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1 Date : 07/08/2007 Tradition orale dans le sud de l’Amérique Latine : les efforts de la bibliothèque pour sauver des sons et des histoires du silence Edgardo Civallero Université National de Cordoba Argentine Meeting: 108-1 Genealogy and Local History with Audiovisual and Multimedia (1) Simultaneous Interpretation: Yes WORLD LIBRARY AND INFORMATION CONGRESS: 73RD IFLA GENERAL CONFERENCE AND COUNCIL 19-23 August 2007, Durban, South Africa http://www.ifla.org/iv/ifla73/index.htm Résumé Les cultures indigènes d’Amérique Latine composent la structure ethnique et culturelle sur laquelle repose une grande partie du continent. Leurs caractéristiques uniques résument une centaine de coutumes, de traditions, et de patrimoines culturels différents de l’énorme diversité culturelle des Amériques. Tout au long de l’histoire des différentes nations indépendantes de la région, ils ont été discriminés, oubliés et exclus de tous les domaines de développement. Bien qu’ils aient réussi quelques progrès au travers des luttes et des protestations soutenues, ils ont souffert de pertes sévères, parmi lesquelles se détachent par son importance, celle de leurs langues originaires. Du fait qu’il s’agisse de sociétés à dominante tribales –c’est-à-dire qu’ils n’ont pas connu, historiquement, l’usage de systèmes d’écriture- la perte de leur langue signifie la destruction de leurs moyens de transmission orale, et au final, la disparition de leurs savoirs, leurs histoires, leurs codes et leurs littératures. Les bibliothèques peuvent jouer un rôle important dans le recueil partiel de telles langues et connaissances. Pourtant, les propositions bibliothéconomiques spécifiquement destinées aux communautés aborigènes en Amérique Latine sont peu nombreuses, même s’il existe des services qui ont obtenus des résultats intéressants. Parmi ces derniers, on peut citer le travail de l’auteur dans le NE de l’Argentine (2001-2006), qui inclut le développement de collections sonores dans des petites bibliothèques créées dans des écoles de populations indigènes. De tels

Tradition orale dans le sud de l’Amérique Latine: Les efforts de la bibliothèque pour sauver des sons et des histoires du silence

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World Library and Information Congress - 73rd IFLA General Conference and Council. Durban (Sudáfrica), 19-23.ago.2007. Ver "Bibliotecario" (http://biblio-tecario.blogspot.com.es/).

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    Date : 07/08/2007

    Tradition orale dans le sud de lAmrique Latine : les efforts

    de la bibliothque pour sauver des sons et des histoires du

    silence

    Edgardo Civallero

    Universit National de Cordoba

    Argentine

    Meeting: 108-1 Genealogy and Local History with Audiovisual and

    Multimedia (1) Simultaneous Interpretation: Yes

    WORLD LIBRARY AND INFORMATION CONGRESS: 73RD IFLA GENERAL CONFERENCE AND COUNCIL

    19-23 August 2007, Durban, South Africa http://www.ifla.org/iv/ifla73/index.htm

    Rsum Les cultures indignes dAmrique Latine composent la structure ethnique et culturelle sur laquelle repose une grande partie du continent. Leurs caractristiques uniques rsument une centaine de coutumes, de traditions, et de patrimoines culturels diffrents de lnorme

    diversit culturelle des Amriques. Tout au long de lhistoire des diffrentes nations

    indpendantes de la rgion, ils ont t discrimins, oublis et exclus de tous les domaines de dveloppement. Bien quils aient russi quelques progrs au travers des luttes et des

    protestations soutenues, ils ont souffert de pertes svres, parmi lesquelles se dtachent par son importance, celle de leurs langues originaires. Du fait quil sagisse de socits dominante tribales cest--dire quils nont pas connu, historiquement, lusage de systmes dcriture- la perte de leur langue signifie la destruction de leurs moyens de transmission orale, et au final, la disparition de leurs savoirs, leurs histoires, leurs codes et leurs littratures. Les bibliothques peuvent jouer un rle important dans le recueil partiel de telles langues et connaissances. Pourtant, les propositions bibliothconomiques spcifiquement destines aux communauts aborignes en Amrique Latine sont peu nombreuses, mme sil existe des

    services qui ont obtenus des rsultats intressants. Parmi ces derniers, on peut citer le travail de lauteur dans le NE de lArgentine (2001-2006), qui inclut le dveloppement de collections sonores dans des petites bibliothques cres dans des coles de populations indignes. De tels

