certains organismes à édifier un squelette comportant des phases minérales. Chez certains organismes moins complexes (bactéries, algues unicellulaires, foramini-fères) le minéral précipite à l’extérieur de la cellule ou dans des vésicules intracellulaires à partir du

fluide ambiant. La précipitation est induite, mais non contrôlée, par l’être vivant. Chez les organismes plus complexes (mollusques, coraux, etc.), le processus de minéralisation est opérant, et l’organisme a la faculté de contrôler la minéralisation par l’intermédiaire d’un substrat organique dans lequel les ions appropriés sont introduits et où le minéral cristallise dans une structure et une forme déterminées génétiquement. L’organominéralisation est le processus de précipita-tion de carbonate lié à l’activité des populations microbiennes utilisant des molécules issues de la dégradation de la matière organique. La minéralisa-tion (cimentation pro parte) est le processus de précipitation physico-chimique de carbonate, sans intervention de processus organiques (sauf certains effets indirects comme l’extraction de CO2 par photo-synthèse, par exemple). Ces différents processus peuvent agir à différents moments lors de la produc-tion carbonatée. La biominéralisation est active dans la pellicule vivante et superficielle des organismes, alors que l’organominéralisation se produit au sein du sédiment.

Les principales « usines » à carbonates : bioaccumulations et bioconstructionsLe développement des bioaccumulations, de la bioprécipitation et des bioconstructions résulte de la production de carbonates. Les concentrations de coquilles (aussi nommées bioaccumulations, coquinas et lumachelles) sont définies comme étant des accumulations souvent denses de restes d’organismes biominéralisés associés à des ciments et/ou de la matrice carbonatée micritique (ou calcite micro-cristalline) indépendamment de la composition taxonomique et du degré de modification post-mortem. Les concentrations d’organismes fossiles peuvent être biogènes, sédimentaires, diagénétiques (ensemble des processus qui affectent le sédiment après son dépôt jusqu’à sa transformation en roche) ou mixtes. Les concentrations biogènes correspondent à la production de particules dures par des organis-mes in situ (figure 2A) ou résultent de la concentration de ces dernières par des organismes fouisseurs. Les concentrations sédimentaires résultent de processus physiques (énergie des vagues, de la marée, etc.) ayant pour conséquence de concentrer les parties dures des organismes (figure 2B). Les concentrations diagé-nétiques témoignent de processus qui interagissent après l’enfouissement, tels que la compaction ou la

Les micro-organismes sont à l’origine de la grande majorité des roches biogéniques.

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the role of lifeforms in the formation of carbonate deposits

Fig. 2A : Bivalves à structures géopétales remplies de boue micritique, foraminifères benthiques, gastéropodes, algues dans une matrice micritique.Fig. 2A: Bivalves having geopetal structures filled with micritic mud, benthic foraminifers, gastropods and algæ in a micritic matrix.© E. Vennin.

Fig. 2B : Bioaccumulations de coquilles et de fragments de bryozoaires, d’algues rouges, d’échinodermes et de bivalves (Castillon, SE France).Fig. 2B: Bioaccumulations of shells and fragments of bryozoans, red algæ, echinoderms and bivalves (Castillon, SE France).© E. Vennin.

dissolution sélective de la matrice entre les squelettes ou les coquilles, aboutissant à la concentration de ces derniers. La bioprécipitation concerne principalement les composants carbonatés fins qui résultent d’interactions complexes entre des réactions biotiques et abiotiques (Reitner et al,. 1995). Les deux principaux composants sont la matrice micritique (produit issu de la minéralisation en place des boues

carbonatées) et les ciments. Ces carbonates se forment préférentiellement dans des zones aphotiques, riches en nutriments et pauvres en oxygène. La notion de bioconstruction est plus complexe. C’est pourquoi ce terme est retenu comme terme général regroupant toutes les structures construites d’origine organique ; il comprend deux grandes catégories de structures : les récifs et les monticules (figure 3).

Fig. 3 : Répartitions des principales géométries bioconstruites et de leurs composants principaux sur un profil de plate-forme carbonatée.Fig. 3: Distribution of the principal bioconstructed geometries and their main components along a carbonate platform profile.© E. Vennin.

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32 d’organismes et résultent principalement de l’accumu-lation de boue (obtenue parfois par chimiosynthèse).

Organisation interne et succession écologique des bioconstructions Les organismes ont des fonctions variées et peuvent être des organismes filtrants, constructeurs, liants et destructeurs (i.e. bioérosion), qui utilisent pour certains les mêmes ressources environnementales. Les trois premières de ces fonctions facilitent la croissance des bioconstructions avec des taux d’accrétion qui excèdent les taux de dépôt des sédiments au voisinage de ces structures ; les bioconstructions forment un relief topographique (figure 6). L’organisation

Fig. 5 : Les Kess-kess de Hmar Lakhdad sont des monticules micritiques (SE d’Erfoud, Anti-Atlas, Maroc).Fig. 5: The Kess-kess of Hmar Lakhdad are micritic mounds (south-east of Erfoud, Anti-Atlas, Morocco).© E. Vennin.

Les récifs, comme l’atoll corallien (figure 4), sont constitués d’éléments coloniaux développés dans des milieux de haute énergie et présentant une organisation interne des associations écologiques, tant verticale qu’horizontale. Les monticules sont construits par des organismes de plus faible dimension ou solitaires installés dans des environnements plus calmes, riches en boue [James et Bourque (1992)] et qui présentent une organisation interne verticale (figure 5) . Les monticules sont subdivisés en monticules microbiens, squelettiques et micritiques. Les premiers sont constitués pour l’essentiel de microbialites ; les seconds sont composés d’organismes à squelettes (exemple des coraux) ou tests usants ; les derniers sont composés d’une faible proportion

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interne de ces structures peut enregistrer des variations des populations d’organismes. Les successions écolo-giques marquent le développement d’espèces et de communautés selon une organisation ordonnée et prévisible, depuis un stade pionnier vers un stade de développement optimal (pas toujours atteint), nommé « climax ». Le stade pionnier est constitué par des formes opportunistes, solitaires et de petite taille, à taux de croissance rapide, alors que le stade de climax est marqué par des espèces spécialisées occupant des niches écologiques restreintes avec des taux de croissance lents et des grandes tailles. La croissance des organismes et la stabilisation du substrat sur lequel ils s’installent sont des facteurs indispensables au développement des bioconstructions. Ces succes-sions écologiques correspondent à des environnements marqués par l’absence de changement majeur des conditions physico-chimiques externes. Tout changement durable de ces conditions entraîne un renouvellement des communautés [Cooper (1989)].

Les structures écologiques des bioconstructions, en particulier fossiles, actuelles sont bien connues.

Les facteurs de contrôle des accumulations et biocontructions carbonatéesLes facteurs majeurs contrôlant la distribution et la croissance des organismes à l’origine des sédiments carbonatés sont le climat et la tectonique, qui déterminent les variations relatives du niveau marin, la température de l’eau, la salinité, les circulations océaniques, la répartition des océans et des continents. Les cycles d’évolution du climat global influencent la contraction et l’expansion des étendues marines

Fig. 6 : Principaux facteurs de la dynamique des bioconstructions : croissance des organismes, leurs encroûtements, la cimentation, la bioérosion et le remplissage des cavités inter-récifales par des éléments biogènes détritiques.Fig. 6: Main factors involved in the dynamics of bioconstructions: the growth of organisms, their encrustation, cementation, bioerosion, and the infilling of inter-reefal cavities with detrital biogenic elements.© E. Vennin.

Fig. 4 : Atoll El Joyazo, récif corallien (Miocène) à morphologie circulaire autour d’une structure volcanique (Nijar, SE Espagne). Déjà Darwin interprétait ces structures construites comme la conséquence de la subsidence d'un édifice volcanique.Fig. 4: The El Joyazo atoll, a circular-shaped Miocene coral reef surrounding a volcanic structure (Nijar, south-eastern Spain). Darwin already interpreted these built structures as resulting from the subsidence of a volcanic edifice.© E. Vennin.

1 Surface d’érosion2 Colonies coralliennes

massives3 Bioérosions, encroûtements

et microbialites 4 Ciments fibreux isopaques5 Remplissage des cavités

intra-récifales par des débris bioclastiques

Coraux branchus digités

Coraux en maille massifs ou dressés

Micro-encroûtements

Bryozoaires

Serpulides

Algues rouges

Microbialites

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le rôle du vivant dans la formation des dépôts carbonatés

Fig. 7 : Principaux organismes bioconstructeurs au cours des temps géologiques et crises majeures de la biodiversité (limite Ordovicien-Silurien, au Dévonien supérieur, limite Permo-Trias, crise du Trias-Jurassique et crise Crétacé-Tertiaire).Fig. 7: The main organisms instrumental in bioconstruction over geological time and the major crises in biodiversity (the Ordovician-Silurian boundary, the Upper Devonian, the Permian-Triassic boundary, the Triassic-Jurassic crisis, and the Cretaceous-Tertiary crisis).© E. Vennin.

favorables à la formation et à la préservation des dépôts carbonatés au cours des différentes périodes géologiques. La dynamique de la croissance des bioconstructions répond aux variations du niveau marin. En effet, la géométrie et la répartition des objets carbonatés dépendent d’une part de la vitesse de montée relative du niveau marin corrélée aux taux d’accrétion des carbonates (accrétion verticale des bioconstructions) et, d’autre part, de la vitesse de croissance des organismes. Les relations entre croissance des organismes bioconstructeurs ou non et les variations du niveau marin sont très influencées par des facteurs régionaux ou locaux tels que le taux de sédimentation et la quantité d’éléments nutritifs disponible. En dessous de la zone photique, les réponses aux variations du niveau marin sont plus modérées et atténuées.

Plusieurs facteurs physico-chimiques affectent les associations floro-fauniques et le type de production carbonatée : la température et la salinité et, dans une moindre mesure, la profondeur d’eau, la turbidité, la teneur en éléments dissous (nutriments), la nature du substrat.

Les organismes bioconstructeurs à l’échelle des temps géologiquesUne vaste source d’informations est disponible concer-nant la formation et la distribution des dépôts carbonatés récents à cénozoïques, mais celle-ci décroît avec l’ancienneté des périodes géologiques. Les com-munautés bioconstruites se renouvellent au cours des temps géologiques, après avoir été dominantes pendant de longues périodes [Kiessling et al. (2002)]. Ces changements répondent à des épisodes brefs de renouvellement taxonomique, et les plus importants coïncident avec des périodes de crises matérialisées par des extinctions majeures (figure 7; [Sepkoski et al. (1981) ; Jablonski (1991)].

Les communautés bioconstruites se renouvellent au cours des temps géologiques.

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the role of lifeforms in the formation of carbonate deposits

Il y a environ trois milliards d’années, l’apparition de la photosynthèse oxygénique et des cyanobactéries est une étape majeure de l’histoire de notre planète marquant l’influence de la vie sur la formation des sédiments, surtout des carbonates, comme en atteste l’abondance des stromatolites dans les roches très anciennes, de l’Archéen inférieur au Protérozoïque (encadré de R. Bourillot). Elles sont ponctuellement fréquentes à d’autres périodes géologiques dans des milieux marins néritiques (figure 8A) ainsi que dans

la plupart des milieux continentaux [Scholle et al. (1983)]. Le développement d’algues plus évoluées a peu à peu relégué les microbialites dans les biotopes marins moins favorables proches des rivages et sur le continent. Cette histoire s’est poursuivie avec l’explosion de l’abondance des squelettes biominé-ralisés dès le début du Cambrien vers 540 millions d’années. Cette « explosion » cambrienne a conduit à la diversification et la prolifération de bioconstruc-tions et de bioaccumulations. Au Paléozoïque, les

Les microbialites sont des roches issues de la minéralisation et du piégeage de grains dans des tapis microbiens benthiques (figure 1) [Burne and Moore (1987)] composés de bactéries et d’algues unicellulaires qui produisent des matrices organiques. L’activité métabolique des micro-organismes (photosynthèse, sulfato-réduction, etc.) peut induire ou influencer la minéralisation de ces matrices, par un processus nommé organominéralisation. Actuellement, les tapis microbiens occupent quasiment tous les environnements de la surface terrestre. Dans ces environnements l’activité microbienne peut contrôler la précipitation/dissolution de trois familles minérales : carbonates, silicates et oxydes. La préservation des tapis microbiens sous forme de microbialites reste cependant un processus exceptionnel nécessitant des conditions biologiques et physico-chimiques particulières : forte alcalinité, faible densité de métazoaires brouteurs et fouisseurs (gastéropodes, etc.).

Plusieurs types de microbialites sont distingués en fonction de leur structure interne. Les formes les plus connues ont une structure laminée et sont appelées stromatolites (figure 2). Les écosystèmes terrestres primitifs furent probablement dominés par les tapis microbiens, qui ont pu produire de telles structures. Les plus anciennes traces de vie découvertes sur Terre pourraient correspondre aux roches à structures laminées ondulées de Pilbara (Australie), âgées d’environ 3,45 Ga. Ces formes sont interprétées comme des stromatolites, bien que certains chercheurs remettent en cause cette idée. Au cours des temps géologiques, l’activité des communautés microbiennes a eu un effet considérable sur les cycles biogéochimiques du carbone, du soufre ou de l’azote. L’apparition de la photosynthèse dans les tapis microbiens a permis l’oxygénation progressive de l’atmosphère durant le Précambrien. Les tapis microbiens ont dominé les écosystèmes durant tout le Précambrien, environ 85 % de l’histoire de la Terre. Malgré la compétition avec les métazoaires, ils ont conservé un rôle essentiel sur la sédimentation au Phanérozoïque (de -540 Ma à nos jours). On note par ailleurs une augmentation de la production des microbialites lors de certaines crises biologiques, telles que la crise Permo-Trias. Cela souligne le caractère opportu-niste des communautés microbiennes, beaucoup plus résistantes aux conditions environnementales extrêmes (ex : hypersalinité, dessèchement, milieux dépourvus d’oxygène) que la plupart des organismes plus complexes.

Cette résistance a conduit plusieurs équipes de chercheurs à poser l’hypothèse de la présence de microbialites sur d’autres planètes, notamment Mars. Ils pourraient constituer des témoins de la vie passée dans le domaine extra-terrestre. n

Bibliographie : Burne, R.V. and Moore, L.S., (1987) – Microbialites; organosedimentary deposits of benthic microbial communities. Palaios 2(3), 241-254.

>Lesmicrobialites:del’originedelaviesurTerreàlavieextra-terrestre?Raphaël Bourillot – Université de Bourgogne – [email protected]

Fig. 1 : Tapis bactérien actuel en cours de lithification, prélevé dans un lac hyper salé de Cuba. Les lamines de différentes couleurs correspondent à des zones dans le tapis (vert : zone de photosynthèse aérobie ; rouge : zone de photosynthèse anaérobie, etc.). S’il est préservé, ce tapis formera un stromatolite (cf. figure 2)Fig. 1: Present-day microbial mat undergoing lithification, sampled from a hypersaline lake in Cuba. The colors of the laminae correspond to different zones in the mat (green: aerobic photosynthesis; red: anaerobic photosynthesis, etc.). If preserved, this mat will be fossilized as a stromatolite (see figure 2).© R. Bourillot.

Fig. 2 : Stromatolite fossile carbonaté du Messinien (environ 5,5 Ma), région d’Almeria (sud-est de l’Espagne).Fig. 2: Messinian carbonate fossil stromatolite (ca. 5.5 Ma), Almeria (south-eastern Spain).© E. Vennin.

Fig. 8A : Dômes stromatolitiques concentriques de la baie de Punta de Banç (Mallorque, Espagne).Fig. 8A: Concentric stromatolitic domes in Punta de Banç Bay (Majorca, Spain).

Fig. 8B : Colonies de Tarbellastraea remaniées dans un floatstone bioclastique (Miocène, SE Espagne). Fig. 8B: Tarbellastraea colonies reworked in a bioclastic floatstone (Miocene, south-east Spain).

Fig. 8C : Coraux (Porites) à structures digitées dans une matrice micritique (Miocène, SE Espagne).Fig. 8C: Corals (Porites) with digitate structures in a micritic matrix (Miocene, south-east Spain).

Fig. 8D : Porites (P) bioérodés (bivalves : Bi) et encroûtés par des algues rouges, des bryozoaires, des foraminifères et des microbialites (Mi). Des ciments fibreux se développent ensuite en remplissage des cavités (C).Miocène, SE Espagne.Fig. 8D: Bioeroded Porites (P) (bivalves: Bi) encrusted by red algæ, bryozoans, foraminifers and microbialites (Mi). Fibrous cements subsequently develop as infill for cavities (C). Miocene, south east Spain.

Fig. 8E : Associations actuelles de coraux, gorgones et algues (Cayo Coco, Cuba).Fig. 8E: Present-day associations of corals, gorgons and algæ (Cayo Coco, Cuba).

Fig. 8F : Halimeda, les algues productrices de sables carbonatés (Cayo Coco, Cuba). Fig. 8F: Halimeda, algae producing carbonate sand (Cayo Coco, Cuba).

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750 µm 2 mm

5 cm 1 cm

the role of lifeforms in the formation of carbonate deposits

représentants des communautés de bioconstructeurs sont constitués par des éponges et des algues calcaires, associées à certains groupes de coraux ou encore de bryozoaires, qui peuvent devenir des constructeurs majeurs à certaines périodes. Le Paléozoïque est jalonné d’au moins trois crises majeures affectant les organismes vivants : la fin de l’Ordovicien, la limite Frasnien-Faménien et le Permien terminal ; les périodes post-crises sont généralement caractérisées par un faible développement des écosystèmes bioconstruits. La mauvaise préservation des organismes au début du Trias ne permet pas d’estimer rigoureusement le déclin des communautés récifales associé au passage du Permien au Trias. Toutefois, le groupe des coraux actuels y fait son apparition et deviendra, avec le temps, le principal producteur de carbonates. Le Mésozoïque est une période marquée par une intense production carbonatée : au Trias moyen, la production carbonatée est favorisée par la large extension des plates-formes carbonatées et est assurée par les microbialites et très peu par les métazoaires (organis-mes à squelettes calcaires). La limite Trias-Jurassique voit la disparition de la majorité des sclérosponges et enregistre un très faible développement des biocons-tructions. Cette période correspond à l’une des cinq crises majeures des bioproducteurs et des bioconstruc-tions. Le Jurassique est ensuite marqué par une grande diversité des bioconstructions, tant en termes de com-position que de géométrie. Cette période de grande stabilité des communautés enregistre des change-ments graduels dépourvus d’événements majeurs. Les communautés dominantes sont composées de coraux et de stromatopores, d’algues et de bivalves. À la fin du Jurassique et au début du Crétacé, l’extension des bioconstructions se restreint pour reprendre au Crétacé avec l’essor des hydrozoaires, des coraux, des rudistes (bivalves), des stromatopores et des algues rouges. Les rudistes prédominent dès le Crétacé moyen mais disparaissent au Crétacé supérieur à l’approche de l’extinction en masse qui marque la fin du Crétacé. Cette période de crise est suivie par l’installation des écosystèmes bioconstruits modernes au Cénozoïque (figures 8B à 8D). Les acteurs de la production carbonatée deviennent les coraux (figure 8E) et plus particulière-ment les formes coloniales associées aux zooxanthelles. Au Paléogène, les coraux sont représentés par des formes non récifales sans zooxanthelles. Les communautés coralliennes subissent une série d’extinctions et de renouvellements modérés, successivement à la limite

Eocène-Oligocène, Oligocène-Miocène et Miocène-Pliocène. Le Paléocène enregistre la disparition de certaines algues rouges, et les Halimeda (figure 8F ; algues) ne deviennent importantes comme constituant des sables coralliens qu’à partir du Miocène moyen.

La production carbonatée en péril ? À l’échelle des temps géologiques, les dépôts carbonatés emmagasinent le CO2 du réservoir océanique et le rééquilibrage entre les réservoirs océanique et atmos-phérique induit des baisses des teneurs en CO2 atmosphérique. Toutefois, les organismes calcifiants ont un impact différent sur le CO2 et, en fonction de l’échelle des temps considérée, se comportent à la fois comme élément de stockage et comme source du CO2. Alors que la croissance et l’évolution des coraux sont contrôlées de façon non linéaire par le CO2 atmosphé-rique, ces derniers contribuent de façon positive à l’augmentation du CO2. D’autres organismes marins calcifiants, par exemple le nannoplancton (coccolitho-phoridés), n’alimentent pas ce réservoir et agissent au contraire comme puits de CO2, puits dont l’intensité augmente également avec la pression de CO2. Il semble indispensable de s’intéresser à ces différents organismes afin de comprendre leur rôle et leur impact dans le cycle du carbone et sur la biomasse carbonatée produite.

Les constructions coralliennes et les organismes calcifiants en général, sont d’excellents indicateurs des cycles environnementaux et climatiques et des perturbations anthropiques. Leur étude permet d’appréhender les variations de précipitation des carbonates dans le temps et de contribuer à la simulation des variations futures. Les écosystèmes bioconstruits sont sensibles aux changements du milieu aux échelles locale, régionale et globale, et notamment aux variations climatiques. Les récifs coralliens actuels répondent à des stress écologiques répétés (blanchiment de colonies coralliennes par disparition des organismes symbiotiques ou zooxan-thelles, remplacement des communautés biologiques, etc.). Les rejets de CO2 dans l’atmosphère entraîneraient une modification de la chimie du carbone des eaux de surface océaniques en les acidifiant, une diminution de la saturation de l’eau de mer en carbonate de calcium, et limiteraient ainsi la croissance des coraux et des organismes calcaires. n

The role of lifeforms in the formation of carbonate depositsMost carbonates are directly or indirectly influenced and controlled by biological processes. The sediments are either biotically induced (by an organic trigger, e.g. microbial) or biotically controlled (skeletal photozoan and heterozoan organisms determine the composition, location and timing of carbonate production). The distribution and frequency of carbonate-producing organisms depend strongly on environmental factors, such as light, water temperature and sedimentary influx. At the present time, calcitic plankton is the most efficient carbonate producer (90%), and only 10% of the carbonate production takes place in the shallow-marine realm. However, these proportions were very different during most parts of the Phanerozoic. Shallow-marine carbonate depositional systems exhibit a growth potential including the ability to grow vertically and to track sea-level (bioconstructions) and the production potential corresponding to the ability to produce and export sediment (bioaccumulations). This article documents the main processes responsible for carbonate production and focuses on the role of living organisms in carbonate sedimentation. Reef limestones, particularly, are outside the scope of this article because of the strong biological control on their formation. This control in turn is responsible for specific sedimentation patterns (ecological succession and community replacement) and cementation types. Finally, during the Phanerozoic the dominant carbonate producers changed considerably and control carbonate depositional systems.

Bibliographie : Cooper P. (1989) – Enigmas in Phanerozoic reef development: Australasian Association of Palaeontologists, 8, 371-385. Jablonski D. (1991) – Extinctions: a paleontological perspective. Sciences, 253, 754-757. James N.P. (1977) – Introduction to carbonate facies models. Geosciences Canada, 4/3, 123-125. James N.P., Bourque P.-A. (1992) – Reefs and mounds. In: Walker R.G. and James N.P. (eds.): Facies models. Response to sea level change. - 323-347. Kiessling W., Flügel E. and Golonka J. (2002) – Phanerozoic reef patterns. SEPM (Society for Sedimentary Geology), 72, 790 p. Lees, A., Buller A.T. (1972) – Modern temperate-water and warm-water shelf carbonate sediments contrasted. Marine Geology, 13. 1767-1773. Reitner J., Gautret P., Marin F., Neuweiler F. (1995) – Automicrites in a modern marine microbialite. Formation model via organic matrices (Lizard Island, Great Barrier Reef, Australia). Bulletin Institut Oceanographique de Monaco, 14, 1-26. Scholle P.A., Bebout D.G. and Moore C.H. (1983) – Carbonate depositional environments. AAPG (American Association of Petroleum Geologists). Memoir 33, 708 p. Sepkoski J.J., Bambach R.K., Raup D.M., Valentine J.W. (1981) – Phanerozoic marine diversity and the fossil record. Nature, 293, 5832, 435-437.

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la géologie et l’origine de la vie

Apparue probablement dans le voisinage de sources

hydrothermales, la vie était difficile à éradiquer une fois bien installée

dans la croûte, malgré les bombardements catastrophiques

de corps extraterrestres pendant la phase de croissance tardive

de la planète. Datant de 3,5 à 3,3 milliards

d’années, les plus anciens témoins d’une vie primitive évoquent des organismes relativement évolués qui ont déjà inventé

la photosynthèse. Cependant, la tectonique des plaques et

le métamorphisme ont contribué à éliminer toute trace fossile

des toutes premières cellules. C’est sur Mars qu’il faudra les rechercher.

La géologie et l’origine de la vie

roch

es a

rché

enne

s

Frances WestallCentre de biophysique moléculaire – CNRSUniversité d’Orléans, Observatoire des sciences de l’univers du Centre [email protected]

Banded Iron Formation (BIF) / Roche de fer rubanée de la région du Pilbara (Australie

occidentale) datant d’environ 3,45 milliards d’années. Cette roche s’est formée à une époque

où il y avait déjà la vie sur la Terre.Banded iron Formation (BIF), ~3.45 billion years old,

from the Pilbara region (Western Australia). This rock formed at a time period when life had

already appeared on Earth.© F. Westall.

Les origines de la vie ?

La vie est-elle apparue dans un lagon contenant un mélange complexe de molécules organiques ou, comme beaucoup le pensent, dans un système hydrothermal où les mélanges des produits du manteau et des fluides hydrothermaux sont moins

complexes ? Plusieurs explications motivent l’hypothèse d’une origine (ou des origines ?) de la vie autour des sources hydrothermales. Les constituants des sources hydrothermales ne sont pas très nombreux et comprennent principalement du sulfure d’hydrogène (H2S), de l’ammoniac (NH3) et du dioxyde de carbone (CO2). En effet, il est plus facile de construire des molécules biologiques à partir d’un mélange simple que d’un mélange complexe. De plus, la structure très poreuse des édifices hydrothermaux, les fameuses beehives ou nids d’abeilles, est propice à la catalyse de réactions chimiques, la surface des pores fonctionnant comme des mini-réacteurs.

Les environnements chimiques des systèmes hydrothermaux varient selon leur contexte géologique. Les eaux hydrothermales dans des systèmes basaltiques sont acides mais alcalines dans le manteau péridotitique avec, pour conséquence, la formation de divers types de minéraux aux propriétés de surfaces et aux effets catalytiques différents. Des expériences de laboratoire démontrent que les molécules prébiotiques sont plus

geology and the origins of life

facilement synthétisées dans des systèmes hydrother-maux basaltiques contenant des minéraux comme la pyrite, la chalcopyrite, la sphalérite, les argiles (telle la nontronite) et les zéolites que dans les systèmes péridotitiques, caractérisés par l’aragonite, la brucite et l’olivine. Toutefois, sur une Terre primitive très active et avec un système global de circulation hydrothermale extrêmement efficace, des échanges importants entre les différents types de sources, acides ou alcalines, ont inévitablement eu lieu.

Pour les cellules primitives, les systèmes hydrother-maux constituent des sources importantes de donneurs d’électrons (H2, H2O, S0, Fe2+, CH4, NH4, CH2O) et d’éléments métalliques utiles à la vie (V, Mn, Fe, Co, Ni, Cu, Zn, Mo et W). L’hydrogène produit pendant la serpentinisation des roches ultrabasiques aurait alimenté les tous premiers écosystèmes microbiens, ces systèmes étant des consortiums de proto-cellules, ou biofilms, et peut-être déjà du plus ancien ancêtre commun LUCA (Last Universal Common Ancestor) à toutes les formes de vie connues à ce jour.

Les biosignaturesLa grande activité de la Terre a favorisé l’apparition de vie, mais elle a aussi détruit toute trace du passage du non-vivant au vivant ; la tectonique des plaques ayant éliminé le premier milliard d’années de l’histoire de la Terre. Quelques signatures isotopiques de carbone de sédiments très métamorphisés du Groenland (figure 1), vieux d’environ 3,8 Ga, pourraient indiquer la présence de vie, mais ce n’est vraiment qu’à partir de 3,5 Ga qu’on observe des biosignatures minérales.

L’interprétation de ces premières traces a été forte-ment contestée : représentent-elles des vestiges de vie ou ne sont-elles que des artefacts minéralogiques, organiques et/ou isotopiques ? Si elles sont bien d’origine biologique, ont-elles été produites lors de la formation de la roche ou sont-elles issues d’une contamination plus récente ? Des incertitudes subsis-tent sur les métabolismes potentiellement identifiés (cf. encadré pour l’une des hypothèses).

