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TRAITER LES APPELS D'URGENCE Fabriquer une information pour l'action Mélanie Hénault-Tessier et Sophie Dalle-Nazebi S.A.C. | Revue d'anthropologie des connaissances 2012/1 - Vol. 6, n° 1 pages 89 à 114 ISSN 1760-5393 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2012-1-page-89.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Hénault-Tessier Mélanie et Dalle-Nazebi Sophie, « Traiter les appels d'urgence » Fabriquer une information pour l'action, Revue d'anthropologie des connaissances, 2012/1 Vol. 6, n° 1, p. 89-114. DOI : 10.3917/rac.015.0128 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour S.A.C.. © S.A.C.. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 138.73.1.36 - 30/04/2013 16h20. © S.A.C. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 138.73.1.36 - 30/04/2013 16h20. © S.A.C.

Traiter les appels d'urgence

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  • TRAITER LES APPELS D'URGENCEFabriquer une information pour l'actionMlanie Hnault-Tessier et Sophie Dalle-Nazebi

    S.A.C. | Revue d'anthropologie des connaissances

    2012/1 - Vol. 6, n 1pages 89 114

    ISSN 1760-5393

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2012-1-page-89.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Hnault-Tessier Mlanie et Dalle-Nazebi Sophie, Traiter les appels d'urgence Fabriquer une information pourl'action, Revue d'anthropologie des connaissances, 2012/1 Vol. 6, n 1, p. 89-114. DOI : 10.3917/rac.015.0128--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour S.A.C.. S.A.C.. Tous droits rservs pour tous pays.

    La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manire quece soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

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  • Revue danthropologie des connaissances 2012/1 89

    dossier Les Petites mains de La socit de Linformation

    traiter Les aPPeLs durgence

    fabriquer une information pour laction

    mLanie HNauLT-TESSIEr soPhie DaLLE-NaZbI

    rSum

    Point de passage oblig pour accder aux services de secours, les oprateurs des centres dappels durgence traitent des centaines de demandes par jour. Linformation quils produisent et mettent en forme influe sur toute la chane des interactions, quil y ait urgence ou non. travers une tude ethnographique du mtier doprateur ralise dans diffrents centres de rception des appels 15 et 18, nous explorons la fabrication et la circulation de cette information en tant qulment participant la construction dun espace commun daction et de communication. Nous dmontrons que lorsquun oprateur rpond au tlphone, cest tout un processus de traduction de la parole de lusager en catgories administratives qui sactualise travers deux types de relation dans lesquelles sont engags requrants, fiche de saisie de lappel et oprateurs : la relation administrative de secours durgence et la relation de service. Ce processus qui a pour objectif la production dcisive dune information prcise, neutre et factuelle conduit cependant, pour cette raison mme, occulter le travail effectu par les oprateurs.

    mots cls : appels durgence, communication mdie, information, interactions, invisibilit, rles sociaux, traduction, coordination

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    rEvISITEr LE mONDE DES urGENcES

    Les centres dappels durgence (CAU) reoivent et traitent des centaines dappels par jour. Le nombre de ces appels est en essor et la nature des demandes volue largissant le cadre dans lequel sinscrivent leurs missions. Les SAMU Centres 15 sont de plus en plus sollicits par des appelants souhaitant recevoir lavis dun mdecin pour des questions relevant de la permanence de soins ou bobologie comme sont surnomms ces cas dans les CAU. Quant aux missions des Sapeurs-Pompiers, elles concernent maintenant moins les incendies que le secours victimes. Les oprateurs qui travaillent sur ces plates-formes subissent cette augmentation ; et le flux des appels, caractris par des mouvements imprvisibles, impose une cadence au travail. Les oprateurs savent sadapter cette temporalit morcele qui est une caractristique fondamentale de leur mtier. Cependant, de profonds soupirs, des hochements de tte significatifs et de nombreux yeux levs au ciel permettent de percevoir que ce flux de requtes de lordre du conseil mdical, du rconfort ou du traitement de la dtresse sociale engendre une certaine lassitude chez les oprateurs1. Il semble y avoir de vrais cas traiter et des cas parasites, polluants ou intempestifs, pour reprendre les termes entendus sur les plates-formes. Ces vrais cas correspondent aux appels qui ncessitent lenvoi de moyens pour porter secours une victime en dtresse vitale ou, si lurgence nest pas vitale, prsentant les symptmes dune urgence vraie2. Les oprateurs pensent ainsi leur activit en termes dinterventions, ce qui donne une visibilit et une matrialit leur travail, et non pas en termes de production dinformation.

    La production dinformation au cur dun mtier invisible

    La production dinformation est cependant le pilier central du mtier doprateur. De nombreuses analyses scientifiques de la communication verbale dans lurgence (Whalen et al., 1988 ; Zimmerman, 1992 ; Fele, 2006 ; Latiers et Jacques, 2007), sans pointer prcisment le processus de production de linformation, ont contribu le dcrire. Notre article porte spcifiquement sur ce processus et montre que laccomplissement de la mission des centres dappels durgence, qui est de garantir un accs rapide une solution daide adapte, dpend du travail de production, de circulation et darchivage de linformation. Elle est fabrique au travers dune relation tlphonique avec un appelant lors de laquelle sa parole

    1 Si aucune donne nationale officielle nest ce jour publie, les directions sentendent sur une moyenne officieuse de 40 % dappels donnant effectivement lieu lintervention dune quipe de secours.2 Il y a quatre niveaux durgence : 1) lurgence vitale o le patient est en danger de mort et qui engendre lenvoi automatique des secours ; 2) lurgence vraie sans dtresse vitale qui ncessite lintervention rapide des secours ; 3) le recours de la Permanence de Soins dont la demande peut tre traite avec dlai sans danger pour le patient ; 4) le conseil mdical ou la prescription mdicamenteuse par tlphone. Guide daide la rgulation des SAMU Centre 15, 2009, p. 62.

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    est transforme en catgories administratives quil appartient aux oprateurs dvaluer et de rendre visibles en tant quurgence.

    Linformation produite dans les CAU est le rsultat dun travail de collecte, de tri, de traduction et de hirarchisation de donnes qui une fois assembles la constituent. En effet, prises sparment, ces donnes un nom, une localisation, des symptmes, une partie du corps, ou les dtails dun incident ne se suffisent pas elles-mmes et ncessitent lintervention doprateurs qui les assemblent, les animent et fabriquent une information prte engager laction. Les CAU sont donc un terrain pertinent pour questionner le processus de construction de linformation et pour tablir en quoi elle rsulte dune certaine organisation du travail qui oriente la relation lusager, demande aux oprateurs dincorporer des normes et des rgles, mais aussi de savoir les contourner.

