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Topologie lacanienne et clinique analytiqueexcerpts.numilog.com/books/9782904821288.pdf · avec la topologie, situe ainsi, au plus près du mouvement dialectique de la cure, un savoir

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TOPOLOGIE LACANIENNE

ET

CLINIQUE ANALYTIQUE

POINT HORS LIGNE

J e a n n e G R A N O N - L A F O N T

TOPOLOGIE LACANIENNE ET

CLINIQUE ANALYTIQUE

POINT HORS LIGNE DISTRIBUTION : DISTIQUE T : 46.55.42.14

© Point Hors Ligne 1990 © Illustration de couverture : "noeud de trèfle" ; photographie publiée avec l'aimable autorisation de Michel Granon.

A Marie-Geneviève, Michèle, Patricia et les autres, Chris- tine, Chocry, Claude, Jeannine ... et Michel.

AVANT - PROPOS

Lacan nous a laissé des signes spécifiques pour certaines opérations logiques dont le poinçon, ◊ , et le

Etant donné que a, en clair, "objet petit a", mérite le statut d'un signe plus que d'une lettre, j'ai choisi l'aérobas pour le transcrire, soit @.

Chapitre 1

introduction : le trou

La psychanalyse est un ensemble théorique : l'Oedipe, la névrose, l'inconscient... mais c'est aussi une pratique. Il est d'usage de soutenir que cette distinction ne résiste pas à un examen approfondi. Au pire, le praticien qui s'en tiendrait aux recettes, ignorerait la théorie qui le soutient. Le début de l'enseignement lacanien, dans son recours à Hegel, montre une volonté certaine de théoriser le mou- vement même de la cure avec des concepts qui ne soient pas de pure technique En fait, la théorie et la pratique font intervenir des savoirs différents, et la prise en compte du savoir de la pratique subvertie la dichotomie théorie- pratique. Se profile alors une difficulté d'ordre épistémo- logique dans la mesure où l'absence de métalangage commande un type de relation entre le savoir et la pratique tout à fait particulier. La fin de l'enseignement lacanien, avec la topologie, situe ainsi, au plus près du mouvement dialectique de la cure, un savoir sur l'acte.

Il est arrivé à Lacan de se comparer à un plombier. Au- delà du sens énergétique, dérivations et fuites, que prend la métaphore, la plomberie n'est pas la théorie physique de

1. Cette question a été discutée dans une table ronde de l' Ane, entre E. Laurent, P.L. Assoun, P. Bercherie, S. Cottet, A. Grosrichard, et J.A. Miller. Revue du champ freudien, N° 5, Navarin éditeur, Mai 1985.

la soudure. Toute la dimension du "savoir-faire" de l'artisan intervient. La question, évidemment, est de préci- ser la place de l'un et de l'autre. Il est un savoir propre- ment théorique sur la physique des durcissements ou la chimie des molécules et leur mélange, qui diffère du sa- voir, qu'on dit pratique, de l'artisan, lequel connaît le nom de tel matériau adéquat, sait les reconnaître à la vue ou au toucher, sait où les acheter et à quel prix, ce qui implique une connaissance du marché... et lequel surtout juge et évalue si une réparation est possible, combien de temps elle demandera et si elle tiendra longtemps...

La psychanalyse en tant que pratique est de cet ordre, quoiqu'on en ait. Est-ce à dire que le matériau particulier de cette pratique serait le transfert ? Non, dans la mesure où toute pratique implique cette dimension du transfert. Combien de plombiers connaissez-vous en qui vous avez vraiment confiance ? Ou inversement combien de fois es- timez-vous que "vous vous êtes fait avoir, qu'il a pris 500F pour rien et que l'eau suinte toujours". Dans la ru- meur publique et dans les histoires drôles, il y a toujours la place pour un plombier qui manie les outils et les mots, mais qui ne répare pas. Autant d'indications de la présence de cette dimension transférentielle dans une relation dès qu'intervient un savoir-faire pratique. Cependant, si le transfert est plus répandu qu'on ne croit, il reste que seule la psychanalyse tente de l'analyser pour lui-même, ce qui augmente d'autant l'importance à la dimension du "savoir- faire".