Pour être préservés, les micro-organismes doivent être fossilisés très rapidement, c’est-à-dire encroûtés par un précipité minéral ou par des minéraux très fins, tels que des argiles. De plus, les traces qui restent dans les roches ne représentent pas la totalité de la commu-nauté originale mais seulement une partie de celle-ci parce que tous les micro-organismes n’ont pas la même susceptibilité à la fossilisation. En effet, certains micro-organismes sont de nature très délicate et ne résistent pas à la minéralisation de leur surface tandis que d’autres sont rapidement dégradés par des micro-organismes hétérotrophes ou par un environnement chimique très oxydé. Les matrices minérales qui

Fig. 1 : Les roches sédimentaires de la ceinture de roches vertes d’Isua et Akilia au Groenland (~ 3,8 Ga), montrent des écarts dans le fractionnement des isotopes du carbone qui pourraient indiquer une activité microbienne. Malheureusement les roches sont fortement déformées et métamorphisées, comme le démontre ce conglomérat d’Isua, ce qui complique l’interprétation d’une éventuelle activité microbienne. Les galets ont été étirés au cours de la déformation de la roche.Fig. 1: 3.8 Ga-old sedimentary rocks from the Isua and Akilia greenstone belts on Greenland are characterised by isotopic fractionation similar to that produced by microbes. Unfortunately the rocks are strongly deformed and metamorphosed, as demonstrated by this highly strained conglomerate whose originally round pebbles are completely stretched.© F. Westall.

La tectonique des plaques a éliminé le premier milliard d’années de l’histoire de la Terre. […] Ce n’est vraiment qu’à partir de 3,5 Ga qu’on observe des biosignatures minérales.

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englobent les micro-organismes sont de composition variée et le plus fréquemment composées de silice, de carbonate de calcium ou de sulfures (pyrite par exemple). Par ces processus, les micro-organismes sont préservés sous la forme de microfossiles ou de bioconstructions dans le cas des stromatolites. Les biomolécules et leurs polymères sont piégés dans les minéraux englobant les microfossiles. Avec le temps et sous l’action du métamorphisme, ils se dégradent jusqu’à devenir presque indifférenciables des molécules prébiotiques. Dans le cas où les micro-organismes ont été dégradés avant fossilisation, leurs macromolécules peuvent néanmoins se trouver ensevelies dans la matrice minérale. Les traces d’activité métabolique des organismes sont nombreuses. Les signatures isotopiques, surtout du carbone, restent associées à la matière organique. Produits directement ou indirectement par voie microbienne, les biominéraux sont très nombreux (par exemple les carbonates de calcium telles que la calcite, l’aragonite ou la dolomie). Enfin, la distribution chimique d’éléments biologique-ment importants (N, P, S, et métaux de transition) peut aussi être la signature de la fossilisation de micro-organismes et de biomolécules.

Le défi est de savoir comment être sûr que les obser-vations morphologiques, isotopiques, élémentaires et minéralogiques faites dans des roches très anciennes sont bien d’origine biologique. En effet, les micro-organismes ont des morphologies très simples : coques, bâtonnets et filaments. La forme sphérique se trouve souvent dans le monde minéral ; la silice produit par exemple des sphères parfaites pouvant être attachées les unes aux autres, mimant ainsi la division d’une cellule (figure 2). En ce qui concerne les biominéraux, ils peuvent tous être précipités par des

Fig. 2 : Ces sphères de silice d’origine purement hydrothermale ressemblent à se méprendre à des coques microbiennes en division de cellule. Fig. 2: Hydrothermal silica spheres that look remarkably like dividing coccoidal microorganisms.© F. Westall.

> Un métabolisme microbien vieux de 3,5 milliards d’années

Pascal Philippot – Laboratoire Géobiosphère actuelle et primitive, Institut de physique du Globe de Paris – [email protected]

On pensait qu’il y a 3,5 milliards d’années, certains des premiers micro-orga-nismes tiraient leur énergie de la réduction des sulfates, comme ils le font aujourd’hui aux abords des sources hydrothermales au fond des océans. En analysant par sonde ionique la composition des isotopes du soufre (32S, 33S, 34S), de pyrites (FeS2) préservées dans des échantillons de carottes de forage, nous avons montré que ces anciens micro-organismes tiraient leur énergie non pas du sulfate mais du soufre élémentaire (S0), ce qui renforcerait la thèse selon laquelle l'environnement de la jeune Terre était pauvre en oxygène. Le métabolisme proposé, la dismutation du soufre élémentaire, est un métabolisme rudimentaire encore peu connu et peu étudié.

Jusqu’à présent, il était admis que la sulfato-réduction était l’un des métabolismes bactériens les plus primitifs. Cette hypothèse reposait sur la découverte dans la formation de Dresser en Australie occidentale de roches contenant des témoins géochimiques de la présence de bactéries sulfato-réductrices, il y a 3,5 milliards d’années [Shen et al., (2001)]. Ce type de métabolisme est très courant dans l’environnement moderne, en particulier chez les micro-organismes qui vivent aux abords des sources hydrother-males dans les profondeurs des océans. Les bactéries réduisent les sulfates présents dans leur environnement pour en tirer l’énergie nécessaire à leur subsistance. Mais elles préfèrent utiliser l’isotope léger, 32S, plutôt que l’isotope lourd, 34S, du soufre. De ce fait la sulfato-réduction bactérienne se traduit par un déficit en 34S des produits soufrés, qui sont intégrés dans le registre géologique sous forme de pyrites. C’est ce déficit qui témoigne de l’activité microbienne dans les roches anciennes et qui a été utilisé pour proposer que la sulfato-réduction microbienne ait pu se développer il y a 3,5 milliards d’années.

Dans l’environnement terrestre, les fractionnements isotopiques (microbien ou inorganique) dépendent uniquement de la différence de masse entre les isotopes d’un même élément. Pour le soufre, le fractionnement entre le 33S et le 32S est 0,5 fois celui du 34S par rapport au 32S. Certains processus cependant ne respectent pas cette loi dite de « fractionnement dépendant de la masse ». Il s’agit en particulier du rayonnement ultraviolet solaire qui, dans l’atmosphère, dissocie des molécules de gaz volcaniques (SO2) pour former des molécules de soufre élémentaire (S0) caractérisées par une ano-malie des rapports isotopiques positive (notée anomalie ∆33S) et de sulfate montrant une anomalie ∆33S négative. Les composés issus de la photolyse des gaz volcaniques sont ensuite intégrés dans le registre géologique sous forme de sulfures (∆33S positive) et sulfates (∆33S négative). Ces anomalies sont préservées dans les roches ; elles représentent des traceurs puissants des sources de soufre impliqués dans les métabolismes microbiens.

Or, un grand nombre des pyrites de la formation de Dresser appauvries en 34S (d’origine microbienne probable) présentent une anomalie ∆33S positive (figure). Ces pyrites sont incluses dans un sulfate de barium (BaSO4, barytine) lequel présente une anomalie ∆33S négative, différente donc de celle la pyrite en inclusion [Philippot et al. (2007) ; (2008)]. Les micro-pyrites ne peuvent

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> Un métabolisme microbien vieux de 3,5 milliards d’années

donc pas avoir été formées à partir de sulfate. Cette combinaison de déficit en 34S et d’anomalie positive en ∆33S des sulfures a été interprétée comme la preuve de l’existence de micro-organismes qui transforment le soufre élémentaire en dihydrogène de soufre et en sulfate. Ce type de métabolisme, appelé « dismutation », est connu dans les environnements actuels, mais encore très peu étudié. C’est probablement un métabolisme assez rudimen-taire qui a pu s’adapter aux conditions inhospitalières qui devaient exister sur la jeune Terre. Cela suggère que la dismutation de soufre élémentaire est probablement un des métabolismes les plus anciens dans l’arbre de vie. Ces travaux indiquent également que les conditions à la surface de la Terre avant 2,5 milliards d’années étaient très certainement réductrices, avec

l’absence d’une enveloppe atmosphérique riche en oxygène qui, de nos jours, joue le rôle d’écran protecteur au rayonnement ultraviolet du Soleil, ce qui inhibe la photolyse des gaz volcaniques. n

Bibliographie : Philippot, P., van Zuilen, M., Lepot, K., Thomazo, C., Farquhar, J., and van Kranendonk, M. (2007) – Early Archean microorganisms preferred elemental sulfur, not sulfate: Science, v. 317, p. 1534-1535. Philippot, P., van Zuilen, M., Lepot, K., Thomazo, C., Farquhar, J., and van Kranendonk, M. (2008) – Response to Comment on “Early Archaean Microorganisms Preferred Elemental Sulfur, Not Sulfate”: Science, v. Downloaded from www.sciencemag.org on March 7, 2008. Shen, Y., Buick, R., and Canfield, D.-E. (2001) – Isotopic evidence for microbial sulphate reduction in the early Archaean era: Nature, v. 410, p. 77-81.

δ

Δ

Schéma illustrant le processus de fractionnement indépendant de la masse

des isotopes du soufre par photolyse UV dans l’atmosphère. Les composés soufrés d’origine volcanique qui ne présentent pas d’anomalies isotopiques du soufre

(∆33S = 0) sont dissociés en un pôle réduit (soufre élémentaire S0 caractérisé par une anomalie positive, ∆33S > 0) et un pôle oxydé (sulfate SO4 caractérisé

par une anomalie négative, ∆33S < 0). Ces deux sources de soufre peuvent être ensuite impliquées dans les processus biologiques (respiration microbienne,

dismutation et réduction du soufre élémentaire et sulfato-réduction) et abiologique (hydrothermalisme). Les champs de composition isotopique

de la barytine hôte et des microsulfures, visibles sur la photo, sont indiqués en rouge et bleu.

A diagram illustrating the independent mass fractionation process of sulphur isotopes by means of UV photolysis in the atmosphere. Sulphur compounds of volcanic origin that display no isotopic anomalies for sulphur (∆33S = 0)

are dissociated into a reduced pole (elementary sulphur S0 characterized by a positive anomaly, ∆33S > 0) and an oxidized pole (SO4 sulphate characterized

by a negative anomaly, ∆33S < 0). These two sulphur sources can subsequently be involved in both biological (microbial respiration, dismutation and reduction

of elementary sulphur and sulphate reduction) and abiological processes (hydrothermalism). The isotopic composition fields of the host barite and

microsulfides, visible on the photograph, are marked in red and blue respectively.© IPGP.

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L’identification de biosignatures dans les sédiments les plus anciens, datant de l’Archéen inférieur, est un véritable défi.

la géologie et l’origine de la vie

processus abiogéniques. S’il est facile de distinguer ce qui est abiogénique de ce qui est biologique dans les expériences de simulation en laboratoire ou dans les systèmes récents, cela devient plus difficile dans les roches anciennes. Même le fractionnement isoto-pique peut être produit par des réactions purement chimiques, comme par le procédé Fischer-Tropsch dans le cas du carbone. Le remaniement des roches qui contiennent les biosignatures peut par ailleurs les effacer ou les rendre méconnaissables.

L’identification de biosignatures dans les sédiments les plus anciens datant de l’Archéen inférieur est un véritable défi. Pour le relever, des analyses pluridis-ciplinaires sont nécessaires afin d’interpréter correctement les éventuelles traces de vie. Par exemple, des détails à l’échelle nanométrique peuvent aider à distinguer une bactérie en forme de coque d’un minéral : un plissement de la surface, un ménisque entre deux cellules en cours de division, des polymères attachés aux cellules, un dégonflement d’une cellule dû à sa lyse, c’est-à-dire des détails qui ne se trouvent pas dans le monde purement minéral. Au final, c’est l’ensemble des indices physiques, organiques et chimi-ques qui permet de déterminer la biogénicité et le caractère syngénique des structures.

Les premières traces de vieUn exemple des difficultés rencontrées lors de l’inter-prétation de biosignatures restera gravé dans l’histoire de la micropaléontologie. Des filaments de bactéries photosynthétiques oxygénés ont été décrits dans l’Apex Chert (3,45 Ga) du craton du Pilbara, en Australie occidentale [Schopf (1993)] (figure 3). La photosyn-thèse aérobie étant un métabolisme très évolué, cette découverte impliquait une rapide évolution de la vie, mais elle n’était pas compatible avec le caractère anaérobie de l’Archéen inférieur. Des études plus récentes ont démontré que la roche dans laquelle les traces microfossiles ont été découvertes provenait d’une veine de chert hydrothermale et que les « filaments » avaient, en effet, des morphologies différentes de

celles de bactéries photosynthétiques productrices d’oxygène. Bien que Schopf et ses collègues aient démontré par spectrométrie Raman que ces « fila-ments » étaient bien carbonés et creux (un microfossile devait être creux selon leurs critères de la biogénicité), Brasier et al. (2002) ont depuis lors contesté cette interprétation. Récemment, une nouvelle étude par microscopie en transmission à haute résolution de la microstructure du carbone [de Gregorio et al (2009)], soutenant encore une fois l’origine biogénique, a de nouveau déclenché le débat. Or, déjà en 2003 j’avais proposé une solution à ce dilemme. La croûte de l’Archéen inférieur étant fortement influencée par l’activité hydrothermale, des fluides riches en silice ont pu entraîner de la matière organique biologique piégée dans les couches de sédiments et la redéposer ailleurs. Ainsi, les « filaments » de Schopf ont pu être formés par de la matière biologique sans pour autant être les fossiles de filaments microbiens.

Fig. 3 : Pseudofossile filamenteux de l’Apex Chert, Craton de Pilbara, NO Australie, environ 3,45 Ga. Fig. 3: A filamentous pseudofossile in the Apex Chert, Pilbara craton, NW Australia, approximately 3.45 Ga. © J.-W. Schopf, 1993.

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Malgré certaines fausses pistes, les cherts datant de l’Archéen inférieur qui composent les ceintures de roches vertes de Barberton en Afrique du Sud, ainsi que ceux du Pilbara, au nord-ouest de l’Australie, renferment de nombreuses traces fossiles de vie. Ces séries principalement composées de roches ignées extrusives comme les basaltes, komatiites et dacites, et aussi de roches intrusives, montrent de minces couches de sédiments volcano-détritiques et hydro-thermaux intercalées entre les extrusives. Des traces fossiles de vie ont été observées sur les surfaces altérées des laves en coussin (pillow lavas) ainsi que dans les sédiments des environnements marécageux. Ces traces sont des indices de fractionnement isotopique du carbone et des restes de micro-organismes – cellu-les, colonies et tapis fossilisés – qui ont été rapidement épigénisés par la silice qui a favorisé la fossilisation. Les microfossiles silicifiés contiennent toujours du carbone associé à d’autres éléments importants pour le méta-bolisme microbien, comme de l’azote et du soufre. N’étant que de petite taille et de formes simples (coques, bâtonnets ou filaments), ce n’est qu’à l’aide d’instruments d’observation et d’analyse à haute résolution, microscopes électroniques et EDX (energy dispersive X-ray spectrometry) notamment, qu’il est possible de montrer la biogénicité de ces structures en utilisant des détails nanométriques. Les études menées actuellement imposent donc le recours à une approche pluridisciplinaire afin de bien cerner la nature des biosignatures potentielles et leur syngénèse.

Ainsi l’équipe de H. Furnes a décrit des formes creuses de type « tunnels » dans lesquelles des traces de carbone et d’azote ont été décelées à la surface vitreuse des « pillow basalts » de Barberton et du Pilbara [Furnes (2004)]. Ces structures pourraient avoir été creusées par des micro-organismes chimiolithotrophes à la recherche de nutriments, comme observé dans des roches actuelles. De telles microperforations, probablement imputables à l’action de micro-orga-nismes chimiolithotrophes, sont retrouvées à la surface des grains volcaniques inclus dans les sédiments de l’Archéen [Foucher et al. (2010)] (figure 4). En plus des « tunnels », des colonies de micro-organismes (toujours probablement des chimiolithotrophes) ont été observés à la surface des grains et de la poussière volcaniques. Ces microfossiles sont si bien préservés qu’il est ainsi possible de démontrer que les colonies microbiennes anciennes étaient déjà des consortiums composés de plusieurs types de micro-organismes (figure 5), comme c’est le cas dans les colonies microbiennes actuelles.

Fig. 4 : Tunnels probablement creusés par des bactéries chimiolithotrophes dans les surfaces d’un grain volcanique de la ceinture de roches vertes du Coppin Gap, Pilbara, NO Australie, environ 3,45 Ga. Fig. 4: Tunnels probably burrowed by chemolithotropic bacteria in the surfaces of a volcanic grain in the Coppin Gap greenstone belt, Pilbara, NW Australia, approximately 3.45 Ga.© F. Foucher.

Fig. 5 : Colonie de bactéries silicifiées dans la poussière volcanique, peut-être des bactéries chimiolithotrophes, responsables du creusement des « tunnels » observés dans les grains et roches volcaniques (ceinture de roches vertes de Coppin Gap, Pilbara, environ 3,45 Ga). Notez les deux tailles différentes des grains correspondant à deux espèces différentes.Fig. 5: A colony of silicified bacteria in volcanic dust, possibly chemolithotropic bacteria responsible for burrowing the “tunnels” observed in the volcanic grains and rocks (Coppin Gap greenstone belt, Pilbara, NW Australia, approximately 3.45 Ga). Note the two different gain sizes, corresponding to two different species.© F. Westall.

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la géologie et l’origine de la vie

Les roches de l’Archéen inférieur recèlent aussi des restes de tapis microbiens, probablement créés par des bactéries photosynthétiques anaérobies. Ces tapis se trouvent dans des sédiments littoraux déposés à de faibles profondeurs ou sur la plage (habitats forte-ment éclairés par la lumière du soleil). Si des structures linaires et apparemment filamenteuses sont claire-ment visibles en lames minces, seules des observations à très haute résolution permettent d’en révéler les détails ; les filaments constituant les tapis sont très fins, d’une épaisseur de 0,25 µm [Westall et al. (2006b)]. Ceux-ci sont beaucoup plus petits que les pseudofossiles

de l’Apex Chert (figure 3). La préservation précoce de quelques-uns de ces tapis livre des détails étonnants, comme ceux de filaments alignés et ployés par le courant dans lesquels les tapis se sont formés (figure 6).

À l’échelle macroscopique, les roches archéennes du Pilbara et de Barberton montrent des structures coniques ou en forme de dôme ressemblant à des stromatolites. Les fines laminations consistent en des couches de matière carbonée secondairement silicifiées et parfois remplacées par de la dolomie. L’origine de ces structures est également controver-sée, les uns convaincus de son caractère hydrothermal, les autres plaidant pour une origine biologique. Une fois encore, ce sont des travaux détaillés et pluri-disciplinaires qui ont permis de démontrer, au moins dans le cas des stromatolites de Strelley Pool Chert au Pilbara, que les fines lamelles carbonées pourraient bien être d’origine biologique [Allwood et al. (2009)] (figure 7).

Fig. 6 : Tapis microbien filamenteux de Barberton, Afrique du Sud, environ 3,3 Ga. Notez la réorientation des filaments du fait d’un changement dans la direction du courant.Fig. 6: A filamentous microbial mat at Barbeton, South Africa, approximately 3.3 Ga. Note the shift in orientation of the filaments due to a change in direction of the current.© F. Westall.

Fig. 7 : Les stromatolites de la localité de Trendall (3,4 Ga) au North Pole, Pilbara (NO Australie).Fig. 7: Stromatolites in the Trendall area (3.4 Ga), at North Pole, Pilbara (NW Australia).© D. Marchesini.

geology and the origins of life

Les frontières entre vie et minéral et la recherche de vie sur MarsBien qu’il n’existe plus de roches assez vieilles et bien préservées pour témoigner du passage du non-vivant au vivant, les plus anciennes traces de la vie démontrent son lien étroit avec le monde minéral. Les micro-orga-nismes de la Terre primitive puisaient leur énergie et nutriments dans la surface des roches et minéraux volcaniques, comme le font les bactéries chimiolitho-trophes actuelles. Fossilisées par silicification, les cellules sont parfois difficiles à distinguer de simples précipitations minérales ou d’autres types d’artefacts, sauf si l’on révèle des détails à l’échelle nanométrique. Cependant, on sait maintenant qu’il y a au moins 3,5 Ga la vie avait déjà inventé la photosynthèse (anaérobie), ce qui lui permettait d’obtenir plus d’énergie avec moins d’effort, un processus essentiel pour l’apparition de formes de vie plus complexes.

Toutefois, les difficultés rencontrées pour observer et pour analyser des traces de vie micrométriques dans les sédiments terrestres les plus anciens illustrent le défi qui attend la recherche de vie fossile dans des roches extraterrestres. Étant donné une certaine simi-litude dans l’habitabilité entre les planètes primitives Terre et Mars (et aussi Vénus), il est généralement considéré que la vie aurait pu aussi apparaître sur Mars (et probablement sur Vénus). Cependant, avec la dégradation précoce des conditions environnementa-les à la surface de Mars (perte des éléments volatiles, dont l’eau liquide, entre -4 et -3,5 Ga), la vie sera restée dans un stade très primitif, semblable à celui des bactéries chimiolithotrophes (et peut-être hétérotrophes) de l’Archéen inférieur. En 1996, un groupe de chercheurs du NASA-Johnson Space Center a publié dans le journal Science les résultats d’une étude sur une météorite martienne dans laquelle ils avaient trouvé ce qu’ils pensaient être des traces d’une vie fossile martienne [McKay et al. (1996)]. Si l’on sait maintenant que ces « nanobactéries fossiles » étaient en fait des structures purement minéralogiques [Trieman (2000)], on a aussi découvert des microcristaux de magnétite associés à des carbonates de Fe et de

Mg ayant pu être précipités par des bactéries magné-totactiques. Le débat sur leur origine abiologique ou biologique est encore très vif [Thomas-Keprta et al. (2009)].

Une nouvelle mission spatiale internationale (ESA-NASA) destinée à rechercher des traces de vie sur Mars, à prélever et stocker des roches contenant ces traces éventuelles avant leur retour sur la Terre est prévue à l’horizon 2016-2018. Au vu des problèmes évoqués ci-dessus, il sera très difficile de détecter in situ et sans ambiguïté des vestiges fossiles de traces d’une vie micrométrique, les instruments embarqués étant forcément moins performants que les instru-ments de laboratoire à cause des contraintes de poids, de taille et de consommation d’énergie. Peut-être que d’ici à 2020, date prévue pour le retour de ces roches martiennes, nos compétences dans l’identification de traces de vie dans des roches auront progressé, sans quoi la découverte de signatures d’une vie potentielle risque d’entraîner un débat sur leur origine qui s’avère long et passionné. n

Bibliographie : Allwood A.-C., Grotzinger, J.-P., Knoll A.-H., Burch I.-W., Anderson M.-S., Coleman M.-L. and Kanik I. (2009) – Controls on development and diversity of Early Archean stromatolites. Proc. Nat. Acad. Sci., USA, 106, 9548-9555. Brasier M.-D., Green O.-R., Jephcoat A.-P., Kleppe A.-K., van Kranendonk M., Lindsay J.-F., Steele A., Grassineau N. (2002) – Questioning the evidence for Earth’s oldest fossils. Nature 416 : 76-81. De Gregorio B.-T., Sharp T.-G., Flynn J.-F., Wirick S., and Hervig R.-L. (2009) – Biogenic origin for Earth’s oldest putative microfossils. Geology, 37, 631-634. Foucher F., Westall F., Brandstätter F., Demets R., Parnell J., Cockell C.-S., Edwards H.-G.-M., Bény J.-M., Brack A. (2010) – Testing the survival of microfossils in artificial martian sedimentary meteorites during entry into Earth’s atmosphere : the STONE 6 experiment. Icarus, in press. Furnes H., Banerjee N.-R., Muehlenbachs K., Staudigel H.-N., de Wit M. (2004) – Early life recorded in Archean pillow lavas. Science, 304, 578-581. McKay D.-S., Gibson Jr. E.-K., Thomas-Keprta K.-L., Vali H., Romanek C.-S., Clemett S.-J., Chillier X.-D.-F., Maechling C.-R., Zare R.-N. (1996) – Search for Past Life on Mars : Possible Relic Biogenic Activity in Martian Meteorite ALH84001. Science, 273, 924 – 930. Schopf J.-W. (1993) – Microfossils of the Early Archean Apex Chert : New evidence of the antiquity of life, Science, 260, 640–646. Thomas-Keprta K.-L., Clemett S.-J., McKay D.-S., Gibson E.-K., Wentworth S.-J., (2009) – Origins of magnetite nanocrystals in Martian meteorite ALH84001. Geochim. Cosmochim. Acta, 73, 6631-6677 Treiman A. (2000) - Fossil Life in ALH 84001? http://www.lpi.usra.edu/lpi/meteorites/life.html Westall F., de Ronde C.-E.-J., Southam G., Grassineau N., Colas M., Cockell C. and Lammer H. (2006b) – Implications of a 3.472-3.333 Ga-old subaerial microbial mat from the Barberton greenstone belt, South Africa for the UV environmental conditions on the early Earth. Philosophical Transactions of the Royal Society of London Series B., 361, 1857–1875.

surfaces. The oldest traces of life are trapped in minerals and rocks dating back to between 3.5 and 3.3 billion years ago. However, identification of ancient signatures of life is complicated because most of the chemical, isotopic and morphological signatures can, individually, be produced by abiogenic processes. Nevertheless, multidisciplinary studies show that, by the mid- Archaean, life was relatively evolved. In addition to colonies of small lithotrophic (rock-eating) cells and heterotrophic microorganisms (carbon-eaters – cannibals), by the mid- Archaean life had reached the stage of photosynthesis, whereby microorganisms obtain energy from an inexhaustible supply of sunlight. Environmental conditions were still anaerobic though, with consequences on the small sizes of the microorganisms and the restricted amount of biomass that they could produce. Unfortunately rocks old enough to contain the history of the passage from non-living entities to the first cells no longer exist on Earth, having been completely altered or obliterated by metamorphism and plate tectonics. The search for the origins of life and the earliest primitive cells therefore needs to be conducted elsewhere – in the laboratory and on Mars, where much of the southern hemisphere is covered with rocks older than 4 billion years. Having similar habitable conditions in its youth to those on the primitive Earth, Mars most likely hosts vestiges of the “missing link” on Earth.

Life and geology are intimately linked. Life probably appeared more than 4 billion years ago as very simple cells at the surfaces of minerals and rocks, probably in the vicinity of hydrothermal springs where there was a plentiful supply of chemical energy, carbon and essential elements, as well as water. Early life forms most likely obtained their energy and nutrients from chemical reactions on mineral and rock

Geology and the Origins of LifeOn sait maintenant qu’il y a au moins 3,5 Ga la vie avait déjà inventé la photosynthèse.

Il est généralement considéré que la vie aurait pu aussi apparaître sur Mars et probablement sur Vénus.

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les impacts météoritiques et l’histoire de la vie

La Terre subit un large spectre d’impacts d’objets extraterrestres, allant de la taille de Mars, qui donna naissance à la Lune, jusqu’aux micrométéorites plus petites que le milligramme. Les gros impacts ont eu un effet délétère par destruction

brutale de la vie. Par contre, les météorites et micro-météorites ont fourni à la Terre une fraction très importante de la matière première nécessaire à l’émergence de la vie, soit par livraison directe, soit en déclenchant des réactions chimiques dans l’atmos-phère et/ou dans l’eau océanique. Ont-elles pu apporter la vie ? Des expériences sont menées en laboratoire et dans l’espace pour étayer cette hypothèse.

Les gros impacts et l’histoire de la vieHistoriquement, le plus gros impact est très probablement attribuable à l’embryon planétaire de la taille de Mars qui percuta la Terre et généra la Lune environ 50 à 70 millions d’années après la formation de la planète [Canup et Asphaug (2001)]. La Lune

Les impacts météoritiques et l’histoire de la vie

Les impacts météoritiques marquèrent profondément l’histoire

de la vie terrestre. Les gros impacts eurent un effet délétère tandis que

météorites et micrométéorites fournirent des molécules organiques

indispensables à la vie, par apport direct, mais également

indirectement en déclenchant des réactions chimiques

dans l’atmosphère. La vie elle-même a peut-être été

apportée sur Terre par ces messagers spatiaux selon

les partisans de la panspermie.

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André BrackDirecteur de recherche honoraire du [email protected]

La météorite de Hoba, Namibie.The Hoba meteorite found in Namibia.

