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Samedi 22 mars 2014 - 70 e année - N˚21516 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède L a crise de Crimée est en passe de créer entre les Russes et les Occiden- taux un moment de hau- te tension, comme il n’y en a pas eu beaucoup depuis la fin de l’Union soviétique. Quelle que soit leur efficacité, les sanctions annoncées, jeudi 20 mars à Washington, mar- quent un net durcissement du ton des Etats-Unis à l’encontre de la Russie. Elles ciblent certains des plus proches collaborateurs de Vladimir Poutine – son chef d’état-major, notamment – et la banque Rossia, l’établissement financier de l’entourage du prési- dent. Les uns et les autres voient, s’ils en ont, leurs avoirs gelés aux Etats-Unis, et limitées leurs possi- bilités de transaction en dollars. Réunis à Bruxelles, les vingt- huit dirigeants de l’Union euro- péenne devaient donner, ven- dredi 21 mars, un tour de vis sup- plémentaire aux sanctions, plu- tôt symboliques, qu’ils avaient déjà prises. En revanche, la jour- née de jeudi a marqué un sérieux coup de froid entre Washington et Moscou – sans doute un des moments les plus conflictuels depuis 1991. Ces vingt-trois ans peuvent se diviser en trois périodes. La pre- mière court jusqu’en 1999. C’est l’ère Eltsine. Elle fut marquée par un pluralisme sans précédent, en particulier médiatique, même s’il servit des intérêts par- ticuliers : un programme de pri- vatisations manipulé, tronqué, au bénéfice exclusif d’une poi- gnée d’hommes proches du pou- voir, enrichis à grande vitesse. Endettée jusqu’au cou, la Russie est alors trop faible pour peser sur la scène internationale. Pen- dant ce temps, les Etats-Unis vivent dans la félicité économi- que des années Clinton. L’arrivée de Vladimir Poutine au pouvoir en 1999 marque le début de la revanche intérieure des services de sécurité, et en par- ticulier de l’ancien KGB. Au prix d’une deuxième guerre de Tchét- chénie aussi terrifiante que la première, d’un démantèlement de la chaîne de télévision privée NTV, de l’emprisonnement pour l’exemple de l’homme d’affaires et opposant Mikhaïl Khodorko- vski, un pouvoir vertical est ins- tauré. Les libertés publiques se réduisirent. La bureaucratie devient la colonne vertébrale de la corruption. Les premiers grands désac- cords avec les Etats-Unis se dessi- nèrent dans les Balkans, autour de la guerre au Kosovo, jugée illé- gitime, puis de celle en Irak, mal- gré la collaboration contre le ter- rorisme islamiste dans l’après- 11-Septembre. Plus générale- ment, l’avancée de l’OTAN vers ses frontières suscite la colère de la Russie, qui se sent encerclée. Une colère renforcée par les « révolutions de couleur », en Ukraine notamment, derrière lesquelles Moscou imagine la main de Washington. En 2008, la guerre en Géorgie, alliée de longue date des Etats- Unis, marque la première affir- mation de la puissance russe à l’extérieur de ses frontières. Cet- te nouvelle pente devient plus raide avec le retour de M. Pouti- ne au Kremlin, en 2012. Il impo- se sa vision de l’avenir de la Rus- sie : recréer une zone de tutelle autour du pays ; assumer une attitude de revanche morale et historique sur l’« humiliation » de 1991… L’annexion de la Crimée s’ins- crit dans cette perspective. La Russie se sent forte, cours élevés du gaz et du pétrole aidant. Son appareil militaire est en pleine rénovation. Populaire à l’inté- rieur, M. Poutine n’aime rien tant que s’opposer à l’extérieur. Mais il n’est pas sûr qu’il sorte renforcé d’un long affronte- ment avec les Etats-Unis. p DES CYBERESPIONS FRANÇAIS DÉMASQUÉS PAR LE CANADA INTERNATIONAL PAGES 2-3 LE VA-TOUT DE BOUYGUES POUR ARRACHER SFR CAHIER ÉCO PAGES 2-3 « La Naissance de Vénus », de Botticelli Nous poursuivons notre exploration des chefs-d’œuvre de la peinture. Cette semaine, un tableau emblématique de Sandro Botticelli, conservé à Florence. EN VENTE EN KIOSQUES EN FRANCE MÉTROPOLITAINE ET EN BELGIQUE Jeux « olympiques » dans le Grand Nord La petite ville de Fairbanks, en Alaska, accueille les 23 es Jeux arctiques d’hiver. Deux mille athlètes s’affrontent jusqu’au 23 mars au basket ou au volley, mais aussi au « tiré d’oreille » ou au « coup de pied en l’air », disciplines inuites. Notre reporter, Simon Roger, raconte ces Jeux méconnus. SUPPLÉMENT LE FN ET LA CULTURE : TOUT UN PROGRAMME CULTURE & IDÉES SUPPLÉMENT Bronx Agence. Photos : Matteo Treglia, Mitre de San Gennaro, 1713 - Naples, Museo del Tesoro di San Gennaro © Matteo D’Eletto ; Pierre-Jacques Volaire, L’éruption du Vésuve, 1771 - Le Havre, Musée d’Art Moderne André Malraux – MuMA © Florian Kleinefenn. Un pacte millénaire, un mystère inexplicable, pour la première fois en dehors d’Italie Les joyaux de San Gennaro OUVERT - Tous les jours de 10h30 à 19h NOCTURNE - Le vendredi jusqu’à 21h30 59-61 rue de Grenelle Paris 7 e Rue du Bac L’armée française tue quarante djihadistes dans le nord du Mali Depuis trois semaines, les forces françaises ont lancé plusieurs opérations contre les combattants d’Al-Qaida au Maghreb islamique. Plusieurs cadres d’AQMI ont été tués, dont Abdelwaheb Al-Harrachi, le successeur d’Abou Zeid. INTERNATIONAL – PAGE 6 Eau et énergie, unis pour le meilleur et pour le pire Dans un rapport publié vendre- di 21 mars pour la Journée mon- diale de l’eau, l’ONU met en évi- dence « l’interdépendance eau- énergie ». Extraction de gaz ou de pétrole, refroidissement des centrales, production d’agrocar- burants : les défis sont majeurs. PLANÈTE – PAGE 8 ÉDITORIAL Nicolas Sarkozy crie au complot pour mobiliser la droite AUJOURD’HUI Washington-Moscou: grand coup de froid LE MUSÉE DU « MONDE » SPORT & FORME t L’ancien président contre-attaque violemment dans « Le Figaro », à la veille des municipales t Sa comparaison avec les écoutes de la Stasi est jugée « insupportable » par François Hollande Les dirigeants européens, réunis à Bruxelles, le 20 mars. YVES HERMAN/REUTERS N icolas Sarkozy a rompu le silence de manière fracassante. A la veille des élec- tions municipales, l’ex-chef de l’Etat s’est adressé à ses partisans dans une tribune publiée par Le Figaro vendredi 21 mars. Placé sur écoutes téléphoniques judiciaires et soup- çonné de trafic d’influence, l’ancien président débute sa lettre par une série de dénégations : « Je n’éprouve nul désir de m’impliquer aujour- d’hui dans la vie politique de notre pays, je ne suis animé par aucune velléité de revanche et ne ressens nulle amertume ». Il prend la parole pour dénoncer des « coups tordus et des manipu- lations grossières », attaque Manuel Valls, Chris- tiane Taubira et le Syndicat de la magistrature, et cible François Hollande sans le nommer. Ecouté dans le cadre d’une enquête sur le financement supposé de sa campagne par Kad- hafi en 2007, M. Sarkozy compare son sort à celui des victimes de la Stasi, la police politique de l’ex-RDA. François Hollande a répliqué que « toute comparaison avec des dictatures est for- cément révoltante ». La riposte de M. Sarkozy vise à conforter ses soutiens auprès des mili- tants de l’UMP, alors qu’une partie des barons de la droite, dont Alain Juppé, veut empêcher son retour en 2017. p LIRE PAGES 10-11 M LE MAGAZINE DU « MONDE » UNIQUEMENT EN FRANCE MÉTROPOLITAINE, EN BELGIQUE ET AU LUXEMBOURG RUSSIE : OBAMA SANCTIONNE, L’EUROPE HÉSITE t Les proches collaborateurs de Poutine sont interdits de séjour aux Etats-Unis et leurs avoirs y sont bloqués t L’UE signe un accord politique avec l’Ukraine, mais ne vote pas de sanctions économiques contre la Russie LIRE PAGES 4 ET 6 UK price £ 1,80 Nicolas Ghesquière Le génie de Vuitton t A 42 ans, le créateur a pris la tête de la plus grande maison de luxe du monde Algérie 150 DA, Allemagne 2,40 ¤, Andorre 2,20 ¤, Autriche 2,50 ¤, Belgique 3,80 ¤, Cameroun 1 800 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d’Ivoire 1 800 F CFA, Croatie 19,50 Kn, Danemark 30 KRD, Espagne 2,30 ¤, Finlande 3,80 ¤, Gabon 1 800 F CFA, Grande-Bretagne 1,80 £, Grèce 2,40 ¤, Guadeloupe-Martinique 2,20 ¤, Guyane 2,50 ¤, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,40 ¤, Italie 2,40 ¤, Liban 6500 LBP, Luxembourg 3,80 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,40 ¤, Portugal cont. 2,30 ¤, La Réunion 2,20 ¤, Sénégal 1 800 F CFA, Slovénie 2,50 ¤, Saint-Martin 2,50 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,40 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,40 DT, Turquie 9 TL, USA 4,50 $, Afrique CFA autres 1 800 F CFA

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Samedi 22 mars 2014 - 70e année - N˚21516 - 3,80 ¤ - Francemétropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice: Natalie Nougayrède

La crise de Crimée est enpasse de créer entre lesRusses et les Occiden-taux unmoment de hau-

te tension, commeiln’y enapaseu beaucoup depuis la fin del’Union soviétique.

Quelle que soit leur efficacité,les sanctions annoncées, jeudi20mars à Washington, mar-quent un net durcissement dutondesEtats-Unisà l’encontredela Russie. Elles ciblent certainsdes plus proches collaborateursde Vladimir Poutine – son chef

d’état-major, notamment – et labanque Rossia, l’établissementfinancierdel’entourageduprési-dent. Lesuns et les autres voient,s’ils enont, leursavoirsgelésauxEtats-Unis,et limitéesleurspossi-bilitésde transactionendollars.

Réunis à Bruxelles, les vingt-huit dirigeants de l’Union euro-péenne devaient donner, ven-dredi21mars,untourdevissup-plémentaire aux sanctions, plu-tôt symboliques, qu’ils avaientdéjà prises. En revanche, la jour-née de jeudi a marqué unsérieux coup de froid entreWashington et Moscou – sansdoute un des moments les plusconflictuels depuis 1991.

Ces vingt-trois ans peuvent sediviser en trois périodes. La pre-mière court jusqu’en 1999. C’estl’èreEltsine.Ellefutmarquéeparun pluralisme sans précédent,en particulier médiatique,mêmes’il servit des intérêtspar-ticuliers: un programmede pri-vatisations manipulé, tronqué,au bénéfice exclusif d’une poi-gnéed’hommesprochesdupou-voir, enrichis à grande vitesse.Endettée jusqu’au cou, la Russieest alors trop faible pour pesersur la scène internationale. Pen-dant ce temps, les Etats-Unisvivent dans la félicité économi-quedes annéesClinton.

L’arrivée de Vladimir Poutineau pouvoir en 1999 marque ledébut de la revanche intérieuredesservicesdesécurité,etenpar-ticulier de l’ancien KGB. Au prixd’unedeuxièmeguerredeTchét-chénie aussi terrifiante que lapremière, d’un démantèlementde la chaîne de télévision privéeNTV,de l’emprisonnementpourl’exemplede l’hommed’affaireset opposant Mikhaïl Khodorko-vski, un pouvoir vertical est ins-tauré. Les libertés publiques seréduisirent. La bureaucratiedevient la colonne vertébrale dela corruption.

Les premiers grands désac-cordsaveclesEtats-Unissedessi-nèrent dans les Balkans, autour

delaguerreauKosovo,jugéeillé-gitime,puisdecelle en Irak,mal-gré la collaborationcontre le ter-rorisme islamiste dans l’après-11-Septembre. Plus générale-ment, l’avancée de l’OTAN versses frontières suscite la colèredela Russie, qui se sent encerclée.Une colère renforcée par les« révolutions de couleur», enUkraine notamment, derrièrelesquelles Moscou imagine lamaindeWashington.

En2008, laguerreenGéorgie,alliée de longue date des Etats-Unis, marque la première affir-mation de la puissance russe àl’extérieurdeses frontières.Cet-te nouvelle pente devient plusraide avec le retour deM.Pouti-ne au Kremlin, en 2012. Il impo-se savisionde l’avenirde laRus-sie : recréer une zone de tutelleautour du pays ; assumer uneattitude de revanche morale ethistorique sur l’«humiliation»de 1991…

L’annexionde laCrimée s’ins-crit dans cette perspective. LaRussie se sent forte, cours élevésdu gaz et du pétrole aidant. Sonappareil militaire est en pleinerénovation. Populaire à l’inté-rieur, M.Poutine n’aime rientant que s’opposer à l’extérieur.Mais il n’est pas sûr qu’il sorterenforcé d’un long affronte-ment avec les Etats-Unis.p

DES CYBERESPIONS FRANÇAISDÉMASQUÉS PAR LE CANADAINTERNATIONAL–PAGES 2-3

LE VA-TOUT DE BOUYGUESPOUR ARRACHER SFRCAHIER ÉCO–PAGES 2-3

«LaNaissance deVénus», de BotticelliNouspoursuivonsnotreexplorationdeschefs-d’œuvrede lapeinture.Cettesemaine,untableauemblématiquedeSandroBotticelli, conservéàFlorence.ENVENTEENKIOSQUESENFRANCEMÉTROPOLITAINEETENBELGIQUE

Jeux«olympiques»dans leGrandNordLapetite villede Fairbanks,enAlaska, accueille les 23es Jeuxarctiquesd’hiver.Deuxmilleathlètes s’affrontent jusqu’au23mars aubasketou auvolley,mais aussi au «tiréd’oreille»ouau«coupdepieden l’air»,disciplines inuites.Notrereporter, SimonRoger, raconteces Jeuxméconnus.SUPPLÉMENT

LE FN ET LA CULTURE :TOUT UN PROGRAMMECULTURE&IDÉES–SUPPLÉMENT

★BronxAgence.Photos:MatteoTreglia,Mitre

deSanGennaro,1713-Naples,MuseodelTesorodiSanGennaro©

MatteoD

’Eletto;Pierre-JacquesVolaire,L’éruptionduVésuve,1771-

LeHavre,Muséed’ArtM

oderneAndréM

alraux–

MuMA

©FlorianKleinefenn.

Un pacte millénaire, un mystère inexplicable,pour la première fois en dehors d’Italie

Les joyauxde San Gennaro

OUVERT - Tous les jours de 10h30 à 19hNOCTURNE - Le vendredi jusqu’à 21h3059-61 rue de Grenelle Paris 7e Rue du Bac

L’armée française tuequarante djihadistesdans le nord duMaliDepuis trois semaines, lesforces françaises ont lancéplusieursopérations contreles combattantsd’Al-QaidaauMaghreb islamique. Plusieurscadresd’AQMIont été tués,dontAbdelwahebAl-Harrachi,le successeurd’AbouZeid.INTERNATIONAL–PAGE 6

Eau et énergie,unis pour lemeilleuret pour le pireDansunrapportpubliévendre-di 21marspour la Journéemon-dialede l’eau, l’ONUmetenévi-dence«l’interdépendanceeau-énergie». Extractiondegazoudepétrole, refroidissementdescentrales,productiond’agrocar-burants: lesdéfis sontmajeurs.PLANÈTE –PAGE 8

ÉDITORIAL

NicolasSarkozycrieaucomplotpourmobiliserladroite

AUJOURD’HUI

Washington-Moscou:grandcoupdefroidLE MUSÉEDU «MONDE»

SPORT&FORME

tL’ancienprésidentcontre-attaqueviolemmentdans«LeFigaro», à laveilledesmunicipalestSacomparaisonavec lesécoutesde laStasiest jugée«insupportable»parFrançoisHollande

Les dirigeantseuropéens,

réunisàBruxelles,le 20mars.

YVES HERMAN/REUTERS

N icolas Sarkozy a rompu le silence demanière fracassante. A la veille des élec-tions municipales, l’ex-chef de l’Etat

s’est adressé à ses partisans dans une tribunepubliée par Le Figaro vendredi 21mars. Placésur écoutes téléphoniques judiciaires et soup-çonné de trafic d’influence, l’ancien présidentdébute sa lettre par une série de dénégations:«Je n’éprouve nul désir de m’impliquer aujour-

d’hui dans la vie politique de notre pays, je nesuisaniméparaucunevelléitéde revancheetneressens nulle amertume». Il prend la parolepourdénoncerdes«coupstordusetdesmanipu-lationsgrossières»,attaqueManuelValls,Chris-tiane Taubira et le Syndicat de lamagistrature,et cible FrançoisHollande sans lenommer.

Ecouté dans le cadre d’une enquête sur lefinancementsupposédesacampagneparKad-

hafi en 2007, M.Sarkozy compare son sort àceluides victimesde la Stasi, lapolicepolitiquede l’ex-RDA. François Hollande a répliqué que«toute comparaisonavec des dictatures est for-cément révoltante». La riposte de M.Sarkozyvise à conforter ses soutiens auprès des mili-tants de l’UMP, alors qu’une partie des baronsde la droite, dont Alain Juppé, veut empêcherson retour en 2017.p LIRE PAGES10-11

M ●LEMAGAZINEDU«MONDE»UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,ENBELGIQUEETAULUXEMBOURG

RUSSIE :OBAMASANCTIONNE,L’EUROPEHÉSITEt Lesprochescollaborateurs dePoutine sont interditsde séjour auxEtats-Unis et leursavoirs y sontbloqués

t L’UE signeunaccordpolitique avecl’Ukraine,maisnevotepasde sanctionséconomiquescontre laRussie

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Espionnage et surveillance

Laposturedevictimeaffi-chée par la Francedepuis les révélationssur les activités de laNSA à son encontre ris-que d’être de moins en

moins crédible. Les autorités fran-çaises,quiaimentalerter l’opinionsur les dangers quimenacent sanscessenos secrets d’Etat ou ceux denos secteurs stratégiques, ont étéprises la main dans le sac d’unespionnage tous azimuts visantdespays aussi bienamisque jugésdangereux.

Les services secrets canadienssuspectent en effet leurs homolo-gues français d’être derrière unevaste opération de piratage infor-matique, qui aurait débuté en2009 et se poursuivrait toujours,grâce àun implant espion.

L’attaque viserait en premierlieu une demi-douzaine d’institu-tions iraniennes liées auprogram-me nucléaire de ce pays. Elleconcernerait aussi, selon la noteinterneque LeMonde a pu consul-ter, des cibles n’ayant aucun liendirectaveclaluttecontrelaprolifé-ration nucléaire. Les servicessecrets canadiens relèvent la pré-sencedecet implantauCanada,enEspagne,enGrèce, enNorvègeain-si qu’enCôted’Ivoire et enAlgérie.

Plussurprenant,cetespionnageinformatiqued’Etat a été, selon lesCanadiens,utilisécontredesobjec-tifs en France, ce qui constitueraitunesérieuseentorseauxrèglesquiprévalent sur le territoire de com-pétence des services secrets fran-çais. Le seul service disposant del’expertise technique capable deconduire une telle opération, laDirectiongénéraledesécuritéexté-rieure (DGSE) n’agit, officielle-ment, qu’à l’extérieur de nos fron-tières. Souvent soupçonnée,notammentpar certainsmembresde la Direction centrale du rensei-gnement intérieur (DCRI), d’éten-dresesactionsenFrance, laDGSEatoujoursdémenti.

Ledocumentrévélantcetteaffai-re émane du Centre de la sécuritédes télécommunications du Cana-da(CSEC),lesservicessecretstechni-ques du pays. Il a été extrait desarchives de l’Agence nationale desécurité américaine (NSA), par sonex-consultant Edward Snowden.Daté de 2011, il semble avoir étéconçu pour exposer, au sein duCSEC, les détails d’une traquemenée, avec succès, contre unearme informatique offensiveayant,danscecas,permisd’incrimi-ner la France. Cemémodidactiquefournit les caractéristiques techni-ques de l’implant et indique, avecplusoumoinsdeprécision,quellesontété lesciblesavantde livrersonverdict sur sonpropriétaire.

«Nous estimons, avec un degrémodéré de certitude, conclut leCSEC, qu’il s’agit d’une opérationsur des réseaux informatiques sou-tenue par un Etat et mis en œuvrepar une agence française de rensei-gnement.» Dans un univers où lacertitude absolue n’existe pas enmatière d’attribution d’attaqueinformatique et où l’on retient,généralement, plusieurs possibili-tés même si des soupçons sontétayés, cette seule hypothèse, fai-sant un lien direct avec une puis-sance étatique, est assez rare. Uneconclusionquiad’ailleursétéparta-géeaveclesquatreautresmembresdu cercle fermé appelé les «FiveEyes»quiréunitlesservicessecretsaméricains, britanniques, austra-liens, canadiensetnéo-zélandais.

La chasse a débuté, d’après leCSEC, en novembre2009, lorsquelesexpertscanadiensontdétectélaprésence d’un implant suspectdont leprofiln’acessédesesophis-tiqueraufildesannées.Lesservicessecrets français se seraient intéres-sés, enpriorité, àdes cibles iranien-nes intervenant à des niveauxdivers dans le processus d’obten-tiondelatechnologienucléaireparTéhéran. Aux côtés du ministèredes affaires étrangères iranien,apparaissent quatre institutions:l’universitédescienceetdetechno-logie d’Iran, l’Organisation del’énergie atomiqued’Iran, l’organi-sationpour la recherche iraniennepour les sciences technologiques(université Imam-Hossein, Téhé-ran) et l’université Malek-Ashtar(Téhéran). Ces établissements sontsous le contrôle strict des servicesdesécurité iraniens.

Les services secrets françaissont loin d’être les seuls à tra-vaillerainsisur l’Iran.Leurshomo-logues israéliens et leurs prochesalliés américains en ont faitdepuis longtemps une priorité etdisposent de moyens techniquesimportants. Selon une sourceissuedelacommunautédurensei-gnement français, confirmée parun diplomate en poste à Paris tra-vaillant sur l’Iran, la France était,jusqu’alors, davantage connuepour tirer son information sur cepays des éléments transmis parTel-Aviv et Washington que de sacollecte propre. «Que Paris puisse

agir demanière autonome, et nonplus en “coauteur”,montre les pro-grès réalisés, entre2006 et 2010,par les Français en matière d’atta-ques informatiques grâce auxinvestissements et aux embauchesfaites par la direction technique dela DGSE», ajoute l’une de ces deuxsources interrogéespar LeMonde.

Désormais, selon le mêmeexpert, la France serait donc àmême de rentrer dans une formede troc avec ses alliés. «Après avoircollecté assez d’informations sensi-bles, on peut alors commencer à

échangeravecnosamisaméricains,britanniques, allemands ou israé-liens, en se gardant de dévoiler lesmoyens qui nous ont permis de lestrouver car, alliés ou pas, s’ils com-prennent nos techniques, ils pren-nentdescontre-mesurespoursepro-téger, ce qui nous contraint à déve-lopperdenouveauxoutils informa-tiques, cequi coûtede l’argent.»

Selon le CSEC, cet implantespion a également été repérédans d’autres zones géographi-ques. Sous l’intitulé «anciennescolonies françaises», les servicessecrets canadiens citent la Côted’Ivoire et l’Algérie comme autrescibles.Au-delàdesonintérêtpoliti-que régional, Abidjan est en 2010aucœurdelabatailleprésidentiel-le. La confrontation entre le prési-dent ivoirien sortant LaurentGbagbo et l’ex-premier ministreAlassane Ouattara, sorti vain-queur à l’issue du second tour, ennovembre, plonge le pays dansquatre mois de guerre civile.Alger, pour sapart, a rompu ledia-

logue avec Paris fin 2009, alorsque le pays reste un acteur régio-nal de première importance pourlaFrance,notammentsurlesques-tions de sécurité.

Pour illustrer la variété descibles attribuées aux Français, leCSECmentionne d’autres pays oùaétédétectél’implantespion: l’Es-pagne, laNorvègeet laFrancefigu-rent parmi cette énumérationsans aucune autre précision. Onne sait pas si ces objectifs ont unlienaveclaluttecontrelaproliféra-tion nucléaire ou s’ils sont viséspour d’autres motifs. La Grèce,elle,apparaîtaveclamention«pos-sible lien avec l’Association finan-cière européenne», et au registre«Five Eyes», on apprend qu’unmédia francophone canadien aégalement été visé.

Si lesCanadiensnecitentquelesservices secrets français commeauteurs possibles de cette opéra-tion, ils affirmentnepas connaîtrele nomexact de l’agencede rensei-gnement qui l’aurait orchestrée.Leshypothèsessontpourtantlimi-tées. Il pourrait s’agir en premierlieu de la direction technique de laDGSE, située boulevard Mortier,dans le 20e arrondissement deParis,etsurtoutdesesjeunesinfor-maticiens et hackeurs travaillantaufortdeNoisy,àRomainville(Sei-ne-Saint-Denis). L’armée, elle, dis-pose d’un pôle de cyberdéfense etles armes offensives sont revendi-quées dans le Livre blanc de ladéfense de 2013, mais la liste desobjectifs renvoie davantage à unservice civil comme laDGSE.

Interrogée par Le Monde, laDGSE s’est refusée à tout commen-taire«surdesactivitésréellesousup-posées». LeCSEC, en revanche, s’estmontréplusdisertetaconfirméauMonde que ce document émanaitbien de ses services, sans pourautant rentrerdans le détail de cet-te chasseau logiciel espion.p

Jacques FollorouetMartinUntersinger

international

Désormais,estimeunexpert, laFrance

seraitàmêmed’entrerdans

uneformedetrocavecsesalliés

Il existe une infinie variété deprogrammes informatiquesmal-veillants.Onpeut cependant endistinguer trois grandes familles.Lespremiers peuvent être desti-nésàperturber le fonctionne-mentd’instruments physiques,comme le programmeStuxnet,qui avait pour but de saboter lescentrifugeusesde certaines instal-

lationsnucléaires iraniennes. Ils’agit des virus lesplus évolués, etles exemples de telles prouessestechnologiques sont rarissimes.D’autres, plus discrets, visent àintercepter des informations,commedans le cas de«Babar».Enfin, certains peuvent avoir com-me finalité la suppressiondefichiers dans l’ordinateur-cible.

LaFrancesuspectéedecyberattaqueLesservicessecretscanadiensontdétectéuneopérationciblant l’Iran, l’Europeet l’Afrique

L es informations révéléesgrâce à EdwardSnowden,l’ex-consultantde l’Agence

de sécurité américaine (NSA), ontmis au jourune constante. Aunomde la lutte antiterroriste, lesEtats-Unisont crééunvaste systè-med’espionnageet d’intrusion,auxobjectifs bien éloignés deceuxannoncés.

Enpremier lieu, il est apparuqu’il existait bienune collectesystématiqueetmassivepar laNSAet ses proches alliés, notam-ment britanniques, desdonnéesde communicationsdans lemon-de. Cette doctrine américaine, jus-tifiéepar des impératifs de sécuri-té, s’est étendue auxprincipalesdémocratiesoccidentales.Maislesmoyens technologiquesdontdisposent les Etats-Unis leuroffrent, selon lesmots deBarackObama,des capacités illimitées.

Cette évolutionporte, enelle-même,desmenacespour leslibertéspubliques et individuel-les. Des risques que font égale-ment courir les géants d’Internetqui entendent, pour des raisonscommerciales,mettre égalementlamain sur cet or numérique.

Denombreuxpays, commela France ou l’Allemagneont, parailleurs, vivement réagi, chacunàsamanière, face à cette intru-sionaméricainedans leurs secretséconomiquesoupolitiques. Ils sesont insurgés contre ces actes quiportaientgravement atteinte auxrelationsentre «pays amis».

Paris et Berlin ont indiqué leursouhait d’établir un codede bon-ne conduite avecWashington. Ceprojetde «no spyagreement»semble être aujourd’huidans leslimbes et aucunedes capitalesconcernées, pas plus que les Etats-Unis, n’évoquentplus l’urgencedeparvenir à un accord.

Lesnouvelles révélationsduMonde apportent sans douteunélémentd’explicationà ce sur-place.Derrière les déclarationsofficielles outragées se cachentdespratiques tout aussi agressi-vesde la part des victimes suppo-sées. Souvent soupçonnés, les ser-vices secrets français paraissentbien avoir développé leurspro-pres armes informatiques, qu’ilsutiliseraient contre l’Iranmaisaussi sur leur propre sol et contredespays amis, en Europeet enAmériqueduNord.p

J.Fo. etM.U.

Paris,dustatutdevictimeaubancdesaccusés

Trois grandes familles de virus

2 0123Samedi 22mars 2014

international

PARIS 12e *. 14-18, rue de Lyon • PARIS 3e *. 92-98, bd de Sébastopol • PARIS 7e *. 193, 197, 207, 213, bd St-Germain – service voiturier (de 14h à 19h) le samedi22 mars • PARIS 17e *. 52, av. de la Gde-Armée – service voiturier (de 14h à 19h) le samedi 22 mars • ATHIS-MONS. RN 7 – 12-18, av. F. Mitterrand • CHEVREUSE.90, rue Porte de Paris • COIGNIÈRES. RN 10 – 3, rue du pont d’Aulneau • DOMUS C. CIAL(1) / ROSNY-S/BOIS. 16, rue de Lisbonne • MAISONÉMENT C. CIAL / BOISSÉNART.ZAC de la Plaine-du-Moulin-à-Vent – CESSON • HERBLAY / MONTIGNY-LES-C.(1) RN 14 – 17, 21, bd V. Bordier • MONTLHÉRY. RN 20 – La Ville-du-Bois • ORGEVAL. RN 13SAINTE-GENEVIÈVE-DES-BOIS. ZAC de la Croix Blanche – Rue Hurepoix • SURESNES. 33, 39, bd H. Sellier • VAL D’EUROPE C. CIAL / SERRIS. 1, cours de la GaronneVERSAILLES*. 6, rue au Pain (Place du Marché). (1) Magasin franchisé indépendant. Liste des magasins Roche Bobois de France participant à l’opération sur www.roche-bobois.com

OUVERTURES EXCEPTIONNELLES LES DIMANCHES 23 et 30/03 (sauf * ouverts uniquement le 23/03).

14|31 MARSnouvelle collection 2014

C ’est une véritable traquequ’ont menée les servicessecrets techniques cana-

diens du Centre de la sécurité destélécommunications du Canada(CSEC).Elleestrelatéedansledocu-mentfourniauMondeparEdwardSnowden, dans lequel ils présen-tent leurs trouvailles. Avareendétails, ce document permetnéanmoins de retracer l’enquêtequi a permis de pointer la Francedudoigt.

Commedansunepartiedechas-se, ce sont des empreintesqui atti-rent en premier lieu l’attentiondes services canadiens. La noteinterne indique en effet que leCSEC collecte quotidiennement etautomatiquement un certainnombrededonnées sur Internet.

Cette masse de données estensuite digérée par un program-me afin de détecter d’éventuellesanomalies, comme une activitéinhabituelle ou le transfert anor-mal de fichiers. Dans cette gigan-tesque botte de foin, les espionscanadiens trouvent une aiguille :des portions de code informati-que,enprovenanced’unprogram-menon identifié, les intriguent.