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    fonds sonores ont rcupr la tradition orale et communautaire, et lont relie aux activits scolaires. Les documents enregistrs et quelques unes de leurs transcriptions crites ont permis de rcuprer un fragment du patrimoine culturel de la communaut et de lutiliser

    dans diffrents services. Parmi les contenus rcolts, peut-tre que les plus importants ont t ceux en relation avec lhistoire des communauts et avec les histoires personnelles de chacun de ses membres, leurs gnalogies et la relation avec les vnements dordre national ou

    rgional. Lhistoire a t relie la gographie rgionale et avec la langue. Une grande partie des documents a t numris pour pouvoir les utiliser dans les activits futures, l ou lon trouvera disponible les moyens lectroniques ncessaires, et ou se serait

    dvelopp lalphabtisation informationnelle. Le prsent article propose un court rsum des expriences et ides dauteur, et une exposition dtaille de lusage de lhistoire et de la tradition orale, ainsi que les collections

    sonores dans les bibliothques indignes, de mme quun panorama de ce genre de travail

    dans dautres endroits en Amrique Latine.

    Mots cls

    Histoire locale Bibliothques indignes Peuples indignes Tradition orale Langues en

    voie de disparition Fonds sonores Livres vivants Education interculturelle bilingue

    Diversit culturelle.

    Ceux qui ont toujours t l

    Il existe un ensemble de termes en usage pour dcrire les peuples indignes Tous ceux la,

    dune forme ou dune autre, indiquent quil sagit de groupes humains qui ont peupl depuis

    toujours un territoire dtermin. Cela signifie aborigne (du latin depuis le dbut ) ou

    indigne (du latin natif ). Les dfinitions employes au niveau international (p.e. celle

    de Martinez Cobo (1983) ou celle de la Convention de la OIT (2003), reflte cette relation

    intime avec la terre, ce sentiment dappartenance, cette auto-reconnaissance dune identit

    qui perdure travers des histoires et des sicles.

    Il sagit de ceux qui ont toujours taient l, occupant les terres et les eaux qui virent natre et

    mourir leurs anctres

    Les peuples indignes ne sont pas une partie romantique dun pass rvolu, ni une curiosit de

    muse dun prsent globalis. Ce sont des socits qui entretiennent une forte vitalit, qui

    conservent leurs particularits traditionnelles en les adoptants aux temps nouveaux. Ils

    reprsentent une population approximativement entre 300 et 370 millions de personnes,

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    selon les dernires estimations internationales (Banque mondiale), en sorganisant en des

    centaines de groupes et en pratiquant un peu plus de 400 langues et dialectes diffrents.

    Dans lespace latino-amricain, de telles socits se montent 300 ou 400 groupes, incluant

    plus de 30 millions dindividus (Stavenhangen, 1996, entre autres). Dans des pays comme la

    Bolivie ou le Guatemala, ils constituent des majorits dmographiques, composant plus de la

    moiti du total dmographique. Dans dautres, comme le Prou, lEquateur, ou le Mexique, ils

    se prsentent comme une partie ingalement importante de la population nationale.

    Leurs destins ont t radicalement violents au travers de larrive des envahisseurs

    europens, lesquels ont tabli des rgimes coloniaux, se sont rpartis leurs terres et leurs

    ressources, et les ont condamn une existence de semi-esclave laquelle ils avaient peu de

    chance de schapper. Beaucoup de peuples originaires ont rsist loccupation, se cachant

    dans des zones inaccessibles ou en prenant les armes pour dfendre leur faon de vivre. Les

    rcits de leurs luttes et de leurs destins sont connus de tous, et ils composent une des parties

    les plus importantes (et obscures) de lhistoire amricaine. Lamentablement, mme aprs la

    naissance des tats indpendants en Amrique Latine, les peuples indignes ont continu

    tre relgu aux dernires couches sociales, peine pourvus de droits et chargs de devoirs,

    avec leur identit fragmente et silencieuse et leurs souvenirs quasiment effacs.