Quel est le support de ce savoir-faire ? Dans les années cinquante, Lacan définit la psychanalyse comme une "praxis, une érotologie" même. Le matériau sur lequel opère l'acte analytique est défini alors par l'unique affect reconnu comme tel par Lacan, l'angoisse. La réponse est claire à défaut d'évidence. L'acte analytique vise à pro-

2. La relation d'objet, première séance du séminaire de novembre 1956, in- édit.

duire des événements dans la structure pour réduire l'angoisse.

Dans la structure, aucun des éléments, le sujet, l'inconscient, la parole, le @, ne peut se prévaloir d'une importance particulière. La structure est un montage de ces quatre éléments au moins, régis par certaines relations que la théorie tente de définir dans le schéma L ou le graphe... Ainsi la structure, tout au long de l'enseignement lacanien s'est vu doter d'images, de schémas, de modèles divers. La topologie se situe dans cette lignée, comme une interrogation renforcée des articulations entre éléments de la structure. Et, à considérer la psychanalyse sous son as- pect de savoir-faire pratique, elle apporte une formalisa- tion précise de ce savoir.

Pourtant, si la topologie trouve sa place dans la formalisation des rapports structuraux tout aussi bien que des actes analytiques, est-elle pour autant un savoir ? La- can après Freud se méfie du savoir. Freud recommandait d'aborder chaque patient comme s'il était le premier. Qu'un seul contredise à la science psychanalytique, et c'est la science qui doit être réinterrogée. "La science analytique doit être remise en question dans l'analyse de chaque c a s " rappelle Lacan qui, lui, rappelle Freud. Toute la difficulté alors réside dans l'articulation des termes qui peuvent entrer dans la définition du savoir : le savoir-faire, la science, la connaissance, la sagesse même. Quels rapports l'acte analytique entretient-il avec ces dif- férentes modalités ?

"Ce qui menace constamment l'analyse de constituer une mauvaise science dans l'incertitude où elle reste [des] limites dans le réel [des effets de capture imaginaire], cette science, même à la supposer correcte, n'est que d'un se- cours trompeur dans l'action de l'analyste, car elle n'en

3. Jacques Lacan, "Variantes de la cure-type", in Ecrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 357-58.

regarde que le dépôt mais non pas le ressor t " Quelle dif- férence entre dépôt et ressort Lacan fait-il ? Cette opposi- tion rejoue-t-elle la différence entre technique et théorie, ou entre acte et connaissance, pratique et ontologie ? La topologie est justement une voie de sortie de ces dichoto- mies.

En effet, sur ce terrain, Lacan forge d'abord la notion de "docte ignorance". Dans la mesure où l'inconscient manifeste, le temps d'un éclair, l'"autre scène" de la pa- role, l'acte analytique ne se fonde pas sur une connais- sance des termes particuliers en jeu. Il y a toujours une dimension de surprise parce que l'inconscient parle sur ce mode, et que l'acte analytique par-dessus tout vise à ce que "ça parle". Pour attraper ce moment de surgissement dans les mots d'un autre, il faut se préparer sans cesse à cette possibilité. C'est une attente qui ne peut se fonder sur la connaissance de son objet : une attente de ce qui par dé- finition ne s'attend pas : une surprise. "Le fruit positif de la révélation de l'ignorance est le non-savoir, qui n'est pas une négation du savoir mais sa forme la plus é laborée"

Et cette docte ignorance est déjà sur la voie de l'élaboration topologique. Assis au bord du volcan, l'analyste attend l'irruption de la surprise. La métaphore ne veut pas insister sur le danger, bien qu'il y soit, mais sur le fait que le volcan est un trou. L'analyste attend ce qui va apparaître dans le trou, mais c'est à condition qu'il puisse faire exister ce trou, le montrer, par son silence... qui n'est que l'expression d'une position par rapport au savoir. S'il est "supposé savoir" et à ce titre, s'il doit en savoir un bout, c'est à la pointe de ce qu'il ne sait pas, de ce qu'il présente d'un "non-savoir", que l'irruption se ma- nifeste. "L'analyste en effet, précise Lacan, ne saurait en-