Les limiers baptisent ce mysté-rieux objet «Snowglobe» (bouleàneige). Dès les premières pages,le document explique que lesexperts «sentent» que ce qu’ilsont sous les yeux est destiné àla« collecte de renseignementsétrangers».

Plus loin, ils assurent quelanature et la localisation de sescibles «ne correspondent pas à dela cybercriminalité» traditionnel-le. Le mémo ajoute enfin qu’endésossant le programme, les ingé-nieurs du CSEC ont conclu que cet

objet informatique, une foisimplanté sur sa cible, «collecte descourriels provenant de comptesspécifiques et ciblés».

Le CSEC s’intéresse ensuite auxserveurs infectés avec lesquelscommuniquent ces programmes.Ces serveurs, «des postes d’écou-te», semblent tenirun rôle crucial,puisqu’ilscontrôlentàdistanceleslogiciels «Snowglobe» qui infec-tent lesordinateursvisés.Oncom-prend, à la lecture du document,que, dans un premier temps, lesenquêteursduCSECnesontparve-nus à localiser qu’un seul de cespostes d’écoute.

L’agence active alors ses gran-des oreilles sur les réseaux pourtrouver des infrastructures simi-laires. Grâce à deux programmesde surveillance, le CSEC se fait uneidéeplusprécisedel’implantationetdu fonctionnementde«cespos-tes d’écoute». La présentation duCSECexpliquequeces «postes» senichent sur deux types de ser-veurs. Les premiers nenécessitentpas d’y rentrer par effraction. Al’inversedudeuxièmetyped’infec-tion, «parasitaire», selon les ter-mes du document, où le «posted’écoute» cohabite avec d’autresprogrammes qui lui sont totale-ment étrangers.

Sur ce point, les analystes duCSECparaissentperplexes. Ilsn’ar-riventpas à distinguer si ces «pos-tes» sont installés dans les ser-veurs à l’insu de leurs propriétai-res, par le biais d’un piratage, oubien si les assaillants ont procédépar un «accès spécial ». Dans lelangage feutré des espions, celasignifierait donc qu’une ordon-nance juridique ouunpartenariataurait été signé entre l’agence derenseignement à l’origine de«Snowglobe» et le propriétaired’un serveur, ce dernier étantcontraint d’ouvrir les portes deson serveur pour héberger un deces «postes d’écoute». Sans douteunmélange des deux techniques,conclut le CSEC.

Une fois cet ensemble de «pos-tes d’écoute» repéré, les expertscanadiens concentrent leur sur-veillance sur l’un d’entre eux, à lamanière d’une planque policière.Lorsquecelui quimanipule le pro-grammemalveillantàdistance s’y

connecte, les Canadiens profitentd’un défaut de sécurité pour s’in-troduire discrètement dans ce«poste d’écoute», à leur tour.

Les services canadiens relatentensuite leurs efforts pour trouverl’identité de ce qui se cachederriè-re «Snowglobe». Pour ce faire, ilsréunissent plusieurs élémentstroublants: le surnom d’un déve-loppeur du logiciel espion, «Titi»,niché parmi les lignes de code, estprésenté comme «un diminutiffrançais».

Puisviennentdes formulationsdansunanglaishasardeuxauseinde l’interface du logiciel, ou l’uti-lisation du kilo-octet comme uni-té de mesure, et non du kilobyte,une unité propre au mondeanglophone.

Enfin, détail sans nul doute leplus étonnant, qui pourrait, à cer-tainségards,fairesourire, lesCana-diens relèvent le nom donné auprogramme espion par son déve-loppeur:«Babar»,dunomducélè-bre pachyderme imaginé par Jeande Brunhoff. L’image d’un élé-phant joyeux et gambadant trônemêmeaubeaumilieudelaprésen-tation top-secrète pour illustrercettedécouverte.

Ces éléments, ajoutés à la natu-re et l’origine des cibles du logicielmouchard, conduisent au final lesservices canadiens à pointer dudoigt un suspect: la France.

Tous les indices retrouvés lorsdel’enquêtesontévoquéstrèspru-demmentpar les Canadiens. Cetteprudences’explique.L’attributiond’une attaque informatique quidissimule son origine est un exer-cice extrêmement périlleux,mêmepourlesmeilleursspécialis-tes. «Au mieux, il est possibled’avoir une idée du niveau de sonadversaire, de savoir s’il dispose debeaucoup de ressources et detemps», confie un bon connais-seurdusujet.Enl’espèce,poursuit-il, après avoir consulté une partiede la présentation du CSEC, «c’estunpeuau-dessusdecequel’onvoithabituellement».

L’appréciationestd’autantplusardue que les experts du CSEC nelivrent aucune indication sur lenombre d’ordinateurs infectés nine disent si l’agence a pu tous lesidentifier, pas plus qu’ils ne décri-vent la manière dont le logicielespion procède pour intercepterles courriels de ses cibles.

LaprésentationduCSEC s’achè-ve sur unaveu. Le logiciel espion amuté. Selon les experts canadiens,une version améliorée, plus«sophistiquée» de «Snowglobe»,découverte mi-2010, et surnom-mée, cette fois-ci, « Snowman»(bonhomme de neige), leur résis-taitencoreaumomentétaitrédigécedocument.p

J. Fo etM. U.

Stuxnet a été la première arme informatique révéléeaugrandpublic. Découvert à lami-2010 sur plusieursmilliers d’ordinateurs dans lemonde, ce virus n’étaitnéanmoins actif que sur un peumoins de400d’entreeux, la plupart en Iran. Iln’était pas conçu pour inter-cepter desmessages ou dérober des données bancai-res, comme la plupart des virus,mais pour occasion-ner des dégâtsmatériels.Stuxnet visait des composants des centrifugeusesqui enrichissaient l’uraniumdans la centrale nucléai-re deNatanz, en Iran. Ilmodifiait leur vitesse de rota-tion, provoquant ainsi de graves dommages sur cesmécaniques de précision. Unmillier decentrifugeuses, sur les 5000que comptait la centraledeNatanz, auraient été rendues inutilisables.Après desmois de supputations, l’origine de l’opéra-tion a été dévoilée en 2012 dans le livreConfront andConcealpar David Sanger, un journaliste du New YorkTimes,qui affirme queStuxnet était uneœuvreconjointe de laNSA et des services secrets israéliens.Sonnomde code : «Jeux olympiques». Les avisdivergent sur l’impact réel de l’attaque sur l’avancéeduprogrammenucléaire iranien.Washington estimequ’il a pris de dix-huitmois à deux ans de retard,maisdes experts ont contesté ce chiffre.

Lesurnomd’undéveloppeurdulogicielespion,«Titi»,nichéparmileslignesdecode,

estprésentécommeun

«diminutif français»

«LeMonde»faitappelàdesexperts

QuandlesCanadienspartentenchassede«Babar»Découverten2009, le logiciel espion, identifié commefrançais, amuté.Selon lesservices secretsduCanada, il aétémodifiéet«sophistiqué»

Los Teques, CaracasEnvoyé spécial

L a prison militaire de RamoVerde se trouve sur une colli-ne, à proximité de la localité

deLosTeques,nonloindeCaracas.Un bloc sali par le temps. Derrièrele buste de Simon Bolivar, lepatriarche de l’indépendance, onpeut lire un slogan politique :«Indépendanceetpatrie socialiste,nous vivrons et vaincrons».

Jeudi 20mars, Lilian Tintori,petite blonde athlétique de 35 ans,attend une heure avant de voirenfinsonmari, l’opposantLeopol-do Lopez, 42 ans, emprisonnédepuis un mois sous l’accusationd’avoir organisé la manifestationdu 12 février, à Caracas, qui avaitfait troismorts.Depuis, lesprotes-tationsn’ontpascesséet leurbilans’élève aujourd’hui à une trentai-nedemorts.

Lilian a le droit devisiter le diri-geant du parti Volonté populaire(VP, centre gauche) le jeudi et levendredi. Leopoldo Lopez est pla-cé à l’isolement, dans une tourréservée aux cachots. Maigreconsolation, le couple peut se voirdans la minuscule cellule, qu’ilsappellent ironiquement leur«foyer». «Coach» de profession,Lilian a organiséminutieusementles activités de «Leo», privé de sestournées dans le Venezuela pro-fond qui lui ont permis de s’im-planter et d’enlever aux partisansdel’ancienprésidentHugoChavezplusieursmunicipalités.

L’unedesvillesconquisesparVPest San Cristobal, la capitale del’Etat de Tachira, frontalier de laColombie. C’est là que la contesta-tionacommencé,débutfévrier,àlasuite d’une tentative de viol d’uneétudiante. Le cycle manifestation-répressionaensuiteétendulemou-vementétudiantà tout lepays.

Mardi, lemairedeSanCristobal,Daniel Ceballos, est venu à LosTeques participer à un meetingpour la libération de LeopoldoLopez et des autres prisonnierspolitiques. Devant la foule de jeu-nes et de gens de diverse condi-tion,LilianTintoriparled’unevoixferme. En revanche, Daniel Cebal-los a la voixcassée, épuisépar cinqsemaines de mobilisation, lors-qu’il lit le message envoyé par ledirigeant emprisonné : « LeVenezuela s’est éveillé, nous som-mesdubon côté de l’histoire.»

Le lendemain,mercredi, DanielCeballos a été arrêté par un com-mando du service de renseigne-ment, leSebin,entenuedecamou-flage, casqué et cagoulé, portantdesarmes,maissansordrejudiciai-re. «Ce fut un enlèvement», assureson avocate, Ana Leonor Acosta,présente sur les lieux. Le sort subipar Enzo Scarano, le maire de San

Diego (Etat de Carabobo, sur lacôte), a été encore plus expéditif :amené devant la Cour suprême, ilaété condamnéàdixmoisetdemideprisonfermeetaétédestituédeson mandat. Son crime : ne pasavoir évité les barricades.

Ces attaques contre des éluslocauxmarquentunerelancede larépression. Après avoir délogé lesmanifestantsetdémantelélesbar-ricades sur les lieux d’affronte-ments à Caracas ou en province,grâceàundéploiementde lagardenationale, le gouvernement duprésident Nicolas Maduro cibledésormais des dirigeants de l’op-position. Ainsi, l’Assemblée natio-nale ademandéà la Cour suprêmela levée de l’immunité parlemen-taire de la députée Maria CorinaMachado, qui est la bête noire deschavistes.

Parmi les charges évoquées àson encontre figurent l’incitationà la violence, la trahison de lapatrie, le terrorismeetdeshomici-des. «Elle doit payer devant la jus-tice pour les crimes commis depuisle 12février», a déclaré le présidentde l’Assemblée, Diosdado Cabello,le numéro deux du régime. «S’ils

croient qu’en me menaçant ou enlevant mon immunité, ils vont mefaire taire, ils ne me connaissentpas», a-t-elle répondu sur soncompteTwitter.

M.Maduro persiste dans sonaccusation de «putschistes», alorsque les opposants radicaux, com-meLeopoldoLopez ouMaria Cori-na Machado, prônent une issuepacifique et constitutionnelle à lacrise. Si, au départ, l’oppositionétait divisée, la répression l’a res-soudée. Elle refuse lamain tenduepar un gouvernement qui empri-sonnesesélusetréprimeavecbru-talité. «La libération des prison-nierspolitiquesestdevenueuneexi-gence compréhensible par touteslescouchesde lasociété,égalementfrappéespar lespénurieset laflam-bée des prix», explique le politolo-gueCarlosRomero.

Leopoldo Lopez avait appelé,mardi, ses partisans à manifesterpartout dans le pays, le samedi22mars. Il ne pouvait pas imagi-ner, alors, à quel point l’escaladegouvernementale pourrait don-nerunsecondsouffleauxprotesta-tions.p

PauloA.Paranagua

Stuxnet, le pionnier des «virus de guerre»

LEDOCUMENTquipermetaujour-d’hui auMondede révéler l’exis-tenced’une campagnede sur-veillancemondiale, attribuéeà laFrancepar les services canadiens,est unepièceparticulièrementcomplexeà analyser.

Il s’agitd’undocumentdepré-sentationinterne,dont l’authentici-téaétéconfirméepar lesautoritéscanadiennes,destinéàunparterrede techniciensduCentrede lasécu-ritédes télécommunicationsduCanada(CSEC), l’équivalent localdelaNSA.Auseinduclub très fermédesservicesderenseignementanglo-saxon,ditdes«FiveEyes»(Etats-Unis,Grande-Bretagne,Cana-da,Nouvelle-ZélandeetAustralie),leCSECest réputépoursonexperti-seenguerre informatique.

Des informaticiensdehautniveaudétaillent leurs travaux

surunprogrammeinformatiqueespion sophistiqué, qu’ils ontdécortiquéet analysé. Cette pré-sentationest destinée à exposer àleurs collègues leurméthodedetravail et leurs trouvailles, danslejargondes spécialistes del’intrusion informatique, souventabsconspour le néophyte,mêlantexpressions techniquesetabréviationsdiverses.

C’est la première fois, depuis ledébutdu travail sur les docu-ments fournis par l’ex-consultantde laNSAEdwardSnowden, queLeMonde a à traiter undocumentaussi technique. Pour décrypterce langage très particulier, LeMon-de s’est entouré de deuxexpertsqui n’ont pas souhaité être cités.Le premier est chargéde la protec-tiondes activités informatiquescrucialesd’une très grande entre-

prise française. Le secondatravaillépour l’Etat français, àunhautniveaude confidentialité,sur les questionsde sécuritéinformatique.

LeMonde a également sollicitédesmembres et des responsablesde servicesde renseignement, ain-si quedes personnesœuvrantdansdes structuresprivées, poursituer l’opérationdansunenvi-ronnementplus large, celui desservices secrets et des relationsentreEtats.

Ces personnesont aidé LeMon-de à comprendre le fonctionne-mentde «Babar». Leur avis a per-mis d’appréhender le niveaudecomplexitéde ceprogramme.Leurs remarquesont, enfin, étayéles affirmationsduCSECsoulignant l’origine étatiquedecette attaque.p J. Fo etM.U.

«S’ilscroientqu’enlevantmonimmunité, ilsvontmefairetaire, ilsnemeconnaissentpas»

MariaCorinaMachadodéputée de l’opposition

AuVenezuela,lepouvoirchavistevisedésormaislesélusdel’oppositionLedurcissementde la répressioncompromet leschancesdedialogueet relance lesprotestations

30123Samedi 22mars 2014

SergueïIvanovSergueï Ivanov,61 ans,originairedeSaint-Pétersbourg,généralderéserve, a fait toute sacarrièredans le renseignement.ProchedePoutinedepuis les années 1980, ila étéministrede ladéfense (2001à2007)puis vice-premierministre.Depuisdécembre2011, il dirige l’ad-ministrationprésidentielle. Fin2013, dansKomsomolskaïaPravda,il expliquaitainsi la faiblepartici-pationauxmunicipalesenRussie:«En tempsdepaix,dansn’importequelpays,pasplusde 15%de lapopulationvavoter. C’estuneprati-que standard,et, Dieumerci,nousl’adoptonsnousaussi.»p PHOTOS : DR

IouriKovaltchoukIouriKovaltchouk,62ans,néàSaint-Pétersbourg,a fait fortunedans l’immobilier, lesmédiasetsurtout labanque (Rossia)depuisqueVladimirPoutineest arrivéaupouvoir. En2008, sepositionnantenvuede laprésidentiellede2012,il acquiertplusieurs télévisionsetjournauxdont le quotidien Izves-tia. Lui et son frèreMikhaïl joue-rontun rôle importantdans ledémantèlementde l’AcadémiedessciencesdeRussiedécidéen2013.«L’Académieest immanquable-mentvouéeàpérir, tout commel’empire romain», confie-t-il ausitegazeta.ru le 29août2013.p

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VladimirIakounineVladimir Iakounine, 65 ans, nédans l’oblast deVladimir (Russiecentrale), a passé toute son enfan-ce à Piarnou (Estonie), où sonpèreétait garde-frontière (KGB). En1977, il termine l’Académiedu ren-seignementextérieur. Il aurait tra-vaillé vingt-deuxans dans le ren-seignement.De 1985 à la chutedel’URSS en 1991, il travaille à lareprésentationsoviétiqueà l’ONU(NewYork). Familier deVladimirPoutine, il est nomméen 2005àla tête des cheminsde fer de Rus-sie. Le 1eroctobre 2010, il a été faitofficierde la Légiond’honneurpar le présidentNicolas Sarkozy.p

GuennadiTimtchenkoGuennadiTimtchenko,61 ans,né àLeninakan,enArménie, estunpro-chedeVladimirPoutinequidétientdenombreuxactifsdansl’énergie: compagniegazièreNova-tek, groupepétrochimiqueSibour,opérateurTransoil. Sonascensionadébutédans les années2000avec la sociétédenégocepétrolierGunvor,dont iln’est désormaisplusactionnaire. Sa fortuneestestiméeparForbesà 14milliardsdedollars (10milliardsd’euros).Présidentduconseil économiquede la chambrede commercefran-co-russe, il a été fait chevalierde laLégiond’honneuren juillet2013.p

MoscouCorrespondante

L e président Barack Obama afrappé fort, jeudi 20mars, enplaçant la garde prétorienne

duprésidentrusse,VladimirPouti-ne, ainsi que la Banque Rossia quisert le clan, sur la liste des person-nes et des sociétés sanctionnéeséconomiquement par les Etats-Unis.

Vingt personnes ont été ajou-tées à la liste des onze individusdéjàciblés.Lesplusprochescollabo-rateurs de M.Poutine sont désor-mais interdits de séjour aux Etats-Unis,leursavoirssontbloqués:sonchefdecabinet,SergueïIvanov,l’ad-joint de celui-ci, Alexeï Gromov,l’administrateur des biens duKremlin,VladimirKojine,maisaus-si ses vieux amis, devenus les nou-veaux oligarques en vue commeles frères Rotenberg, Iouri Kovalt-chouk,VladimirIakounine,leprési-dent des chemins de fer, SergueïNarychkine, leprésidentde laDou-ma, et le chef du renseignementmilitaire, Igor Sergoun, ou encoreGuennadiTimtchenko.

Ces noms étaient apparus mer-credi dans les colonnes duNewYorkTimes. Ilsétaientévoquésdans une tribune intitulée «Com-ment punir Poutine», signée parAlexeïNavalny,leblogueuranticor-ruption placé depuis peu auxarrêtsdomiciliairesàMoscou.

Fait sansprécédent,unebanquerusse,labanqueRossia,17eétablisse-ment du pays avec 10milliards de

dollars (7,2milliards d’euros)d’avoirs, a été interdite d’activitéauxEtats-Unis.SelonleTrésoramé-ricain, cet établissement, propriétéde IouriKovaltchouk,«sert deban-que personnelle aux officiels rus-ses».Activenotammentdanslesec-teur de l’énergie, Rossia travaillaitavec de nombreux établissementsbancaires, aux Etats-Unis commeen Europe. Les sanctions risquentde l’affecterde façon irrémédiable.

Quelques minutes après l’an-nonce des sanctions américaines,la Russie publiait sa propre liste desanctionsvisanttroisconseillersdeM.Obamaainsi que des parlemen-taires, dont le sénateur conserva-teur John McCain. Cette riposten’aura aucun effet, car rares sontlesAméricainsquiontdescomptesà lapremièrebanquerusse, laSber-bank, encore plus rares sont ceuxqui vont en vacances en Russie.Dans la foulée, Barack Obama amenacéMoscoud’aller plus loin etde viser des «secteurs-clés» de sonéconomie.«LaRussiedoitcompren-dre qu’une escalade supplémentai-re ne fera que l’isoler davantage dela communauté internationale»,a-t-il souligné.

Après un séjour en Europe lasemaine prochaine dans le cadred’un sommet du G7 à LaHaye, leprésident américain se rendra enArabie saoudite, une visite prévuede longue date. L’Arabie est le seulpays producteur capable d’aug-menter considérablement sa pro-duction d’un seul tour de vanne.Une baisse du prix du baril seraitfatale à la Russie, dont les recettesbudgétaires dépendent de l’expor-tationdeshydrocarbures.

Préoccupées par les risques detellessanctions, lesagencedenota-tion financière Standard &Poor’setFitchontabaissé jeudià«négati-ve» la perspectivede solvabilité delaRussie.

La liste des sanctions de l’Unioneuropéenne, qui devait être dévoi-lée vendredi, «est assez proche decelle des Etats-Unis», a prévenu leprésidentfrançais,FrançoisHollan-de. Les Occidentaux veulentenvoyer un signal fort aux Russes,soupçonnés de vouloir faire mainbasse sur d’autres régions d’Ukrai-ne. Près de 100000 soldatsrussesont étémassés de l’autre côté de lafrontière (Briansk, Belgorod,Koursk,Rostov-sur-le-Don).

Le ministre russe de la défense,Sergueï Choïgou, a assuré par télé-phone à son homologue améri-cain, Chuck Hagel, jeudi, que sonarméen’avait aucune intention defranchir la frontière.De telles assu-rances avaient été données justeavant l’invasion de la péninsule.Vladimir Poutine avait expliqué,lors de sa conférence de presse du4mars à Sotchi, qu’il n’était «pasquestiond’annexer laCrimée».

Un coupd’œil sur une carte suf-fitpourcomprendrequelaCrimée,presqu’île reliée par un isthmeétroitàl’Ukraine,n’aaucuncontactterrestre avec sa «nouvelle mèrepatrie». Lepontque lesRussespro-jettent de construire ne sera pasopérationnel avant trois ans. Pourconsolider leurs positions, les Rus-ses pourraient être tentés de s’em-parer des régions de Donetsk etd’Odessa. Cette dernière est touteprochedel’enclavedeTransnistrie,en Moldavie. Prendre les portsd’Odessa et de Nikolaevsk estd’autant plus tentant qu’ils sontl’épicentre du commerce desarmesukrainienneset surtout rus-ses. C’est de là quepartent lesnavi-res chargés d’équipementsmilitai-resvers la Syrie, l’Afrique, l’Asie.p

Marie Jégo

international

L’Ukrainesigneunaccordpolitiqueavecl’UE

La crise ukrainienne

Lemilliardaire russeGuennadiTimtchenko, proche deVladimirPoutine, a vendu l’ensemble deses parts dans la société suissede négoce d’hydrocarburesGun-vor un jour avant d’être sanction-né parWashington, a indiquél’entreprise jeudi 20mars.Le Trésor américain a affirmédans un communiqué que lesactivités deM.Timtchenko dansle secteur de l’énergie «sontdirectement liées» au présidentrusse. Sixième fortune deRus-sie, selon lemagazine Forbes,

M.Timtchenko a vendumercredila totalité de ses actions dansGunvor, qu’il a cofondée,«antici-pant de potentielles sanctionséconomiques», a annoncé lasociété sur son site Internet.M.Timtchenko a vendu ses partsà son partenaire d’affaires Torb-jorn Tornqvist, qui est devenul’actionnairemajoritaire de lasociété, avec 87%des parts.Gunvor a la«certitude» de pou-voir poursuivre ses opérationssans être entravée par d’éven-tuelles sanctions.

BruxellesEnvoyés spéciaux

Une sanctionpolitique contreVla-dimir Poutinemaispas, à ce sta-de, de sanctions économiquescontre la Russie. C’est lemessagelancépar les dirigeants européensréunis à Bruxelles jeudi20 et ven-dredi 21mars.

Vendredimatin, chefsd’Etat etdegouvernementont signé levoletpolitiqued’unaccordd’asso-ciationavecKievenprésencedupremierministreukrainien,Arse-ni Iatseniouk.Unemanièred’arri-mercepaysaucampoccidental enreconnaissantsongouvernementtransitoirecommele représentantlégitimedupays, alorsqueMos-couvientd’annexer laCrimée.L’Unioneuropéenne (UE)a ainsiadresséune réponsepolitiqueaucoupde forcedeMoscou,maisévi-tede lancerdes représaillesconsé-quentescontre le régimedeVladi-mirPoutine.

Une inconnuedemeure: lanaturede la riposte de la Russie àcequ’elle percevra commeuneprovocation, tant l’enjeude l’ac-cordd’associationest lourddesymboles. La volte-face duprécé-dent gouvernementukrainien,qui avait refusé in extremisdesigner cet accord, fin novem-bre2013, a été l’étincelle qui aconduit à la révolutiondeMaïdanet à la fuite de l’ancienprésidentViktor Ianoukovitch, le 22février.

La signaturede cetaccordaper-misauxVingt-Huitd’afficherunsemblantd’unité car, sur le terraindes sanctionséconomiques, lesdivergencessontprofondes.«Ilnefautpasnousprécipiterdansdes

sanctionséconomiques»pourne«pasajouter lesdifficultésauxdiffi-cultés», a souligné lepremierministrebelge, ElioDiRupo.«Nousnous inquiétonsde lapour-suitedesprovocations russes enUkraineet redoutonsqu’ellesnes’étendentàd’autres régionsdel’Europe», a aucontrairedit le Sué-doisFredrikReinfeldt,pourmieuxappeleràdes«mesures supplémen-taires», y comprisdes sanctionséconomiques.

Mesures symboliques«En cas d’escalade, nous som-

mesprêts» à aller vers de tellesreprésailles, a résuméAngelaMer-kel. Pour l’instant, la Commissiona juste étémandatéepour exami-ner la faisabilité d’une liste de«sanctions économiques ciblées»en cas denouvelledéstabilisationde l’Ukraine.«Onconnaît les inté-rêts hétérogènes des Etatsmem-bres et les différentesperceptionsqui sont liées à l’Histoire, a recon-nu leprésident duParlementeuropéen,Martin Schulz. S’ajou-tentà cela la dépendance économi-que considérablede certains Etats,les intérêts financiers d’autres et lasituationde ceuxqui veulent pro-téger leurs investissements.»

Les dirigeants européens ontdoncpréféré accoucherdemesu-resplus symboliquesque contrai-gnantes. Ils ont décidéd’élargirles sanctions individuelles à dou-ze personnes. Cette liste, quidevait être dévoiléevendredi,s’ajoute à celle des vingt et un res-ponsables russes et ukrainiensmis à l’indexendébut de semai-ne. Elle devrait comporter le nomdeDmitri Rogozine, vice-premier

ministre russe, ainsi que des gra-désde la flotte de lamerNoire etdes responsables économiques,selonune sourcediplomatique.

Il a aussi été convenud’annulerle sommetUE-Russieprévuenjuin, àSotchi, et toutes les rencon-tresbilatéralesavecMoscoudurantcettepériode.Enfin, l’UEveutdéployerenUkraineune for-ced’observateursde l’Organisa-tionpour la sécuritéet la coopéra-tionenEurope (OSCE). Elle seraitchargéede faire ensorteque l’élec-tionprésidentielledu25mai«puis-se être libre, transparenteet souscontrôle international», apréciséFrançoisHollande. Si le blocagedel’OSCE,dont laRussie estmembre,persiste,«l’Europedoitalors s’ysubstituerd’ici quelques jours», aajouté leprésident français.

La réactionmesuréedesEuro-péenspeutautantêtre interprétéecommeunavertissementà laRus-siequecommeunaveude faibles-se.«Lemessaged’aujourd’huiest :“ça suffit, çanepeutplus se répétersansqu’il y ait des réactions sérieu-ses”», entend-onàBruxelles.

Une façondedirequ’il y aunelignerougeànepas franchirpar leKremlin:pasd’interventiondansl’estde l’Ukrainenid’autresannexionsde territoire, alorsquele régimepro-russedeTransnistrieréclamesaséparationde laMolda-vieet sonrattachementà laFédéra-tiondeRussie.AndersFoghRas-mussen, le secrétairegénéraldel’OTAN, craignait,mercredi, queVladimirPoutineaille«au-delàdelaCrimée» et interviennedans lesrégionsorientalesde l’Ukraine.p

PhilippeRicard, Yves-MichelRiols et Jean-Pierre Stroobants

LabanqueRossia,quisert leclan

duprésident,aétéinterdited’activitésauxEtats-Unis

Lagardeprétorienneduprésidentrusse

La6e fortune russe vend des actifs avant les sanctions

BarackObama, lors de l’annonce des sanctions contre les Russes, le 20mars, à laMaisonBlanche. M.NGAN/AFP

WashingtonciblelestrèsprochesdeVladimirPoutineLesnouvelles sanctionsannoncéespar lesEtats-Unis s’appliquentàdescollaborateursduprésident russe,maisaussi àdesoligarques

4 0123Samedi 22mars 2014

Simferopol (Crimée)Envoyée spéciale

E n Crimée, il y a aussi lesautres. Ceux qui ne veulentpas être russes. Ceux qui se

résignent à rester, ceux qui pen-sent à partir. Ceux qui ne croientpas que leur niveau de vie seraplus élevé, la corruption éradi-quée,lesdroitsdel’hommepréser-vés et la vie plus belle au pays deVladimirPoutine.Ceuxquineveu-lentpas envoyer leurs jeunes faireleur service militaire pour la Rus-sie au Daghestan et en Tchétché-nie, alors qu’en Ukraine laconscription vient d’être abolie.Ceux qui n’acceptent pas qu’unréférendum qu’ils jugent truqué,organisé sous la menace de trou-pes russes et de miliciens, leurimpose par le fait accompli unenationalité qui n’est pas la leur.Ceux qui, tatars, portent encoredans leur chair le souvenir de ladéportation. Ceux qui, qu’ilssoient nés russes ou ukrainiens,sontukrainiensdepuis la chutedel’Union soviétique, fiers de leurindépendance et simplementchez eux, ici : à la fois enCrimée etukrainiens.

Non, la population de Criméen’est pas tout entière euphorique.Le référendum du 16mars sur lerattachementde l’Ukraineà la Cri-méeaemporté l’adhésiondes fou-les avec un score digne de l’URSS,mais ils sont nombreux à avoirrefuséunvote seloneux illégal. Cefut le cas de la minorité tataremusulmane, 12% parmi les deuxmillions d’habitants de Crimée,qui, sauf exception, l’a boycotté.Ce fut le casdesCriméensattachésà l’Ukraine: 25%de la population.

ASébastopolcommeàSimfero-pol, la capitale régionale, la fêteestcontinue. Les drapeauxde la Fédé-ration de Russie sont agités par-

tout,deshommesentenuemilitai-re non identifiée, dont on ne saits’ils fontpartiede l’arméerusseoudequelquemilice,veillentpartoutàla«sécurité».LeslettresduParle-ment criméen d’Ukraine quiornaient le fronton en trois lan-gues (ukrainien, russe et tatar) ontété remplacées par l’inscription«Parlement de la République deCrimée», en russeuniquement.

Les60%derussophones-russo-philes, effrayés par les événe-ments deMaïdan, à Kiev, et le fan-tasmed’uneinvasionde«fascistesukrainiens», sont certes soulagéset heureux.Mais la fête en Criméea son envers : ces 40% d’habitantsconsternés et désemparés par lerattachement à la Russie. Ils ontpeur et ils ne s’expriment pas. Lechoix qui leur est offert est basi-que : rester en Crimée en accep-tant d’être russes, oupartir.

En regardant à la télévision leprésidentVladimir Poutine signerle traité d’adhésion de la Crimée àlaRussie,mercredi 19mars,Anyaapleuré. Elle a ri aussi : «Quelle bla-gue!» Jusqu’à la signature du trai-té, elle voulait encore croire que leprésident russe serait empêché

par les Etats-Unis et l’Union euro-péenne d’aller jusqu’au bout. Elleest née en Ukraine, se veut ukrai-nienne et a décidé qu’elle n’auraitpas de passeport russe. Le jour oùil sera imposé, elle partira.

Sesparentsfontdéjà leursbaga-ges, et pourtant son père, pasteur,est né russe. Ils savent qu’ils per-dront lamaisondont ils onthérité

comme le magasin de vêtementsde samère, car dans la Crimée quin’estplusukrainienneetpasenco-rerusse, levide juridiquebloque lemarché immobilier. Ils saventqu’ils partiront en perdant tout,sauf leur nationalitéukrainienne:la seule chose que le «putsch desRusses», comme ils disent, ne leurvolerapas.