    Des socits natives ont exist, et elles ont continu se souvenir et nont jamais perdu

    lespoir de pouvoir rcuprer, un jour, leur droit vivre comme ils lont toujours fait.

    Actuellement, et aprs cinq sicle doppression, de discrimination, dexclusion et de racisme,

    quelques unes dentre elles ont russi occuper lespace qui leur convient, et mme si elles

    nont pas obtenu ni leur indpendance ni leur autonomie, et si elles ont perdu beaucoup de

    leurs caractristiques culturelles carts aprs un long processus de mtissage et

    dacculturation- ils peuvent se reconnatre indignes , et ils commencent rcuprer,

    revitaliser, et diffuser le patrimoine culturel qui a russi survivre. Nombreux ont t ceux

    qui ont disparu en chemin, ceux qui nont jamais pu se relever aprs leur chute, ceux qui ont

    t mis de cot, censurs ou annihils. Les faits qui ont conduits de tels gnocides,

    ethnocides et mmoricides chappent notre porte, et lon ne peut que le regretter et

    sen souvenir avec douleur et honte. Pourtant, lheure actuelle nous pouvons regarder

    autour de nous, sur les terres latino-amricaines, comment fleurissent encore des centaines de

    langues et de cultures originaires qui sont des fidles composantes de notre diversit comme

    espce. Ces dernires, celles qui sont encore notre porte, sont celles que nous devons

    respecter, apprendre, aider, et partager.

    Mme si, les russites obtenues par les organisations indignes ont t nombreuses, aprs des

    dcennies de luttes, leur situation socio-conomique, politique et culturelle, nest pas des

    meilleures. Malgr les conventions internationales et des nombreuses lois nationales et

    rgionales qui protgent et garantissent leurs droits, les peuples aborignes continuent tre

    les grands oublis, les dpossds, les dfavoriss dans le partage (ingal) du bien-tre et des

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    ressources. Ils continuent tre sous la pression de systmes ducatifs qui ne reconnaissent ni

    ne respectent leurs caractristiques uniques, de schmas gouvernementaux qui ne satisfont

    pas leurs demandes et besoins, de mouvements religieux qui cherchent seulement

    rassembler des ouailles, dorganisations qui cherchent se transformer en sauveur sans se

    proccuper du comment , dentreprises qui les emploient comme main duvre bon

    march et quasiment comme des esclaves Ils continuent tre les dcharns par les socits

    blanches , les stigmatiss comme diffrents Les autres

    En fait, ils ont acquis beaucoup de victoire. Mais leurs checs et leurs manques doivent nous

    proccuper car ils indiquent que le paradigme mondial continue tre injuste et dsquilibr,

    et quil continue sans prendre en compte les lments diffrents et particuliers, quil continue

    gnrer des pauvres, et condamner des vies sans avenir

    Les peuples indignes sont ceux qui ont toujours t l Mme si, quelque fois, nous ne le

    savons pas, ou nous ne voulons pas les voir notre cot.

    Des sons qui se sont tus

    Parmi les grandes pertes subies par les peuples aborignes en Amrique Latine, on compte

    leurs langues originaires. Dj au 18e sicle, leur usage a t interdit par la monarchie

    espagnole sur les territoires quils occupaient, et des actes similaires se sont retrouvs sur les

    domaines portugais. Aprs les rvolutions indpendantistes du 19e sicle, on a fait peut de cas

    de ces langues dans les tats qui essayaient de copier le modle europen de nation, effaant

    leurs particularits et essayant de parvenir une image compacte et lisse, sans diffrences

    internes.

    Par sa large diffusion, des langues comme le Quechua, lAymara et le Guarani (utilises

    comme langues gnrales pendant la priode coloniale) ont russi survivre limpact

    provoqu par le contact avec la culture europenne. Pourtant, dautres nont pas eu la mme

    chance. Les gens qui parlaient cette langue ont commenc diminuer, de mme que les

    espaces ou la transmission orale pouvait se pratiquer. Sagissant des peuples tribaux parmi

    lesquels les connaissances et les mmoires se transmettaient oralement- la perte de leurs

    langues a signifi en plus, la disparition de leur histoire, de leurs valeurs, de leurs coutumes,

    de leur patrimoine culturel, et en fin de compte, de leur identit comme peuple.

