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FOCUS | Édition du 8 juin 2016 Les luxations coxo-fémorales chez le chien et le chat sont généralement le résultat de traumatismes externes faisant suite dans la grande majorité des cas à des accidents de la voie publique (patient heurté par une voiture). La plupart des luxations de la hanche sont unilatérales. Elles peuvent être cranio-dorsales (les plus fréquentes), caudo-dorsales (très rares) ou ventrales (plus rares). Ce Focus fera une courte présentation des luxations cranio-dorsales et exposera la technique de Toggle pin utilisée pour le traitement chirurgical de la luxation coxofémorale cranio-dorsale. Deux cas cliniques démontreront les avantages de cette technique chez deux petits patients de 8 et 11 kg. La luxation coxo-fémorale cranio-dorsale est la plus fréquente. Elle est rencontrée dans plus de 80% des chiens affectés et 70% des chats. La tête fémorale se déplace dorsalement et cranialement à l’acétabulum (figure 1). De ce fait le membre atteint semble plus court que le membre opposé. Le pied est tenu sous l’abdomen avec une position du membre en rotation externe et en adduction (figure 2). Figure 1 : Luxation cranio-dorsale Figure 2 : Rotation externe et adduction Dr Jérôme Planté DMV, DES, Dipl. ECVS Traitement de la luxation cranio-dorsale de la hanche par la technique de Toggle-pin

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FOCUS | Édition du 8 juin 2016

Les luxations coxo-fémorales chez le chien et le chat sont généralement le résultat de traumatismes externes faisant suite dans la grande majorité des cas à des accidents de la voie publique (patient heurté par une voiture). La plupart des luxations de la hanche sont unilatérales. Elles peuvent être cranio-dorsales (les plus fréquentes), caudo-dorsales (très rares) ou ventrales (plus rares). Ce Focus fera une courte présentation des luxations cranio-dorsales et exposera la technique de Toggle pin utilisée pour le traitement chirurgical de la luxation coxofémorale cranio-dorsale.

Deux cas cliniques démontreront les avantages de cette technique chez deux petits patients de 8 et 11 kg.

La luxation coxo-fémorale cranio-dorsale est la plus fréquente. Elle est rencontrée dans plus de 80% des chiens aff ectés et 70% des chats. La tête fémorale se déplace dorsalement et cranialement à l’acétabulum (fi gure 1). De ce fait le membre atteint semble plus court que le membre opposé. Le pied est tenu sous l’abdomen avec une position du membre en rotation externe et en adduction (fi gure 2).

Figure 1 : Luxation cranio-dorsale Figure 2 : Rotation externe et adduction

Dr Jérôme PlantéDMV, DES, Dipl. ECVS

Traitement de la luxation cranio-dorsale de la hanche par la technique de Toggle-pin

FOCUS | Édition du 8 juin 2016

Diagnostic :

Les signes cliniques sont d’apparition aiguë. Ils comportent de la douleur, une déformation de la région de la hanche, des crépitations/frottements anormaux lors des manipulations de la hanche et une amplitude de mouvement de l’articulation limitée et anormale. À la palpation le grand trochanter semble déplacé dorsalement comparé au côté opposé normal et l’espace entre la tubérosité de l’ischium et le grand trochanter est augmenté.

De plus le triangle formé par des lignes imaginaires joignant le bord dorsal de l’aile de l’ilium, le grand trochanter et la tubérosité de l’ischium devient plus aigu et peut parfois donner l’impression que les 3 points de repère sont alignés sur une même ligne (fi gure 3 et 4).

Figure 3 : Hanche intacte Figure 4 : Hanche luxée

Le diagnostic est confi rmé par la prise de radiographies du bassin (vues ventro-dorsale et latérale) qui permettent aussi d’éliminer d’autres lésions telles que des fractures du bassin ou du fémur (en particuliers de la tête fémorale) ou la présence d’une dysplasie coxo-fémorale qui pourrait diminuer très signifi cativement les chances de succès d’un traitement de réduction externe avec bandage de Ehmer.

Vue VD et latérale du bassin : Fracture du grand trochanter et luxation cranio-dorsale de la hanche.

FOCUS | Édition du 8 juin 2016

Les options de traitement de la luxation cranio-dorsale de la hanche :

Les traitements classiques de la luxation cranio-dorsale de la hanche sont la réduction externe avec pose de bandage de Ehmer, la réduction interne chirurgicale ou l’excision arthroplastique de la hanche qui peut être une alternative chirurgicale chez les chats et les chiens de petites tailles.