    Les CAU offrent lopportunit dobserver la production dinformation au sein de structures de travail coopratif complexes. Ce type de structures, telles que les dcrit Lucy Suchman (1991), mettent en relation des quipements et des actions dans lesquelles les rles et les responsabilits sont distribus et clairement dissocis la fois au niveau des tches effectives que de leur localisation spatiale. Les agents travaillant dans ces structures partagent un espace commun daction et de communication (Joseph, 1994) qui participe la coopration et la coordination des activits qui ont bien souvent la particularit de sinscrire dans un espace gographique clat. Les menues actions qui permettent de maintenir ces activits collectives ont t tudies dans de nombreux travaux relevant des thories de laction situe (Goodwin & Goodwin, 1997 ; Suchman, 1996, 1997), de la cognition distribue (Hutchins, 1994) ou des Workplace Studies (Heath & Luff, 1992). Ils ont montr que la coordination sinscrit dans les formes les plus diverses de linteraction : de la conversation en vis--vis aux attitudes dcoute ou de regard priphrique (Heath & Luff, 1992), et dmontr la co-construction de sens dans les actions de collaboration. Ils ont galement tabli que la coordination et la coopration sont facilites par le partage dun mme espace de travail, expression qui doit tre entendue sous sa forme polysmique et qui dfinit la fois un lieu physique, mais aussi tous les objets qui supportent laction en lui offrant des prises.

    tudier la fabrication et la circulation de linformation rvle les mcanismes du travail collectif puisque celle-ci participe la construction dun espace de travail partag, notamment, comme nous le montrerons, au travers de la standardisation de linformation par la fiche de saisie dappel. Inspire des tudes ethnographiques ralises dans les services durgence (Whalen et al., 1988 ; Peneff, 1992), bord des vhicules de secours (Hughes, 1988), ou explorant le travail infirmier (Hughes, 1996 ; Acker, 1997), lanalyse expose ici prend en compte la manire dont les rles sociaux, les choix managriaux, les normes et les tensions agissent sur la collecte de donnes et le processus de fabrication de linformation. Cette approche est finalement enrichie par une attention porte aux pratiques langagires puisquelles sont le moyen par lequel les oprateurs construisent une relation avec les requrants, quelles sont loutil par lequel les corps et les gographies sont reconstitus (Mondada, 2011 paratre), et quelles

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    permettent loprateur de sassurer que le requrant adopte le comportement appropri. Nous nous proposons donc dexplorer comment, dans cette matrice interactionnelle dcrite par Whalen et Zimmerman (1998), les particularits organisationnelles, les univers de rfrence individuels et professionnels et les spcificits de la communication tlphonique, sentrecroisent et agissent sur la fabrication et la circulation de linformation.

    Si la complexit des activits ralises dans le cadre de relations administratives (Borzeix, 1995 ; Weller, 1997 ; Dubois, 1999), la richesse des interactions impliquant un agent, des usagers et les outils techniques (Lacoste, 1995), de mme que le travail plus spcifique des tloprateurs dans les centres de tl-assistance ou durgence (Zimmerman, 1992 ; Mondada, paratre 2011) ne sont plus dmontrer ; il nen demeure pas moins que le mtier doprateur reste mconnu du public. Beaucoup dappelants ne savent pas ce que font rellement les oprateurs lorsquils rpondent au tlphone pour paraphraser le titre dun article de Jean-Marc Weller (1997). Un appelant qui contactait le SAMU pour une urgence grave a ainsi somm loprateur de partir , le confondant avec lambulancier. La mconnaissance de ce mtier se manifeste aussi travers les difficults rencontres pour faire reconnatre la valeur de ce travail auprs des directions. La complexit du processus de traduction, que nous dcrirons, est cependant bien souvent ignore par les oprateurs eux-mmes qui dploient une multitude de savoir-faire dont ils nont pas toujours conscience. Les CAU apparaissent alors comme un terrain pertinent pour interroger les raisons de linvisibilit de ces acteurs et, avec elle, celle du processus de construction de linformation.

    transformation du mtier et diversit des actions engager

    Cette problmatique de la production de linformation dans les CAU se module au regard de la spcificit des appels. En effet, lessor des demandes qui ne relvent pas durgence vitale bouscule les cours daction (Joseph, 1988) et fait entrer un deuxime type de relation dans les CAU : la relation de service. Elle vient parfois se substituer la relation administrative de secours durgence qui correspond la mission principale de ces centres (Hnault-Tessier, Dalle-Nazbi, Vinck, paratre 2011), et dplace lenjeu de la relation oprateur-usager. Depuis une vingtaine dannes, la relation de service actualise, dune manire gnrale, le processus de modernisation de ltat (Weller, 1997), qui donne aux usagers, plutt quaux professionnels, le droit de juger de la qualit dun service (Hughes, 1996). La satisfaction postrieure lusage devient la mthode dvaluation (Roux-Morin, 2006), linstar des Centres 15 conduisant des enqutes tlphoniques pour mesurer la satisfaction des patients3. Ce

    3 des enqutes tlphoniques diffres ralises sur des priodes donnes auprs dchantillon de patients sont le moyen appropri pour mesurer la satisfaction du patient ; lanalyse des rclamations et des plaintes est ralise dans le mme objectif. Guide daide la rgulation au SAMU centre 15, 2009, p. 35.

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  • Revue danthropologie des connaissances 2012/1 93

    principe managrial a modifi la fonction des oprateurs : il ne sagit plus de produire exclusivement une information pour laction de secours, mais aussi, et de plus en plus souvent, de fournir des informations aux requrants les conduisant se rorienter vers un autre service. Loprateur a la responsabilit de ngocier le consentement de lusager au travers dune co-construction dinformation qui clturera lchange.

    Cet article explore la fabrication et la circulation de linformation en tant qulment participant la construction dun espace de travail partag que mobilisent les oprateurs lors de leurs actions de coopration et de coordination. Il met en lumire limportance, dans cette construction dinformation, du processus de traduction de la parole de lusager en catgories administratives et modalits de prise en charge, travers deux types de relation dans lesquelles sont engags requrants, fiche de saisie de lappel et oprateurs : la relation administrative de secours durgence et la relation de service. Chacune de ces relations induit la fabrication dune information diffrencie, soit pour engager une action de secours, soit pour rorienter les usagers. Finalement, larticle dmontre que malgr une certaine prise en compte dactivits de mise en forme de linformation, le travail des oprateurs demeure en grande partie invisible. Cette invisibilit participe dun processus, dcrit dans les tudes sur la science (Shapin, 1989 ; Schaffer, 1998), de construction dune information non discutable car apparaissant comme neutre, factuelle et indpendante de ses conditions de production, et servant ici doutils normaliss pour laction. Cette invisibilit soutient aussi une dfinition de la mission de ces organisations en ne rendant visibles que ces grandes figures du secours la personne que sont les mdecins, ambulanciers et pompiers.

    observer la fabrication de linformation : le terrain de recherche

    Lanalyse expose dans cet article sappuie sur plus dune centaine dheures dobservation dans plusieurs CAU choisis de manire saisir la diversit des organisations, des pratiques, des territoires et des outils techniques4. Ces observations sont effectues dans le cadre dun travail de thse5 portant sur le projet de recherche europen REACH1126.

    Sur le terrain, nous avons veill dcrire les postes de travail, les tches effectues par les oprateurs, et comprendre les modes de coopration

    4 Ces observations se sont droules dans un Centre 15 de grosse taille couvrant un territoire urbain et de montagnes, un Centre 15 de grosse taille mais couvrant un territoire uniquement urbain, une plate forme commune 15/18 de taille modeste couvrant un territoire urbain, rural et de montagne, un Centre 18 de taille moyenne couvrant un territoire urbain.5 Thse CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la REcherche) ralise au sein de la SCIC WebSourd (Ple Recherche, Dveloppement et valuation) et du laboratoire PACTE Politique Organisations de lUniversit de Grenoble, sous la direction de D. Vinck.6 Lobjectif du projet REACH112 est de concevoir et de tester des dispositifs socio-techniques permettant aux personnes ne pouvant tlphoner de contacter les urgences.

