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D IVINE UMA Haute Joaillerie en lumière Faussaires gastronomes Antarctique terra incognita 9 771662 619008 105 Hiver 2013 N°105 | CHF 6.– Genève – Lausanne – Gstaad – Verbier – Bâle – Lucerne – Zurich – Zoug

Trajectoire N°105, Haute joaillerie

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Des rencontres, des opinions, de l'élégance TRAJECTOIRE est devenu, ces dernières années, le magazine ayant le plus d’abonnés payants en Suisse romande… Ce qui nous pousse à l’excellence. A la fois élitiste, qualitatif et indépendant, il s’adresse principalement aux leaders d’opinion.

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DIVINE UMA

Haute Joaillerieen lumièreFaussaires gastronomesAntarctique terra incognita

9 771662 619008

105

Hiver 2013N°105 | CHF 6.–

Genève – Lausanne – Gstaad – Verbier – Bâle – Lucerne – Zurich – Zoug

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Hiver 2013

Wolfgang Amadeus MozartParce que l’hiver me donne toujours le bourdon, je me suis dit que converser avec Wolfgang serait une bonne idée. Me plonger dans l’univers si vaste et si complexe de l’artiste, comprendre l’immodération, le débordement, la générosité mais aussi le contrôle absolu qui tend vers le silence m’ont dernièrement inspirée. Il y a dans l’écoute de Mozart une spiritualité. Une musique extrêmement savante mais simple, pure et lumineuse. Une réponse au bonheur ? Siphra : Deux siècles plus tard, l’effet magique de votre musique demeure intact, comment expliquez-vous ce succès ? Mozart : C’est que ma musique s’adresse directement à votre âme en vous apportant du bonheur. S. : C’est vrai ; même ignorant, on ressent un plaisir immédiat à l’écoute de la plupart de vos compositions. Elles offrent une combinaison magique de clarté, d’élégance  et de rythme. L’hiver s’annonçant dans le genre « nous allons végéter tout le week-end sur la peau de bête devant la cheminée parce qu’il y a 25 cm de neige, parce qu’il fait un froid de canard et que le soleil sera aux abonnés absents », sauriez-vous transformer les coups de blues et autres ciels gris en une jolie petite musique (de nuit) ?Mozart : Le bonheur est un état éphémère. Il transcende les peurs, la raison et les mauvaises nouvelles. Il sait surtout nous faire oublier les pires instants. Ecoutez mes mélodies… S. : Pardon, mais nous sommes en 2013 ! Est-ce encore raisonnable d’être heureux ?Mozart : La réponse est oui. Mille fois oui. Le bonheur est là, à portée de main, sans limite de temps. A vous de l’attraper !Dans ce numéro, hormis Amadeus, plutôt difficile à croiser, nous avons eu la chance  de faire d’autres belles rencontres. Une grande Américaine – j’ai nommé Uma –, un Jean des plus élégants – j’ai nommé Rochefort –, une dernière interview exclusive pour la Suisse d’un grand nez – j’ai nommé Serge Lutens –, un petit tour au paradis – j’ai nommé les manchots en Antarctique. Petits pics ou belles histoires, investigations de gauche ou de droite, Mozart aurait sûrement pu s’inspirer de toutes ces trajectoires… Aussi, sans avoir la prétention de notre grand Autrichien qui, par ses airs, chœurs, sonates et autres opéras, a le don de toucher les esprits, de les consoler et de leur donner de l’intelligence, nous espérons, à notre manière, vous donner du bonheur à la lecture de ces pages !

Siphra

É- DI-TO

© Benny-t.com

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Hiver 2013

IM- PRESS-UM

Pour s’abonner à TRAJECTOIRE

A retourner àTrajectoire MagazineService des lecteursCh. de la Marbrerie 11227 CarougeSuisse

Abonnement pour 4 numéros à CHF 25.– (1 an) Abonnement pour 8 numéros à CHF 50.– (2 ans)

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ÉditeurAndré Chevalley

Promoco Développement SAChemin de la Marbrerie 1

CH – 1227 CarougeT. +41 (0)22 827 71 00

www.trajectoire.ch

directrice de la rÉdactionSiphra Moine-Woerlen

PublicitÉ & relations PubliquesOlivier Jordan | [email protected]

secrÉtaire de rÉdaction& coordination

Nicole Degaudenzi

resPonsable artistique & graPhisme Carine Bovey

rÉdacteursMathilde Binetruy, Paul-Henry Bizon, Christine Brumm,

Matthias Debureaux, Gil Egger, Fabrice Eschmann, Patrick Galan, Saskia Galitch, Nathalie Koelsch,