© A. Brack.

Météorites et micrométéorites fournirent la matière première carbonée des briques du vivant.

stabilisa l’axe de rotation de la Terre, limitant ainsi une distribution chaotique dans le temps des océans qui aurait sérieusement perturbé l’évolution de la vie.

D’une manière générale, la vie sur Terre évolua lentement sur des millénaires par sélection de l’espèce la mieux adaptée selon la loi de Charles Darwin, mais elle fut également ponctuée par des extinctions soudaines et catastrophiques – les contingences de Stephen Jay Gould – à la suite desquelles des espèces différentes proliférèrent. Un tel changement de direction dans l’évolution eut probablement lieu à la fin du Crétacé avec l’extinction du groupe dominant des dinosaures. L’explication généralement admise implique l’impact d’un corps de quelque 10 kilomètres de diamètre tombé à Chicxlub, au Yucatan, dans le golfe du Mexique [Alvarez et Asaro (1990)]. Un tel cataclysme provoque un énorme bouleversement environne-mental avec une variation brutale de température, passant d’une chaleur intense avec embrasement des forêts à un grand froid dû à l’assombrissement du ciel par la poussière et la fumée des feux de forêt.

Plus près de nous, un corps de 1,5 km de diamètre et pesant 6 milliards de tonnes tomba à Rochechouart, à l’ouest de Limoges, il y a 200 millions d’années. L’énergie libérée, 14 millions de fois supérieures à celle de la bombe d’Hiroshima, creusa un cratère de 20 km de diamètre et détruisit probablement toute vie dans un rayon de 200 km (figure 1).

On estime que des corps de l’ordre de 65 km creusent des cratères de 265 km de diamètre et peuvent augmenter la température de l’atmosphère et de la surface de 100 °C. Des corps de 250 km, qui forment des cratères de 850 km, pourraient stériliser la planète entière, jusqu’au fond des océans. Les gros impacts sont également capables d’évaporer de grandes quantités d’eau océanique. Un corps de 150 km de diamètre

Fig. 1 : Brèches de retombée, cratère d'impact météoritique dans la carrière de granite de Rochechouart, à l'ouest de Limoges, France.Fig. 1: Breccia impact basin in a granite quarry in Rochechouart , west of Limoges, France.© BRGM im@gé, P. Chevremont

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Les gros impacts provoquèrent des extinctions soudaines et catastrophiques.

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évaporerait sur 200 mètres de profondeur la couche éclairée par le rayonnement solaire propice à la photo-synthèse (zone photique). Un corps de 350-400 km serait capable d’évaporer toute l’eau océanique.

Une indication du nombre et de la chronologie des impacts est donnée par le bombardement de la Lune qui garde les stigmates de l’histoire tourmentée des débuts du système solaire [Ryder (2003)]. En raison de sa plus grande taille, et donc de sa force gravitationnelle plus élevée, la jeune Terre a dû recevoir environ 20 fois plus d’impacts que la Lune. Statistiquement, il a pu se produire entre 0 et 6 impacts de 400 km capables de stériliser la Terre, mais les statistiques sur un aussi petit nombre ne sont pas vraiment significatives. La dernière évaporation de la zone photique a pu avoir lieu il y a environ 3,5 milliards d’années, épargnant la vie bactérienne en eau profonde, voire même souterraine.

Production de molécules organiques liée aux impacts L’intense bombardement de la Terre primitive ne manqua pas de provoquer des réactions chimiques au sein de l’atmosphère. La modélisation sur ordinateur montre que cette chimie d’impact dépend énormément de la composition chimique de l’atmosphère. Une atmos-phère réductrice riche en monoxyde de carbone produit notamment de l’acide cyanhydrique, de l’ammoniac et du formaldéhyde, trois composés connus pour mener aux acides aminés selon la réaction de Strecker. Un mélange gazeux de méthane, d’ammoniac et de vapeur d’eau soumis à un choc thermique fournit quatre acides aminés. Cependant, dans les deux cas, le mélange de gaz utilisé ne représente pas l’atmosphère primitive qui était dominée par du dioxyde de carbone accompagné, dans une moindre mesure, par de l’azote et de la vapeur d’eau.

L’équipe du chercheur Y. Furukawa au Japon a soumis récemment un mélange de carbone, de fer, de nickel, d’eau et d’azote à des impacts de forte intensité pour mimer en laboratoire l’impact des chondrites carbo-nées à la surface des océans. Plusieurs molécules organiques ont été obtenues, dont des acides gras et des amines. De la glycine se forme lorsque le mélange réactionnel de départ contient de l’ammoniac [Furukawa et al. (2009)]. Apport des météorites et micrométéoritesLa Terre capture environ 10 tonnes de météorites par an. Les très grosses météorites se volatilisent entièrement sous l’action de la chaleur de l’impact et ne laissent

que des cendres minérales. La plus grosse météorite conservée connue est tombée en Namibie, dans la ferme de Hoba, et pèse 55 tonnes (photo d’entrée).

Les météorites carbonées renfermant jusqu’à 5 % en poids de matière organique représentent environ 4 % de la masse météoritique. Plus de 500 molécules orga-niques ont été identifiées dans la météorite de Murchison tombée en Australie en 1969 à une centaine de kilomètres au nord de Melbourne, dont les bases purines et pyrimidines des ARN et ADN ainsi que plus de soixante-dix acides aminés. Au nombre de ces derniers figurent huit des vingt acides aminés protéiques. D’une manière générale, un acide aminé existe sous deux formes, gauche et droite, images l’une de l’autre dans un miroir, non superposables comme nos deux mains. Les protéines rompent la parité car elles n’utilisent que la forme gauche. C’est précisément cette forme gauche qui prédomine dans certaines météorites à hauteur de 9 %, laissant penser que la rupture de symétrie bio-logique pourrait être d’origine extraterrestre.

Le bombardement de la Terre primitive initia des réactions chimiques au sein de l’atmosphère.

Fig. 2 : Micrométéorites (50-100 µm) collectées dans la glace de l’Antarctique.Fig. 2: Micrometeorites (50-100 µm) collected in Antarctica ice.© M. Maurette.

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Comparées aux météorites et aux poussières interpla-nétaires (IDP, interplanetary dust particles), les micrométéorites dans la gamme 50-500 µm (figure 2) apportent des quantités de matière beaucoup plus importantes, soit environ 99 % en masse du flux total. Des collectes de micrométéorites dans les glaces du Groenland et de l’Antarctique par l’équipe de Michel Maurette permettent d’évaluer à environ 5 x 1024 g la quantité de micrométéorites accrétées par la Terre pendant les 200 millions d’années du bombardement intense, entre -4 Ga et -3,8 Ga. Considérant que 20 % en poids de ces micrométéorites ne fondent pas pendant la traversée atmosphérique, et qu’elles contiennent en moyenne 2,5 % de carbone organique, la masse totale de matière organique complexe livrée à la Terre fut de l’ordre de 2,5 x 1022 g, représentant une couche de 40 mètres d’épaisseur de « marée noire » à la surface de la Terre [Maurette et Brack (2006)]. Pour donner un ordre de grandeur, cette valeur représente 25 000 fois la valeur actuelle du carbone biologique recyclé à la surface de la Terre (~1018 g). Un acide aminé, l’acide amino isobutyrique, a été détecté dans une de ces micrométéorites. Les grains contiennent également une forte proportion de sulfures métalliques, d’oxydes et d’argiles, autant de catalyseurs chimiques susceptibles de transformer les grains en autant de réacteurs chimi-ques chondritiques.

L’analyse des poussières prélevées dans la chevelure de la comète Wild-2 par la sonde américaine Stardust atteste de l’origine cométaire des microméteorites collectées en Antarctique. Malgré les conditions délétères de l’espace (photolyse) et de la collecte des grains (chaleur d’impact), un acide aminé, la glycine, a été identifié récemment sur la feuille d’aluminium maintenant l’aérogel de collecte. Avant Stardust, les sondes Véga 1 et 2, Giotto, Suisei et Sakigake avaient montré que la comète de Halley est riche en matériaux organiques, le taux moyen en poids de carbone présent dans les grains cométaires étant estimé à 14 %. Parmi les molécules identifiées, on retrouve l’acide cyanhy-drique et le formaldéhyde. Ces composés, ainsi que de nombreuses autres molécules d’intérêt prébiotique, ont été observés dans les comètes Hyakutake en 1996 et Hale-Bopp en 1997 [Despois et Cottin (2005)]. Lancée en 2004, la mission cométaire Rosetta procédera en 2014 à l’analyse du noyau de la comète Churyumov-Gerasimenko. La sonde spatiale étudiera d’abord l’environnement de la comète en restant dans son sillage pendant plusieurs mois, puis une sonde s’y posera pour analyser la surface mais également la glace sous-jacente qui sera extraite par forage.

meteoritic impacts and the history of life

Pour les astéroïdes carbonés, la mission Marco Polo, proposée dans le cadre du programme Cosmic Vision de l’ESA, a pour objectif de coupler l’analyse in situ et un retour d’échantillon d’un astéroïde géocroiseur carboné. Elle analysera la composition de ces corps qui ont ensemencé la Terre en matière organique.

Des expériences pour conforter la filière extraterrestreD’où viennent les acides aminés extraterrestres ? Près de cent dix molécules différentes ont été identifiées à ce jour dans les nuages denses de gaz et de poussières du milieu interstellaire. Parmi ces molécules se trouvent de l’acide cyanhydrique HCN, de l’ammoniac NH3 et du formaldéhyde H2CO, composés précurseurs qui conduisent généralement aux acides aminés. Cependant, même la glycine, le plus simple acide aminé, n’a pas encore pu être identifiée par radioas-tronomie. Pour vérifier la possibilité de synthèse d’acides aminés dans les conditions du milieu inter-stellaire, un mélange de glaces d’eau, d’ammoniac, de méthanol, de monoxyde et de dioxyde de carbone a été irradié au Laboratoire d’astrophysique de Leyde aux Pays-Bas, dans des conditions mimant celles du milieu interstellaire (vide poussé de 10-7 mbar, température de -261 °C). Une fois revenus à la température ambiante, les échantillons ont été analysés au Centre de biophy-sique moléculaire du CNRS à Orléans. Nous y avons identifié seize acides aminés dont six (glycine, alanine, valine, proline, serine, acide aspartique) font partie des vingt acides aminés protéiques [Munoz Caro et al. (2002)].

Le voyage spatial des acides aminés a été étudié en orbite terrestre. Six acides aminés présents dans la météorite de Murchison ont été exposés aux conditions de l’espace pendant quinze jours à bord de capsules automatiques russes FOTON puis à bord de la station MIR. Après trois mois en orbite terrestre, les acides aminés ont été détruits à hauteur de 50 %. Différentes protections minérales ont été utilisées, une argile, une poudre de basalte et une poudre de météo-rite. À épaisseur égale, c’est la poudre de météorite qui a présenté le meilleur pouvoir protecteur, à partir d’une épaisseur de 5 µm. En conséquence, toute micromé-téorite de taille supérieure à 5 µm constitue un transporteur potentiel d’acides aminés dans l’espace.

À Orléans, nous étudions également l’effet des impacts sur les acides aminés enrobés dans de la saponite, une argile présente dans les météorites. Les échantillons sont soumis à des pressions allant de 12 à 28,9 GPa

Toute micrométéorite

de taille supérieure à 5 µm constitue un transporteur

potentiel d’acides aminés

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bactériennes survivent à ces traitements mécaniques violents. A priori, l’espace apparaît comme un milieu très hostile en raison du vide poussé, des rayonnements solaire et cosmique et des températures extrêmes. En laboratoire, des spores de Bacillus subtilis exposées aux UV, présentent une survie remarquable que l’on peut extrapoler à des centaines d’années dans les conditions de l’espace interplanétaire. Diverses bactéries ont été exposées in situ dans l’espace à bord de ballons, de fusées et de satellites. Les expériences spatiales montrent que les micro-organismes résistent bien au vide de l’espace, au froid et même aux UV dans certaines conditions. Les ions lourds des rayons cosmiques marquent, en fait, la limite ultime de la survie des spores dans l’espace en raison de leur fort pouvoir de pénétration. L’espérance de vie d’une spore, avant d’être frappée par un ion lourd, est estimée à 105 - 106 années.

correspondant à des vitesses d’impact de 2,4 à 5,8 km/s. Parmi les différents types d’acides aminés testés, les acides aminés à chaîne latérale hydrocar-bonée se sont révélés être plus résistants que ceux portant une fonction chimique latérale. Certains acides aminés gauches ont été transformés en acides aminés droits, ce qui suggère que les formes gauches mesurées dans les chondrites carbonées sont probablement sous estimées. Nos résultats indiquent que les chocs d’impact jouent probablement un rôle de filtre sélectif quant à l’importation d’acides aminés via les chondrites carbonées [Bertrand et al. (2009)].

Les météorites et la panspermieSelon la théorie de la panspermie formulée dès 1865 par Hermann Richter puis affinée en 1903 par Svante Arrhenius [Arrhénius (1908)], la Terre aurait été ensemencée par des particules vivantes extraterrestres. Pour migrer d’une planète à une autre, les bactéries doivent résister à l’expulsion de la planète mère, au voyage dans l’espace, à l’entrée atmosphérique et à l’impact sur le sol. Des expériences en laboratoire, mimant les accélérations subies au moment de l’éjec-tion et les impacts au sol, montrent que les spores

Selon la panspermie, la vie aurait été apportée par des impacteurs.

Fig. 3 : Satellite automatique russe FOTON porteur de météorites artificielles enchâssées dans le bouclier thermique.Fig. 3: Unmanned Russian satellite FOTON with artificial meteorites embedded in the heat shield.© ESA.

meteoritic impacts and the history of life

Au vu de la remarquable résistance des spores bacté-riennes dans l’espace et de l’inventaire des météorites martiennes, aujourd’hui au nombre de cinquante, le transfert de micro-organismes viables de Mars vers la Terre semble tout à fait possible mais… rien ne prouve qu’il ait effectivement eu lieu.

Un échantillon d’impactite gneissique a été inoculé avec des bactéries photosynthétiques (Chroococcidiopsis) qui vivent sous la surface des roches à une profondeur maximale de 5 mm. L’échantillon a ensuite été enchâssé dans le bouclier thermique d’un satellite automatique russe FOTON (figure 3). Après quinze jours en orbite, la roche pénétra dans l’atmosphère et fut récupérée dans le désert du Kazakhstan. Le gneiss survécut partielle-ment à l’entrée atmosphérique, mais les bactéries furent détruites. On peut donc conclure que l’entrée atmosphérique joue le rôle de barrière puissante à la dispersion interplanétaire des organismes photosyn-thétiques [Cockell et al. (2007)].

En conclusion, la nature et la chronologie des impacts ont profondément marqué l’histoire de la vie terrestre. Très tôt, les micrométéorites, freinées par l’atmosphère, fournirent d’énormes quantités de matière première carbonée disponible pour le démarrage de la vie dans l’eau océanique. Un tel environnement, à savoir un océan maintenu par une atmosphère freinant les micrométéorites, peut être généralisé à d’autres corps célestes et va nous guider dans la recherche de vie extraterrestre. Dans le même temps, d’énormes impacts ont très bien pu détruire la vie à la surface de la Terre et l’empêcher de s’y installer définitivement. Ce n’est qu’à la fin du bombardement intense, il y a environ 3,85 milliards d’années, que la vie put s’installer de manière pérenne tout en subissant de nombreuses extinctions partielles, toujours imputables à des impacts.

Quant à l’avenir de la vie terrestre, il est clair que les impacts vont continuer à frapper la Terre avec une énorme incidence environnementale. Il y a quatre corps dans la ceinture des astéroïdes, Cérès, Pallas, Vesta et Higeia, capables d’évaporer toute l’eau des océans s’ils venaient à percuter la Terre. L’organisme de vigilance Sloan Digital Sky Survey estime qu’il y a 700 000 astéroïdes suffisamment gros pour détruire l’espèce humaine et qu’il y a une chance sur 1 500 par siècle pour qu’un tel événement se produise. C’est la raison pour laquelle ces géocroiseurs sont placés sous haute surveillance. Le Congrès des États-Unis d’Amérique a demandé à la NASA de détecter et de suivre 90 % des géocroiseurs de plus d’un kilomètre de diamètre, objectif que la NASA est sur le point d’atteindre. Plus récemment, le Congrès a souhaité étendre l’étude aux géocroiseurs de plus de 140 mètres de diamètre d’ici 2020. Voilà de quoi rassurer l’humanité. n

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Les impacts vont continuer à frapper la Terre avec une énorme incidence environnementale.

Meteoritic impacts and the history of lifeThe Earth experienced a large spectrum of impactors ranging from the huge Mars-sized impactor which created the Moon to cosmic dust less than 1 µm in size. Collisions had two antagonistic effects on the origin and evolution of life. On the one hand, large impacts were deleterious to primitive life in terms of direct extinction and destruction of environments in which life could have appeared or, at least, by significant evaporation of water reservoirs. On the other hand, intense bombardment probably caused some chemical reprocessing of the Earth’s primitive atmosphere. A great number of organic molecules, including amino acids, have been found in carbonaceous chondrites. Micrometeorite collection and analysis from the Greenland and Antarctic ice sheets suggest that the Earth accreted large amounts of extraterrestrial complex organic molecules. Laboratory and space experiments support the extraterrestrial delivery of organics to the primitive Earth. Panspermia, the interplanetary transfer of life, is well documented but has not yet been proved to have any counterpart in reality. Photosynthetic bacteria embedded in the heat shield of unmanned satellite did not survive atmospheric re-entry. This experiment shows that atmospheric entry acts as a strong filter to the interplanetary dispersal of photosynthetic organisms.

microbial life in the depths of the earth

A substantial fraction of Earth’s life consists of highly diverse microorganisms residing kilometers beneath the seafloor and soil zones. At these extreme depths where nutrients are scarce and the pace of life glacial, microorganisms must interact with their surroundings or die. Consequently, this environment has not only yielded unusual microbial genomes, but also novel protein multi-functionality or promiscuity with potential commercial application. In situ experiments performed in underground laboratories and seafloor boreholes and analyzed by transcriptomics and proteomics promise to reveal how subsurface microorganisms interact with this austere world.

Microbial life in the depths of the Earth

Scanning electronic microscope image of cells attached to muscovite flakes within a 2.9 Ga quartzite core

collected at a depth of 2 km in South Africa.Image au microscope électronique à balayage

de cellules fixées à des lamelles de muscovite incluses dans une carotte de quartzite daté de 2,9 Ma

prélevée à 2 km de profondeur en Afrique du Sud.Courtesy of M. Davidson, Princeton University, and G. Southam,

University of Western Ontario

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The birth of subsurface microbiology

In June 1986, at the Savannah River Plant (SRP), South Carolina, the modern era of subsurface microbiology was launched with a few hundred thousand dollars from a U.S. Dept. of Energy (DOE) Subsurface Science Program. From this auspicious

beginning three wells were cored attaining depths of 200 meters using chemical and physical tracers to constrain microbial drilling contamination. Abundant and diverse microbial communities were observed in the subsurface aquifers by Phelps and others (1989). During the decade that followed, microbial samples representative of their native subsurface environment were recovered from a wide range of environments and rock types from depths as great as 2.7 km. In ’92, Parkes initiated studies of sub-seafloor sediments (Parkes et al., 1994). In ’93 Pedersen published his first results from a deep, fractured granite aquifer in Sweden (Pedersen, 1993). By ’98 a consensus had been reached that a substantial fraction of the Earth’s living carbon biomass resided beneath the seafloor and soil zones, although just how massive was uncertain. Bacterial biodiversity in the subsurface was high, with many novel species being discovered, but the archaeal lineages seemed sparse. The sheer numbers were surprising, however, when compared to the nutrient fluxes available, indicating that this biosphere appeared to be barely “alive”. In the aquifers 200 to 400 m beneath SRP, the average cell turnover times for viable bacteria appeared to be decades or centuries rather than minutes, and Phelps speculated that “rusting hulks” of older bacteria existed

Tullis C. OnstottProfessor of GeosciencesPrinceton University, [email protected]

Esta van HeerdenProfessor of BiochemistryUniversity of the Free State, [email protected]

Larry MurdochProfessor of HydrogeologyClemson University, [email protected]

la vie dans les profondeurs de la terre

(Phelps et al., 1994). Despite their low activity, aqueous geochemical and isotopic data along with mineralo-gical analyses indicated that this subsurface biosphere controls water and gas chemistry and influences mineral and organic diagenesis.

A decade of advancesSince ’98, the microbial subsurface biosphere has been explored to depths greater than 3 kilometers in South African mines and to temperatures as great as 120 °C in a Chinese borehole. Microorganisms trapped at ~1 km depth within continental ice sheets at -20 °C and microbial ecosystems beneath 0.5 km of permafrost and within and beneath gas hydrate deposits of varying depths have been explored. Living bacteria and archaea entrapped within fluid inclusions of ancient evaporite deposits have been isolated. The Äspö Hard Rock Laboratory, carved out of fractured Precambrian granite to a depth of 440 m, became the first underground laboratory to perform in situ microbial experiments as part of study of high-level radioactive waste storage.

Many of the tracer methods developed by DOE during the late 80’s and early 90’s were transferred to the International Ocean Drilling Program (IODP) as more cruises performed microbial studies of the subseafloor biosphere. Many of the advances in our understanding of the subsurface biosphere over the past decade originated from application of molecular approaches on samples collected during these cruises, and include: 1) the recognition of archaea as a significant, if not the dominant, microbial domain in sub-seafloor sediments by lipid analyses, 2) better quantification of truly living cells versus dead intact ones, 3) RNA analyses to identify who the truly active microbial cells are, 4) sequencing of complete meta-genomes and application of microarrays designed to detect functional genes to better understand what metabolic functions may be at work, 5) application of stable carbon isotope analyses to volatile fatty acids as a means of recognizing in situ active acetogenic versus acetotrophic activity and 6) the application of ion microprobe isotopic analyses to identify the carbon substrates for subsurface microorganisms.

Although studies of the deep continental biosphere have lagged behind those of the marine subseafloor biosphere due to a lack of microbial drilling projects, enough evidence has been gathered to suggest that significant differences exist in the vertical distribution of biomass (figure 1) and in the dominant microbial

Fig. 1: Cellular concentrations as a function of depth. Open and solid circles represent cells g-1 with the red solid circles representing analyses of rock cores collected in South African mines. Open circles of various colors represent published analyses of continental sedimentary and volcanic rocks. Solid squares represent cells mL-1 with light blue squares representing samples from South African mines, solid red squares representing bacterial cells mL-1 estimated from PLFA analyses of South African samples (Pfiffner et al., 2006) and dark blue squares representing published analyses from continental aquifers. Horizontal lines connecting squares represent samples collected at different times from the same borehole. The dashed yellow line represents the cellular concentrations extrapolated from studies of subseafloor sediments at depths <0.4 kilometers.From Lipp et al., 2008.

Fig. 1 : Concentrations de cellules en fonction de la profondeur. Les cercles vides et pleins représentent des cellules g-1. Les cercles rouges solides correspondent aux analyses de carottes extraites de mines d’Afrique du Sud. Les cercles vides de couleurs variées représentent des analyses de roches sédimentaires continentales et volcaniques trouvées dans la littérature. Les carrés solides représentent des cellules mL-1, les carrés bleu clair correspondant à des échantillons provenant des mines sud-africaines, ceux en rouge, aux cellules bactériennes mL-1 estimées sur la base d’analyses PLFA d’échantillons sud-africains (Pfiffner et al, 2006) et ceux en bleu foncé aux analyses à partir d’aquifères continentaux issues de la littérature. Les lignes horizontales reliant les carrés indiquent des échantillons prélevés à des époques différentes dans un même forage. La ligne en tirets jaunes représente les concentrations cellulaires extrapolées à partir d’études de sédiments sous les fonds marins à des profondeurs < 0,4 km.D’après Lipp et al., 2008.

Since ’98, the microbial subsurface biosphere has been explored to depths greater than 3 kilometers in South African mines and to temperatures as great as 120 oC in a Chinese borehole. 53

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phyla. In contrast to the marine realm, the terrestrial subsurface contains what could be termed “warm” (<100 °C) ecosystems that are increasingly chemoauto-trophic with depth. The rock-water interactions that fuel these continental subsurface ecosystems are not dependent upon localized magmatic heat input, e.g., spreading centers or hot spots, but instead are influ-enced by regional, topographically driven meteoric fluid flow, which in the case of the elevated plateaus containing the Witwatersrand Basin and the Columbia River basaltic aquifer, can penetrate to km depths. In the lower elevation granitic aquifers of the Fennoscandian Precambrian shield and Atlantic Coastal Plain aquifers, the regional flow is slower and shallower.

Remaining mysteries of the deepWhether it is million year old ice, tens of millions of years old saline fracture water or Permian age salt, in environments where fluid flux is negligible, intact genomes appear to exist despite their potential decimation from radiation. One of the possible explanations for this mystery is that radiolytic processes provide a renewable source of energy to these trapped microbial ecosystems so that they may slowly respire and repair their DNA (figure 2). Microorganisms entombed within the subsurface may comprise a pool of ancient DNA or “Paleome”, and the differences in the 16S rRNA gene sequences of these subsurface residua may reflect evolutionary trends rather than geographical differences.

Another mystery is how the same bacterial species can be found in oil reservoirs that are separated by thousands of kilometers. In these deep subsurface environments, hydrological barriers to fluid flow exist that should pose significant biogeographical barriers for

Fig. 2: Model of interaction between

Candidatus D. audaxviator’s genomic

machinery and the fracture fluid/mineral

environment where radiolytic reactions in

water oxidize sulfide to sulfate and generate H2.

This electron acceptor and donor source mechanism

sustains sulfate reduction. Adapted from Chivian et al. (2008).

Fig. 2 : Modèle d’interaction entre la machinerie

génomique de Candidatus D. audaxviator et le milieu

fluide des fractures/ minéral, où des réactions

radiolytiques dans l’eau oxydent le sulfure pour

obtenir du sulfate et générer du H2.

Ce mécanisme accepteur/donneur d’électrons induit

la réduction des sulfates. D’après Chivian et al. (2008).

Whether it is million year old ice, tens of millions of years old saline fracture water or Permian age salt, in environments where fluid flux is negligible, intact genomes appear to exist despite their potential decimation from radiation.

la vie dans les profondeurs de la terre

subsurface microorganisms. If biogeographical isolation is important, then geochemically similar subsurface environments should yield different microbial species, although one may see cells from the same taxa or higher level taxonomic classification represented. In other subsurface environments, e.g., shallow aquifers and sea floor spreading centers, recently termed the “subseafloor ocean”, fluid movement may be capable of broadly disseminating microbes from a cosmopolitan source. With increasing subsurface residence time, however, geological and climate history may become a factor in biogeographical distinctions in the subsurface. The observations clearly imply either high microbial trans-port rates beneath the surface of continents or slow microbial transport rates combined with exceptionally slow rates of mutation. This begs the question, if low-diversity microbial ecosystems are truly isolated from a much larger genetic pool, then how do subsurface microorganisms evolve over time as their environment changes? The discovery of viruses and clustered regularly interspaced short palindromic repeat (CRISPR) sequences in deep fracture water environments raises the possibi-lity that transfer of DNA from one cell to another may involve virus particles. To date, however, microbial and viral transport studies have been limited to the tens of meters in shallow, porous media and integration of hydrological studies with microbial ecology to define ecohydrological facies in the subsurface represents a new frontier of research.

Another unanswered and related question is what is the relationship between the planktonic and attached microbial communities? Variations in physical substrates provide different chemical conditions that select for specific types of microorganisms. Additionally, solid-liquid-gas interfaces often generate steep chemical gradients, resulting in more diverse ecological niches than those offered by bulk ocean water. These factors contribute to the generally higher diversity and higher activity in the surface-attached microbial communities than among planktonic cells. Analyzing these sessile communities is particularly important, as they should be directly involved in the alteration and precipitation of diage-netic mineral phases and in changing the chemical and physical properties of the rock. Although the acquisition of planktonic microbial samples from vent fluids and mine boreholes is relatively straight-forward, characterization of the sessile communities occupying the fracture surfaces has been stymied by the fact that the drilling fluids are typically heavily contaminated by microorganisms.