3a. Jacques Lacan, Variantes de la cure-type , in Ecrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 357-358. 3b. Ibidem.

trer [dans l'acte analytique] qu'à reconnaître en son savoir le symptôme de son ignorance et ceci au sens proprement analytique que le symptôme est le retour du refoulé dans le compromis et que le refoulement ici comme ailleurs est censure de la vérité. L'ignorance en effet ne doit pas être entendue ici comme une absence de savoir mais à l'égal de l'amour et de la haine comme une passion de l ' ê t r e "

Dans cette optique alors, la topologie n'est pas un sa- voir de plus qui se dépose dans une série de concepts ou de textes fondamentaux. Elle est une pratique du trou et de son bord. Aussi reste-t-elle marquée par une forme de ma- nipulation, le crayon dans le dessin, la perception dans la lecture du dessin, les ficelles dans le noeud, ou les bandes de papier dans les surfaces. Savoir ce qu'est la soudure ne dispense pas, si l'on veut en effectuer de correctes qui tiennent, de s'exercer. Chaque topologue lacanien restera ainsi attaché à sa manière à une forme de manipulation qui lui est propre, et qui relève certainement de son "symp- tôme". Et chaque lecteur sera appelé à des travaux pra- t iques Lui aussi doit mettre en jeu son "symptôme", pour accéder aux bordures du trou, à la limite où ce qu'il sait cède devant la surprise de l'inconscient. Il n'apprendra rien sans cette expérience concrète, imaginaire peut-être mais au sens où la réalité est une construction imaginaire. Faut-il préciser que celui qui croit pouvoir "être" ou "par- ler" sans symptôme ne fait que montrer qu'il n'est pas "dans l'acte analytique"? La cure vise tout au plus à une certaine "épuration du symptôme" sous le vocable du style, dans la suite de l'adage "le style est l'homme même"

3c. Jacques Lacan, "Varaintes de la cure type", in Ecrits, Paris, Seuil, 1966, pp. 357-358.

4. Pour inciter le lecteur aux travaux pratiques, un petit fascicule d'exercices de dessin ou de coloriage a été ajouté au livre. Chaque chapitre traitant d'une opération, il y a un exercice par chapitre qui veut introduire à la manipulation de chaque opération.

5. Buffon, Discours de réception à l'Académie Française.

Cet artisanat en quoi consiste la direction de la cure, la manipulation topologique, les travaux pratiques demandés au lecteur, l'épreuve du transfert ou l'aventure initiatique que peut constituer une cure pour un sujet...toutes ces réa- lités psychanalytiques ne sont autres que des constructions à partir du trou, des manipulations de son bord. La topolo- gie formalise les opérations qui sont à l'oeuvre et qui, à partir du trou et son bord, construisent la réalité. En ce sens Lacan a pu dire qu'"elle est la structure" Il faut y in- sister : si le trou, @, est connu comme l'invention laca- nienne par excellence, la topologie, elle aussi, présente un apport irréductiblement nouveau, en un certain sens en- core inaperçu. Cet élément nouveau, je l'appelerai la di- mension "une". Spécifique à chaque opération, elle a pour constante de renvoyer au trou et à son bord.

La dimension "une" suffit à faire consister la parole. En effet la parole se meut dans un espace à une dimension, contrairement à l'écriture qui a besoin de son support en dimension deux, c'est-à-dire d'une surface d'inscription. La parole se prononce en "une dimension", en temps réel. La phrase une fois énoncée n'est pas rattrapable, sauf au prix d'une nouvelle phrase venant la modifier. Cette ten- sion sans fin vers l'après implique une dimension tempo- relle indépassable. Seule la dimension temporelle, à sens unique, constitue l'espace où se déploie la parole, sans épaisseur, ni surface. Or c'est à partir de cette parole seule que la structure se met en place. La structure rend compte du fait qu'ainsi, avec de la parole, se construit, via l'inconscient, via le fantasme, via le sujet ... la réalité, toute la réalité, autant le pain que vous avez mangé à midi, que le livre que vous lisez. Du plus concret au plus abs- trait, ces choses ne sont qu'effets de discours. Le réel est d'un autre tonneau.