Julie Masson, Didier Planche, Manon Provost, Gaëlle Sinnassamy, Marie-France Rigataux,

Viviane Scaramiglia, Christopher Tracy

relecture & correctionsAdeline Vanoverbeke, Caroline Penzes

couvertureMarco Grub | Trunk Archive

tirageTirage vendu : 23’725 exemplairesCertification REMP 2013Période de relevé : 01.07.2012 – 30.06.2013Abonnés payants : 19’403 exemplaires

tirage imPrimÉ24’000 exemplaires

imPressionVogt-Schild Druck AG

diffusionL’abonnement au magazine Trajectoire est proposé aux clients Mercedes-Benz, Volvo, Rolls-Royce, Bentley, Bugatti et Maybach du Groupe André Chevalley SA. Trajectoire est vendu dans les kiosques Naville, envoyé par abonnement aux médecins, avocats, notaires, agences immobilières de Suisse romande ainsi qu’aux membres des clubs de golf et de polo, dans les établissements les plus prestigieux et les hôtels 5 étoiles à Genève, Crans-Montana, Divonne, Lausanne, Montreux, Gstaad, Verbier et Villars.©Trajectoire | La reproduction, même partielle, du matériel publié est interdite. Les pages « Event » n’engagent pas la rédaction. La rédaction décline toute responsabilité en cas de perte ou de dété-rioration des textes ou photos adressés pour appréciation.

abonnements4 numéros : CHF 25.– (1 an) | 8 numéros : CHF 50.– (2 ans)[email protected] – T. +41 (0)22 827 71 00

WebPromoco | Carine Bovey, Nicole Degaudenzi

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1Repérer...

SOMMAIREHiver 2013

2 Rencontrer...

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Hiver 2013

16 LE BUZZ En garde les sots !

20 WHAT’S UP LA ROMANDIE ? Les dernières news du luxe.

32 NEXT IN THE WORLD Tour du monde en 80 secondes !

146 écHAPéE BELLE Un tour du monde… sans quitter la Suisse.

160 UNE VILLE, UN cOUP DE cŒUR Prague, bouillon de culture.

34 VéRONIc DIcAIRE La blonde caméléon.

48 cOVER STORY Uma, divine muse de Tarantino.

66 NIcOLAS BOS Quand l’amour de la création tutoie l’exception.

78 DOSSIER SPéCIAL Les couleurs de la haute joaillerie.

156 SERgE LUTENS Dernière interview de l’esthète exilé.

176 5 MINUTES AVEc… Thierry Lavalley, fonceur, engagé et passionné.

LIFE IS A SMILEH A P P Y S P O R T A U T O M A T I C

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Hiver 2013

3 (s’) Offrir...

SOMMAIREHiver 2013

4 Découvrir

44 LITTéRATURE Nos quatre coups de cœur littéraires.

56 PSYcHO J’aime pas ton cadeau !

70 SéLEcTION HORLOgERE Il est temps de se faire plaisir.

106 AUTOMOBILE Bugatti Veyron Grand Sport Vitesse World Record.

150 BEAUTé Le parfum des sentiments.

30 STYLE AcADéMIE Barbe or not ?

94 DESIgN L’art de la lumière.

114 ON AIME… OU PAS ? A vous de choisir !

122 MODE « A quoi bon l’or, les diamants, les limousines, l’important, c’est dêtre soi, c’est ça que j’adore : Dior. »

164 DESTINATION Antarctique : visite guidée au paradis blanc.

ErratumUne erreur s’est glissée dans le dernier numéro : Il fallait lire Banque Vontobel SA, et non Banque Vontobel Holding SA.

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Hiver 2013

En garde les sots ! Depuis l’élection de François Hollande, sa ministre de la Justice, fer de lance de la loi sur le mariage homosexuel et d’une nouvelle réforme du système carcéral, cristallise toutes les rancœurs de

la droite. Des réactions d’un autre temps qui coïncident avec une inquiétante

montée de l’extrême droite. Alors, pourquoi tant de haine ?

N ous sommes le 25 octobre 2013, à Angers, petite ville bourgeoise des Pays de la Loire, cette ré-gion de l’ouest de la France si soucieuse de pré-server un ordre social mâtiné de catholicisme.