Still another mystery concerns the maximum tempera-ture of subsurface microbial activity. Analyses of biodegradation in oil reservoirs indicate that 80-85 °C appear to mark the upper temperature limit of life, even though hyperthermophiles have been recovered from oil reservoirs. In addition to the constraints imposed by molecular stability at high temperatures, the ultimate temperature limit for life in the subsurface will depend upon the balance between the maintenance energy demand rate, which appears to increase with tempera-ture, and the energy supply rate from these various abiological and biological reactions. This balance dictates physico-chemical limits of subsurface life and suggests that salinity, redox gradients, thermal gradients, radiation, fluid flow and even tectonic activity all contribute to sustaining life.

Environment/Microorganism Interaction through TranscriptomicsComplete genome sequences of subsurface isolates and metagenomic and functional gene analyses have revealed what subsurface microorganisms are capable of doing (figure 2), but what they actually are doing

in situ still eludes us. The metagenome of Candidatus Desulforudis audaxviator indicates that it is a bacterium possessing remarkable metabolic plasticity. D. audaxviator appears to be a chemoautotroph and a heterotroph, chemotactically motile and a N2 fixer, using a gene that appears to have been acquired from a thermophilic methanogenic Archaea by horizontal gene transfer.

Another unanswered and related question is what is the relationship between the planktonic and attached microbial communities?

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This balance dictates physico-chemical limits of subsurface life and suggests that salinity, redox gradients, thermal gradients, radiation, fluid flow and even tectonic activity all contribute to sustaining life.

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microbial life in the depths of the earth

Examination of gene expression using microarray analyses of mRNA, however, has to recognize that at the glacial pace of in situ microbial respiration, the signal may be too low to be detected by conventional methods. Detecting this signal may require altering the subsurface environment, ideally in situ, followed by long-term monitoring of the community response relative to control environments. The answers to all of the mysteries above will require understanding what the individual microorganisms or the community of microorganisms are doing in response to their environment. For example, does subsurface hyperther-mophilicity occur only where fluid flow rates, and hence nutrient supply rates, are elevated? Addressing this question will require more in situ observations, i.e. more drilling into hot rock at varying depths, as well as heating experiments like those of Parkes et al. (Parkes et al., 2007), but larger in scale and longer in time and performed in the subsurface. These types of

experiments require intensive temporal sampling of small volumes of water or rock substrate. Single-cell amplified genome techniques could extend genomic characterization to these deep experiments and possibly transcriptomics as well in the near future.

Promiscuous Proteins and BiodiversityExploration of the South African deep subsurface has contributed to the understanding of the biodiversity associated with these environments. Although the key assumptions still apply, i.e. specialized communi-ties and cellular concentrations that vary with geochemical and physical environmental factors as a function of depth and fluid flux, the biodiversity often appears to exceed that expected from the measured geochemical constraints. Even the diversity obtained from phylogenetic description of novel genera and species or from metagenome sequencing (figure 2)

Fig. 3: The crystal structure of the thermostable OYE homologue from Thermus scotoductus SA-01 was solved in its holoform at 2.2 Å as well as its complex with p-hydroxybenzaldehyde (pHBA). From Opperman and vanHeerden, 2010.

Fig. 3 : La structure cristalline de l’homologue thermostable OYE (“Vieille enzyme jaune”) issu du Thermus scotoductus SA-01 a été résolue dans son holoforme à 2,2 Å, ainsi que dans son complexe avec p-hydroxybenzaldehyde (pHBA).D’après Opperman and vanHeerden, 2010.

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may underestimate the broad array of activities metabolized and catalyzed by these microorganisms as revealed from selective isolation of thermophiles. For example, Kieft et al. (1999) isolated Thermus scotoductus SA01 from groundwater 3.2 km deep that could use O2, nitrate, Fe3+ and S0 as terminal electron acceptors for growth at 65 °C, as well as reduce a variety of heavy metals (Cr6+, U6+, Mn4+, etc.). Considering its 2.3 megabase genome size, it almost seemed impossible to have directed pathways for each metal to be metabolized. Research into the identifi-cation of these and other proteins directly involved in T. scotoductus SA01 metal reduction showed that more than one catalyst provided the same capability; for example, chromate reduction could be performed by either dihydrolipoamide dehydrogenase or an old yellow enzyme homologue (figure 3). The same dihy-drolipoamide dehydrogenase also performed Fe3+ reduction, but a second protein, a thioredoxin-like reductase, provided additional Fe3+ reduction ability. These proteins also catalyze metal reduction under both aerobic and anaerobic conditions.

These results showed that metabolic versatility was present that was not associated with metabolic pathways defined by genome analyses. Catalytic proteins capable of multitasking provide promiscuous functionality that enhances the survival and adap-tation of a microorganism to the subsurface. Future studies must take care to verify the functionality inferred from annotation of metagenomes by studying the proteins individually (in vitro) and in vivo using proteomics in order to detect moonlighting proteins that contribute additional coping capacity for subsurface microorganisms. Understanding the origin of protein promiscuity and determining whether it is tied to the evolution of microorganisms in the subsurface is yet another mystery waiting to be solved.

These results showed that metabolic versatility was present that was not associated with metabolic pathways defined by genome analyses.

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microbial life in the depths of the earth

DUSEL will be located in the deepest (2.4 km) and largest (>4 km horizontally) mine in the U.S.A, and will provide the world’s largest and deepest laboratory for the next generation of high sensitivity detectors of weakly interac-ting elementary particles and for studies of the deep continental biosphere. A high-capacity water filtration plant used for ultrapure Cerenkov water detectors will supply drilling water for microbiology coring projects significantly reducing contamination. Coring underground with drilling water pressure less than the fracture water pressure will also enable the acquisition of fracture surfaces with little contamination. The potential capture volume for DUSEL microbiology boreholes predicted by hydrological models will be ~90 km3 and will reach down to the ~120 °C isotherm, the current upper temperature limit of life (figure). DUSEL will operate a low background counting facility where background radiation will be 10-5 times that of surface counting labs facilitating the quantification of slow metabolic processes during in situ transcriptomic and proteomic experiments. DUSEL will also construct large-scale, coupled thermal-mechanical-hydrological-chemical-biological processes facilities comprised of 106 m3 instrumented borehole arrays, which will be used to perform multi-year heating and cooling experiments with the goal of simulating hydrothermal convective fluid circulation within fractures and to perform repetitive fracture rupture and displacement experiments with the purpose of determining the controls on rock strength and biological energy sources. n

>TheFutureDeepUndergroundScienceandEngineering Laboratory(DUSEL)inSouthDakota,USA.

Perspective of DUSEL Homestake showing the ground surface underlain by tunnels and shafts (deep workings) where investigations of deep microbial ecosystems are being planned. Based on an image from Zbigniew Hladysz.

Vue en perspective du site minier de DUSEL Homestake montrant la surface du sol et les tunnels et puits sous-jacents (ouvrages en profondeur), où des recherches sur les écosystèmes microbiens profonds sont en projet. D’après une image de Zbigniew Hladysz.

Simulated flow paths (colored lines) and isosurfaces of groundwater velocity in the vicinity of DUSEL Homestake (deep workings in blue). The 0.1 m/day velocity isosurface (green) approximately defines a region ~90km3 over which water has been captured by pumping at the mine, according to the simulations. Des voies d’écoulement simulées (traits en couleur) et des isosurfaces des débits de la nappe au voisinage de DUSEL Homestake (les ouvrages profonds sont matérialisés en bleu). L’isosurface correspondant à un débit de 0,1 m/j (en vert) décrit une zone d’environ 90 km3 sur laquelle de l’eau a été captée par pompage à la mine, selon les simulations.

la vie dans les profondeurs de la terre

Selected references: Chivian, D., Alm, E., Brodie, E., Culley, D., Dehal, P., DeSantis, T., Gihring, T., Lapidus, A., Lin, L.-H., Lowry, S., Moser, D., Richardson, P., Southam, G., Wanger, G., Pratt, L., Andersen, G., Hazen, T., Brockman, F., Arkin, A., Onstott, T., (2008) – Environmental genomics reveals a single species ecosystem deep within the Earth. Science 322, 275-278. Kieft, T.L., Fredrickson, J.K., Onstott, T.C., Gorby, Y.A., Kostandarithes, H.M., Bailey, T.J., Kennedy, D.W., Li, S.W., Plymale, A.E., Spadoni, C.M., Gray, M.S., (1999) – Dissimilatory reduction of Fe(III) and other electron acceptors by a Thermus isolate. Applied and Environmental Microbiology 65, 1214-1221. Lipp, J.S., Morono, Y., Inagaki, F., Hinrichs, K.-U., (2008) – Significant contribution of Archaea to extant biomass in marine subsurface sediments. Nature 454, 991-994. Opperman, D.J., van Heerden, E., (2010) – Crystal Structure of a Thermostable Old Yellow Enzyme from Thermus scotoductus SA-01. BBRC 393,426-431. Parkes, R.J., Cragg, B.A., Bale, S.J., Getliff, J.M., Goodman, K., Rochelle, P.A., Fry, J.C., Weightman, A.J., Harvey, s.M., (1994) – Deep bacterial biosphere in Pacific Ocean sediments. Nature 371, 410-413. Parkes, R.J., Wellsbury, P., Mather, I.D., Cobb, S.J., Cragg, B.A., Hornibrook, E.R.C., Horsfield, B., (2007) – Temperature activation of organic matter and minerals during burial has the potential to sustain the deep biosphere over geological timescales. Organic Geochemistry 38, 845–852. Pedersen, K., (1993) – The deep subterranean biosphere. Earth Sci. Rev. 34, 243-260. Pfiffner, S.M., Cantu, J.M., Smithgall, A., Peacock, A.D., White, D.C., Moser, D.P., Onstott, T.C., van Heerden, E., (2006) – Deep subsurface microbial biomass and community structure in Witwatersrand Basin mines. Geomicrobiology Journal 23, 431-442. Phelps, T.J., Murphy, E.M., Pfiffner, S.M., White, D.C., (1994) – Comparison between geochemical and biological estimates of subsurface microbial activities. Microbial Ecology 28, 335-349. Phelps and others (1989) – Papers describing the deep subsurface microbiology of the Savannah River Plant Geomicrobiology Journal 7, 3-130.

Depuis la fin des années 1980, des micro-organismes ont été découverts dans des milieux très variés du sous-sol, jusqu’à des profondeurs supérieures à 3 km sur les continents et supérieures à 0,8 km sous le fond des océans. Des outils moléculaires ont mis en évidence une communauté très diversifiée de micro-organismes qui colonisent le sous-sol tant océanique que terrestre. S’il est vrai que certaines espèces semblent se retrouver dans la biosphère souterraine tant sous-marine que continentale, en revanche, la composition et la répartition verticale de ces deux environnements paraissent distinctes. Des investigations géochimiques et isotopiques indiquent que bien que

les écosystèmes du sous-sol puissent être limités en nutriments, ils ne le seraient pas sur le plan énergétique, et que diverses voies métaboliques transforment activement les substrats carbonés. Des annotations des génomes et des analyses protéiniques indiquent que les micro-organismes du sous-sol se sont adaptés à leurs milieux et qu’ils pourraient être dotés de systèmes enzymatiques nouveaux.Des questions fondamentales restent à éclaircir. Quelle est la vitesse de reproduction des micro-organismes ? Comment évoluent-ils pour s’adapter à leur environnement ? Comment expliquer qu’une même espèce microbienne peut se retrouver dans des sites souterrains très éloignés les uns des autres et quelles sont les températures limites au-delà desquelles la vie ne peut subsister ? La vitesse de circulation des fluides et du transport des nutriments dans différents milieux souterrains constitue une variable importante, sinon la variable clef, pour aborder ces questions. La microbiologie du sous-sol est à l’aube d’une ère nouvelle de l’exploration où des expériences in situ, menées dans des laboratoires souterrains et dans des réseaux de forages dans la croûte océanique, permettront de définir la biodiversité et l’abondance microbienne en termes de faciès écohydrologique. De telles expériences permettront en outre de quantifier les cinétiques de croissance microbienne, de l’évolution et de la minéralisation.

La vie dans les profondeurs de la Terre

The Decade AheadIn the coming decade, the International Ocean Drilling Program’s commitment to exploring the subsurface marine biosphere includes three cruises dedicated to subsurface microbiology. NSF’s support of the C-DEBI Research Coordination Network, led by Edwards and Amend will nurture collaborations amongst all scien-tists involved in subsurface life research, marine and continental. The International Continental Drilling Program held its first workshop to promote continental subsurface microbiology in Potsdam in September ’09. Amongst many proposals to be discussed will be those that coordinate continental drilling targets with off shore marine drilling legs.

To address the questions above, however, requires much more than characterizing a single core from a particular site. What is required are exploration programs that cover a range of spatial scales from mm’s to km’s and time scales ranging from the geological record trapped in the rock to days for active microbial processes. The North Pond drilling proposal led by Edwards and the Juan de Fuca drilling proposal led by Fisher are both designed to capture the kilometric hydrothermal circulation cell in order to constrain the energy and microbial inputs and outputs. This drilling, coupled with long-term observations provided by borehole installations, such as Circulation Obviation Retrofit Kits or CORK’s, will begin to delineate a 4D picture of the “subseafloor ocean biosphere”.

The only comparable existing effort in the continental subsurface is the Äspö Hard Rock Laboratory, where Pedersen has successfully experimented on microbial communities within fracture fluid by circulating the

fluid from three boreholes at 450 m depth into micro-cosms within an on-site laboratory. Plans for similar types of experiments are being developed or proposed for other underground research laboratories, such as the Boulby Underground Laboratory in the U.K., the HADES Underground Laboratory in Belgium, the Bure Underground Laboratory in France, the Mount Terri Rock Laboratory in Switzerland, the Natural Earthquake Laboratory in a South African mine (NELSAM), the Mizunami Underground Research Laboratory in Japan, and the proposed Deep Underground Science and Engineering Laboratory (DUSEL) in the South Dakota, U.S.A (see text box).

In situ experiments performed in underground labo-ratories and sea floor boreholes and analyzed by transcriptomics and proteomics promises to delineate how subsurface microorganisms interact with their austere world, to provide new insights into the evolution of genomes and proteins, and to yield catalytic proteins with useful environmental and industrial applications. n

In the coming decade, the International Ocean Drilling Program’s commitment to exploring the subsurface marine biosphere includes three cruises dedicated to subsurface microbiology.

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écologie microbienne des réservoirs pétroliers

Bien que la présence des micro-organismes dans

les réservoirs pétroliers ait été établie depuis longtemps,

ce n'est seulement que depuis une vingtaine d’années

que les industries pétrolières ont pris en compte le rôle des activités

microbiennes dans les problèmes liés à l’exploitation du pétrole

et dans la formation des huiles. Aujourd’hui, notre connaissance

de la nature et de la diversité des micro-organismes présents

dans les réservoirs est encore partielle et leurs activités métaboliques largement

méconnues.

Écologie microbienne des réservoirs pétroliers

Didier AlazardLaboratoire de microbiologie IRD, UMR 180Universités de Provence et de la Méditerranée, ESIL Marseille [email protected]

Michel MagotUniversité de Pau et des pays de l’Adour, Institut pluridisciplinaire de recherche en environnement et matériaux UMR5254, équipe environnement et [email protected]

Bernard OllivierLaboratoire de microbiologie IRD, UMR 180Universités de Provence et de la Méditerranée, ESIL Marseille [email protected]

Plate-forme offshore. Le champ pétrolier d’Akpo, Nigéria.

Offshore platform (Akpo oil field, Nigeria).© TOTAL.

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enne Les réservoirs pétroliers se trouvent généralement dans des couches sédimentaires

poreuses et perméables de grès ou de calcaire jusqu’à des profondeurs de plusieurs kilomètres sous la croûte terrestre (figure 1). Ces environnements sont considérés

comme anaérobies(1). Ils présentent une large gamme de température (de 30 à 180 °C, la température sous la surface terrestre augmentant en moyenne de 3 °C tous les cent mètres), de salinité ( jusqu’à la saturation) et de pression ( jusqu’à plusieurs centaines de bars) et des pH qui sont neutres ou légèrement acides. Ces écosystèmes sub-terrestres extrêmes ont longtemps été considérés comme trop hostiles pour le développement de la vie microbienne. Pourtant, il existe aujourd’hui de multiples preuves que les réservoirs chauds et profonds avec des températures atteignant 80-85 °C (à l’exception de ceux présentant une température et une salinité élevées) (figure 2) renferment des popula-tions diverses de micro-organismes avec une grande variété d’activités physiologiques et métaboliques [Magot et al. (2000)]. L’origine de ces micro-organismes demeure matière à débat. Aujourd’hui encore, et malgré toutes les études menées au cours des dernières décennies sur la microbiologie des réservoirs pétroliers, il n’est pas établi que ces micro-organismes soient indigènes de ces environnements profonds. Si c’était le cas,

(1) – Environnements dépourvus d’oxygène.

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ils auraient survécu depuis le dépôt de la matière organique dans les bassins sédimentaires, il y a plusieurs centaines de millions d’années, jusqu’à la formation des hydrocarbures dans la roche réservoir, après une série d’événements géologiques qui diffère d’un réservoir à l’autre. Sinon, la présence d’un grand nombre de ces micro-organismes pourrait être le résultat de contami-nations au cours des opérations de forage ou à la suite d’injection d’eau dans les réservoirs lors de l’exploitation pétrolière. Cette dernière hypothèse est néanmoins à relativiser, car dans de nombreux cas les conséquences géochimiques de certaines activités bactériennes, dont la plus importante est la biodégradation in situ des hydrocarbures, auraient été observées.

Les réservoirs chauds et profonds renferment des populations diverses de micro-organismes.

Fig. 1 : Coupe géologique schématique d’un réservoir pétrolier : à l’état naturel, les hydrocarbures se trouvent sous la surface terrestre, pris entre l’eau et le gaz constitué essentiellement de méthane. Les eaux dites « de production », extraites avec les huiles lors des opérations de pompage, sont naturellement anoxiques et légèrement acides par dissolution de CO2 et le cas échéant d’H2S (pH de 4 à 7).Fig. 1: Diagrammatic geologic section of an oil reservoir: naturally occurring hydrocarbons lie entrapped in subterranean formations between water and gas consisting mainly of methane. Production waters associated with oil and extracted during pumping are naturally anoxic and slightly acidic because of CO2 and possible H2S dissolution (pH 4 to 7).Source : M. Magot.

Fig. 2 : Mise en évidence de micro-organismes dans les eaux de gisements pétroliers en fonction de la température et de la salinité des réservoirs. ö : présence de micro-organismes. ö : absence de micro-organismes.

— : contraintes physico-chimiques (température et salinité) qui limitent la présence de micro-organismes dans les eaux de gisements pétroliers.

Fig. 2: Detection of micro-organisms in production waters versus oil reservoir temperature and salinity.ö: microorganisms present.ö: microorganisms absent.

—: physico-chemical constraints (temperature and salinity) that limit microbial life in oil field waters.Source : M. Magot.

écologie microbienne des réservoirs pétroliers

Disponibilité des nutriments et processus métaboliques dans les gisementsLes réservoirs pétroliers sont des environnements géothermiques contenant un excès de substrats réduits comme les hydrocarbures aliphatiques, et d’autres substrats moins réduits comme les acides gras volatils (AGV) résultant de l’oxydation des premiers. Ces composés sont des sources potentielles d’énergie pour les micro-organismes anaérobies qui colonisent les environnements pétroliers. La présence d’AGV a été mise en évidence dans de nombreuses eaux de formation, et l’acétate est le composé le plus fréquem-ment retrouvé avec le formiate, le propionate, le butyrate et le benzoate. Au côté des hydrocarbures et des acides organiques, l’hydrogène moléculaire, qui peut résulter de réactions abiotiques à haute tem-pérature dans les environnements profonds, constitue aussi une source d’énergie potentielle pour les micro-organismes anaérobies que sont les bactéries

sulfato-réductrices (BSR) et les archées(2) méthanogè-nes. Des composés organiques plus complexes, les acides naphténiques, sont aussi présents dans les huiles brutes à des concentrations pouvant atteindre 100 mM. Parmi les accepteurs d’électrons(3) majeurs qui facilitent l’oxydation de la matière organique, on compte le gaz carbonique et le sulfate. Néanmoins, en dépit de la large diversité microbienne mise en évidence par la communauté scientifique depuis une trentaine d’années environ, on ne sait pas si les micro-organismes responsables des activités microbiennes lentes en anaérobiose qui se sont déroulées à l’échelle des temps géologiques (oxydation des hydrocarbures couplée à la méthanogénèse ou à la sulfato-réduction par exemple) sont toujours actifs, ou s’ils ont tout simplement disparu pour des raisons strictement physiologiques. Leur disparition pourrait être liée à la carence en phosphore observée dans les eaux de

(2) – Micro-organisme appartenant au domaine des Archaea, l’un des deux domaines des procaryotes avec les Bacteria.(3) – Des accepteurs d’électrons très variés sont utilisés dans le catabolisme : des molécules organiques endogènes (fermentation), l’oxygène (respiration) ou des molécules inorganiques oxydées autres que l’oxygène comme le sulfate, le nitrate, etc. (respiration anaérobie).

formation. De nos jours, avec l’injection de grandes quantités d’eau de mer pour améliorer la productivité pétrolière ou celle de nitrate pour lutter contre la production de sulfures (reservoir souring), ces carences sont parfois levées, et l’activité des bactéries anaérobies en est largement facilitée (réduction des nitrates ou des sulfates par exemple). L’utilisation des nitrates en production pétrolière est d’ailleurs controversée, car elle pourrait favoriser l’oxydation des hydrocarbures et la biocorrosion par l’accumulation de nitrite (intermé-diaire de la dénitrification lors de la réduction des nitrates).

Il est également admis que la dégradation des hydro-carbures est liée non seulement à la méthanogénèse ou à la sulfato-réduction, mais aussi à la réduction du fer, un autre accepteur d’électrons potentiel dans les réservoirs pétroliers [Head et al. (2003)]. Cependant, au contraire de la réduction du CO2 par les bactéries méthanogènes ou de la sulfato-réduction par les BSR, l’importance de la réduction du fer dans les réservoirs pétroliers reste incertaine.

En définitive, considérant que les eaux de formation contiennent différentes concentrations de sulfates et de gaz carbonique (carbonates), la sulfato-réduction (1), la méthanogénèse (2a, 2b) et, à un degré moindre l’homo-acétogénèse (3), ainsi que la fermentation, sont considérées comme les processus métaboliques majeurs qui interviennent dans les gisements pétroliers :

> (1) SO42- + 4 H2 + 2 H+ Y H2S + 4 H2O

> (2a) Hydrogénotrophie : CO2 + 4 H2 Y CH4 + 2 H2O > (2b) Acétoclastie : CH3COOH Y CH4 + CO2> (3) 2 HCO3

- + H+ + 4 H2 Y CH3COOH + 4 H2O

Tandis que les bactéries sulfato-réductrices, méthano-gènes et fermentaires(4) ont fréquemment été isolées d’eaux de formation, il n’existe que peu d’information sur la présence des bactéries homo-acétogènes capables d’oxyder l’hydrogène et de réduire le CO2 en acétate. Cela suggère que l’homo-acétogénèse pourrait n’avoir qu’une faible importance écologique dans les gisements. Dans ce contexte, l’hydrogène d’origine abiotique (hydrolyse minérale) et biotique (oxydation des hydro-carbures et fermentation de composés organiques) serait la source principale d’énergie pour les bactéries sulfato-réductrices et les bactéries méthanogènes hydrogénotrophes in situ. L’acétate que l’on retrouve en grande quantité selon les cas dans les eaux de gisements pétroliers constitue une source de carbone et d’énergie immédiatement disponible pour les méthanogènes et

(4) – Se dit de bactéries qui, en absence d’oxygène, utilisent des composés organiques comme source de carbone et d’énergie.

Il n’est pas établi que ces micro-organismes soient indigènes de ces environnements profonds.

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les bactéries sulfato-réductrices acétoclastes. Au final, la chaîne alimentaire anaérobie dans les réservoirs pétro-liers dépendrait de l’utilisation de l’hydrogène, de l’acétate ou des autres acides organiques.

Les bactéries sulfato-réductricesLa présence de bactéries sulfato-réductrices (BSR) dans les écosystèmes pétroliers a été mise en évidence dès le début du XXe siècle [Bastin et al. (1926)]. Par la suite, de très nombreuses espèces de BSR, présumées responsables des phénomènes de biocorrosion des pipelines (figure 3), ont été isolées d’eaux de gisements pétroliers. La sulfato-réduction, bien qu’elle ait été associée à la maturation des pétroles, est souvent en relation avec l’injection d’eau de surface ou de mer au cours du procédé secondaire de récupération du pétrole. Le souring(5) est la conséquence directe de cette activité dans les gisements. La contribution des BSR en tant que partenaires syntrophiques (utilisation de l’hydrogène lors de l’oxydation du substrat par un autre micro-orga-nisme) dans la dégradation des hydrocarbures a été mise en évidence. Ces micro-organismes anaérobies utilisent les composés soufrés (sulfate, thiosulfate et sulfite) comme accepteurs finaux d’électrons. Des espèces du genre Desulfovibrio ont été isolées de réservoirs à faible température et se développent dans des conditions mésophiles (35-40 °C). Elles utilisent, en plus de l’hydro-gène, des acides organiques à courte chaîne (lactate, pyruvate), des alcools (éthanol), qu’elles oxydent de manière incomplète. Les BSR qui oxydent complètement leur substrat en CO2 ont aussi été isolées des réservoirs pétroliers, notamment des mésophiles du genre Desulfobacter abondantes dans certains réservoirs.

Les BSR thermophiles (croissance optimale entre 60 et 70 °C) qui habitent en général les réservoirs pétroliers

(5) – Terme anglais pour désigner le phénomène de sulfurogénèse (émission de sulfure) dans les réservoirs lors de l’exploitation pétrolière.

profonds et chauds comprennent les espèces des genres Desulfotomaculum, Thermodesulforhabdus, Thermodesulfobacterium et Desulfacinum, les espèces de ce dernier genre oxydant complètement leur substrat. Les Desulfotomaculum semblent ubiquistes dans les réservoirs chauds, mais aussi probablement dans toute la sub-surface terrestre. Cela est peut-être dû à leur aptitude à utiliser une grande variété d’acides gras à longue chaîne, parfois des sucres, et à former des spores. Les BSR hyperthermophiles qui appartiennent au genre Archaeoglobus du domaine des Archaea et se développent à des températures supérieures à 80 °C, ont été également isolées des réservoirs pétroliers. Dans ce genre, A. fulgidus, isolée d’un gisement pétrolier de la mer du Nord, est particulièrement bien adaptée aux hautes pressions qui règnent dans ces réservoirs (entre 300 et 400 atmosphères). Cette espèce est capable également de croître sur pétrole brut. Tout laisse à penser que cette espèce est également impli-quée dans le phénomène de souring des réservoirs à haute température en mer du Nord.

Les archées méthanogènesEn l’absence d’accepteurs d’électrons exogènes comme le sulfate, l’ultime étape de la dégradation anaérobie des hydrocarbures dans les réservoirs pétroliers est assurée par les archées méthanogènes. Cela est parti-culièrement vrai pour les réservoirs peu profonds à faible température, dans lesquels le processus anaéro-bie d’oxydation des hydrocarbures via la méthanogénèse a été récemment démontré [Jones et al. (2008)]. L’influence prépondérante de ces micro-organismes dans la géomicrobiologie des gisements pétroliers a été confirmée par la présence de méthane biogénique dans de nombreux gisements, suggérant ainsi que les archées méthanogènes auraient une importance éco-logique significative in situ. Ces micro-organismes utilisent seulement une gamme limitée de substrats,

Fig. 3 : Corrosion bactérienne d’un pipeline d’installation pétrolière.Fig. 3: Microbially-induced corrosion in an oil-production facility pipeline. © TOTAL.

La présence de bactéries

sulfato-réductrices (BSR) dans

les écosystèmes pétroliers a été mise

en évidence dès le début du XXe siècle.

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écologie microbienne des réservoirs pétroliers

principalement l’H2, le formiate et l’acétate. Outre ce type d’archées méthanogènes, plusieurs études micro-biologiques ont montré la présence d’archées méthanogènes méthylotrophes strictes (méthanogè-nes utilisant seulement le méthanol et les composés méthylés comme les méthylamines) dans les réservoirs pétroliers salés. Leur contribution au cycle global du carbone dans les réservoirs pétroliers n’a cependant pas été entièrement élucidée.