Les Tatars de Crimée, eux, ne

s’en iront pas. Le nouveaugouver-nement prorusse ne serait pour-tant pas contre. Le vice-premierministre de Crimée, RoustamTemirgaliev, l’a dit dans un entre-tien à l’agence russeRiaNovosti etl’a répété à la télévision criméen-ne : «Nous avons demandé auxTatars de Crimée de libérer unepart de leurs terres, qui est requisepourdes besoins sociaux.»

A vrai dire, c’est une vieille his-toire: lesTatarsderetourdedépor-tation, à la fin de l’URSS, se sontemparés de terres que les diri-geants successifs s’acharnent àvouloir récupérer. Mais Mousta-pha Asaba, le chef duMajlis (orga-nede représentationdesTatars deCrimée) dans la région de Belo-gorsk,n’estpasseulàredouterquecette tentation ancienne soitmiseen œuvre à la manière forte parVladimirPoutine.

«Cen’étaitpas le rêvepournousen Ukraine, explique M.Asaba,mais avec la Russie, ce sera pire.Bien pire. C’est une dictature, pasune démocratie. Qu’est-ce qu’unréférendum organisé sous l’œil de22000 soldats russes où les ques-tions ne te laissent aucun choix?Ces terres sont ànous. Onne laisse-ra pas quiconquenous les prendre.S’ilsveulentunconflitavecnous, ilsl’auront. Il y aura du sang.»

Les premiers à partir en masseseront les militaires ukrainiensdes bases de Crimée. Le granddépart a commencé. Bilan provi-soire: unmort – cet officier ukrai-nien tué par un paramilitaire àSimferopol, mardi. Des bases etdes navires sont envahis, parfoispar desmiliciens et des civils, par-foispardesmilitaires.Kieva auto-risélaripostearméemaisorganisele retrait des troupes. A quoi bonun bain de sang pour une batailledéjà perdue?p

MarionVanRenterghem

international

P lus de quarante djihadistesd’Al-Qaida au Maghreb isla-mique (AQMI) et ses affidés

ont été tués dans le nord du Malipar les forces françaises, a annon-cé, jeudi 20mars, le ministre de ladéfense, Jean-Yves Le Drian. Selonnos informations, ce bilan, quis’inscrit dans le cadre de la lutteantiterroriste engagée par la Fran-ce au Sahel, a été obtenu ces troisdernières semaines. Parmi les dji-hadistes ciblés lors de ces opéra-tionsfigurentquelques«têtesd’af-fiche», dont Abdelwaheb Al-Har-rachi, désigné comme le succes-seur d’Abou Zeid, l’un des princi-paux chefs d’AQMI, après la mortde ce dernier en février2013.

Placée sous une bulle de sur-veillance franco-américainedepuis le déclenchementde l’opé-ration «Serval», début 2013, etratisséeausolparlesforcesspécia-les et l’armée française, la régioncontinuedevoir transiterdenom-breux groupes combattants. Ils’agit « de petits groupes », aumode d’action « léger», selon lesanalyses de la défense, groupesqui « tentent de reconstituer unpotentiel militaire». Les opéra-tions antiterroristes poursuiventdeux cibles prioritaires : AQMI etAl-Mourabitoune, né de la fusionenaoût2013desforcesdeMokhtarBelmokhtar, figure issuedes rangsd’AQMI, et du Mouvement pourl’unicité et la jihad en Afrique del’Ouest (Mujao). Al-Mourabitounea été particulièrement touché parlesdernièresopérations.Unde sesporte-parole,AssemAl-Hajar,aététué. Hassan Ould Al-Khalil, nom-mé aussi Jelebib, l’homme deconfiance de Mokhtar Belmokh-tar, avait déjà été tué par «Serval»finnovembre2013.

Depuisdébutmars,deuxopéra-tions successives ont de nouveaupermis d’éliminer des cadresimportants de la nébuleuse djiha-diste. Le ministre de la défense aconfirmé jeudi la mort d’OmarOuld Hamaha, un Arabe maliensurnommé «Barbe rouge». Né enjuillet1963 à Kidal, il était l’un deschefsdjihadisteslesplusenvueaunord du Mali et l’un des plusrecherchés. Selon les services derenseignement,cethommeappar-tenant à l’ethnie bérabiche seraitlebeau-pèredeMokhtarBelmokh-tar. Il était lié, depuis peu, à AnsarAl-Charia.

Al-Harrachi, le successeurd’Abou Zeid, a quant à lui été tuédans l’opération menée dans lanuitdu5mars,à l’aidededronesetde frappes de Mirage 2000. Parisnedonnepour l’heurepas d’infor-mation sur Abou Said Al-Djazaïri,un spécialiste des transmissions,égalementproched’AbouZeid.

Un autre cadre important de larégion, AbouDardah, s’est pour sapart rendu aux forces françaises,avant d’être remis aux autoritésmaliennes le 15mars. Sous l’éti-quette du Mujao, il a régné sur lacommune de Douentza, dans larégion de Mopti. Toujours équipéd’une ceinture d’explosifs, il étaitconnupour ravitailler les groupesdeTombouctouenarmes.

Un autre pilier malien duMujao, Aliou Mahamar Touré,

avaitdéjàétéarrêté.Cedernier,ain-si que «Barbe rouge» etAbouDar-dah, faisaitpartiede la listedes sixdjihadistes recherchés lors del’opération «Hydre», déclenchéeen novembre2013. La moitié adonc étémisehors d’état denuire.

L’objectif des forces françaises,qui disent travailler en collabora-tion avec les commandementsaméricains des forces spéciales(Socom) et de l’Afrique (Africom),est clairement de démanteler leskatibas, les brigades de combat-tants,enfrappantleurtête.Depuisunan, lesbasesprincipales,logisti-ques ou de commandement, desgroupesdjihadistesontétédétrui-tes. Mais il n’est pas exclu que descachesanciennesn’aientpasenco-re été trouvées, y compris dansl’Amettetaï, le cœur du sanctuaired’AQMIdans lemassifdes Ifoghas,et de nouveau points de stockagedematériel ou d’armes sont régu-lièrementvisés.

Les unités classiques de «Ser-val»sontdoncchargéesdedéclen-cherdesopérationspourdéstabili-ser ces flux logistiques, tandis queles forces spéciales et laDGSEopè-rent contre les cadres des groupes.Qualifiés de «furtifs», ces groupestentent toujours d’acheminer del’armement lourd vers le nord duMali. En témoigne la découverterécente d’un système sol-air,mêmesi celui-ci était défectueux.

Plus inquiétant: des artificiersd’Al-Qaida, venus du Yémen voiredu Pakistan, bénéficient de l’aidedes Chabab somaliens avant deparvenir jusqu’aux frontières duMalietduNigeraprèsavoirtraver-sé l’est du continent.Des signes depréparation d’attentats à la voitu-repiégée ont été repérés.

Surtout, des chefs djihadisteséchappentencoreà la traque.C’estle cas de Mokhtar Belmokhtar,devenu l’ennemi numéro undepuis la sanglante prise d’otagesqu’il a dirigée, en janvier2013, surle site gazier du sud algérien deTigantourine, près d’In Amenas,maisaussideDjamelOkacha,aliasYahia Abou Al-Hammam, émird’AQMI au Sahel, ou bien encored’AbdelkrimAl-Targui. LeTouaregleplus connud’AQMI,apparentéàIyad ag Ghali, l’islamiste d’AnsarEddine, est notamment soupçon-né d’avoir tué l’otage françaisMichelGermaneauen juillet2010.

En parallèle, depuis le 11mars,les forces algériennes ont éliminéhuit djihadistes dans le nord del’Algérie, où se trouve la directiond’AQMI. L’un des conseillers mili-taires d’Abdelmalek Droukdal,l’émir d’AQMI, aurait été tué lorsde ces opérations sans coordina-tionaveccellesmenéespar laFran-ce au Sahel.p

NathalieGuibertet IsabelleMandraud

La crise ukrainienne

«Cen’étaitpaslerêvepournousenUkraine,maisaveclaRussie,

ceserapire.Bienpire»MoustaphaAsabaresponsable tatar

Ungroupe d’hommes arméss’est emparé, jeudi 20mars, dela corvette ukrainiennesTerno-pil à l’ancre àSébastopol, aannoncé le porte-parole duminis-tère ukrainien de la défense enCrimée, VladislavSeleznev.«Des grenades assourdissantesont été utilisées lors de l’attaqueet on a entendu des rafales d’ar-mes automatiques», a-t-il dit àl’AFP, ajoutant qu’il ignorait lesort de l’équipage, n’ayant pasde liaison avec lui. Sur Facebook,M.Seleznev avait expliquéquedesmiliciens prorusses et des

soldats russes avaient bloquél’accès à la zone, tandis qu’unbateau avec des hommes arméss’approchait duTernopil. Il n’apas précisé si les forces russess’étaient également emparéesduSlavoutitch, amarré non loinduTernopil. Selon l’AFP, la cor-vetteKhmelnitsky serait aussitombée auxmains de forces pro-russes. Un peu plus tôt jeudi, lecommandant de la flotte russeenmerNoire, AlexandreVitko,étaitmonté à bord duSla-voutitchdans l’intentiondenégo-cier une reddition.

Desmarins et officiers ukrainiens quittent la corvette «Khmelnitsky», saisie par les forces prorusses, jeudi 20mars, à Sébastopol. A.LUBIMOV/AP

Derrièrel’euphorieaffichée,uneautreCriméeapeurdedevenirrusseLesCriméensattachésàKievet laminorité tatare redoutent lepassage sous l’autoritédeMoscou

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Des hommes armés à bord de corvettes ukrainiennes

Desartificiersd’Al-Qaida,

venusduYémen,voireduPakistan,

ontbénéficiédel’aidedesChababsomaliens

Plusde40djihadistesontététuésdanslenordduMaliparlesforcesfrançaisesDescadresd’AQMI,dont le successeurd’AbouZeid, et«Barberouge»ontétééliminés

6 0123Samedi 22mars 2014

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buer – il faut de l’énergie. Et, pourfournirdel’énergie, il fautdel’eau,beaucoup d’eau même: 600mil-liards demètres cubes par an. Cesdeux ressources sont intrinsèque-ment liées «pour le meilleur etpour le pire», prévient l’ONUdansson cinquième rapport mondialsur«Lamiseenvaleurdesressour-ces en eau », rendu public le21mars, à Tokyo.

Alaveillede la Journéemondia-le de l’eau, plutôt que de dresser letableau traditionnel des régionspauvres de la planète où les popu-lations n’ont pas accès à l’eau, lesNationsuniesontdécidé,cettefois-ci, de se concentrer sur l’interdé-pendance eau-énergie, annonçantdes «défismajeurs». Le «bien-êtrehumain» en dépend tout commele développement (durable oupas), expliquent les experts des 31entités de l’ONU-Eau qui ont tra-vaillé sur le rapport.

Certes, l’agriculturerestede loin

l’activité la plus consommatriced’eau puisqu’elle capte 70% de laressource,àcompareraux10%des-tinés aux usages domestiques.Mais cette proportion pourraitdiminuer à condition, insistent lesspécialistes, de réaliser des progrèsdans l’irrigationnotamment, pourlimiterlesgaspillages.Enrevanche,croissancemondialeoblige–démo-graphiqueetéconomique–,l’indus-

trie est appelée à peser de plus enplus lourd sur les prélèvementshydriques. Or les trois quarts des20% d’eau qui lui reviennent ser-ventàproduirede l’énergie.

Déjà,auxEtats-Unisetdanscer-tains pays d’Europe duNord, l’eauutilisée pour faire fonctionner lescentrales thermiques pèse autant,voire plus (50%) que celle captéepar l’agriculture. Ce pourcentagetombe à 10%, environ, en Chine.Mais qu’en sera-t-il dans quelquesannées?Ons’attendeneffet à voirgrimper la demande en électricitéde 70% d’ici à 2035 pour comblermajoritairement les besoins desdeuxgéantsd’Asie, laChineet l’In-de.

Qu’il s’agisse d’extraire char-bon, gaz, pétrole ou d’irriguermaïs et colza destinés à être trans-formés en agrocarburants, ouencore de refroidir des centralesthermiquesetnucléairesqui four-nissent 80% de l’électricité mon-diale, l’industrie vadevoir compo-ser avec une ressource qui se raré-fie. Dans plusieurs régions du glo-be, des nappesphréatiques ont vuleur niveau baisser ou leurs eauxdevenir saumâtres.

Déjà, un aquifère sur cinq estsurexploité aujourd’hui et nerenouvelle plus ses réserves. D’icià 2050, alerte l’ONU, 2,3milliardsde personnes vivront dans des

zones soumises à un stress hydri-que sévère, surtout en Afrique duNordet enAsie.

Le secteur de l’énergie ne serapasépargné.Enaoût2012, laséche-ressequiasévidansplusdelamoi-tié des Etats-Unis a opposé fer-miers qui essayaient de préserverleurs ressources hydrauliques etindustrielsdugazdeschisteempê-chés de réaliser des fracturationshydrauliques pour aller chercherle pétrole. Une pénurie que subis-sentdéjàdenombreuxgrandsbar-ragesdans lemonde.

EnFrance,descentralesnucléai-res installées le long duRhôneontdû freiner leur activité au coursd’épisodescaniculaires: la chaleurdes eaux du fleuve rendait pluscomplexe le refroidissement desréacteurs.

Le changement climatique, quiprovoque aussi une surexploita-tiondesaquifères,vaaccentuer lesmenaces et les coûts financiers. LaCalifornie s’inquiète du montantde la factureénergétiquenécessai-reaufonctionnementdesdix-septusines de dessalement qu’elle aprévu de construire, afin de remé-dier à la pénurie en eaupotable.

Et ce cercle infernal n’est pasprêt de s’arrêter. La consomma-tion énergétique mondiale a crûde 186% en quarante ans. Depuisles années 1980, l’homme prélève1% de ressource hydrique supplé-mentaire chaque année. Au ryth-me qui se dessine actuellement, ilfaudrait trouver55%d’eauenplusd’ici à 2050 pour répondre à l’en-sembledes besoins.

Si les modes de productiond’énergie, de chauffage, de carbu-rant ne sont pas tous aussi gour-mands en eau, ce sont les plus

«hydro-intenses» qui devraientcontinuer àdominer, selon l’Agen-ce internationale de l’énergie.«Nous allons vers davantage, degaz de schiste et de sables bitumi-neux, résumeRichardConnor,prin-cipalauteurdurapport.Plusd’agro-carburants également. On en faitpartout, y compris dans les régionsoù il est nécessaired’irriguer!»

En dépit des ses grands besoinseneauetdesacapacitéà lapolluer,le charbon devrait conserver sapremièreplacedanslarégionAsie-Pacifique. Les experts notent que15 à 18milliards dem3 d’eau doucesont contaminés chaque annéepar laproductionde combustiblesfossiles. «Le risque de conflit entreles centrales énergétiques, les

autresutilisateursde ressources eneauetlesdéfenseursdel’environne-ment est croissant», estiment-ils.

Les regards des experts se tour-nent alors vers les énergies renou-velables.Hormis les 16% apportésparl’hydroélectricité,leurpartres-te des plus modestes. Certes, lesolaire, l’éolien et la géothermieont beau être «sans conteste» lesplus économes en eau et « les plusdurables», leur production inter-mittented’électricitéresteunobs-tacle à leur développement.

Si ces technologies progressent– le secteur photovoltaïque a aug-menté de 42% depuis 2000, lesolaire de 27% –, la tendance n’estpas prête de s’inverser, tant que laquestiondustockagede l’électrici-té n’est pas réglée. Et que les com-bustibles fossibles restent forte-ment subventionnés au niveaumondial (380milliards d’euros en2012).

In fine, l’ONU souligne à quelpoint l’eau, considérée commeundon de la nature, est galvaudée.Son prix d’abord, ne reflète pas savaleur. Quant à sa gestion, deuxlogiquess’opposent:celledesgou-vernements qui l’abordent essen-tiellement en termes de santépublique et de bien-être. Et celledesindustrielsdel’énergiepressésderépondreàlademandemondia-le d’électricité.

«L’interdépendancedesressour-ces en eau et en énergie appelle dela part de tous les acteurs une coo-pérationbeaucoupplusétroite, carilestclairqu’iln’yaurapasdedéve-loppement durable tant qu’il n’yaura pas de meilleur accès à l’eauetà l’énergiepourtous», affirmeladirectricegénéralede l’Unesco, Iri-naBokova.p

MartineValo

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768millions d’humains n’ontpas accès à une source d’eauaméliorée, c’est-à-dire unpointd’approvisionnement qui ne soitpas partagé avec des animaux.

3,5milliards de personnespri-vées dudroit à l’eau: c’est l’autreindicateur retenu par l’ONUpourestimer cette fois la proportionde gens qui ne bénéficientpas d’une eau sûre, propre,accessible et abordable.

1,3milliard de personnes nesont pas raccordées à l’électrici-té. L’Afrique subsaharienne est laseule région oùce nombre risquede croître à l’avenir. Dans lemon-de, absence d’eau et d’énergie secumulent souvent.

50milliards de dollars par an(36milliards d’euros) seraientnécessaires pour que chacun aitl’électricité. Il faudrait le doublepour que chacun ait accès à l’eau.

NewDelhiCorrespondance

L’électricitégratuite ouà tarifréduit dont bénéficientdenom-breuxagriculteurs indienspourirriguer leurs cultures, à l’aide depompesmotorisées, accélèrel’épuisementdes nappesphréati-ques.Au rythmeactuel, la Banquemondialeprévoit que60%decesnappes serontdansune situation«critique»d’ici vingt ans. L’agri-culture consommeà elle seule85%de l’eau extraite du sous-solet le cinquièmede l’électricitégénéréedans lepays.

Dans les années 1970, l’irriga-tion souterraineapermis à l’Inded’accomplir sa révolutionverte etd’atteindre l’autosuffisanceali-mentairegrâce aubonddesgainsdeproductivité.Dans lesdécen-

niesqui suivirent, les gouverne-mentsdenombreuxEtats indienssubventionnèrent leprix de l’élec-tricité aunomdudéveloppement,etpourdes raisonsélectorales. Surpresque tout le territoire, les agri-culteurséquipésd’unepompemotoriséepeuvent exploiteruneeaudisponible à toutmoment,sans limite et gratuitement.

Les conséquencespeuventêtredramatiques.«Lespolitiquesdesubventiondesprixde l’électricitéencouragentune consommationexcessived’eau,provoquantunedégradationdes sols etundéséquili-bredans les élémentsnutritifsde laterre, lesquelsaffectent laproducti-vitéet les revenusagricoles», peut-on lire dansun rapportpublié enfévrier2014par l’Institut interna-tionaldudéveloppementdurable.

Le recours à l’irrigation souter-

raine a aussi creusé les inégalités.Seuls les plus riches peuventfinancer l’achatde pompes et lecreusementdepuits profonds.Les autres doivent leur acheterl’eau, abandonnantparfois les sys-tèmesd’irrigation traditionnelsde surface, comme les canaux.Dansun rapport de 2007, le Com-missariat auplan indien a recon-nuque «les subventions de l’éner-gie ont aidé les paysansaisés etn’ont pas bénéficié auxpauvres».

Deséconomistesproposentdefairepayer la consommationd’électricitéauxagriculteurspoursauver lesnappesphréatiques.Mais cettemesure les fragiliseraitalorsque le secteurestdéjà encri-se. Entre 15000et20000paysanssesuicident chaqueannée.Aumilieudes années2000, l’EtatduBengale-Occidentalaentreprisde

leur facturer la consommationd’eauen installantdes compteurschezeux.QuantauGujarat, il arationné ladistributiond’électrici-té.Dans chaquecas, lespaysans lesplusmarginauxontdûpayeruneeauplus chère, carplus rare.

Irrigation de surfaceDes chercheurs avancent

d’autres solutions, comme l’irriga-tionde surface, en améliorantparexemple la récolted’eaudepluiependant lamousson, ainsi queson stockage.D’autres techniquesd’irrigationpeuvent aussi êtregénéralisées, commecelledugout-te-à-goutte, qui permetd’écono-miser jusqu’à 70%de la consom-mationd’eaupourun rendementidentique. Lemeilleurmoyendestopper la surexploitationdesnappesphréatiques consiste à

cultiverdes récoltes adaptées auxsols et aux conditions climatiqueslocales. En 2013, le gouvernementindienaainsi encouragé les agri-culteursà cultiverdumaïs à la pla-ce du riz pour soulager les aquifè-resdunorddupays. Le gouverne-mentpeut aussi favoriser lescultures faiblement consommatri-ces en eauen augmentant leurprixminimumde soutien.

Quelleque soit la solution rete-nue, l’«Etat doit jouerun rôleplusimportant», insistent les cher-cheursOlivier Charnozet Ashwi-ni Swain, auteursd’un rapport del’Agence française dedéveloppe-mentpublié en 2012 sur le sujet,en adoptantune approcheplusglobale et en aidant les agricul-teurs à optimiser leur consomma-tiond’eau.p

JulienBouissou

3,5milliardsd’humains n’ont pas accès à une source sûre

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Des opposants à la technique de la fracturation hydrauliquemanifestent àNewYork, le 20mars. D.EMMERT/AFP

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france

Q uandNicolasSarkozy repren-dralaparole,ceserapourpar-ler aux Français. Sa première

intervention ne devra pas êtreconsacrée aux affaires», répétaitson entourage depuis sa mise enexamen dans l’affaire Betten-court, en mars2013. Un an après,l’ex-président a finalement cra-qué. Nicolas Sarkozy a décidé desortirdesaréserve,dansunetribu-ne au Figaro du 21mars, pour ten-ter de s’extirper de la séquencenégative dans laquelle il est plon-gédepuis trois semaines.

Encause: l’affaireBuissonetcel-le des écoutes pour laquelle uneinformation judiciaire pour traficd’influence et violation du secretde l’instruction a été ouverte. Lapression était devenue trop forte.« Il a jugé que les bornes étaientdépassées lorsque des premiersextraits des écoutes judiciaires ontété diffusés» par Mediapart, le18mars, explique l’un de sesconseillers. Plus question de pour-suivre la stratégie dumépris par lesilence, prônée par ses proches.«Commeonpartpourunfeuilletonde plusieursmois, il ne pouvait pasnepas réagir», justifie l’und’eux.

L’ex-président a donc répliquépour préserver toutes ses chancesdereprésentersoncampà laprési-dentielle. «J’ai longuement hésitéavant de prendre la parole»mais,« je crois qu’il est aujourd’hui demon devoir de rompre ce silence»,écrit-ildanssa longuetribune inti-tulée «Ce que je veux dire auxFrançais», publiée dans Le Figaro.Le tonestgrave.Dansce textequ’ilaécrit lui-même,l’ex-chefdel’Etatexpliqueavoirétécontraintderéa-gir publiquement car «des princi-pessacrésdenotreRépubliquesontfoulésaux pieds».

Tout au long de son réquisitoi-re, Nicolas Sarkozy s’en prend auxjuges, aux médias et au pouvoirsocialiste. Le style est direct, sansconcession. Du traitement de l’af-faire de Karachi, à celle du présu-mé financement libyende sa cam-pagne de 2007, en passant par lerejet de ses comptes de 2012, l’ex-

président fustige lesméthodes dela justice, accusée de pratiquer un« ciblage de [s] a personne». Ilreproche à l’institution, commeauxmédias,d’avoir«complaisam-ment répandue» de la «boue» surlui. Il charge la presse, qui auraitpublié «des milliers d’articles àcharge» contre lui.

«Sarko seberlusconise», ironiseun ex-ministre UMP. Mais c’estsurtout samise sur écoute qu’il nedigère pas. Dans cette tribune auvitriol, il n’hésite pas à comparerles prétendues méthodesemployées contre lui à celles de«la Stasi», policepolitiquede l’ex-RDA.

L’ex-président laisse entendreque le pouvoir socialiste serait à lamanœuvre pour lui nuire, en s’in-dignant que les écoutes de sesconversations avec des responsa-bles politiques ou avec son avocat

fassent«l’objetde retranscriptionsécrites dont on imagine aisémentqui en sont les destinataires ! » Etd’insister:«Jerefusequelaviepoli-tique française ne fasse placequ’aux coups tordus et aux mani-pulationsgrossières.»

M.Sarkozyreprendà soncomp-te la théorie du complot propagéeparsessoutiens,enaccusant–sansle nommer – FrançoisHollandedetout faire pour empêcher sonretour en 2017. Il lance même unavertissement: «A tous ceux quiauraient à redouter mon retour,qu’ils soient assurés que lameilleu-refaçondel’éviterseraitquejepuis-se vivre ma vie simplement, tran-quillement… au fond comme uncitoyen “normal”», écrit-il.

Il assure n’éprouver «nul désirde s’impliquer aujourd’hui dans la

vie politique de notre pays» maisdonne toutefois l’impression devouloir installer l’idée d’unmatchretour inévitable avec M.Hollan-de, dans l’espoir d’étouffer laconcurrenceà droite.

Les mots choisis sont volontai-rement violents et marquent unretour à la stratégie du clivage etdu rapport de force. Loin du profilrassembleuretapaiséquel’ex-pré-sident s’efforçait d’incarner cesderniers mois, M. Sarkozy veutfrapper les esprits pour s’insurgercontrecequ’ilestimeêtreunachar-nement. Avec son « appel à laconscience», M. Sarkozy prendune nouvelle fois les Français àtémoin, espérant susciter unréflexe de solidarité à son égard.«A ceux qui me sont attachés, jeveux dire que je n’ai jamais trahileur confiance», jure-t-il, afin desouder l’électorat UMP autour delui au moment où il traverse unezonede fortes turbulences.

Sa cote de popularité chutedans les sondages,desmilitants sedisent écœuréspar les affaires, sesrivaux à l’UMP – trop heureux delevoirendifficulté–nesepressentpaspour ledéfendre…L’heure luiaparu trop grave pour ne pasremontersur leringpoursedéfen-dre.Aurisquedelaissertransparaî-tre la fébrilité et le sentiment d’in-quiétudequi l’a envahi ces derniè-res semaines, avec l’accumulationde mauvaises nouvelles. «C’estdur. Beaucoup de choses sortent»,souffleunproche.

Lechoixdutimingn’estpasano-din : Nicolas Sarkozy a choisi dejouer son va-tout à deux jours dupremier tour des municipales.Autrement dit, juste avant la pro-bable réélection triomphaled’Alain Juppé – son concurrent leplusmenaçant– àBordeauxdès lepremier tour. M.Sarkozy ne sou-haitait pas continuer à encaissersans rien dire, au moment où lechiraquienprogressedansl’électo-rat de droite et affiche un profilplus rassembleur.

«Apartirdedimanche,çavaêtreledébutde laséquence Juppé. Il vayen avoir que pour lui dans lesmédias, redoute un fidèle de l’ex-président.Danscecontexte,NicolasSarkozynepouvait pas continuer àprendre des coups tous les jours etassister ébahi à la montée en puis-sancede Juppé sans réagir.»p

AlexandreLemarié

Desmoyensd’investigationrenforcésparl’ex-chefdel’EtatAnalyse

Lacomparaison, dans la tribunedeNicolasSarkozypubliéevendredi21marsparLeFigaro,dusystèmejudiciaire françaisavec«lesactivi-tésde laStasi»enAllemagnedel’Est,pouroutréequ’elle soit, doitquelquechoseà l’actionde l’ex-pré-sidentde laRépubliquequia faitsonpossiblepourélargir lespou-voirsde lapoliceetduparquet, sta-tutairement liéà l’exécutif.

C’estNicolasSarkozyquia faitadopter la rétentiondesûretéen2008: elle interdit à certainsdéte-nusd’être libérés lorsqu’il a termi-né sapeine.Ministrede l’intérieur,il a autoriséen2006 lespoliciers asaisir, sans le contrôled’un juge,lesdonnéesdeconnexiondesopé-rateurs téléphoniques.La loiPer-ben2, largementécritePlaceBeau-vau, apermisauxpoliciersdepla-cerdesmicrosoudescamérasdans lesvoituresouchez lesgensàleur insu, et la gardeàvueaétéétendueà96heures.

En2008, le fichierEdvigeautori-sait les servicesde renseignementsà collecterdes informationssurtous lesmilitantspolitiques, asso-

ciatifsousyndicaux, et sur toutepersonneougroupesimplement«susceptibledeporteratteinteàl’ordrepublic».

Surtout, l’ancienchefde l’Etatadonnéà laDirectiongénéralede lasécuritéextérieure (DGSE, les servi-ces secrets), à partirde 2008,desmoyenscolossauxd’écouteetdesurveillanced’Internet, sansautrecontrôlequeceluiducoordona-teurdu renseignement,unprocheduchefde l’Etat.

Des écoutes légalesM.Sarkozy s’indignede la viola-

tiondu secret de l’instruction,mais c’est bienuncommuniquéde l’Elyséequi indiquait en2011que«s’agissantde l’affaire ditedeKarachi, le nomduchefde l’Etatn’apparaîtdansaucundes élé-mentsdudossier», reconnaissantainsi que leprésidentavait euaccèsau contenude l’instruction.

Dans laRépublique, ajoute sansplaisanter l’ancienprésident,«onn’écoutepas les journalistes, pasdavantageque les avocats dansl’exercicede leurs fonctions». Ber-nardSquarcini, l’anciendirecteurcentraldu renseignement inté-

rieur, a été jugé le 18février pouravoirdemandé les fadettesd’unjournalisteduMonde,dont490conversationsont été parailleursécoutées surordred’un juge enmars2009.

Les écoutesdeNicolas Sarkozysont, surunplan juridique,parfai-tement légales: si la peine encou-rueest égale ou supérieureà deuxans– le traficd’influence est sanc-tionnéd’unepeinemaximaledecinqans, le juged’instructionpeut,«lorsque lesnécessités de l’in-formation l’exigent»ordonnerdesinterceptions, sans recourspossi-ble. Le jugepeut aussi écouterunavocat – à conditiondeprévenirsonbâtonnier (une loi du 10mars2004,Nicolas Sarkozy était alorsministrede l’intérieur),mais laretranscriptionde la conversationd’unavocat avec sonclientn’estpossibleque si elle est«denatureà faire présumer laparticipationde l’avocatàune infraction».

Personnene connaîtprécisé-ment les éléments qu’ont les deuxjugesd’instruction, saisispar leparquetnational financierd’unpossible traficd’influencequivisenotammentNicolas Sarkozy,Me

ThierryHerzog etGilbertAzibert,unpremier avocatgénéral à laCourde cassation.

QueGilbertAzibert ait ounonexercéune influencesur ses collè-guesde la chambrecriminelle lorsde l’affairedes agendasouqu’ill’ait seulement laissé croire, impor-tepeu.Que le gouvernementmonégasque«ait solennellementdéclaréqu’il n’y avait jamais eu lamoindre intervention», comme lesouligneNicolasSarkzoy,n’y chan-ge rien.

Le fait«de solliciter oud’agréer» «des offres, des promes-ses»pour abuserde «son influen-ce réelle ou supposée» suffit à éta-blir le traficd’influence.Or, lesconversationssurprisespar lespoliciers,MeHerzogdit le 5févrierqu’il vientd’avoir«Gilbert», quiaurait rendez-vous le jourmême«avecundes conseillers» en char-gede l’affairedes agendas«pourbien lui expliquer», et qu’il souhai-tait obtenirunposte àMonaco.Nicolas Sarkozy seditprêt àl’aider,mais sonavocat avait déjàrassuré lemagistrat: «Tu rigoles,avec ce que tu fais…»p

Franck Johannès

Unepopularitéquichute,des

militantsécœurés…L’heureluiaparu

tropgravepournepasremontersurlering

Affaires:pourquoiSarkozydéclare laguerreL’ancienprésident adécidédecontre-attaquer enmettantencause lepouvoir socialiste, les juges et lesmédias

YIl est aujourd’huidemondevoir derompre ce silence.