A quelques encablures de là, la Vendée, Philippe de Villiers et son Puy du Fou, et tous ces endroits qui sentent bon la fleur de lys. Autant dire que, dans le coin, « laïc » n’est pas le mot le plus fréquemment utilisé et que La Manif pour tous – c’est ainsi que se nomme le mouvement des opposants au mariage pour tous – compte quelques sympathisants. Voilà pour le décor. Un décor qui ne date pas d’hier et qui, s’il peut en agacer certains, ne déborde généralement pas du cadre de la loi républicaine. Ce matin-là, pourtant, à Angers, petite ville bourgeoise des Pays de la Loire, disais-je, une adolescente entourée de ses parents et de drapeaux bleu et rose a brandi une peau de banane en direction de la garde des Sceaux en hurlant – elle n’était pas seule : « La guenon, mange

ta banane ! » Gloups. Il est parfois difficile d’être confronté à la bêtise dans un stade de football ou au Café du commerce mais, dans ces lieux, en un sens, elle est « pure », machinale, dénuée de fondement autant que de portée. C’est un rot. Lorsqu’elle prend forme au sein d’un mouvement so-cial censé défendre ce qu’on appelle com-munément des « valeurs », elle se charge d’une puissance qui la change en haine. Au rang de ces manifestations, on peut aussi ranger l’invective d’un curé en sandales qui, au micro d’un cortège, répétait « Y’a bon Banania, Y’a pas bon Taubira ! », ou cette militante du Front national qui, de-vant les caméras, expliquait que la ministre

Buzz ! CHRISTIANE TAUBIRA Texte Paul-Henry Bizon

L’ACTU

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Hiver 2013

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Hiver 2013

RUE DU RHÔNETexte Nicole Degaudenzi

Cartier N°35Intégrant parfaitement la façade, la nouvelle boutique en-tièrement rénovée, offre aux visiteurs un écrin précieux de plus de 1’000 m2. « Nous souhaitons véhiculer la majesté de la maison Cartier tout en maintenant le sentiment d’in-timité », explique Guillaume Alix, directeur pour le marché suisse. Traitée comme un appartement avec une enfilade de salon, la boutique, est répartie sur trois étages ac-cueillant désormais des ateliers de restauration ainsi que ceux destinés au Poinçon de Genève. Une approche rare qui promeut le patrimoine de la maison. www.cartier.com

Silk & CaShmere N°42

Silk & Cashmere, l’art de mettre en lumière des étoffes très qualitatives « cashsoie », un mélange de pure soie et de pur cachemire provenant exclusivement de Mongolie et fa-vorisant l’économie locale. Nichée au cœur de la rue du Rhône, la marque ouvre son premier point de vente gene-vois et en profite pour souffler sa 20ème bougie.www.silkcashmere.com

Chanel N°43

Que la maison Chanel ait le sens du spectacle, personne n’en a jamais douté. Mais qu’elle conjugue à ce point la perfection nous a laissés sans voix, à tel point qu’on revien-dra plus longuement dans un tout prochain numéro sur cet espace de 380 m2, imaginé par l’architecte Peter Marino. On y retrouve tout ce qui a construit le mythe de Made-moiselle Chanel : bronzes, tweeds, laques, nacre, sculptures, mise en scène d’une créativité exemplaire dans les domaines du prêt-à-por-ter, de la couture, de la joaillerie, de l’horlogerie et des accessoires. Une expérience inoubliable !www.chanel.comDe FurSaC

N°48

La maison française De Fursac, fondée il y a quarante ans, a ouvert son premier corner en Suisse romande dans le grand magasin Globus. Devenue la référence du prêt-à-porter masculin haut de gamme, la griffe privilégie avant tout la qualité, le style et le souci du détail. Une empreinte destinée aux hommes résolument urbains et raffinés. www.defursac.fr

Dior N°60

Fidèle à l’esprit de la première boutique parisienne de Monsieur Christian Dior, avenue Montaigne, le nouvel es-pace genevois, imaginé par l’architecte new-yorkais Peter Marino, a su en conserver l’essence : une ambiance d’hôtel particulier des beaux quartiers et une vitrine volontairement minimaliste mettant en scène l’essentiel avec harmonie. Tous les codes du chic à la française sont là !www.dior.com

ermenegilDo Zegna N°80-84

Dans un cadre mêlant harmonieu-sement style intemporel et élégance sophistiquée, la nouvelle boutique Ermenegildo Zegna a ouvert ses portes aux gentlemen genevois. Plus de 300 m2 d’espace de vente où le savoir-faire italien se retrouve dans la collection comme dans le service, avec notamment un espace de confection sur mesure, une ex-clusivité en Suisse !www.zegna.com

