14
125 Post’U (2011) 125-131 •••••• •••••• Traitement chirurgical de la maladie de Crohn Objectifs pédagogiques – Connaître les indications chirur- gicales dans la maladie de Crohn – Connaître la place de la laparo- scopie dans le traitement chirurgical de la maladie de Crohn – Préciser les modalités de la chirur- gie en cas de colite aiguë grave – Connaître les différentes interven- tions possibles et leur place en cas de maladie de Crohn colorectale Introduction Contrairement à la rectocolite hémor- ragique (RCH), la MC peut toucher n’importe quel segment du tube digestif, de la bouche à l’anus, avec une prédilection pour l’iléon terminal et la région iléocaecale. Sa prise en charge chirurgicale s’en trouve donc complètement différente et ne sera jamais « idéale », la guérison du patient étant par définition impossible. Dans la MC, 3 phénotypes différents ont été décrits : les formes sténosantes, les formes perforantes (ou pénétrantes) et les formes inflammatoires (non sténosantes et non perforantes). En comparaison avec le côlon, l’atteinte de l’intestin grêle se complique plus de formes sténosantes et perforantes, la formation d’une fistule compliquant dans plus de 90 % des cas une sténose. Malgré l’amélioration du traitement médical et des stratégies thérapeu- tiques, la chirurgie reste fréquente car réalisée chez la majorité des patients dans la plupart des séries. Elle a beau- coup évolué au cours des 20 dernières années, notamment dans le type d’intervention réalisée et la voie d’abord utilisée avec le développement de la laparoscopie. Cet article ne traitera pas de la prise en charge chirurgicale des lésions ano-périnéales. Importance de la chirurgie dans la maladie de Crohn La chirurgie est une composante essentielle dans la prise en charge de la MC. En l’absence de complication postopératoire, elle permet une amélioration significative de la qualité de vie à 1 mois de l’intervention. On considère qu’environ 15 à 20 % des patients nécessiteront une chirurgie d’exérèse intestinale un an après le diagnostic et 50 % à 10 ans. Après cette première chirurgie, le taux de récidive clinique sur l’intestin restant nécessitant un nouveau geste d’exé- rèse se situe entre 25 % et 65 % à 10 ans. Cinq à 15 % des patients auront une troisième intervention, 12 % une stomie définitive et 1,5 % présenteront au final un syndrome de grêle court avec la nécessité pour un certain nombre d’un recours à une nutrition parentérale à domicile au long cours. Concernant l’évolution dans le temps du recours à la chirurgie, elle ne semble pas en diminution malgré une utilisation plus importante et plus précoce des traitements immuno- suppresseurs à partir de la fin des années 1990. Une étude de cohorte de 1978 à 2003 a mis en évidence un taux stable d’environ 5 % de patients nécessitant une intervention chirurgi- cale par an 1 . Cette constatation était identique concernant la survenue de complications sténosantes ou perfo- rantes, le risque de stomie définitive et le taux de réintervention à 10 ans qui restait toujours d’environ 35 % entre les années 1950 et 1990. Jess et al. ont cependant montré pour les patients les plus récents de la cohorte danoise, traités depuis 2003-2004, un taux de résection intestinale dans l’année suivant le diagnostic de MC significativement inférieur par rapport aux cohortes antérieures, passant de 35 à 12 % (p < 0,001) 2 . Des résultats similaires ont été rapportés par une étude de population ayant repris les données de 341 patients avec une MC diagnostiquée dans la région de Cardiff entre 1986 et 2003, et mon- trant que la probabilité de recourir à la chirurgie à 5 ans avait baissé de 59 % pour les patients diagnostiqués avec une MC entre 1986 et 1991 à 25 % pour ceux diagnostiqués entre 1998 et 2003 (p = 0,001). En analyse multivariée, un usage de l’azathio- prine durant la première année suivant le diagnostic était un facteur de risque indépendant de moindre recours à la chirurgie 3 . Gilles Manceau, Yves Panis G. Manceau (!), Y. Panis, Service de chirurgie colorectale, Pôle des Maladies de l’Appareil Digestif (PMAD), Hôpital Beaujon (AP-HP), 100 boulevard du Général Leclerc, 92118 Clichy, France. Université Paris Diderot-Paris 7. Tél. : 01 40 87 45 47 Email : [email protected]

Traitement chirurgical de la maladie de Crohn - FMC … · Traitement chirurgical de la maladie de Crohn Objectifs pédagogiques –Connaître les indications chirur-gicales dans

  • Upload
    lyhuong

  • View
    218

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

125

Post’U (2011) 125-131• • • • • •

• • • • • •

Traitement chirurgical de la maladie de Crohn

Objectifs pédagogiques– Connaître les indications chirur-

gicales dans la maladie de Crohn– Connaître la place de la laparo-

scopie dans le traitement chirurgicalde la maladie de Crohn

– Préciser les modalités de la chirur-gie en cas de colite aiguë grave

– Connaître les différentes interven-tions possibles et leur place en casde maladie de Crohn colorectale

Introduction

Contrairement à la rectocolite hémor-ragique (RCH), la MC peut touchern’importe quel segment du tubedigestif, de la bouche à l’anus, avecune prédilection pour l’iléon terminalet la région iléocaecale. Sa prise encharge chirurgicale s’en trouve donccomplètement différente et ne serajamais « idéale », la guérison du patientétant par définition impossible.

Dans la MC, 3 phénotypes différentsont été décrits : les formes sténosantes,les formes perforantes (ou pénétrantes)et les formes inflammatoires (nonsténosantes et non perforantes). Encomparaison avec le côlon, l’atteintede l’intestin grêle se complique plusde formes sténosantes et perforantes,la formation d’une fistule compliquantdans plus de 90 % des cas une sténose.

Malgré l’amélioration du traitementmédical et des stratégies thérapeu-tiques, la chirurgie reste fréquente carréalisée chez la majorité des patients

dans la plupart des séries. Elle a beau-coup évolué au cours des 20 dernièresannées, notamment dans le typed’intervention réalisée et la voied’abord utilisée avec le développementde la laparoscopie.

Cet article ne traitera pas de la priseen charge chirurgicale des lésionsano-périnéales.

Importance de la chirurgiedans la maladie de CrohnLa chirurgie est une composanteessentielle dans la prise en charge dela MC. En l’absence de complicationpostopératoire, elle permet uneamélioration significative de la qualitéde vie à 1 mois de l’intervention. Onconsidère qu’environ 15 à 20 % despatients nécessiteront une chirurgied’exérèse intestinale un an après lediagnostic et 50 % à 10 ans. Aprèscette première chirurgie, le taux derécidive clinique sur l’intestin restantnécessitant un nouveau geste d’exé-rèse se situe entre 25 % et 65 % à10 ans. Cinq à 15 % des patientsauront une troisième intervention,12 % une stomie définitive et 1,5 %présenteront au final un syndrome degrêle court avec la nécessité pour uncertain nombre d’un recours à unenutrition parentérale à domicile aulong cours.

Concernant l’évolution dans le tempsdu recours à la chirurgie, elle nesemble pas en diminution malgré uneutilisation plus importante et plus

précoce des traitements immuno-suppresseurs à partir de la fin desannées 1990. Une étude de cohorte de1978 à 2003 a mis en évidence untaux stable d’environ 5 % de patientsnécessitant une intervention chirurgi-cale par an 1. Cette constatation étaitidentique concernant la survenue decomplications sténosantes ou perfo-rantes, le risque de stomie définitiveet le taux de réintervention à 10 ansqui restait toujours d’environ 35 %entre les années 1950 et 1990. Jesset al. ont cependant montré pour lespatients les plus récents de la cohortedanoise, traités depuis 2003-2004, untaux de résection intestinale dansl’année suivant le diagnostic de MCsignificativement inférieur par rapportaux cohortes antérieures, passant de35 à 12 % (p < 0,001) 2. Des résultatssimilaires ont été rapportés par uneétude de population ayant repris lesdonnées de 341 patients avec une MCdiagnostiquée dans la région deCardiff entre 1986 et 2003, et mon-trant que la probabilité de recourir àla chirurgie à 5 ans avait baissé de59 % pour les patients diagnostiquésavec une MC entre 1986 et 1991 à25 % pour ceux diagnostiqués entre1998 et 2003 (p = 0,001). En analysemultivariée, un usage de l’azathio-prine durant la première année suivantle diagnostic était un facteur de risqueindépendant de moindre recours à lachirurgie 3.

Gilles Manceau, Yves Panis

■ G. Manceau (), Y. Panis, Service de chirurgie colorectale, Pôle des Maladies de l’Appareil Digestif(PMAD), Hôpital Beaujon (AP-HP), 100 boulevard du Général Leclerc, 92118 Clichy, France.Université Paris Diderot-Paris 7. Tél. : 01 40 87 45 47

Email : [email protected]

126 • • • • • •

Principes de la chirurgiedans la maladie de Crohn

Chirurgie versus traitementmédical ?