Si je le fais, c’est parce que desprincipes sacrés denotre Républi-que sont foulés auxpieds avecuneviolence inédite (…).

Qui aurait pu imaginer que,dans la France de 2014, le droit aurespectde la vie privée seraitbafouépar des écoutes téléphoni-ques? Ledroit au secret desconversationsentreunavocat etson client volontairement igno-ré? La proportionnalitéde laréponsepénale, au regardde laqualité des faits supposés, violée?Laprésomptiond’innocencedésa-cralisée? La calomnieérigée enméthodede gouvernement? Lajusticede la République instru-mentaliséepar des fuites opportu-némentmanipulées? (…)

Voici que j’apprendspar lapres-se que tousmes téléphones sont

écoutésdepuismaintenanthuitmois. Les policiersn’ignorentdonc riendemes conversationsintimesavecma femme,mesenfants,mes proches. Les jugesentendent les discussionsque j’aiavec les responsables politiquesfrançais et étrangers. Les conversa-tions avecmonavocat ont étéenregistrées sans lamoindregêne. L’ensemble fait l’objet deretranscriptionsécrites dont onimagineaisémentqui sont les des-tinataires! (…)

Aujourd’hui encore, touteper-sonnequime téléphonedoitsavoir qu’elle sera écoutée.Vouslisez bien. Cen’est pas un extraitdumerveilleux film LaVie desautres sur l’Allemagnede l’Est etles activités de la Stasi [la policepolitiquequi officiait en RDA jus-qu’à la chutedumurde Berlin]. Ilne s’agit pas des agissementsdetel dictateurdans lemonde à l’en-

droit de ses opposants. Il s’agit dela France. (…)

Je sais, laministre de la justicen’était pas au courant,malgrétous les rapports qu’elle a deman-dés et reçus. Leministre de l’Inté-rieurn’était pas au courant,mal-gré les dizainesdepoliciers affec-tés àma seule situation.Dequi semoque-t-on?Onpourrait en rires’il ne s’agissait de principes répu-blicains si fondamentaux.Décidé-ment, la Francedes droits del’hommea bien changé. (…)

Envers et contre tout, je gardeconfiancedans l’institution judi-ciaire, dans l’impartialitéde l’im-mensemajoritédes juges, dans lacapacitéde la justice ànepas selaisser instrumentaliser. (…)

Je veux affirmerque je n’aijamaisdemandéà être au-dessusdes lois,mais que je nepeuxaccepter d’être endessousde cel-les-ci.»p

Nicolas Sarkozy, lors d’une conférence à Berlin, le 28février. CLEMENS BILAN/AFP

«Jenepeuxaccepterd’êtreendessousdeslois»VerbatimExtraitsde la tribunedeNicolasSarkozyau«Figaro»du21mars

10 0123Samedi 22mars 2014

france

O n ne les y reprendra pas àdeuxfois.Douchéspar l’ex-périencede la semainepas-

sée,quiavaitvulesamisdeNicolasSarkozy parvenir pour quelquesjours à détourner l’attention dufonddudossier judiciairepour fai-re peser le soupçon surun gouver-nement suspecté d’«espionnaged’Etat», les dirigeants de l’exécutifont pris garde, cette fois, à ne pastomber dans le piège politique. Apeinelecontenudela tribunedansLe Figaro de l’ancien chef de l’Etatétait-il connu, jeudi 20mars en finde journée, que la riposte s’organi-sait sur le fond et la forme, afind’éviterlesdésastreuxcafouillagesde la semainedernière.

Certes, les socialistes s’atten-daient à une nouvelle contre-offensive de la part deM.Sarkozy.Maisilsontbeletbienétécueillisàfroidparlespremiersextraitsdelamissive en forme de missileenvoyé par l’ancien président.Depuis Bruxelles, où il participaitauConseileuropéen,FrançoisHol-lande, pas franchement ravid’avoir à se livrer à l’exercice, s’est

ainsi vu contraint de commenterlachargedesonprédécesseurcom-parant les écoutes judiciaires auxméthodesde laStasi, lapolicepoli-tiquede l’ex-RDA.

«Notre pays est un pays démo-cratique, un pays qui est fier d’êtrereconnu comme celui des droits del’Hommeoùlajustice,entoutcasj’yveilledepuisque je suisprésidentdela République, peut agir en touteindépendance», a répliqué M.Hol-lande, soucieux de couper court àl’argumentation de son ancienrival de 2012. «Laisser penser quenotrepays,notreRépubliquepuissene pas être fondée sur les libertés,c’est introduireundoutequin’apassaplace, et toute comparaisonavecdes dictatures est forcément insup-portable», a-t-il martelé, souli-gnant qu’il n’y avait «plus d’inter-ventionsdanslesaffairesindividuel-les». Façon de renvoyerM.Sarkozyaux turpitudes supposées de sonpropreexercicedupouvoir.

De fait, la réplique gouverne-mentale a été, sur le fond, rapide-mentplanifiée. Il s’estagides’atta-quer au cœur de l’argumentaire

sarkozyste,mais aussi à son pointfaible: sa tentativede se situer surle terrainde lamorale,des«princi-pes sacrés de notre République» etde l’«absence de scrupule» suppo-séedupouvoirsocialiste.D’oùunevolonté à gauche de ramener ledébat sur le dossier judiciaire lui-même: «Quand l’écume médiati-que retombe, il reste la vague judi-

ciaire, politique et morale», indi-queunprochedu chefde l’Etat. Cequ’à l’Elysée l’on résumaitvendre-dimatin d’une lapidaire formule:«Lesfaitssonttêtus.Et lajusticeres-te indépendante.»

Dès jeudi soir, l’Elysée et Mati-gnonont donc sonné le rappel despoids lourds du gouvernement et

delamajorité,calantl’argumentai-re sur cette ligne et dépêchant lesténors sur les matinales. Avec unimpératif : faire preuve de clarté,contrairementàcequ’il s’étaitpas-sé quelques jours plus tôt, quandleprésident, lepremierministreetlesministresde la justice etde l’in-térieur avaient été placés sur legrillparl’UMP.«Lasemainederniè-re, ceux qui pensaient que la droiteétait morte de ses divisions, en ontété pour leurs frais. On a vu qu’elleétait capable de se remobiliserquand l’heure est grave et de chas-serenmeute», confieunconseillerde l’exécutifquiajoute:«Pasques-tion cette fois de retomber dans lemêmepiège.»

Dans un communiqué, Jean-MarcAyrault a aussitôtqualifiéde«grave faute morale» le fait pourl’ancien chef de l’Etat de «mettreen cause l’honneur de la justice etde la police». Le premierministre,comme le président, juge «insup-portable» la «comparaison entrelaRépubliquefrançaiseet l’Allema-gne de l’Est ». « Je n’entends pasaccepter cette injure», a réagi de

soncôté lagardedessceaux,Chris-tianeTaubira.

Manuel Valls, lui, a disputé leterraindudroit à celui qui, dixansplustôt, l’avaitprécédéplaceBeau-vau. «J’ai le sentiment en lisant cetexte que Nicolas Sarkozy, pris paruneformederage,veuttoutdétrui-re pour se protéger», a déclaré leministre de l’intérieur vendredimatin sur Europe 1, ajoutantéprouver«ungrandmalaise» faceaux «paroles de division» et aux«mots violents et outranciers quitraduisent une absence de sérénitéet demesure».

Autrepoids lourddugouverne-ment,Michel Sapin, a dénoncé«laviolence sous [la] plume» et le«coupd’Etatverbal contre les insti-tutions » de M. Sarkozy, digneselon lui de «Berlusconi». Respon-sables duparti et du groupe socia-liste ont également été associés.BrunoLeRoux,présidentdugrou-pe socialiste de l’Assemblée natio-nale,ajugé«pitoyable» la«contre-offensive grossière» de NicolasSarkozy.«Cette lettreestunavisdepanique», a fustigé le député PS

(Essonne) Thierry Mandon, porte-parole du groupe. Pour le premiersecrétaire du PS, Harlem Désir, laréaction de l’ancien chef de l’Etatest une «irruption violente dans ledébat politique, à 48heures desélectionsmunicipales».

La contre-offensiveendisquali-fication politique a donc fusé detoutesparts.Etàgrandevitesse.Cequidénotedel’importancedel’en-jeu.Certes,unprocheduprésidentassure ne voir dans la charge deM.Sarkozyqu’«undélirepolitique,une tentative maladroite et com-plètement vaine de renverser unesituation. Il estobligéde le faire lui-même car personne d’autre nel’aurait fait. Il est isolé dans cetteaffaire. Son cas n 'est plus défenda-ble.» Mais le niveau de mobilisa-tion dans l’exécutif, la majorité etauPS, tout commel’intensitéde lariposte,montrentque l’adversaireet sa charge, à la veille desmunici-pales, première élection intermé-diaireduquinquennatHollande,yest prise très au sérieux.

BastienBonnefous etDavidRevaultd’Allonnes

I l la propose, on la prend…» LedirecteurduFigaro, AlexisBré-zet, résume la publication par

sonjournalde la tribunedeNicolasSarkozy.Quandonestunmédiadedroite, couvrir son camp n’est pastoujours aisé. Peut-être encoredavantagequandonapprend,dansun passage des enregistrementsréalisés par un conseiller de l’ex-président, que l’ancien directeurdujournalétaitcontactépoursefai-re suggérerdes angles.

PatrickBuissonavait ainsi jointEtienne Mougeotte, le 27 février2011, jour de remaniementminis-tériel, en plein «printemps ara-be». Le but : lui suggérer «de fairepasserdansletitre l’idéedelanéces-sité de s’adapter aux circonstancesnouvelles ». Le lendemain, en«une» du quotidien, on lisait :«Un gouvernement fortementremanié : la stratégie de Sarkozyface auxdéfis dumondearabe».

«Que des conseillers appellentunjournalpourtransmettredesélé-ments d’un discours, ce n’est pastrèsnouveau»,relativiseAlexisBré-zet, qui a succédé à Etienne Mou-geotte à la tête du Figaro enjuillet2012. «A l’époque de Mou-geotte, il y avait eu des protesta-tionspubliquesdénonçant laproxi-mité du journal avec Sarkozy»,raconte un journaliste. Le 9février2012, la Société des rédacteurs duFigaro était allée jusqu’à adopter àl’unanimité unemotion affirmantque leur « journal d’opinion n’estpas le bulletin d’un parti, d’un gou-vernement ou d’un président de laRépublique».

Rien de tel de nos jours. «Lesaffaires de la droite, on les traite. Jene vois pas de problème particu-lier», assure Stéphane Durand-Souffland, responsable de la Socié-té des rédacteurs. Le scandale desenregistrements Buisson a occupédeux pages jeudi 6mars. L’affairedes écoutes de Nicolas Sarkozy afait l’objet de plusieurs manchet-tes. «On a insisté sur l’indignationsuscitée chez les avocats par l’affai-re, mais c’est un vrai angle», com-mente M.Durand-Souffland. Dansl’affairedessurfacturationssuppo-sées de prestations à l’UMP, LeFigaro a même dénoncé « l’erreurtactique» faite par Jean-FrançoisCopéavec sa ripostemédiatique.

Uncas reste àpart: celui dupro-priétaire du journal, Serge Das-sault, visé par l’enquête sur desachatsdevoteprésumésdanssavil-le de Corbeil-Essonnes. En septem-bre2013, un journaliste s’est porté

volontaire pour écrire sur l’affairetouchant le sénateur UMP, connupour appeler les directeurs de sonjournalplusieurs foispar jour.

«Depuis l’arrivée d’Alexis Bré-zet,LeFigaroaunelignemoinspar-tisane», se félicite un journaliste.Le directeur du quotidien a mar-qué des points en interne fin 2012,pendant labataille fratricideentreJean-François Copé et FrançoisFillon, quand il a brocardé ces«branquignolsde ladroite» :«Quecesse – et vite – ce pitoyable feuille-ton», avait-il intimé en «une».

«Fondamentaux»Le changement d’orientation

recèle un paradoxe. «La ligne dujournal est moins partisane maisplusidéologique»,décrypteunjour-naliste.DesélusUMPontbiennotéune évolution: «C’est devenu unjournal ultraconservateur sur lessujets de société et régaliens.» Lenombrede couverturesconsacréesaux opposants au mariage homo-sexuel a suscité une question de laSociété des rédacteurs, curieuse desavoirsi cechoixétaitalimentéparunehaussedesventes. Ladirectiona répondu par la négative, tout ensoulignant les très bons scores lesjoursdemanifestations.

Derrière ces questions surl’orientation éditoriale, on retrou-ve l’ombre de M.Buisson. AlexisBrézet le connaît depuis l’époquedeValeursactuelles, l’hebdomadai-requePatrickBuissonadirigéetoùlui-même a travaillé de 1987 à2000. M.Brézet nie défendre uneligne unique mais assume uneorientation personnelle: «J’ai tou-jourspenséqu’unedroitequioublie-rait ses fondamentaux de droitelibéreraitunespacepour le FN.»

PourcertainsauFigaro, ilyasur-tout un risque de déséquilibredansla lignedujournal.Etdepoin-terdesvoixcommecelleduchroni-queur Eric Zemmour, mais aussicertainesplumesdeFigaroVox.Cesite de débats, lancé en février, estchapeauté par Vincent Trémoletde Villers, coauteur d’un livre surla «révolutiondes valeurs» engen-drée par La Manif pour tous (Et laFrance se réveilla, éditionsdu Tou-can).Ontrouveparmilescontribu-teurs Maxime Tandonnet, ancienconseiller immigration de NicolasSarkozy,LaurentObertone,auteurde La France Orange mécanique(Ring), ou Gilles-William Goldna-del, désormais connu commel’avocatde PatrickBuisson.p

AlexandrePiquard

«LeFigaro»etcesaffairesquiéclaboussentl’UMPL’ancienchefde l’Etatachoisi le journaldedroitepourpublier saréplique

Dèsjeudisoir,l’ElyséeetMatignonontsonnélerappeldespoidslourdsdugouvernementetdelamajorité

HollandeetAyraultripostentsurleterraindelamoraleEchaudéspar leursrécentscafouillagesdans l’affairedesécoutes, lesdirigeantsde l’exécutifontcette foisorganisé lacontre-offensiveàM.Sarkozy

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L’Etatcentraliselesinterceptionsjudiciaires

E n pleine polémique sur lesécoutesdeNicolasSarkozy, lebâtonnier de Paris a proposé,

jeudi 20mars, que la Commissionnationale de contrôle des intercep-tions de sécurité (CNCIS), qui estchargée de vérifier la légalité desécoutestéléphoniquesdesservicesderenseignement,étendesescom-pétences aux écoutes judiciaires.En décembre2013, cette commis-sion avait, au contraire, été jugéeillégitimeparnombred’acteursduWebpourcontrôlerl’accèsauxdon-néesde connexionpar les services.Jamais la CNCIS n’a autant été aucœurde l’actualité.

Il ne s’agit pas d’un hasard: cet-te institution originale est à untournantdesonhistoire. Conçueàune époque, en 1991, où FranceTélécomdétenait lemonopoledescommunications électroniques etoù Internet n’existait pas, elle estaujourd’hui confrontée à l’explo-sion des modes de communica-tion et de leur potentielle sur-veillance. Après la révélation parLeMonded’unesurveillancedutra-ficsur leWebpar ladirectiongéné-rale de la sécurité extérieure(DGSE), en juillet2013, la mise aujourdes liensétroitsentreceservi-ce et l’héritier de France Télécom,Orange, pose à nouveau la ques-tion du rôle et des moyens de cegendarmedes grandes oreilles.

LaCNCIS,autoritéadministrati-ve indépendante, exerce uncontrôle a priori sur les demandesd’écoutes transmisespar les servi-ces de renseignement, par le biais

dupremierministre,puisunevéri-fication lors de leur exécution.Pour les données de connexion, laloi prévoit une procédure uniqueà partir du 1er janvier 2015, avecl’autorisationpréalable d’une per-sonnalité nommée par la CNCIS,quisecharged’effectueruncontrô-le sur les opérations en cours.

Mais avec quels moyens ?Aujourd’hui,lesécoutestéléphoni-ques elles-mêmes ne constituentplus l’essentiel de l’activité de laCommission.Lenombrededeman-des d’interceptions téléphoniquestraitées est stable, autourde6000et contingenté: pas plus de 1840«objectifs»nepeuventêtre traitéssimultanément. L’accès aux don-nées de connexion, lui, est d’unetout autre ampleur : près de230000 demandes en 2012, enhaussede6%par rapport à 2011.

Face à cette explosion, les effec-tifs permanents de la commissionsont… de 5 personnes : un prési-dent,undéléguégénéral,unmagis-trat judiciaire et deux secrétaires.

Chargés du contrôle quotidien, ilsassurent une permanence 24heu-res sur 24 pour les demandes enurgenceabsolue (622en2012), aux-quelles une réponse est donnée enuneheure. Les casparticuliers sontexaminésparleprésident,unparle-mentairede lamajoritéetunautrede l’opposition.

Survie et crédibilité en jeuSur ces cas, la Commission est

aussiexigeantequesouple.Deman-dederenseignementscomplémen-taires,limitationdeladuréed’écou-te(quatremoisrenouvelables),voi-re avis défavorable ou demanded’interruption sont régulièrementutilisés. Mais la CNCIS, qui entre-tient undialogue constant avec lesservices, sait aussi jouer avec lesmotifsd’autorisationprévuspar laloi de 1991: sécurité nationale, sau-vegarde du potentiel scientifiqueet économique, prévention du ter-rorisme, criminalité et délinquan-ce organisées, reconstitution oumaintiendegroupementsdissous.

Dans son dernier rapport d’acti-vité, leprésidentdelaCommission,Hervé Pelletier, réclame «unaccroissement des compétences etmoyens» de son autorité. La CNCISy joue sa survie et sa crédibilité,alors que les grandes manœuvresautourd’uneloi-cadresurlesactivi-tés de renseignements ont débuté,entre l’Elysée, Matignon, l’Assem-bléenationaleet le Sénat.

Le rapport parlementaireUrvoas-Verchèredemai2013préco-nisaitd’utiliserlacommissioncom-me base pour créer une commis-siondecontrôledesactivitésderen-seignement. M.Pelletier est aussifavorable à «un accroissement duchampde compétencesde la CNCISvers d’autres techniques spécialesd’enquête telles que l’infiltration, lasonorisation, la captationd’imagesou de données informatiques, dontl’usagen’estpourl’instant,enmatiè-re administrative, pas prévupar lestextes». Ledébatpourraitêtre tran-chéavant la finde l’année.p

LaurentBorredon

L’ENDROITn’est pas particulière-ment émouvant.Unbunker enter-ré six pieds sous terre dans le vas-te campusde Thales à Elancourt,dans les Yvelines, à l’abri théori-qued’un crashd’avion, sauf pourlespelouses. Vingt armoires grilla-géesd’où sortent unepoignéedecâbles, et qui clignotent tranquille-mentdansun silencede cabinetd’avocatqui se saurait sur écoute.C’est la toutenouvelle plate-for-menationaled’interceptions judi-ciaires (PNIJ), qui centralisera, àpartir du 1eravril, unepartie desécoutes judiciaires, avantde géné-raliser le systèmeà l’été.

Cet équipement est, technique-ment, unprogrès. Jusqu’ici, lesjuges d’instructiondélivraientune commission rogatoire à unserviced’enquêteurs, qui louait àson tourunepetite centraled’écoutes àunpartenaireprivé, etles policiers travaillaientdansdesconditionsde discrétiondiscuta-bles. Les jugesn’étaient jamais cer-tainsquedans lesnuméros à écou-ter ne s’était pas glissésun intrusqui intéressait discrètementuneautre enquête. Rienn’était vrai-mentprévusur la duréede conser-vationdes données.

Le jugeauradésormais lesmoyens, grâceàune carteàpucesécurisée,de suivre sur sonordina-teur l’ensembledesécoutesordon-néeset pas seulement lespassagessignaléspar les enquêteurs.C’est

unpeu formel: lesmagistratsnevontpaspasser leursnuits à réé-couter les conversations,mais cesécoutes,placées sous scellés,pour-rontencasdecontestationêtreuti-les à ladéfense.

Il y avaitunautre souci: le coût.450000réquisitions judiciairesavaientétéordonnéesen2006,650000en2012 (+44%).Uneréquisitioncomprendplusieurséléments: les«prestationsannexes», commeles fadettes, lesfacturationstéléphoniquesdétaillées (5500000en2012, 22%deplusqu’en2006), 35000inter-ceptionsproprementdites (+75%)et 12000demandesdegéolocalisa-tion. Le coûtde ces réquisitionsreprésente36,5millionsd’eurosen2012,prèsde45millionspour2013.

Undispositif contestéD’où l’idée de centraliser – et de

sécuriser – lesmoyens. La déléga-tiondu systèmeàThales, avec sonlogiciel d’interceptionSpyder,revient sur quatre ans à 42mil-lionsd’euros, puis 10 à 12millionspar an.Mais leministère entendfairebaisser de 30% le coût factu-répar les opérateurs téléphoni-ques.«Endeuxans, l’investisse-ment est rentabilisé, se féliciteRichardDuban, le responsabledela délégationaux interceptionsjudiciairesde la chancellerie, etnous économisons 130 équivalentstempspleingrâce au système.»

Ledispositif reste cependantcontesté.D’abordparce qu’il délè-gue auprivé une activité régalien-nepar excellence. Thales a gagnél’appeld’offres en 2010, contretrois concurrents,mais aucun siteduministèrede la justiceneconvenaitpourdes raisons techni-ques. Leministèrede l’intérieurne tenait pas à l’accueillir et lessitesduministère de la défensenécessitaientdes travaux lourds.

Toutes les précautions sem-blent êtreprises pour queni Tha-lesni la chancellerienepuissentmettre le nezdans ces écoutes.Quand l’enquête est close, lesécoutes sont basculées dansuncoffre-fort électroniquepuis effa-cées de la partie exploitation, etles traces électroniquesdisparais-sent aubout de cinq ans.Un comi-té de contrôle, présidépar unmagistrathonoraire, surveillerale système.

La PNIJ ne se veut pas de sur-croît une super-centrale d’écou-tes,mais «un systèmed’informa-tions critiques», parfaitementévo-lutif. La cuirasse est évidemmentpleinede défauts: qu’est-cequiempêcheraun jugededonner soncodepersonnel d’accès à son gref-fier, ouundes 60000officiersdepolice judiciaired’abuser de sonaccès?Mais dorénavant, il y laisse-raune trace et pourra être retrou-vé.p

Franck Johannès

france

LecontrôledesécoutesadministrativesaucœurdemanœuvrespolitiquesLebâtonnierdeParisproposed’élargir lerôledelacommissiondecontrôleauxécoutes judiciaires

SOCIAL

LesagentsdeBercymanifestentcontrelessuppressionsdepostesPlusieursmilliersde fonctionnairesduministèrede l’économie(6000 selon les organisateurs, 2800d’après la police) ontmani-festé, jeudi 20mars à Paris, à l’appel des syndicatsCFDT, CGT, FO,Solidaires etUNSA-Douanes. Ils entendaientdénoncer «l’enterre-ment de la douane» et la dégradationde leurs conditionsde tra-vail, liée aux réductionsd’effectifs et aux fermeturesde services.«Avec 30000emplois perdus depuis 2002, et desmoyensbudgé-taires enbaisse, ce n’est pas tenable. Nous envisageons clairementdes suites à cette action», a déclaréVincentDrezet, secrétairegénéral du syndicat Solidaires Financespubliques. Pour les syndi-cats, cette journée, qui réunissait les agents des douanes, desfinancespubliques et de la directiongénérale de la concurrence,«témoignedu contexte dramatiquedans lequel se trouvent nosadministrations». – (AFP.) p

Plusieursmilliers d’intermittents du spectacledéfilent pour défendre l’avenir de leur régimeLes intermittentsdu spectacle se sontmobilisés, jeudi 20mars àParis et enprovince, pourmaintenir la pression sur le patronat àl’heured’ultimesnégociations sur l’assurance-chômagequi déci-derade l’avenir de leur régime. Plusieursdizainesd’entre euxont investi l’Opéra-Garnier à Paris.– (AFP.)

Faits diversUnhomme tué près deMarseilleUnhommede 29ans, connudes services depolice, a été abattu,jeudi 20mars, de plusieurs balles de kalachnikovàVitrolles, prèsdeMarseille. Il s’agit du cinquièmemort par ballesdepuis ledébutde l’annéedans la régiondeMarseille. Selon la préfecture,celle-ci a connu 17règlementsde comptes en 2013. – (AFP.)

Municipales Exclusion de syndicalistesCGTetCFDT inscrits sur des listes FNLaCGTdeCôte-d’Or a excludeuxde ses adhérentes inscrites surdes listes du Frontnational (FN) pour les électionsmunicipales àDijonet Chenôve, a-t-on appris, jeudi 20mars, auprèsdu syndi-cat.Mardi, la CFDTMétallurgie-Somme-Amiensavait pris unedécision identiqueà l’encontred’unde ses adhérents, présentsur la liste FNpour lesmunicipales à Péronne. – (AFP.)

DiscriminationUne application Internetcontre les contrôles d’identité jugés abusifsLe collectif «Stop le contrôle au faciès» a lancé, jeudi 20mars,une «Web appli» sur laquelle les personnes pourront déclarerles contrôles d’identité jugés abusifs. L’application permettra,selon ses initiateurs, de «garder une trace» des contrôles, encas de litiges ultérieurs, et de disposer d’une base de données«systématisées» pour identifier si des lieux ou des agentsposent problème. – (AFP.)

12 0123Samedi 22mars 2014

france

un film deAgnès Varda

Ciné-Tamaris présente

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avecCorinne MarchandAntoine Bourseiller

Musique deMichel Legrand

2014

VERSION RESTAURÉEACTUELLEMENT AU CINÉMA

Cléode5 à 7

C omment quatre enfantsdéclarés à l’état civil ont-ilspu passer à travers les

mailles du filet de toutes les insti-tutions pendant plusieursannées? C’est la principale ques-tion qui se pose depuis que RTL arévélé, jeudi 20mars, le cas d’unefratrie qui vivait recluse, dans unebarreHLMdelacitédes4000,àLaCourneuve (Seine-Saint-Denis).

Il a fallu lanaissanceduquatriè-me enfant d’un couple d’origineindiennepour que la police décou-vrecequisecachaitdepuis2008au7e étagede la tourduMaildeFonte-nay.Troisenfants,desgarçonsde2,5 et6ans, privésdesoins,d’écoleetde tout suivi médical depuis leurnaissance, partageaient dans ledénuement le plus complet unepièce d’un appartement de 85m2.Selon une source judiciaire, aucunsignedelaprésenced’enfantenbasâge dans l’appartement, à l’excep-tion d’un lit pliant de bébé. Aucunjouet. La baignoire ne semble pasavoir servi depuis des mois. Pen-dant plus de cinq ans, aucun desoccupants des 301 logements del’immeuble n’avait jamais vu lesdeuxaînés.

SelonleconseilgénéraldeSeine-Saint-Denis, l’alerte a été donnéepar l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis où la mère se présente le1er janvier pour accoucher de sonquatrièmeenfant,unefille.L’absen-cedesuivimédicalpendantsagros-sesse et le peu d’intérêt de la jeuneaccouchée pour son nouveau-néinterpellent les soignants. Avertie,la Protectionmaternelle et infanti-le (PMI) convoquelepère, âgéde34ansquelques joursplus tard.

Les deux enfants les plus âgés,qui présentent des troublesmajeursdudéveloppement,nepar-lent pas, ne marchent pas et souf-frent de fortes carences alimen-taires. Ces «enfants sauvages»,selonlesmotsdesenquêteurs,sontalorsadmisà l’hôpital Jean-Verdierde Bondy. Le 17 janvier, l’affaireremonte à la Cellule de recueil desinformations préoccupantes(CRIP), un service départementalchargé de centraliser et d’évaluerles informations concernant lesmineursendanger.

Fin janvier, la sûreté départe-mentaleest saisiede l’enquête.Misenexamenle13févrierpour«priva-tion de soins par ascendant», lesparents sont incarcérés. Les deuxaînésontétéplacésdansunétablis-sement spécialisé, les deux pluspetits sonten familled’accueil.

Jeudi, le Défenseur des droits,Dominique Baudis, s’est saisi del’affaireafindedéterminerd’éven-tuelsdysfonctionnementsdesser-vices sociaux. Le système d’alerte

a fonctionné pour le dernierenfantdececouple,maisqu’enest-il des aînés, dont les troubles fontsoupçonner une maltraitanceancienne? Ils seraient pourtantnés en France et à l’hôpital.

Or une naissance dans unematernité accroît les chances derepérer les difficultés et de déclen-cherdesalertesauprèsdelaPMIoudes services sociaux.Mais les critè-resvarientselonlesendroits.«Cha-que département est maître de sapolitique et définit des critères devulnérabilité: première grossesse,grossesse pathologique, bénéficiai-res de RSA, absence de déclarationdegrossesse,expliqueMarie-AgnèsFéret, chargée d’études enfancefamille à l’Observatoire de l’actionsociale décentralisée. Ces critèrespeuvent déclencher une visite àdomicile.MaisenSeine-Saint-Denis,les services font face à une masseconsidérablededossiers.»

Chaque année, 28000 naissan-ces sont déclarées dans le départe-ment. Selon le conseil général,8000 enfants de moins de 18 anssont suivis par les services del’aide sociale à l’enfance. La CRIP aenregistré 3600 signalements en2013, qui ont abouti à 800 place-ments enurgence.

Des cas tels que celui découvertà La Courneuve sont exception-nels, même si plusieurs affairessimilaires ont été révélées récem-ment : celle du bébé dissimulédans un coffre par sa mère pen-dantdeuxansetdécouvertenocto-bre2013 en Dordogne, celle des«enfants de la cave», deux gar-çons qui avaient passé trois ansdans une cave à Pavillons-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), mise aujour en avril2013 ou celle de qua-tre adolescents, reclus trois ans àleur domicile de Saint-Nazaire, etqui vient d’être jugée.

SielleresterareenFrance,lamal-traitancedesenfantsestunphéno-mènenonnégligeable.Lesdernierschiffres disponibles, qui datentd’une dizaine d’années, évaluent àprès de 20000 le nombre d’en-fants maltraités signalés chaqueannée. Dans cette catégorie figu-rent plusieurs types de mal-traitance: coups,maltraitancepsy-chologique, abus sexuels, délaisse-ment.Lesmaladiespsychiatriques,qui empêchent les parents de serendre compte de l’état de leursenfants, la dépression, l’usage dedrogues, l’isolement social et fami-lial, l’absence de confiance enversl’extérieur… peuvent éclairer detels comportements.

Lepassé des parents joue égale-ment un rôle. « S’ils n’ont pasconnu l’attentionpoureux, ils peu-ventnepasêtreenmesuredelapor-ter à autrui, affirme le pédopsy-chiatre Daniel Rousseau, qui tra-vaille dans une pouponnière del’aide sociale à l’enfance à Angers.On ne parle pas une langue qu’onn’a pas apprise. » «Les carencesintrafamiliales sont souvent le faitdeparentsquiontdeshistoires trèstraumatiques et ont du mal à sereprésenter ce dont l’enfant abesoin», estime Romain Dugra-vier, pédopsychiatre à l’hôpitalSainte-Anne à Paris. Dans l’affairedeLaCourneuve, les informationssur la famille sontencore troppar-cellaires pour pouvoir avancerune explication.p

GaëlleDupont,CatherineRollotet Soren Seelow

J usqu’à présent, il s’était tenu àl’écart du débat des municipa-les. Jean-MarcAyrault avaitbien

effectué quelques déplacementsciblés, mais le premier ministre,prenant soin de ne pas «nationali-ser » le scrutin, ne s’était guèreexprimésur le sujet.