Focus sur la rue du Rhône, où tout se forme et se tra

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né. Et l’on se prend à imaginer que la rue sera un jo

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Hiver 2013

FAITS DIVERS

L’année 2013 avait commencé sous le signe du faux. Lors du premier déjeuner officiel célébrant son second mandat, Barack Obama trinquait avec du vrai faux champagne de Californie. Ordinairement, l’utilisation

du terme « champagne » est exclusivement réservée aux vins pro-duits en Champagne. Alors, comme le président américain, rem-placez le « roi des vins » par une vulgaire blanquette de Limoux ou du mousseux originaire de zones saugrenues comme le Piémont, la Galice ou même l’Arménie, comme en témoigne une saisie des douanes belges il y a quelques années. Et si un collègue surpris en train de sortir des étiquettes sur la photocopieuse de l’entreprise vous propose un champagne « déclassé » à bas prix produit par le frère du mari de la cousine de sa femme, commandez-lui plusieurs caisses les yeux fermés.

Pour le foie gras, orientez-vous vers la filière chinoise, qui a déposé la marque « Périgord ». Ces foies mal manipulés, couverts d’hé-matomes et conçus dans des conditions d’hygiène épouvantables sentent idéalement un fort goût de volaille avariée. Interdit en Europe à cause des risques

A l’approche des fêtes, la contrefaçon de produits alimentaires de luxe va encore inonder un marché de plus en plus organisé. Après enquête, nous avons composé pour vous le pire menu de réveillon.

Réveillon Texte Matthias Debureaux | Photos Klaus Pilcher

de grippe aviaire, on pouvait encore, il y a peu, se les procurer sur des sites américains de commerce en ligne. Par contre, sachez que des truffes chinoises poussant sur les contreforts de l’Himalaya et qui servaient autrefois d’aliments pour les porcs sont im-portées en Europe à très grande échelle en toute légalité. Leur apparence est absolu-ment identique aux véritables truffes noires françaises. Dénuées de goût, elles seront gorgées d’arômes artificiels avant d’être vendues sur les marchés. Quant au faux ca-viar, voilà sans doute la denrée contrefaite la plus facile à trouver, à commencer par les œufs de lump. Mais, ces derniers temps, un produit illicite est parvenu à bluffer l’Union des fabricants (UNIFAB), premier orga-nisme de lutte contre la contrefaçon dans le monde. Il s’agit des huîtres. Plus particuliè-rement l’Hermès de l’huître : la Gillardeau.

NOIR

Réveillon Texte Matthias Debureaux | Photos Klaus Pilcher NOIR

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Hiver 2013

FAITS DIVERS

en captivité depuis 2004, doit sa fortune initiale au trafic de faux cognac. En pleine perestroïka, ce business lui a permis de fonder une banque en moins de trois ans, la Menatep, qui sera la future holding de son groupe. Mais la production de cognac chinois, mal-gré la reconnaissance récente de l’appellation charentaise par les autorités chinoises, n’est pas en reste. Quand de petites officines ne collent pas des étiquettes « Vieux Cognac 1788 » sur d’infâmes breuvages, des recycleurs achètent des stocks de bouteilles vides à la sortie des boîtes de nuit et des restaurants avant de les remplir de faux cognac.

Achevez enfin ce joyeux festin avec un faux Cohiba au goût râpeux mais unique. En effet, des analyses de cigares cubains contrefaits ont mis au jour une variété de débris allant des particules de sciure et de verre aux excréments de souris. —

Des fausses Gillardeau sont ainsi vendues dans des bourriches qui ressemblent parfaitement à celles de la célèbre marque de fruits de mer. Mais ce sont des copies de morne qualité, qui n’ont pas la couleur blanche ni la forme bombée de l’originale.