Dans la MC, l’objectif de la chirurgieest de permettre un contrôle satis-faisant des lésions tout en réalisant larésection intestinale la plus écono-mique, en maintenant le plus long-temps possible le schéma corporel dupatient (sans stomie) et une bonnequalité de vie. La chirurgie ne s’opposenullement au traitement médical ; aucontraire, toute chirurgie dans la MC(excepté en cas de forme compliquéerévélant la maladie) est précédée d’untraitement médical, avec réévaluationet discussion de celui-ci en postopéra-toire pour la prévention des rechutesen fonction du risque de récidive dechaque patient. Mais il est importantd’avoir à l’esprit que si, dans la grandemajorité des cas, la chirurgie est certesseulement indiquée en cas d’échec destraitements médicaux, les progrès deceux-ci, avec notamment l’avénementdes anti-TNF (très efficaces dans lesformes sévères de la maladie) et lestraitements immunosuppresseurs(diminuant le risque de récidive aprèsl’obtention d’une rémission) ne doiventpas faire retarder l’heure de la chirur-gie. En d’autres termes, une « bonne »indication chirurgicale ne devrait pasêtre trop vite considérée comme unéchec si elle améliore la qualité de viedu patient, et l’éloigne, au moins uncertain temps, des hospitalisationsrépétées pour des poussées mal contrô-lées par le traitement médical.

Les « mauvaises » indications

Mais bien sûr, à l’inverse, cette chirur-gie doit être au maximum évitée ouretardée dans les situations où elleserait plus délétère que bénéfique.Ainsi, plus la chirurgie risque d’expo-ser le patient à des conséquencesnutritionnelles (syndrome de grêlecourt après résection étendue),psychologiques (stomie définitiveaprès amputation abdomino-péri-

néale) ou fonctionnelles (diarrhée,incontinence), moins elle doit êtreproposée au patient. Dans ces situa-tions, elle ne sera qu’une solution derecours après échec de toutes lesthérapeutiques médicales.

Les « bonnes » indications

Les indications chirurgicales vontdonc être posées en cas d’échec,d’inefficacité ou de contre-indicationau traitement médical. Elles sontévidentes en cas de sténose « noninflammatoire », résistante au traite-ment médical bien conduit, de lon-gueur limitée, cicatricielle et sympto-matique (avec syndrome de Kœnig),ou de dysplasie, voire de cancer.

Dans les formes perforantes de lamaladie, l’indication opératoire est elleaussi facilement et rapidement posée,plus du fait des conséquences de lafistule que de son existence ou de salocalisation (à l’exception de la fistuleinterne entre l’intestin grêle et lavessie en raison du risque de sepsis àpoint de départ urinaire). Ainsi, lessituations suivantes requièrent uneintervention : péritonite, abcès res-ponsable d’un syndrome occlusif,masse abdominale douloureuse en casd’abcès profond, fistule entéro-cuta-née à haut débit, fistules iléo-iléalesou iléo-coliques symptomatiques avecdiarrhée et/ou malabsorption du faitde la création d’un « by-pass » anato-mique.

D’autres situations sont plus difficilesà évaluer et ne justifient d’une chirur-gie qu’en cas d’échec du traitementmédical intensif : récidive après unepremière résection, sténoses multiplesdu grêle, MC colorectale avec atteinteano-périnéale.

Enfin, il n’existe pas d’indication dechirurgie « préventive » de la maladie,excepté en cas de découverte de lésiondysplasique en muqueuse plane ou deDALM (Dysplasia Associated Lesion orMass). En effet, comme dans la recto-colite hémorragique, l’inflammationcolique étendue et chronique joue unrôle dans la carcinogenèse et expose

au risque de survenue de cancer colo-rectal (CCR), d’où la nécessité d’unesurveillance endoscopique. Vingt ansaprès le début de la maladie, le risquede CCR est estimé à 8 %. Son inci-dence, ses caractéristiques et son pro-nostic sont similaires à ceux survenantau cours de la RCH, incluant le jeuneâge au diagnostic (50-55 ans), le tauxde cancers synchrones (10 %) et unelongue durée d’évolution de la mala-die (20 ans). Une métaanalyse récentea estimé que le risque relatif (RR) deCCR au cours de la MC était significa-tivement augmenté par rapport à lapopulation générale (RR = 2,44 ;[IC95 % : 1,56-3,82], p < 0,01). Si l’onconsidère le cancer colique séparé-ment, le risque est encore supérieur(RR = 2,59 ; [IC95 % : 1,54-4,36],p < 0,01) et augmente avec l’impor-tance de l’étendue des lésions sur lecôlon (RR = 18,2 ; [IC95 % : 7,8-35,6],p < 0,01). Le risque du cancer durectum n’est quant à lui pas différentde celui de la population générale(RR = 1,46 ; [IC95 % : 0,8-2,55],P = 0,19) 4. De façon logique, cetteétude a également montré que le sur-risque de CCR ne s’observait que chezles patients ayant une localisationiléocolique (RR = 4,63 ; [IC95 % :2,09-10,26], p < 0,01] ou colique de laMC (RR = 3,36 ; [IC95 % : 5,71-31,26],p < 0,01), mais pas en cas d’atteinteisolée de l’intestin grêle (RR = 0,85 ;[IC95 % : 0,08-9,49], p = 0,89).Néanmoins, dans ces formes-là, lesur-risque concerne l’adénocarcinomedu grêle, la MC en étant le premierfacteur de risque 5. Malgré les progrèsde la prise en charge et des traite-ments, une étude de cohorte récente amontré que sur une période de 40 ans,l’incidence du CCR dans la MC estrestée stable, mais que le risque demortalité dû au CCR avait significa-tivement diminué 6.

Interventionssur l’intestin grêleLa prise en charge chirurgicale deslésions de l’intestin grêle dans la MC

127• • • • • •

a comme principe majeur celui del’épargne digestive, en évitant autantque possible la survenue d’uneinsuffisance intestinale avec un syn-drome de grêle court du fait desrésections intestinales itératives outrop étendues.

En cas de forme sténosante

Les interventions les plus souventréalisées dans la MC, pour l’intestingrêle, sont les résections iléocæcales(RIC) pour sténose symptomatique del’iléon terminal. Dans une étude decohorte de 907 patients avec une loca-lisation initiale de leur MC au niveauiléocæcal, plus de 80 % d’entre euxétaient opérés dans les 10 ans suivantle diagnostic 7.

Les résections larges, étendues, ne sontplus aujourd’hui recommandées etsont potentiellement nuisibles. Ellesdoivent être minimales, limitées auxzones macroscopiquement patho-logiques, du fait du risque de rechute(environ 35 % de récidive 10 ans aprèsla résection iléocaecale) 7. Une étuderandomisée de 131 patients opérésd’une RIC avec anastomose iléocoliquedans le même temps opératoire aétudié le taux de récidive sur l’iléonpréanastomotique nécessitant unenouvelle intervention, en fonction dela marge de résection par rapport à lazone macroscopiquement atteinte.Après un suivi de 55 mois, il était de25 % en cas de résection limitée de2 cm et de 18 % en cas de résectionétendue de 12 cm (p = 0,31). De plus,le taux de récidive n’était pas aug-menté en cas d’atteinte microscopiquede la zone de section, rendant nonnécessaire un examen anatomopatho-logique extemporané. La mortalitépostopératoire était nulle et la morbi-dité d’environ 15 % dominée par lerisque d’occlusion 8.

D’une façon générale, le rétablis-sement de la continuité digestive estréalisé dans le même temps opératoire,avec une anastomose iléocoliquedroite. L’anastomose latéro-latéralemécanique a pendant un moment été

considérée comme préférable, carpotentiellement associée à un taux derécidive moins important au niveaude l’iléon préanastomotique, du faitd’un calibre plus grand (ce quidiminuerait le reflux fécal dans l’in-testin d’amont, ce phénomène étantincriminé dans la physiopathologiedes récidives). En fait, le type d’anas-tomose (latéro-latérale mécanique outermino-terminale manuelle) importepeu. Une étude randomisée récente amontré des taux de récidive endo-scopique (37,9 % vs 42,5 %, p = 0,55)et clinique (22,7 % vs 21,9 %, p = 0,92)équivalents entre ces 2 typesd’anastomose après un suivi d’environ1 an 9.

Si la mortalité opératoire de la RIC estnulle ou quasi-nulle (inférieure à0,5 %), la morbidité reste significativechez certains patients. Quatre facteursde risque de complications septiquespostopératoires ont été mis en évi-dence et peuvent inciter à différer laconfection de l’anastomose : unealbuminémie inférieure à 30 g/l, unecorticothérapie préopératoire et ladécouverte d’une fistule ou d’un abcèsen peropératoire. Dans une étude de343 patients, avec 566 interventionset 1 008 anastomoses digestives, letaux de fistule anastomotique était de5,7 %. Yamamoto et al. retrouvait 5 %de complications septiques si aucundes facteurs n’était présent, 14 à 16 %en cas de présence d’1 ou de 2 fac-teurs, 29 % si 3 facteurs et 50 % s’ilexistait les 4 facteurs 10. Nous avonstrouvé des résultats similaires dansune étude analysant plus spécifique-ment les suites des RIC 11. Parmi161 patients, 9 % ont eu en postopé-ratoire un abcès ou une fistule anas-tomotique. En analyse multivariée,4 facteurs étaient associés à une aug-mentation du risque de complicationseptique postopératoire : une perte depoids supérieure à 10 %, une cortico-thérapie supérieure à 3 mois, la pré-sence d’un abcès intrapéritonéal enperopératoire et le nombre de pousséede MC. La connaissance de ces fac-teurs de risque suggère la réalisation

d’une stomie temporaire chez lespatients à très haut risque, c’est-à-direpour nous ceux présentant 3 ou 4 fac-teurs.