6. "La topologie c'est la structure", R.S.I, séminaire inédit.

C e t e s p a c e d e p a r o l e a é té a p p r é h e n d é s u r t o u t c o m m e le c h a m p c r é a t i f d u sujet . L ' a c q u i s i t i o n d u l a n g a g e c h e z l ' e n f a n t es t c r é a t i v e : d è s les p r e m i e r s m o t s , l ' e n f a n t in - v e n t e sa p h r a s e . D e p u i s l a g r a m m a i r e u n i v e r s e l l e d e D e s - car tes , " l ' a s p e c t c r é a t i f d e l ' u t i l i s a t i o n d u l a n g a g e e s t u n e p r é o c c u p a t i o n m a j e u r e d e l a l i n g u i s t i q u e " , a ins i le sou- l i gne N o a m C h o m s k y d a n s u n d e ses p r e m i e r s o u v r a g e s Et , p e u t - ê t r e c o m m e n é c e s s i t é d e sa d é f i n i t i o n sc i en t i f ique , la l i n g u i s t i q u e p e r p é t u e l ' e x c l u s i o n "des f o u s e t c e u x q u i son t m e n t a l e m e n t i n c a p a b l e s " A u c o n t r a i r e l a p s y c h a n a - lyse p o s e l a fo l i e e n r e l a t i o n d i r e c t e a v e c ce c h a m p d e l a p a r o l e c o n s t i t u t i f d u sujet . C e n ' e s t p a s le su je t q u i ap - p r e n d l a l a n g u e e n l a c réan t , c ' e s t l a l a n g u e q u i c r é e le su- j e t : r e n v e r s e m e n t s i m p l e d e la n o t i o n d e c r é a t i o n . L a p a - ro le , a v e c sa d i m e n s i o n t e m p o r e l l e "une" , m a i s a u s s i a v e c le t r o u q u i l ' h a b i t e , c r ée le sujet , e t t o u t le res te .

C e t t e d i m e n s i o n "une" se dé f in i t c o m m e le b o r d d ' u n

trou. " Q u ' i l n ' y ai t p a s d e r a p p o r t s exue l , c ' e s t l ' e s s e n t i e l d e ce q u e j ' é n o n c e " . E s t - c e u n h a s a r d si c e t t e c i t a t i on e s t t i rée d u s é m i n a i r e " L a t o p o l o g i e e t le t e m p s " 9 ? L ' a b s e n c e d u r a p p o r t s e x u e l e s t le t r o u f o n d a m e n t a l . F a u t - i l d ' a i l l e u r s l i re d a n s ce s d e u x é l é m e n t s " d i m e n s i o n u n e " e t " t rou" , l a

p e r t i n e n c e f o n d a m e n t a l e , ce l l e q u i l ie le c r i e t le s i l ence , ce l l e q u i f o n d e le o u i / n o n d u s y m b o l i q u e ? L ' é q u i v o q u e t r a n s l i n g u i s t i q u e l a c a n i e n n e l ' " u n e - b é v u e " q u i t r a d u i t " U n b e w u s t " ( l ' i n c o n s c i e n t f r e u d i e n ) r e p r e n d c e t t e per t i - n e n c e f o n d a m e n t a l e q u i s ' é t a b l i t e n t r e l a d i m e n s i o n "une" et l a b é v u e , c e l apsus e n f o r m e d e t rou . D a n s l a b é v u e , u n m o t e s t dit, r é v é l a n t , à t o u t le m o i n s , u n e i g n o r a n c e . P ra - t i que d e ces d e u x é l é m e n t s , l a d i m e n s i o n "une" e t le t rou ,