Pour l’accompagnement de votre menu, offrez-vous des imitations de grands crus. Comme ceux de l’escroc Rudy Kurniawan, arrêté par le FBI en mars 2012 après avoir écoulé des centaines de bouteilles de Petrus, de romanée-conti ou de Château Latour dans les ventes aux enchères. En mélangeant différents vins cali-forniens récents dans sa cuisine, cet alchimiste était capable d’obtenir un pomerol de l’année 1947. En guise de digestif, si vous ne craignez pas l’hospitalisa-tion d’urgence, comment refuser un faux cognac russe ? Rappelons que l’ennemi intime de Poutine, l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski,

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Hiver 2013

COVER

Divine Uma

Texte Manon Provost et Siphra Moine-WoerlenPhotos Marcus Mam et Felix Lammers > Figarophoto.com

D’un carré brun taillé par Tarantino dans « Pulp

Fiction » à la sensualité baroque sculptée par

David LaChapelle pour les besoins d’un soda, Uma

Thurman voltige d’un univers à l’autre, ne cédant

que rarement au confort d’un blockbuster. Libre,

indépendante et discrète, elle est une muse pour

le cinéma de genre américain. Une amazone aux

yeux bleus en amande et à la silhouette longiligne

qui fait crépiter l’imaginaire des cinéastes et vibrer

la toile blanche. Son prochain frémissement se

nomme « Nymphomaniac », de Lars von Trier, où

elle campe Mrs. H. Conversation.

Divine Uma

Texte Manon Provost et Siphra Moine-WoerlenPhotos Marcus Mam et Felix Lammers > Figarophoto.com

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Hiver 2013

P ourtant, devenir mezzo-soprano professionnelle ne fut pas forcément une évidence. Poésie, écriture et théâtre, Marie-Claude Chappuis a toujours préféré l’art dans sa globalité. « J’aurais aimé devenir critique », confie-t-elle. Mais son père

étant chef de chœur et sa mère dirigeant une chorale, c’est depuis toujours qu’elle chante. Des chansons d’abord; elle voulait presque en faire son mé-tier (au contraire de ses consœurs Natalie Dessay – qui vient d’enregis-trer un disque avec Michel Legrand – et Anne Sofie von Otter…). Puis des remplacements au pied levé et des rôles, de plus en plus importants, aussi différents que compliqués, dans lesquels les metteurs en scène et autres

chefs d’orchestre la voient comme une étoile.L’Etoile justement. C’est dans cette production que le coup de foudre se produit entre Jérôme Savary et Marie-Claude Chappuis. « J’ai eu un plaisir immense à travailler avec lui. Le métier serait tellement plus facile si l’on cô-toyait toujours des personnes aussi res-pectueuses et brillantes. Sa création est vibrante et généreuse et jamais dans la censure. C’est juste palpitant. »On se dit alors que le metteur en scène a dû se régaler avec une interprète qui possède une tessiture aussi étendue. En effet, notre artiste est reconnue pour se distinguer dans des rôles demandant beaucoup de flexibilité. « Le fait d’avoir abordé beaucoup de genres musicaux, du baroque au contemporain, me per-met de me balader dans tous les re-gistres ! » On se pose alors la question de savoir comment elle aborde les dif-férents rôles – souvent de travestis –, qui la font naviguer entre des notes de contralto et des écritures plus basses, comme c’est un peu le cas pour le rôle du Prince Orlovski dans La Chauve- souris de Strauss, qu’elle interprète actuellement au Grand Théâtre de Genève. « Je ne cherche pas à masquer forcément l’homme, mais j’essaie plu-tôt de trouver son aspect profond pour m’en inspirer dans mon chant. Il est im-

portant de rentrer dans le personnage pendant toute la soirée et d’aborder le rôle avec beaucoup d’inspiration. Finalement, homme ou femme, quand on se prend au jeu, c’est un peu la même chose… ! »Sa voix est son âme, et elle a parfois peur pour elle. Chanter est devenue sa vie. Son tout. On a envie de retenir une de ses phrases : « Servir l’art, c’est un peu servir le ciel. » Jolie conclusion pour une belle personne.Rendez-vous au Grand Théâtre pour l’écouter. —

Marie-Claude ChappuisTexte Siphra Moine-Woerlen

Elle chante au Staatsoper de Berlin, au Festival de Salzbourg, au Grand Théâtre de Genève, au Festival d’Aix-en-Provence, à l’Opernhaus de Zurich, au Theater an der Wien… sous la direction de Riccardo Muti, de Giovanni Antonini, de René Jacobs, de Riccardo Chailly, de Sir Roger Norrington ou de Nikolaus Harnoncourt, mais revient toujours se ressourcer à Fribourg, sa ville natale. Rencontre avec une magnifique interprète du répertoire baroque, classique et romantique, plus connue des grandes scènes que du public suisse…

RENCONTRELyrique

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L’autobiographie de Nabilla reliée pleine peau, la poubelle de table en porcelaine de Limoges, la polaire rose fluo ou la cravate Titi et Grosminet, l’art d’offrir et… de recevoir nécessite un certain talent. Décryptage d’un rituel moins anodin qu’il n’y paraît.