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    et de coordination au sein de la plate-forme et entre les diffrents services durgence. Lobjectif tait de saisir le collectif stabilis et stabilisant de pratiques et de savoir-faire (Licoppe, 2008) afin que le langage technique, la rpartition des tches et la structure de lorganisation ne soient plus des freins notre comprhension des vnements. Ces observations nous ont permis de constater le rle cl de la fiche de saisie des appels dans la construction de linformation. Tout en nous intressant lensemble des ressources mobilises par les oprateurs, nous avons alors port une attention particulire cette fiche, nous appliquant cartographier son parcours au sein du CAU. Ce suivi a permis dexplorer la fabrication et la transmission de linformation par les oprateurs dans leur rapport lcrit, aux objets, lespace, au temps et lorganisation (Lacoste, 2001). Il a servi de fil rouge pour suivre les interactions entre les appelants et les oprateurs, mais aussi entre les collgues, avec le chef de salle, la direction ou dautres services durgence.

    Des enregistrements audio ont t raliss pour conserver une trace des interactions verbales lors du traitement des appels. Ils ont t complts par une prise de notes systmatique dtaillant les actions concomitantes. Pour des raisons de protection de la vie prive, nous navons pu enregistrer les usagers lors de leur appel, mais nous restituons entre parenthses leurs rponses suivies en double coute laide dun casque. Ces extraits restent enrichissants car ils donnent voir les diffrentes tapes du processus de traduction, rvlent le type dengagement de loprateur dans sa relation avec lappelant et nous orientent vers les spcificits de la conversation mdie par tlphone.

    Dans cet article, nous dcrirons dabord lorganisation globale des services de secours en France puis le logiciel de saisie dune fiche dappel, partie prenante, comme nous le soulignerons, du travail de qualification de la demande et de son urgence. Nous analyserons alors le complexe processus de traduction engag par les oprateurs permettant de produire, partir du ressenti et des paroles des appelants, une information engageant des actions. Nous montrerons quen fonction de la qualification de la relation (de service ou durgence) linformation construite opre un travail de routage vers dautres services ou structure lenvoi de secours.

    LES acTEurS DES cENTrES DaPPELS DurGENcE

    Lorganisation des services de secours

    En France, trois services publics traitent les appels durgence : les SAMU (15), les Sapeurs-Pompiers (18) et les services de la Police et de la Gendarmerie

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    (17). Les appels au numro 15 sont reus par les Centres de Rception et de Rgulation des Appels durgence (CRRA) ; les Centres de Traitement des Appels (CTA) rpondent aux demandes manant du 18 ; et les appels au numro 17 sont traits par les Centres dInformation et de Commandement (CIC).

    Chaque appel est trait par un tloprateur qui questionne lusager, labore et met en forme les informations ncessaires son service dans une fiche dappel. Dans les CTA et les CIC, ce sont ces mmes oprateurs qui valident le moyen de secours propos par le logiciel. Selon les diffrentes organisations, la fiche lectronique est soit envoye dans un centre oprationnel, la caserne situe le plus prs du lieu dintervention, ou un oprateur radio coordonnant les moyens de secours depuis la plate forme dappels.

    Dans les CRRA, les appels sont rceptionns et traits par des Assistants de Rgulation Mdicale (ARM) qui effectuent deux types de tri travers leur qualification de lappel. Un premier tri permet de sassurer quil sagit dune demande daide mdicale. Dans le cas contraire, lassistant roriente lappelant vers le service adquat. Dans laffirmative, lassistant poursuit, dans ses interactions avec lappelant, llaboration dune information dterminant, laide de procdures, si lappel est une urgence vritable ou non. Dans le premier cas, il sera transfr un mdecin urgentiste, dans le deuxime cas lappel sera transfr un mdecin gnraliste assurant une permanence de soin tlphonique. Ce sont donc les mdecins qui valident ou dcident de la rponse apporter au problme mdical du requrant. Lenvoi des secours se fait ensuite selon les mmes configurations que dans les CTA et les CIC.

    Tous les appels adresss aux 17 et 18 qui impliquent une urgence mdicale doivent tre rguls par un mdecin du CRRA.

    Mme si certains oprateurs ont pu tre auparavant brancardiers, Sapeurs-Pompiers ou ambulanciers, la distribution des tches et des responsabilits est sans ambigut. Les oprateurs qui rpondent aux appels durgence ne sont pas en position de soigner ni de venir physiquement au secours des appelants, ce que rappelle une raillerie frquemment entendue dans les CTA, les dsignant comme des pompiers de salon .

    Premiers maillons de la chane, les oprateurs fabriquent, travers les interactions tlphoniques avec les appelants, linformation dcisive au fonctionnement des urgences. Cest travers cette relation primordiale que des donnes sont mises en forme, quune fiche dappel est complte et que linformation est, de cette manire, fabrique. Cette information, indissociable de la fiche, dfinit et engage un type de rponse apporter, variant dun simple conseil : nessayez pas de tuer les gupes, attendez quelles partent toutes seules , lenvoi dune lourde quipe dintervention. travers cette relation, loprateur met en uvre un processus de traduction permettant de transformer la situation vcue par lappelant, invisible pour loprateur, en des termes faisant sens dans le monde des urgences et se rattachant aux catgories administratives de la fiche de saisie dappel.

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    La fiche dappel, partie prenante de linformation produite

    La fiche est partie prenante de ce travail de qualification men par les oprateurs. Elle prend la forme dune petite fiche lectronique, qui se visualise sur lcran de lordinateur, sur laquelle sont consignes toutes les donnes ncessaires une intervention. Ce qui est appel la fiche dappel par les oprateurs est la fois un document remplir et faire circuler, un environnement informatique de travail et un objet manipuler.

    Crer une fiche, point de passage oblig de lenvoi des secoursFigure 1.

    La saisie des donnes se fait pendant la communication tlphonique avec lappelant partir du clavier dun ordinateur (ou dune tablette graphique). Des diffrences existent entre plates formes durgence, mais la fiche de saisie comporte toujours des fentres renseigner avec ladresse, le numro de tlphone, les nom et prnom de lappelant, la nature de lappel et des observations si ncessaires. Cette saisie conditionnant la suite des actions possibles, les changes entre oprateurs et appelants sont structurs par les entres imposes par la fiche (Whalen, 1995). Venant quiper et soutenir loprateur dans son travail, un systme daide la saisie est intgr ces fentres, sous forme de menus droulants, obligeant mobiliser des catgories administratives de plus en plus prcises. Se faisant porte-parole (Latour, 1993) de lensemble des acteurs de lurgence (oprateur radio, ambulancier, mdecin, pompier, etc.), ce cadre de saisie contribue et veille ce que linformation produite soit utile et mise en forme pour lengagement (ou le blocage) des secours.

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  • Revue danthropologie des connaissances 2012/1 97

    Le cours de la saisie, structurer une information pour lactionFigure 2.