    A lheure actuelle, le processus ne sest pas interrompu et ne sest pas invers. Mme si les

    socits natives ont pris une plus grande conscience de limportance de lemploi de leurs

    langues propres et de la valeur quils possdent eux-mmes, ils ne sont pas toujours parvenus

    ce que les coles incluent des programmes interculturels et bilingues (droit observ dans

    toutes les constitutions nationales de latino-amricain) ou bien ce que des services de

    diffusion de masse, dinformation stratgique ou de connaissance prcieuse soient traduits.

    Beaucoup dentre elles les plus minoritaires- continuent se situer dans un limbe obscur, et

    elles finiront par steindre lorsque la dernire personne qui parle la langue va steindre, et

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    que personne ne fera plus rien pour sauver ses mots, ses grammaires, ses vocabulaires et ses

    sons de la disparition.

    En accord avec les tudes estimatives ralises par les diffrentes organisations en rapport

    avec la linguistique et la diversit culturelle (en incluant lUNESCO), tout au long du 21e

    sicle, 80% des langues encore vivantes ont disparu. Les majeures parties dentre elles

    appartiennent des peuples aborignes, en incluant ceux qui habitent lAmrique Latine.

    Une langue codifie avec des sons les ides et cosmovisions dune culture. Elle le fait dune

    faon unique et inimitable. Au travers de celles-ci se perptuent les lgendes qui expliquent

    lorigine de chaque lment de la nature, des histoires personnelles, des mites de la cration,

    les recettes de cuisine, les remdes De mme, au travers de celles-ci, on compte les

    mthodes de culture et de travail, les formes de construction doutils et dinstruments, les

    chants et les danses, les contes et les jeux, les rgles de savoir vivre, les lois communautaires,

    les conseils et le souvenir des hros et des bandits populaires. Lorsquelles ne reposent pas sur

    des systmes dcriture, les langues sexpriment uniquement au travers de leur tradition orale.

    Labsence dcriture prsente seulement, lheure actuelle, dans un certain pourcentage de

    langues, et pas toujours utiles ou pertinentes pour les natifs qui parlent les langues

    minoritaires- donne la langue parle une plus grande valeur, tant donn quelle devient

    lunique moyen dducation et dendoculturation que possde un peuple. Si la langue

    disparat, la culture disparat galement. Sans culture il ny a pas didentit. Sans identit,

    aucun individu ne peut savoir dou il vient, pourquoi il vit ou vers quoi sont censs le guider

    ses pas.

    La tradition orale combine avec dautres formes dexpression culturelle, comme la musique,

    la danse, la peinture ou le chant- est encore plus forte entre les peuples originaires

    dAmrique Latine. Leur survie se voit menace par les processus de pression et

    dacculturation dj voqus. Si elle disparat, les fondements des diverses cultures

    steindront, et un norme fragment du patrimoine culturel intangible de lhumanit partira

    en fume.

    La maison des mots

    Il nexiste pas de mots en langues indignes pour dsigner la bibliothque. En ralit, il existe

    peu de bibliothques destines aux peuples indignes, au moins sur le territoire latino-

    amricain. De telles institutions sont des lments tranges dun point de vue aborigne, de

    mme que les livres. Mais les temps changent, les peuples voluent et les institutions

    sadaptent. Actuellement, les possibilits que peuvent dispenser une unit dinformation une

    communaut native sont vastes et prcieuses, pourvu que loffre de la bibliothque sadapte

    la ralit, aux ncessits et aux caractristiques de la population destinataire.

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    La bibliothque est une institution gestionnaire de mmoires. Elle rcupre, elle organise et

    diffuse de la connaissance construite patiemment tout au long des sicles, un patrimoine

    culturel qui appartient tous, et qui, en accord avec les droits humains les plus basiques,

    devrait tre accessible tous librement. Elle possde des outils et des instruments de travail

    qui permettent demmagasiner et de grer le savoir sous toutes ces formes, ainsi quune

    structure qui lui permet de sadapter souplement aux conditions les plus diverses, incluant ou

    mettant de cot les composants et les lments, et en dispensant les rponses que leurs usagers

    ncessitent.