7. Noam Chomsky, La linguistique cartésienne, Paris, Seuil, 1969, p. 112, pour la traduction. Edition originale de 1966.

8. Herbert of Cherbury, De veritate, p. 139, 1624, cité par Chomsky, p. 98 "La linguistique cartésienne", (op. cit.).

9. Jacques Lacan, séminaire La topologie et le temps, séance du 9 janvier 1978, inédit.

l a t o p o l o g i e v i s e n o n p a s à les dé f in i r , m a i s à les a r t i cu le r d a n s les d i v e r s e s o p é r a t i o n s qu i c o n s t r u i s e n t le m o n d e .

L a t o p o l o g i e n e t rai te p a s d u t e m p s , ce r t e s , m a i s e l le p e u t t r a i t e r d e ce s e s p a c e s e n d i m e n s i o n "une" d a n s sa r e l a t i o n a v e c les t rous . P a r e x e m p l e , u n e b a n d e d e M o e - b iu s e s t c o n s t i t u é e p a r " u n fil" c r é a n t u n e su r f ace d ' i n s c r i p t i o n , d a n s un m o u v e m e n t d e t o r s ion qu i e s t l ' o b j e t m ê m e d e l a t o p o l o g i e . D a n s ce m o u v e m e n t "à u n seu l sens" , se c r é e n t la su r f ace et le t rou . L a to r s ion e s t

l ' o p é r a t i o n qu i , d u b o r d e t d e son t rou , fa i t u n e c h o s e de la réa l i té . L e s ob j e t s t o p o l o g i q u e s u t i l i sés p a r L a c a n , c o m m e l a sphè re , le t o re o u le c r o s s - c a p , f o r m a l i s e n t a ins i les m a - n i è r e s d o n t le "un" d ' u n e su r f ace c lose , "sans bo rds" e t les t rous , c r é e n t su r f ace , m a t i è r e , réa l i té .

U n d é t o u r p a r l ' h i s t o i r e des m a t h é m a t i q u e s p e r m e t t r a d e p r é c i s e r la n o u v e a u t é d e ces ob je t s . A l ' o r i g i n e d e l a to- p o l o g i e , le t h é o r è m e d ' E u l e r d é c o u v r e u n e c o n s t a n t e en t r e t ous les p o l y è d r e s c o n n u s des m a t h é m a t i c i e n s , so i t le rap- p o r t e n t r e s o m m e t , f ace s , e t a rê tes ( s o m m e t + faces - a rê tes = 2). L a q u e s t i o n d e v i e n t a lors : q u e l d e g r é d e gé-

n é r a l i t é ce t h é o r è m e p o s s è d e - t - i l ? D a n s ce m o u v e m e n t , d è s le dépa r t , son t p r é s e n t é s c o m m e e x c e p t i o n s le to re et les o b j e t s un i l a t è res . L h u i l l i e r qu i c h e r c h e ces e x c e p t i o n s au t h é o r è m e d ' E u l e r a f f i r m e : "la s e c o n d e sor te

d ' e x c e p t i o n a l i eu l o r s q u e le p o l y è d r e e s t annu la i r e , c ' e s t - à -d i r e l o r s q u e , é t an t d ' a i l l e u r s c o m p r i s s o u s u n e su r face u n i q u e , ( c ' e s t m o i q u i sou l i gne ) il es t t r ave r sé d e pa r t e n p a r t " E t l a c é l è b r e b a n d e n ' e s t q u ' u n e x e m p l e d a n s le t r ava i l d e M o e b i u s q u i d é c o u v r e les p o l y è d r e s un i la tè res .

10. Cité par Jacques-Alain Miller dans son article sur le mémoire de Moebius où la célèbre bande est présentée pour la première fois, Ornicar?, n° 17, Prin- temps 1979.