Les conséquences fonctionnelles de laRIC sont très faibles si la résectionintestinale est limitée. L’ablation de lavalvule de Bauhin peut entraîner unediarrhée transitoire, habituellementtraitée par des chélateurs des selsbiliaires (Questran®) et les troubles del’absorption de la vitamine B12 auniveau de l’iléon terminal sont peufréquents.

En cas de forme perforante

Péritonite

Bien évidemment, en cas d’interven-tion réalisée en urgence pour périto-nite généralisée par perforation dugrêle, la stomie temporaire est de mise(du fait du caractère septique del’intervention, mais également par laméconnaissance de l’état du côlonsous-jacent, celui-ci pouvant être lesiège d’une sténose, ce qui expose àun risque important de désunionanastomotique en postopératoire),mais cette situation clinique est rare(moins de 3 % des indications chirur-gicales). Le plus souvent, la perfora-tion siège au niveau de l’iléon termi-nal, dans une zone d’intestin malade.La résection intestinale emportant laperforation doit être faite au coursd’une laparotomie, en passant au plusprès des lésions (marges macrosco-piques de sécurité de 2 cm) et enprivilégiant la confection d’une doublestomie en « canon de fusil » plutôt quedans 2 orifices cutanés séparés. Lerétablissement de la continuité diges-tive a lieu 2-3 mois plus tard, par voieélective, après avoir réalisé un bilanmorphologique complet à la recherched’autres localisations de la MC. Dansces situations, la découverte d’uneatteinte inflammatoire étendue sur legrêle associée à une perforation doitle plus souvent faire préférer unecourte résection de la zone perforéemise en stomie laissant en place enaval une zone malade qu’on espère

128 • • • • • •

pouvoir traiter médicalement évitantainsi d’emblée une résection tropétendue.

Abcès

Environ 21 % des formes iléales de MCpeuvent se compliquer d’un abcèsintra-abdominal, qui peut être intra-péritonéal (18 %) ou moins souventrétro péritonéal, dans le muscle psoas(3 %). Le diagnostic est suspecté àl’examen clinique devant une massedouloureuse, le plus souvent au niveaude la fosse iliaque droite chez unpatient présentant une iléite terminaleet de la fièvre, et confirmée par unetomodensitométrie abdomino-pel-vienne 12. Le traitement consiste toutd’abord en un drainage radiologique(sous contrôle échographique outomodensitométrique) de l’abcès,pendant 6 à 10 jours, associé à uneantibiothérapie adaptée aux prélève-ments bactériologiques, avec confir-mation de la disparition de la collec-tion sur un scanner de contrôle. Sil’abcès n’est pas drainable radiologi-quement, un traitement médical asso-ciant une antibiothérapie et une ali-mentation parentérale peut être tenté.Dans les 2 cas, une chirurgie seraenvisagée 6 semaines plus tard (le plussouvent une RIC) avec des conditionslocales qui permettront le plus souventun rétablissement immédiat de lacontinuité digestive.

En cas de découverte peropératoirede l’abcès, le rétablissement de lacontinuité digestive est aussi le plussouvent possible, sauf s’il existed’autres facteurs de risque de compli-cations septiques postopératoiresassociés (cf. supra).

Fistules internes et externes

Les fistules iléo-vésicales peuventsurvenir chez 3 à 5 % des patients. Lediagnostic est clinique (apparitiond’une pneumaturie, d’une fécalurie,d’infections urinaires récidivantes,d’une dysurie). L’intervention chirurgi-cale ne diffère pas beaucoup de celleréalisée en l’absence de fistule. L’orificefistuleux (le plus souvent situé au

niveau du dôme vésical), lorsqu’il estmis en évidence, est fermé par unesuture simple, mais son identificationn’est pas indispensable car le maintiende la sonde vésicale en postopératoirependant 10 jours suffit à fermer lafistule. Il n’y a aucune indication à pré-voir un bilan urologique dans les suites.

Une fistule iléo-sigmoïdienne estparfois asymptomatique et sa décou-verte est peropératoire dans 25 % descas. Le plus souvent, l’iléite terminalevient s’ouvrir par contiguïté au niveaude la boucle sigmoïdienne et le seg-ment colique atteint est dit « victime »et traité par une simple suture ouune résection colique à minima.Néanmoins, le côlon sigmoïde peutdans certains cas être « coupable », cequi justifie une colectomie segmen-taire complémentaire. Il est doncimportant de disposer d’une colo-scopie récente avant d’opérer unpatient d’une RIC 13. Dans le cas desfistules entéro-cutanée, le traitementchirurgical était la règle jusque récem-ment. Un travail non encore publiéréalisé par le GETAID a évalué l’effi-cacité des anti-TNF chez 51 patientsatteints de MC sur les fistules entéro-cutanées traitées par anti-TNF. Unefermeture complète de la fistule étaitobtenue chez un tiers des patients avecune réponse soutenue (suivi médical36 mois) observée chez la moitiéd’entre eux, permettant d’envisager untraitement par anti-TNF dans cettesituation jusqu’à récemment éminem-ment chirurgicale.

La chirurgie de la récidiveiléocolique et des formes étagées

Ces situations méritent une attentiontoute particulière, du fait de la possibleapparition d’un syndrome de grêlecourt, suite à des résections étenduesou multiples.

En cas d’antécédent de résection, lesrécidives surviennent toujours auniveau de l’anastomose ou au-dessusde celle-ci. Une réintervention n’estindiquée qu’en cas d’échec dutraitement médical, avec résection de

l’anastomose iléocolique et du grêlesus-anastomotique, en respectant lesmêmes principes que lors de la chirur-gie initiale (marges macroscopiquessaines de 2 cm). Il est toujours impor-tant de mesurer le grêle restant à partirde l’angle de Treitz.En présence de sténoses multiples,diffuses et éloignées de l’intestin grêle,il ne faut jamais effectuer une résectionunique emportant toutes les sténoses.Le choix pourra se faire entre plusieursrésections intestinales ou éventuelle-ment la réalisation de stricturoplasties,qui consiste en une plastie d’élargisse-ment des sténoses, surtout si celles-cisont courtes et fibreuses et le risque degrêle court important. Plusieurs typesde stricturoplastie existent, en fonctionde la longueur de la sténose digestive :la stricturoplastie de Heineke-Mikulicz,la plus fréquente, en cas de sténosecourte de moins de 10 cm, la stricturo-plastie de Finney pour les sténoses pluslongues de 10-20 cm et la stricturoplas-tie isopéristaltique latérolatérale pourles sténoses de plus de 20 cm. Unemétaanalyse a récemment rapportéles résultats de 3 259 stricturoplastieseffectuées chez 1 112 patients etconfirmé la faisabilité et l’efficacité decette technique en cas de MC de loca-lisation jéjunoiléale ou lors d’une réci-dive iléocolique. Les complicationsinfectieuses postopératoires (abcès, fis-tule) étaient de 4 %. Il y a eu 3 % d’hé-morragie digestive et 2 % d’abcès deparoi. La durée moyenne d’hospitalisa-tion était de 17 jours, la médiane de8 jours. Le taux de récidive à 5 ans étaitde 28 %, sans différence significativepar rapport au taux de récidive aprèsrésection. Chez 90 % des patients, larécidive siégeait en dehors des zonesde plastie et correspondait à de nou-velles localisations de la maladie. Seuls2 patients ont développé un adéno-carcinome au niveau d’une zone deplastie 14.

Place de la laparoscopie

Chez ces patients jeunes, la laparo-scopie constitue théoriquement lameilleure voie d’abord pour la

129• • • • • •

RIC (maladie bénigne, risque dechirurgie itérative, moindre trauma-tisme pariétale, avantage cosmétique,nécessité d’un retour rapide à une acti-vité normale), mais la dissection peuts’avérer difficile du fait de la présencede lésions inflammatoires avec unmésentère friable, d’une forme perfo-rante de MC avec fistules et abcès, etd’adhérences intra-abdominalessecondaires à des interventions anté-rieures. Le choix de la laparoscopiepour la réalisation de cette interven-tion ne peut se justifier que si ellesemble faisable techniquement avecun taux de conversion acceptable. Elledoit être également associée à un tauxde morbi-mortalité postopératoire etde récidive équivalent ou inférieur àla chirurgie effectuée par laparotomie.