    Dans certains centres, le moyen dintervention est automatiquement slectionn partir de la catgorie administrative retenue par loprateur pour qualifier lappel ; il est cependant attendu quil vrifie ce choix. Les donnes construites par les oprateurs sont ainsi des crits pour laction (Fraenkel, 2001) qui nont de sens que pour une communaut professionnelle particulire, et qui sont indissociables de la matrice de la fiche comme dun circuit de partage de linformation ainsi produite. Une fois valide par loprateur, la fiche sert dobjet de coordination entre les acteurs des urgences (mdecin rgulateur, oprateur radio, ambulanciers, etc.). Depuis son poste de travail, loprateur peut suivre les traces du travail engag par la circulation de la fiche dappel. En effet, une main-courante informatique centralise et rend visible toutes les tapes de lintervention : lheure de dpart du vhicule, le bilan, les dtails des actions connexes (appel pass EDF, au prfet, la police, etc.). Il est par ailleurs possible de visualiser lensemble des interventions en cours. Une fois les secours termins, la fiche napparat plus lcran mais est archive dans le serveur, et peut tre retrouve grce son numro ou par mots cls. Cet objet intermdiaire (Vinck, 2009), ralis et mis en circulation par un oprateur, imposant ses propres rsistances et logique, visible par le collectif et modifiable par les pairs, participe donc dun espace commun daction et de communication. La fiche matrialise la fois les intentions, les habitudes de travail et les attentes des acteurs, mais aussi linformation construite dans la relation avec lappelant.

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  • 98 Revue danthropologie des connaissances 2012/1

    TraDuIrE La ParOLE DE LuSaGEr, cONSTruIrE LINfOrmaTION

    Le processus, support et matrialis par la fiche dappel, par lequel loprateur interprte, dcode, structure, dplace, reformule ou confirme les informations transmises par lappelant relve du travail de traduction dcrit par M. Callon (1986). En lamenant dire dans son propre langage ses blessures ou ses sensations et en les reformulant dans le langage de son administration, loprateur provoque des dplacements de but et de problmatisation quil a la responsabilit de faire accepter par lappelant. Ceci se joue ici dans le registre de la ngociation de la dfinition du problme du requrant par loprateur et donc des moyens envoys, ou de la rorientation de la demande et de la clture de lappel. Ce travail renvoie la ncessit pour loprateur de faire en sorte que le requrant joue correctement le rle attendu pour que lorganisation des urgences fonctionne, mais aussi quil obtienne son consentement et sa satisfaction, pour rpondre des critres thiques et managriaux. Ce travail est inextricablement li au processus de traduction. Celui-ci, que nous avons analys travers une analyse conversationnelle des appels pris par les oprateurs, peut tre dcrit travers cinq grandes tapes que nous avons identifies : louverture, la qualification, la localisation, la solution daide et la clture. La qualification se divise en de nombreuses squences sentremlant et demandant la fois une matrise des normes et des procdures du service, des connaissances techniques et oprationnelles, des comptences civiles (Goffman, 1987) qui concernent les changes de politesse, les amabilits, les menues marques de respect et des savoir-faire individuels. Quant la localisation, elle sest complexifie, notamment avec les tlphones portables qui permettent les appels de personnes en voiture ayant vu quelque chose ou quelquun en passant sur la route ou de randonneurs se trouvant dans des lieux difficiles identifier. Localiser un lieu dintervention peut demander un travail de coordination entre plusieurs perspectives sur lespace (Mondada, paratre 2011) entre des appelants qui ne savent pas o ils sont, des oprateurs dots doutils cartographiques et dune exprience (ou pas) du territoire. Sils ne supposent pas un tel travail de localisation, les appels relevant dune relation de service impliquent bien un travail de traduction de la demande et de ngociation de la clture. Cette qualification des faux appels durgence fait par ailleurs exister les vraies urgences qui engageront un travail de traduction plus complexe.

    Qualifier un appel, engager ou bloquer laction de secours

    Le travail de qualification demande en premier lieu de spcifier le motif de lappel, de le (re)formuler, dobtenir validation par lappelant et didentifier si lappel correspond bien aux missions de linstitution. Comprendre la demande de lappelant nest pas toujours simple, car il prsente sa situation selon son

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  • Revue danthropologie des connaissances 2012/1 99

    propre rfrentiel 7. Cest alors loprateur de trouver un point dancrage commun permettant lintelligibilit de la situation dun interlocuteur quil ne voit pas. Loprateur doit parfois dcoder le message de lappelant qui nexprime pas toujours ce quil voudrait que lon fasse pour lui8. Dans linteraction ci-dessous, lappelante est ce que Peneff (1992) nomme le bon usager. Cooprative, elle fait ce quon attend delle et ne remet pas en question la relation qutablit loprateur. Cependant, elle tente de ngocier la dfinition de son problme, car elle croit savoir que les Sapeurs-Pompiers sont les personnes solliciter pour rsoudre ce type de difficults. Loprateur met alors en application une technique apprise et souvent utilise dans les CAU qui consiste confronter lappelant ce quil dit. Cette technique informelle ne figure pas dans la bote outils communicationnelle des SAMU comme le sont les techniques de reformulation ou de renforcement, mais sapprend au contact des pairs plus expriments.

    (00 : 00 : 00)1 : Les pompiers/ ?(Salutations. Appelante explique quelle appelle car il y a une invasion de gupes son domicile)02 : Des gupes ?(Appelante confirme que ce sont des gupes qui sortent dun nid)03 : Et le nid, il y est vraiment ?(Appelante rpond quelle ne voit pas le nid, mais quelles voient les gupes voler)04 : Elles volent un petit peu partout ?(Appelante rpond oui, cest a )05 : Mais il ny a pas de nid. Aujourdhui, elles volent, elles font comme a.(Appelante insiste et dit quil y a beaucoup de gupes dans sa maison)06 : Et a rentre ? Il y en a beaucoup qui rentrent ? Cest--dire ? a veut dire quoi beaucoup pour vous ?(Appelante dit quil ny a pas de gupes dans sa maison, mais quelles sont dehors, prs des fentres et de la porte)07 : Non, justement cest pour a. Nous on nintervient pas en principe sur ce genre dopration, cest les socits prives. Nous on nintervient plus.(Appelante rpte que les pompiers ninterviennent plus)08 : Hum.(Appelante rpte alors, les pompiers ne viennent plus , elle se demande quoi faire)09 : Du tout, madame, nous on na aucune coordonne en plus. Il faut voir au niveau des socits de dsinsectisation.(Appelante rpte d-sin-sec-ti-sa-tion)010 : Voil madame, avec plaisir. Au revoir.(00:01:27)

    7 Guide daide la rgulation mdicale au SAMU Centre 15, 2009, p. 41.8 Ibid., p. 42.

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    Cette conversation, dune dure dune minute vingt-sept secondes, na donn lieu aucune intervention et na ncessit aucun travail de collaboration entre collgues ou entre services, mais a demand la mise en uvre dun processus de traduction de la demande et de ngociation, avec le requrant, de lissue de lappel. Ayant obtenu confirmation que lappelante nest pas confronte un danger et ayant reu son accord tacite quant la redfinition de son problme, loprateur termine la communication en posant le cadre de la mission des pompiers (07), donne un renseignement (09), puis clture linteraction par une formule de politesse. Loprateur a d trouver les mots pour dfinir la mission de son institution, faire comprendre en quoi les besoins du requrant ne cadrent pas avec elle et lui faire accepter cette dfinition. Linformation produite ici, destination de lappelant, se fait oralement et non plus dans le cadre de la fiche dappel. Elle porte sur le monde et la notion durgence. Elle amne lappelant sorienter vers dautres services ou solutions et permet de clore la communication. Cette production dinformation relve dun travail de routage de la demande, non plus au niveau du monde des urgences, mais un niveau plus social. Il ny aura que peu de traces de cette information produite par loprateur en rponse ce type dappel. La conversation prcdente, une fois matrialise dans la fiche, se rsume en un simple numro de tlphone, remont automatiquement, et une catgorie administrative Trait par tph 9. Linformation construite ici destination du monde des urgences, bien que succincte, bloque tout engagement dans des actions de secours physiques. Linvisibilisation des rponses apportes ces appels, considrs comme des appels parasites, fait littralement exister la catgorie des vraies urgences qui va, elle, engager plus avant loprateur dans le remplissage de la fiche et dans le processus de traduction des besoins de lappelant.