L e s o b j e t s d e l a t o p o l o g i e p s y c h a n a l y t i q u e s e r a i e n t - i l s

m o n s t r u e u x p o u r l e m a t h é m a t i c i e n d a n s l a m e s u r e o ù i l s

s e l i s e n t à p a r t i r d u t r o u e t d e s o n b o r d , o u d u t r o u e t d e

s o n b o u c h o n ? M a i s , a v a n t d e m e t t r e e n l u m i è r e l e s o p é r a -

t i o n s s p é c i f i q u e s à c h a c u n d e c e s o b j e t s , p a r c e q u ' e l l e s

p e r m e t t e n t s a c o n s t r u c t i o n , i l e s t n é c e s s a i r e d ' e n f a i r e l a l i s t e a f i n d e l e s s i t u e r d a n s l e u r c o n t e x t e .

L e p r e m i e r t r o u a u q u e l p e n s e l e n é o p h y t e e s t l e t r o u

c o m m e r u p t u r e d a n s u n e s u r f a c e . L e t y p e e n e s t l a d é c h i - r u r e l ' a c c r o c , l a b r è c h e .

M a i s u n t e l t r o u i m p o s e u n e s u r f a c e p r é e x i s t a n t e , u n e

m a t i è r e , q u ' e l l e s o i t t i s s u o u h a i e a u b o r d d u c h a m p .

L ' o r d r e l o g i q u e s ' i n v e r s e : l e t r o u e s t p r e m i e r a v a n t l a s u r - f a c e m ê m e ; e t l a d é c h i r u r e , l ' u n d e c e s t r o u s d o n t

l ' é v i d e n c e q u o t i d i e n n e m a s q u e l a g r a n d e s o p h i s t i c a t i o n

t o p o l o g i q u e .

11. Il est intéressant de remarquer que le travail de Jordan pose, au départ de la réflexion mathématique, cette déchirure. "Un des problèmes les plus connus de la géométrie est le suivant : trouver les conditions nécessaires et suffisantes pour que deux surfaces ou portions de surfaces flexibles et inextensibles puis- sent être appliquées l'une sur l'autre sans déchirure ni diplicature". Pour plus ample information, le livre de Jean Claude Pont est instructif, in La topologie des origines à Poincaré, Paris, P.U.F., 1974, p. 112.

P o u r o u v r i r la l is te d e s q u e s t i o n s e n t o p o l o g i e ana ly - t ique , il f a u t d o n c c o m m e n c e r p lu s s i m p l e m e n t . C ' e s t le t rou c r é é p a r la b a n d e d e M o e b i u s q u i o r g a n i s e f o n d a m e n t a l e m e n t les ob j e t s t o p o l o g i q u e s .

E l l e p o s e e n effet , d a n s le m ê m e m o u v e m e n t , le b o r d d u t r o u e t u n e sur face . E l l e fa i t le d e u x , l ' e s p a c e deux . G r â c e à u n e m a n i p u l a t i o n d e l a p e r c e p t i o n , le d e s s i n d e la c o u p u r e r e n d s e n s i b l e ce t t e c r é a t i o n : le h a u t d u dess in , qu i m o n t r e le d é b u t d e l a c o u p u r e , p ro j e t t e d a n s l ' a v a n t - c o u - p u r e l a c r é a t i o n d e l a su r f ace ; le b a s d u des s in , au con t r a i r e , a v e c ses d e u x fils pa ra l l è l es , res te d a n s l ' i n d é c i s i o n : m o n t r e - t - i l u n fil, d e u x fils, o u l ' e s p a c e en t r e les d e u x ? C ' e s t l a q u e s t i o n qu i i m p l i q u e n é c e s s a i r e m e n t u n c h o i x sub jec t i f . E t t o u t e l a r é p o n s e se s i tue là p réc i sé - m e n t , d a n s le fa i t q u e le d e s s i n m o n t r e la p l a c e d u sujet .

L a b a n d e d e M o e b i u s e s t a ins i la p r e m i è r e o p é r a t i o n .