Les espèces méthanogènes isolées des gisements pétroliers appartiennent aux ordres des Methanobac-teriales, des Methanomicrobiales, des Methanococcales et des Methanosarcinales. Les membres des trois premiers ordres sont connus pour être capables d’oxyder l’hydrogène, tandis que les membres de l’ordre des Methanosarcinales peuvent utiliser l’acétate et/ou les composés méthylés, les espèces du genre Methanosarcina étant les seules à pouvoir utiliser l’hydrogène. Dans cet ordre, les représentants des genres Methanococcoides ou Methanohalophilus, retrouvés dans des eaux de formation salines à hyper-salines, ne savent utiliser que les composés méthylés. Dans l’ordre des Methanomicrobiales, l’espèce mésophile Methanocalculus halotolerans a été décrite comme étant la plus halotolérante des archées méthanogènes hydrogénotrophes ; elle peut se développer en présence de 125 g/l de NaCl. Plusieurs espèces thermophiles des genres Methanothermococcus, de l’ordre des Methanococcales et Methanothermobacter, de l’ordre des Methanobacteriales, qui présentent la capacité d’oxyder l’hydrogène, ont été isolées de gisements pétroliers offshore et inshore à travers le monde.

Les bactéries fermentairesUne grande variété de micro-organismes fermentaires mésophiles et thermophiles ont été isolés des gisements pétroliers. Ils appartiennent, pour la plupart, au domaine des Bacteria (Halanaerobium, Thermotoga, etc.) tandis que seulement quelques-uns appartiennent au domaine des Archaea (Thermococcus et Pyroccoccus). Selon certains auteurs, tous ces micro-organismes présentent un potentiel biotechnologique élevé car ils peuvent produire des acides, des solvants et du gaz à partir des hydrates de carbone, autant de composés d’intérêt pour les procédés tertiaires de récupération du pétrole. Il est intéressant de noter que, outre leur capacité à fermen-ter les sucres, plusieurs micro-organismes fermentaires thermophiles sont capables d’oxyder l’hydrogène en présence de fer ferrique (Fe3+) (Thermococcus, Pyroccoccus et Thermotoga) ou de thiosulfate (Thermotoga) comme accepteur final d’électrons, démontrant ainsi que l’oxydation de l’hydrogène dans les gisements pétroliers n’est pas restreinte aux seules BSR et aux archées méthanogènes [Slobodkin et al. (1999)]. Bien que la présence de fer ferrique ait été mise en évidence dans les gisements pétroliers, la présence du thiosulfate(6) n’a pas été confirmée. Toutefois, la réduction du fer ferrique et du thiosulfate est une propriété commune à une grande variété de micro-orga-nismes anaérobies thermophiles et hyperthermophiles des gisements pétroliers profonds.

(6) – Thiosulfate ou hyposulfite de sodium. De nombreuses bactéries isolées d’eaux de gisements pétroliers se sont montrées capables in vitro de réduire le thiosulfate ; nous n’avons cependant aucune idée des quantités de thio-sulfate présentes in situ, le thiosulfate n’ayant jamais été dosé à ce jour.

Une grande variété de micro-organismes fermentaires mésophiles et thermophiles ont été isolés des gisements pétroliers.

Figure 4 : Ubiquité de l’espèce Thermotoga elfii dans les réservoirs pétroliers. Figure 4: Worldwide distribution of Thermotoga elfii sp. in oil reservoirs.Source : M. Magot.Planisphère © Nasa.

microbial ecology of oil reservoirs

La présence de bactéries fermentaires a longtemps été interprétée comme la conséquence de l’introduction d’hydrates de carbone contenus dans l’eau douce ou l’eau de mer lors des opérations d’exploration ou de production du pétrole. Cette estimation doit, aujourd’hui, être examinée avec plus de circonspection. En effet, certaines bactéries se développant à haute température, comme Thermotoga elfii, ont été isolées de plusieurs réservoirs pétroliers répartis sur les cinq continents (figure 4). Si l’on ajoute que des espèces fermentaires thermophiles appartenant aux genres Geotoga et Petrotoga ont été uniquement mises en évidence dans les eaux de gisements pétroliers, il est permis de penser que ces micro-organismes sont indigènes à ces écosystèmes (figure 5). Le caractère indigène peut être aussi attribué aux espèces d’Hala-naerobium, modérément halophiles, qui sont les seuls

membres de l’ordre des Halanaerobiales isolées de couches pétrolières salées. Cependant, en tenant compte de leurs propriétés métaboliques, la nature de la source d’énergie qu’ils utilisent pour leur survie ou leur croissance in situ n’est pas clairement établie. En conséquence, leur signification écologique dans les réservoirs pétroliers reste inconnue. Il en est de même pour plusieurs autres micro-organismes anaérobies (ou anaérobies facultatifs) utilisant le nitrate (Garciella, Petrobacter) comme accepteur final d’électrons, ou pour Acetogenium romashkowii, le seul micro-organisme

homo-acétogène à avoir été isolé d’un réservoir pétrolier. À côté des anaérobies, de nombreux micro-organismes aérobies ont été identifiés dans les environnements pétroliers ; cependant, leur présence dans cet écosys-tème essentiellement anaérobie résulte certainement de problèmes de contamination.

Au cours des dernières années, la microbiologie des réservoirs pétroliers a reçu une attention particulière et de nombreux micro-organismes ont été isolés, principalement des anaérobies. Ils présentent un large spectre de propriétés métaboliques, qui vont de la mésophilie jusqu’à l’hyperthermophilie, et de l’halophi-lie légère à l’halophilie extrême. Il faut souligner que la combinaison des hautes températures et des hautes salinités ne permet pas aux micro-organismes de se développer, ni même de survivre dans certains gisements pétroliers. Malgré l’intensification des recherches conduites sur les micro-organismes habitant les écosystèmes sub-terrestres et les milieux pétroliers en particulier, nous ne sommes toujours pas en mesure d’établir clairement l’origine réelle des micro-organismes et la manière selon laquelle ils ont pu survivre dans les environnements sub-terrestres durant plusieurs millions d’années. Nombre d’entre eux sont parfaitement adaptés aux conditions physico-chimiques qui prévalent dans ces écosystèmes, suggérant leur possible caractère indigène, mais la contamination microbienne qui résulte de l’activité anthropogénique ne peut malheureusement toujours pas être définitivement écartée.

Il a été clairement établi que dans les gisements biodégradés présentant une faible température, la biodégradation des hydrocarbures était directement couplée à l’activité des archées méthanogènes [Röling et al. (2003) ; Jones et al. (2008)]. Des études complé-mentaires sont cependant nécessaires pour étendre cette hypothèse aux gisements profonds présentant des températures élevées. Dans ce contexte, l’isolement de micro-organismes responsables de l’oxydation anaérobie initiale des hydrocarbures in situ, inconnus à ce jour, que ce soit en conditions de basse ou haute températures, demeure un défi pour les microbiolo-gistes spécialisés dans la biosphère profonde. Une meilleure connaissance de ces derniers, mais également de la diversité des archées méthanogènes qui vivent dans les réservoirs pétroliers, pourrait être utile pour la production de méthane à partir des hydrocarbures, notamment dans le cas des gisements pétroliers qui ne sont plus exploitables avec les technologies actuelles. n

Bibliographie : Bastin E., Anderson B., Greer F.-E., Merrit C.-A., Moulton G. (1926) – The problem of the natural reduction of sulphates. Bull. Amer. Assoc. Petrol. Geol. Rev. 10, 1270-1299. Jones D.-M., Head I. -M., Gray N.-D., Adams J.-J., Rowan A.-K., Aitken C.-M., Bennett B., Huang H., Brown A., Bowler B.-F.-J., Oldenburg T., Erdmann M., Larter S.-R. (2008) – Crude-oil biodegradation via methanogenesis in subsurface petroleum reservoirs. Nature 451, 176-181. Head I.-M., Jones D.-M., Larter S.-R. (2003) – Biological activity in the deep subsurface and the origin of heavy oil. Nature 426, 344-352. Magot M., Ollivier B., Patel B.-K.-C. (2000) – Microbiology of petroleum reservoirs. Anton. Leeuwenhoek Int. J. Gen. Microbiol. 77,103-116. Röling W.-F.-M., Head I.-M., Steve R., Larter S.-R. (2003) – The microbiology of hydrocarbon degradation in subsurface petroleum reservoirs: perspectives and prospects. Res Microbiol 154:321-328. Slobodkin A.- I., Jeanthon C., L’Haridon S., Nazina T., Miroshnichenko M., Bonch-Osmolovskaya E. (1999) – Dissimilatory reduction of Fe(III) by thermophilic Bacteria and Archaea in deep-subsurface petroleum reservoirs of Western Siberia. Curr Microbiol 39, 99-102.

Microbial Ecology of Oil ReservoirsOil deposits were formerly considered environments hostile to life forms. Today, however, we have come to realize that these anaerobic systems do in fact harbour a wide variety of bacterial microorganisms that have successfully adapted to the prevailing, and most often extreme, physical-chemical conditions (high temperatures, high pressures and high salinity at times). Water in oil deposits is actually the setting for intense microbiological processes involving chemoautotrophic or heterotrophic microorganisms. On a geological scale, hydrocarbon biodegradation in oil reservoirs most probably occurred via methanogenesis, sulfate-reduction or ferric reduction. While certain microorganisms identified in oil pools may be considered indigenous, a majority of them in fact result from contaminations that took place when the deposits were being explored or tapped. Amongst the microorganisms most commonly encountered in the oil reservoir environment are sulfate-reducing bacteria (SRB), long known to have pernicious effects on activities in the petroleum industry (souring and biocorrosion). Mounting interest in geomicrobiological studies, with a peculiar emphasis on the role that microorganisms play or might have played in the degradation of hydrocarbons, will unquestionably improve the understanding we have gained of petroleum maturation in oil reservoirs over geological time.

Fig. 5 : Petrotoga mexicana, micro-organisme thermophile indigène des réservoirs pétroliers.Fig. 5: Petrotoga mexicana, a thermophilic microorganism indigenous to oil reservoirs. © IJSEM.

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les micro-organismes des sédiments marins profonds

Les micro-organismes des sédiments

marins profonds

L’exploration récente du compartiment microbien des sédiments marins profonds a montré que cet écosystème abrite 5 à 15 % de la biomasse microbienne terrestre. Ces micro-organismes, viables et actifs jusqu’à au moins 1 626 mètres sous le plancher océanique, sont soumis à des conditions extrêmes en termes de température, pression, nutriments et énergie disponible, mais jouent néanmoins un rôle clé dans les cycles biogéochimiques.

Frédérique DuthoitMaître de conférence en microbiologieLaboratoire de microbiologie des environnements extrêmesUniversité de Bretagne [email protected]

Merci à Karine Alain, chercheur au LM2E, pour sa relecture attentive et ses nombreux conseils.

Première mèche de forage utilisée lors de l’Expédition 321 dans le Pacifique avec

le Joides Resolution, navire de forage océanique.First drill bit used in Expedition 321 of the Joides

Resolution, ocean drilling research vessel, in the Pacific.© J. Beck, IODP/TAMU.

La découverte de la biosphère souterraine des fonds marins

On appelle biosphère souterraine ou biosphère profonde les populations microbiennes (Bacteria, Archaea, virus, etc.) vivant dans la lithosphère. Les sédiments marins profonds constituent le principal habitat de ces communautés souterraines.

Dans les sédiments, on qualifie de biosphère souterraine les populations microbiennes strictement inféodées aux couches profondes, c’est-à-dire peuplant les couches sédimentaires dans lesquelles les communautés microbiennes de la colonne d’eau disparaissent. Par conséquent, la frontière supérieure de la biosphère souterraine est différente selon les sites.

Plusieurs dates clés ont jalonné les recherches menées sur la biosphère souterraine. En 1955, Morita et Zobell ont défini la limite inférieure de la biosphère marine à 7,47 mètres sous la surface du plancher océanique (7,47 mbsf (1)), en raison de leur incapacité à cultiver des micro-organismes en deçà de cette limite. On a progressivement découvert par la suite que la vie était présente dans des couches sédimentaires bien plus profondes. À partir des années 1970, les campagnes de forages profonds menées dans le cadre des programmes internationaux successifs Deep Sea Drilling Project (DSDP), puis Ocean Drilling Program (ODP)

(�) – Mbsf: meters below the seafloor.

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micro-organisms in deep marine sediments

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et enfin Integrated Ocean Drilling Program (IODP) ont permis d’explorer les sédiments et les roches océaniques sur plus de 300 sites. Parmi ces campagnes, une vingtaine de Legs(2) de par le monde ont fait l’objet d’analyses microbiologiques. Néanmoins, les recherches se sont limitées pour beaucoup à des dénombrements cellulaires le long du gradient sédimentaire. À ce jour, seules deux campagnes ont été entièrement dédiées à l’étude de la biosphère souterraine. En 1986, l’utilisation de traceurs radioactifs a permis à Whelan et ses collaborateurs de mettre en évidence des activités de méthanogénèse et de sulfato-réduction jusqu’à 200 mbsf. Dans les années 1990, des comptages de cellules réalisés sur différents sites de forage ont permis à Parkes et ses collaborateurs d’établir un modèle de distribution de la densité cellulaire (figure �). L’utilisation de microsphères fluorescentes et de traceurs chimiques (perfluorocarbone) lors des forages, a permis d’affirmer que les cellules présentes n’étaient pas des contaminations provenant notamment de l’eau de mer environnante et des fluides de forage. En 2008, des micro-organismes métaboliquement actifs ont été détectés dans des sédiments âgés de 111 millions d’années, à 1 626 mbsf [Roussel et al. (2008)]. Aujourd’hui, on ignore encore quelle est la profondeur maximale de sédiment à laquelle des procaryotes viables et actifs sont présents ! (figure 2).

Les sédiments marins profonds abritent une biomasse cachée conséquente. En 1998, Whitman et ses collabo-rateurs sont même allés jusqu’à publier que la biosphère des sédiments marins non consolidés pourrait embrasser jusqu’à 60 % des procaryotes présents sur la Terre [Whitman et al. (1998]). Aujourd’hui, il est établi que ces premiers résultats surestiment l’abondance des micro-organismes souterrains. Récemment, des forages réalisés dans des zones ultra-oligotrophes du nord et sud Pacifique ont permis d’échantillonner des sédiments marins dans lesquels les abondances microbiennes sont très en deçà des prédictions de Whitman. Les derniers modèles, moins sensationnels mais plus crédibles, tendent à indiquer que la biosphère des sédiments marins profonds hébergerait de 5 à 15 % de la biomasse microbienne sur Terre [Kallmeyer et al. (2009)].

(2) – Leg : une campagne de forage peut être constituée de plusieurs legs qui correspondent à l'exploration d'un ou plusieurs sites entre deux retours au port du navire.

Fig. 1 : Distribution des populations microbiennes en fonction de la profondeur des sédiments. Compilation des données (dénombrements) issues de 16 Legs ODP dans différents environnements sédimentaires. La droite pleine représente la régression linéaire modèle, avec les limites supérieures et inférieures à 95 % (droites en pointillé).

Fig. 1: Depth distribution of subsurface microbial populations. Compilation of data (counts) from 16 ODP legs in different environmental settings. The solid line represents the general regression-line model, with 95% upper and lower prediction limits (dashed lines).Source : Parkes et al. (2000).

Fig. 2 : Cellules détectées par microscopie à épifluorescence après coloration au Sybr-Green dans des sédiments marins (échantillon prélevé à 957 mbsf). Fig. 2: Cells detected by epifluorescence microscopy in marine sediments after Sybr-Green coloration (sample taken at 957 mbsf).© M.-C. Ciobanu.

La biosphère des sédiments marins profonds hébergerait de 5 à 15 % de la biomasse microbienne sur Terre.

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les micro-organismes des sédiments marins profonds

Les limites de la vie microbienneL’habitabilité d’un écosystème est régie par un ensemble de facteurs physico-chimiques. Avec un gradient thermique moyen de 30 °C par kilomètre à mesure que l’on s’enfonce dans le sédiment, la température est un paramètre important de cet habitat. Sachant que la température maximale à laquelle la croissance d’un procaryote a été observée est de 121 °C, on peut donc s’attendre à trouver des procaryotes thermophiles jusqu’à au moins 4 kilomètres de profondeur ! Par ailleurs, les micro-organismes de la biosphère souter-raine sont soumis à des conditions extrêmes de pression (hydrostatique et lithostatique), de porosité (compaction des sédiments), de salinité (couches de sel, évaporites), de disponibilité en nutriments et énergie. Autant de facteurs pour lesquels les limites de la vie ne sont pas encore connues.

À l’instar de nos aliments et de l’oxygène que nous respirons, les micro-organismes requièrent des nutri-ments et une source d’énergie pour leur survie, leur maintenance et éventuellement leur croissance. Dans les sédiments, les microbes hétérotrophes utilisent les composés organiques issus de la photosynthèse de surface (algues mortes, matières fécales, détritus organiques) qui s’accumulent sur le plancher océanique et s’enfouissent au fil du temps. Mais la matière orga-nique voit sa réactivité diminuer à mesure que l’âge et la profondeur du sédiment augmentent, et devient de moins en moins disponible avec la profondeur d’enfouissement. Les micro-organismes chimiolitho-trophes, également présents, puisent leur énergie de gaz ou de substrats inorganiques des fluides circulant ou dérivant de réactions biotiques (fermentations) ou abiotiques. À titre d’exemple, le dihydrogène produit au

Fig. 3 : Les sources d’énergie pour les micro-organismes des sédiments marins profonds. Fig. 3: Sources of energy for micro-organisms present in deep marine sediments.D’après DeLong et al. (2004).

micro-organisms in deep marine sediments

niveau des rides médio-océaniques par le contact entre l’eau de mer dépourvue en oxygène et les roches ultra-mafiques lors de la serpentinisation notamment, permet d’alimenter des micro-organismes lithotrophes. Ailleurs, la radiolyse de l’eau fournit de l’énergie aux procaryotes. La désintégration radioactive des radioiso-topes du potassium, du thorium et de l’uranium naturellement présents dans les sédiments, clive les molécules d’eau environnantes, générant de l’oxygène et du dihydrogène, un accepteur d’électrons et une source d’énergie communément utilisés par les micro-organismes. Les procaryotes peuvent également utiliser des géofuels (CH4, H2S, Fe2+…) produits dans le manteau et la croûte terrestre (figure 3). Pourtant, au vu de nos connaissances des organismes cultivés issus d’autres habitats, les biomasses observées ne peuvent s’expli-quer par l’utilisation de ces seules molécules. D’autres sources d’énergie indépendantes de la surface ou des propriétés physiologiques totalement nouvelles sont probablement en jeu. Selon tous les modèles, il est clair que les micro-organismes n’ont à leur disposition qu’une infime quantité d’énergie par cellule. Les prédic-tions concernant les temps de génération des procaryotes de cet environnement singulier défient totalement notre compréhension. En effet, le temps de génération moyen, c’est-à-dire le temps nécessaire à une cellule pour se diviser et donner deux cellules filles, serait compris entre 100 et 1 000 ans, contre quelques minutes à quelques jours pour les micro-organismes couramment étudiés en laboratoire ! Ces valeurs incroyables sont totalement incompatibles avec nos connaissances actuelles des mécanismes de conserva-tion de l’énergie et de maintien des activités cellulaires de base, et encore moins de croissance. Ils impliquent non seulement qu’une large fraction de ces organismes est probablement dormante, mais aussi que ceux qui sont actifs ont probablement développé des propriétés physiologiques différentes de celles connues chez leurs « parents » de surface.

Une diversité à découvrirSous l’angle de vue de la microbiologie, la compréhen-sion du fonctionnement d’un écosystème passe notamment par la description des espèces microbiennes présentes et de leur métabolisme. Malheureusement le nombre d’isolats(3) obtenus à partir de sédiments profonds est seulement de l’ordre de la centaine, alors que les isolats issus d’écosystèmes mieux connus, tel le sol, se comptent par dizaines de milliers.

(3) – Isolat : culture issue d'une seule cellule microbienne. La description des isolats permet d'avoir accès à une image de la diversité microbienne.

Les procaryotes les plus couramment cultivés sont des bactéries. La grande majorité d’entre elles sont des souches qualifiées de généralistes du fait de leur versatilité métabolique. Leur capacité à utiliser un large éventail de sources de carbone, donneurs et accepteurs d’électrons, découle peut-être d’une nécessité pour ces organismes de s’adapter aux conditions drastiques de l’environnement [Batzke et al. (2007)]. Par contre, très peu d’archaea ont pu être isolées. Trois organismes issus des environnements profonds ont fait l’objet de caractérisations détaillées. Il s’agit de Desulfovibrio profundus, une bactérie sulfato-réductrice provenant de sédiments collectés à 518 mbsf, et de Methanococcus aeolicus et Methanoculleus submarinus, deux archaea méthanogènes isolées à 247 mbsf. Le succès limité des cultures de procaryotes de la biosphère souterraine est vraisemblablement lié aux taux de croissance extrêmement lents de ces micro-organismes, mais probablement aussi à une méconnaissance de leur métabolisme et de leur micro-environnement.

La diversité des procaryotes a également été appréhendée par des études moléculaires ciblant les ARN riboso-miques ou les lipides membranaires. Une large diversité moléculaire, tant bactérienne qu’archéenne, a été décrite. La plupart des séquences génétiques détectées sont affiliées à des groupes d’incultivés, c’est-à-dire des micro-organismes connus uniquement par un petit fragment de leur ADN génomique (leur séquence d’ARN ribosomique 16S). Parmi ces groupes d’incultivés, beaucoup semblent être endémiques des sédiments marins profonds [Teske (2006)].

L’exploration de la biodiversité des sédiments marins profonds n’en est qu’à ses débuts. En dépit des condi-tions extrêmes qui y règnent, les sédiments situés sous le plancher océanique sont également susceptibles d’héberger des micro-eucaryotes et des virus. Les levures et champignons pourraient intervenir dans la dégra-dation de la matière organique. Les virus, quant à eux, pourraient intervenir dans la régulation des popula-tions microbiennes et leur évolution (transfert de gènes).

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Il est clair que les micro-organismes n’ont à leur disposition qu’une infime quantité d’énergie par cellule.

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les micro-organismes des sédiments marins profonds

Des métabolismes hors du communL’écosystème sédimentaire profond est basé sur la chimiosynthèse, c’est-à-dire que les communautés microbiennes qu’il abrite tirent leur énergie de réactions d’oxydo-réduction. Les modèles prédictifs, validés en quelques points du globe par des mesures d’activités métaboliques et des profils géochimiques de mesure des accepteurs d’électrons, ont permis de conclure que différents métabolismes se succèdent le long du gradient sédimentaire.

À l’interface eau-sédiment, la respiration aérobie, la plus favorable énergétiquement, domine. Les bactéries hétérotrophes décomposent la matière organique en produisant des substrats solubles. L’oxygène est rapi-dement consommé sur les premiers centimètres de sédiments, particulièrement au sein des sédiments riches en matière organique. Les nitrates produits par des micro-organismes nitrifiants peuvent alors être utilisés comme accepteurs terminaux d’électrons (respiration anaérobie des nitrates) dans les zones anoxiques. Un peu plus en profondeur, on observe une réduction anaérobie des métaux tels que le manganèse IV et le fer III, par un processus dissimilatif permettant aux cellules microbiennes de récupérer de l’énergie. Les métaux tels que l’U(VI), le Co(III), le Cr(VI), et des métalloïdes tels que l’As(V), ou le Se(VI) peuvent également être réduits par activité microbienne. Au niveau de ces horizons sédimentaires, les micro-organismes jouent donc un rôle important dans le recyclage des minéraux. La zone sédimentaire anoxique et réduite située plus en profondeur est généralement dominée par la sulfato-réduction, un processus que plusieurs groupes de bactéries et d’archées peuvent réaliser. Enfin, les couches les plus profondes pauvres en sulfates sont dominées par la méthanogénèse, un processus réalisé par les méthanoarchaea. Les procaryotes sulfato-réducteurs et méthanogènes interviennent donc dans la dégradation terminale de la matière organique, minéralisant cette dernière ou les produits de sa transformation, en CO2 ou en CO2 et CH4. Par endroit, une réaction supplémentaire, l’oxyda-

tion anaérobie du méthane sulfato-dépendante, intervient dans la zone de transition méthane-sulfate [D’Hondt et al. (2002)]. Toutefois, ce schéma vertical des métabolismes n’est pas strictement transposable à tous les sites étudiés.

En dépit de l’étendue des zones sédimentaires où les réactions dominantes sont théoriquement la sulfato-réduction et la méthanogénèse, les procaryotes connus pour intervenir dans ces processus sont assez peu représentés dans les inventaires moléculaires de la diversité. Cela pourrait être la conséquence de leur faible densité ou de biais méthodologiques. De nouvelles lignées possédant des gènes fonctionnels divergents ou des lignées d’organismes incultivés pourraient également être responsables de ces deux réactions. Les micro-organismes impliqués dans les cycles de l’azote, du manganèse, du fer ou de la silice ne sont, quant à eux, pas encore identifiés. Il est encore difficile aujourd’hui de relier la diversité aux métabolismes.

Bien qu’elles n’aient pas encore été quantifiées avec précision, les activités microbiennes ont, à l’échelle des temps géologiques, un impact important sur les cycles biogéochimiques globaux. Les sédiments marins profonds représentent sans aucun doute un réservoir d’organismes nouveaux aux propriétés physiologiques uniques.

Les interactions Biosphère-Géosphère-Atmosphère Les premiers travaux visant à étudier les interactions entre la géosphère et la biosphère souterraine indiquent que cette dernière pourrait avoir un impact sur le climat, la diagenèse, la formation des hydrocar-bures fossiles et la structure de la lithosphère.

Il est notamment établi que la biosphère souterraine contribue de manière significative à la formation des hydrates de méthane (ou clathrates) que l’on trouve en grandes quantités dans les sédiments marins. Ces clathrates correspondent en fait à des nappes de méthane produites par les archaea méthanogènes. Le méthane se trouve alors piégé dans des « cages » d’eau gelées dans des conditions de forte pression et de basse température (figure 4). Les hydrates de méthane ne sont stables que dans un domaine de pressions et températures bien établi et connu. Lorsqu’ils sont placés en dehors de leur domaine de stabilité, ils se décomposent. Le méthane libre issu de la dissociation

L’exploration de la biodiversité des sédiments marins profonds n’en est qu’à ses débuts.

Les activités microbiennes ont un impact important sur les cycles biogéochimiques globaux.

micro-organisms in deep marine sediments

des clathrates dans les sédiments va alors diffuser et atteindre la colonne d’eau. Il sera oxydé dans sa quasi-totalité par des micro-organismes présents dans les sédiments ou dans la colonne d’eau, et ne pourra au mieux atteindre l’atmosphère que dans le cas de zones de faible profondeur (inférieures à 500 mètres). Par conséquent, l’intervention des micro-organismes profonds et abyssaux contribue à maintenir l’équilibre atmosphérique de deux gaz à effet de serre, le méthane et le dioxyde de carbone. Néanmoins, à moyen terme, une dissociation massive des hydrates de méthane pourrait avoir des conséquences désastreuses. Ce n’est ni la diminution de la pression (liée à une diminution du niveau marin), ni le réchauffement de l’eau, très lent au vu de la masse océanique, qui sont le plus à craindre, mais des changements de la circulation océanique, amenant localement des eaux plus chaudes au contact des fonds marins, qui pourraient provoquer la libération massive de méthane dans l’atmosphère.