    faire exister les vraies urgences

    Ce type de demande ne relevant pas durgence vraie est jug svrement par les oprateurs qui les trouvent injustifies et faites par des usagers qualifis d assists . Ce qui compte pour beaucoup dentre eux, cest dtre le premier maillon de la chane de secours , dtre au cur de laction , dtre au courant de tout ce qui se passe . Mais certaines journes dans les Centres 15 sont marques par un trs grand nombre dappels pour des rhumes et, dans les CTA, pour des gupes au domicile. Les expressions SAMU-poubelle ou Pompiers-poubelle reviennent alors rgulirement, accompagnes dun air dsapprobateur.

    Ce que montrent ces discours sur les fausses urgences ainsi que les pratiques de requalification des besoins avec les usagers, cest limportance du travail de tri dans le traitement et dans lexistence mme des vraies situations durgence. Au travers de la multitude des cas ordinaires, les oprateurs reprent et font

    9 Trait par tlphone.

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    exister les urgences vraies en tant quvnements traiter par les services de secours. Cest la valeur de ce travail, parfois vitale pour les usagers, quils cherchent faire reconnatre. Ce tri, et ses modalits, dpendent de linteraction entre loprateur et le requrant, des entres valorises par la fiche (cest--dire donnant lieu suggestion daction ou pas) et dun ensemble de donnes contextuelles la fois du ct de lappelant (gupes et personne allergique par exemple) et de loprateur (file dattente, dbordement, contrainte de gestion polie des changes, etc.). Linteraction prcdente sinscrit dans un contexte institutionnel particulier qui dtermine en partie la forme de la relation. Il en est ainsi du temps de dcroch qui sinspire des indicateurs nationaux mis en place dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances du premier aot 2001 (LOLF). Elle prsente trois catgories dobjectifs de performance destins aux administrations savoir lefficacit socio-conomique, lamlioration de la qualit de service et une gestion efficiente des moyens10. Le temps de dcroch, qui suppose que loprateur rponde moins de 60 secondes aprs la fin du message daccueil, cadre le processus de traduction. La conversation prcdente a t prcde et suivie dappels similaires et sinsre dans la routine qui marque certaines journes. Au mme moment, un feu de broussaille aux abords de lautoroute provoque une affluence dappels dautomobilistes tmoins de lincendie. Le chef de salle est sur le qui-vive pour sassurer que le temps de dcroch est respect. Le commandant responsable de la plate forme est sorti de son bureau et surveille lactivit ; il interpelle tous les oprateurs et leur demande de ne pas passer trop de temps sur les gupes , car il y a beaucoup dappels en attente. Linteraction dcrite, asymtrique quant la visibilit des facteurs pesant sur la relation (Velkovska & Zouinar, 2007), na donn lieu aucune intervention ; mais elle a ncessit que loprateur dploie les comptences adaptes la situation, la fois pour courter lchange, pour redfinir le problme de la requrante et pour que celle-ci soit satisfaite malgr tout de la rponse donne. Loprateur prsente la dcision comme tant indpendante des conditions du traitement de lappel. Rien de tout ce contexte ne sera consign dans la fiche qui saffranchit prcisment de ses conditions de saisie. La qualification dans la fiche, et la dcision avec lappelant, sont prsentes comme tant indpendantes de facteurs extrieurs la situation de lappelant ; elles sont ce titre indiscutables. Aucune trace de la nature de cette requte, hormis le fait quelle a t traite par tlphone , ne sera visible dans la fiche ; lengagement des secours physiques est bloqu. Lappelante est pourtant implique dans la requalification de sa demande, lui donnant le sentiment dtre co-acteur des dcisions le concernant. Les normes de communication imposes loprateur et sa production dinformations sur les missions de chacun invisibilisent ce processus de routage indpendant pour une large part des souhaits de lusager.

    10 http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_votre_service/statistiques/securite_civile/2008/ statistiques-2008/downloadFile/attachedFile_3/Stats_insis.pdf?nocache=1249562866.28 et http://www.minefi.gouv.fr/lolf/1_1.htm.

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    linverse, la qualification dun appel comme relevant dune vraie urgence engage loprateur dans une description plus fine et plus codifie de la situation de lappelant, travers la grille de la fiche de saisie de lappel. Cette qualification amorce la construction dune information engageant et quipant laction de secours.

    Les conversations tlphoniques et la matrialit des corps : produire une information prcise

    La parole est la matire brute sur laquelle loprateur puise les premiers lments lui servant qualifier un appel, matriau qui est pur, prcis, confirm et mis en forme travers ses interactions langagires avec lappelant (Latiers & Jacques, 2007). Loprateur doit tre sensible la manire dont celui-ci formule son problme. Une demande confuse peut tre le signe dune grande panique et un indice de gravit, lutilisation dune terminologie mdicale prcise peut indiquer une pathologie rcurrente. Mais ce ne sont l que des indices qui doivent tre corrobors par dautres. Loprateur ne pouvant utiliser dinformations visuelles, le champ sonore est surinvesti pour nuancer ou complter les propos des patients. Il est utilis comme indicateur de degr durgence. Ce processus de traduction de la parole en termes spcifiques un monde professionnel est typique de tout travail administratif (Weller, 1997 ; Dubois, 1999 ; Vitalis & Duhaut, 2004), mais il engage aussi, dans les relations tlphoniques, un travail de traduction entre le registre multisensoriel de lappelant et le registre sonore et langagier de son interaction avec loprateur. Celui-ci na pas de prises (Bessy & Chateauraynaud, 1993) directes sur la situation durgence qualifier. Il doit guider lappelant pour lui faire dire ce quil voit, touche ou ressent pour reconstruire, travers une communication mdie par le tlphone, une information plurisensorielle. Dans lexemple ci-dessous, loprateur se sert des indications sonores pour complter les informations de lappelante. Ce quelle dcrit ressemble une crise dangoisse, alors que le ton calme de sa voix et sa respiration pose discrditent cette hypothse.