Concernant sa faisabilité, nous avonsobservé, dans une étude prospectiveportant sur 69 patients opérés d’uneRIC par laparoscopie, 2 facteurs derisque indépendants de conversion enanalyse multivariée : les pousséesitératives de MC (OR = 2) et l’existenced’un abcès ou d’une fistule (OR = 15) 15.

Pour le taux de conversion en laparo-tomie, 2 métaanalyses récentes ontcomparé la chirurgie par laparoscopieet par laparotomie dans la MC et uneautre plus spécifiquement la RIC pources 2 voies d’abord 16. Le pourcentagede conversion était compris entre 6,8et 11,2 %, ce qui semble tout-à-faitacceptable en comparaison avecd’autres pathologies opérées parlaparoscopie. Par analogie, le taux deconversion pour la chirurgie du CCRse situe entre 5 et 20 %.

Pour les suites postopératoires, unepremière étude randomisée de60 patients comparant la RIC par lapa-roscopie à la chirurgie ouverte a mon-tré, après laparoscopie, une récupéra-tion plus rapide de la fonctionrespiratoire (p = 0,03), une réductiondu taux de complications mineures(p < 0,05) et de la durée d’hospitalisa-tion (5 jours vs 6 jours, NS) 17. D’autreséquipes ont depuis confirmé les avan-tages de cette intervention sous lapa-roscopie 18. La métaanalyse s’intéres-

sant spécifiquement à la RIC a reprisces données 16. Quinze études ont étéincluses, avec 783 patients dont 338(43,2 %) opérés par laparoscopie. Ladurée opératoire était significati-vement plus longue en cas de laparo-scopie, de 29,6 min (p = 0,002), et lespertes sanguines équivalentes. Il n’étaitpas trouvé de différence en ce quiconcerne la morbidité postopératoire(avec notamment le taux de fistuleanastomotique et de syndrome occlu-sif) et le coût total. Les résultats étaienten faveur de la laparoscopie en ce quiconcerne la reprise du transit et de laréalimentation orale ainsi que la duréed’hospitalisation (diminution de2,7 jours, IC 95 % : – 3,62 à – 1,62). Lamorbidité postopératoire était signifi-cativement inférieure après laparosco-pie dans la métaanalyse de Jane et al.(12,8 % vs 20,2 %, OR = 0,57 [IC95% :0,37-0,87], p = 0,001) 19.

Une extension des indications de lalaparoscopie pour la RIC a récemmentété proposée, après les résultatsd’études effectuées dans des centresexperts. Ainsi, nous avons récemmentdémontré la faisabilité de l’approchelaparoscopique pour la résectioniléocolique itérative en cas de récidivede MC 20. Sur une période de 10 ans,57 patients ont eu 62 réinterventionspour récidive de MC, 29 par voie lapa-roscopique et 33 par laparotomie. Lamortalité postopératoire était nulledans les 2 groupes. Les résultats opé-ratoires après chirurgie par laparosco-pie ou laparotomie étaient similairesen termes de durée opératoire (215 minvs 226 min), de nécessité d’une stomietemporaire (24 % vs 18 %), de morbi-dité globale (38 % vs 30 %), decomplications majeures (10 % vs 15 %)et de durée d’hospitalisation (9 jours).Les plaies digestives peropératoiresétaient cependant plus importantes aucours d’une chirurgie par laparoscopie(17 % vs 0 %, p = 0,01). Le taux deconversion était de 31 % mais les tauxde mortalité et de morbidité n’étaientpas augmentés suite à la nécessitéd’une conversion. Comme facteurs derisque de conversion en analyse

univariée, on retrouvait la découverteperopératoire d’une fistule (p = 0,02)et la survenue d’une plaie digestive(p < 0,001). En cas de récidive de MCdonc, la voie d’abord laparoscopique,bien que plus complexe, peut êtrerecommandée chez des patientssélectionnés, surtout ceux ne présen-tant pas de fistule.

De même, en cas de forme compliquéede MC (avec abcès ou fistule) néces-sitant une RIC, nous avons comparédans une étude prospective de124 patients les résultats postopéra-toires des RIC réalisées par laparo-scopie chez des patients présentantune forme compliquée de MC ounon 21. La mortalité postopératoireétait nulle dans les 2 groupes. La duréeopératoire était significativement plusimportante en cas de forme compli-quée (214 min vs 191 min, p < 0,005),ainsi que le taux de réalisation d’unestomie temporaire (39 % vs 9 %,p < 0,001) et le taux de conversion(37 % vs 14 %, p < 0,01) avec commeprincipale cause la présence de fistulescomplexes entre l’iléon et la vessie oule côlon sigmoïde. Cependant, malgréces données, la morbidité globale étaitidentique (17 %) et la durée d’hospi-talisation comparable (8 j vs 7 j),suggérant le fait que les RIC parlaparoscopie ne devraient pas êtreréservées aux patients présentant uneMC non compliquée.

Enfin, concernant les résultats à longterme après RIC, les réinterventionspour éventration sont plus fréquentesen cas de chirurgie par laparotomie.La survenue d’un syndrome occlusifdu grêle sur bride semble égalementplus importante. La qualité de vie,l’image corporelle ainsi que le taux derécidive (endoscopique, radiologiqueou clinique nécessité une réinterven-tion) sont identiques entre les 2 voiesd’abord. Le résultat cosmétique estmeilleur après laparoscopie 22.

En conclusion, en cas d’interventionsur l’intestin grêle pour MC, la voied’abord laparoscopique peut êtreproposée pour tous les patients,surtout ceux présentant une forme

130 • • • • • •

sténosante où elle représenteaujourd’hui la voie d’abord de réfé-rence. La laparotomie reste indispen-sable en cas de péritonite généralisée.

Interventions sur le côlonet le rectum

Principes

La prise en charge chirurgicale desatteintes coliques et rectales dans la MCsemble plus difficile que pour l’intestingrêle et a pour objectif de retarder aumaximum la réalisation un jour d’unecoloproctectomie totale avec iléostomieterminale définitive. Au moment dudiagnostic de la MC, 52 % des patientsprésentent des lésions colorectales,avec parmi ceux-ci 68 % d’inflamma-tion rectale. Environ 25 % des patientsont une atteinte colique pure, avec 3 %d’atteinte colique droite, 27 % d’atteintecolique gauche, 40 % d’atteinte coliquesegmentaire et 30 % de pancolite.Contrairement à l’intestin grêle, l’at-teinte colique reste longtemps inflam-matoire, sans sténose ni perforation.

Historiquement, les 2 interventions« classiques » dans la MC de localisa-tion colorectale étaient la colectomietotale avec anastomose iléorectale(AIR) et la coloproctectomie totale(CPT) avec iléostomie terminaledéfinitive. Ces dernières années cepen-dant, 2 autres types d’intervention ontété proposés : la CPT avec rétablis-sement de la continuité digestive parune anastomose iléo-anale (AIA) (pourdes patients très sélectionnés), et lescolectomies segmentaires (à la placede la colectomie totale, avec une résec-tion limitée, toujours dans une optiqued’épargne digestive) (figure 1) 23.

Intervention en urgence

La colectomie subtotalepour colite aiguë grave

La colite aiguë grave (CAG) représentela principale indication chirurgicaleen urgence en cas de MC de locali-sation colorectale. Elle peut révéler lamaladie mais la différenciation au

départ entre une MC, une RCH ou unecolite autre (essentiellement infec-tieuse) n’est pas toujours possible,avec un diagnostic définitif histolo-gique différent du diagnostic initialsupposé dans plus de la moitié des cas.Elle survient cependant rarement dansla MC, la RCH étant la cause la plusfréquente. Seuls 5 à 10 % des patientsayant une MC colorectale auront uneCAG nécessitant un traitement chirur-gical. Malgré les progrès des thérapeu-tiques médicales, environ 40 % despatients avec CAG sont opérés, soit enurgence (25 %) devant la présenced’une forme compliquée (mégacôlontoxique ou colectasie, péritonite parperforation colique ou hémorragiemassive nécessitant des transfusionsrépétées), soit surtout en cas d’échecou d’inefficacité du traitement médicalintensif (75 %) de première ligne (cor-ticothérapie intraveineuse) voire de2e ou 3e ligne (ciclosporine ou inflixi-mab) après réévaluation clinique etéventuellement endoscopique 24.