Jeudi 20mars, à trois jours dupremier tour, le chef du gouverne-mentestsortidesaréserveenrelan-çant lathématiquedu«frontrépu-blicain»faceauFN,quicomptesurce scrutin pour réaliser des scoreshistoriques. «Les républicainsdevraient tout faire pour qu’il n’yait aucune possibilité qu’il y ait unmaireFrontnationaldansunecom-mune de France », a déclaréM.Ayrault surRadioJ.

Cet appel lancé à la classe politi-que à quelques heures du vote estsurtoutunmoyenpour le premierministre de mobiliser l’électoratsocialiste, alors que le risqued’abs-tention est fort, notammentà gau-che, et que le FN pourrait provo-querprèsde 200triangulaires.«Lescrutinmunicipal est à enjeu local,mais dès lors qu’existe la perspecti-ve d’un vote FN élevé, il est normalque le premierministre s’en empa-re», expliqueMatignon.

Lesproposduchefdugouverne-ment ont immanquablement faitréagir le parti de Marine Le Pen.«Merci à M.Ayrault qui admet quele seul adversaire du système, c’estle FN», a publié jeudi la présidentedu FN sur son compte Twitter. Lesecrétaire général du parti, SteeveBriois, candidat à Hénin-Beau-mont(Pas-de-Calais),avudansl’ap-pel du premierministre «le signaldu rassemblementde l’UMPS».

Si le PS ne dévie pas de sa ligneface au risque FN, Solférino saitqu’à l’occasion des municipales laconsigne nationale du front répu-blicain peut mal passer auprès deses troupes, notamment dans lesud-est. Dans ces territoires, lesmilitants socialistes pourraientrefuser de se désister en faveur del’UMP en cas de triangulaires avecle FN, alors qu’ils renvoient dos àdos les candidats de la droite et del’extrêmedroite.

En s’adressant aux « républi-cains», le premier ministre tentede déplacer le débat dans le camp

de l’UMP. Dans son « appel »,M.Ayrault amis la pression sur lesresponsablesdel’opposition,enlesdéfiantd’adopteràleurtourlastra-tégiedufrontrépublicain.«Onver-ra dès dimanche soir ce que l’UMPsera capable de faire. Est-ce qu’elleadhéreraà l’appel que je lance?», ademandé lepremierministre.

«Hors de question»En réponse, l’UMP l’a d’ores et

déjà rejeté. «Jean-MarcAyrault, enfaisant cela, adresse un messagetrèsclair : il nousexpliquequ’il sou-haite que le Front national fasse lescore le plus élevé possible pourpouvoir, grâce à cela, s’exonérer detoute responsabilité et nous ressor-tir la vieille ficelle de la Républiqueen danger», a rétorqué le prési-dent du parti, Jean-François Copé,auTalkOrange-Le Figaro,ajoutantque pour l’UMP, il est «hors dequestion» d’appeler à voter pourle PS ou le FNau second tour.

Le parti gaulliste campe tou-jours sur le «ni-ni», position défi-

nie parNicolas Sarkozy puis repri-se par M.Copé, qui consiste à neprendrepartini pour le FNnipourle front républicaindans les casoùuncandidatdegauche se retrouveseul face à un candidat lepéniste.François Fillon est revenu à cetteligne, après avoir conseillé en sep-tembre 2013 de voter pour « lemoins sectaire » des candidats.MêmeAlainJuppé, longtempspar-tisandufrontrépublicain,s’estral-lié au «ni-ni». A l’UMP, seuls quel-ques modérés contestent et res-tent adeptes du front républicain,commeDominiqueBussereau.

Laquestiondel’attitudeàadop-ter face au FN demeure un casse-tête pour l’UMP, où l’on craint quedescandidatsnouentdesallianceslocales avec l’extrêmedroite,mal-gré les menaces de sanction de ladirection,notammentdansleSud-Est. Un bureau politique de l’UMPest prévu lundi 24mars, à 15heu-res, pour trancher ce dilemme.p

BastienBonnefousetAlexandre Lemarié

Pendantcinqans,aucundesoccupantsdes301logementsdel’immeublen’avaitvu

lesdeuxaînés

Frontrépublicain: l’UMPdénoncela«vieilleficelle»dupremierministreM.Ayrault aappelé jeudi les«républicains»à«tout faire»pouréviter l’électiondemairesFN

FréjuspourraittomberdanslegironduFN

Fréjus (Var)Envoyé spécial

LeFrontnational enestpersuadé:Fréjus (Var) vabasculerdanssonescarcelle.Cetteville deplusde50000habitants seraitunebelleprisepour leparti d’extrêmedroi-te. Soncandidat,DavidRachline,estdonné favoripar tous les sonda-ges.Dans l’ancien fief deFrançoisLéotard,quivotemassivementethistoriquementàdroite, la gauchen’aquepeud’espoirsdepeser.

Et le FNpourraitbénéficierdesdivisionsde ladroite, quipart avectrois listes: celledumaire sortantElieBrun– condamnéen janvier àcinqansd’interdictiondedroitsciviquespourprise illégaled’inté-rêt, il a fait appelpourpouvoir seprésenter–, une listeUMP-UDIconduiteparunancienadjoint,PhilippeMouginetunedernière(diversdroite)parPhilippeMichel.Implantédans lavilledepuis2008,DavidRachline, lui, estconseillermunicipal sortant. Lorsdes cantonalesde2011, il avait faitlemeilleur scoredesonparti surl’ensembledu territoire, 39,37%.

«Il faut tout changer ici»C’estpour celaqueFréjusa été

uneétapedans le tourdeFrancedeMarineLePen.Mardi 18mars, l’an-cienneprétendanteà l’Elyséeestvenuesoutenir soncandidatentenantunmeetingdansungymna-sede laville. Plusdemilleperson-nes se sont serréespourécouter laprésidenteduFN.Le lendemain,sur lemarché, tout lemondeneparlaitquede ça.

A26ans,DavidRachlineestdéjàunvieuxbriscardde lapoliti-que. Il s’est engagé très jeuneà l’ex-trêmedroite,d’abordchez les«nationalistesrévolutionnaires»,puisauFNoù il aétéproched’AlainSoral. Aujourd’hui, il jurequ’iln’est loyal qu’auxLePen.Cebonvivant aaxé sacampagnesur

les financesde laville et cequ’ilappelle le«copinage»des élussor-tants.«Fréjusest en situationdefaillite, elle est paralysée financière-ment. Il fautungrandpland’assai-nissementdes financespour lancerdesprojets», argumente-t-il.

M.Rachlineseveut rassurantetjouede sabonhomie.«Nousnetoucheronspasauxcentressociaux,aucontraire,nous les ren-forcerons», dit-il à deux travailleu-ses sociales inquiètes. Il assurequ’ilne toucherapasau finance-mentdes associationsalorsque leFNa faitde la chasseàces subven-tionsun thèmenational. L’insécu-ritén’estpasnonplusmise enavantdans ses tracts.«NousnesommespasàMarseille, expli-que-t-il.Maisonaunevillepréser-véeet l’enjeuestdegarder cettequalitédevie, pasde régresser.»M.Rachlines’adapte. Luiqui aétéforméparuncourantde l’extrêmedroitequine faitpasde l’islaml’en-nemiprincipal – voireen fait unpotentielallié –n’en réclamepasmoinsun référendumsur laconstructionde lamosquée.

Beaucoupde Fréjusiens levoientdéjà à lamairie. Commedansnombrede villes où le FNpourrait gagner, ils réclament«un changement». «Il faut toutchanger ici. Fréjus est devenueunevillemorte», se lamente ainsi unecommerçantede 71 ans. Unautrepassantde 58 ans, Jean-Claude,abonde :«Rachlinepeut gagner.On en a ras le bol des affaires. Laville estmal administrée, ils fonc-tionnent entre copains.»

Mais tous les Fréjusiensne sontpasséduits.AinsiBarbara, 41 ansetcommerçante.CetteélectricedegauchenesegênepaspourrabrouerDavidRachline lorsquecelui-ci lui tenduntract.«J’espèrequ’il nepasserapas. Il est jeuneet ilestduFN.Ce serait trèsmauvaispournotre image», assure-t-elle. p

AbelMestre

Le premierministre, Jean-Marc Ayrault, àMatignon, le 16 février. BRUNO LÉVY/DIVERGENCE

Trois«enfantssauvages»découvertsdansunlogementàLaCourneuveLeDéfenseurdesdroitsvarechercherd’éventuelsdysfonctionnementsdesservicessociaux

130123Samedi 22mars 2014

AAix,MaryseJoissains(UMP), joue«seulecontretous»

C onnaissez-vous OdetteRoux ? Cette résistante,membreduParticommunis-

te, fut lapremière femme, en 1945,à l’âge de 28ans, à devenir maire,auxSables-d’Olonne(Vendée).Elleest décédée il y a moins de deuxmois, le 30 janvier, dans le plusstrict anonymat.

Soixante-dix ans après l’ordon-nance du 5octobre 1944 qui accor-da le droit de vote et d’éligibilitéaux femmes, il n’est certes plusnécessaire d’avoir fait ses armesdans laRésistancepouraccéderaufauteuil de maire si l’on est unefemme.Mais, en dépit de la loi du6juin 2000 « tendant à favoriserl’égalaccèsdes femmesetdeshom-mes aux mandats électoraux etfonctionsélectives», cela reste…unparcoursdu combattant.

Si la loi, en effet, oblige à dépo-ser aux électionsmunicipales deslistes composées alternativementde candidats de chaque sexe, latêtede liste – qui, dans la pratique,s’impose comme le futur mairepotentiel – revient, dans lamajori-té des cas, à un homme. Cetteannée encore, sur les 4095 listesenregistrées dans les communesde plus de 10000habitants, unesur cinq seulement est conduiteparune femme.

La loi peut être un levier pourfavoriser l’égalitémais, enmatièreélectorale, le rôle des partis, qui,selon la Constitution, «concou-rent à l’expression du suffrage»,reste déterminant. C’est à eux, enleur sein, selon lesmodalités dontils sedotent,qu’il revientdedécer-ner les investitures. Et l’écrémage,àceniveau,estrédhibitoire.Lacou-leur politique, pour le coup, estsecondaire. Le plafond de verre sesitue exactement à la même hau-teur pour le PS, l’UMP, l’UDI ou leFN: tous présentent entre 16% et18%defemmesentêtedeliste.Par-mi les formations les plus repré-sentées, seules les listes écologis-tes (34%) et du Front de gauche(29%) accordent une part plusavantageuseaux femmes.

Le résultat, en termes de repré-sentation des femmes dans lesconseilsmunicipaux, est inélucta-ble. Grâce à la loi de 2000, les fem-mes représentent 34,8% des élusdans les conseils municipaux,maisellesnesontque13,9%àexer-cer la fonction demaire.Moins de10 % des villes de plus de

3500habitants ont une femmemaire. Quand on passe aux villesdeplusde100000habitants, ellesne sont plus que six: HélèneMan-droux (PS) à Montpellier, MartineAubry (PS) à Lille, Adeline Hazan(PS) à Reims, Maryse Joissains-Masini (UMP) à Aix-en-Provence,Dominique Voynet (EELV) à Mon-treuil et Huguette Bello (PLR) à

Saint-Paul, à laRéunion.Une seulecertitude, la capitale, Paris, serapour la première fois dirigée parune femme à l’issue des prochai-nes électionsmunicipales.

Le résultat est encore plusconfondant dans les établisse-ments publics de coopérationintercommunale (EPCI) – les«intercos» –, dont les conseillerscommunautaires étaient, jusqu’àprésent, désignés par les conseilsmunicipaux. Les femmes y repré-

sentent 28% des conseillers mais7,2% seulementdes EPCI sont pré-sidéspar une femme.

Ainsi, demanière nette, s’opèreune distinction entre féminisa-tionetpartagedupouvoir.Lasous-représentationdesfemmespersis-te pour les mandats et fonctionsélectives qui ne sont pas soumis àl’obligation paritaire. Sans parlerdes inévitables attributions dedélégations répondant, encore, àde supposées compétences parti-culières: les femmes à la scolaritéou à la culture, aux hommes lesfinancesoul’urbanisme,malgré laloi du 31 janvier 2007 qui a intro-duit la parité dans les exécutifsmunicipaux.

Petitàpetit,cependant,lesavan-céesvers une reconnaissancede laplace des femmesdans les institu-tions politiques se consolident.Ces élections municipales vontmarquer l’entrée en vigueur denouvellesdispositions issuesde laloidu17mai2013quivont,mécani-quement, augmenter la propor-tion de femmes élues dans lesconseils municipaux et dans les«intercos».

Toutd’abord, leseuildepopula-tion à partir duquel s’appliquel’obligationde présenter des listes

paritaires a été abaissé de 3500 à1000habitants. Ce sont environ20000femmesquivont faire leurentrée aux conseils municipauxdans ces communes.

L’autrenouveauté de ce scrutintient dans le jumelage entre levotepour les conseilsmunicipauxet la désignation des conseillerscommunautaires. Sur le mêmebulletindevote figurerontdonc laliste des candidats au conseilmunicipal et, parmi eux, celle descandidats«fléchés», appelésà sié-ger également à l’« interco», avecune obligation de parité pour lesdeux listes.

D’autres dispositions visant àimposer l’«égalité réelle» entre leshommes et les femmes figurantdans leprojetde loi adoptéenpre-mière lecture à l’Assemblée natio-nale le 28janvier 2014 – telles quela parité entre lemaire et son pre-mieradjoint–nepourronts’appli-quer dès ce scrutin. Demême quela mise en application du non-cumulentreunmandatparlemen-taire et une fonction exécutivelocale. Elle ne deviendra effectiveque pour les prochains scrutins, àpartir de 2017 et ce sera, pour laparité, un saut décisif.p

PatrickRoger

france

MarseilleCorrespondant

Lagaucheva-t-elle ravir l’éléganteAix-en-Provenceaprèsdeuxman-datsde la tonitruantemaireUMPMaryse Joissains-Masini?A l’ap-prochedupremier tour, EdouardBaldo, le candidat socialiste, y croitplusque jamais.Unsondage IFOP,publié le 17mars,montreque levainqueurdesprimairesPSpour-raitbénéficier, entre lesdeuxtours,d’un réservoirdevoixplusimportantqueceluide sa rivale.

EncompilantsonscoreàceluidesVerts,du centre-gauche,duFrontdegaucheetde la liste«citoyenne»de l’ex-bâtonnierJean-LouisKeita,M.Baldopasse-rait les 47%.Cequi, encasde trian-gulaireavec le FN, serait synony-medevictoire faceàuneMaryseJoissains, annoncéeà 33%aupre-mier touret qui reste, à 71ans, plusque jamaisdrapéedansunepostu-re«seulecontre tous»:«C’est ceque je sentaisdepuis ledébut,assu-reM.Baldo,67ans. Il y ama liste etcelledeMmeJoissains. Lesautres res-tentpériphériques.»

Aix l’universitaire, 142000habi-tants, a connuunecampagnetrèsflorentine«entreélusdusérail».Adroite, contre la sortante, l’UDIBrunoGenzanamèneune listeoù

l’onretrouve27membresdel’UMP,dont lepremieradjointdeMme Joissains, JeanChorro.Agau-che, EELVpartenautonome.LeMoDemFrançois-XavierdePeret-ti, soutenupar l’anciencandidatsocialisteAlexandreMedvedows-ky, conduitunrassemblementdecentre-gaucheoù figurentdesper-sonnalités locales.

Pendantplusieurs semaines,MM.dePeretti etGenzana,élus for-tement implantés,ont espérédevancerMme Joissains-Masiniaupremier tour. Le sondage IFOPenles créditantrespectivementde10%et9%des intentionsdevote,les a renvoyésaustatutde forcesd’appoint:«Ce sondageest fauxetne reflètepas les remontéesdu ter-rain, remâche, agacé, François-XavierdePeretti.Maryse Joissainsn’a jamaisétéaussiaffaiblie et onluidonneencore 33%desvoix?»

A lapermanencedeBrunoGen-zana, ladéceptionflotteaussi: «Ilsemblequ’unepartiede l’électorataixois traditionnelne sedécidepasàchoisir l’alternativeàdroitequeje représente…»Appréciépar lesbaronsUMPdudépartement,queMme Joissains irrite souvent, l’hom-mes’inquiètepour l’entre-deux-tours. Il saitquesa listeaétéprisecommeune«trahison»parMmeJoissains:«Nepasbâtir au

secondtouruneallianceseraitjouerAixà la roulette russe.»

«Moi, jene fusionneavecperson-ne, s’enflammeMme Joissains.Celadevraitêtre interdit! Celapeutêtreunmariagede raison,mais,Genza-na, jene l’aimepas. Et fautpasqueje comptesur luipour travailler…»Envisitedequartier, la sortantefait campagne«sur le terrainet surlesnerfs».«Ils attaquent tousmapersonneetpasmonbilan,juge-t-elle. Et lesAixois le savent.»

«Elle ne lâche rien»Leshabitantsqui la saluent lui

parlentprothèsedehancheouchu-tes sur le trottoir. «Maryse»dérou-leen retourses thèmes: bonneges-tion,défensedesAixois, expérien-ce.A l’une, elledit:«Jegère l’ar-gentausouprès commetoutes lesfemmes.» «Ellene lâche rien»,savoure Jean-ChristopheGrossi,undeses jeunesadjoints.Auvol,l’élueUMPattrape lamaind’unepassantequ’elle reconnaîtet luiglisse:«Tudis bienà tabelle-mèrequ’il fautqu’elleprie…»

Comparéà l’éruptiveMaryseJoissains, le socialisteEdouardBal-doa toutdumoinebouddhiste.Cethommeminceet chauveappa-raîtmoins réservéqu’audébutdesacampagne,mais il contrôlesonvocabulaireet ses émotions.Avo-

catd’affaires, il a connuMme Jois-sainsà la facultédedroit avantunecarrière internationalequi l’atenuéloignédesélectionsaixoi-ses. Il dénonce leprogrammedecelle-ci«qui tient surdixpages»etseséchecs: «Quanddes classes fer-ment chaqueannée, celaprouveque les jeunesparentsn’ontplus lesmoyensde se logerdansunevilledevenuetrop chère…»

Findécembre2013, lorsquesarivaleUMPaétégardéeàvuepouruneaffairede traficd’influenceetdétournementde fondspublics, iln’apascrié auscandale.Maisasignéplus tard, avec tous sescolis-tiers, la charte éthiqueAnticor. SurlamétropoleAix-Marseille, àlaquelleMme Joissainsvoueuneoppositionviscérale, il joue lebonsens:«C’estune loi aujourd’hui. Etpourqu’elleprofiteauxAixois, ilfautquenous en soyons la locomo-tiveplutôt quede la subir.»

Mêmesiquatredes cinqpre-miersde sa listeontplusdesoixan-teans, il entend incarner le «chan-gementpolitique». Et parledéjàd’une«unionévidente»avec lesautres listesdegauche. Sa seuleinquiétude?QueMaryse Joissainsmorde,d’unemanièreoud’uneautre, sur les 10%dont leFNest cré-ditéaupremier tour.p

Gilles Rof

Juppé-Bayrou,unflirtquiintrigueetagace

Lesfemmessontsous-représentéespourlesmandatset

fonctionsélectivesquinesontpassoumis

àl’obligationparitaire

SOURCE : INSEECHAMP : FRANCE MÉTROPOLITAINE

Moins de3 500 habitants

3 500 à30 000 habitants

Plus de30 000 habitants

Ensembledes communes

Un tiers de femmes dans les conseils municipauxPARTDES FEMMES PARMI LES ÉLUSMUNICIPAUX, EN%

PARTDES FEMMES PARMI LES CONSEILLERS MUNICIPAUXSELON LATAILLEDE LACOMMUNE, EN%

1983Conseillers municipaux

Maires 2008

1947 2008

34,8

3,1 2,4

8,3

14

21,7

13,9

0,72,8

5,5

10,9

32,2

12,9

48,3

21,5

48,8

22,8

34,8

14

Malgrélaparité,àpeine14%desvillessontdirigéesparunefemmePour lescrutinmunicipaldu23mars,quatre listes surcinqserontconduitesparunhomme

AmiensEnvoyée spéciale

L e Parti socialiste, qui aconquis Amiens en 2008 enbattantGillesdeRobien,mai-

recentristedelavillependantqua-torze ans, compte sur le projet detramway de son candidat, ThierryBonté,pour conserver la ville. Suc-cesseurpotentiel du sortantGillesDemailly,quinesereprésentepas,M.Bonté est soutenu par le PCF etEELV,mais ladroite s’opposeà sonprojet et la population se montretrès réticente.

Dans le dessein du candidatsocialiste,une lignede tramwayde10km relierait le nord au sud de laville d’ici à 2018 pour un coût qu’ilestimeàenviron200millionsd’eu-ros. L’ancien journaliste de Fran-ce3Picardie, élu chargé des trans-ports à Amiens Métropole depuis2009,plaidesansrelâcheenfaveurde son projet face à ses nombreuxdétracteurs,qui, selonuneenquêteIpsos, restentmajoritaires (54%).

Brigitte Fouré, tête de liste UDI-UMP et anciennemaire de la villede2002à2007,dénoncelesnuisan-ces qu’entraînerait pendant deuxans le chantier du tramet s’alarmede la «hausse de la fiscalité sur lesentreprises» pour financer les tra-vaux. Candidat du Front national,Yves Dupille estime qu’il y a«d’autresprioritéscommelesaidessociales et la sécurité». Pour CédricMaisse, candidat du Parti de gau-che, le «tracé du tram que proposeM.Bonté n’est pas le bon et le plande financementn’estpasassuré».

Face à ces critiques, M.Bontétente de réorienter le débat sur lesenjeux sociaux: «Nous sommesles seuls à proposer des mesuresconcrètespour le logement, l’acces-

sionsocialeà lapropriétéoucontrel’échec scolaire.»

Pour faire pièce au positionne-mentcentristedesonadversaire,lePS dénonce l’alliance deMme Fouréavec Alain Gest, député UMP de laSomme, numéro deux sur la listede la candidate de droite, qui lui apromis la présidence de la métro-poleen casde victoire.M.Gest sera«tout-puissant puisque 80% descompétencesdelavilleontététrans-féréesàlacommunautéd’agglomé-ration. MmeFouré sera une mairesous le boisseau», assureM.Bonté,qui envisage, lui, d’exercer à la foisles fonctions de maire et de prési-dentde l’agglomération.

Le FN vise la triangulaireMme Fouré sourit à cette attaque.

Elue municipale, longtemps char-géedesquartierssensiblesde lavil-le, cette juriste réputée pour avoir«la fibre sociale» prétend vouloirêtre «une maire qui rassure et quiprotège».

Reste l’inconnue du vote FN.Dans la préfecture de la Somme,marquée par l’annonce, en jan-vier,delafermeturedusitedeGoo-dyear, le parti frontiste espèreimposer une triangulaire ausecond tour en convainquantnotammentunepartie de l’électo-rat populaire. Son candidat,M.Dupille, se dit «étonné de l’ac-cueil favorable qu’il reçoit dans lesquartiers populaires».

La déception des laissés pourcompte deGoodyear peut-ellefavoriserunvotede défiance? «Ilsne voteront pas FN», veut croireDidier Hérisson. Ce syndicalisteCGT dans l’usine qui employait1000 personnes figure sur la listeduParti de gauche.p

Béatrice Jérôme

LagaucheendifficultéàAmiensLadroite rêvedereconquérir cettevilleperdueen2008etmarquéepar lagestioncentriste

A ffichagede circonstanceoualliancedurable, prémi-ces d’une recomposition

de la droite?Depuis le début de lacampagnedesmunicipales, Fran-çoisBayrou etAlain Juppé rivali-sent, l’unpour l’autre, demotsdoux.Au risque, à quelques joursdu scrutin, d’êtredébordéspartantd’enthousiasme.

Dès septembre2013, lemairedeBordeaux, contre l’avisde ladirec-tionde l’UMP,a soutenu la candi-datureducentristeàPau.Le10novembre,enDordogne, lesdeuxhommesont insisté sur lanécessitéde«rassembler» les«famillespolitiquesde ladroite etducentre». Le8mars,M.JuppéatenumeetingàPau,pour soutenirson«ami»…Pour lesdeuxhom-mes,voisinsaquitains, il s’agitd’intérêtspartagésbiencompris.

AprèssonvotepourM.Hollan-deà laprésidentielle,qui lui avaitvaluunedérouteaux législativesdans lesPyrénées-Atlantiques,M.Bayrouavaitbesoin, àPau,d’uneonctiondedroitepourse fai-reélire.M.Juppé, lui, gouverneàBordeauxavec leMoDem,quipeut l’aiderà reconquérir la com-munautéurbaine, aujourd’huisocialiste. Et cesdeuxagrégésdelettres– classiquespour lepre-mier,modernespour le second–nourrissentdepuis longtempsunecertaineestimeréciproque.

Mais leur «flirt» a semblé cesderniers jours s’emballer, au ris-qued’apparaîtrepolitiquementunpeugrossier. Le 8mars, avantleurmeeting commun,M.Bay-roua glissé que «soutenir Juppéen 2017 est une idée plausible». Enaffirmant, cette semaine, qu’il«n’envisagepas» lui-mêmede sereprésenterà l’Elysée, le Béarnaisa rouvert la boîtede Pandoredesspéculations.Mercredi, le vice-

présidentduMoDem,RobertRochefort, s’est plu à enfoncer leclou: «Si Alain Juppédevait deve-nir le leader d’un renouveaudansune continuité d’unedroite répu-blicaine, il est assez vraisemblablequenouspourrionspeut-être envi-sager des choses avec lui.»

Iln’en fallait paspluspourquesepropage l’idéed’un«pacted’Aquitaine»: Juppé,auzénithdans lessondages,à l’ElyséeetBay-rouàMatignon,unispour fairebarrageàNicolas Sarkozy…

«C’estmoi qui décide»Las, le «timing» incontrôléde

cet emballementest desplusembarrassants.Municipalesobli-gent,MM.Bayrouet Juppéne ces-sentde répéterque l’horizondeleursambitions s’arrête à leur vil-le. SurTwitter, jeudi, lemairedeBordeauxa tentéd’éteindre l’in-cendie: «Je remercie FrançoisBay-roude sa sollicitudemais c’estmoiquidécidede ceque je fais. Noussommesen 2014». Joint parLeMonde,M.Bayroubotte en tou-che: «Alain Juppéest concentrésurBordeauxcomme je le suis surPau.Nousnevoulonspasnous lais-ser distrairede cet engagement.»

Au-delàdu ratéde communica-tion, cetaxe Juppé-Bayroususciteune levéedeboucliers tant ausiè-gede l’UMPquechez les sarkozys-tes.«Juppéaévidemment“dealé”avecBayrouen luipromettantMatignonouungrosministère s’ilbénéficiede son soutienpourpar-tirà la conquêtede l’Elysée»,affir-meunfidèlede l’ex-président.«Lejeupersonnelde Juppén’estpasbienperçu.Pour lesmilitants, il s’al-lieavec “le traître”, quia fait per-dreSarkozyen2012»,assureunprochede Jean-FrançoisCopé.p

Pierre Jaxel-TrueretAlexandre Lemarié

14 0123Samedi 22mars 2014

culture

SHOKUZAI TOKYO SONATA

le nouveau film deKIYOSHI KUROSAWA

RECIDIVE PRÉSENTE

PAR LES CRÉATEURS DE TAXI DRIVER & AMERICAN PSYCHO

CANYONSCANYONSTHE

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ACTUELLEMENT AU CINÉMA

Avignon(Envoyée spéciale)

A quoi sait-onqu’unnouveaudirecteur arrive au Festivald’Avignon? A une nappe

qui recouvre la tableoù ildonne sapremièreconférencedepresse.Cet-te nappe, Olivier Py l’a vouluejaune. Comme l’affiche, signée del’artiste Alexandre Singh, qui pré-sentera son premier spectacle, TheHumans. On y voit unhommequiregarde une statue de pierre dontémerge une fleur. «Rassurez-vous,ce jeune homme, ce n’est pas moi.Mon narcissisme a quand mêmedes limites», a précisé, en souriant,le successeur d’Hortense Archam-bault et VincentBaudriller.

Mais il n’a pas insisté sur lestrois clefs, que le fondateurduFes-tival, JeanVilar,avaitchoisiescom-me emblème et qui apparaissentelles aussi sur l’affiche, en rouge.Marie-Josée Roig, la maire (UMP)d’Avignon, qui ne se représentepas,s’enétaitchargée,ensaluantlaprésenced’un artiste à la directionduFestival, cequin’étaitpasarrivédepuis… Jean Vilar. De ce point devue,Olivier Pyouvreunevoie.

Ce n’est pas la seule, comme entémoignela68eéditionduFestival,qui se tiendra du 4 au 27 juillet.

Retour aux textes, avec quatorzeauteurs vivants et de nombreuxclassiques, de Shakespeare àKleist;baissedecertainstarifs;for-te présence du théâtre jeunepublic ; ouverture d’un lieu «deconvivialité et de pensée» : telssont les axes majeurs de l’an pre-mier de l’ère Olivier Py, qui, parailleurs, fait la part belle à l’émer-genceetparcourt lemonde.

Parce que Avignon coûte cheraux spectateurs, surtout aux jeu-nes, certains prix vont baisser :dans laCourd’honneur, lapremiè-re catégoriepassede40à 38euros,etlestrapontinde25à20euros.Lesmoins de 26 ans pourront bénéfi-cier d’un abonnement : quatrespectacles pour 40 euros. Il y auraégalementunabonnementspécial«grands spectateurs»: à partir ducinquième spectacle, ils bénéficie-ront du tarif réduit. «Nous espé-rons pouvoir proposer 10000 pla-ces pour ces abonnements, expli-que Paul Rondin, le directeur délé-gué du Festival.Mais l’impact éco-nomiqueest telque jepréfère resterprudent.»

«Lesparentsvontauthéâtrepar-ce que leurs enfants les y emmè-nent», ditOlivierPy, trèssensibleàla question du renouvellement dupublic. Pourquecela soit, une salle

sera consacrée pendant toute ladurée du Festival au théâtre jeunepublic : la Chapelle des Pénitents-Blancs, où seront présentés Falsta-fe, de Valère Novarina,mis en scè-ne par Lazare Herson-Macarel,

Même les chevaliers tombent dansl’oubli, de Gustave Akakpo,mis enscèneparMatthieuRoy,etLaJeunefille, le diable et lemoulin,un spec-tacle d’Olivier Py qui a déjà étébeaucoup joué.

Le directeur fera, par ailleurs,une création à la FabricA,Orlandoou l’Impatience, et ilmettra en scè-ne Vitrioli, de Yannis Mavritsakis,au gymnase Paul-Giéra. Mais il neserapasprésentdanslaCourd’hon-neur, où le Festival commenceraavec Le Prince de Hombourg, deKleist,danslamiseenscènedel’Ita-

lienGiorgio Barberio Corsetti avecXavier Gallais dans le rôle-titre. Cespectacle sera présenté du 4 au13juillet, pour qu’un large publicpuissevenir.

De la Roumanie auBrésilOlivier Py avait annoncé qu’il y

auraitdessériespluslonguesàAvi-gnon,oùsouvent lepublicest frus-tré parce que les spectacles sontcomplets. Il ne le fait cette annéeque dans les salles où la jauge estimportante, soit, outre la Courd’honneuret la FabricA, la Carrière

deBoulbon, où l’onpourra voir unMahabharata,vingt-septansaprèscelui, mythique, de Peter Brook,qui durait douze heures. Celui-cidurerauneheurequarante-cinqetil est signé du Japonais SatoshiMiyagi.Maisilyauraquandmêmeun marathon de dix-huit heures :l’intégrale d’Henry VI, de Shakes-peare, mise en scène par ThomasJolly à la FabricA.