L’exploration des sédiments marins profonds et des communautés microbiennes qu’ils abritent est encore relativement récente. L’importance de cet écosystème singulier commence seulement aujourd’hui à être mesurée. L’enjeu actuel pour les microbiologistes est d’explorer la diversité de la biosphère souterraine, d’en mesurer l’étendue, le fonctionnement et les interactions avec la géosphère. Bien qu’il y ait aujourd’hui beaucoup plus d’interrogations que de réponses, nul ne doute que les découvertes les plus passionnantes restent à venir. De nombreuses questions animent la communauté scientifique. Jusqu’où s’étend la biosphère profonde, quelles en sont les limites ? Quelles sont les populations microbiennes présentes, actives ? Comment s’adaptent-elles aux carences énergétiques et nutritionnelles ? Ont-elles développé de nouvelles voies métaboliques ? Dans quelle mesure la biosphère des sédiments marins est-elle isolée de la biosphère de surface ? Comment interagit-elle avec la lithosphère à l’échelle des temps géologiques ? Autant de questions qui nécessiteront une approche transdisciplinaire de cet écosystème ainsi que des développements méthodologiques. n

Micro-organisms in deep marine sediments Seventy percent of the Earth’s surface is covered by its oceans. Billions of tons of organic and inorganic matter of terrigenous, biological or volcanic origin are constantly accumulating, forming layers of marine sediments up to �0 km thick. These sediments correspond to the main reservoir for organic carbon (� 5.�0�6 g C). It was long believed that this environment, aside from coastal zones, was virtually devoid of life, harbouring no significant microbial activity due to prevailing pressures (hydrostatic and lithostatic), the temperature gradient, the lack of photosynthesis and decreasing porosity with depth. Only recently have micro-biologists begun to take interest in deep marine sediments. Yet this ecosystem actually accounts for �/20 of Earth’s life forms (i.e., between 5 and �5% of the total microbial biomass). Recent studies have called into question many widely accepted opinions and have proven that active micro-organisms do actually colonize sediments lying thousands of meters below the sea’s surface and hundreds of meters beneath the ocean floor. These procaryotes, which are subjected to extreme environmental constraints in terms of pressure, temperature, porosity and the availability of energy and nutriments, have to a certain extent moulded Earth’s atmosphere and continue to be important players in biochemical cycles and the recycling of key minerals. Today, the diversity of existing micro-organisms remains little known, and the range of specific metabolisms has yet to be discovered. The mechanisms at work that enable them to subsist and develop in an environment where energy is presumably extremely scarce are still a mystery, one which a handful of international microbiologists and biogeochemists are currently endeavouring to elucidate.

Bibliographie : Batzke A., Engelen B., Sass H., and Cypionka H. (2007) – Phylogenetic and physiological diversity of cultured deep-biosphere bacteria from equatorial Pacific Ocean and Peru Margin sediments. Geomicrobiol J 24: 261-273. DeLong E.-F. (2004) – Microbial life breathes deep. Science 306 : 2198-2200. D’Hondt S., Rutherford S., and Spivack A.-J. (2002) – Metabolic activity of subsurface life in deep-sea sedi-ments. Science 295: 2067-2070. Kallmeyer J., Pockalmy R., and D’Hondt S. (2009) – Quantifying global subseafloor microbial abundance: method and implications. Goldschmidt Conference Abstracts, A615. Conference. Morita R., and Zobell C. (1955) – Occurrence of bacteria in pelagic sediments collected during the Mid-Pacific Expedition. Deep-Sea Res 3: 66-73. Parkes J.-R., Cragg B.-A., and Wellsbury P. (2000) – Recent studies on bacterial populations and processes in sub-seafloor sediments: A review. Hydrogeol J 8: 11-28. Roussel E., Cambon-Bonavita M.-A., Querellou J., Cragg B.-A., Webster G., Prieur D., and Parkes JR. (2008) – Extending the sub-sea-floor biosphere. Science 320: 1046. Teske A. (2006) – Microbial communities of deep marine subsurface sediments: molecular and cultivation surveys. Geomicrobiol J 23: 357-368. Whelan J.-K., Oremland R., Tarafa M., Smith R., Howarth R., and Lee C. (1986) – Evidence for sulfate-reducing and methane-producing microorganisms in sediments from site-618, site-619 and site-622. Initial Rep Deep Sea Drilling Proj 96: 767-775. Whitman W.-B., Coleman D.-C. and Wiebe W.-J. (1998) – Prokaryotes: The unseen majority. Proc Natl Acad Sci USA 95 : 6578-6583.

Fig. 4 : Haut : à cause de la présence de grandes quantités de méthane dans les hydrates de gaz, ceux-ci sont parfois appelés « la glace qui brûle ».Bas : structure des hydrates de gaz montrant les molécules d’eau « emprisonnant » une molécule de méthane.Fig. 4: Above: Due to the presence of large amounts of methane in gas hydrates, these latter are sometimes referred to as “burnable ice”Below: The structure of gas hydrates showing water molecules “imprisoning” a methane molecule. © ODP.

Molécules de méthane

Molécules d’eau

micr

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habitats and characteristics of extremophilic microorganisms

David Barrie JohnsonProfessor of Environmental BiotechnologyCollege of Natural SciencesBangor University, [email protected]

The author wishes to thank the Royal Society (U.K.) for the provision of an Industrial Fellowship.

The environment which is often perceived to be the “norm” for life

has a temperature of ~20-30 °C, a pH near to neutrality, salinity up

to that of sea water, and ~1 bar atmospheric pressure. However,

there are many niches on planet Earth where one, or sometimes

more, of these parameters differ dramatically from this idealised

scenario; these are generally referred to as “extreme

environments”. Research has revealed that life (predominantly or

exclusively microbial) often proliferates in these seemingly

hostile situations. These life forms – commonly called “extremophiles”

– have developed a variety of strategies for living in

their particular extreme niche.

Habitats and Characteristics of Extremophilic Microorganisms

An example of an acidic thermal environment - Frying Pan hot springs, located in a solfatara field in

Yellowstone National Park, U.S.A. The temperature and pH of the pool in the foreground were 70°C

and 2.5, respectively (October, 2000).Frying pan pool, une source chaude acide dans

une solfatare du Parc national de Yellowstone, USA. La température du bassin au premier plan de la photo

était de 70°C et le pH de 2.5 en octobre 2000.© B. Johnson.

Life at extremes of temperature: thermophiles and cold-adapted microorganisms

The temperature range over which known microbial life forms not only survive but are metabolically active spans about 130 °C. Most research in this area has been devoted to the study of life in extremely hot environments. Most natural thermal

environments are associated with geothermal sites linked to tectonic activity. On land surfaces, these are found as solfatara fields (sulfur-rich, acidic hot springs and soils, and boiling mud pots), thermal springs (which may have neutral or alkaline pH), geysers and, where water availability is limited, fumaroles. In such locations, cool surface water descending for up to several kilometres through natural fissures is super-heated by a cooling magma chamber situated relatively close to the land surface, causing it to rise back to the surface through other channels by convection. Close to the surface the super-heated water begins to boil due to reduced pressure. Condensation of sulfurous gases (H2S and SO2) causes the formation of elemental sulfur, and oxidation of sulfur generates acidity. Mud pots are formed by acid-hydrolysis of minerals in the vicinity of the hot acidic upwelling waters. Thermal springs (figure 1a) are also often rich in minerals such as silica, as well as carbon dioxide. On the land surface, much of the carbon dioxide escapes into the air and silica precipitates due to the lower temperatures,

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giving rise to areas that are generally more stable than solfatara. Both types of geothermal field are also found as submarine thermal vents in the abyssal regions of the oceans. Since the discovery of the first mid-ocean ridge (the mid-Atlantic ridge) in the 1950s, these sites have been the focus of considerable scientific interest, not only for geologists and oceanographers but also for biologists, since they are home to a wide diversity of novel life forms that include animals as well as micro-organisms. Because of the high pressures that exist in the depths of the oceans, seawater remains in the liquid phase when superheated (to about 350 °C) on contact with molten magma, and erupts in mineral-rich plumes known as “black smokers”. Rapid cooling of the heated water ensues, since the temperature of seawater at these depths is only about 4 °C. The buffering capacity of seawater also results in a rapid neutralization of any acidity. Temperature and pH gradients are known to exist at these sites, and are exploited by different members of the indigenous microbial communities. Sulfate dissolved in seawater is reduced, abiotically, in the reducing, high temperature environment around the magma body, and the resulting sulfide reacts with soluble transition metals and metalloids (such as

arsenic) generating sulfide minerals which are exuded in the black smokers. Hydrogen (another potential source of energy for microorganisms) is also generated in submarine thermal vents.

The extent to which different life forms organisms tolerate high temperatures is much dictated by their complexity. Fish and other invertebrate animals can grow at up to about 38 ºC, while insects and crustaceans have species which grow at up to 50 °C. In the plant kingdom the upper temperature range of some moss species (~50 °C) exceeds that of the most thermo-tolerant vascular plants (~45 °C). Far greater thermo-tolerance is exhibited by microorganisms, though the upper temperature limit for growth of eukaryotic microbes (~60°C) is not that much greater

Fig. 1: Examples of extreme environments: a - Mineral-rich hot spring

in Yellowstone National Park, USA.b - High altitude glacier (Grossglockner,

Austria). c - Iron-rich, acidic pool inside an abandoned

pyrite mine (north Wales). d - Solar saltern in Formentera, Spain.

Fig. 1 : Exemples d’environnements extrêmes : a - Source chaude fortement minéralisée

(Yellowstone National Park, Wyoming, USA). b - Glacier de haute altitude (Grossglockner,

Autriche). c - Mare acide et riche en fer dans une mine

de pyrite désaffectée (Galles du Nord). d - Marais salant à Formentera (Espagne).© B. Johnson.

The temperature range over which known microbial life forms not only survive but are metabolically active spans about 130 °C.

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habitats and characteristics of extremophilic microorganisms

than multi-cellular life forms. Extreme thermophily is, however, restricted to prokaryotic microorganisms. The most thermophilic bacterial species have temperature growth optima just below 100 °C, while some species of archaea exceed this by some 20 °C. Four sub-divisions are used to categorize thermophilic microorganisms: (i) thermo-tolerant species, that can grow above 45 °C, but grow optimally below 40 °C; (ii) moderate thermo-philes, that have growth optima temperatures of between 40 and 60 °C; (iii) extreme thermophiles, that grow best between 60 and 80 °C, and (iv) hyperther-mophiles, that have optimal temperatures of >80 ºC.

Until 1963, the upper limit for life was thought to be 73 °C (as evidenced by macroscopic growths of cyanobacteria in some thermal springs). A major breakthrough came in 1966 with the isolation of an extremely thermophilic heterotrophic bacterium (Thermus aquaticus) from a pool in Yellowstone National Park, which grew at between 70 and 80 °C.

The known upper temperature for life increased again (to ~ 85 °C) with the isolation, by the American microbiologists Thomas Brock and James Brierley, of prokaryotes that were acidophilic as well as thermophilic, again from sites in Yellowstone. These, however, were archaea (single-celled prokaryotes, that appear superfi-cially to be similar to bacteria but which are very distinct in the phylogenies and in certain aspects of their bioche-mistries). Further work since the 1980s, which has included the isolation of microorganisms from submarine vents that grow best in superheated water (i.e. >100 °C) has confirmed that the most thermophilic of all known life forms are archaea, rather than bacteria. The most thermophilic microorganism currently known is an isolate (“121”) related to a known species (Pyrodictium) that grows at between 85 and 121 °C.

One of the major challenges faced by all living organisms is the need to maintain the fluidity of their cell membranes, as this dictates their abilities to maintain cell integrity as well as to generate energy. Archaeon membrane lipids are ether/isoprenoid-based, in contrast to the ester-based fatty acids of bacteria, and are inherently more thermo-stable. This is probably a major reason why many archaea, but few bacteria, are hyperthermophiles. The thermostability of other biomolecules is also an issue at very elevated tempera-tures. Many studies have examined how enzymes with the same function differ in composition between mesophilic and thermophilic microbial species. Increasing hydrophobic interactions, hydrogen- and ionic bonds and S-S bridges within protein molecules can help confer thermal stability, but has the consequence of compromising enzyme activity at lower (“normal”) temperatures. Enzymes may also be safeguarded by other proteins, known as chaperonins, at elevated temperatures. When the hyperthermophilic archaeon Pyrodictium is grown at 110 °C (i.e. close to its maximum growth temperature) about 80% of the protein it syn-thesises is a chaparonin, whereas at 100 °C (close to its optimum growth temperature) it makes very little of this protein. DNA is another potentially thermolabile biopolymer, as the double stranded molecule will sepa-rate into single strands (or “melt”) as temperatures increase. One way to increase the melting point of DNA is to increase the relative amounts of complimentary bases (guanine and cytosine; G+C) that have triple hydrogen bonds between them (adenine and thymine have only two hydrogen bonding sites). The most thermophilic archaea, however, often have low relative G+C contents, and achieve DNA stability in other ways: (i) by synthesising basic proteins (histones) that can raise the melting point of DNA by 20-30 °C; (ii) via “reverse gyrase”, an enzyme that essentially re-anneals melting double stranded DNA, and is thought to be a key feature of hyperthermophiles.

At the other end of the temperature spectrum are microbial life forms that thrive in extremely cold environments. While the Earth’s surface might have been predominantly hot while the planet was young, this is very much no longer the case. About two-thirds of the planet’s surface is occupied by marine waters, of which >90% are <5 °C. Land masses in the polar and tundra regions, and at altitude in lower latitudes (figure 1b), account for about 14% of the global land area, but although the mean temperatures in these parts may be near or below freezing, they are subject to seasonal variation. Much of the atmosphere also has sub-zero temperatures, though viable microorganisms

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One of the major challenges faced by all living organisms is the need to maintain the fluidity of their cell membranes, as this dictates their abilities to maintain cell integrity as well as to generate energy.

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can be isolated even from the troposphere, where tem-peratures are about -40 ºC. Humans create artificial cold environments globally preserving foodstuffs by refrigeration, and this has provided the main impetus for research into microbial life at low temperatures. More recently, there has been considerable interest in finding out what life, if any, exists in sub-glacial lakes that have long been isolated from the land surface. In Antarctica, there are more than 70 lakes buried deep beneath the polar plateau that are part of a large

sub-glacial environment that has been isolated from the atmosphere since Antarctica became covered with ice more than 15 million years ago. One of these is Lake Vostok, which is located about four kilometers beneath the East Antarctic Ice Sheet. Vostok is thought to be a very good terrestrial analogue to the conditions on Europa, a moon of Jupiter thought to hold a large liquid ocean far under its frozen surface, and it has been argued that if microbial life can exist in Vostok, then the same might be the case in the Europan oceans.

Notre compréhension des phénomènes géochimiques progresse grâce à l’étude des processus microbiologiques. Les bactéries puisent leurs ressources (énergie et matière) dans la phase aqueuse et dans les phases minérales. Les réactions chimiques catalysées par les enzymes bactériens provoquent des modifications de la chimie de l’eau et, directement ou indirectement, des modifications de l’assemblage minéralogique des roches. Ainsi les dissolutions et/ou précipitations des phases minérales sont liées à l’activité bactérienne.

En milieu anaérobie, la souche bactérienne Shewanella alga réalise la réduction du fer (Fe(III) en Fe(II)) et l’oxydation de matière organique (par exemple de formule C2H3O2

-). Cette réaction continue tant qu’il y a de la matière organique et du Fe(III) biodisponible :

0,125CH3COO- + Fe(OH)3 + 1,875H+ Y 0,25HCO3- + Fe++ + 2,5H2O

De plus, les hydroxydes de fer peuvent contenir d’autres éléments de type métaux et métalloïdes (par exemple l’arsenic As) piégés dans sa structure ou adsorbés à sa surface, qui sont alors mobilisés lors de sa dissolution. Suite à l’accumulation du Fe(II) en solution, la réduction de l’arséniate qui a été libéré peut devenir énergétiquement plus favorable :

0,25CH3COO- + H2AsO4- + 0,75H+ Y 0,5HCO3

- + H3AsO3

En milieu aérobie, la souche bactérienne Acidithiobacillus ferrooxidans réalise l’oxydation du fer et la réduction du dioxygène. Ce catabolisme est présent dans les eaux acides de surface riches en fer (source chaude, drainage minier acide) :

4Fe2+ + O2 + 4H+ Y 4Fe3+ + 2H2O

Le Fe(III) produit précipite en différentes phases minérales qui incor-porent d’autres éléments (métaux et métalloïdes) tels que l’arsenic.

Les processus biogéochimiques peuvent être étudiés de plus en plus finement grâce à l’évolution des techniques d’analyses (techniques de biologie moléculaire notamment) et des outils de modélisation (couplage transport-géochimie-microbiologie). De la compréhension de ces processus bactériens découlent de nombreuses techniques telles que l’exploitation de minerais ou la remédiation des sols pollués. n

>ProcessusbiogéochimiquesimpliquésdanslamobilitédespolluantsmétalliquesMarc Parmentier – BRGM, Service Eau – [email protected]é Burnol – BRGM, Service Environnement et Procédés innovants – [email protected] Garrido – BRGM, Service Environnement et Procédés innovants – [email protected]

Séquence de relargage du fer et de l’arsenic en solution. Les potentiels redox des couples Fe(III)/Fe(II) et As(V)/As(III) indiquent le gain énergétique potentiel pour les bactéries.Release sequence for dissolved iron and arsenic. The redox potentials for the Fe(III)/Fe(II) and As(V)/As(III) couples reveal the potential energy gain for the bacteria.

Processus biogéochimiques et mobilité de polluants inorganiques : exemple du drainage minier acide d’Enguialès (Aveyron, France).Biogeochemical processes and mobility of inorganic pollutants: example of the acid mining drainage at Enguialès, Aveyron, France.© F. Garrido, 2003

habitats et caractéristiques des micro-organismes extrêmophiles

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habitats and characteristics of extremophilic microorganisms

L’exposition aux radiations gamma et UV induit de nombreux dommages au niveau des protéines, des membranes et de l’ADN des cellules. De fortes doses de radiations ionisantes sont létales pour la plupart des organismes : 10 Gray (Gy) tue un être humain et 1000 Gy la majorité des cellules d’Escherichia coli en culture. Des exceptions existent toutefois. L’histoire commence en 1956 avec la découverte étonnante d’une bactérie ayant poussé dans une boîte de « corned beef » supposée stérilisée par irradiation. Cette bactérie, appelée Deinococcus radiodurans, est un des organismes les plus radiorésistants. Depuis, d’autres micro-organismes extrêmement radiorésistants ont été décrits, tolérant 1000-5000 Gy sans perte significative de viabilité. Des doses plus élevées réduisent considérablement le pourcentage de survie, mais des survivants peuvent être trouvés même après exposition à plus de 20 kGy. D’autres deinococci radiorésistantes ont été isolées de divers environnements, comme Deinococcus deserti, isolée du Sahara, un envi-ronnement aride, pauvre en nutriments et exposé à des rayonnements solaires intenses. Autres exemples d’espèces radiorésistantes : Kineococcus radiotolerans (isolé de déchets radioactifs), Rubrobacter radiotolerans (source chaude), cyanobactérie Chroococcidiopsis (désert), et, parmi les archaea, Halobacterium salinarum (milieu salin) et Thermococcus gam-matolerans (cheminée hydrothermale). Cette dernière espèce pourrait avoir acquis la radio-résistance comme une conséquence de l’exposition à une radioactivité élevée dans les cheminées hydrothermales. Pour les autres, la radiorésistance est plus difficile à expliquer, car il n’y a pas d’environnement terrestre qui génère de telles fortes doses de radiations. L’extrême radiorésistance serait dans ce cas la conséquence d’une adaptation à d’autres condi-tions extrêmes, notamment la dessiccation qui induit des dommages de l’ADN similaires à ceux générés par les radiations ionisantes.

Les Deinococcus sont les organismes radiorésis-tants les plus étudiés. Contrairement aux organismes radiosensibles, Deinococcus est capable de reconstruire un génome complet à partir de centaines de fragments d’ADN générés par de fortes doses de radiations gamma. Cette capacité semble résulter d’une combinaison de mécanismes actifs de réparation de l’ADN associés à des conditions physiologiques particulières. Un ADN très compact et un niveau élevé d’antioxydants protégeant les protéines de l’oxydation permettraient une efficacité accrue de la réparation de l’ADN. Fait intéressant, des souches radiorésistantes peuvent être générées à partir d’une souche radiosensible (par exemple E. coli) après de nombreux cycles d’irradiation/récupération. L’analyse génétique de telles souches et les travaux sur les Deinococcus montrent que l’extrême radiorésistance est un phénotype complexe qui implique de nombreux gènes et mécanismes et de multiples voies d’évolution indépendantes. n

>Micro-organismesrésistantauxradiationsLaurence Blanchard – LEMiRE, UMR 6191, Institut de Biologie Environnementale et de Biotechnologie – CEA Cadarache – [email protected] De Groot – LEMiRE, UMR 6191, Institut de Biologie Environnementale et de Biotechnologie – CEA Cadarache – [email protected]

a - Courbe de survie montrant l’extrême radiorésistance des Deinococcus.

b - Electrophorèse en champ pulsé (PFGE) montrant la reconstitution du génome de Deinococcus deserti après irradiation gamma. L’ADN génomique purifié a été digéré par des enzymes de restriction, générant 8 fragments d’ADN pour un génome intact (piste C = contrôle non-irradié). La taille des fragments est indiquée à gauche en kilo paires de bases.

a - Survival curve showing the extreme radioresistance of Deinococcus.

b - Pulsed-field gel electrophoresis (PFGE) showing genome reconstitution in Deinococcus deserti after gamma irradiation. Purified genomic DNA was digested by restriction enzymes, generating 8 DNA fragments for an intact genome (lane C = non-irradiated control). Fragment sizes are indicated at the left in kilobase pairs.

© A. De Groot

a b

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habitats et caractéristiques des micro-organismes extrêmophiles

Microorganisms that grow at temperatures below 5 ºC are referred to generically as cold-adapted microorga-nisms (CAMs). These comprise those that have growth temperature optima at about 15 °C and maxima at about 20 °C (psychrophilic microorganisms) and others that, although they grow best at higher temperatures (often >30 °C), can also grow at very low temperatures (psychrotolerant microorganisms). Listeria monocyto-genes is a psychrotolerant bacterium that can grow in refrigerated milk and (soft) cheeses, and can cause illness in humans. Some CAMS are eukaryotic microorganisms (fungi, yeasts and algae). These include the “snow algae” which commonly colonize snow drifts towards the end of the winter period, when there is some sur-face melting of the snow, and accumulation of nutrients to support their growth, giving rise to characteristic mottled pink-red coloration of the snow surface.

Life at extremes of pH: acidophiles and alkaliphilesNatural and man-made environments can span a range of over 14 pH units. Microorganisms that not only tole-rate extremes of pH but also require either extremely acidic or alkaline conditions to be metabolically active are referred to as acidophiles and alkaliphiles, respectively.

Naturally acidic environments occur worldwide, such as some peatlands and mineral soils known as “acid sulfate” soils, found in countries as diverse as Vietnam and Finland. Hydrolysis of metals such as aluminium, iron and manganese in water bodies also generates acidity, as illustrated in equation [1]:

Al3+ + 3H2O Y Al(OH)3 + 3H+ [1]

There are a number of biological processes that generate acidity, such as the oxidation of elemental sulfur, sulfide and sulfur oxyanions (thiosulfate etc.) which is mediated by a wide diversity of bacteria and archaea, producing sulfuric acid. Some bacteria are able to utilize the energy available from oxidizing ferrous iron to ferric, and thereby indirectly generate acidity from the subsequent hydrolysis of ferric iron (similar to that of aluminium in equation [1]; figure 1c).

Sites that are extremely acidic include solfatara fields in geothermal areas, referred to previously, and areas in the vicinity of, and impacted by mining of coals and base metals. In the latter, the sources of acidity are mostly the sulfide minerals that are associated with

the ore body or coal deposit (which can contain from 0.1 to 20% S, by weight). The major ores of many base metals (copper, zinc etc.) are sulfidic. The metals themselves often occur as sulfides, and others such as pyrite (FeS2) are associated with them, while some gold deposits are also rich in sulfide minerals (pyrite, and arsenopyrite, FeAsS). These reduced minerals are stable in the absence of either water or oxygen, but mining and comminution of ores expose these, as well as improve their reactivities by increasing grain surface areas. Oxidative dissolution of these minerals (as illus-trated for pyrite in equation [2]) in abandoned mines and mine spoils (waste rocks and mineral tailings) generates acidity that can migrate from the mine site in drainage waters and severely impact areas remote from the mine itself.

2FeS2 + 7.5O2 + H2O Y 2Fe3+ + 4SO42- + 2H+ [2]

Microorganisms that thrive in acidic environments can be divided into moderate acidophiles (with pH optima for growth of 3-5) and extreme acidophiles (which grow best at pH values below 3). The most acidophilic of all life forms yet discovered are species of the archaeon Picrophilus. These are moderately thermophilic, hetero-trophic, aerobic archaea that were isolated from volcanic soils in Japan. Picrophilus spp. have pH optima at about 0.7, and can grow at negative pH values. While acidophilic microorganisms are predominantly proka-ryotic (bacteria and archaea), some are eukaryotic (fungi, algae and protozoa) though these become increasingly rare at higher temperatures. Acidophilic prokaryotes display considerable metabolic diversity in terms of the range of electron donors (both organic and inorganic) and electron acceptors that they can use. However, acidophiles contrast with other groups of microorganisms in their widespread use of ferrous iron and reduced forms of sulfur as energy sources, which is related to the relative abundance and availa-bility of these materials in acidic sites compared to more mainstream environments.

Extremely acidic environments are unusual in that the dominant (and often exclusive) primary producers are chemolithotrophs (prokaryotes that use energy derived

Some bacteria are able to utilize the energy available from oxidizing ferrous iron to ferric, and thereby indirectly generate acidity.

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habitats and characteristics of extremophilic microorganisms

from the oxidation of inorganic chemicals) rather than phototrophs. These can support a diversity of other (acidophilic) life forms in both natural and man-made acidic environments, resulting in microbial consortia that are highly inter-dependent.

In contrast to low pH sites, alkaline environments are relatively rare on our planet. Some thermal springs in geothermal areas are naturally alkaline, and certain industrial processes, such as cement production, electroplating and indigo production produce highly alkaline effluents. A number of biological processes, such as ammonification (generation of ammonium from organic matter), sulfate reduction and oxygenic photosynthesis also generate alkalinity, and in localised sites where these proliferate (e.g. birds’ nests, where there is intense ammonification) pH can be particularly elevated. However, the most important means by which alkaline environments arise are as a consequence of combined geological, geographical and climatic conditions. Basic parent rocks (e.g. basalts), low lying areas and limited precipitation (compared to evapo-transpiration) can give rise to soda lakes, soda desserts, and black and white alkaline soils, all of which are characterized by pH values well above neutral. One of the areas where these environments are relatively abundant is the Rift Valley in East Africa (e.g. Lakes Magada, Natron and Bogoria). Elsewhere in the conti-nent, soda lakes can be found in Egypt (e.g. the Wadi el Natrun), Libya and Chad. In the Americas, soda lakes occur in the western U.S.A. and in parts of central and

South America (e.g. in the vicinity of Antofagasta in northern Chile). In Asia, soda lakes are found in areas from Siberia to the south of China and India, while in Europe they are relatively rare (located on the Caspian Sea area of Russia and in parts of Hungary). Soda lakes are characterized by elevated concentrations of (sodium) carbonate. They may also contain large amounts of dissolved salt (sodium chloride), where they are classified as alkaline saline environments. Table 1 lists physico-chemical data of several soda lakes located in the Rift Valley, and one from the Wadi el Natrun. One of the characteristics of soda lakes is that they are among the most productive of all known ecosystems. For example, up to a million flamingos have been observed in Lake Nakuru (which has a surface area of about 30 km2) filter feeding on filamentous cyano-bacteria and consuming ~180 tons of biomass/day. Primary production in soda lakes is mediated by different phototrophs, dependent on the lake salinity. In less saline lakes, cyanobacteria such as Spirulina, Anabaena are the dominant primary producers, whereas more saline soda lakes host anoxygenic phototrophs (such as Ectothiorhodospira, which oxidizes sulfide to sulfate, and deposits elemental sulfur) as well as cyanobacte-ria. Spirulina may form thick surface scums on soda lakes, and in some parts it is harvested by local people, dried and made into edible cakes. Another (mineral) resource in some soda lakes (e.g. Lake Magadi) is trona (NaHCO3.NaCO3.2H2O) which precipitates around the lake margins and is harvested and kilned to prepare soda ash for glass manufacture.

Lake Na+ K+ Ca2+ Mg2+ Cl- SO42- CO3

2- pH

Nakuru 326 6 <1 <1 58 2 68 10.5

Bogoria (north) 735 6 <1 <1 101 1 477 11

Bogoria (south) 796 7 <1 <1 116 1 517 11

Magadi (lake brines) 7,000 57 <1 <1 3,155 18 3,900 >11.5

Magadi (lagoon brines) 2,826 26 <1 <1 1,125 13 1,817 >11.5

Little Magadi 4,626 61 <1 <1 1,856 13 2,433 >11.5

Natron 4,522 61 <1 <1 1,465 2 2,667 >11.5

Zugm* 6,175 58 <1 <1 4,370 240 1,100 11

* Located in the Wadi el Natrun, Egypt; other lakes listed are located in the Rift Valley, east Africa.