Le type d’intervention réalisée en casde CAG fait aujourd’hui l’objet d’unconsensus. Le principe est d’enlever laquasi-totalité du côlon malade, sans

faire d’anastomose. Elle consiste en laréalisation d’une colectomie subtotale(CST) sans rétablissement de la conti-nuité digestive, avec double iléostomieet sigmoïdostomie, dans le but delimiter le risque de complications pos-topératoires (fistule, abcès, péritonite)significativement plus importanteschez ces patients souvent dénutris,avec une imprégnation cortisoniqueimportante et donc toujours immuno-déprimés. Aucun curage ganglionnairen’est nécessaire dans ce contexte. Lesligatures vasculaires se font près ducôlon et la dissection du mésocôlonde dehors et dedans, afin d’éviter chezces patients jeunes tout trouble uri-naire ou sexuel par lésion du plexushypogastrique supérieur ou des nerfshypogastriques. L’exérèse s’étend dela valvule de Bauhin, avec sectiondigestive sur le grêle en zone macro-scopiquement saine, jusqu’au hautsigmoïde avec respect du tronc desartères sigmoïdiennes, permettant unebonne vascularisation du rectosig-moïde restant. Les 2 extrémités diges-tives sont mises à la peau. Le sited’extériorisation de l’iléostomie est lafosse iliaque droite, dans un endroit

Figure 1. Algorithme du traitement chirurgical dans la maladie de Crohn de localisationcolorectale (d’après Champault et al., Le traitement chirurgical des atteintes coliques

et rectales de la maladie de Crohn, Gastroenterol Clin Biol 2004;28:882-892)

Maladie de Crohn de localisation colorectale

131• • • • • •

repéré en préopératoire. Dans notreexpérience, l’orifice cutané de lasigmoïdostomie est le même que celuide l’iléostomie, en canon de fusil (depréférence à la fosse iliaque gaucheou la partie basse de la laparotomiemédiane en sus-pubien comme le fontd’autres équipes). Ceci a pour avan-tage à nos yeux de ne réaliser qu’unseul orifice stomial, facilite le futurtemps de rétablissement de la conti-nuité si une anastomose iléo-rectaleest choisie. De plus, nous pensons quecela minimise le risque d’occlusionpostopératoire par rapport à unsigmoïde placé sur la médiane 23.

Bien que 25 % des patients présententinitialement une forme compliquée deCAG, l’amélioration de la prise encharge médicale et chirurgicale apermis de diminuer la mortalité post-opératoire de la CST à moins de 1 %.Ainsi, dans notre série de 164 patientsconsécutifs ayant eu une CST pourCAG, la mortalité était de 0,6 %, lamorbidité de 33 %. L’occlusion surbride représente la complication posto-pératoire la plus fréquente (15 % dansnotre expérience avec nécessité d’uneréintervention dans 8 % des cas) 24.

En postopératoire, des irrigationsbiquotidiennes du recto-sigmoïde parune solution de corticoïdes et dedérivés salicylés sont souvent propo-sées jusqu’à la deuxième intervention.

Choix du rétablissementde la continuité digestive

La deuxième chirurgie après CST(qu’elle soit effectuée par laparoscopieou laparotomie) a lieu en général2-3 mois plus tard. Plusieurs facteursdoivent être pris en compte pour lechoix de l’intervention à réaliser, le butprincipal étant de retarder au maxi-mum l’iléostomie définitive tout engardant une qualité de vie acceptable :– le résultat anatomopathologique de

la pièce de colectomie subtotale,confirmant le diagnostic de MC,

– la présence ou non de lésionsano-périnéales,

– l’évaluation de rectum restant parune recto-sigmoïdoscopie et une

tomodensitométrie avec opacifi-cation rectale, afin de s’assurer quecelui-ci est ou non conservable(absence de maladie active à l’en-doscopie ou de microrectum).

En fonction de ces éléments, 3 inter-ventions peuvent être effectuées :– En cas de rectum conservable et en

l’absence de lésion ano-périnéalesévère, l’AIR (qui est en fait plutôtune anastomose iléo-simoïdienneavec conservation de la charnièrerecto-sigmoïdienne) doit être privi-légiée. C’est d’ailleurs l’interventionla plus couramment réalisée enpremière ligne dans la MC colique.Même en cas de rectum peu malade(rectite ou microrectum modérés),l’AIR doit être également proposée,ce qui permet de repousser encoreun peu l’échéance de l’iléostomieterminale définitive. Dans une étuderétrospective bicentrique portant sur144 patients, malgré un taux de réci-dive clinique après AIR très élevé, de58 % à 5 ans et 83 % à 10 ans, plusde 85 % des patients conservaientune anastomose fonctionnelle sansproctectomie complémentaire, ce quisemble d’autant plus remarquableque la population étudiée était jeune,dans une période de leur vie où laconservation d’une image corporellenormale peut avoir une importancepersonnelle, sociale et profession-nelle majeure (tableau 1) 25. En ana-lyse multivariée, seule la présence demanifestations extra-intestinalesétait significativement prédictive de

perte du rectum et d’échec d’AIR(RR = 3,1 ; [IC95 % : 1,1-8,7],p = 0,04), et non l’atteinte du rectumen préopératoire, ce qui renforcel’idée de ne pas proposer d’emblée lacoloproctectomie totale avec iléos-tomie définitive (sauf en cas demicrorectum majeur). Un meilleurcontrôle de la maladie avec l’amé-lioration du traitement médicalpourrait encore augmenter ces résul-tats. Dans cette étude d’ailleurs, seulun traitement prophylactique posto-pératoire après l’AIR par acide5-aminosalicylique était associé à untaux plus faible de récidive rectaleen analyse multivariée (RR = 0,5 ;[IC95 % : 0,3-0,9], p = 0,02).

– En cas de rectum non conservableet en présence de lésions ano-péri-néales majeures compromettant lafonction sphinctérienne, l’ampu-tation abdomino-périnéale (AAP)avec iléostomie terminale défini-tive semble nécessaire. Cette inter-vention mutilante est en fait effec-tuée le plus souvent qu’après échecd’une AIR, en deuxième ou troi-sième ligne de traitement chirurgi-cale, après donc échec de tous lestraitements médicaux et chirurgi-caux avec des interventions plusconservatrices.

– En cas de rectum non conservableet en l’absence de lésion ano-péri-néale, l’anastomose iléo-anale avecréservoir iléale en J (AIA) est àdiscuter chez des patients trèssélectionnés (cf. infra).

Tableau 1. Récidive de la maladie de Crohn et conservation de l’anastomose iléorectaleaprès colectomie totale

Référence Année Nombrede patients

Médiane desuivi (ans)

Récidive cliniqueà 10 ans (%)

AIR fonctionnelleà 10 ans (%)

Ambrose et al. 1984 63 9,5 64* 66**Goligher et al. 1985 45 15,5 71* 42**Ritchie et al. 1990 59 20,5 49* /Longo et al. 1992 118 9,5 66* 61**Chevallier et al. 1993 83 8,5 57* 63**Pastore et al. 1997 42 6,5 / 65**Yamamoto et al. 2000 65 11,5 / 78**Martel et al. 2000 39 11,5 41* 69**Bernell et al. 2001 106 15,5 58* 76**Cattan et al. 2002 144 4,5 83* 86*** : à 15 ans ; ** : à 12,5 ans

132 • • • • • •

Interventions à froid

Colectomie totaleavec anastomose iléorectale

La colectomie totale avec AIR est indi-quée à froid en cas de colite résistanteau traitement médical, de colitecompliquée de sténose symptomatiqueet de colite compliquée d’une dysplasiesévère ou d’un cancer colique inva-sif 23. La conservation de l’ampoulerectale, de la charnière recto-sigmoï-dienne et des derniers centimètres ducôlon sigmoïde permet d’obtenir unrésultat fonctionnel satisfaisant et l’ab-sence de dissection pelvienne préservel’innervation autonome à destinéegénito-urinaire. La continence analeest bonne dans 90 % des cas et lenombre de selles d’environ 3 à 5 parjour après la chirurgie avec un résultatrestant stable avec le temps. Pour lachirurgie programmée, l’étape decolectomie subtotale avec double sto-mie est inutile. Cependant, la présenced’une dénutrition, d’une corticothéra-pie au long cours et/ou d’une rectitedoivent faire discuter la réalisationd’une iléostomie temporaire de protec-tion même s’il s’agit d’une anastomoseintra-péritonéale, du fait du risque plusimportant de fistule anastomotiquedans ce contexte.

Coloproctectomie totaleavec iléostomie définitive

La CPT avec iléostomie terminaledéfinitive est le plus souvent effec-tuée par nécessité, en cas de MC delocalisation colorectal avec microrec-tum et lésions anopérinéales sévèrescompromettant la fonction sphincté-rienne (fistule complexe, fistulerecto-vaginale, incontinence). Le faitque cette opération soit souvent réa-lisée chez des patients jeunes, chezlesquels le traumatisme psycholo-gique lié à la confection d’une stomiedéfinitive est important, incite à nepas l’indiquer d’emblée mais commeune solution ultime, de dernierrecours, après échec de l’AIR (avecproctectomie complémentaire) et desautres traitements médicaux et

chirurgicaux. Dans ces conditions,chez des patients préparés (avec sou-tien psychologique et aide d’un sto-mathérapeute), elle peut transformerleur qualité de vie et ceci malgré soncaractère mutilant. En effet, le plussouvent, l’intervention est proposéechez des patients pour lesquels dessymptômes très pénibles, (douleurs,incontinence fécale, hospitalisationstrès fréquentes, etc.) rendent la qua-lité de vie déplorable. Cette interven-tion est associée au risque le plusfaible de récidive, avec un taux deréintervention d’environ 20 % à10 ans. La mortalité postopératoireest de 2 %. La morbidité est signifi-cativement plus importante que celleaprès AIR (53 %) et la survenue d’unsepsis périnéal entraînant un retardà la cicatrisation du périnée est lacomplication principale (35 %), pou-vant conduire après 6 mois à laconstitution d’un sinus périnéalpersistant dans un tiers des cas. Lescomplications de l’iléostomie (sansrapport avec une récidive de MC)surviennent dans 15 % des cas : désu-nion de la stomie, prolapsus stomialet éventration péristomial.

