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ÉDITORIAL Traitement hormonal substitutif et vaisseaux : où en est-on en 2007 ? Hormone replacement therapy and vessels: whats the story in 2007? N. Chabbert-Buffet Service de gynécologieobstétrique, hôpital Tenon, université Paris-VI, Assistance publiqueHôpitaux de Paris, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France Reçu le 1 er juin 2007 ; accepté le 6 juin 2007 Les données évoluent rapidement, en particulier depuis cinq ans, sur le traitement hormonal substitutif (THS). Les deux grands axes dévolution sont le risque vasculaire et le risque mammaire. Dans ces deux domaines, le rôle des pro- gestatifs notamment a été précisé. Concernant le risque mammaire, létude WHI [1] a mon- tré que les femmes recevant estrogènes et progestatifs ont un risque plus élevé (RR : 2) de développer un cancer du sein que les femmes ne recevant que des estrogènes (RR : 1,3). Le risque induit par les estrogènes seuls semble concerner surtout les femmes âgées de plus de 60 ans [2] ou ayant reçu un traitement prolongé au-delà de 15 ans [3], et surtout les femmes minces. L étude E3N [4] a par la suite suggéré que l« effet progestatif » est lié aux pro- gestatifs de synthèse (RR : 1,4 ; IC : [ 1,21,7]) et que ladministration destrogènes et de progestérone microni- sée ne majore pas le risque de cancer du sein (RR : 0,9 ; IC : [0,71,2]) par rapport au traitement par estrogènes seuls (RR : 1,2 ; IC : [1,11,4]). Le risque de thrombose veineuse et dembolie pulmo- naire, associé à lestradiol micronisé ou aux estrogènes conjugués équins (administrés par voie orale) est connu de longue date. Il a été confirmé par les études HERS et WHI. L étude dobservation ESTHER [5] suggère que la voie trans- dermique (RR de thrombose : 0,9) réduit considérablement ce risque par rapport à la voie orale (RR : 3,5). Cette étude a enfin suggéré tout dernièrement [6] que le progestatif de synthèse associé à lestrogène joue un rôle, ainsi la proges- térone micronisée et les dérivés prégnanes naugmente- raient pas le risque de thrombose alors que les dérivés non-prégnanes seraient associés à un surrisque. Le domaine artériel est quantitativement le plus impor- tant, notamment en termes de mortalité dans la tranche dâge de la ménopause. Les accidents coronariens et vascu- laires cérébraux (AVC) sont en effet (de loin) la première cause de mortalité après la ménopause. L étude HERS [7], étude dintervention en prévention secondaire, a suggéré la première linefficacité du THS (sous forme dacétate de médroxyprogestérone et destrogènes conjugués équins) avec une surincidence des accidents cardiovasculaires au cours de la première année. Cette étude venait pour la pre- mière fois bouleverser les acquis du moment, basés sur des marqueurs du risque et non sur les événements cliniques. L étude a été prolongée au total six ans [8] chez des volon- taires et a confirmé labsence deffet protecteur (RR : 0,99). L étude WHI [1], menée officiellement en prévention primaire, a retrouvé une absence deffet protecteur (pour 10 000 femmes traitées un an, on observe un excès de sept infarctus du myocarde et huit accidents vasculaires céré- braux) dans le bras où les femmes recevaient estrogènes et progestatifs de synthèse. Dans le bras estrogènes seuls [9], lobservation dun risque relatif dAVC significatif Journal des Maladies Vasculaires 32 (2007) 190191 Adresse e-mail : [email protected] (N. Chabbert-Buffet). 0398-0499/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jmv.2007.06.072

Traitement hormonal substitutif et vaisseaux: où en est-on en 2007?

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Page 1: Traitement hormonal substitutif et vaisseaux: où en est-on en 2007?

Journal des Maladies Vasculaires 32 (2007) 190–191

ÉDITORIAL

Traitement hormonal substitutif et vaisseaux :où en est-on en 2007 ?

Hormone replacement therapy and vessels:what’s the story in 2007?

N. Chabbert-Buffet

Service de gynécologie–obstétrique, hôpital Tenon, université Paris-VI, Assistance publique–Hôpitaux de Paris,4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France

Reçu le 1er juin 2007 ; accepté le 6 juin 2007

Les données évoluent rapidement, en particulier depuiscinq ans, sur le traitement hormonal substitutif (THS). Lesdeux grands axes d’évolution sont le risque vasculaire et lerisque mammaire. Dans ces deux domaines, le rôle des pro-gestatifs notamment a été précisé.

Concernant le risque mammaire, l’étude WHI [1] a mon-tré que les femmes recevant estrogènes et progestatifs ontun risque plus élevé (RR : 2) de développer un cancer dusein que les femmes ne recevant que des estrogènes (RR :1,3). Le risque induit par les estrogènes seuls sembleconcerner surtout les femmes âgées de plus de 60 ans [2]ou ayant reçu un traitement prolongé au-delà de 15 ans[3], et surtout les femmes minces. L’étude E3N [4] a parla suite suggéré que l’ « effet progestatif » est lié aux pro-gestatifs de synthèse (RR : 1,4 ; IC : [ 1,2–1,7]) et quel’administration d’estrogènes et de progestérone microni-sée ne majore pas le risque de cancer du sein (RR : 0,9 ;IC : [0,7–1,2]) par rapport au traitement par estrogènesseuls (RR : 1,2 ; IC : [1,1–1,4]).