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Texte Gaëlle Sinnassamy | Photo Carine Bovey

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Texte Gaëlle Sinnassamy | Photo Carine Bovey

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Hiver 2013

RENCONTREJoaillerie

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Hiver 2013

Nicolas Bos, nommé à la tête de Van Cleef & Arpels le 1er janvier 2013, incarne avec élégance et brio cette grande maison de joaillerie qui a gardé la vivacité créative de ses débuts, il y a plus d’un siècle déjà. Rencontre.

Pour l’amour de la création Texte Nathalie Koelsch | Photos Patrick Swirc

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Hiver 2013

SÉLECTIONHorlogère

L’ horlogerie suisse est de moins en moins accessible et toujours plus uniforme, en-tend-on çà et là. La sélection que voici – joli panorama des possibles horlogers –

prouve le contraire! Premièrement, un certain nombre de très belles marques se sont donné pour mission de proposer une horlogerie de qualité à des prix rai-sonnables. Cela restera certes toujours une dépense conséquente. Mais l’immense travail et l’incroyable savoir-faire qui se cachent derrière la réalisation d’un mouvement mécanique de précision – parfois entière-ment accompli à l’interne et pour un prix extrêmement compétitif – doivent nous faire relativiser la somme in-vestie. Exemple extrême mais rendu possible par une longue tradition de recherche et de développement, la Swatch Sistem 51 est sans aucun doute la moins chère des montres mécaniques suisses de tous les temps.

Deuxièmement, cet échantillon – qui doit par ailleurs susciter chez vous l’envie de découvrir l’univers de l’hor-logerie – révèle la grande diversité des modèles: clas-siques ou technologiques, mécaniques ou à quartz, en or ou en acier, sobres ou compliquées, les montres pro-posées ici sont à l’image des amateurs du monde entier. Il y aura évidemment toujours des modes et des ten-dances, mais celles-ci ne seront jamais que des feuilles flottant à la surface de l’eau : on peut facilement les écar-ter de la main en se baignant.Enfin, si la catégorie « séries limitées et pièces uniques » est là pour rappeler que la haute horlogerie peut at-teindre des sommets – côté prix, mais aussi du point de vue artistique et mécanique –, il est réjouissant de constater que de très grandes marques sont acces-sibles à moins de 15’000 francs, et même à moins de 10’000 francs. Faites votre choix ! —

La richesse de l’horlogerie suisse ne s’observe pas que dans les diamants ou les carats, mais également dans l’incroyable diversité de marques, de modèles et de prix. Petit tour d’horizon pour toutes les bourses.

Le temps c’est de l’argent ! Texte Fabrice Eschmann | Sculpture de verre Dale Chihuly

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Baume & MercierClifton Calendrier CompletDe l’élégance et de la poésie avec ce modèle qui propose les fonctions heures, minutes, se-condes, date, jour, mois et phases de lune. Son mouvement automatique Dubois Dépraz est vi-sible par un fond ouvert. Le boîtier en acier est de 43 mm de diamètre. CHF 4’550.–

Swatch Sistem 51Première mondiale pour les 30 ans de la Swatch: l’assemblage du mouvement mécanique de cette petite dernière est entièrement automatisé ! Ses 51 composants sont soudés les uns aux autres et centrés par une seule vis. Moins de CHF 200.–

Raymond WeilLady maestro Phase de LuneUn cadran en nacre, un sertissage de 68 dia-mants, une phase de lune en plus de la date : la première montre à complications féminine de Raymond Weil est une réussite. Pour plus d’élé-gance, cette pièce bénéficie en outre du système breveté de poussoirs intégrés au boîtier. CHF 4’600.–

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Dès CHF 5’000.–

Jaeger-LeCoultreGrande Reverso Lady Ultra ThinFruit de la période Art déco, la Reverso fut à l’origine conçue pour les joueurs de polo qui ne voulaient pas abîmer leur montre. Cette version féminine et ultra-plate (7,17 mm), qui abrite un calibre mécanique, reprend le mécanisme de volet réversible qui a fait son succès mondial. CHF 7’700.–