    00:14:1501 : Centre 15, Bonjour(Lappelante explique quelle est dsole dappeler le 15, que ce nest peut-tre pas trs grave)02 : Bien sr, cest quoi votre souci ?(Dit que sa respiration fait des secousses)03 : Cest quoi, cest comme le hoquet ?(Rpond que a y ressemble, mais que a fait mal, que a narrte pas, que a resserre)04 : Vous avez quel ge ?(Donne son ge)

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    05 : Pas tout fait alors, 49. Daccord.( Oui )06 : Vous tes sujette aux angoisses ou pas ?( Non, je ne suis pas angoisse )07 : Oui, mais vous avez dj fait de vraies crises dangoisse ?( Non )08 : Daccord, et l ce matin vous avez mal ?( Oui )09 : Daccord, vous avez mal ailleurs, dans le bras ? Dans la mchoire ?(Rpond par la ngative, quelle na pas dautres douleurs)010 : Vous avez pas de sueurs ?( Non )011 : Daccord. a vous donne chaud ?( Non )012 : Daccord, vous tes sur quelle commune Madame ?(Donne le nom de sa commune)013 : quelle adresse ?(Donne son adresse)014 : quel tage ?(Donne le numro dtage)015 : Il y a un code ou un interphone en bas de chez vous ?( Non )016 : Madame, votre nom ?(Donne son nom)017 : Et votre prnom ?(Donne son prnom)018 : Cest qui votre mdecin traitant ?(Donne le nom de son mdecin)019 : \Je ne sais jamais comment il scrit. /Jean ou Philippe ?(Donne son nom)020 : Votre tlphone cest bien (numro) ?(Donne son numro)021 : Vous tes fumeuse ?( Non )022 : Daccord, mais vous avez limpression que a vient du cur quand mme ?(Rpond que cest vers la poitrine, peut-tre au niveau du cur)023 : Quand vous dites que a se resserre, cest euh(Attend)024 : Vous avez pas de palpitations ?(Rpond quelle ne sait pas comment lexpliquer)025 : a augmente quand vous inspirez fort ? Ou cest toujours pareil ?(Dis que cest toujours pareil)026 : Daccord. Ne quittez pas hein, je vous mets en relation avec le mdecin.

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    ( Merci )00:17:17Oprateur transfre lappel au mdecin rgulateur00:17:27027 : Oui, cest (prnom)028 : Jai une dame sur (lieu), la fiche (numro), elle a 49 ans, elle me parle de spasmes sophagiens, elle dit que a serre, euh je ne sais pas, je prfre que tu la prennes.029 : Oui, 49 ans.00:17:43

    Ces conversations mdies obligent les participants dcrire les situations et trouver des points dancrage communs dans cette qualification. Dans cet extrait, loprateur tente de traduire linconfort physique de lappelante dans les mots du langage courant (03, 010 et 011), sans pour autant trouver de description satisfaisante. La qualification de lappel en catgorie administrative se fait alors au plus prs, loprateur choisissant la formule spasmes sophagiens dans le menu droulant. Choisie par dfaut, elle est complte par des commentaires, sentiment serrements poitrine , pas de fivre , pas dangoisse , saisies dans la fentre observations de la fiche dappel, fentre qui permet loprateur de ngocier quelque peu la grille impose. Il exploite sa difficult associer la douleur une catgorie prdfinie, difficult mise en exergue par la fiche, et quil transforme en indicateur de gravit. Il transfre alors lappel un mdecin rgulateur.

    La fiche dappel peut tre consulte par les autres agents, par les mdecins, par la direction et mme par les services de la police lorsquil y a des enqutes. Cette dimension publique fait quen plus dtre un support et un guide pour linformation, la fiche devient une trace du travail effectu par les oprateurs qui sont conscients quelle rend compte de la qualit de leur travail (Whalen & Zimmerman, 1998). Le doute quprouve loprateur la fois vis--vis de sa qualification et de la lecture que pourrait en faire le mdecin rgulateur napparat pas dans la fiche. Loprateur prfre alors la complter par un court change avec le mdecin (028) o il lui fait part de son doute et justifie sa dcision. Car la fiche circule ensuite seule, coupe des petites mains qui lont cre et remplie, affranchie du processus de traduction et des hsitations de loprateur. Elle devient le porte-parole (Latour, 1993) de lusager en dtresse, rassemblant lensemble des donnes dcrivant sa situation et permettant de lui venir en secours. La description de lurgence est donc dcisive, mais elle npuise pas le processus de traduction. Linformation en construction doit aussi tre mise en forme pour quiper laction de secours.

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  • Revue danthropologie des connaissances 2012/1 105

    cONSTruIrE uNE INfOrmaTION OPraTIONNELLE

    mettre en forme, permettre une action rapide et pertinente

    Dans le passage de la ligne 011 012, une rupture seffectue dans la nature de linteraction. Orient vers la recherche de symptmes physiques pouvant qualifier lappel, loprateur interrompt abruptement sa recherche et amorce une squence ddie la localisation et lidentification civile de lappelante (013 020). Cette rupture sexplique par la formalisation de la saisie dans la fiche dappel informatise. Les informations ayant des degrs dimportance diffrents, la saisie est structure. Ainsi, les oprateurs doivent dabord prciser les coordonnes, puis la nature de lvnement et enfin les nom, prnom et ge de lappelant. Si loprateur dtectait une urgence absolue11, ces informations permettraient denvoyer les secours sans attendre que loprateur termine le dossier administratif. La fiche de saisie soutient, ou rappelle, la structure de linteraction entre lappelant et loprateur. Les oprateurs sont parfois confronts des appelants en colre qui ne sont pas tous prpars ni convaincus du bien-fond des rgles dutilisation du service quon leur propose (Peneff, 1992) et qui refusent lordre de conversation impos, les questions quon leur pose, ou le fait dtre dsigns comme porte-parole12. Lenjeu pour les oprateurs est de faire accepter le processus de traduction en lui-mme. Il leur incombe de faire en sorte que lappel se droule selon la structure prvue, cest--dire de sassurer que lappelant adopte le comportement que lon attend de lui : calme et coopratif. Lexpression ouverte de sentiments de colre ou de panique est un obstacle la transmission de linformation et nuit lvaluation des besoins de lappelant (Fele, 2006). Il arrive que les oprateurs se dsengagent de la relation en mettant en avant le respect de la procdure, justifiant ainsi leur action et rappelant le cadre de linteraction. Ils rendent alors visibles leur activit et leur cadre de travail pour forcer la main lappelant. Ils se montrent comme lments cls dun processus gnralement invisible en signifiant lappelant quils en sont le point dentre.

    Les oprateurs saisissent les donnes tout en poursuivant la conversation avec lappelant. Un systme daide la saisie facilite le travail et fait remonter les noms des villes et des rues partir de leurs premires lettres. Malgr cela, des diffrences peuvent persister entre ladresse fournie et ce que trouve loprateur dans sa base (Mondada, 2011). Un lieu peut tre dcrit de diffrentes faons (par plusieurs entres dun btiment, par exemple), ou ne pas apparatre dans les choix proposs. Bien que pens comme mesure scuritaire, loutil informatique comporte des faiblesses devant tre compenses par la vigilance des oprateurs. Cest le cas de la remonte automatique des numros de

    11 Lurgence absolue signifie que la vie du patient est en danger.12 Ce qui arrive lorsquune personne appelle pour un SDF inconscient qui on demande de simpliquer en vrifiant son tat de conscience.