La réduction externe sous anesthésie générale est toujours tentée en première intention.

Une fois la hanche réduite, différents mouvements de flexion, extension, abduction, adduction et rotation sont réalisés afin de tester la stabilité de l’articulation. Lorsque la capsule articulaire est déchirée entre le col fémoral et l’acétabulum, la réduction externe est généralement stable et permet la mise en place d’un bandage de Ehmer et l’obtention d’un bon pronostic.

J’aime habituellement conserver le bandage de Ehmer pour une durée de 2 semaines (la littérature rapporte souvent des durées de 7 à 10 jours que je trouve insuffisantes pour garantir une guérison capsulaire adéquate avant le retrait du bandage).

Des taux de reluxation de 47 à 65 % sont rapportés lors de réduction externe réalisée en première intention. On considère habituellement que lorsque la hanche reste réduite et stable après 3 semaines de traitement, les chances de réussite sont très bonnes en l’absence de nouveau traumatisme.

Réduction interne chirurgicale

Lorsque la capsule articulaire est arrachée de la portion dorsale de l’acétabulum, l’instabilité de la hanche est importante et la réduction externe est instable. Une réduction interne doit alors être réalisée. Cette approche chirurgicale est aussi nécessaire lorsque la capsule est déchirée au niveau du col fémoral et s’interpose entre la tête fémorale et la cavité acétabulaire lors des tentatives de réduction externe. La réduction interne consiste en une réduction chirurgicale de la hanche, une stabilisation de l’articulation coxo-fémorale à l’aide de prothèses ligamentaires et une suture de la capsule articulaire. La technique de Toggle pin est la technique de réduction interne que je préfère utiliser et qui peut être réalisée sur de nombreux patients incluant des chiens de faible poids.

La technique de toggle pin pour le traitement de la luxation cranio-dorsale de la hanche :

La technique de Toggle pin est particulièrement indiquée pour le traitement chirurgical de la luxation cranio-dorsale de la hanche. Cette technique consiste en la réalisation

chirurgicale d’une prothèse de ligament rond (ligament de la tête fémorale s’ancrant dans l’acétabulum). Ce ligament synthétique aidera à stabiliser l’articulation coxo-fémorale le temps que les tissus mous de la région de la hanche et la capsule articulaire cicatrisent.

Pour plus de sécurité, le membre peut aussi être mis dans un bandage de Ehmer après cette chirurgie afin de minimiser les stress sur la hanche lors des 2 premières semaines de convalescence. Les patients polytraumatisés (fractures ou lésions sur plusieurs membres) qui ne peuvent se passer de l’usage d’un de leur membre peuvent en théorie être remis en appui suite à la chirurgie sans nécessiter de bandage de Ehmer. Cela comporte tout de même des risques de rupture de la prothèse synthétique en cas de glissade ou de chute. L’usage d’une sangle abdominale est donc très important durant les 3 à 4 premières semaines pour permettre de bien supporter le patient lors de la marche et prévenir une complication lors d’une chute.

Cette technique qui est particulièrement indiquée pour les patients de plus grands gabarits est aussi réalisable sur des petits patients jusqu’à 8 à 10 kg de poids pour lesquels on pourrait avoir tendance à opter trop rapidement pour une technique d’excision arthroplastique de la hanche lorsque la réduction externe est très instable.

La grande supériorité de la technique de Toggle-pin sur la chirurgie d’excision arthroplastique est la persistance de l’articulation coxo-fémorale et de sa fonction normale et sans douleur.

Même si les petits patients peuvent se rééduquer adéquatement suite à une chirurgie d’excision arthroplastique de la hanche, la préservation de l’articulation doit tout le temps être considérée et proposée comme option de traitement lorsque cela est possible.

Détails techniques :

Les premières étapes chirurgicales consistent en un forage de deux tunnels. L’un dans la fosse acétabulaire où s’ancre normalement le ligament rond (A). L’autre foré de la base du grand trochanter latéralement jusqu’à la fovea capitis de la tête fémorale en passant par le col du fémur (B). Une prothèse synthétique (souvent un fil monofilament de nylon) est ensuite ancrée à une Toggle pin adaptée à la taille du patient (diamètres au choix de 2,7 mm – 3,2 mm – 4,0 mm, pour des longueurs respectives de 10 mm – 14 mm – 18 mm). La Toggle pin est ensuite inséré dans le tunnel de l’acétabulum afin d’être poussé médialement à la cavité acétabulaire pour y rester bloqué et servir de système d’ancrage de la prothèse synthétique (C). La prothèse synthétique est ensuite insérée dans le tunnel joignant la tête fémorale à la base du grand trochanter. Elle est nouée sur un endo-bouton déposé sur la face latérale de la base du grand trochanter (D).