Côté français, notons la présen-ce de l’auteure Lydie Dattas, à quiun cycle de lectures est consacré,ainsi que de Claude Régy, Marie-Josée Malis, la nouvelle directricedu Théâtre de la Commune, àAubervilliers, Christian Schiaretti,DenisGuénoun,MichelRaskine…

Côté étranger, on ira de la Rou-manie, avec Gianina Carbunariu,au Brésil, avec Antonio Araujo, enpassantparl’Italie,avecEmmaDan-te, laBelgique,avecFabriceMurgia,JosseDePauwetKrisDefoort,l’Alle-magne, avec Antu Romero Nunes,le Chili, avecMarco Layera. La dan-se,aussi,vientdetousleshorizons:Robyn Orlin, d’Afrique du Sud,ArkadiZaides, d’Israël, JulieNiocheetThomasLebrun,de France…

Enmusique, il y aura un specta-cleduBelgeAlainPlatel,uncabaretvenuduCaireetunconcertdugrou-pederockLesTêtesRaides,enclôtu-re du Festival, dans la Cour d’hon-neur. Et donc, pendant toute ladurée de l’édition, le public pourraseretrouver,de10heuresàminuit,àlafacultédessciences,pourdébat-tre. Parce que « la culture, c’est lapolitique, et la politique, c’est laculture», ditOlivierPy. p

Brigitte Salino

OlivierPydévoilesonpremierFestivald’AvignonLenouveaudirecteurmet l’accentsurunretourauxtextes,unebaissedestarifset le théâtre jeunepublic

Le«in»etle«off»fontcalendriercommun

OlivierPyaprésenté leprogrammede la58eéditionduFestival, jeudi 20mars, àAvignon. BERTRANDLANGLOIS/AFP

CETÉTÉ, LES FESTIVALS«in» et«off» d’Avignonauront quasi-ment lemêmecalendrier: du4 au27juillet pour le premier, du 5 au27juillet pour le second.Unepeti-te révolution.Depuis plusieursannées, ces deuxmoments théâ-trauxcommençaient et se termi-naientà desdates décalées, renfor-çant la frontière entre le rendez-vous«officiel» et la jungle «offi-cieuse», ne facilitantni la vie descompagnies et des salles du«off»ni celle dupublic, la clôturedu«in» étant vécue comme la finduFestival, alors que des centainesde spectacles se jouaient encoredans le «off».

«Nousnous sommes rangés aucalendrier du “in” pour faire preu-ve de bonne volonté», résumeGregGermain, présidentde l’asso-ciationAvignonFestival&Compa-gnies (AF&C), qui coordonne l’of-

fre du«off». Ilmilitait depuislongtempspouruneharmonisa-tiondu calendrier et n’a jamaiscachéêtre «heureux»de voirOli-vier Py –qui a commencésa carriè-re commeacteurdans le «off» en1985 –nommé, fin 2013, directeurdu Festival «in» d’Avignon.

«Nos amis du “off” ont caléleurs dates sur les nôtres, ils l’ontfait par intelligence: c’est parfait,on en rêvait, cet ajustement estune évidence. Il n’y a ni guerre, nipeur, ni questionde territoire, nimépris, ni déni», insiste Paul Ron-din, directeur déléguédu«in»,pourqui «il n’y a pas un “off”,mais des “off” ; duone-man-showjusqu’auxartistes qui ne sont pasretenusdans le “in” et qui vontjouer dans le “off”.»

Car ce festival «parallèle», avecses quelque 1200 spectacles,regroupeaussi biendesmar-

chandsde salles, qui profitent delamanifestationpour louer à descompagniesdes lieuxà prix d’or,quedes théâtres qui ont déjàacquisune certaine réputation.

«Ouf! Enfin! C’était lamoindredes choses, lâcheAlain Timar,directeurduThéâtre desHalles,membredes Scènes d’Avignon(label créé dans le «off» en2003).Il faudrait aller plus loin, et que lesassociations, la ville, l’Etat et lespartenaires réfléchissentàunenouvelle organisationdu Festivaldans son ensemble.»

GregGermainest plus tempé-ré. «Cen’est pas embrassons-nous,Folleville! Nous prenonsun risque,car le public du “off” arrive entre le7 et le 9juillet, après la fin de l’an-née scolaire.» Son calendrieridéal? «Du8au 31juillet», dit-il.L’annéeprochaine, peut-être?p

SandrineBlanchard

150123Samedi 22mars 2014

Into theWoodsMusique et Lyrics

LivretStephen SondheimJames Lapine

Nouvelle production duThéâtre du Châtelet,

en anglais, surtitré

La comédie musicale des contes de fées

Direction musicale

David Charles Abell

Mise en scène

Lee Blakeley

Orchestre deChambre de Paris

Du 1er au 12avril 2014www.chatelet-theatre.com

01 40 28 28 40

culture

Théâtre

L es troubles merveilleux dulangage lorsque rienne va desoi,nil’alphabet,ni levocabu-

laire, encore moins la syntaxe,fontbouillirlesneuronesdelacho-régrapheetmetteuseenscèneFan-nydeChaillé.Deplusenplus tour-néevers lethéâtreet laperforman-ce, elle a pris pour complices demots croisés le dictionnaire LeRobert ou des écrivains commeGeorges Perec (1936-1982) etaujourd’hui Pierre Alferi. Aprèsune première collaboration avecAlferi pour le spectacleColoc,peti-te forme en grande forme présen-téeauThéâtredelaCitéinternatio-nale, à Paris, du 6 au 18février, ellevient de créer une nouvelle pièceavec lui intituléeRépète,à l’affichedufestivalConcordan(s)e,quipro-grammequatreduoschorégraphe-auteur dans une vingtaine delieuxen France.

Assis face à face de chaque côtéd’unetable,FannydeChailléetPier-reAlferi remettentdonc le couverten jouant le vieux couple dont laroutineduquotidienestaussicelledu langage, les deux ensemble fai-sant le lit des scènesdeménage. Seconnaître par cœur jusqu’à antici-percequel’autrevadireoufinirsesphrases donne lieu à une comédieconjugale réglée à la croche prèsqui souffle un méchant coup defroidsur la gonflette sentimentale.

Sur ce terrain, Fanny de Chailléet Pierre Alferi se révèlent de par-faits duettistes, tirant unair plutôtdrôle et acidulé. Ils renvoient aussileurpasdedeuxàunepartitiondebasecommune à tous les couplesque chacun s’approprie en l’orne-mentantàsafaçon.Etc’estdrôledese voir et s’entendre (ou presque)danslesdifférentessituationségre-néespar lesdeuxprotagonistes.

Louvoyerentre fictionet réalité,jouer pour de vrai et y croire pourde faux (ou le contraire), épaissirles lignes de vie et de répliques demille et une associations d’idéesqui se précipitent dans la tête aumoment où l’on parle et agit estl’un des sports préférés de FannydeChailléetPierreAlferidansRépè-

te.Avectoujourscetteobsessioncli-nique et ludique du mot, de sonsens et de samatière sonore, de sagalaxie sémantique, qui fait par-foispresquepasserlefrançaispourune langueétrangère.

Dans le précédent spectacle,Coloc (comme colloque ou coloca-tion), pièce pour deuxhommes,bientôt en tournée en France, Fan-ny de Chaillé jouait avec l’aspectvisueletplastiqued’untexted’Alfe-ri. Sur de grands cartons, chaquephrase était déconstruite, hachéemenuenphonèmesdefaçonàréin-venterd’autrestermesparfoissansqueue ni tête. Style SMS tronqué,traduction phonétique ou «goo-glisée» jusqu’à produire une nou-velle langue alambiquée à lire àhautevoix.

Coloc comme Répète sontdeuxperformances malicieuses,faussement désinvoltes, ellipti-ques parce que c’est aussi entre lesmots que se faufile le sens. Ellesobligent le spectateur à une gym-nastique mentale réjouissante,entrevérificationdesescircuitslin-guistiques et jonglage avec sonvocabulaire, sensetnon-sens acco-lés sur les deux faces de la mêmemédaille. Au risque de ne plussavoir ce que l’on est censé com-prendre. Entre lire, dire et écouter,le langageest toujours codé.p

RositaBoisseau

Répète, de et avec Fanny de Chaillé etPierre Alferi. Concordan(s)e. 22mars,médiathèque Hermeland, Saint-Herblain(Loire-Atlantique) ; 29mars, bibliothè-que Marguerite-Audoux, Paris 3e ; 2 avril,bibliothèque André-Malraux, Les Lilas(Seine-Saint-Denis) ; 3avril, La Maisonrouge, Paris 12e ; 6 avril, Cneai, Chatou(Yvelines) ; 8avril, Maison de la poésie,Paris 3e ; 25mai, Festival Nouvelles, PôleSud, Strasbourg. Concordanse.com

FannydeChailléetPierreAlferi jonglentaveclesmauxducoupleLachorégrapheet l’auteurprésentent«Répète»,unecomédieconjugalemalicieuse

Art

L ’Enfantà labullede savon,untableau attribué à Rem-brandt, a été récupéré par la

police le 18mars à Nice après prèsde quinze ans de cavale. C’est le14juillet 1999, pendant le défilé dela Fête nationale, que des voleursavaient pénétré dans la bibliothè-que municipale de Draguignan(Var)puisdanslemuséecontiguets’étaient emparés de cette uniqueœuvre, une toile attribuée à Rem-brandt. L’alarme avait sonnémaisles policiers étaient arrivés troptard.

La toile avait été saisie au châ-teaudeValbelle (Alpes-Maritimes)durant la Révolution française etdéposée aumusée en 1794. C’étaitle chef-d’œuvre de sa collection,en raison de son auteur supposé.De formatmoyen, 60centimètressur 49, le tableau représente unadolescent coiffé d’un béret, unelourde chaîne dorée autour ducou, une bulle de savon intacteposéedans samaindroite.

Que l’œuvre soitdans lamaniè-reduHollandaisnefaitaucundou-te.Qu’elle soit autographeestbienmoins certain, ne serait-ce qu’enraison de la façon, trop appliquéeet laborieuse, avec laquelle étoffesetchaînessontimitéesetdutraite-ment du visage, à l’expression

banale. L’estimation qui a circuléévalue l’œuvre entre 3,5millionset 4millions d’euros. Elle pourraitserévélertrèsexagérée,si l’attribu-tionaumaîtreétait,commeilsem-ble probable, abandonnée au pro-

fit d’un «élève» ou d’un «imita-teur». Ce dernier pourrait avoirpeint le tableau dans le style deRembrandt au XVIIIesiècle plutôtqu’au XVIIe, aussi bien en Francequ’aux Pays-Bas. La notoriété du

maître était de nature à susciterdes imitations.

Aussitôtaprès levol,aucunindi-cen’avaitpermisderetrouverlapis-tedutableau.Mais, le 18mars,dansl’après-midi, agissant «d’après unrenseignement anonyme selonlequel un Rembrandt devait êtrevendu à Nice», comme le préciseStéphaneGauffeny,patronde l’Of-fice central de lutte contre le traficdes biens culturels (OCBC), les ins-pecteurs de l’OCBC ont interpelléen possession de l’œuvre deuxhommes qui s’apprêtaient à larevendre. Nés en1961 et 1968, ilsétaient déjà connus pour des faitsde petite délinquance. L’un d’euxauraitété auparavantassureur.

L’ex-directeurduMuséedeDra-guignan,RégisFabre,etsonactuel-le directrice, Jeanine Bussières, sesont rendus à la police judiciairede Nice jeudi 20mars pour recon-naître la toile. Après cette formali-té, L’Enfant à la bulle de savon serarestitué au musée municipal.Dans l’état actuel de l’enquête,rien ne permet d’affirmer que lesdeux hommes interpellés pourrecel seraient ceux-là mêmes quis’étaient emparés de l’œuvre, sou-ligne Stéphane Gauffeny. «Nousn’en sommes qu’au tout début del’enquête, avec un long travaildevantnous», conclut-il.p

PhilippeDagen

Musique

J ’ai commencé à chanter quandje gardais les moutons dans leschamps», explique Zarsanga,

un nom pachtoun qui signifie«branched’or».Cettefemme-brin-dille,d’uneminceurprotégéeetélé-gante,estnéeilyaunesoixantained’années dans un village pakista-nais,ducôtédeBannu,àunecentai-ne de kilomètres au sud de Pes-hawar, capitale de la province duKhyber Pakhtunkhwa. Bannu estla « ville des fleurs », où lesMogholsplantèrentdesarbres,desforts et des mosquées, avant quelessikhsnelesrasentautoutdébutduXIXesiècle.

Qui songea le premier à compa-rer l’enfant fragile, petite nomadeàlapeautrèsnoire,àuneprécieusebranche d’arbre? Zarsanga trouvela question vaine : depuis sa vienomade sous la tente, beaucoupd’eauacoulésouslesponts, elleestdevenue star en son pays. Sousl’eau, d’ailleurs, elle a perdu sesbienset samaison lorsdes inonda-tions de 2010 (15millions de sinis-trés).Elleaeusixenfants,et sester-rains de jeux préférés, prairies etscènes, mariages et célébrations,ontétédémembréspar lesguerres.

Le Khyber Pakhtunkhwa a étépris en tenaille entre les militantsdu TTP, le mouvement talibanpakistanais, et l’armée. «Les dépla-cementsdepopulationontétémas-sifs,enparticulierverslesvilles»,ditMariam Abou Zahab, chercheuseet enseignante à l’Institut nationaldeslanguesetcivilisationsorienta-les (Inalco), spécialistede la région.A l’évocation de ces coups du sortpolitiques, Zarsanga renverse lesyeux,sefermeaumondeextérieurpourpuiserenelled’antiqueschan-sonsd’amouretdegloire,des tran-ches d’épopées guerrières, cimentde l’unité des quatre tribusmythi-quesqui fondèrent sonpeuple.

Zarsanga chante, encore, tou-jours. Elle est «la voix pachtoune»et personne n’y touche. Elle estvenueenFranceunepremière foisen 1989, invitée au Festival d’Avi-gnon,puisauThéâtredelaVille,oùelle chantera le samedi 22mars,accompagnée par le joueur derubâb afghan Ghulâm Hussein. Apartir de 2008, « les musiciens onteu de gros problèmes, poursuitMariam Abou Zahab. Beaucoupsont partis vers Karachi, certains

ont changé demétier. Puis, tout estreparti sur lemode de la résistancepar la poésie et le chant. Les Pach-touns adorent la musique, mais,pour eux, le chanteur appartient àune caste basse, et la chanteuse estune prostituée. Or, il existe aujour-d’hui une nouvelle génération dejeunes éduqués, ayant étudié àl’étranger, et désireux de changerl’imagedu Pachtoun» – le guerrier

enturbanné, portant fusil, infiltrépar la drogue, la CIAetAl-Qaida.

LesPachtouns,ultimesgardiensdes cols, ces «passes» ouvrant laroute vers l’Indus, sont des coria-ces. «Ils ont un mauvais tempéra-ment,écrivaitMarcoPolovers1275.Ils sont très versés dans lamagie etl’invocation des démons.» Les che-veuxàpeineoccultés sousdes voi-

les brodés, Zarsanga porte dans unsouffle discret les valeurs poéti-quesdesPachtouns.

Lesmariages et les fêtes se fontrares dans la zone tribale que lachanteuse traverse sereinement,se glissant entre les mailles d’unfilet rigoriste. Zarsanga chanteplus souvent en Afghanistan, jugéplus sûr. «Elle est si mince! Noire,austère,etellenemetpassafémini-téenexergue», expliqueSoudabehKia, la programmatrice qui l’adécouverte dans les années 1980,et à qui «Branche d’or» délèguetoutequestiontenantaurôlequ’el-le joue au Pakistan et en Afghanis-tan. Mme Kia a ainsi, raconte-t-elle,assisté à son triomphe, fin 2013,dans une grande salle huppée d’Is-lamabad, la capitale du Pakistan,éloignéedeszonestribalesdunord-ouest. La musique de Zarsangas’écouteaussisurlestélévisionsdif-fusées en pachto depuis le golfeArabo-Persique.

«L’espace pachtoun est très lar-ge, explique Mariam Abou Zahab.Il y a eu une forte émigration versles pays du Golfe dans les années1970. A Dubai ou Abou Dhabi, ilsont conservé un statut particulier,

basé sur la fierté et le lien tribal.»Zarsanga chante, précise-t-elle,pour «ceux qui n’ont pas pu resterau Pakistan», ces chants anciensdont elle détient lamémoire, pres-queseule.Elleleurrappellelabeau-té des arbres, le parfumdes fleurs,les routes poussiéreuses et escar-pées,lebétailetlesamantsséparés.

Jeune, presque enfant encore,Zarsanga avait été enlevée par sonfutur mari, un homme à qui ellen’était pas destinée par sa famille,mais qui était tombé en extasedevant sa voix. Des menaces, ellen’en a jamais reçu. Elle est pruden-tecependant.En juin2012, sajeuneet populaire collègue, GhazalaJaved, 24 ans, une Pachtouneaimant danser et chanter sur dessynthétiseurs bien plus kitsch, aétéassassinéepar sonex-mari. Elleavaitdemandéledivorce.AuPakis-tan, pays contradictoire,mille cas-settespeuvent fleurir tandisqu’ontuedesmusiciens.p

VéroniqueMortaigne

En concert : le 22mars à 17heures, auThéâtre de la Ville, 2, place du Châtelet,Paris 4e. 21¤.Theatredelaville-paris. com

«L’Enfant à labulledesavon».ARCHIVESDUMUSÉEDEDRAGUIGNAN/MAXPPP

UntableauvoléattribuéàRembrandtretrouvéàNice«L’Enfantà labulledesavon»avaitétédérobéen1999dans leMuséedeDraguignan

C’estdrôledesevoirets’entendredanslesdifférentes

situationségrenéesparlesprotagonistes

«Elleestsimince!Noire,austère,etelle

nemetpassaféminitéenexergue»

SoudabehKiaprogrammatrice

Zarsanga en concert, accompagnée par le joueur de rubâbGhulâmHussein. KAMROUZ

Zarsanga, lavoixd’orpachtouneLachanteusepakistanaise seraauThéâtrede laVille, àParis, samedi22mars

16 0123Samedi 22mars 2014

170123Samedi 22mars 2014 disparitions& carnet

P ierre Delaporte puisaitvolontiers chez le poèteLautréamontpour décrire le

groupe EDF avec un sens de l’hu-mour consommé qui trahissaitaussi sa culture : le fruit de « l’ac-couplement long, chaste ethideux» des ingénieurs des Pontset de la CGT. Ce polytechnicien ensavait quelque chose puisqu’ilétait lui-même issu de ce corpsprestigieux et qu’il présida auxdestinées du géant de l’électricitéentre1987et1992.M.Delaporteestmort à Paris, lundi 17mars, à l’âgede85 ans.

Simple, humain et plein d’hu-mour: c’est de cet homme, né en1928àParis,quesesouviennentdenombreux collaborateurs, pro-ches ou lointains. «C’était un vraihomme, droit et courageux, quiaimait la vie et les gens, et quisavaitdirigeravecautantd’huma-nitéquede clarté. Jene connaispasd’avis contraire», souligne sonami Pierre Daurès, qui fut un pro-che collaborateur à Gaz de France(GDF) avant d’assurer la directiongénérale d’EDF après le départ deM.Delaporte. « Il avait la chosepublique et l’intérêt général che-villés au corps», ajoute-t-il, met-tant ses pas dans ceux de ses illus-tres prédécesseurs Pierre Guillau-mat,PierreMassé,PaulDelouvrieretMarcelBoiteux,auquel il vasuc-céder en 1987.

Le début de la carrière deM.Delaporte est celle, assez classi-que, d’un X-Ponts des «trente glo-rieuses». Entre1954 et 1959, il s’in-vestit dans la construction de lazone industrielle deMers-El-KébirenAlgérie,quandlaFrancevaenco-re de Dunkerque à Tamanrasset.Puis il dirige le port deDieppe jus-qu’en 1964 avant de faire une lon-guecarrièredansdifférentsminis-tères (travaux publics, équipe-ment, transports) marquée parquelques passages dans les cabi-netsministériels.

En 1972, il entre dans le mondede l’énergie. Directeur généraladjointdeGDF, il endevientdirec-teur général en 1979. A l’époque, ilfautgérer l’après-chocpétrolierde1973 et la fin programméedu gise-ment françaisdeLacq.C’est lui quinégocie – et renégocie – les grandscontrats gaziers que la Francesigne avec l’Algérie, l’URSS, lesPays-Bas et la Norvège. C’est fortde ses bons résultats industriels etfinancierschezGDFque legouver-nement de Jacques Chirac le nom-meprésidentd’EDF en avril1987.

Difficile de succéder à la figuretutélaire de Marcel Boiteux, maî-tre d’œuvre de l’ambitieux pro-gramme électro-nucléaire décidépar le gouvernement de PierreMessmer en 1973. Difficile, aussi,d’arriverdansunemaisonaccuséed’êtreune«forteresse»etun«Etatdans l’Etat» où se décide la politi-queénergétiquedupays,mais fra-gilisée par un climat social dégra-dé, des grèves parfois dures, unendettement colossal, un réseaude distribution défaillant et, pourne rien arranger, un regain anti-nucléaire né de la catastrophe deTchernobyl survenue enavril1986.

Avec Jean Bergougnoux nom-mé enmême temps à la directiongénérale, ils vont former un tan-dem «parfaitement complémen-taire», selon ce dernier. «Il faisaitspontanément confiance et ilsavait même assumer les erreursdes autres, se souvient-il. Ces cinqannées avec lui furent les plus bel-les dema carrière.» Il savait aussi,selonsesamis,dynamiserleséqui-pes de direction et il a créé la bon-ne distance entre l’entreprise etl’Etat, alors actionnaire à 100%.

Communiquant hors pairM.Delaportedoitd’abordprépa-

rer lemonopolepublicà la libérali-sation du marché de l’énergieconcoctée par Bruxelles. «Il fallaitmettre EDF dans la logique d’uneentreprise qui a des clients et nonplus des abonnés», se souvientM.Bergougnoux. Il y prépare lesagents et les cadres en douceur,avec un sens avéré des relationshumaines et un talent de commu-nicant hors pair. Le patron d’EDFavait une autre idée forte, ajou-te-t-il : «Sortir l’entreprise de soncarcan hexagonal.» Ce qu’il feraen se tournant vers le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Argentine,tout en poursuivant la coopéra-tionnucléaire avec la Chine.

M.Delaporte considérait que laproductiond’EDF,à80%d’originenucléaire, était un atout irrempla-çable pour l’économie française etla compétitivité de son industrie.Il avait notamment défendu l’im-plantation de l’usine Pechiney àDunkerque. Il enrageait de voirqu’endépit d’unprixde l’électrici-té parmi les plus bas d’Europe, lesindustries électro-intensivesétaient à la peine.

M.Bergougnoux se souvientque l’ancien patron d’EDF, déjàmalade, s’était battu en 2012-2013,à sa mesure, pour sauver l’usined’aluminium de Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie) menacée defermeture par le groupe minierRio Tinto. Comme une ultimepreuvedesonindéfectibleattache-mentà sonpayset à l’intérêtgéné-ral.p

Jean-MichelBezat

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22 et 23 mars 2014,Centre universitaire des Saints-Pères,

amphithéâtre Binet,45, rue des Saints-Pères, Paris 6e,

avecJean-Claude Aguerre, Paul-Laurent

Assoun, André Burguière,Gisèle Chaboudez, Judith Cohen-Solal,Frédéric de Rivoyre, Olivier Douville,Raphaël Draï, Sylviane Giampino,Isabelle Guillamet, Robert Higgins,

Christian Hoffmann, Georgy Katzarov,Patrick Landman, Didier Lauru,

Serge Lesourd, Patrick Linx, Silvia Lippi,Pierre Marie, Dominique Mehl,Vannina Micheli-Rechtman,Jean-Jacques Moscovitz,Laurent Mucchielli,

Marc Papon, Michelle Perrot,Claude-Noële Pickmann,

Jean-Louis Poitevin, José Polard,Gérard Pommier, Ouriel Rosenblum,Jacques Sédat, Manya Steinkoller,Marie-Laure Susini, Myriam Szejer,

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AU CARNET DU «MONDE»

Naissance

Samueline et Denis DECRAENEont la joie d’annoncer la naissancede leur cinquième petit-enfant,

Merina,Claire, Reine, Pauline, Marie,

le 18 mars 2014.

Ange, Ursula, David,leurs enfants

et Stéphane, Jean-Philippe, Pauline,leurs conjoints,

partagent le bonheur de

Aude et Pierre,sa maman, son papa.

Une pensée pour

Rachel, Pauline, Roland et Samuel,ses arrière-grands-parents.

12, rue du Hainaut,75019 Paris.

Décès

Antoine et Vincent Bourdin,ses fils,

Mme François Oudin,sa mère,

François Piuzzi,son compagnon,

Catherine Hill-Bernard,Marianne Debré, Louise Oudin,

Hélène Cémélli-Petit-Perrin,ses sœurs,leurs maris et leurs enfants,

Hervé Bourdin,le père de ses enfants,

Toute sa familleEt ses amis,

ont le regret de faire part du décès de

Jeanne BOURDIN,née OUDIN,

le 12 juillet 1950,adjointe au maire de Cachan,conseillère communautaire

du Val-de-Bièvre,généreuse, militante, aimante,

survenu le 16 mars 2014.

Les familles Karagueuzian, Dejonghe,Bertrand, Depogne, Davaine

font part, avec tristesse, du décès de

Eugène DAVAINE,secrétaire général du syndicatdes fabricants de Genièvre,

président honoraire du syndicatdes vins et spiritueux du Nord,président honoraire du tribunalde commerce de Valenciennes,

survenu le lundi 17 mars 2014,dans sa centième année.

Philippe Davaine,91, rue de la Citadelle,94110 Arcueil.

« Du kannst in MondesstrahlenNun, meine Barke, wallen,Und aller Schranken los,

Wiegt dich des Meeres Schoss. »

« A présent, tu peux voguer, barque,Au clair de lune,

Et dans le sein de la merTe laisser bercer sans limites. »

Johann Mayrhofer.

Michel Farrugia,son mari,

Julien Farrugia,Clelia et Joseph Cosentino,Romain et Ksenia Farrugia,

ses enfants,Dante et Amedeo Cosentino,

ses petits-fils,Elisabeth Birnbaum,

sa mère,Walter et Gemma Koller,Rupert et Iris Birnbaum,Johann et Angelika Birnbaum,

ses frères et belles-sœurs,Les familles Farrugia, Audri, Desperiez,

Floriot, Ruggieri et Spiteri,

ont entouré jusqu’à son dernier souffle,leur très chère

Margit FARRUGIA,née KOLLER,

décédée le 19 mars 2014,dans sa soixante-douzième année.

La cérémonie religieuse aura lieule mardi 25 mars, à 10 h 30, en l’égliseNotre-Dame-de-l’Arche-d’Alliance,81, rue d’Alleray, Paris 15e, suiviede l’inhumation au cimetière parisiend’Ivry-sur-Seine.

De s don s peuven t ê t r e f a i t sà l’Association pour la recherchesur la sclérose latérale amyotrophique(ARSLA), 75, avenue de la République,75011 Paris.

1 bis, rue d’Arsonval,75015 Paris.

Sa famille,Ses amis,L’équipe du théâtre Tristan Bernard,

ont la douleur de faire part du décès de

MireilleGALLIENNE SAIOVICI,

survenu le 18 mars 2014,à son domicile.

Un recueillement aura lieu le mardi25 mars, à 11 h 45, au crématoriumdu cimetière du Père-Lachaise, 71, ruedes Rondeaux, Paris 20e.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Arcachon. Paris.Oegstgeest (Pays-Bas).

Laure Garrido,sa filleet son conjoint,

Eva,sa petite-fille,

Liliane,sa compagne,

La famille Garrido,Parents et amis,

ont la tristesse de faire part du décès de

Claude GARRIDO.

Une cérémonie sera célébrée le samedi22 mars, à 10 h 45, en la Salle decérémonie, 55, cours Lamarque-de-Plaisance, à Arcachon, suivie del’inhumation au cimetière de la Teste-de-Buch.

Roses blanches souhaitées.

Barr (Bas-Rhin).

M. Michel Hedouin,son époux,

informe du décès de

Mme Charlotte HEDOUIN,née FISCHER,directrice d’école

de l’Éducation nationale,chevalier

dans l’ordre des Palmes académiques,ancien membre

du conseil municipal de Barr,

survenu le 18 mars 2014,dans sa quatre-vingt-septième année.

Selon sa volonté, son corps a étéincinéré.

La cérémonie religieuse aura lieule jeudi 27 mars, à 14 h 30, en l’égliseprotestante de Barr.

Nancy Parlier,son épouse,

Valérie Parlier,Guilhem et Sophie Parlier,Vincent et Elisabeth Parlier,Caroline et Stéphane Cuau,Delphine et Hervé

Castres Saint Martin,ses enfants,

Marie (†), Coline, Samuel, Simon,Guillaume, Arthur, Antoine, Louis,Jules, Charles, Pierre, Benjamin,Adrien et Max,ses petits-enfants,

Dino et Elna Parlier,Jacques et Françoise Parlier,

ses frères,

ont la tristesse de faire part du décès de

Laurent PARLIER,survenu le 19 mars 2014.

La cérémonie religieuse sera célébréele lundi 24 mars, à 10 h 30, en l’Egliseprotestante unie de l’Etoile, 54, avenuede la Grande-Armée, Paris 17e.

L’inhumation aura lieu au cimetièreprotestant de Montpellier, le mardi25 mars, à 10 h 30.

Anniversaire de décès

Toute la famille Josephsonse souvient de

Edmond OXEDA,3 mars 1911 - 20 mars 1994.

Conférences

Conférencesamedi 29 mars 2014, à 16 heures,

(réservation obligatoire).L’art du thé chinois :

conférence-dégustation par Yu Zhou.www.maisondelachine.fr76, rue Bonaparte, Paris 6e.

Tél. : 01 40 51 95 17.

Forum

France Cultureprésente

L’année vue par... l’histoire,le samedi 29 mars 2014,de 9 h 30 à 18 h 30,

Grand amphithéâtre de La Sorbonne,47, rue des Ecoles, Paris 5e.

5 tables-rondes avec notammentArlette Farge, Jul, Henry Laurens,

Olivier Monginet une leçon de clôture de Mona Ozouf.

Entrée libre sur [email protected]

ou 01 56 40 10 57.Programme sur franceculture.fr

Vernissage

Vernissage d’ouverture du nouvel espaceavec les artistes de la galerie,

le jeudi 27 mars 2014,de 16 heures à 21 heures,

6, rue du Docteur Jacques Guidoni,06000 Nice.

[email protected]

Semaine de la culture italienne,du lundi 24 au samedi 29 mars 2014,

45, rue d’Ulm, Paris 5e.Programme complet sur le sitewww.semaine-italienne.ens.fr

1928Naissance à Paris1979Nommédirecteur généraldeGaz de France1987Nomméprésident d’EDF17mars 2014Mort à Paris

Ancienprésidentd’EDF

PierreDelaporte

En 1991. DIDIER MAILLAC/REA

18 0123Samedi 22mars 2014

0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqui, 75707Paris Cedex13 Tél. : 01-57-28-20-00Abonnements par téléphone: deFrance32-89 (0,34¤TTC/min) ; de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89;par courrier électronique: [email protected] 1 an : Francemétropolitaine : 399¤Courrierdes lecteurs: blog:http://mediateur.blog.lemonde.fr/;Parcourrierélectronique:[email protected]édiateur:[email protected]: site d’information:www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi :www.talents.fr/ Immobilier:http://immo.lemonde.frDocumentation: http ://archives.lemonde.frCollection: LeMonde surCD-ROM :CEDROM-SNI01-44-82-66-40LeMondesurmicrofilms: 03-88-04-28-60

J -one est une chaîneque j’ai tou-jours regardéede très loin, carilme semblait qu’onn’y parlait

quedemangas, de séries animéesoude jeuxvidéopour lesquels jen’ai pas lemoindre commence-mentd’un soupçond’intérêt. Carce canal est tout entier consacréàla culturepopulairenippone, etenparticulier à des jeuxquimelaissent chaque fois pantois d’in-crédulité.