    Avec larrive des nouvelles technologies de linformation, les possibilits de la bibliothque

    slargissent, en incluant les moyens et les supports quelle ne possdait pas

    traditionnellement. Mais, mme sans leur prsence, elle reste une institution puissante, qui

    pourrait au travers dun schma pertinent et dune mthodologie cohrente, se transformer en

    une entit utile pour ces socits qui voient leur identit culturelle mise en danger. Au travers

    des services dune bibliothque on peut rcuprer la tradition orale et lorganiser de telle

    faon quelle soit profitable dans beaucoup dautres contextes (scolaire, acadmique,

    artistique, de travail, institutionnel). Elle peut, de mme, dvoiler telle connaissance

    sonore/audiovisuelle travers les rseaux numriques, ou tre retranscrit et crit pour crer

    des livres, ou se transformer en matriel multimdia, ou simplement tre reproduit et

    partager lintrieur de la propre communaut dorigine.

    De telles potentialits nont pas t exploites dans le champ latino-amricain. La majorit des

    propositions bibliothconomiques qui sont parvenues aux communauts aborignes ont

    essay dimplanter, au sein de ces mmes communauts, des modles populaires et des

    publiques europaniss qui ont peut aider au dveloppement et au progrs culturel du groupe.

    Dans la plupart des cas, elles se sont modifies, de plus, en complices inconscients des

    mcanismes sculaires dacculturation, comme lducation officielle ou la religion. En fin de

    compte, les initiatives bibliothconomiques inities en accord avec les requtes et ralits des

    peuples indignes manquent.

    Lauteur a dvelopp, entre 2001 et 2006, le projet Bibliothques indignes dans les

    communauts Qom, Pitlaxa, Moqoit et Wichi del NE argentin. Il sagit de groupes indignes qui ont subi un grave impacte socioculturel de la part du propre tat Argentin, qui sest

    proccup peu souvent de leur bien-tre. Lauteur a commenc sont travail avec une

    approche des populations aborignes, et une valuation qualitative de leurs ncessits

    dinformation, de leurs problmatiques, de leur contexte, de leurs ressources et de leur ralit.

    En sappropriant une perspective de dveloppement de base et une mthodologie dinvestigation action, et en utilisant des outils dvaluation anthropologiques, il a trac un

    profil dusager dans lequel se reconnaissait la propre voie de leurs destinataires, leurs espoirs,

    leurs dsirs et les solutions queux mme croyaient pertinentes pour leurs problmes en lien

    avec la culture, la langue et lducation.

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    A partir dune telle information, lauteur a dessin un modle de bibliothque sur mesure .

    Du fait du manque de textes en langues indignes, et du peu dutilit des livres destins aux

    lecteurs aborignes, la bibliothque sest transforme en une collection sonore, dans laquelle

    on a recueilli sur des simples cassettes magntiques de 60 minutes- la tradition orale des

    diffrentes communauts avec lesquelles on a travaill. La bibliothque sest limite donc

    une tagre, une bourse ou une caisse place dans lcole communautaire, dans laquelle ont

    prsent et on partageait les rcits et les savoirs du groupe.

    La constitution dune telle collection a ncessit un travail de plusieurs heures

    denregistrement, auquel ont particip des anciens et des adultes, conservateurs des traditions

    du village. Les contenus recueillis comprenaient de lhistoire, de la littrature, des lgendes,

    des chants, des rcits, des recettes, des conseils et des traditions varies, et taient raconts en

    langue maternelle, en castillan ou dans un mlange des deux, tant donn la particulire htrognit linguistique des communauts indignes argentines.

    Avec cette collection, lcole sest transforme, dans quelques unes des populations parmi

    lesquelles lauteur a travaill, en maison des mots , le lieu dans lequel on gardait la petite

    bibliothque des sons, produit et proprit de toute la communaut. Avec cette collection une

    multitude dactivits scolaires se sont greffes (pratique de lecture et criture en langue

    maternelle et castillan, heure du conte), et des services comme Qadede Ida ?at (plan de lecture et narration familial bilingue, vid. Bibliographie gnrale de lauteur ) se sont cres, ainsi que une aide la diffusion dinformation sanitaire stratgique (combinant le savoir bio

    mdical traditionnel avec lapport moderne des mdecins et des infirmires qui visitaient la

    communaut). Des espaces doralit se sont crs avec lassistance de livres vivants

    (narrateurs et conteurs locaux), des sons quasiment oublis ont t rcuprs, des contes et

    lgendes ont t transcrits (crant des livres la main illustrs par les propres lecteurs), et se

    sont rpandus tout le groupe dans un projet qui cherch seulement rcuprer une partie

    de leurs racines pour quils reverdissent et fleurissent.