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A B

C C D

Soins post-opératoires :

Le membre opéré est généralement gardé dans un bandage de Ehmer pour une durée de 10 à 14 jours. L’exercice est limité à des marches en laisse pour des durées croissantes (5 à 10 minutes au début) pendant les 6 à 8 premières semaines. Les courses, les sauts, les escaliers et les jeux sont interdits durant cette période. Une sangle abdominale peut être utilisée suite au retrait du bandage pour soutenir le patient lors de la marche et prévenir les chutes. Les activités de courses peuvent être débutées après 2 mois de façon très graduelle. Une activité normale peut souvent être reprise après 2.5 à 3 mois.

Pronostic :

Le pronostic des réductions internes varie selon la stabilité obtenue lors de l’intervention et le temps écoulé entre le moment de la luxation et celui de la chirurgie. Le poids du patient et sa coopération, ainsi que le respect des consignes post-opératoires sont aussi des facteurs pouvant infl uencer la convalescence et les complications. Les cas opérés rapidement après la luxation de la hanche et qui présentent une bonne stabilité articulaire suite à la chirurgie ont généralement un bon pronostic et une fonction normale du membre opéré est anticipée dans plus de 70 à 75 % de ces patients.

Les luxations chroniques présentent un pronostic plus réservé avec plus de risques de développement d’arthrose secondaire et de nécrose avasculaire de la tête fémorale.

Les reluxations peuvent se produire (souvent suite à un nouveau traumatisme ou à une chute), mais cela reste rare si la réduction articulaire a été maintenue pour plus de 3 semaines.

Les reluxations sont plus fréquentes sur les hanches dysplasiques qui présentent une moins bonne couverture acétabulaire. Les cas de reluxation peuvent être repris chirurgicalement ou traitée alternativement à l’aide d’une technique d’excision arthroplastique ou de prothèse totale de la hanche.

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CAS CLINIQUES #1

Rudy un Cavalier King-Charles mâle de 1.6 ans et de 8 kgest présenté en urgence suite à un accident de la route. Il s’est fait rouler dessus par une voiture. Il est non ambulatoire et reste couché sans chercher à se déplacer ou à se lever.

• L’examen orthopédique montre la présence de crépitations et d’une douleur lors des manipulations de sa hanche gauche et de son bassin.

• L’examen neurologique est normal.

• Des radiographies ventro-dorsale et latérale du bassin sont réalisées et montrent la présence d’une luxation cranio-dorsale de la hanche gauche, d’une fracture longue oblique de l’ilium gauche, de fractures du pubis gauche et des ischiums ainsi qu’une possible luxation sacro-iliaque droite minimalement déplacée (Radio # 1 et 2) .

Les options de traitements sont la fi xation interne de la fracture de l’ilium gauche à l’aide d’une plaque et de vis associée soit à une chirurgie de réduction interne de la hanche à l’aide d’une technique de Toggle pin soit à une excision arthroplastique de la hanche gauche.

Du fait d’un déplacement minimal, la possible luxation sacro-iliaque droite sera traitée de façon conservatrice tout comme les fractures des ischium et du pubis gauche.

L’excision arthroplastique qui semble une alternative adéquate pour un chien de 8 kg est en réalité une moins bonne option. Elle nécessiterait en eff et une convalescence rapide avec stimulation de la démarche et de l’activité pour

permettre à Rudy de réapprendre à marcher sans articulation de hanche et préserver la masse musculaire de son membre pelvien gauche qui sera fondamentale pour le succès de la procédure. Cette convalescence ne sera pas réalisable de façon optimale du fait des nombreuses fractures du bassin et en particulier celle de l’ilium gauche qui devra elle être traitée par pose d’une plaque vissée et mise au repos strict pour 6 semaines afi n d’obtenir une excellente guérison osseuse sans risque d’arrachement de la plaque. Ainsi le repos nécessaire pour la convalescence de l’ilium gauche nuira à la bonne récupération de Rudy en cas d’excision arthroplastique de la hanche gauche et vice versa.