Il y a quelques semaines, j’ai ain-si vuun concours de bambinsqu’on faisait courir surunepisteouqu’on forçait àmangerdiffé-rentsplats aux ingrédients vague-mentmystérieuxet inquiétants,encouragéspar desmèreshystéri-ques et vociférantes.

Autre typede récréation, pouradultes cette fois, souventdiffusél’après-midi: unemachine infer-nale est installée sur une tournet-te etmunie de brashorizontauxplacés à différenteshauteurs. Ledéfi consiste àmarcher à contre-sensde la rotation et deparvenir àéviter l’unde ces obstacles qui pré-cipitent violemmentpar terre lemalheureuxcandidat.

Le tout est commentépar desanimateursqui se saluent respec-tueusementmais qui produisentle plus souventune sorte de ban-de sonoredigned’un théâtre dekabuki. La langue japonaise étantcequ’elle paraît à nos oreilles, ondirait que les protagonistess’adressentdes nomsd’oiseauxassortis de grondements sourds,de glissendos glapis et d’interjec-tionshaut perchées.

D’où l’impressionassez comi-que, quandon ferme les yeuxquelques instants, d’entendre larécitationparlée-chantéedu Pier-rot lunaired’ArnoldSchoenberg

enversionnippone.Une amiem’a transmis récem-

ment le lien d’unevidéodisponi-ble surYouTube (http://www.you-tube.com/watch?feature=related&v=KWwjl0zuaaE).Ony voit, fil-mé il y a probablementuneving-tained’années, le grand acteurBandoTamasaburo, aujourd’huiâgéde64 ans. Cet éminent artiste,qui se produit toujours dansdesrôlesde femme, est là-bas doté dutrès vénérable statut de trésornational vivant. L’émission, dontil est l’invitéd’honneur, a toutl’air d’une séance façon «GymTonic»deVéronique etDavina,enmoins déshabillé.

L’acteur enseigneà quelqueshommesunpeugourds les exerci-ces d’assouplissementauxquels il

s’astreint. Evidemment, lescobayesparviennentbiendifficul-tueusementà reproduire lesmou-vements enseignés. Ils se coincentle dos ou se tordent le bras et réa-gissentparune symphoniedebor-borygmeset de rires gras qui sem-blent laisser Tamasaburo légère-mentmal à l’aise.

Ce qui frappe surtout, c’est l’ab-sence totale de délicatessede cesprogrammes télévisés, alors quela culture japonaise est, on le sait,l’unedes plus raffinéesqui soient.C’est qu’il doit en aller là-bas com-me ici: il ne faut sûrementpas jau-ger le degré de civilisationd’unpays à sa télévision.Amoins que…p

C'EST À VOIR | CHRONIQUEpar Renaud Machart

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Caen

Cherbourg

Rennes

Brest

Nantes

Poitiers

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Perpignan

Marseille

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assezensoleillé132beautemps

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pluiesorageusesassezensoleilléassezensoleillépluiesorageusesassezensoleillécouvertetorageux

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Samedi 22mars22.03.2014

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Léa73

SERBIE LA GRANDE DOUCEUR PERSISTE : 22 DEGRÉS À BELGRADE

En Europe12h TU

Un temps très perturbé régnera sur l'ensembledu pays. Un axe pluvieux actif arroseracopieusement les régions situées entre PACAet Rhône-Alpes jusqu'aux Vosges et au Jura.Sur le reste du pays, un ciel de traînes'imposera, entre averses et éclaircies. Ellespourront prendre localement un caractèreorageux vers les côtes et dans l'intérieur desterres du Nord-Ouest. Les températuresbaisseront encore avec 9 degrés le long de laManche et un jusqu'à 16 degrés en Corse.

Coeff. demaréeLeverCoucher

LeverCoucher

Fortes pluies dans le quart Sud-Est

Aujourd’hui

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Solution du n° 14 - 068HorizontalementI. Antidérapant. II. Péan. Penseur.III. Etrécir. Créa. IV. Stères. Che.V. Aorte. Alerta.VI.NY. Crânais.VII. Térébrant. Gs.VIII. Eue. Ris.Suri. IX.Usine. Aï. Née.X. Rentabiliser.

Verticalement1. Apesanteur. 2.Nettoyeuse.3. Tarer. Rein. 4. Inertie. Nt.5. CEE. Brea. 6. Epis. Cri. 7. RER.Arasai. 8. An. Clan. Il. 9. Pschents.10. Aérera. Uns. 11.Nue. Tigrée.12. Tracassier.

Philippe Dupuis

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

1. A sorti ses plus beaux habits.2. Adaptés pour fermer. 3. Semanifeste spontanément. Espacevert en remontant. 4.Dada etsurréaliste. Très fatigué. Surla portée. 5.Un peu d’avance pourassurer l’arrivée en nombre.6.N’est pas toujours sûr. Facilitela traversée. 7. Entrent dansl’action. Les bêtes de la ferme.8.Ne lâchera rien. Sème les ventset les tempêtes. 9. Fin de partie.Résister au temps. 10. Essencetropicale. Renforçai l’intérêt.11. Fis disparaître. De juinà septembre. 12. Fisses perdrela tête.

I. Issue de secours quand toutcommence àmal tourner.II.Même sèche, elle s’occupedes enfants. Joueur de syrinx.III. Engin de terrassement. Bienmoins chaud, pas encore froid.IV. Sent la résine. Admise.Romains de Tivoli.V. Ecrase toutau passage. Interjection. Transportcollectif.VI.Mis en bon ordre.Trouva la bonnemesure.VII. Bout de banc. Frappebrutalement.VIII. Introductionmusicale. Ruséesmais tordues.IX. Attend les cierges à l’église.Xénophane ou Zénon.X. Petitesmalices sans grandeméchanceté.

Vendredi21marsTF1

20.55 Vendredi,tout est permis avec Arthur.Invités : Jérôme Commandeur, Virginie Hocq,Philippe Candeloro, Gil Alma, Claudia Tagbo...23.30Spécial Bêtisier. Le Grand Bêtisier.1.20 Confessions intimes (100min).

FRANCE2

20.47 Caïn.Série. SuicideU. Ornella (S2, ép. 1 et 2/8).Avec Bruno Debrandt, Julie Delarme (inédit).22.35 Ce soir (ou jamais !).Magazine présenté par Frédéric Taddeï.0.10 La Parenthèse inattendue.Magazine. Invités : Laure Manaudou,Patrick Bosso, Antoine Duléry (125min).

FRANCE3

20.45 Thalassa.Lisbonne, au pays bleu.Magazine.Présenté par Georges Pernoud.22.35Météo, Soir 3.23.10Mussolini- Hitler.L’Opéra des assassins. Documentaire.Jean-Christophe Rosé (2012).0.45 Si près de chez vous (55min).

CANAL+

20.55 Jack le chasseur de géantspFilm Bryan Singer. Avec Nicholas Hoult, StanleyTucci, Ewan McGregor (Etats-Unis, 2013).22.45 Avengerspp

Film Joss Whedon. Avec Robert Downey Jr,Chris Hemsworth (EU, 2012, 140min)U.

FRANCE5

20.37On n’est pas que des cobayes !Magazine. Au sommaire : Défi : Escalader un murde glace ! Peut-on faire une bulle carrée ?22.24C dans l’air. Magazine.23.37 Entrée libre. Magazine (20min).ARTE

20.50Skinp

Film Anthony Fabian. Avec Sophie Okonedo,Sam Neill, Alice Krige (GB - Af. S., 2008).22.35 Contrôler le génome.Une ambition sans limite ? Documentaire (2013).23.30 La Mélodie du boucher (2012).0.20Court-circuit. Magazine (55min).

M6

20.50NCIS.Série. De l’existence de la femme... (S11, ép. 4,inédit)U ; Requiem. Erreur sur la cible. Un garçond’exception. Super-soldat (S5, ép. 7 à 10/19)U.1.10New Girl. Série (S1, 9-10/24, 55min).

météo& jeux écrans

LessoiréestéléSudokun˚14-069 Solutiondun˚14-068

Samedi22marsTF1

20.55 The Voice, la plus belle voix.Episode 11. Présenté par Nikos Aliagas.23.25 The Voice. « La suite ».0.35 Les Experts : Miami.Série. Dernier matchU. Sur les pas du tueurWRévélationsU (S3, ép. 22 et 24/24, 150min).

FRANCE2

20.45Serge Lama, le grand show.Variétés. Invités : Patrick Bruel, Charles Aznavour,Laurent Gerra, Tal, Patrick Fiori, Bénabar...23.05On n’est pas couché. Talk-showprésenté par Laurent Ruquier (180min).

FRANCE3

20.45Deux petites filles en bleu.Téléfilm. Jean-Marc Thérin. Avec Christine Citti,Yann Sundberg (France, 2013, audio.)U.22.15Météo, Soir 3.22.40 Le Grand Georges.Téléfilm. François Marthouret. Avec XavierGallais, Marie Denarnaud (France, 2012, audio).0.20Appassionata - Les Troyens.[1 et 2/2]. La Prise de Troie. Les Troyens à Car-thage. Opéra de Berlioz. Dir. Antonio Pappano.Avec Anna Caterina Antonacci (255min).

CANAL+

20.55 11.6p

Film Philippe Godeau. Avec François Cluzet,Bouli Lanners, Corinne Masiero (Fr., 2013).22.35 Jour de rugby. Top 14 (22e journée).23.15 Jour de foot. L 1 (30e journée).0.10Queens of the Stone AgeauZénith de Paris. Concert (2013, 105min).

FRANCE5

20.35 Echappées belles.Bienvenue en Alsace ! Magazine.22.10Visagesdu littoral. [4/4] Bretagne.23.00 L’Œil et la Main. La Clé des sons.23.30 Superstructures.Le Grand Bouddha. Documentaire (45min).

ARTE

20.50 L’Aventure humaine.Les Jardins suspendus de Babylone (GB, 2013).21.40B... comme Babylone. Documentaire.22.40 San Francisco.La Bande-son d’une ville. Documentaire (2013).23.40 Tracks. Magazine (40min).

M6

20.50Hawaï 5-0.Série. Akanahe (S4, ép. 8, inédit)U ; Le Crochet.Kekoa (S3, 15 et 16/24)U ; Aloha. Ohana (S1,ép. 1 et 2/24)U. Avec Alex O’Loughlin (250min).

Cequifrappesurtout,c’est l’absencetotalededélicatessedecesprogrammesjaponais

Motscroisés n˚14-069

MARSEILLEPARIS

LILLE Dimanche 23 mars à partir de 16 heuresSuivez la soirée électoraleen direct sur Le Monde.fr

présente

Lesjeux

La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritairedes publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN0395-2037

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Toulouse(Occitane Imprimerie)

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Président : Louis DreyfusDirectrice générale :Corinne Mrejen

décryptages

Dans le monde, 6000lan-gues sont parlées. Peubénéficient d’un marchédulivre.Lebassinlinguisti-que francophone est, à cejour, en termes de locu-

teurs, le cinquième au monde après lesbassins chinois (Chine, Singapour,Taïwan), anglophone (Etats-Unis, Royau-me-Uni, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Inde, Afrique), hispanophone(Espagne,Amérique latine) ethindi (Inde,Pakistan).Celaengendredesresponsabili-tésentermesdetransmissiondessavoirs.

Commentlesmarchésdu livredans lesquatre bassins linguistiques postcolo-niaux (l’anglais, l’espagnol, le français etle portugais) sont-ils structurés? Com-ment évoluent-ils à l’ère de l’Internet, del’accélération des échanges, de la circula-tion de l’écrit et des idées, des personneset des relations culturelles et commercia-les entre anciennespuissances colonialeset pays anciennement colonisés ? Lessituations sont fort différentes, d’une èrelinguistique à une autre.

Lemarchédulivreanglophone,aumar-ketingsansétatd’âme,est leplusdévelop-pé. Il demeure leaderen termesdeprofes-sionnalisme, d’innovation et de créationdetendanceslourdes.Lemarchéhispano-phone est très dynamique du fait d’unecroissance du niveau de vie en Amériquelatine et de politiques publiques du livreet de la lecture. Ce sont des marchés vas-tes, en forte expansion, commerciale-ment très actifs, où se côtoient grandsgroupes transnationaux et structuresindépendantes. Ces marchés étaient pré-parés à l’émergence d’une classe moyen-ne «consommatrice» de livres, parce queles groupes occidentaux s’y sont implan-tés très tôt. Ilsyontdéveloppédes filiales,formé des professionnels et favorisé untransfert de compétences. Ces maisonsfonctionnent aujourd’hui comme desentités locales, autonomessur leplanédi-torial et commercial.

Ainsi retrouve-t-onen Inde, enAfriquedu Sud et en Australie des groupes anglo-saxons comme Penguin, RandomHouse,HarperCollins, Macmillan; en AmériquelatinePlaneta,Santillana,RandomHouse-Mondadori.AuBrésil, dont lemarchéédi-torial s’est historiquement dissocié dumarché portugais, se sont égalementimplantéesdesfilialesespagnolesprésen-tant les mêmes caractéristiques opéra-tionnelles.

Ce fort ancrage a stimulé ces marchésdu livre émergents, provoquant une aug-mentation très nette de l’offre éditorialeet suscitant, comme en réaction, la créa-tion de groupes nationaux et la multipli-cation de structures indépendantes trèsinnovantes (Seagull Books en Inde, SextoPisoauMexique,CosacNaifyauBrésilparexemple)qui sontdevenuesdesmodèles.En règle générale, contrairement à desidéesreçues, lacoexistencedesgroupesetdes indépendants crée de la «bibliodiver-sité».

La délocalisation du commerce dulivre hors de ses grands centres histori-ques ne s’est pas faite au détriment desunsmais au profit de tous, y compris desauteurs, plus présents sur l’ensemble desmarchés.

Au lieu d’exporter des livres depuisl’Europe,onexportedesdroitsdepublica-tion depuis n’importe quel centre, euro-péen, asiatique, sud-américain, etc. Lemarché des droits s’est internationalisé,décentralisé, accéléré, professionnalisé etl’on sait aujourd’hui qu’il ne peut y avoirde marché du livre dynamique sans unmarchédes droits dynamique.

Là encore, les Anglo-Saxons étaientmieux préparés ; voilà maintenant desdécennies qu’ils ont tissé un réseaud’agents et de sous-agents particulière-ment efficaces, présents dans le monde

entier. Les hispanophones les ont imités.Le marché francophone, historiquementtrèsprofessionnel et créatif, demeure for-tement centralisé à Paris, alors qu’il com-prendra,selonlesprévisionsdémographi-ques, quelque 700millions de locuteursau milieu du XXIesiècle. On y annonceune explosion de la demande, alors quel’offre y fait défaut.

Etrangement, les éditeurs français ontpeu investi dans l’espace francophonecomme s’il devait ne jamais se dévelop-per. Le marché du livre francophone esttrès cloisonné, très «modèle ancien». Les

grands groupes français ont continuéd’exporter leurs livres, négligeant detransférer leur savoir-faire. Aucun desgroupes, aucune des grandes maisonsfrançaises (Gallimard, Grasset, Le Seuil,Albin Michel, etc.) n’est présente dans lasphère francophone comme entité édito-riale autonome, hormis quelques excep-tions : Hachette Antoine (Liban), BayardJeunesseCanadaouFlammarionQuébec.

La circulation des livres continue doncde se faire à sens unique, depuis la Francevers la Suisse, la Belgique, le Canada ;depuis l’ancienne puissance coloniale, la

France, vers ses anciennescoloniesd’Afri-que, de la Caraïbe et de l’océan Indien.Plus préoccupant: les «grands noms» dela littérature francophone ont été aspiréspar ce centre. On importe les talents, onexporte les livres,maisonn’exporteni leslabels ni les droits. Pourquoi?

Pourquoi un groupe commeHachettes’est-il implanté en Amérique du Sud, enInde(HachetteLatinoamericaetHachetteIndia), en Chine, en Russie et quasimentpas dans l’espace francophone?HachetteLivre International est certes présent enAfriquemaisavanttoutcommestructuredediffusion. Et, quandGallimard crée [en2014] une maison d’édition au Québec,elle luidonneunautrenom, commesi lesgrands labels parisiens devaient demeu-rer parisiens.

Idem pour les créateurs. Les auteurspubliés par les grandesmaisons parisien-nesnepeuvent l’êtrepar d’autres.Vendreles droits d’édition en langue française àl’intérieur de l’espace francophone estencore difficile. Résultat : si les auteursfrancophones suisses, belges, québécois,africains,nord-africains,antillais,moyen-orientaux ou originaires de l’océanIndiensontdisponiblesdansl’espacefran-

cophone, c’estgrâceaupassageobligéparParis.

Autrement dit, s’ils sont disponiblesdans leur propre pays, ce sera dans lesbibliothèques tant les prix de vente sontinadaptés aux réalités économiquesnationales. Quant aux autres auteurs,non moins talentueux, ceux qui sontpubliés dans leur pays, ils doivent secontenter dumarché local.

Onpeut et ondoit s’émerveillerdu tra-vailaccomplipardepetitesstructuresédi-toriales indépendantes commeElyzad ouCeres (en Tunisie), Barzakh ou Chihab (enAlgérie), Editions d’en bas ou BernardCampiche (en Suisse), Ecosociété, Lux ouXYZ (au Canada), Jeunes Malgaches (àMadagascar), LuceWilquinouMaelström(en Belgique), Le Fennec ou Tarik (auMaroc), Dar Al-Farabi (au Liban), Donniyaou Jamana (auMali), les Presses universi-tairesd’AfriqueouIfrikya (auCameroun),les NEA (au Sénégal), les NEI (en Côted’Ivoire), etc. qui se sont développées etfinissent par exister sans Paris.

Les médias hexagonaux demeurentpeu ou prou indifférents à cette produc-tion francophone plus célèbre outre-Atlantique, à New York ou à Boston, qu’àParis ; les prix littéraires parisiens lesméconnaissent, hormis quelques excep-tionscommelesEditionsZoé (Suisse)pré-

sentes sur les listes depuis quelquesannées, et les libraires français en igno-rent bien souvent jusqu’à l’existence.

C’est un fait que personne ne relèvejamais, préoccupant pour l’ouvertured’espritdesélitesetdesdécideurschargésde cet outil porteur de culture qu’est lelivre, et navrant pour les stratégies desgroupes éditoriaux.

Ceux-ci, diffuseurs d’écrit et de penséedans une langue, la langue française,auraient-ils renoncé à leur mission pre-mière, celle de propager le savoir et d’ap-porter l’éducation au plus grand nom-bre? Quelles sont à terme les conséquen-ces de la non-implication des éditeursfrançais dans ce vaste marché qui pour-rait leur échapper?

De nombreux pays, en particulierd’Afrique,risquentdepasserd’uneabsen-ce demarché du livre structuré à unmar-ché numérique entièrement entre lesmains des géants désormais célèbres del’Internet.

Les auteurs africains et antillais, quirésident plus souvent aux Etats-Unis ouau Canada qu’en France, cherchent doré-navant à confier la gestion de leurs droitsaux agents littéraires en Afrique du Sud,enEspagneouauxEtats-Unis.Ilestàcrain-dre que les grands labels éditoriaux fran-çais se trouvent ainsi marginalisés dansun marché de langue française qui auraappris à se passer d’eux.

Entermesd’échanges,derelationscom-merciales équitables et respectueuses, deformation, de pédagogie du «travaillerensemble», ce dont tout le monde abesoin, particulièrement dans le marchéfrancophone, tout reste à faire. Lemarchédu livre francophone est un grand espacede création, un grand réservoir de lec-teurs, très peu travaillé.

Il est urgent de se défaire des vieillesmentalités.Parceque leséchangesse sontaccrus,parceque la formationdesunsparles autres s’est accentuée (combien d’In-diens ont fait de longs séjours dans lesmaisons d’édition anglaises, combien deNigérians se sont formés aux Etats-Unis,combiend’Argentinsont fait leurappren-tissage à Barcelone?), parce que le com-mercedes droits s’est décentralisé.

Lemarchéfrançaisreste-t-il troppréoc-cupé de son centre pour voir se profi-ler l’avenir?p

Prixlittéraires,auteursfrancophones,grandesmaisons…toutpasseparParis,audétrimentdesauteursétrangersquidiffusentnotrelangue

Mondialisonsl’éditionfrançaise!PierreAstier

Fonde la revue littéraire «Le Serpent à plumes» en 1988,qui deviendra unemaison d’édition en 1993.

En 2006, il crée avec Laure Pécher l’agence littéraire Astier-Pécher.Il dirige la collection de nouvelles «Miniatures» chezMagellan&Cie.

LaurePécherCrée, en 2002, la collection des «Classiques dumonde» chez Zoé.

Elle est l’auteur du «Droits d’auteur en usage en Europe»,avec Pierre Astier (LeMotif, octobre2010)

et de «Premier roman,mode d’emploi» (Zoé, 2012).

Ladélocalisationducommercedulivrehorsdesesgrands

centreshistoriquess’estfaiteauprofitdetous

Silesauteursfrancophonessont

disponiblesdansleurproprepays,c’estdanslesbibliothèquestantlesprixsontinadaptés

auxréalitéséconomiquesnationales

LEQUÉBEC: prèsde trois fois la Franceensuperficie, et plusde8millionsd’habi-tants francophones.A titredecomparai-son,onestimeà4,2millions lenombredefrancophonesenBelgique. LeQuébecreprésentedoncunmarchédu livreattrac-tif. Lesmaisonsd’édition françaises lesavent, ellesy exportent leurproduction.Celan’empêchepas leséditeursquébécoisd’existeret, pourcertains, commeBoréal,Leméac, L’Hexagone,LuxEditeur,XYZ,Mémoired’encrier oud’autres, d’êtrepré-sents sur la scèneéditoriale internationa-le.Dans cepaysagebienclivé, offrefrançaise/offrequébécoise,deuxmaisonsfont legrandécart: Bayard JeunesseCana-daet FlammarionQuébec.

Deuxexpériences similairesà cellespratiquéespar lesAnglo-Saxonset lesHis-paniques,puisque cesmaisonsontgardéle label desmaisonsmères françaises toutenveillantà leur indépendance.Flamma-rionQuébecest éditorialementautono-me,propriétédugroupeéponyme (lui-

mêmepropriétédeMadrigall SA). LouiseLoiselle, qui ladirige, estuneQuébécoise,commeles trois autrespersonnesquiconstituent sonéquipe.Elle ydéveloppeune ligneéditorialepropre,pourmoitiédesauteursquébécois, pourmoitiédesœuvres traduites. Les relationsavec lamai-sonmère françaisey sont souples,unefois les comptes rendus– et les comptessontbons–, le reste relèvede sonentièrediscrétion.

Uncas isolé de déclinaisonLaprésencede lamarqueauQuébec est

emblématiqued’unevolonté, d’unepru-denceetd’unprincipede réalité commer-cialede lapart desdirigeantsdeFlamma-rion. En 1950estouverte àMontréal lagrande librairie Flammarion,haut lieuderéférencede la culture française. En 1972,lamaisonparisiennesedoteoutre-Atlanti-qued’uneplate-formededistribution, laSocadis, qui offre aux librairies et grandessurfacesquébécoisesune livraisonen

24heuresdesouvragesde centainesd’édi-teurs.Deuxansplus tard, en créant lesédi-tionsFlammarion ltée, le groupes’organi-se afindepromouvoir sesouvrages locale-ment. En 1998,unnouveaupas est franchiavec la créationde lamaisond’éditionFlammarionQuébec.Quinzeansplustard, lamaisonéditeunevingtainedenou-veauxtitres chaqueannée.

Ce casdedéclinaisond’unemarquefrançaise reste isolé, endépit de sonsuc-cès.Gallimardaannoncé la créationd’uneautremaisonauQuébec,mais ellenepor-terapas lenomde lamaisonmère. Com-meenéchoà cetteprésence françaiseauQuébec,quipeutêtre vécucommeunimpérialismeéditorialpar certains, arépondu l’ouvertured’unbureauàParisdeLuxEditeur, petit éditeur indépendantde scienceshumainesquébécois, sou-cieuxdepublier et diffuser ses livreshorsles seules frontièresduCanada. Preuveque les échangesà l’intérieurd’uneère lin-guistiquepeuvent être àdouble sens.p

Nombre d’éditeurs classés parmi les 60 premiers mondiaux d’après leurs revenus en 2012, par pays

Langue majoritaire

Chinois

Allemand

un éditeur classé parmi les 60 premiers

Anglais

Japonais

Espagnol Arabe Hindi Russe Portugais Français

Royaume-Uni

Etats-Unis

Pays-Bas

AllemagneFrance

Espagne

Italie Japon

SuèdeDanemark

Norvège

Chine

Corée du Sud

Brésil

Canada

Finlande

Russie

SOURCES : THEODORA.COM/MAP ; PUBLISHERSWEEKLY.COM

Planisphère éditorial par grande langue

AuQuébec, lespremierspasd’unpionnier

190123Samedi 22mars 2014

De toutes les figurespoliti-ques, lemaire est celle quirésiste lemieux.Unegrosse

majoritéde Français lui fait enco-re confiance, alors que ledéputéest tombénettementau-dessousde lamoyenne, sansparlerdel’exécutifnational, qui a très viteplongédansdesabîmesd’impopu-larité.Dimanche23mars, à l’occa-siondupremier tourdes électionsmunicipales, c’est la résistancedumairequi sera testée, sa capacité àfaire fi de ladéfiancepolitiquequine cessedemonter aupointde«ronger la démocratie», comme leditBriceTeinturier,directeurgéné-ral déléguéd’Ipsos.

La responsabilitéde l’édile estlourde: lemaire estdevenu l’ulti-merempartd’unsystèmequiprend l’eaude toutesparts. Sa soli-tudeest extrême: il doit sebattreseul car, du côtédunational, il n’aplusaucuneaide.Non seulementles caissessontvides,mais les affai-res s’accumulent, jetantune lumiè-re cruesur le comportementdeNicolasSarkozy, qui rêvait en2007d’être le sauveurdupays etressembleaujourd’huiàunaven-turier auxabois. L’actuelprésidentde laRépubliqueassiste aunaufra-gede sonprédécesseuren jurantqu’il n’y estpour rienmais sans sedépartirdu soupçond’ingérencequedesdécenniesdepratiques ausommetde l’Etatont accrédité.

Les juges font leur travailmais àcoupsd’écoutes téléphoniquesquiinquiètent les avocats. Et c’est com-mesi toutes les institutions,désa-cralisées,devaient lutterpour leursurvie sur fondd’attaqueséclairquidéportentchaque jourunpeuplus lesdiguesde laprésomptiond’innocence,dusecretprofession-nelet dusecretde l’instruction.Decenaufrage, lemaire se tientàl’écart. Sa campagneest locale, sesargumentssont tournésvers laviequotidienne: il estprochedeses

administrés,veut améliorer l’em-ploi, le cadredevie, la sécurité, lestransports.Sonbilanesthonora-blemais il n’échappepasà cequi afiniparuser lenational: la crois-sance trop faiblepour financer lesinvestissementsd’avenir; lesimpôts tropélevésauregardduservice rendu; le chômagetropfortpourgarantir levivre-ensem-ble. Et, pourcouronner le tout, lamontéede l’individualismequitransformele citoyenenunconsommateurexigeant, inassou-vi etdeplus enplusboudeur.

Dimanche, leniveaude laparti-cipationdira si lemaire résisteounonaumauvaisvent démocrati-que,mais cene serapas sonseulcombat, car le Frontnational est àl’offensive. Il veut faire turbuler lesystèmeenpartant de labase

pouraller vers le sommet.C’est lastratégiedeMarineLe Pen, quin’étaitpas cellede sonpère.Avec597listesdéposéesdans409villesdeplusde 10000habitants, le FNn’a jamais été aussi présent. Iln’estpas certainde gagnerdesvil-les,mais il est sûrdepeserdansl’entre-deux-toursetde compterdans le jeumunicipal.

Et cette simpleassurancerenfor-ceunpeuplus lemalaisenational,car la droite voit s’éloigner lapers-pectived’une franche reconquête,tandisque la gauchenepeut espé-rer limiter la cassequ’avec l’aidedes triangulaires. Lepiège estimparable.p

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ANALYSEpar PauloA. ParanaguaService International

L’Amérique latine connaît la fin d’uncycle, celui du renouveau du populis-me. L’histoire contemporaine de larégion avait été marquée par un pre-miercyclepopulistedanslestroisprin-cipauxpays: leBrésil, avecladictature

deGetulio Vargas (1930-1945), leMexique, avecla présidence du général Lazaro Cardenas(1934-1940), et l’Argentine, avec le régime dugénéral Juan Domingo Peron (1946-1955), sansoublierdes expériencesdansd’autresnations.

La résurgence du nationalisme populiste estassociéeau lieutenant-colonelHugoChavez, aupouvoir au Venezuela entre1999 et 2013, et àson «socialisme du XXIe siècle». Cependant, lepopulismeestune tentationrécurrentedes for-ces politiques latino-américaines, qui ne sontpas forcément situées à gauche. Ainsi, l’ancienprésident colombienAlvaroUribe (2002-2010),figure de la droite dure, n’était pas différent desonhomologuevénézuéliendanssamanièredegouverner et d’établir un rapport direct avecl’opinion à travers les médias, sans passer parlesmédiationspolitiques traditionnelles.

Sous l’influence de Chavez, la pulsion popu-

liste s’estmanifestée dans un autre pays pétro-lier, l’Equateur, souslaprésidencedeRafaelCor-rea depuis 2007, et dans un pays gazier, la Boli-vie, sous la présidence d’Evo Morales depuis2006.Maison laretrouveauseinducentregau-cheauBrésil,endépitdesgrandséquilibresréta-blis et respectés depuis vingt ans. Ainsi, lacondamnation pour corruption politique del’ancienbras droit duprésidentLuiz Inacio LuladaSilva, JoséDirceu, et d’autrespersonnalités, amontré un Parti des travailleurs (PT, la forma-tionprésidentielle)diviséàproposde lagestiondu scandale, même si Dilma Rousseff tente demaintenir le capenvuedesaréélectionen2014.

La disparition d’Hugo Chavez, en mars2013,marque un tournant. Un an après, la crise auVenezuela est à la fois économique, sociale etinstitutionnelle. Véritable animal politique,Hugo Chavez avait la capacité de transformerles revers en victoire, de retomber sur ses pieds.En revanche, son successeur, Nicolas Maduro,parvientàdévoyerlemoindresuccès.Eludejus-tesse en avril2013, il a raté l’occasion de stabili-ser la situationparunrecentrageaucentregau-cheet ledialogueavec l’opposition.

Le 8décembre 2013, les municipales confir-maientl’érosiondel’électoratchaviste,passéde59%desvoixauxélections locales et régionalesde2008,à49%aprèsledécèsduchefcharismati-que de la «révolution bolivarienne». Pour ladeuxième fois, M.Maduro laisse passer l’occa-siondetendrelamainauxnouveauxélusetpré-

fère l’invective, comme son rival, le numérodeux du régime, le capitaineDiosdado Cabello,président de l’Assemblée nationale. Résultat :deuxmoisplustard,c’estl’explosiondesmécon-tentements, quin’est pasprès de s’éteindre.