    Des histoires anciennes, des matriaux modernes

    Un pourcentage important des matriaux rcuprs travers des enregistrements

    correspondent des rcits historiques, dans lesquels on racontait lorigine semi mythique du

    peuple indigne, ou le surgissement historique de la propre localit, les vnements de

    lhistoire nationale dans laquelle celui qui parle la langue ou ses proches directes avaient t

    impliqus (en incluant les massacres et les violations aux droits de lhomme placs sous

    silence par lhistoire officiel) ou les dtails de la propre gnalogie. Dans la trame de ces rcits

    il restait inclus des toponymes qui dessinaient une ancienne gographie dj perdue, ainsi que

    des anthroponymes qui ntaient plus utiliss. Il se dessinait, de mme, des branches

    gnalogiques qui permettaient aprs avoir t tudies en profondeur- de lier des groupes

    tribaux apparents et de suivre leurs migrations travers le vaste espace de la rgion de

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    Chaco, leurs conflits avec les autres groupes ethniques voisins, leurs alliances et leurs

    tablissements.

    La connaissance cre travers loralit a t minutieusement recueillie dans le cadre

    acadmique argentin. La premire moiti du 20e sicle a contempl le travail des

    anthropologues qui savaient peine mettre en relation ce quils avaient apprhend de leurs

    rapporteurs indignes avec leur ralit. Dans la seconde moiti, le travail des sociologues, des

    linguistes et des enseignants a permis une approche plus profonde, mais trs diversifie et

    confuse. La production de tels professionnels est disperse, et elle na pas t produite pour

    lusage de toute la socit argentine (et encore moins pour lusage des socits indignes),

    mais plutt pour la consultation des autres acadmiciens. Malgr cela, des enseignants, des

    crivains et des artistes ont rcolt, depuis une autre perspective et avec dautres mthodes,

    les mmes savoirs, sans grand succs. A lheure actuelle, peu de sources (mise part les

    originales) sont rellement fiables lheure ou lon souhaite apprendre quelque chose sur le

    monde indigne national. Par l, des propositions comme celles implantes par lauteur

    Chaco, dcrites des niveaux plus larges et profonds et tablies depuis des cadres

    interdisciplinaires et acadmiques en contant toujours sur la participation totale et continue

    des groupes destinataires- pourraient conduire une rcupration, un usage et une diffusion

    efficace de la connaissance indigne, en tant pertinent et profitable aussi bien pour la

    population non indigne que pour les groupes natifs.

    Au sein du projet Bibliothques indignes on a numris quelques uns des documents

    utiliss dans les maisons des mots , en cherchant des formats en adquation avec les

    nouvelles ralits auxquelles sont confrontes les communauts aborignes participantes. La

    fracture numrique se fait sentir, pesante et dure, dans la majeure partie des rgions rurales

    dAmrique Latine, leur prsence tant trs importante au sein des socits natives. Pourtant,

    il est indniable qu nimporte quel moment dun futur proche, de telles socits prendront

    un contact complet avec les nouvelles technologies de linformation et de la communication,

    et quelles pourraient les utiliser pour le propre bnfice, la fois dans un dveloppement

    dun contact et dans un dialogue interculturel fructueux et durable. Mme si les nouvelles

    technologies ne sont pas la panace pour nimporte lequel des maux qui assaillent les peuples

    originaires, elles peuvent crer des espaces de rencontre et dchange, et gnrer des moyens

    pour la revalorisation et la rcupration de la propre culture originale. Diverses propositions

    latino-amricaines (non relies, malheureusement, avec les bibliothques) de portails de

    langue et de culture indigne grs par les propres aborignes dmontrent clairement que

    souvre de nouvelles possibilits, avec des rsultats prliminaires excellents. Les bibliothques

    ne devraient pas tre trangres ces aborignes, et devraient simpliquer de faon pleine et

    engage- dans les recherches des groupes natifs.