Le risque de thrombose veineuse et d’embolie pulmo-naire, associé à l’estradiol micronisé ou aux estrogènesconjugués équins (administrés par voie orale) est connu delongue date. Il a été confirmé par les études HERS et WHI.L’étude d’observation ESTHER [5] suggère que la voie trans-

Adresse e-mail : [email protected](N. Chabbert-Buffet).

0398-0499/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droitsdoi:10.1016/j.jmv.2007.06.072

dermique (RR de thrombose : 0,9) réduit considérablementce risque par rapport à la voie orale (RR : 3,5). Cette étudea enfin suggéré tout dernièrement [6] que le progestatif desynthèse associé à l’estrogène joue un rôle, ainsi la proges-térone micronisée et les dérivés prégnanes n’augmente-raient pas le risque de thrombose alors que les dérivésnon-prégnanes seraient associés à un surrisque.

Le domaine artériel est quantitativement le plus impor-tant, notamment en termes de mortalité dans la tranched’âge de la ménopause. Les accidents coronariens et vascu-laires cérébraux (AVC) sont en effet (de loin) la premièrecause de mortalité après la ménopause. L’étude HERS [7],étude d’intervention en prévention secondaire, a suggéré lapremière l’inefficacité du THS (sous forme d’acétate demédroxyprogestérone et d’estrogènes conjugués équins)avec une surincidence des accidents cardiovasculaires aucours de la première année. Cette étude venait pour la pre-mière fois bouleverser les acquis du moment, basés sur desmarqueurs du risque et non sur les événements cliniques.L’étude a été prolongée au total six ans [8] chez des volon-taires et a confirmé l’absence d’effet protecteur (RR :0,99).

L’étude WHI [1], menée officiellement en préventionprimaire, a retrouvé une absence d’effet protecteur (pour10 000 femmes traitées un an, on observe un excès de septinfarctus du myocarde et huit accidents vasculaires céré-braux) dans le bras où les femmes recevaient estrogèneset progestatifs de synthèse. Dans le bras estrogènes seuls[9], l’observation d’un risque relatif d’AVC significatif

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(RR : 1,39 ; IC : 1,10–1,77) a fait interrompre l’étude. Danscette étude, théoriquement de prévention primaire, il fautse souvenir que les femmes étaient relativement âgées(63 ans en moyenne), obèses (34 % des femmes) et hyper-tendues (34 % de femmes traitées). La réalisation d’un ECGne faisait pas partie des critères d’inclusion.

Une méta-analyse [10] a étudié la mortalité sous THS eta montré qu’il existe une diminution globale de la mortalitéavant 60 ans sous THS (RR : 0,61 ; IC : [0,39–0,95]) et aucuneffet après 60 ans. Il n’y a pas de différence de mortalitépar accident cardiovasculaire (dans toutes les tranchesd’âge). Il n’y a pas de différence en fonction du type detraitement reçu.

Les données réanalysées par tranche d’âge de l’étudeWHI [2] ont montré un effet protecteur du traitementestrogénique, associé ou non à un progestatif, dans la tran-che 50–59 ans. Les données de la Nurse Health Study ontégalement été réanalysées récemment [11] et montrentune réduction du risque, sous estrogènes seuls comme sousestrogènes et progestatifs, si le traitement est débuté dansles dix premières années de ménopause. Enfin, les étudesd’intervention EPAT (menée chez des femmes sans patholo-gie artérielle, évaluant les modifications de la paroi arté-rielle carotidienne) [12] et WELL-ART (menée chez des fem-mes ayant une sténose coronarienne, évaluant l’aspectcoronarographique) [13] montrent un effet protecteur duTHS.

Ainsi, les prescriptions de THS ont beaucoup diminué cescinq dernières années [14], notamment au gré des publica-tions scientifiques, souvent largement relayées par lesmédias grand public.

À l’heure actuelle, il semble raisonnable de proposerchez une femme dont la ménopause date de moins de dixans (risque artériel et mammaire), et qui présente dessignes de carence estrogénique, un THS. Ce THS est prescritchez une femme informée, capable de se faire suivre régu-lièrement, et dans le cadre d’un traitement réévaluéannuellement au minimum. Les données récentes, obtenuesà partir d’études de cohorte, ce qui rend nécessaire leurconfirmation par des essais prospectifs randomisés, suggè-rent une meilleure tolérance des estrogènes par voie nonorale (pour le risque veineux) et de la progestérone micro-nisée (pour le risque mammaire). Le THS ne doit comporterque des estrogènes chez les femmes hystérectomisées.Enfin, les données recueillies chez des femmes ménopau-sées physiologiquement (et donc en moyenne âgées deplus de 50 ans) ne sont pas extrapolables aux femmes pré-sentant une ménopause précoce ou avancée chez qui, endehors de facteurs de risque de thrombose veineuseconnus, il est recommandé de prescrire un THS.

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