La fragmentation du péronismeLa crise du populisme est sensible dans

d’autres nations. En Equateur, le président Cor-rea, partisan de la démocratie plébiscitaire,vient de subir sa première défaite électorale, le23 février, lorsque ses candidats ont perdu lecontrôledes grandesvilles, à l’instar des chavis-tes au Venezuela. En Argentine, le péronisme,véritablematriceduchavisme,connaîtunefrag-mentation inédite depuis l’élection de NestorKirchner,en2003.Lesélectionslégislativesd’oc-tobre2013 ont mis fin à la possibilité d’uneseconde réélection de sa veuve, Cristina Kirch-ner. Le prochain président argentin sera peut-êtrepéroniste,mais ilneseraplusissudesrangsdesKirchner, grandsobligés deChavez.

Le crépuscule du populisme résulte d’unessoufflementde leurmodèledirigiste de l’éco-nomie. L’inflation de 56% au Venezuela et de30% en Argentine sont les symptômes d’undérèglement plus général. L’économie colom-bienne a dépassé l’Argentine, la vénézuélienneest la lanterne rougede la région.

L’épuisementdumodèlepopulisteestconfir-mé par la politiquemise en œuvre par le Partirévolutionnaire institutionnel (PRI) au Mexi-

que.Lorsdelapremièreannéedesonmandat, leprésidentEnriquePeñaNieto,arrivéaupouvoiren décembre2012, a choisi la voie des réformeslongtemps bloquées par le PRI lui-même auCongrès.L’éducation,lafiscalité,lestélécommu-nications, la législation électorale et surtoutl’énergie, sont autant de chantiers abordés endépit des réticences d’une partie de la gauche,pourqui lepétrole relèvede l’identiténationaleplutôtquede l’économie.

Le tournant entamépar l’Amérique latineneprofitepasforcémentauxconservateurs.Certes,au Honduras, la candidate populiste à la prési-dentiellede2013aétébattueparladroite.Toute-fois,auChili, l’alternanceaprofitéaucentregau-che, qui revient auxaffaires après la parenthèsePiñera. La socialisteMichelle Bachelet a intégréles communistes dans sa Nouvelle Majorité,mais devra satisfaire des demandes délaisséespendant sa première présidence (2006-2010),telles l’éducationet l’environnement.

Le déclin du populisme pourrait rebattre lescartes de l’intégration régionale,mise àmal parl’idéologieetdes forcescentrifuges.Faceaublocdes pays tournés vers le Pacifique, le Brésildevrait relancer ses liens avec l’Europe à l’occa-siondesnégociationsentrel’UnioneuropéenneetleMercosur–l’uniondouanièresud-américai-ne –, affranchi des résistances de l’Argentine etduVenezuela.p

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POLITIQUE | CHRONIQUEpar Françoise Fressoz

L’ultimerempart

LA CRISE DUPOPULISMERÉSULTED’UN

ESSOUFFLE-MENT DELEUR

MODÈLEDIRIGISTE

DEL’ÉCONOMIE

analyses

Le crépusculedupopulisme latino-américain

Dimanche, leniveaudelaparticipation

dirasi lemairerésisteounonaumauvaisventdémocratique

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Jeudi 22 janvier 2009Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur: Eric Fottorino

Algérie 80 DA,Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤,Autriche 2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 3,95 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤,Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 650 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤,Malte 2,50 ¤,

Maroc 10 DH,Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1,9 DT, Turquie 2,20 ¤,USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,

Barack etMichelleObama, à pied sur Pennsylvania Avenue,mardi 20 janvier, se dirigent vers laMaisonBlanche. DOUGMILLS/POOL/REUTERSa Les carnets d’une chanteuse.Angélique Kidjo, née au Bénin, a chantéaux Etats-Unis pendant la campagnedeBarackObama en2008, et de nouveaupendant les festivités de l’investiture,du 18 au 20 janvier. Pour LeMonde, elleraconte : les cérémonies, les rencontres– elle a croisé l’actrice Lauren Bacall,le chanteur Harry Belafonte… et l’écono-

miste Alan Greenspan. Une questionla taraude : qu’est-ce que cet événementva changer pour l’Afrique ? Page 3

a Le grand jour. Les cérémonies ;la liesse ; lesambitionsd’unrassembleur ;la première décision de la nouvelleadministration: la suspensionpendant cent vingt jours des audiencesde Guantanamo. Pages 6-7 et l’éditorialpage 2

a It’stheeconomy... Il faudraà lanou-velle équipe beaucoup d’imaginationpour sortir de la tourmente financièreet économique qui secoue la planète.Breakingviewspage 13

a Feuille de route.« La grandeurn’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…)Avec espoir et vertu, bravons une foisde plus les courants glacials et enduronsles tempêtesà venir. »Traduction intégraledu discours inaugural du 44eprésidentdes Etats-Unis. Page 18aBourbier irakien.Barack Obamaa promis de retirer toutes les troupesde combat américaines d’Irak d’iciàmai 2010. Trop rapide, estiment leshautsgradésde l’armée.Enquêtepage 19

GAZA

ENVOYÉSPÉCIAL

D ans les rues de Jabaliya, lesenfants ont trouvé un nou-veau divertissement. Ils col-lectionnent les éclats d’obus et demissiles. Ils déterrent du sable desmorceaux d’une fibre compactequi s’enflamment immédiatementau contact de l’air et qu’ils tententdifficilement d’éteindre avec leurspieds. « C’est du phosphore. Regar-dez comme ça brûle. »Surlesmursdecetterue,destra-cesnoirâtressontvisibles.Lesbom-bes ont projeté partout ce produitchimique qui a incendié une petitefabrique de papier. « C’est la pre-mièrefoisque jevoiscelaaprès trente-huit ans d’occupation israélienne »,s’exclame Mohammed Abed Rab-bo. Dans son costume trois pièces,cette figure du quartier porte ledeuil. Six membres de sa familleont été fauchés par une bombedevant un magasin, le 10 janvier.Ils étaient venus s’approvisionnerpendant les trois heures de trêvedécrétées par Israël pour permet-tre auxGazaouis de souffler.Le cratère de la bombe est tou-jours là. Des éclats ont constellé lemur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septièmevictime, âgée de 16 ans, ne décolè-re pas. « Dites bien aux dirigeantsdes nations occidentales que ces septinnocents sont morts pour rien.Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs deroquettes. Que c’est un acte crimi-nel. Que les Israéliens nous en don-nent la preuve, puisqu’ils sur-veillent tout depuis le ciel », enrageRehbi Hussein Heid. Entre sesmains, il tient une feuille depapier avec tous les noms desmortsetdesblessés, ainsi que leurâge, qu’il énumère à plusieursreprises, comme pour se persua-der qu’ils sont bienmorts.MichelBôle-RichardLire la suite page 5et Débats page 17

Ruines, pleurs et deuil :dans Gaza dévastée

WASHINGTONCORRESPONDANTE

D evant la foule la plus considérablequi ait jamais été réunie sur le Mallnational de Washington, BarackObama a prononcé, mardi 20 janvier, undiscours d’investiture presquemodeste. Aforce d’invoquer Abraham Lincoln,Martin Luther King ou John Kennedy, ilavait lui même placé la barre très haut. Lediscours ne passera probablement pas à lapostérité, mais il fera date pour ce qu’il a

montré.Unenouvellegénération s’est ins-tallée à la tête de l’Amérique. Une ère detransformation a commencé.Des rives du Pacifique à celles de l’At-lantique, toute l’Amérique s’est arrêtéesur le moment qu’elle était en train devivre : l’accession au poste de comman-dant en chef des armées, responsable del’armenucléaire,d’un jeunesénateurafri-cain-américain de 47 ans.

Lire la suite page 6Corine LesnesEducation

L’avenir deXavier Darcos«Mission terminée » :le ministre de l’éducationne cache pas qu’il seconsidérera bientôt endisponibilité pour d’autrestâches. L’historiende l’éducation ClaudeLelièvre expliquecomment la rupture s’estfaite entre les enseignantset Xavier Darcos. Page 10

AutomobileFiat : objectifChryslerAu bord de la failliteil y a quelques semaines,l’Américain Chryslernégocie l’entrée duconstructeur italien Fiatdans son capital, à hauteurde 35 %. L’Italie se réjouitde cette bonne nouvellepour l’économie nationale.Chrysler, de son côté, auraaccès à une technologieplus innovante. Page 12

BonusLes banquiersont cédéNicolas Sarkozy a obtenudes dirigeants des banquesfrançaises qu’ils renoncentà la « part variablede leur rémunération ».En contrepartie,les banques pourrontbénéficier d’une aidede l’Etat de 10,5 milliardsd’euros. Montantéquivalent à celle accordéefin 2008. Page 14

EditionBarthes,la polémiqueLa parutionde deux textes inéditsde Roland Barthes,mort en 1980, enflammele cercle de ses disciples.Le demi-frère del’écrivain, qui en a autoriséla publication, essuieles foudres de l’ancienéditeur de Barthes,François Wahl.Page 20

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Les Unes du Monde

0123

20 0123Samedi 22mars 2014

enquête

Al’entrée du marché Saint-Marc de Rouen, Jean-Baptis-te Prévost a l’assurance deshabitués. Vêtu d’un coupe-vent rouge frappé du nomdu maire socialiste sortant,

il seprécipite, tract à lamain, surun jeunecouple. Il fait beau et chaud pour undimanchedemars;unaccordéondonneàla scènedes airsdebalmusette. Tout justetrentenairemais déjà ancienprésident del’Unionnationale des étudiants de France(UNEF) de 2007 à 2011, Jean-Baptiste Pré-vost,membreducabinetde laministredel’enseignement supérieur,GenevièveFio-raso, est 33e sur la liste d’Yvon Robert. Lesmunicipales,c’est l’épreuvedufeu, sapre-mière campagne pour un mandat politi-que.

Depuisquelquesmois, le jeunehommejongleavecsesagendasministérielet élec-toral.Le jeudi, souvent,maisaussi leweek-end,ildébarqueàRouenpouruneréunionpublique,untourdevilleàvéloaveclemai-reouduporte-à-porte.«Quandleséquipesde laprésidentiellede 2012ont redécouvertle porte-à-porte, ironise-t-il, elles ont dit :“OnimportelaméthodeObama.”Al’UNEF,onl’afaitpendantdixansdanslescitésuni-versitaires…»

LaméthodeUNEF.Comme Jean-Baptis-te Prévost, d’autres anciens responsablesdu syndicat étudiant sont ces jours-ci encampagne, appliquant leur militantismede terrain. Bruno Julliard (président de2005 à 2007) et Karl Stoeckel sont candi-dats à Paris, sur les listes d’Anne Hidalgo.Yassir Fichtali (président de 2001 à 2005)se présente à Saint-Ouen, Mathieu Hano-tin à Saint-Denis. Mais il y a aussi TaniaAssouline et Anne Delbende à Montreuil,TristanLahaisàRennes,MichaelDelafosseàMontpellier,BenjaminVételéàBlois…Lalisten’est pas exhaustive.

Carc’esttouteunegénérationUNEF,cel-ledes années2002-2012, qui tente aujour-d’hui de prendre le pouvoir dans lesmai-ries, au Parlement ou dans les cabinetsministériels… «C’est d’abord l’histoired’unebandedepotes», assure Jean-Baptis-te Prévost. Ils partent en vacances ensem-ble, sont parrains de leurs enfants respec-tifs et se retrouvent pour les fêtes d’anni-versaire. Beaucoup étaient, le 9 février,chez Bruno Julliard pour ses 33 ans. Quel-quesjoursplustôt, le17 janvier, ils fêtaientla «dépendaison de crémaillère » del’UNEF.Toutunsymbole: le112,boulevarddeBelleville,àParis, c’est lesiègedusyndi-cat depuis 2001. C’est là que la «bande depotes» s’est formée au combat syndical,avantd’accéder auxors de la République.

Certes, les mobilisations exceptionnel-les (Mai 68, le projet Devaquet en 1986 oule contrat d’insertion professionnelle en1994) ont marqué le militantisme étu-diant.Mais la génération 2002-2012 a unecohésion particulière, qu’elle doit au« traumatisme fondateur» du 21 avril2002: l’accession de Jean-Marie Le Pen ausecond tour de l’élection présidentielle.«Les jeunesontmassivement relevé la tête,estimeBrunoJulliard.Unenouvellegénéra-tiondemilitantsest entréeà l’UNEF.Le syn-dicat a réussi à s’unir, faisant fi des luttesintestines,danscettebataillecontre l’extrê-me droite.» Lycéens ou étudiants de gau-che, ils découvrent que le corps électoralpeut ruer dans les brancards. «C’est ledéclenchement de mon engagement,

raconte Jean-Baptiste Prévost. J’ai partici-péauxmanifestationsétudiantesàRouen.Etj’airéalisé,surtout,ledangerpourlagau-chede rompreavec les classespopulaires.»

Ce sera leur obsession: comprendre lesaspirations du «mouvement social», etlesporter.«En2002, poursuit Jean-Baptis-te Prévost, la droite prend le pouvoir pourdix ans et l’UNEF se met en mode défensifpour empêcher que les étudiants ne per-dentdesdroits.»

L’épreuve de force survient quatre ansplus tard. Car cette générationUNEF, c’estaussi celle du 10avril 2006. Ce jour-là, lepremierministre, Dominique de Villepin,annonce que « les conditions ne sont pasréunies» pour l’application du «contratpremière embauche». Le CPE était suppo-sé favoriser l’embauchede jeunesenauto-risant l’employeur à rompre le contrat detravail dans les deux premières annéessans avoir à donner de motif. Le mouve-ment étudiant a balayé la réforme, pour-tantvotéepar leParlement.

«Cefutunevraieépreuvemilitante,exté-nuante, difficile et exaltante, dit Jean-Bap-tistePrévost.Celaabeaucouprenforcénosliens avec Bruno, qui était alors président.Maisc’estaussiuneleçonpolitique: lemou-vement social doit trouver sa place au PS,car l’engagement politique ne peut pas seretrancherdans sa tourd’ivoire.»

L’épreuveadurci lecuirdesjeunesmili-tants. L’UNEF est une redoutable école demilitantisme. Elle offre une formationidéologique rigide, apprend à lancer unepétition, à organiser unemanifestation, àstructurerundiscoursdevantunamphi,ànégocier avec un gouvernement. «Celadonne une assurance que l’on garde toutesa vie», confie Yassir Fichtali, président de2001 à 2005. Avec le CPE, le mouvements’accélère. Il faut prendre des décisionsrapidement, organiser la mobilisationsans ruiner l’UNEF. « J’étais trésorier, je

peux vous dire qu’on jouait notre peau»,raconte Jean-BaptistePrévost.

Enquelquessemaines, les responsablesdu syndicat apprennent à faire bon usagedes médias. «En apparence, les portes del’UNEF étaient ouvertes tout le temps, sesouvient Bruno Julliard. En réalité, nousavons parfois tout fait pour éviter que lesmédiasvoientcertainsaspectsdelamobili-sation.»Pour évoquerdes sujets sensiblessans éveiller la curiosité, ils inventent descodessecrets.Alorsqu’ilseplaintdu«silen-ce du gouvernement» devant un journa-liste, Bruno Julliard est justement appelépar…unconseillerdeMatignon,Gonzaguede Pirey. Quand il raccroche, il lâche à uncomparsede l’UNEF:«J’ai eudesnouvellesdes gonzes…Ellesme rappellent ce soir…»

BrunoJulliardapprendàaffronterJean-François Copé, porte-parole du gouverne-ment, sur les plateaux de télévision, à nepas se laisser balader par Nicolas Sarkozy,alors ministre de l’intérieur. Il faut aussirecadrer les ardeurs des anciensde l’UNEFdevenus responsables du PS, comme

Julien Dray ou Jean-Christophe Camba-délis. Bruno Julliard rappelle alors à Fran-çois Hollande, premier secrétaire, qu’ildoit«tenir ses troupes».

Adjoint à la culture du maire de Parisdepuis 2012, devenu l’un des porte-paroled’Anne Hidalgo, candidate à la Mairie deParis, il a gardé l’habitude de monter aufilet. Exemples de ses tweets: «En l’absen-ce de Paul Bismuth, NKM fait de la retapepour remplir son meeting ce soir : spamFacebook +SMS à la chaîne… Fébrilité?»(19mars) ou «Pour la 98e fois, là vraiment,ladynamiquedecampagned’NKMest lan-cée. Bon certes dansune salle àmoitié vide,sansprojet et sans équipe» (10février)…

«On s’est formés dans l’opposition, pasdans le confort du pouvoir, affirmeRaphaël Chambon, aujourd’hui directeuradjoint du cabinet du ministre des trans-ports, Frédéric Cuvillier. C’est une éduca-tion militante qui habitue à la dureté ducombattoutenrestant fermesur lesprinci-pes. Voyez la crise que l’UNEF a traverséedans les années 1990 parce qu’elle avaitpéché par proximité avec le pouvoir politi-quedegauche.Elle enaperdusonindépen-dance.»

Autre caractéristique de cette généra-tion: elle a rompu avec les aînés socialis-tes. «C’est une génération qui refuse lesmentors», poursuit Raphaël Chambon.Yassir Fichtali se souvient: «La ruptureavec Julien Dray est intervenue assez viteaprès mon élection. Nous n’avions pasenvie d’être un élément dans un dispositifpolitique visant à canaliser les mouve-mentsde jeunesse.»

Une rupture qui n’a rien de définitif.Après l’UNEF – «l’ENAbuissonnière», plai-sante Jean-Baptiste Prévost –, beaucoupchoisissent… le PS, comme Bruno Julliardqui se dit «aubryste», voire la gauche duPS.Nombreux sont ceuxqui se reconnais-sent en Benoît Hamon, faisant de lui un

«tuteur» de facto de l’UNEF. La plupartconfienteneffet leurs«grosdoutes»sur lapolitique menée par le président de laRépublique. «C’est grâce à eux que Fran-çois Hollande a été élu, rappelle PouriaAmirshahi, président de l’UNEF de 1994 à1998, député socialiste des Français del’étranger. Ils se sentent floués et ils ont rai-son.»

S ’ils doutent, ils semontrentbons sol-dats et jurent vouloir le succès de lagauche. «On n’a pas envie que les

combats que nous avons menés pendantdixanspassentparpertes et profits», résu-meBrunoJulliard.Sibienquela«bandedepotes» de l’UNEF est chaque été fidèle aurendez-vous de l’université d’été du PS àLaRochelle, après des vacances rituellesdansunemaisonlouée, en Italie, auPortu-gal ouenDordogne.

Là, ils se lèvent tôt, visitent les sites desenvironspuisseretrouventenfind’après-midi. «On joue alors au Trivial Pursuit etauRisk,unjeudestratégiedontlebutestdeconquérirlemonde, souritIsabelleDumes-tre,anciennedel’UNEF.Ons’engueuletou-jours parce que personne n’aime perdre.Sans conséquence. D’ailleurs, on parle deracheterunefermeàrestaurerdanslaCreu-se. On discute jusque très tard dans la nuit,on refait lemonde.»

Il fautpourtant commencerpar gagnerlesmunicipales sur des sujets plus terre àterre. Au marché Saint-Marc de Rouen,Jean-Baptiste Prévost et le maire se fontinterpellerparunhommequiseplaintdespassages piétons effacés devant la gare.Yvon Robert tente de rassurer cet électeurpotentiel, qui demeure sceptique. Jean-Baptiste Prévost dégaine une brochure :«C’est notre programme! Vous verrez cequ’on propose pour la voirie.» Refaire lemonde attendra : «Y a à faire, pour la voi-rie», grommelle lemonsieur.p

Lagénération2002-2012aunecohésion

particulière,qu’elledoitau«traumatisme

fondateur»du21avril2002:l’accession

deJean-MarieLePenausecondtourde

l’électionprésidentielle

Benoît Floc’h

UNEF Repairedepolitiques

Bruno Julliard, ancien président del’UNEF, adjoint à la culture dumaire deParis, porte-parole d’AnneHidalgo, estcandidat aux prochainesmunicipales.

STÉPHANE LEMOUTON/ABACA

Nombred’anciensresponsablesdusyndicat étudiantsontaujourd’huiencampagnepour lesélectionsmunicipales.Appliquantlesméthodesapprisesdanscetteécoledumilitantisme

210123Samedi 22mars 2014

Société éditrice du«Monde»SAPrésident dudirectoire, directeur de la publication Louis DreyfusDirectricedu «Monde»,membre dudirectoire, directrice des rédactionsNatalieNougayrèdeDirecteur déléguédes rédactionsVincentGiretDirecteur adjoint des rédactionsMichel GuerrinDirecteurs éditoriauxGérardCourtois, Alain Frachon, Sylvie KauffmannRédacteurs en chefArnaudLeparmentier, Cécile Prieur, NabilWakimRédactrice en chef «MLemagazine duMonde»Marie-Pierre LannelongueRédactrice en chef «édition abonnés» duMonde.fr Françoise TovoRédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien LeloupChefsde serviceChristopheChâtelot (International), LucBronner (France), VirginieMalingre(Economie), Auréliano Tonet (Culture)Rédacteurs en chef «développement éditorial» Julien Laroche-Joubert (InnovationsWeb),Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats)Chefd’éditionChristianMassolDirecteur artistiqueAris PapathéodorouPhotographieNicolas JimenezInfographieEric BéziatMédiateurPascal GalinierSecrétaire générale du groupeCatherine JolySecrétaire générale de la rédactionChristine LagetConseil de surveillancePierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président

P as facilede savoir cequ’unchanteur,uncomédienouundirecteurde théâtreapporteàuncandidatqu’il soutientaux

électionsmunicipales.Et cequ’il risque.Çadépend. Il y aunan, le siteAtlanticos’estdemandési, pourunartiste, s’afficheravecuncandidatdedroiteétaitun«suicidecommer-cial». Ainsi Faudel,DocGynecoetEnricoMaciasontperduunepartiede leurpublicaprèsavoir soutenuSarkozyà laprésidentiellede2007.Constatons justeque le troisièmesou-tientaujourd’huiHidalgoàParis.

Dureste, dans la capitale, çane sebousculepasderrièreNKM.CitonsCarlaBruni-SarkozyouDidierBarbelivien. La candidateabiendînéavecRichardBerry, FannyArdant,NathalieBayeouClaudeLelouch, l’ambianceétait«détendue», PatrickBruel seraitbienvenus’iln’avaitpaseuuntournoidepoker,mais Louis-MichelColla, ledirecteurduThéâtredesMathu-rins,qui a réuni les convives,apris soindepréci-ser:«Celane signifiepasqu’ils partagent forcé-ment les idéesdeNKM.»

Il y abienDepardieuqui s’afficheauxcôtésdeSarkozyoudePoutine, tant il n’apeurderiensaufde lui-même.Onpensaitpouvoirajou-terDanyBoon,quidit dubiend’unecandidate

de la listeUMPàArmentières (Nord).Mais c’estsamaman. Il y a le casducinéasteAbdellatifKechiche,qui adorese fairedétester. Palmed’oràCannespour LaVied’Adèle,marquéàgauche,soutiendeFrançoisHollandeen2012, il défendcette fois les couleursd’unUMPdur,ChristianEstrosi,maire sortantàNice, ville où il agrandi.Pour trois raisons, qu’il a confiéesausiteRue89: le candidatUMP«est lemeilleur rem-part contre le FN», il a rendu«lavieplusagréa-bledans lesquartiers»et saporte-parolede cam-pagneest«une femmed’unegrandebeauté».

C’estplusbaliséàgauche.Ritualisé,même.Achaqueélection, les ténorsdesgrandesvillesaffichentun«comitédesoutien» impression-nant.AnneHidalgon’ydérogepas.D’accord, leprésidentde ce comité est lemathématicienCédricVillani,maisderrièreon trouve JulieGayet,devieuxbriscardsde lagauchecommeLio,PierreArditi, JacquesHigelin,Agnès Jaoui,CédricKlapisch, Jean-PierreMarielle,ClaudiaCardinale,RolandCastro, JeanneMoreau,Ber-nardMurat,CharlesBerling, JacquesWeber…,maisaussiquelquesmembresde lanouvellegénérationcommeAlexBeaupain,BlancaLi,MataliCrasset,ValérieDonzelli.

Battuesur ce terrain,NKMacontre-attaqué

surunautre, fin janvier, enpointant les sou-tiensdeMmeHidalgoquiont reçudes subven-tionsde laVille. Bref, elledénonceunconflitd’intérêts. Le remuant Jean-MichelRibes, direc-teurduThéâtreduRond-Point, est particulière-mentvisépouravoir reçuprèsde2,4millionsd’eurosd’aidesen2012, àdes titresdivers.Réponsed’unproched’Hidalgo:«Si ondoitleur interdirede s’engagerparcequ’ils touchentdes subventionspubliques,on en faitdescitoyensde secondezone.»

Débat légitime,quandonsait que l’offreculturelleenFrancereposebeaucoupsur la sub-vention.Desmilliersdepersonnesendépen-dent, et il serait étrangeque,pourcette raison,ellesnepuissentafficherdes convictionspoliti-ques.D’unautre côté,onapuvoir certainsacteursculturels, surtoutdansdesvillesmoyennes, et làoù leurmodèleéconomiqueest fragile, se taireoualler contre leurs convic-tionspournepas subir les foudresd’unélu.

«Respect des choix et des opinions»ChristineAlbanel avaitnourri ledébat à l’été

2007. Laministrede la culturevenaitde lirel’éditorialpubliédansuneplaquetteduThéâ-treduGranit, àBelfort. Et notammentcettephrasequi,misedans soncontexte, avaitplusd’humourque lorsqu’on l’isole ici :«L’électiondeSarkozypeutavoir des conséquencesdésas-treuses surnosexistences.»MmeAlbanel, scanda-lisée, avait réponduaudirecteurduGranit,Hen-ri Taquet:«Un théâtre investid’unemissiondeservicepublic et financépar l’Etat et les autrescollectivitésdoità sonpublic le respectdes choixetdesopinionsdémocratiquementexprimés.»Lemondeduspectacle, relayépar la secrétaire

nationaleduPSchargéede la culture, qui s’ap-pelaitAnneHidalgo, s’enétait alorspris à laministrepourdéfendreHenri Taquet.

Ce jolimonde,on l’a peuentendulorsd’unepolémiquequivientde surgiràRennes, enplei-necampagnedesmunicipales. FrançoisLePillouër,directeurduThéâtrenationaldeBretagne (TNB), adécidédesoutenir la candida-te socialisteà lamairie,NathalieAppéré.C’estsonchoix, déjàexprimé lorsd’autresélections,et il n’y a rienà redire. En revanche, la façondont il s’est exprimécette foisa choqué.PatronduTNBdepuis 1994,où il reçoitunesubven-tionde lavillede 3millionsd’eurosparan,M.LePillouërn’apashésitéà envoyerunmailaux14000abonnésdu théâtredans lequel ildit tout le bienqu’il pensede lamunicipalitéPSsortante. Indéfendable.

Lesautrescandidats,de l’UMPauxVerts, ontdénoncéun«usage frauduleuxd’un listingd’abonnéspour fairepasserunmessagepoliti-que».Mêmela socialisteNathalieAppéré«condamne» la formede cetencombrantsou-tien, le qualifiantd’«inopportun».

Il n’y aqu’unepersonnequ’onn’apas enten-due, c’estAurélie Filippetti. Leministèrede laculture financepourtant leTNB.C’estmêmeunfleuronde l’Etat. Il est vraiqueM.LePillouër,dont le bilanest jugébon, estunpersonnageredouté,qui a tétanisépasmaldemondeauministère.Cenégociateurraide futpendantsixans lepatronduSyndicatnationaldesentre-prisesartistiqueset culturelles, quinecessededénoncer ledésengagementde l’Etatdans laculture.Désengagement, c’est lemot.p

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CULTURE | CHRONIQUEpar Michel Guerrin

Unengagementàhautsrisques

0123

QUANDCHANTEURS,COMÉDIENSOU METTEURSEN SCÈNEN’HÉSITENT

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LESPOLITIQUES

LE FILM PHÉNOMÈNEplébiscité par la presse et le publicdéjà 500.000 spectateurs

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pTirage duMondedaté vendredi 21mars 2014 : 355 207 exemplaires. 2

L aTurquiea rejoint laCoréeduNord, le Turkménistan,Cubaou l’Iran sur la carte

despaysqui censurent lesréseauxsociaux.Dans lanuit dejeudi àvendredi, les autorités ontprogressivementbloqué toutaccès àTwitter. Si plusieursutili-sateurs continuentd’être actifsgrâceàdes systèmespermettantde contourner l’interdiction, restequ’il ne leur est pluspossibledetweeterouvertement.

Lepremierministre, RecepTayyipErdogan, a doncmis samenaceà exécution, à huit joursd’unscrutinmunicipaldétermi-nantpour sonavenir politique.Quelquesheuresplus tôt, devantsespartisans rassembléspourunmeetingélectoral, il avait lancé:«Nousallons supprimerTwitter.Jememoquedes réactionsde lacommunauté internationale. Ilsverront la force de la Turquie.»

LaTurquie,deuxièmeutilisatri-ce aumondedusite demicromes-sagerie, se réveille assomméeparcettenouvelleoffensive libertici-de, qui pourrait bien raviver lamobilisationcitoyennedans lepays. Les raresmédias indépen-dantsqu’il reste indiquentauxinternautescomment contour-ner le blocage. LaCommissioneuropéenneadénoncévendredimatinunactede «censure», «inu-tile et lâche».

Les conséquencespourraientêtregravespour laTurquie, esti-meMarcPiérini, ancienambassa-deurde l’UnioneuropéenneàAnkaraet analystepour la Fonda-tionCarnegie.«En toute logique,l’UEdevrait suspendre lesnégocia-tionsd’adhésion jusqu’à ce que lalibertéd’expressionsoit restaurée.Nousallons voir si elle va le faire»,observe-t-il.

Lesdiatribesdupremierminis-tre contre les réseauxsociaux sesontmultipliéesdepuis l’érup-

tiond’unvastemouvementdecontestationautourde la placeTaksim,auprintemps2013. Trèspopulaire,Twitter est apparupourbeaucoup, cesderniersmois, commeune sourced’infor-mationcapitale, face auxmédiastraditionnels, inféodésaupou-voir. Le contrôlede l’Internet a étérenforcépar le vote, le 5février,d’une loiqui permetdebloquerpar simpledécisionadministrati-ve, n’importequel site jugé sub-versif. La censuredeTwitterest lapremière conséquencede cettelégislation.

Secrets de familleMêmesi leprésidentde la

République,AbdullahGül, a écar-té cettehypothèsevendredi,d’autres interdictionsdevraientsuivre, contreFacebooket YouTu-be, déjàmenacésdébutmars.«Nous sommes résolus ànepaslaisser le peuple turc être esclavedeYouTubeet de Facebook», adéclaréRecepTayyipErdogan.

«Cettemesuren’a rienàvoiravec la liberté, a insisté le chefdugouvernement.La libertén’autori-sepas l’intrusiondans la vie privéedequi que ce soit ou la révélationdes secrets d’Etat.»

A l’aidede ceverrouillagedesmoyensd’information, le gouver-nement turc tente d’étouffer ladiffusiond’enregistrements télé-phoniquesclandestins compro-mettants. Cesbandes, qui appor-tent chaque jourdenouveauxdétails sur les affairesprésuméesde corruptionqui cernent lepre-mierministreet sonentourage,sontmises en lignedepuisdécem-bre, par l’intermédiairedes comp-tesTwitter. Des secretsde famillequeRecepTayyipErdoganprendvisiblementau sérieux. Sa réac-tionressembleàunaveu.p

GuillaumePerrier(Istanbul, correspondance)

22 0123Samedi 22mars 2014