Table 1: Ionic compositions of some African soda lakes. All concentrations given in mM. Personal communication from W.D. Grant (Leicester University, UK) and Madigan and Martinko (2006).Table 1: Les compositions ioniques de quelques lacs africains alcalins. Concentrations en mM. Données fournies par W.D. Grant (University de Leicester, U.K.) et Madigan et Martinko (2006).

habitats et caractéristiques des micro-organismes extrêmophiles

Life in hypersaline environments: halophiles

Marine waters constitute the largest biome on our planet. The concentration of salt (sodium chloride) in sea water is approximately 0.5 M, and hypersaline environments have been defined as those that have salt concentrations in excess of this. Hypersaline environ-ments are divided into two sub-groups: thalassohaline and athalassohaline. Thalassohaline waters are marine-derived and have initial compositions (prior to being concentrated) similar to seawater, and neutral to slightly alkaline pH. Solar salterns are one such example, where seawater is contained in large lagoons and allowed to evaporate in order to precipitate salt (figure 1d). As seawater dries, there is sequential precipitation of different minerals, in the order: calcite (CaCO3) Y gypsum (CaSO4.2H2O) Y halite (NaCl) Y sylvite (KCl) Y carnallite (KCl.MgCl2.6H2O). Relative ionic ratios remain about the same to the point of halite precipitation, but then change dramatically (table 2). Another important change is the concentration of dissolved oxygen. The solubility of oxygen in water is strongly dependent on solute strength (as well as on temperature). At 20 °C, the maximum concentration of oxygen in fresh water is ~ 9 mg/L, while in seawater and solar saltern water (at the point of halite precipitation) it is 7 mg/L and 2 mg/L, respectively. This has a major impact on indige-nous life forms. Natural thalassohaline water bodies also occur, the most famous of which is the Great Salt Lake, Utah (table 2). Athalassohaline water bodies derive from the dissolution of evaporite deposits (which may themselves be marine-derived). Brines of different ionic composition may form as a result. Where the concentration of divalent to monovalent cations is low, alkali salt lakes result (as described above), whereas when the concentrations of divalent cations exceeds those of monovalent cations, the saline water bodies have a circum-neutral pH, as typified by the Dead Sea and small lakes located around the Atacama desert in northern Chile. Athalassohaline brines also form in salt mines. Besides water bodies, hypersaline environments also occur in some soils in arid regions, and as a result of “salting” of foods for the purpose of preservation.

Living organisms found in hyper-saline environments may be divided into those that are halotolerant (grow in the presence of high salt concentrations, but better in low or zero salt) and those that have an innate requi-

rement for salt (halophiles). The latter includes extreme halophiles that can grow at the maximum solubility of NaCl (about 5 M). While a number of bacterial species are halophilic, extreme halophiles are almost exclusively archaea. These have genus names prefixed with “Halo” (except those that are both alkali- and salt-tolerant, which have the prefix “Natrono”) and include Haloferax, Halococcus and (somewhat perversely) Halobacterium. A notable exception to this rule is the unicellular green alga Dunaliella. This is the most halophilic photosyn-thetic eukaryote known, and some species can tolerate near saturated salt solutions.

Challenges faced by halophilic microorganisms are dehydration, osmotic stress and low water activity. To counterbalance the osmotic balance imposed by a strongly saline bathing liquor, most halophiles synthe-sise one or more “osmo-protectants” – soluble organic compounds that contribute solute potential but do not disrupt biomolecules as inorganic salts tend to do. In Dunaliella, the osmo-protectant is glycerol. In many ways, this is an ideal compound for the purpose, though it is not synthesized by the majority of halophiles since it readily permeates most cell membranes. Dunaliella, however, has a membrane that enables it to retain gly-cerol and excrete it in a regulated manner (i.e. when salt concentrations fall, due to an influx of non-saline water.

Besides water bodies, hypersaline environments also occur in some soils in arid regions, and as a result of “salting” of foods for the purpose of preservation.

Sea waterSea water (at NaCl

precipitation)

Great Salt Lake Dead Sea

Na+ 0.45 4.3 4.56 1.74

Mg2+ 0.05 0.6 0.46 1.83

Ca2+ 0.01 <0.01 <0.01 0.44

K+ 0.01 0.12 0.17 0.20

Cl- 0.55 5.26 5.10 6.3

SO42- 0.03 0.20 0.28 <0.01

pH 8.3 7.3 7.7 6.1

Table 2: Comparative chemistries of some hypersaline environments, and comparison with sea water (all concentrations shown are molarities).Tableau 2 : Compositions chimiques comparées de quelques environnements hypersalins avec l’eau de mer (toutes les concentrations sont indiquées en molarité).

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Other osmo-protectants (or “compatible solutes”) produced by halophiles include sucrose, trehalose, glycine betaine, proline, ectoine and mannitol. On the other hand, extremely halophilic archaea have adapted a very different strategy for living in highly saline liquors. Halobacterium, for example, does not exclude salts, though there is a selective uptake of ions from its environment. While the concentration of sodium in the cytoplasm of this archaeon is lower than in the outside liquor (though is still present at ~5 %, w/v), that of potassium is about 103-times greater. Enzymes and ribosomes of extreme halophiles often require high concentrations of KCl (~3 4 M) and magnesium (~0.1 M) to maintain stability. Another interesting feature of Halobacterium is that its membranes are purple-coloured, due to the presence of a light-sensitive protein called “bacterio-rhodopsin”, similar to the rhodopsin found in mammalian retinas. Solar energy prompts this protein to generate a proton gradient, thereby allowing the

archaeon to generate ATP in the absence of oxygen or an organic substrate and helping it to survive in adverse conditions. This protein gives rise to the typical pink/purple coloration of solar salterns as they become increasing saline, as well as some saline soda lakes. Reddish blotches on surfaces of salt-preserved foods also indicate the presence of extremely halophilic archaea.

Extremophiles and biotechnologyMicroorganisms that live in extreme environments are a vital resource for industrial biotechnology, either as intact and active cells (in pure cultures and consortia) or as sources of enzymes (“extremozymes”). Enzymes sourced from extremophiles often operate under conditions required by industry where conventional proteins denature, such as very high temperatures and in the presence of organic solvents. An example of the use of active populations of extremophiles in an industrial process is “biomining” – a generic term used to describe the processing of metal-containing ores

L’arsenic est toxique pour la plupart des organismes supérieurs, mais les micro-organismes ont développé diverses stratégies pour résister à ce métalloïde. Certains d’entre eux peuvent même l’utiliser en tant que substrat de croissance. Les bactéries acidophiles présentent des niveaux de résistance aux métaux et métalloïdes, dont l’arsenic, beaucoup plus élevés que ceux des micro-organismes neutrophiles. Dans les bioréacteurs réalisant la biolixiviation des minerais d’or contenant de l’arsénopyrite, des micro-organismes acidophiles se développent en présence de 10 g.l-1 d’arsenic. Leurs principaux substrats énergétiques sont les formes réduites du soufre et du fer et jusqu’à présent, il n’a pas été montré que l’arsenic peut être utilisé par ces bactéries comme source d’énergie. Certains mécanismes de résistance à l’arsenic, tels que ceux conférés par l’opéron ars, sont utilisés à la fois par les bactéries neutrophiles et par les organismes acidophiles, tels que Acidithiobacillus caldus et Leptospirillum ferriphilum. L’opéron ars permet aux cellules de réduire l’As(V) puis d’expulser l’As(III) par une pompe à efflux énergie-dépendante. Certaines bactéries sont capables d’oxyder l’As(III) en présence d’oxygène, à travers la production de l’enzyme arsenite-oxydase. Cette fonction est très répandue dans les écosystèmes neutrophiles, et semblerait s’exprimer davantage dans les environnements riches en arsenic. Elle accélère significativement la vitesse d’oxydation de l’As(III) par l’oxygène. Dans les milieux modérément acides (de pH 2 à pH 6), sur les sites miniers par exemple, des organismes appartenant au genre Thiomonas sont impliqués dans le processus d’oxydation de l’arsenic. Chez certaines bactéries neutrophiles ou acido-tolérantes, l’As(III) peut être utilisé comme unique source d’énergie. L’As(V), pour sa part, peut servir d’accepteur terminal d’électrons, c’est-à-dire que des bactéries respirent l’arsenic en absence d’oxygène. Des bactéries participent donc activement au cycle biogéochimique de l’arsenic à travers leur métabolisme. L’As(III) étant plus mobile que l’As(V), l’oxydation biologique de l’arsenic contribue à rendre cet élément toxique moins bio-disponible. Inversement, la réduction bactérienne de l’As(V) peut provoquer une mobilisation de l’arsenic. Ainsi, ce processus microbien pourrait induire une augmentation de la concentration en arsenic dans certains aquifères soumis à des modifications de leur état d’oxydo-réduction. n

>Processusmicrobiens ettransformationdel’arsenic

Fabienne Battaglia-Brunet – Service Environnement & Procédés – [email protected]

Observation en microscopie optique d’un biofilm de Thiomonas

arsenivorans (bactérie utilisant l’arsenic comme source d’énergie)

obtenu à partir d’une culture sur filtre en milieu gélosé. Les cellules

vivantes apparaissent en vert, et les cellules mortes en rouge.

Observation by optical microscope of a biofilm of Thiomonas

arsenivorans (a bacterium that uses arsenic as an energy source)

obtained on a filter in an agar culture medium. Live cells are stained green, and dead cells are stained red.

© F. Garrido, S. Challand-Belval.

Microorganisms that live in extreme environments are a vital resource for industrial biotechnology.

habitats et caractéristiques des micro-organismes extrêmophiles

and concentrates using (micro)biological technology, and which operates under conditions of low pH, often elevated temperatures and in the presence of high concentrations of dissolved metals and other solutes [Rawlings and Johnson (2007)]. Table 3 lists some of ways on which extremophilic microorganisms have been exploited for industrial, research and domestic applications.

The study of life in extreme environments continues to fascinate and challenge biologists. Driven by their importance in understanding how organisms can adapt, their increasing use in biotechnology and in the search for extraterrestrial life, this is sure to remain a high profile area of scientific research. n

Acknowledgement: The author wishes to thank the Royal Society (U.K.) for the provision of an Industrial Fellowship.

Habitats et caractéristiques des micro-organismes extrêmophilesL’étude du vivant dans les milieux extrêmes a pris de l’essor, devenant une branche importante de la biologie moderne à laquelle de nombreux ouvrages (e.g. Gerday et Glansdorff, 2007), journaux scientifiques et conférences internationales se consacrent exclusivement. L’intérêt porté à ce sujet comprend de multiples volets : le besoin de comprendre comment certains organismes vivants parviennent à survivre dans des conditions qui seraient létales à une grande majorité des autres êtres ; la thèse (contestée) selon laquelle la vie serait née d’un ancêtre extrêmophile ; le fait que les enzymes et autres biomolécules, tout comme les micro-organismes eux-mêmes, sont de plus en plus exploités en biotechnologie ; et le scénario plausible qui voudrait que si jamais on devait trouver la vie sur d’autres planètes de notre système solaire, elle risquerait fort d’être extrêmophile.Ce petit tour d’horizon fournit une vue succincte de la diversité des micro-organismes connus pour habiter des milieux extrêmement chauds ou froids, extrêmement acides ou alcalins, ou encore extrêmement salins. Les traits qui différencient les micro-organismes extrêmophiles de leurs semblables plus conventionnels y sont décrits, ainsi que l’usage de plus en plus étendu qui en est fait en biotechnologie.

Bibliography: Gerday C. and Glansdorff N. (2007) – Physiology and biochemistry of extremophiles, ASM press, Washington, DC. Madigan M.T. and Martinko J.M. (2006) – Brock Biology of Microorganisms, 11th edition. Pearson Prentice Hall, Upper Saddle River, New Jersey. Rawlings D.E. and Johnson D.B. (eds.) (2007) – Biomining. Springer-Verlag, Heidelberg.

Thermophiles

Enzymes

(i) Variety of uses; advantages of faster rates of reaction, lower risk of contamination and avoidance of cooling. Thermophilic enzymes also tend to be more robust (e.g. in non-aqueous phases) than those from mesophiles.(ii) Essential use of thermo-stable DNA polymerases in the polymerase chain reaction (e.g. Taq polymerase from the thermophilic bacterium Thermus aquaticus, and Pfu from the hyperthermophilic archaeon Pyrococcus furiosus; thermostable ligases are also used in molecular biology).

Waste treatment

Advantages of lower retention times, destruction of most pathogens present, and lower viscosity (so less energy input for mixing).

Bioleaching Bioprocessing of concentrates containing the recalcitrant copper mineral chalcopyrite at temperatures of 75-80ºC by thermo-acidophilic archaeal consortia.

Psychrophiles

Proteins(i) Ice nucleation proteins from psychrophiles are used to produce artificial snow at ski resorts and in ice cream manufacture.(ii) Source of alkali-stable enzymes used in low-temperature detergents.

Fatty acids Pharmaceutically active polyunsaturated fatty acids (e.g. linoleic acid) – more energy efficient means of production than conventional chemical methods.

Other Used in the food industry, e.g. for cheese manufacture; also for flavourings and other additives.

Acidophiles

Mineral processing

Widespread application of biomining to extract and recover metals from primary ores and wastes (e.g. 25% of global copper production and 5% of gold).

Alkaliphiles

Enzymes (i) Alkali-stable enzymes (amylases, proteases, lipases and cellulases) used in detergents. (ii) De hairing of hides (at pH 8-10) less damaging than chemical methods.

Halophiles

Compatible solutes

Used as stabilizers of biomolecules (such as nucleic acids and enzymes) and as stress-protecting agents.

Proteins (i) Use of bacteriorhodopsin in applications including holography and artificial retina.

Other The halophilic alga Dunaliella is commercially exploited as a source of carotene and glycerol.

Table 3: Examples of the use of extremophilic microorganisms and their products.Tableau 3 : Exemples d’utilisation de micro-organismes extrêmophiles et de leurs produits.

82

la biolixiviation des minerais sulfurés

La biolixiviation des minerais sulfurés

L’oxydation des minerais sulfurés par l’oxygène de l’air produit

de l’énergie au cours d’une réaction naturellement accélérée par

des micro-organismes capables de se développer dans

des conditions hostiles à toute autre forme de vie. La maîtrise de cette

catalyse biologique a permis de concevoir des procédés

industriels d’extraction de métaux comme le cuivre, l’or, le cobalt

et le nickel. Ces procédés complètent les moyens actuels

d’exploitation des ressources minérales primaires et ouvrent

des perspectives sur le long terme dont l’économie mondiale aura besoin pour satisfaire

une demande croissante.

Dominique H.-R. Morin Responsable de l’Unité écotechnologies du BRGM, ingénieur spécialisé en développement de procédés biotechnologiques pour la valorisation des ressources minérales et les applications [email protected]

Vue d’un des bioréacteurs (1 300 m3) de l’usine de traitement de minerai KCC Ltd (Kasese Cobalt Company Limited), Kasese, Ouganda. Le procédé

de biolixiviation mis au point par le BRGM permet la récupération de cobalt à l’échelle industrielle.

A view of one of the bioreactors (1300 m3) at the KCC (Kasese Cobalt Company Limited) ore processing plant in Kasese, Uganda. The bioleaching method developed

by BRGM enables cobalt to be recovered at industrial scale.© D. Morin, BRGM.

biol

ixiv

iatio

n

Les eaux d’infiltration des dépôts géologiques sulfurés et les exhaures des mines de ces gisements contiennent des métaux qui sont dissous sous l’effet de l’activation biologique naturelle des organismes microbiens. La capacité de ces micro-organismes

à maîtriser le processus de dégradation de minéraux sulfurés est à l’origine du concept de procédé de biolixiviation. Au-delà du phénomène naturel, la biolixiviation est devenue un mode de production de métaux de valeur dont les premières installations industrielles ont vu le jour il y a une cinquantaine d’années. La transformation oxydo-réductrice des métaux et de leurs composés sulfurés est leur source d’énergie, et le CO2 de l’air est leur source de carbone permettant de satisfaire leurs besoins méta-boliques et de reproduction. Ce qui fait de ces micro-organismes l’un des premiers maillons de la chaîne de la vie.

Les deux principaux éléments chimiques minéraux dont les changements d’état d’oxydation servent à la croissance de ces

Au-delà du phénomène naturel, la biolixiviation est devenue un mode de production de métaux de valeur.

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bioleaching of sulfide ores

micro-organismes sont le soufre et le fer. Or ces deux éléments sont les constituants majeurs des gisements de minerais sulfurés qui recèlent une fraction importante de certains métaux de grande valeur économique. Le cuivre, l’or, l’uranium, le nickel et le cobalt sont les métaux dont une part de la production mondiale est le fait d’installations industrielles utilisant la biolixiviation.

Les processus de biolixiviation pour les minéraux d’intérêt économiqueBiolixiviation de la pyriteEn milieu naturel, le minéral sulfuré dont la dégrada-tion par biolixiviation la plus fréquemment observée est la pyrite. De formule chimique FeS2, la pyrite est le sulfure métallique le plus abondant sur Terre, exploité depuis des siècles pour la fabrication d’acide sulfurique. Au contact de l’air, la réaction d’oxydation de la pyrite obéit à l’équation suivante :

FeS2 + 14 Fe3+ + 8 H2O Y 15 Fe2+ + 2 SO4= + 16 H+

Le rôle de l’activité microbienne dans le processus de biolixiviation est en particulier d’accélérer l’oxydation du fer ferreux en ferrique et donc de régénérer ce puissant oxydant de la pyrite, comme indiqué ci-dessous :

4 Fe2+ + O2 + 4 H+ Y 4 Fe3+ + 2 H2O

On dit couramment que l’effet de catalyse biologique a le pouvoir de multiplier par un facteur de près d’un million la vitesse de cette oxydation.

Un second mécanisme constitutif de la biolixiviation est l’oxydation du soufre élémentaire ou de formes intermédiaires d’oxydes de soufre par des micro-organismes sulfo-oxydants.

Globalement, la réaction générale d’oxydation de la pyrite au contact de l’oxygène de l’air s’écrit alors ainsi :

FeS2 + 3,75 O2 + 0,5 H2O Y Fe3+ + 2 SO4= + H+

La matrice cristalline de la pyrite peut contenir ou être associée à des métaux comme l’or, le cobalt, le nickel ou le cuivre qu’il est économiquement intéressant d’extraire par un traitement par biolixiviation. Ces métaux peuvent être présents sous forme de composés sulfurés ou sous forme élémentaire dans le cas de l’or, ou encore inclus dans le réseau cristallin de la pyrite qu’il faudra donc détruire, au moins partiellement, pour récupérer le métal de valeur.

Il arrive par exemple que la pyrite piège de l’or au point qu’il est impossible, même après un broyage très poussé, de libérer une fraction significative du métal précieux des minerais qui ont cette caractéristique. Les techniques minéralurgiques conventionnelles basées sur les différences de densité et de taille des minéraux ou de solubilité dans des solutions aqueuses complexantes (cyanure) restent alors impuissantes.

Très fréquemment ce type de matrice sulfurée contient aussi de l’arsenic, le plus souvent sous forme d’arsénopyrite (FeAsS), et il est remarquable d’observer que la pyrite se montre plus réfractaire à la dégradation par biolixiviation que l’arsénopyrite. La différence de susceptibilité à la dégradation est encore plus prononcée lorsque pyrite et arsénopyrite se trouvent en contact, comme le résultat d’un effet de pile ou galvanique (figure 1) où la pyrite joue le rôle d’une cathode, tandis que l’arsénopyrite joue celui d’une anode. Comme illustré à la figure 2, l’oxydation par biolixiviation des sulfures conduit à la libération de l’or qui reste inaltéré mais devient physiquement accessible aux traitements habituels.

Fig. 1 : Photographies en microscopie électronique à balayage de grains de pyrite (gris foncé, Py) et d’arsénopyrite (gris clair, AsPy) enchâssés dans la résine d’une section polie. a) Avant biolixiviation, en électrons rétrodiffusés pour distinguer les deux sulfures. b) Après un traitement par biolixiviation partiel, en électrons secondaires pour montrer les figures de corrosion des sulfures.Fig. 1: Photographs of pyrite (dark grey, Py) and arsenopyrite (light grey, AsPy) encased in the resin of a polished section taken with a scanning electron microscope. a) Before bioleaching, using backscattered electrons to distinguish between the two sulfides. b) After partial bioleaching processing using secondary electrons to reveal the corrosion figures on the sulfides.© D. Morin.

Fig. 2 : Libération de grains d’or piégés dans de l’arsénopyrite par biolixiviation ménagée. Photographies prises au microscope électronique à balayage. a) Avant biolixiviation, en électrons rétrodiffusés. b) Après un traitement par biolixiviation partiel, en électrons secondaires pour montrer la corrosion de l’arsénopyrite à l’endroit des fractures du minéral sulfuré.

Fig. 2: Release of grains of gold trapped in arseno-pyrite using mitigated bioleaching. Photographs taken with a scanning electron microscope. a) Before bioleaching, using backscattered electrons. b) After partial bioleaching processing using secondary electrons to reveal corrosion of the arsenopyrite along the fractures of the sulfide mineral.© D. Morin.

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Dans le cas d’autres métaux piégés par la pyrite, comme le cobalt, le traitement par biolixiviation conduit à leur solubilisation sous forme de sels de sul-fate, et il est possible de les récupérer sélectivement à partir de la solution aqueuse produite par neutrali-sation à la chaux, précipitation chimique, extraction par solvant ou résine, etc.

Les minerais de cuivreLes gisements de cuivre résultent d’activités géother-males qui ont généré principalement des sulfures dont le minéral majoritaire est la chalcopyrite (CuFeS2), porteur de cuivre dit primaire.

On extrait des gisements un minerai contenant à peine 0,5 % à quelques % de cuivre. Il subit d’abord un traitement de concentration des porteurs sulfurés de ce métal. Le concentré sulfuré produit est habituellement traité par voie pyrométallurgique pour en extraire le cuivre à l’état élémentaire. La partie superficielle des dépôts minéralisés est souvent constituée de minéraux oxydés ainsi que de minéraux sulfurés de cuivre dits secondaires dont les principaux représentants sont la chalcocite (CuS2) et la covellite (CuS).

De longue date on sait dissoudre le cuivre des minerais oxydés par attaque à l’acide sulfurique. Depuis très longtemps aussi, on a su appliquer, comme à Rio Tinto en Espagne, un traitement par biolixiviation aux minerais des minéraux secondaires de cuivre, sans avoir connaissance du processus qui en est à l’origine. En fait, ces minéraux se dissolvent facilement au cours d’une attaque oxydante au fer ferrique en milieu acide qui, dans le procédé de biolixiviation, comme on l’a vu pour la pyrite, est régénéré par l’oxydation du fer ferreux produite par une activité microbienne fer-oxydante.

La chalcopyrite est beaucoup plus réfractaire à la dégradation chimique d’une manière générale et à la biolixiviation en particulier. Pendant très longtemps on a observé que dans des conditions oxydantes et à température modérée (30 à 40 °C) il se produit une passivation de la surface du sulfure, et récemment il

aurait été clairement identifié que c’est une couche de jarosite, hydroxy-sulfate de fer ferrique, qui inhibe la poursuite de son attaque [Parker et al. (2003)]. La jarosite étant d'autant plus présente que la concen-tration en fer ferrique est élevée, c’est à un potentiel électrochimique modéré que l’on parvient à oxyder la totalité de la chalcopyrite. Des micro-organismes thermophiles (60 à 80 °C) ont la faculté d’exploiter l’oxydation de la chalcopyrite dans ces conditions [Vilcáez et al. (2008)] et la découverte de cette capacité a renouvelé l’intérêt de la biolixiviation qui peut s’étendre à plus de ressources qu’il n’était initialement imaginé.

Les minerais de nickelLa majorité des réserves de minerais de nickel est sous forme de sulfures, suivant les estimations d’Eramet (2006). La pentlandite (FeNi)9S8, générale-ment associée à la pyrrhotite (Fe1-xS), est le minéral sulfuré qui a la plus grande valeur économique. La forte demande en nickel de ces dernières années, due à l’accroissement très significatif de la production d’acier de la Chine, a conduit à une recrudescence d’intérêt pour les minerais à faible teneur de ce type.

Une particularité des minerais de pyrrhotite est leur grande réactivité à l’oxygène de l’air et leur forte demande en acide lors de l’oxydation. En présence d’eau et d’air, ils produisent naturellement du fer ferreux et du soufre élémentaire qui sont autant de combustibles pour une activité microbienne dont le développement permet de libérer le nickel et bien d’autres métaux associés comme le cuivre, le cobalt, le zinc et les platinoïdes.

Les minerais des autres métauxLes sulfures de zinc sont des minéraux facilement dégradables qui ont fait l’objet de beaucoup d’études à des échelles allant jusqu’à la démonstration. Un fac-teur limitant à la mise en application est souvent la présence d’argent qu’il n’est pas facile de récupérer économiquement. Cela est aussi vrai pour le plomb. Pour les minerais d’uranium, le rôle de l’activité micro-biologique est de permettre la régénération du fer ferrique pour oxyder l’uranium d’une forme insoluble (UO2) à une forme soluble (UO2

2+).

Les systèmes microbiens de la biolixiviationAu-delà de leur capacité à extraire de l’énergie à partir des oxydations du fer ou du soufre ou des deux, les micro-organismes employés, auxquels on attribue

Des micro-organismes thermophiles (60 à 80 °C) ont la faculté d’exploiter l’oxydation de la chalcopyrite. La découverte de cette capacité a renouvelé l’intérêt de la biolixiviation.

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le qualitatif d’extrêmophile du fait de leur caractère très acidophile et tolérant aux métaux (voir article de B. Johnson dans ce numéro), sont classés suivant, entre autres particularités, leurs températures optimales de croissance. Ils sont mésophiles lorsque celles-ci vont de l’ambiante à 40 °C, modérément thermophiles de 45 à 55 °C et extrêmes thermophiles de 65 à 80 °C. Les populations ne sont jamais constituées d’un seul micro-organisme mais de consortia de bactéries et d’archées, ces dernières étant en plus grande proportion lorsque la température s’élève. L’arbre très simplifié en figure 3 recense les principales espèces rencontrées en biolixiviation. Une propriété commune est leur grande tolérance aux métaux à forte concentration en solution, c’est-à-dire jusqu’à des dizaines de grammes par litre, à des niveaux où toute autre forme de vie disparaît. Ces micro-organismes ont un caractère acidophile marqué et sont généralement actifs à des pH inférieurs à 2,5, mais tolèrent fréquemment des valeurs bien inférieures à 1.

Il a été montré que le mécanisme de dégradation des sulfures que ces micro-organismes activent est pour l’essentiel indirect. C’est-à-dire qu’ils oxydent le fer ferreux en fer ferrique qui, lorsqu’ils sont attachés à la surface des sulfures, est complexé par des substances polymériques extracellulaires pour attaquer les sulfures dans un micro-environnement favorable à la dégra-dation des minéraux [Sand et Gehrke (2006)].

Fig. 3 : Liste des principaux micro-organismes de la biolixiviation identifiés, et photographies montrant quelques-uns de ceux-ci.Fig. 3: A list of the principal microorganisms identified in bioleaching together with photographs depicting several of them.© B. Johnson, M. Dopson.

Les micro-organismes employés, qualifiés d’extrêmophiles, sont classés suivant, entre autres particularités, leurs températures optimales de croissance. […] Une propriété commune est leur grande tolérance aux métaux à forte concentration en solution.

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la biolixiviation des minerais sulfurés

Les technologies de biolixiviationIl y a deux grandes familles de procédés. L’une des voies, dite statique, consiste à faire percoler des solutions acides à travers le minerai, que ce soit in situ, disposé dans des vallons aux parois imperméables après une fragmentation réduite (procédé appliqué aux déchets miniers en particulier) ou en tas sur des aires étanches réutilisables ou non pour ce qui concerne les minerais à faible teneur. Un exemple d'installation de biolixi-viation en tas récemment mise en opération est celui de Talvivaara en Finlande. Démarrée fin 2008, elle extrait du nickel, du cobalt, du cuivre et du zinc d’un minerai pauvre qui en contient les teneurs respectives suivantes : 0,27, 0,02, 0,014 et 0,54 %. Le schéma (figure 4) montre les quatre étapes du traitement.

Fig. 4 : Photo et schéma simplifié du traitement du minerai de nickel de Talvivaraa (Finlande) exploité par la société TVK.© D’après le site internet TVK : http://www.talvivaara.com/operations/ Talvivaara_operations/Processing.