En l’absence de dysplasie ou de cancerdu rectum, le plan de dissection de laproctectomie est différent de celui del’exérèse totale du mésorectum etrespecte le fascia recti. L’exérèse estmenée au contact de la musculeuserectale, afin de réduire les riques decomplications urinaire ou sexuelle.L’amputation rectale peut comporterune résection complète de l’appareilsphinctérien et du canal anal avecfermeture périnéale, ou intersphincté-rienne avec conservation du sphincterexterne ce qui diminuerait le tauxd’infection postopératoire.

Alternatives conservatrices

A. Coloproctectomie totaleavec anastomose iléo-anale

La CPT avec AIA a longtemps étéconsidérée comme une contre-indi-cation dans la MC colorectale, pourplusieurs raisons : le risque de mor-

bidité postopératoire important avecabcès, fistule périnéale et sepsispelvien, le taux théorique très élevéde récidive de la maladie sur le réser-voir iléal responsable d’un mauvaisrésultat fonctionnel voire d’ablationdu réservoir et de syndrome de grêlecourt, ainsi que pour des raisonsanciennes d’habitudes et de politiquede service. La seule intervention envi-sageable en cas de MC colique avecrectum non conservable était la CPTavec iléostomie terminale définitive.Cette attitude s’appuyait sur les résul-tats rétrospectifs d’AIA réalisées poursuspiçion de RCH ou de colite indé-terminée avec diagnostic tardif de MC(à l’anatomopathologie de la pièceopératoire ou lors de survenue decomplications). Une première étudeprospective que nous avons publiéeen 1996 a cependant rapporté desrésultats satisfaisants de cette inter-vention chez des patients sélection-nés, sans atteinte ano-périnéale oude l’intestin grêle (dans l’histoire dela MC et au moment de l’interven-tion). L’AIA était alors discutée, chezdes patients motivés et informés,comme une alternative à l’iléostomiedéfinitive (quand la résection rectaledevenait nécessaire), et non pas à laplace d’une AIR 26. La mortalité étaitnulle. La morbidité (16 %) et lesrésultats fonctionnels (nombre desselles, discrimination gaz-selles,fuites, port de protection, activitésexuelle) étaient comparables à ceuxdes AIA effectuées pour RCH. Aprèsun suivi de plus de 50 mois, seuls2 patients sur 31 ont présenté unefistule périnéale nécessitant une abla-tion du réservoir avec iléostomiedéfinitive. L’inflammation du réser-voir n’était pas plus importante enpostopératoire en cas de MC par rap-port à la même intervention faitepour RCH (34 % vs 21 %, p = 0,2).Dans la série actualisée comprenant41 patients avec un suivi de 10 ans,le taux actuariel de complicationsspécifiques liées à la MC était de10 % à 1 an, 15 % à 3 ans et 29 % à10 ans, et le taux actuariel d’exérèse

133• • • • • •

du réservoir était de 3 % à 1 an, 8 %à 5 ans et 10 % à 10 ans. Sept patients(17 %) ont présenté une fistule ano-périnéale, avec nécessité d’ablationdu réservoir chez 3 d’entre aux aprèséchec du traitement conservateur.Une pouchite était mise en évidencedans 38 % des cas. Au total, 73 % despatients ayant présenté une compli-cation périnéale de la MC après AIAconservaient leur réservoir avec unrésultat fonctionnel acceptable 27.

D’autres études ont depuis analysé lesrésultats de l’AIA dans la MC, avec desrésultats inférieurs probablement dufait d’une moins bonne sélectionpréopératoire des patients. La morta-lité postopératoire était à chaque foisnulle et aucun syndrome de grêlecourt n’est survenue. Le résultat le plusintéressant de ces autres études étaitque l’AIA permettait d’éviter une iléos-tomie définitive chez la majorité despatients, avec un résultat fonctionnelsatisfaisant. Une étude de Fazio et al.a évalué les résultats de l’AIA chez1 005 patients dont 67 avec undiagnostic postopératoire de MC.Parmi ceux-ci, 25 % ont dû avoir uneablation du réservoir (vs 1,8 % en casde RCH) mais 93 % des patients ayantleur réservoir avaient un résultatfonctionnel et une qualité de vieidentique des patients opérés pourRCH, polypose adénomateuse fami-liale ou colite indéterminée.

Une étude prospective récente de laCleveland Clinic a rapporté la plusgrande expérience d’AIA pour MC 28.La série comprenait 204 patients,répartis en 3 groupes en fonction dumoment du diagnostic de MC : enpréopératoire (chirurgie faite inten-tionnellement), en postopératoireimmédiat sur la pièce d’exérèse(découverte fortuite) et en postopéra-toire tardif avec un diagnostic plus de6 mois après l’AIA sur des critèrescliniques ou radiologiques. À 10 ans,71 % de l’ensemble des patientsavaient un réservoir en place et unrésultat fonctionnel satisfaisant (72%sans trouble de la continence et7 selles en moyenne par jour). Ce taux

était cependant significativementdifférent en fonction des groupes :85 % dans le groupe préopératoire,87 % dans le groupe postopératoireimmédiat et 53 % dans le groupe post-opératoire tardif (p < 0,0001). En ana-lyse multivariée, les facteurs de risquede perte du réservoir étaient un dia-gnostic tardif de MC, la survenue d’unsepsis pelvien ou d’une fistule entre leréservoir et le vagin. Cette étudeconfirme donc les bons résultats àlong terme d’AIA effectuées chez despatients sélectionnés ayant une MCconnue et souligne l’importance de lasélection des patients dans cette indi-cation puisque le seul facteur préopé-ratoire prédictif d’une perte du réser-voir était le diagnostic retardé de MC.Néanmoins, même dans cette situa-tion, plus de 50 % des patients gardeun réservoir à 10 ans avec une qualitéde vie et un résultat fonctionnelacceptables.

B. Colectomies segmentaires

Existe-il une place pour la colectomiesegmentaire dans la MC ? La réali-sation d’une colectomie totale avecAIR a pour avantage de supprimerde façon définitive le risque de réci-dive colique mais entraîne égalementl’ablation d’une importante quantitéde côlon sain ou peu atteint. Certainsauteurs ont proposé une attitude plusconservatrice avec une résection duseul segment atteint, par analogie àcelle recommandée pour la chirurgiede l’intestin grêle, avec un avantagethéorique d’une épargne digestivemaximale afin de préserver le résultatfonctionnel, mais un risque égalementthéorique de récidive précoce sur lecôlon restant pouvant nécessiter desrésections itératives.

Actuellement, il n’y a pas vraiment derecommandation entre ces 2 straté-gies. Il n’existe aucune étude rando-misée prospective mais celles publiéesapportent des éléments de réponse.Concernant le taux de récidive cli-nique après colectomie segmentaire, ilest en réalité tout à fait comparable àcelui rapporté après colectomie totale

et AIR. Il varie entre 31 et 66 % à10 ans dans les différentes études,contre 53 à 67 % après colectomietotale et AIR, sans jamais de différencesignificative.

Dans une étude rétrospective,Andersson et al. a comparé lesrésultats postopératoires de 31 patientsopérés d’une colectomie segmentaireà 12 patients ayant eu une colectomietotale avec AIR pour une atteintecolique équivalente. À 10 ans, le tauxde récidive nécessitant une nouvellerésection était de 53 % après résectionlimitée contre 55 % après résectionétendue (p = 0,78). La récidive surve-nait cependant plus précocement defaçon significative après colectomiesegmentaire (2,6 vs 7,2 ans, p = 0,046).Pour le résultat fonctionnel, il étaitmeilleur après colectomie segmentairequ’après colectomie totale, avec unemeilleure fonction ano-rectale (moinsd’incontinence et de souillures) et unnombre de selles significativementinférieur (1,8 +/– 3 vs 4,9 +/– 4,6,p = 0,019). En analyse mulivariée, lenombre de segments coliques réséquéétait un facteur indépendant pour lenombre de selles (p = 0,002). Unemétaanalyse a repris l’ensemble desétudes publiées sur ce sujet entre 1988et 2002, avec 488 patients (223 avecAIR et 265 avec colectomie segmen-taire). Elle a confirmé le fait qu’iln’existait pas de différence concernantle taux de récidive mais que celle-cisurvenait plus tardivement en casd’AIR avec une durée de 4,4 ans([IC95 % : 3,1-5,8)], p < 0,001). Il n’yavait pas de différence pour la morbi-dité postopératoire ou la nécessité deréaliser dans les suites une stomiedéfinitive 29.