La technique de Toggle pin est beaucoup plus indiquée pour Rudy car elle nécessitera une mise au repos durant la phase post-opératoire. De plus la mise en place d’un bandage de Ehmer post-op permettra de garder le membre pelvien gauche en non appui et favorisera la guérison de l’ilium gauche. Ainsi la convalescence sera idéale pour l’ilium et la hanche du membre pelvien gauche et l’articulation coxo-fémorale sera sauvée, ce qui permettra à Rudy de retrouver ultimement une fonction normale de son membre.

Ainsi une chirurgie de fi xation interne de la fracture de l’ilium gauche par plaque et vis a été réalisée et une technique de Toggle pin (2,7 mm avec un fi l de Nylon de 40 Lbs test de tension) a aussi été faite pour réduire chirurgicalement la hanche gauche de Rudy (Radio # 3 et 4). Un bandage de Ehmer a été mis en place pour 2 semaines. Suite au retrait du bandage Rudy a immédiatement utilisé son membre pelvien gauche et l’examen à 4 semaines a montré une très bonne démarche avec une boiterie minimale du membre pelvien gauche et un bon confort lors des manipulations de la hanche gauche.

Radio #1 : Latérale bassin pré-op

Radio #2 : VD bassin pré-op

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Radio #3 : Latérale bassin post-op

Radio # 4 : VD bassin post-op

Rudy 4 semaines post-op

CAS CLINIQUES #2

Barkli un chien Shetland de 8 ans et de 11 kg est présenté après avoir chuté d’un patio de 1,5 m de haut. Suite à sa chute, il présente une boiterie de non appui de son membre pelvien droit.

• L’examen orthopédique montre la présence de crépitations et de douleur lors des manipulations de la hanche droite. Le triangle formé par des lignes imaginaires joignant le bord dorsal et cranial de l’ilium droit, le grand trochanter et l’ischium droits sont très aigus et ces 3 points de repère semblent presque alignés sur une même ligne.

• L’examen neurologique est normal

• Des radiographies ventro-dorsale et latérale du bassin sont réalisées et montrent la présence d’une luxation cranio-dorsale de la hanche droite (Radio # 5 et 6).

Barkli a subi une chirurgie d’arthrodèse complète de son tarse droit il y a quelques mois. Il a bien récupéré de cette chirurgie, mais présente une démarche plus mécanique du fait de l’absence de mouvement au niveau de sa cheville. Cette absence de mouvement a probablement contribué à la luxation de sa hanche droite lors de la chute en diminuant l’amortissement au niveau de la cheville et au augmentant le stress sur la hanche.

Les options de traitements sont la tentative de réduction externe avec bandage de Ehmer, la réduction interne de la hanche à l’aide d’une technique de Toggle pin ou l’excision arthroplastique de la hanche droite.

FOCUS | Édition du 8 juin 2016

Comme Barkli a subi une arthrodèse complète de son tarse droit, l’excision arthroplastique semble une moins bonne option. En eff et le membre pelvien droit aura plus de diffi cultés à fonctionner suite à ces deux chirurgies et risque de ne pas se rééduquer de façon optimale après l’excision arthroplastique : la convalescence pourrait être ralentie par la raideur de la cheville droite arthrodèsée et la fonction fi nale du membre pelvien droit pourrait être décevante.

La réduction externe a été réalisée en première intention, mais n’était pas assez stable pour pouvoir mettre en place un bandage de Ehmer. La correction chirurgicale à l’aide d’une technique de Toggle pin a donc été choisie par les propriétaires pour tenter de donner la meilleure fonction possible au membre pelvien droit de Barkli.

Ainsi une chirurgie de réduction interne de la hanche droite avec la technique de Toggle pin (2,7 mm avec un fi l de Nylon de 40 Lbs test de tension) a été réalisée (Radio # 7 et 8). Un bandage de Ehmer a été mis en place pour 2 semaines. Suite au retrait du bandage Barkli a très rapidement posé son pied au sol et a retrouvé une fonction articulaire de sa hanche droite normale lui permettant d’avoir une démarche similaire à celle qu’il présentait avant son accident.

L’examen 4 mois post-op a montré un excellent confort lors des manipulations de sa hanche droite. L’amplitude articulaire de la hanche droite était normale.

Radio #5 : VD du bassin Pré-op

Radio #7 : VD bassin post-op

Radio #6 : latérale du

bassin Pré-op

Radio #8 : Oblique bassin

post-op

Contactez-moi !Dr Jérôme Planté[email protected] 633-8888 poste 222