Fig. 4: Photo and simplified diagram illustrating how nickel ore is processed at the Talvivaraa plant operated by the company TVK in Finland.© From the TVK web site: http://www.talvivaara.com/operations/ Talvivaara_operations/Processing.

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Après extraction d’une mine à ciel ouvert, concassage et agglomération, une opération qui vise à améliorer les caractéristiques de percolation, le minerai est mis en tas et le traitement par arrosage a lieu en deux temps. La reprise du premier tas a pour objectif de permettre l’attaque plus poussée des zones du minerai qui n’auraient pas été suffisamment mises en contact avec les solutions de percolation, comme les pentes par exemple. La solution mère de biolixiviation est ensuite traitée à l’aide de sulfure d’hydrogène pour produire successivement des précipités de chacun des métaux à récupérer (cuivre, zinc, puis nickel et cobalt). La réaction d’oxydation de la pyrrhotite contenue dans ce minerai étant très exothermique, la température à l’intérieur du tas peut s’élever considérablement jusqu’à près de 80 °C, et même dans les conditions climatiques rigoureuses de l’hiver finlandais, l’efficacité du traitement se maintient. Le nickel et le zinc sont les métaux les plus facilement extraits à 85 et 80 % respectivement en cinq années de traitement, et le cuivre et le cobalt les plus réfractaires avec un taux d’extraction de 50 % pour la même période. L’installation de Talvivaara devrait avoir les plus faibles coûts opératoires de production de nickel à partir de ressources primaires pour une production annuelle de 30 000 tonnes de métal.

L’autre voie d’application de la biolixiviation, dite dynamique, commence par un broyage fin du minerai, la concentration des sulfures porteurs du métal d’intérêt et ensuite le traitement par biolixiviation proprement dit, dans une série de cuves, du concentré sulfuré mis en pulpe dans une solution aqueuse. Chacune des cuves est agitée par un système méca-nique et oxygénée par injection d’air.

Une unité de ce type implantée en Ouganda et mise au point par le BRGM traite un concentré de pyrite cobaltifère qui est un sous-produit d’une installation minière qui a produit un concentré de cuivre pendant une vingtaine d’années avant son arrêt d’exploitation en 1986 (figure 5).

Le cobalt, contenu à une teneur de 1,37 % dans le concentré sulfuré constitué de 80 % de pyrite, est dissous au cours de la biolixiviation de la pyrite sous forme de Co++ avec le même rendement que celui de la dégradation du sulfure. Le nickel et le cuivre, aussi présents dans le concentré à des teneurs respectives de 0,12 et 0,14 %, sont mis en solution à un moindre degré.

La solution aqueuse issue du biotraitement est débar-rassée du fer dissous par neutralisation ménagée à

Fig. 5 : Schéma général simplifié de l’installation de production de cobalt de la Kasese Cobalt Company Ltd. (Ouganda).Fig. 5: A simplified diagram of the cobalt production plant at Kasese Cobalt Company Ltd. (Uganda).

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l’aide de calcaire en deux étapes. La première jusqu’à un pH d’environ 2,8 permet d’éliminer plus de 95 % du fer et de recycler le filtrat en biolixiviation pour y concentrer le cobalt qui n’est pas affecté par la neutralisation. La seconde neutralisation à un pH supérieur à 3,5 éradique totalement le fer avant extraction du zinc par solvant organique (D2EHPA, diéthyl phénylamine) puis celle du cuivre par neutra-lisation à pH 7. Le cobalt est récupéré par extraction par solvant (acide phosphinique) et, après élution, le métal pur à plus de 99,9 % est obtenu par électrolyse. Pour finir, le nickel est extrait par neutralisation à pH élevé. La production annuelle de cobalt est de l’ordre de 800 tonnes par an. Il s’agit de la seule installation industrielle en cuve agitée produisant un métal autre que de l’or. Elle fonctionne depuis une dizaine d’années.

Économie et développement durableComme on peut le voir aux figures 6 et 7, après des études à l’échelle pilote puis de démonstration, des installations industrielles de biolixiviation en tas et en cuves agitées se sont implantées régulièrement au long des vingt dernières années ; les substances traitées s’étendant des minerais de cuivre secondaires aux minerais de cuivre primaires et au nickel en voie statique, de l’or au cobalt, au zinc et au cuivre en voie dynamique.

C’est au Chili que l’on a vu la mise en place d’opérations de taille considérable pour augmenter la production de cuivre de ce pays qui en est l’exportateur principal. Par exemple, à Escondida, dans le désert d’Atacama, majoritairement sous contrôle de la compagnie BHP Billiton, l’installation de biolixiviation en tas de minerai pauvre fait 5 kilomètres de long, 2 de large et, à son achèvement, plus de 100 mètres de haut. Il est extrait près d’un million de tonnes de minerai chaque jour des deux mines à ciel ouvert exploitées, et le tas final représentera une masse de plus d’un milliard de tonnes de minerai. La production nominale de cette unité est de 180 000 tonnes de cuivre électrolytique par an. Les principaux opérateurs de la biolixiviation en tas au Chili sont Codelco, BHP Billiton et Barrick Gold.

L’Afrique du Sud a vu naître le concept de biolixivia-tion en cuve agitée sur des minerais d’or réfractaire (Fairview), et celle-ci est maintenant en usage au Ghana (Ashanti), en Australie, en Ouzbékistan, au Kazakhstan et en Chine. C’est principalement la société Gold Fields qui commercialise ce procédé sous la forme d’une participation à son exploitation dans

Fig. 7 : Liste non-exhaustive des installations de biolixiviation en cuve agitée dans le monde.D’après Clark et al. (2005).

Fig. 7: An inexhaustive list of bioleaching plants using stirred tanks in the world.From Clark et al. (2005).

Fig. 6 : Liste non-exhaustive des installations de biolixiviation en tas dans le monde.D’après Clark et al. (2005).

Fig. 6: An inexhaustive list of bioheapleaching plants in the world.From Clark et al. (2005).

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les projets où elle l’implante. Tandis que Mintek, l’institut de recherche sud-africain, ainsi que la société canadienne Bactec, vendent des licences d’exploitation.

Il n’y a pas de doute sur le fait que la technologie de biolixiviation en tas a un avenir sur le très long terme pour les raisons suivantes :– plus encore que beaucoup de gisements exploités actuellement, ceux de l’avenir seront susceptibles d’être, au moins en partie, à trop faible teneur en métal de valeur pour supporter les coûts opératoires d’un broyage et d’une concentration ;– les progrès de la technologie en tas ont permis d’acquérir une certaine maîtrise de l’oxydation de sulfures primaires comme la chalcopyrite, rendant son application extensible à encore plus de ressources.

La biolixiviation en cuve agitée reste une technologie d’opportunités qui ne peut pas remplacer l’utilisation des fonderies pour les métaux de base comme le cuivre pour des installations de grande capacité. En revanche, elle est très compétitive pour des projets de petite ou moyenne dimensions susceptibles d’extension. Ce qui déterminera l’application de cette technologie pour un projet donné est pour une bonne part le prix fixé par les raffineurs pour le traitement par voie pyrométallurgique des concentrés qui peuvent en relever. Le choix dépend de plusieurs paramètres, comme le caractère relativement imprévisible de la valeur du concentré, les pénalités imposées par la présence d’éléments à problème (arsenic, mercure, antimoine, bismuth, etc.), les coûts de transport engendrés par l’éventuel isolement du site de produc-tion et la volonté ou non de produire une substance plus ou moins facilement négociable (carbonate, hydroxyde ou métal pur par exemple).

Enfin, toute implantation d’installation industrielle s’accompagne désormais d’une évaluation très détaillée de ses caractéristiques en termes de développement durable. La rentabilité financière d’un projet est confrontée, au moins à une échelle locale, à une analyse de ses impacts sous tous ses aspects (économiques, sociaux et environnementaux). Dans ce domaine, la biolixiviation a quelques avantages, mais chaque projet a ses particularités et son contexte qui obligent à une analyse spécifique. n

Bioleaching of Sulfide OresBioleaching, or the recovery of metal through implementation of a microbiological process, has become a commercial reality, mobilizing robust procedures that can be adapted to an increasingly wide variety of ores (copper, gold, cobalt, nickel, uranium…). The concept is based on a certain type of interaction between microorganisms and sulfide minerals. The microorganisms depend on the oxidation of sulfides, which extracts the metals contained in these types of matrix. They derive the energy they need to grow and are highly effective at decomposing these minerals. Two techniques of processing by bioleaching are applied at industrial scale. The first consists in forming heaps of summarily crushed ore, then allowing an aqueous solution to percolate through them which inoculates the mineral surfaces and becomes enriched in metal which can be recovered. The second entails milling the ore, extracting the sulfide fraction, and attacking the sulfide concentrate by bioleaching in stirred tanks. Bioheapleaching is mainly used for sulfide copper ores, supergene ores and minerals such as covellite and chalcolite, but certain innovations open up the perspective of attacking primary ores, and accordingly chalcopyrite, the most abundant of them. Refractory gold ores (impervious to direct cyanidation) are mainly processed by bioleaching in aerated and temperature-controlled stirred tank reactors. Since its advent some fifty years ago, bioleaching has been progressing regularly in terms of the number of plants where these two techniques are implemented, helping to confront the inevitable reality of the declining grade of ores and the complexity of deposits currently being or yet to be discovered, while the demand for metals continues to increase unabated.

Références : Clark M.-E., Batty J., van Buuren C., Dew D., Eamon M. – Biotechnology in minerals processing: technological breakthroughs creating value in International Biohydrometallurgical Symposium 2005 Proceedings, Cape Town, South Africa, p. xvii-xxiv. Dopson M., Baker-Austin C., Hind A., Bowman J.-P., and Bond P.-L. – Characterization of Ferroplasma Isolates and Ferroplasma acidarmanus sp. nov., Extreme Acidophiles from Acid Mine Drainage and Industrial Bioleaching Environments. APPLIED AND ENVIRONMENTAL MICROBIOLOGY, Apr. 2004, p. 2079–2088. Eramet 2006, Eramet Reference Document, téléchargé en février 2009 à l’adresse : http://www.eramet.fr/us/PRODUCTION_GALLERY_CONTENT/DOCUMENTS/Investisseurs/uk/ publications/reference_document/2006REFERENCEDOCUMENTERAMET.pdf, 30–31. Parker A., Klauber C., Kougianos A. et al. (2003) – An X-ray photoelectron spectroscopy study of the mechanism of oxidative dissolution of chalcopyrite. Hydrometallurgy, 71, p. 265-276. Sand W., Gehrke T. (2006) – Extracellular polymeric substances mediate bioleaching/biocorrosion via interfacial processes involving iron s(III) ions and acidophilic bacteria. Res. Microbiol., 157, p. 49-56. Vilcáez J., Suto K., Inoue C. (2008) – Bioleaching of chalcopyrite with thermophiles: Temperature–pH–ORP dependence. Int. J. Miner. Process., 88, p. 37-44.

La biolixiviation en cuve agitée reste une technologie d’opportunités. Elle est très compétitive pour des projets de petite ou moyenne dimensions susceptibles d’extension.

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Biodiversités et Géosciences, enjeux pour la connaissance et l’économie

Dans le domaine de la biodiversité comme pour les autres grands enjeux du développement durable

déjà abordés dans notre revue, la prise en compte du point de vue des différentes catégories d’acteurs est essentielle à la définition des objectifs et à la mise en œuvre d’une bonne gouvernance.Trois d’entre eux ont été sollicités pour répondre à la question de la contribution possible des géosciences aux enjeux de la biodiversité : – le directeur en charge du sujet au sein du ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM), un des principaux responsables de l’Année Internationale de la Biodiversité en France ;– la présidente de l’association Orée qui rassemble les entreprises soucieuses d’une gestion intégrée de l’environ-nement ; une association très engagée dans la réflexion sur la dimension économique de la biodiversité ;– une directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), économiste et spécialiste de la biodiversité, qui aborde ce sujet sous l’angle plus général de la pertinence des approches proposées.

Leur point de vue éclaire le sujet sous différents angles, notamment ceux de la connaissance, de l’économie et du marché.

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L'aigle dans son habitat caractéristique, en bordure de falaise rocheuse.An eagle in its characteristic habitat, on the edge of a rocky cliff.© ONF/Ch. Pujos.

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Jean-Claude Vial Directeur adjoint de l’eau et de la biodiversité MEEDDM ; membre du Conseil d’administration du BRGM [email protected]

Renforcer et améliorer la connaissanceDécoulant de la convention sur la diversité biologique établie par le sommet de la Terre à Rio en 1992, l’ONU a proclamé 2010 Année Internationale de la Biodiversité, fixant notam-ment pour objectif de stopper la perte de biodiversité dès 2010. Nous n’y sommes pas parvenus même si cette perte a été ralentie. C’est dire qu’il faut intensifier les actions dans tous les domaines : renforcer et améliorer la

connaissance, sensibiliser aux bonnes pratiques, assurer la préservation des espèces et des espaces. Le Grenelle a permis de marquer des points notamment avec la trame verte et bleue.

Dans cette mobilisation indispensable, les grands établissements scientifiques ont un rôle essentiel à jouer : celui de renforcer la connais-sance, de recommander de bonnes pratiques. Pour le spécialiste des géosciences qu’est le BRGM la biodiversité est au cœur de ses interven-tions car la diversité des espèces repose avant tout sur la richesse des habitats, des sols, du sous-sol. Il faut d’abord renforcer la connais-sance de la vie à travers le passé notamment grâce aux Réserves naturelles géologiques qui ont une mission essentielle de sensibilisation et de connaissance. Natura 2000 est le grand outil européen de préservation de la biodiversité avec 1600 sites désignés et des actions concrètes de protection de l’habitat et des espèces. Ces actions peuvent être très diverses : protéger l’aigle de Bonelli, c’est d’abord sauvegarder son habitat, les falaises, sauver le hamster d’Alsace c’est préserver les sols de la monoculture et de l’urbanisation. Ces thématiques rencontrent donc les spécialités d’un organisme tel le BRGM qui met en avant de bonnes pratiques comme par exemple la prise en charge des chauves-souris dans sa politique de l’après-mine. La préservation de la nature doit être intégrée dans les compor-tements quotidiens le plus en amont possible, évitant ainsi les mesures correctrices toujours plus difficiles à mettre en œuvre et donc plus coûteuses. Il faut globalement agir sur trois niveaux : éviter, réduire, compenser.

Avec le Grenelle, on a senti une mobilisation sensible de tous les acteurs qui permet d'être optimiste dans cette lutte en faveur de la biodiversité. La France va d’ailleurs faire des propositions en fin année visant à renforcer cette mobilisation aux niveaux européen et international.

Les anciennes cavités minières constituent des gîtes privilégiés pour les chauves-souris (une espèce en voie de disparition).Disused mining caves afford favorite shelters for bats (an endangered species). © ONF/Ph. Lacroix.

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Ghislaine HiersoPrésidente de l’Association Orée(1)

[email protected]

Inscrire la biodiversité dans l’économie des entreprises

La défense de la biodiversité s’inscrit naturelle-ment dans les préoccupations des entreprises. Comment pourrait-il en être autrement alors que l’économie et la société sont totalement interdépendantes vis-à-vis de la biosphère ? L’interaction avec le monde vivant nous est vitale : la totalité de nos aliments ainsi qu’une large partie de nos médicaments et des matériaux qui constituent notre habitat sont issus du vivant. Même les énergies fossiles, les calcaires ou notre atmosphère sont des legs de la biodiversité passée.

Le groupe de travail « Entreprises et biodiversité », initié en 2006 et co-présidé par Mathieu Tolian (Veolia Environnement) et Jacques Weber (CIRAD, ex-directeur de l’IFB (2), a montré que les

entreprises dépendent de la biodiversité pour 30 à 100 % des matières premières et 30 % des technologies qu’elles utilisent. Par exemple, le traitement des déchets, des eaux usées ou la dépollution des sols contaminés utilisent essen-tiellement des mécanismes écosystémiques pour dégrader les matières organiques.

La protection des sols et de leur biodiversité devrait, en particulier, être mise au cœur des priorités des acteurs économiques. Les sols, producteurs de biomasse, constituent une ressource rare et un véritable socle de la biodi-versité. Un quart de la biodiversité globale s’y trouve avec un rôle vital pour la formation et l’entretien de sa structure mais aussi pour les cycles biogéochimiques nécessaires à la crois-sance des végétaux, le transport de la matière organique, l’émission ou la séquestration de gaz à effet de serre. Actuellement, diverses acti-vités économiques, et pas uniquement l’agriculture, contribuent à leur dégradation à travers les changements d’usages, la pollution,

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l’érosion accélérée, le tassement, les modifi-cations des teneurs en matière organique, la fragmentation des habitats…

En mai 1972, le Conseil européen adoptait une charte sur les sols soulignant la nécessité d’une réglementation communautaire sur ce sujet. Pourtant, depuis, aucun traité international opposable, ni aucun texte communautaire n’ont vu le jour, malgré les efforts de la Commission, du Parlement et d’une majorité d’États Membres. Au même titre que l’air et l’eau, il est primordial que le sol fasse enfin l’objet d’une protection réglementaire et harmonisée.

(1) – Créée en 1992, l’Association rassemble entreprises, collecti-vités territoriales et associations pour développer une réflexion commune et mettre en œuvre des solutions concrètes pour gérer l’environnement à l’échelle des territoires de manière inté-grée. www.oree.org

(2) – L’Institut français de la biodiversité (IFB) a été fusionné avec le Bureau des ressources génétiques en 2008 pour consti-tuer la Fondation de la recherche pour la biodiversité (FRB)

Le sol conditionne la biodiversité naturelle et cultivée (plaines alluviales et coteaux de Dordogne, France).Soils have a determining effect on the biodiversity of both natural and cultivated species (alluvial plains and hillsides in the French Dordogne Department).© INRA/Ch. Maitre.

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Catherine AubertinÉconomiste, directrice de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD) [email protected]

Les métaphores économiques de la biodiversité

L’économie de la biodiversité est marquée par une évolution significative de la sémantique et des métaphores utilisées. Le terme de biodiver-sité est apparu dans le grand public dans les années 1980, avant la Conférence de Rio où a été signée la Convention sur la diversité biolo-gique. Il s’agissait de « gérer » la biodiversité devenue objet de convoitise entre un Nord riche en technologie et un Sud abondant en ressources biologiques. Un marché des ressources génétiques a alors été promu. L’expression « le vivant » apparaît vers 1990 quand les progrès scientifiques s’accompagnent de l’extension des droits de propriété intellectuelle sur les innovations biotechnologiques. On parle aussi de stock de « capital naturel » pour désigner la nature, ce qui sous-entend que le capital financier créé par les hommes pourrait se substituer à la

perte de capital naturel (ce que les économistes appellent la soutenabilité faible, par opposition à la soutenabilité forte qui prend en compte les risques d’irréversibilité). Depuis la publication du Millennium Ecosystem Assessement en 2005, le terme « services environnementaux » désigne couramment les fonctions des écosys-tèmes assimilées à un flux de services marchands. Une fois les droits de propriété établis, des prix sont fixés et la régulation par le marché est alors présentée comme une solution pour conserver la biodiversité.

Une nouvelle métaphore s’est affirmée après Copenhague notamment lors des négociations sur le mécanisme REDD (réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts). Symbole de la biodiversité, les forêts seraient alors réduites à une fonction de stockage de carbone. Leur rôle comme infrastructures de captage des flux est plus controversé, mais les forêts tropicales pour-

raient absorber 18 % des émissions humaines annuelles. Ce carbone « forestier » pourrait rejoindre le marché européen du carbone « industriel » issu de Kyoto. Les grands pays forestiers s’organisent pour transformer leurs forêts en crédits carbone susceptibles d’être valorisés en bourse.

Les relations des hommes avec la biodiversité sont bien entrées dans le marché !

En Guyane, la biodiversité forestière est très directement reliée à la diversité des formations géologiques comme l’a bien montré le survol géophysique de la canopée.In French Guiana, forest diversity relates quite directly to the diversity of geological formations, as clearly revealed by a geophysical overflight of the canopy.© Naturimage

Les milieux extrêmes (ici geyser islandais) hébergent souvent des archébactéries offrant des possibilités d'application industrielle.Extreme environments (here, a geyser in Iceland) often harbour archaebacteria liable to offer industrial application facilities.© Fotolia

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> Les plus anciennes traces de vie identifiées sont datées de 3,3 à 3,5 milliards d’années.

> La masse totale de matière organique livrée à la Terre par le biais de micrométéorites pendant la période de 200 millions d’années de bombardement intensif entre 4 et 3,8 milliards d’années avant notre ère représenterait une couche de 40 m.

> Avant la crise actuelle, 5 grandes crises de biodiversité ont caractérisé les temps géologiques : – à la fin de l’Ordovicien, il y a 445 Ma,– au cours du Dévonien supérieur vers - 375 Ma,– à la fin du Permien (- 250 Ma, crise la plus

marquée), – à la fin du Trias (- 200 Ma),– à la fin du Crétacé supérieur (- 65 Ma,

crise la plus connue avec la « fin des Dinosaures »).

> On ne retrouve in fine, préservés dans les roches sédimentaires, que quelques millièmes ou fractions de millièmes de la variété initiale des espèces fossiles.

> Le plus grand tas de minerai traité par biolixiviation, est de plus d’un milliard de tonnes, 5 km de long, 130 m de haut, 2 km de large (mine de cuivre d’Escondida, Chili). > pH extrêmes. Certains micro-organismes acidophiles peuvent croître à des pH négatifs.En milieu alcalin, d’autres peuvent se reproduire à des pH supérieurs à 11,5.

> La biomasse la plus importante de la Terre est faite de micro-organismes :– 1 g de yaourt contient 109 bactéries,– 1 g de terre contient 25 x 109 bactéries

(4 fois plus que d’hommes sur Terre),– 1 g de fèces contient 1012 bactéries

(autant de cellules que dans le cerveau).

Un intestin humain contient 1014 cellules de micro-organismes (10 fois plus que le nombre de cellules qui constituent notre corps).

> Seulement 1 % des micro-organismes présents sur terre sont connus à ce jour.

> La totalité du carbone des procaryotes (bactéries et archées) représente 60 à 100 % du carbone contenu dans la totalité des plantes.

> La température la plus élevée supportée par un organisme vivant (le Pyrodictium) est de 121 °C

> La tolérance des organismes aux radiations :– un homme meurt à une exposition

au-delà de 10 Gray,– des micro-organismes sont radio-résistants

à 5 000 Gray,– certains ont même survécu à 20 000 Gray.

> Le Minéral et le Vivant. Aujourd’hui, la Terre compte plus de 4 400 espèces minérales, dont 1 500 apparues avant la vie, au cours de formation de la Terre.Les 2/3 restants ont été créés, depuis plus de 2 milliards d'années, grâce à l'activité d’organismes vivants.(Source : Pour la Science, juin 2010)

chiffres clés

chiffres clés

La dalle à ammonites de la Réserve de Haute-Provence (France), construction biologique témoin de la riche biodiversité jurassique disparue.The ammonite slab in the Haute-Provence Nature Reserve (France), a biological structure attesting to rich but extinct biodiversity during Jurassic times© videos2provence.over-blog.com

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PROMINEInventaire des ressources et amélioration des procédés pour une industrie minérale européenne innovanteL’objectif principal du projet PROMINE coor-donné par le Service géologique finlandais (GTK) est d’inciter l’industrie minérale extrac-tive européenne à s’investir de façon plus significative dans la production de matériaux innovants à haute valeur ajoutée et à mettre en œuvre des traitements des minerais plus éco-efficaces particulièrement par voie bio-technologique. Le BRGM est impliqué dans le développement de bases de données des ressources minérales primaires et secondaires et la mise au point de procédés de biolixi-viation visant l’exploitation de ressources minérales non valorisables par les procédés conventionnels.

http://promine.gtk.fiContact : [email protected]

CPER ArtenayCapture et stockage du CO2 : une filière de production de biocarburants plus efficace

Inscrit au Contrat de Projets État Région 2007-2013 (cofinancement BRGM, FEDER, région Centre, DRRT) le projet Artenay 2008-2010 est réalisé en partenariat par le BRGM (porteur du projet), l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans, le Laboratoire d’Économie d’Orléans et GEOGREEN (sous-traitant), avec la collaboration de la sucrerie-distillerie d’Artenay (Loiret). Ce projet doit identifier les conditions géologiques, techniques et écono-miques qui permettraient au captage et stockage du CO2 de rendre encore plus efficace la filière de production de biocarburants au regard des réductions des émissions des gaz à effet de serre.

Les études géologiques et techniques ne concernent que la partie stockage et se divisent en trois étapes majeures : caractérisation hydro-géologique et modélisation 3D de l’aquifère cible (Keuper) ; vérification des capacités de stockage, de l’injectivité et dimensionnement des installations ; et enfin analyse de la péren-nité et de l’impact à long terme du stockage. En parallèle, les études économiques et environnementales ont pour but l’évaluation coûts-bénéfices de la capture et stockage du CO2 provenant de la synthèse de biocarburants à partir de la betterave à sucre en fonction des contraintes techniques et géologiques impo-sées. Une des rares voies permettant de nettoyer l’atmosphère (bilan négatif des émissions de GES) [ndlr].

Contact : [email protected]

BIOCRUSTLes écosystèmes sahéliens sous observationBIOCRUST est un projet ANR (Agence natio-nale de la Recherche) « Vulnérabilité Milieux Climats Société » multipartenaire (université de Reims, IRD, SIRS, INRA, BRGM). Son objectif principal est d’utiliser les croûtes biologiques de surface (BSC) ou croûtes microbiotiques qui résultent de la colonisation de la surface du sol par des micro-organismes, comme un indicateur de dégradation des écosystèmes sahéliens face aux changements climatiques et aux changements d’usage des terres. Des sites d’études ont été choisis au Niger, Mali et Burkina Faso afin d’étudier la nature et la dynamique spatio-temporelle des BSC dans des contextes climatiques et d’usage des ter-res contrastés. À l’échelle locale, l’étude des BSC vise tout d’abord à en déterminer les

différents types (biodiversité bactérienne, organisation…) et à quantifier leurs fonctions écologiques (flux génétiques, cycle des élé-ments, érosion...). Dans un deuxième temps, des outils de cartographie de la répartition des croûtes seront élaborés afin d’établir des budgets spatialisés de ces fonctions écologi-ques à l’échelle régionale.

http://www.biocrust.orgContact : [email protected]

BIOPRO TAPSS 2000La biosphère profonde in vitroCe projet vise à caractériser la microflore bactérienne d’un environnement souterrain profond (- 600 m à - 2 000 m) dans le cadre d’une étude menée par l’ANDRA dans le Trias du Bassin parisien. Les travaux sont réalisés sur des carottes issues d’un forage effectué en 2008. L’objectif est de rechercher la présence éventuelle de bactéries et archées indigènes des couches géologiques traversées par le forage, du Callovo-Oxfordien au Trias inférieur, de les identifier et de caractériser leurs capacités métaboliques, notamment aux températures et pressions in situ. Pour cela, des incubateurs innovants permettant de repro-duire les conditions de pression (> 100 Bar) et de température (60 à 80 °C) des environne-ments souterrains sont développés et utilisés pour la mise en culture de bactéries et d’échantillons environnementaux.La connaissance précise de la biosphère profonde est essentielle, notamment pour réduire les risques industriels et maîtriser les coûts dans le cadre de la mise en valeur du sous-sol.

Contact : [email protected]

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Illustration schématique des bénéfices environnementaux de la filière Biomasse + Capture et Stockage du CO2. © BRGM.

Modèle géologique 3D de la région d’Artenay, Loiret, France. © BRGM

Site d'échantillonnage de croûtes microbiotiques en zone de brousse nigérienne. © F. Garrido (2009)

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à mettre en place et gérer une politique minière,• répondre aux nouveaux enjeux de l’industrie

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L’auteur du Tour de France d’un géologue nous invite à voyager aucœur d’une multitude de paysages bouleversés par de grandsphénomènes géologiques. Cette « encyclopédie visuelle » réunit à elleseule une extraordinaire diversité de paysages tant par leurs formes etleurs dimensions que par leurs palettes de couleurs.

PaysagesItinéraires d’un géologue

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N° 11 > juiLLET 2010 > 8

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la Loire, Agent géologique

prochain numéro novembre 2010

La géologie détermine le cours du fleuve et les paysages naturels et construits.

Geology determines the rivercourse and natural and built landscapes.

© David Darrault.

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