Au total, il existe probablement desindications pour la colectomie seg-mentaire dans la MC, lorsque l’atteintecolique est limitée, chez des patientsn’ayant jamais présenté des lésionscoliques diffuses au cours de l’évolu-tion de la maladie. Elle n’a pas sa placeen cas de mise en évidence d’unedysplasie colique sévère ou d’uncancer colique invasif.

134 • • • • • •

Place de la laparoscopie

A. Pour la colectomie subtotale

Les formes compliquées de CAG (per-foration, hémorragie) nécessitant uneintervention immédiate restent actuel-lement une contre-indication à lalaparoscopie. Elle doit cependant êtreproposée dans les autres situations.Le bénéfice de cette voie d’abord estévident en terme d’incision abdomi-nale. Le caractère sûr et efficace decette technique a été suggéré dansnotre étude cas-témoin portant sur88 patients opérés d’une CST pourCAG et comparant l’approche laparo-scopique (40 patients) à la laparotomie(48 patients). Le taux de mortalité étaitnul dans les 2 groupes et les résultatsopératoires similaires en termes dedurée opératoire (253 +/– 56 min aprèslaparoscopie vs 231 +/– 75 min aprèslaparotomie), de morbidité (35 % vs56 %), d’occlusion sur bride (6 % vs15 %), de réintervention (6 % vs 10 %)et de durée d’hospitalisation (9 +/–3 jours vs 12 +/– 7 jours) 30. Lesfaibles effectifs ne parvenaient pas àmettre en évidence une différencesignificative, avec toutefois une ten-dance en faveur de la laparoscopie.D’autres études retrouvaient une duréed’hospitalisation significativementinférieure après CST par laparoscopieavec une réduction d’environ 3 jours.Dans une étude prospective de73 patients, Seshadri et al. ont rap-porté un taux de complication à longterme (occlusion sur bride, éventrationet complications de la stomie) diminuéde façon significative en cas de CSTréalisée par laparoscopie (20 % vs64 %, p = 0,002) et ceci malgré unsuivi plus important (55 mois vs24 mois, p = 0,009).Si la CST avec iléosigmoïdostomie estréalisable par voie laparoscopique,aucune étude n’a évalué spécifique-ment l’intérêt de cette voie d’abordlorsque l’AIR est effectuée dans lemême temps opératoire. Deux étudesont comparé la laparoscopie à la lapa-rotomie pour la chirurgie colique dansla MC, quel que soit le type de résection

réalisée. Une étude cas-témoin de54 patients dont 20 opérés d’une colec-tomie totale avec AIR concluait à lafaisabilité de la chirurgie colique parlaparoscopie dans la MC. Le taux deconversion était de 26 %. Les différencesconcernant les pertes sanguines, lareprise du transit et la morbidité pos-topératoire n’étaient pas significatives.La durée opératoire était plus longueen cas de chirurgie par laparoscopie(240 min vs 150 min, p < 0,01). Ladurée d’hospitalisation était moindremais non significative (5 jours vs6 jours, p = 0,07) 31. La deuxième étude,prospective et plus importante de125 patients dont 13 opérés d’une CSTavec AIR, retrouvait un taux de conver-sion de 11 % et un bénifice significatifde la laparoscopie en terme de duréeopératoire (212 min vs 286 min,p = 0,032), de pertes sanguines (100 mlvs 200 ml, p = 0,002), de reprise dutransit (3 jours vs 4 jours, p = 0,036) etde durée d’hospitalisation (6 jours vs8 jours, p = 0,001) 32.

B. Pour l’anastomose iléo-anale

La réalisation d’une CST par laparo-scopie peut être le premier temps de la

confection d’une AIA totalement lapa-roscopique. Cette approche nous semblelicite chez ces patients jeunes pour les-quels une reprise rapide de l’activitéprofessionnelle et le résultat esthétiquesont importants (figure 2), avec égale-ment à long terme une possible dimi-nution des adhérences postopératoires,source d’occlusion, complication quasi« spécifique » des AIA par laparotomie.Nous avons rapporté une série de18 patients consécutifs opérés d’uneCAG pour maladie inflammatoire chro-nique de l’intestin (MICI) avec uneintervention faite en 3 temps : colecto-mie subtotale avec iléostomie et sig-moïdostomie, puis proctectomie com-plémentaire à distance avec AIA etmaintien d’une iléostomie de protec-tion, puis fermeture de cette iléostomiepar voie élective. La mortalité étaitnulle. Seuls 2 patients (11 %) ont néces-sité une conversion en laparotomiepour l’AIA. La morbidité globale étaitde 33 % et la durée totale d’hospitali-sation de 24 +/– 3 jours 33. Une autreétude de notre centre portant sur82 patients consécutifs opérés de 2000à 2008, a montré la faisabilité des AIAavec une approche totalement laparos-

Figure 2. Résultat cosmétique après coloproctectomie totaleet anastomose iléo-anale effectuée par voie cœlioscopique

135• • • • • •

copique : le taux de conversion enlaparotomie était de 11 %, la morbiditéglobale de 32 % avec notamment untaux de fistule anastomotique de 10 %,le résultat fonctionnel à 1 an était de5,5 +/– 2,7 selles par jour et il n’existaitpas de différence en termes de morbi-dité et de résultat fonctionnel si l’AIAétait réalisée en 3 temps ou en 2 temps(coloproctectomie totale avec AIA pro-tégée par une iléostomie puis fermeturede l’iléostomie par voie élective). Deplus, avec le temps (courbe d’appren-tissage), on observait une diminutionsignificative de la durée opératoire 34.

ConclusionLa chirurgie reste une composanteessentielle dans la prise en charge dela MC. Elle doit être posée « facile-ment » en cas d’atteinte iléale termi-nale limitée avec sténose fibreuse etsymptomatique, ainsi qu’en cas deforme perforante. Pour les interven-tions portant sur l’intestin grêle, lesrésections doivent être minimales,limitées aux zones macroscopique-ment atteintes du fait du risque àterme de syndrome de grêle court.Pour les atteintes coliques et rectales,la succession d’interventions (colecto-mie segmentaire, colectomie totaleavec AIR et CPT avec AIA) a pour butde différer autant que possible la réa-lisation d’une iléostomie terminaledéfinitive. La laparoscopie a pris uneplace de plus en plus importante dansla prise en charge chirurgicale aucours des dernières années. Elle est lavoie d’abord de choix pour les formessimples nécessitant une résection iléo-cæcale. En cas de formes compliquées(abcès, fistule, récidive), elle peut éga-lement être proposée mais nécessiteune expérience plus importante à lafois en chirurgie laparoscopique etdans la chirurgie des MICI.

Références1. Cosnes J, Nion-Larmurier I ,

Beaugerie L, Afchain P, Tiret E,Gendre JP. Impact of the increasing

use of immunosuppressants in Crohn’sdisease on the need for intestinalsurgery. Gut 2005;54:237-41.

2. Jess T, Riis L, Vind I, Winther KV,Borg S, Binder V, Langholz E,Thomsen OO, Munkholm P. Changesin clinical characteristics, course, andprognosis of inflammatory boweldisease during the last 5 decades: apopulation-based study fromCopenhagen, Denmark. InflammBowel Dis 2007;13:481-9.

3. Ramadas AV, Gunesh S, Thomas GA,Williams GT, Hawthorne AB. Naturalhistory of Crohn’s disease in apopulation-based cohort from Cardiff(1986-2003): a study of changes inmedical treatment and surgicalresection rates. Gut 2010;59:1200-6.

4. von Roon AC, Reese G, Teare J,Constantinides V, Darzi AW, Tekkis PP.The risk of cancer in patients withCrohn’s disease. Dis Colon Rectum2007;50:839-55.

5. Palascak-Juif V, Bouvier AM, Cosnes J,Flourie B, Bouche O, Cadiot G, LemannM, Bonaz B, Denet C, Marteau P,Gambiez L, Beaugerie L, Faivre J,Carbonnel F. Small bowel adeno-carcinoma in patients with Crohn’sdisease compared with small boweladenocarcinoma de novo. InflammBowel Dis 2005;11:828-32.

6. Soderlund S, Brandt L, Lapidus A,Karlen P, Brostrom O, Lofberg R,Ekbom A, Askling J. Decreasing time-trends of colorectal cancer in a largecohort of patients with inflammatorybowel disease. Gastroenterology2009;136:1561-7; quiz 818-9.

7. Bernell O, Lapidus A, Hellers G. Riskfactors for surgery and recurrence in907 patients with primary ileocaecalCrohn’s disease. Br J Surg 2000;87:1697-701.

8. Fazio VW, Marchetti F, Church M,Goldblum JR, Lavery C, Hull TL,Milsom JW, Strong SA, Oakley JR,Secic M. Effect of resection marginson the recurrence of Crohn’s diseasein the small bowel. A randomizedcontrolled trial. Ann Surg 1996;224:563-71; discussion 71-3.