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    tlphone avec ladresse associe qui doit toujours tre vrifie ; les requrants pouvant appeler pour une autre personne et ne pas tre l o doivent tre envoys les secours. Divers menus droulants servent renseigner, par exemple, le type de pathologie, de feu, ou de lieu. Ce dispositif permettant des conomies cognitives suppose cependant de matriser cette navigation informatique. Certains oprateurs prfrent, mme si cela est proscrit par le service, prendre des notes manuscrites et complter la fiche une fois lappel termin. Ces menus contraignent loprateur faire une typification des donnes mais celles-ci y rsistent parfois (Whalen, 1995). Il est en effet difficile de nommer les sensations du corps, de classer des situations imprvues, et de rduire la diversit des interprtations des catgories. la suite dun appel pour un feu dans une entreprise fabriquant des confiseries artisanales dans un local attenant la maison familiale un oprateur sest ainsi trouv en difficult pour associer une catgorie ce lieu. Dans lextrait ci-dessous, cet oprateur, qui na plus le requrant en ligne, sadresse son collgue pour laider rsoudre ce problme. Il regarde un un les choix proposs dans le menu droulant et interroge son collgue qui rpond par de lgers hochements de tte. La catgorie local commercial ne semble pas satisfaisante car elle ne rend pas compte que lentreprise est annexe une maison ; le choix se fait donc par dfaut.

    C : Quest-ce que je mets ? Feu dentrept deu ::::? Parce quapparemment, cest une confiserie.C : Dedede : quest-ce quon a ::? Dpt, nenene : Local commercial ! Non ? Cest comme une maison, 100 m il me dit donc que :::::::: Quest-ce quon a dautre ? On na pas grand-chose, cest un local commercial de toute faon, non ?

    Cette typification permet dacclrer les actions en facilitant lanalyse des situations et les changes. Ce contrle du temps rpond aussi des objectifs socio-conomiques de gestion des moyens techniques et humains amliorant la qualit des services publics. Cet impratif de vitesse se traduit en termes de normes dlimitant le temps de dcroch et, dans certains centres, par un temps de traitement des appels tabli 90 secondes. La plupart des appels sont traits dans ces temps, mais des cas hors-normes viennent rompre la routine. Ce fut le cas dun patient appelant pour de fortes migraines et refusant de parler au mdecin rgulateur, obligeant alors loprateur poursuivre lappel. Aprs avoir propos au patient de lui envoyer le mdecin de garde ou encore de se rendre lhpital ; puis en cherchant avec lui des solutions, loprateur obtient enfin la raison de son appel. Fragile psychologiquement, le patient souhaitait se faire interner durgence. Le traitement de lappel aura pris 5 minutes 30 secondes. Ce dpassement par rapport la norme implique que loprateur ait d choisir entre cette dernire et la dontologie qui loblige tout mettre en uvre pour

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    porter secours autrui et suppose le consentement de lintress. Les bandes pouvant tre rcoutes en cas de litiges, les oprateurs doivent prendre en compte le risque de commettre une faute professionnelle ou celui dengager la scurit du patient. travers la production dinformations, les oprateurs touchent diffrents enjeux du secours durgence. La matrise du temps garantit laccessibilit aux services en rendant les lignes tlphoniques disponibles et conditionne le temps darrive des secours en permettant aux mdecins ou aux quipes dintervention dintervenir rapidement. Paradoxalement, tre en mesure de dcider quel moment ce temps nest plus un paramtre respecter est une comptence permettant une bonne qualification des appels.

    Engager laction et la coordination

    chaque catgorie administrative correspond une procdure qui dfinit le type daction et de moyen dployer. Lorsquun oprateur dun Centre 15 retient la catgorie douleur thoracique , il fait signe un collgue de faire partir les pompiers , complte la fiche dappel, puis transfre lappel un mdecin pour une rgulation. La catgorie fait parfois disparatre les dtails de lappel. Une crise dpilepsie se droulant dans un centre commercial sera classe malaise voie publique . La raison de lappel sera note dans les observations , mais cest le nom de la catgorie qui sera utilise dans les changes entre oprateurs. Les indicateurs peuvent aussi se combiner et dclencher dautres procdures. Si feu de poubelle en plein air est associ quartier sensible , les pompiers partiront avec un Fourgon Pompe Tonne (FPT) jusqu un point transit o ils attendront les services de police pour intervenir accompagns. La typification dfinit des procdures et facilite la coordination. Lorsquun oprateur veut dclencher les secours pendant quil termine sa fiche dappel, il peut impliquer un collgue en nonant voix haute certains lments, celui-ci maintenant toujours une coute priphrique et ragissant certaines catgories cls (Heath & Luff, 1992). Ces catgories permettent ainsi de crer un espace de communication et de coordination au sein des centres dappels durgence. Lorsquun oprateur a au bout du fil une douleur tho , il obtient plus vite et avec une conomie de mots lattention du mdecin rgulateur. Cette catgorie rfrant un protocole, le mdecin sait, sans avoir le demander, que le prompt secours a t dclench par loprateur. De mme, ces catgories facilitent la communication entre les diffrents services durgence en rendant les situations intelligibles par tous : chacun sait ce quil doit faire et ce que les autres feront. Ce qui est en jeu dans la mise en place de linteroprabilit est ce qui se matrialise dans cette information : les actions, les procdures, les comportements et les quipements.

    Si linformation tient un rle central dans les CAU, il ne sagit pas de produire nimporte quelle information, mais bien la bonne information . Un mme appel trait par un oprateur du CTA ou du SAMU Centre 15 ne sera pas toujours traduit dans les mmes mots, et nengendrera pas les mmes actions. Ainsi,

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    lappel dune femme enceinte inquite par des saignements pourra tre class saignements par un oprateur du CTA et tre transfr au Centre 15, selon le rfrentiel qui dfinit les missions des deux services13, car cela correspond un problme dordre mdical. Sil choisit la catgorie hmorragie , ce seront les pompiers qui interviendront, car il sagit dune situation entrant dans le cadre dun secours personne . Dans un systme de traitement des appels durgence o les deux organisations (15, 18) se font concurrence et o la dfinition de leurs missions comporte encore des zones floues (Diederichs et al., 2006)14, la bonne information peut aussi tre celle qui va dans le sens de la structure organisationnelle pour laquelle travaille loprateur.

    Au cours du processus de traduction, les oprateurs construisent une information prcise, structure, pure, typifie et oriente qui facilite la coopration et la coordination des secours. La robustesse de linformation ainsi construite et partage est de ne plus tre associe ses conditions singulires de production et dtre conforme aux circuits et procdures dune organisation quelle peut alors mettre en mouvement en engageant une chane dactions de secours. Cest donc cette production dune information oprationnelle pour le monde social des urgences qui effectue ce pliage entre un appel de dtresse et lenvoi de secours, rendant invisibles, pour plus defficacit, le travail des oprateurs et les spcificits mmes de ce mtier.

    LES PETITES maINS DE DEux PrOcESSuS INvISIbLES, Ou LE TravaIL DE LINfOrmaTION

    Nous avons montr, travers lanalyse des activits des oprateurs de centres dappel durgence, la position centrale de la production, du partage et de la mise en circulation dinformations. Nous avons dcrit pour cela le travail de questionnement et de reformulation des oprateurs, de cadrage et de co-construction des donnes par la fiche de saisie, de mise aux normes des interactions entre appelants et oprateurs par leur hirarchie. Certaines directions tentent en effet de structurer ces changes par des logiciels daide la dcision alors que dautres prconisent plutt une qualit dappel juge laulne de la courtoisie et de la politesse. Certaines dentre elles ont ainsi pris le parti doffrir des formations de communication aux oprateurs afin dquiper

    13 Organisation du secours personne et de laide mdicale urgente. Rfrentiel Commun. labor par le comit quadripartite associant les reprsentants des structures de mdecine durgence et des services dincendie et de secours, la DDSC et la DHOS. 25 juin 2008.14 Malgr un accord sur les procdures, la dfinition des missions encadrant chacun des services constitue parfois un frein la coordination et lefficacit des secours. Ainsi, les pompiers attendent parfois 20 minutes larrive des services de police dont les feux de poubelle ne sont pas une priorit.