E l l e e s t u n e " c o n s t r u c t i o n d ' u n t rou" , "un ac te q u i t roue" . . . P o u r t a n t t ou t e s ce s e x p r e s s i o n s q u i f o n t a p p a r a î t r e u n e d u a l i t é en t r e l ' o p é r a t i o n e t son ef fe t , p a s s e n t à c ô t é d e l ' e s s e n t i e l d e l a b a n d e d e M o e b i u s . E l l e e s t j u s t e m e n t l ' e n s e m b l e u n i q u e o p é r a t o i r e q u i p o s e , d a n s l a réa l i t é , u n t rou e t son b o r d d e sur face . A p a r t i r d ' u n trai t , d ' u n fil , d ' u n seu l m o u v e m e n t , d ' u n seu l ac te , d e u x t o u r s v a l e n t

p o u r d e u x b o r d s , e t f o n t e x i s t e r d a n s l e u r é c a r t u n e sur- face , d o n c d e u x d i m e n s i o n s , m ê m e si p a r a d o x a l e m e n t ce s d e u x d i m e n s i o n s n ' e n s o n t q u ' u n e (un i l a t è r e d i t le m a t h é - ma t i c i en ) . . .

L a r é f l e x i o n se s i tue d a n s u n e m a t i è r e si f u y a n t e q u e les m o t s n e c e s s e n t d e m a n q u e r l a c h o s e , m a i s ce t t e i m p r e s - s ion n ' e s t q u e le m o u v e m e n t i n v e r s e d e la m a n i è r e d o n t les m o t s d é f i n i s s e n t u n e c h o s e . L e s m o t s n ' o n t q u e ce t t e m a t i è r e f u y a n t e p o u r c o n s t r u i r e le s ens o u l ' o b j e t . L a b a n d e d e M o e b i u s r e n d c o m p t e , f o r m a l i s e c e t ar t d e fa i re , a v e c u n m o u v e m e n t , u n e c h o s e .

E n s u i t e v i e n t le tore . S u r f a c e sans b o r d , il e s t d é j à u n e a r t i cu l a t i on d e p l u s i e u r s t rous . I l y a c e r t e s le t r o u i n t é r i e u r a u tore , r e m p l i d ' a i r d a n s u n e c h a m b r e à air , o u r e m p l i d e m a t i è r e d a n s u n e b a g u e . M a i s v i d e o u p l e in , t u n n e l o u anse , il e s t s e n s i b l e q u e c e r e t o u r n e m e n t n e fa i t p a s d e dif- f é r e n c e p o u r la su r f ace q u i e n s e r r e le t rou cen t r a l , le t r o u axial .

D A N S L A M E M E COLLECTION

Problèmes actuels de la psychanalyse

Lacan et la question du métalangage, Mireille Andrès.

Poil de carotte ou l'Acte psychanalytique en institution, Odile Bernard-Desoria.

Le père et sa fonction en psychanalyse Joël Dor.

Le trait du cas, Claude Dumézil.

La psychanalyse, chemin des lumières ? Michel Fennetaux.

La langue indiscrète, Marco Focchi.

La Topologie ordinaire de J. Lacan, Jeanne Granon-Lafont.

Psychosomatique et cancer, Jean Guir.

Libido illimited, Freud apolitique ? Mathias Kodaï.

La place de l'amour en psychanalyse, Maurice-Moshé Krajzman.

Le compagnon des voyages de Freud, Jean Lombardi.

Horsexe, Nobodaddy, l'hystérie dans le siècle,

Catherine Millot.

D'une logique de la psychose, L'Exception féminine, Le dénouement d'une analyse, La névrose infantile de la psychanalyse,

Gérard Pommier.

Essaim, Fascicule de résultats n° 1 de topologie en extension, Jean-Michel Vappereau.

OEdipe, reviens, tu es pardonné, Patrick Valas.

Le plus sublime des hystériques, Hegel passe, Slavoj Zizek.

F R E U D B A C K F R O M A M E R I C A

Incidences freudiennes de l'écrit, Jorge Luis Borges, Bernardo Gandulla. Léopoldo Torres Argüero, Isidoro Vegh.

Une pratique de discours en psychanalyse, Roberto Harari.

HORS COLLECTION

L'Amitié, (ouvrage collectif).