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    Des portes qui se ferment, des portes qui souvrent

    On a rassembl de nombreux travaux de rcupration de tradition orale, dhistoire, de

    gnalogie et de lgendes au sein des populations indignes en Amrique Latine. Beaucoup de

    langues ont dj commenc tre crites, et quelques maisons dditions commencent

    raliser de timides tentatives de publication de textes en langues maternelles, destines aux

    lecteurs natifs. Malheureusement, les rsultats de tels travaux sont confus, et la grande

    majorit ne se sont pas raliss partir des propres communauts, ni avec leur accord, ni avec

    leur participation. Pas avec eux, et ni pour eux. Le savoir aborigne est dilu au milieu dune

    atmosphre de mconnaissance et dexotisme, lequel est notoire pour tous ceux qui tentent

    dapprendre nimporte quelle langue indigne, ou acqurir quelques connaissances relles sur la situation, les traditions et les coutumes des peuples aborignes rels (et non littraires).

    La bonne nouvelle cest quil existe quelques projets ponctuels en lien avec les peuples qui ont

    obtenus dexcellents rsultats. La mauvaise nouvelle est que la bibliothque a eu peu ou

    presque rien- voir avec de telles propositions. Il existe peu de formation professionnelle en

    relation avec cette thmatique, lintrieur des carrires bibliothconomiques latino-

    amricaines. Il existe peu despaces pour sa recherche, son dbat et son dveloppement. Il

    existe peu de cours de formation pour les bibliothcaires pour qui llment indigne est

    fortement prsent dans la ralit quotidienne. Il ny a pas de manuels pour organiser une

    bibliothque destine ces usagers natifs. La gestion de loralit ou le travail avec les langues

    diffrentes de lespagnol ou du portugais ne sont pas inclus parmi les comptences que doit

    acqurir un bibliothcaire. Le recueil de la tradition orale nest dfinitivement pas une tche

    des bibliothcaires en Amrique Latine, ainsi que la gestion des ressources historiques,

    linguistiques ou ducatifs.

    Le travail dans les zones indignes est complexe, tant donn quils habitent des territoires

    gnralement loigns des principaux centres urbains, ou bien ils habitent des secteurs

    urbains difficiles cause de la pauvret, linscurit, la violence, marginaliss. De plus, les

    usagers indignes continuent porter des tiquettes sculaires qui les discriminent et les

    excluent. Les barrires ethniques et linguistiques psent autant que les barrires sociales au

    moment de leur offrir un service dinformation, de formation ou tout simplement de loisirs.

    Jusqu ce que de tels points problmatiques ne changent, les bibliothques avec des services

    pour les communauts indignes continueront dtre un rve en Amrique Latine, un rve

    similaire celui de vivre dans une socit multiculturelle, diversifie et pacifique. Des

    dcennies de diffrences et des sicles doppression ont construit des barrires qui rendent

    difficile et compliquent le dialogue ouvert et lapproche fraternel entre les individus

    indignes et non indignes. Heureusement, quelques bibliothcaires rveurs dutopies

    continuent mettre en place des petites propositions qui tentent de rompre le silence et de

    concrtiser un modle de bibliothque aborigne motivant et durable. Un modle pouvant

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    apporter un petit grain de sable dans le processus de sauvetage que beaucoup de cultures

    aborignes ont initi en cherchant sauver leur culture du silence et de loubli.

    Cette communication na t rien dautre quune tentative de concrtiser quelques ides et

    espoirs, pour dmontrer que, mme sil ne semble pas, une autre ralit est possible si on croit

    en elle et si on ne cesse dessayer.

    Bibliographie cite

    1. International Labour Organization. 2003. A guide to ILO Convention No. 169. [En lnea]

    [Consulta: 10 noviembre 2006].

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    Traduction : Catherine Leclerc

    Bibliothcaire adjointe

    Service Recherche du muse national de la Marine

    17, place du Trocadro

    75116 Paris

    Tl. 01 53 65 81 36

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