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    leurs interactions, notamment celles o lappelant refuse ou ne matrise pas les normes de communication avec les services durgence. Ces changements sont en gnral mal reus un oprateur nous a mentionn quils avaient maintenant limpression de travailler au service client de La Redoute car ils mettent la relation de service au cur du mtier doprateur, ce qui entre en conflit avec lide dun rle jouer dans les actions de secours. De plus, ces changements ne rendent toujours pas visible, pour les autres professionnels, la nature du travail ralis par les oprateurs.

    Nous avons soulign ce propos que les oprateurs sont impliqus dans la production de deux types dinformation nengageant pas le mme processus dinvisibilisation. Dans la relation de service, que les oprateurs associent de faux appels , linformation produite relve dun travail de routage vers des services extrieurs au centre dappel. Elle bloque tout envoi de secours, et travaille impliquer lappelant dans la dcision de clture. Non pertinente du point de vue dune organisation des secours, elle est peu visible dans la fiche de saisie et vcue comme relevant dune implication personnelle de loprateur dans la recherche dune solution ou orientation alternative. Le traitement rapide de ces appels et la satisfaction des appelants sont pourtant bien des objectifs imposs aux oprateurs. Ces modalits de gestion de ces appels contribuent la fois au maintien dune dfinition des services durgence (via linformation donne comme via la distinction entre vraies et fausses urgences par les oprateurs, matrialise en creux par le peu dinformations laisses dans la fiche) et dune conception de services publics (supposant limplication et laccord de lusager).

    Nous avons montr par ailleurs que, dans le cas de vraies urgences , linvisibilit du travail des oprateurs est une condition qui assure le bon fonctionnement des services de secours. La fabrication de linformation qui sopre travers un processus de traduction de la parole en mots, en donnes et en catgories administratives ainsi que toutes les adaptations ad hoc que ncessite ce processus sont rendues invisibles pour que les dcisions fassent autorit. Rendre visible ce processus signifierait sexposer la critique et la contestation. Si les informations qui quipent laction paraissent aller de soi, les dcisions ne seront pas remises en question au cours de laction. Ceci est vrai pour tout type dappel, dans sa phase de qualification dune ventuelle urgence. Mais cest un processus par ailleurs dcisif dans lefficacit et la fluidit des actions de secours. Linvisibilit de ces petites mains participe dun processus de construction dune information neutre et factuelle matrialise dans une fiche dappel qui peut se passer de loprateur et qui se fait porte-parole du requrant. En somme, la rception et le traitement des appels durgences doivent donner limpression de marcher tout seuls . Le rseau des secours durgence apparat alors comme une grande bote noire dont le fonctionnement et les acteurs sont indiffrencis et invisibles. Linvisibilit des oprateurs soutient aussi une dfinition de la mission des urgences en ne rendant visibles que ces grandes figures du secours la personne que sont les mdecins, ambulanciers

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    et pompiers. Or la moindre dfaillance dans son fonctionnement rend visibles limportance et les consquences du travail queffectuent les oprateurs faisant deux le nud dun rseau dactions et dinteractions complexes. La valorisation de leur travail revendique par les oprateurs nest donc pas tant une demande de visibilit des processus qui conduisent la cration de la bonne information , mais plutt une demande de reconnaissance du rle cl quils tiennent dans les services durgence.

    remerciements

    Nous remercions Dominique Vinck pour ses lectures et ses commentaires clairs, tous les oprateurs et opratrices qui ont eu la gentillesse de nous laisser les

    observer et la patience de rpondre nos questions, ainsi que tous les mdecins et Sapeurs-Pompiers rencontrs qui rendent cette recherche passionnante.

    cONvENTIONS DE TraNScrIPTION

    [ chevauchements (.) micro-pause

    (2.3) pauses en secondes .h aspiration

    / \ intonation montante/ descendante\ exTRA segment accentu

    ((rire)) phnomnes non transcrits : allongement vocalique

    < > dlimitation des phnomnes entre (( )) par- troncation

    & continuation du tour de parole = enchanement rapide

    xxx segment incomprhensible ^ liaison

    (il va) transcription incertaine bon murmur

    ben segment produit avec une voix rieuse

    bIbLIOGraPHIE

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  • Revue danthropologie des connaissances 2012/1 113

    mlanie HENauLT-TESSIEr est doctorante en sociologie industrielle lUniversit de Grenoble, Laboratoire PACTE Politique Organisations (UMR CNRS), et au Ple Recherche, Dveloppement, valuation de la SCIC WebSourd.

    Adresse Websourd 99 route dEspagne Btiment A 31100 Toulouse

    Courriel : [email protected]

    Sophie DaLLE-NaZEbI est sociologue (PhD) au Ple Recherche, Dveloppement, valuation de la SCIC WebSourd.

    Adresse Websourd 99 route dEspagne Btiment A 31100 Toulouse

    Courriel : [email protected]

    abstract: handLing emergency caLLs, buiLding information for actionPhone operators working in emergency dispatch centers handling hundreds of calls a day, are the entry point to get help from the emergency services. Through interactions with callers, they build information that influences the following course of action, regardless of the nature of the call. Based on field observations in several call-centers specialized in medical and fire emergencies this paper analyses how information is built and shared and how, doing so, it achieves production of a shared space of action and communication. We illustrate that when an operator handles a call, two types of relation involving a caller, an operator and an electronic seizure form can be engaged: an administrative relation of emergency or a service relation. This process which aimed at producing specific decisive neutral and factual information however leads, for the very same reason, to the occultation of the operators key role.

    Keywords: emergency call, information, mediated Communication, Interaction, invisibility, social role, Coordination, Translation

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    resumen: Proceder a Las LLamadas de emergencia, construir una informacin Para La accinPunto de pasaje obligatorio para acceder a los servicios de emergencia, los operadores de centros de llamadas de emergencia responden a cientos de solicitudes al da. La informacin que producen y formatean afecta toda la cadena de interacciones haya una emergencia o no. A travs de un estudio etnogrfico del oficio de los operadores realizada en los diferentes centros de llamadas 15 (asistencia mdica) y 18 (bomberos), se explora la produccin y circulacin de la informacin como un elemento que participa en la construccin de un espacio comn de accin y comunicacin. Se demuestra que cuando un operador contesta el telfono, es un proceso de traduccin de la palabra de los usuarios en categoras administrativas que se actualiza a travs de dos tipos de relaciones en las que estn involucrados, solicitantes, registros de llamadas y operadores: la relacin administrativa de auxilio de emergencia y la relacin de servicio. Este proceso, que tiene como objetivo producir una informacin precisa, neutral y factual, sin embargo, lleva, por esta misma razn, a ocultar el trabajo realizado por los operadores.

    Palabras claves: las llamadas de emergencia, la comunicacin mediada, informacin, interaccin, la invisibilidad, los roles sociales, la traduccin, la coordinacin.

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