9. McLeod RS, Wolff BG, Ross S,Parkes R, McKenzie M. Recurrence ofCrohn’s disease after ileocolicresection is not affected by anastomo-tic type: results of a multicenter,

randomized, controlled trial. Dis ColonRectum 2009;52:919-27.

10. Yamamoto T, Allan RN, Keighley MR.Risk factors for intra-abdominal sep-sis after surgery in Crohn’s disease.Dis Colon Rectum 2000;43:1141-5.

11. Alves A, Panis Y, Bouhnik Y, Pocard M,Vicaut E, Valleur P. Risk factors forintra-abdominal septic complicationsafter a first ileocecal resection forCrohn’s disease: a multivariate ana-lysis in 161 consecutive patients. DisColon Rectum 2007;50:331-6.

12. Ribeiro MB, Greenstein AJ, YamazakiY, Aufses AH, Jr. Intra-abdominalabscess in regional enteritis. Ann Surg1991;213:32-6.

13. Bouhnik Y, Panis Y. [Therapeuticstrategies of fistulous Crohn’s disease:medical or surgical treatment?].Gastroenterol Clin Biol 2003;27:S98-103.

14. Yamamoto T, Fazio VW, Tekkis PP.Safety and efficacy of strictureplastyfor Crohn’s disease: a systematicreview and meta-analysis. Dis ColonRectum 2007;50:1968-86.

15. Alves A, Panis Y, Bouhnik Y,Marceau C, Rouach Y, Lavergne-Slove A, Vicaut E, Valleur P. Factorsthat predict conversion in 69 conse-cutive patients undergoing laparosco-pic ileocecal resection for Crohn’sdisease: a prospective study. Dis ColonRectum 2005;48:2302-8.

16. Tilney HS, Constantinides VA,Heriot AG, Nicolaou M, Athanasiou T,Ziprin P, Darzi AW, Tekkis PP.Comparison of laparoscopic and openileocecal resection for Crohn’s disease:a metaanalysis. Surg Endosc2006;20:1036-44.

17. Milsom JW, Hammerhofer KA,Bohm B, Marcello P, Elson P,Fazio VW. Prospective, randomizedtrial comparing laparoscopic vs.conventional surgery for refractoryileocolic Crohn’s disease. Dis ColonRectum 2001;44:1-8; discussion -9.

18. Maartense S, Dunker MS, Slors JF,Cuesta MA, Pierik EG, Gouma DJ,Hommes DW, Sprangers MA,Bemelman WA. Laparoscopic-assistedversus open ileocolic resection forCrohn’s disease: a randomized trial.Ann Surg 2006;243:143-9; discussion50-3.

136 • • • • • •

19. Tan JJ, Tjandra JJ. Laparoscopicsurgery for Crohn’s disease: a meta-analysis. Dis Colon Rectum 2007;50:576-85.

20. Brouquet A, Bretagnol F, Soprani A,Valleur P, Bouhnik Y, Panis Y. A lapa-roscopic approach to iterative ileoco-lonic resection for the recurrence ofCrohn’s disease. Surg Endosc 2010;24:879-87.

21. Goyer P, Alves A, Bretagnol F, BouhnikY, Valleur P, Panis Y. Impact ofcomplex Crohn’s disease on theoutcome of laparoscopic ileocecalresection: a comparative clinical studyin 124 patients. Dis Colon Rectum2009;52:205-10.

22. Eshuis EJ, Polle SW, Slors JF, HommesDW, Sprangers MA, Gouma DJ,Bemelman WA. Long-term surgicalrecurrence, morbidity, quality of life,and body image of laparoscopic-assis-ted vs. open ileocolic resection forCrohn’s disease: a comparative study.Dis Colon Rectum 2008;51:858-67.

23. Champault A, Benoist S, Alves A,Panis Y. [Surgical therapy for Crohn’sdisease of the colon and rectum].Gastroenterol Clin Biol 2004;28:882-92.

24. Alves A, Panis Y, Bouhnik Y, Maylin V,Lavergne-Slove A, Valleur P. Subtotalcolectomy for severe acute colitis: a

20-year experience of a tertiary carecenter with an aggressive and earlysurgical policy. J Am Coll Surg2003;197:379-85.

Cattan P, Bonhomme N, Panis Y,Lemann M, Coffin B, Bouhnik Y,Allez M, Sarfati E, Valleur P. Fate ofthe rectum in patients undergoingtotal colectomy for Crohn’s disease.Br J Surg 2002;89:454-9.

26. Panis Y, Poupard B, Nemeth J,Lavergne A, Hautefeuille P, Valleur P.Ileal pouch/anal anastomosis forCrohn’s disease. Lancet 1996;347:854-7.

27. Regimbeau JM, Panis Y, Pocard M,Bouhnik Y, Lavergne-Slove A, Rufat P,Matuchansky C, Valleur P. Long-termresults of ileal pouch-anal anasto-mosis for colorectal Crohn’s disease.Dis Colon Rectum 2001;44:769-78.

28. Melton GB, Fazio VW, Kiran RP, He J,Lavery IC, Shen B, Achkar JP,Church JM, Remzi FH. Long-termoutcomes with ileal pouch-analanastomosis and Crohn’s disease:pouch retention and implications ofdelayed diagnosis. Ann Surg2008;248:608-16.

29. Tekkis PP, Purkayastha S, Lanitis S,Athanasiou T, Heriot AG, Orchard TR,Nicholls RJ, Darzi AW. A comparisonof segmental vs subtotal/total colec-

tomy for colonic Crohn’s disease: ameta-analysis. Colorectal Dis2006;8:82-90.

30. Marceau C, Alves A, Ouaissi M,Bouhnik Y, Valleur P, Panis Y.Laparoscopic subtotal colectomy foracute or severe colitis complicatinginflammatory bowel disease: a case-matched study in 88 patients. Surgery2007;141:640-4.

31. da Luz Moreira A, Stocchi L, RemziFH, Geisler D, Hammel J, Fazio VW.Laparoscopic surgery for patients withCrohn’s colitis: a case-matched study.J Gastrointest Surg 2007;11:1529-33.

32. Umanskiy K, Malhotra G, Chase A,Rubin MA, Hurst RD, Fichera A.Laparoscopic colectomy for Crohn’scolitis. A large prospective compa-rative study. J Gastrointest Surg2010;14:658-63.

33. Ouaissi M, Alves A, Bouhnik Y,Valleur P, Panis Y. Three-step ilealpouch-anal anastomosis under totallaparoscopic approach for acute orsevere colitis complicating inflam-matory bowel disease. J Am Coll Surg2006;202:637-42.

34. Lefevre JH, Bretagnol F, Ouaissi M,Taleb P, Alves A, Panis Y. Total lapa-roscopic ileal pouch-anal anastomo-sis: prospective series of 82 patients.Surg Endosc 2009;23:166-73.

Les 5 points forts➊ L’épargne intestinale est le principe majeur de la chirurgie de la maladie

de Crohn du grêle, afin d'éviter autant que possible la survenue d’un grêle court.

➋ Retarder et au mieux éviter l'iléostomie définitive est le principe majeur de la chirurgie de la maladie de Crohn colorectale.

➌ La résection iléocæcale par laparoscopie est recommandée pour les formes non compliquées. La cœlioscopie est également possible pour l'ensemble des interventions, sauf perforation ou hémorragie grave.

➍ La colectomie subtotale sans rétablissement de la continuité digestive avec une stomie iléale et sigmoïdienne est le traitement de référence de la colite aiguë grave.

➎ La colectomie subtotale avec anastomose iléo-rectale est l’intervention la plus couramment réalisée en cas de maladie de Crohn colique.

137• • • • • •

Question à choix unique

Question 1

Quelles sont les indications de la coloproctectomie totale avec iléostomie définitive dans la maladie de Crohn ?❏ A. Aucune place dans la MC❏ B. Les MC avec pancolite, microrectum et lésions ano-périnéales sévères❏ C. Toutes les MC avec atteinte du rectum❏ D. Les colites aiguës graves en urgence❏ E. Les échecs de l'anastomose iléo-anale

Question 2

Quelles sont les mauvaises indications de la coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale dans la maladiede Crohn ?❏ A. Les atteintes coliques segmentaires❏ B. Les MC avec pancolite et microrectum, sans atteinte ano-périnéale ou de l’intestin grêle❏ C. Les MC avec pancolite et rectum normal❏ D. Les colites aiguës graves en urgence❏ E. Les échecs de l’anastomose iléo-rectale

Question 3

La laparoscopie :❏ A. Est faisable pour la colectomie subtotale en cas de colite aiguë grave non compliquée❏ B. Permet une diminution significative de la durée d’hospitalisation en cas de résection iléo-cæcale❏ C. Peut être proposée en cas de récidive après résection iléo-cæcale❏ D. Est associée à un risque important de conversion en cas de découverte per-opératoire d’un abcès ou d’une

fistule❏ E. Ne devrait jamais être indiquée en cas de forme compliquée de MC nécessitant une résection iléo-cæcale

138 • • • • • •

Notes