CartierTank Anglaise Petit ModèleCe modèle se porte aussi bien en jeans qu’en tailleur. Son boîtier en or rose 18 ct de 30,2 x 22,7 mm intègre un remontoir à neuf pans d’une rare ingéniosité. La couronne, quant à elle, est sertie d’un cabochon en saphir. Mouvement à quartz. CHF 9’450.–

TAG HeuerCarrera Calibre 887 Edition Jack HeuerHommage à l’un des premiers chronographes conçus pour les sports mécaniques, ce modèle est doté d’une lunette en acier et carbure de titane noir, ainsi que d’une carrure en titane et acier sa-blé. Son calibre de manufacture est un mouve-ment chronographe intégré à roue à colonnes. CHF 6’900.–

Omega Seamaster Aqua Terra 15’000 GaussConcentré de technologie, le mouvement de cette pièce a été entièrement repensé, en termes de matériaux, de design et d’industrialisation, pour le rendre insensible aux champs magnétiques. Son spiral est en silicium, son échappement Co-Axial en nickel-phosphore et plusieurs autres composants en titane. CHF 5’950.–

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JOAILLERIE

P our nous permettre d’entrer tout éveillé dans le rêve coloré de la haute joaillerie, Trajectoire propose une immersion au cœur de collections d’exception et nous ouvre les portes de quelques grandes maisons, qui donnent tout son sens à cette merveilleuse discipline. Cartier, Bulgari, Van Cleef & Arpels, Dior, Chaumet, Chanel, Mellerio dits Meller, des plus anciennes aux plus jeunes, des françaises aux italiennes, toutes dé-

voilent avec gourmandise les secrets de leurs plus belles créations, ces trésors qui, au terme d’un travail appliqué, de la recherche assidue des plus belles gemmes, de finitions précises et méticuleuses, délivrent une vive émotion. Loin d’être un choix exhaustif, ces premières sélections expriment la diversité de la haute joaillerie, tandis que les autres grandes maisons feront l’objet d’un nouveau voyage, lors d’une prochaine parution, afin de poursuivre l’extraordinaire découverte d’un savoir-faire ancestral qui, loin d’être figé, a su évoluer au rythme des tendances et des nouveaux modes de vie, pour garder tout son lustre et sa magie. —

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Mirages de beauté, pièces uniques composées de gemmes affolantes, de dentelles de métal, d’arabesques et d’associations de couleurs audacieuses et incroyables, toutes ces caractéristiques expriment l’excellence et les mystères de la haute joaillerie.

Les couleurs de la haute joaillerie Texte Nathalie Koelsch | Illustrations Carine Bovey

Cartier

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Avec des titres de noblesse à n’en plus finir, des superlatifs pour évoquer son incroyable parcours au firmament, Cartier ne cesse d’éblouir et de surprendre. 2013 s’avère une excellente année pour Cartier qui, d’une part, bouleverse les sens avec L’Odyssée – une collection de haute joaillerie riche en émotions – et qui, d’autre part, n’hésite pas à entreprendre un retour sur sa fabuleuse histoire, à l’occasion d’une exposition au Grand Palais, « Cartier. Le style et l’histoire », qui a débuté le 4 décembre 2013.

L’Odyssée, la nouvelle collection virtuose de Cartier, composée de 600 bijoux et présentée à Lisbonne à des clients fascinés et à quelques journalistes privilégiés, ouvre des horizons stylistiques inédits. A travers cet

ensemble d’une incroyable diversité, Cartier poursuit son voyage imaginaire vers des contrées inconnues, avec pour tout bagage son histoire, son savoir-faire, sa culture et son regard sur les pierres et leur pouvoir. Riche de mille facettes colorées, L’Odyssée ouvre une nouvelle fenêtre sur un autre continent, une Afrique imaginée, où la puissance côtoie la vitalité et la sensualité.

Envoûté par ses formes généreuses et ses matières flamboyantes, Cartier s’empare de la palette africaine, la transforme et l’inter-prète selon ses codes raffinés. Tous les paysages de cette contrée lointaine, inondée de soleil et de chaleur, se retrouvent dans ses créations. Les pierres aux teintes chaudes, comme le quartz rutile, l’obsidienne, la topaze dorée, la tourmaline jaune, résonnent d’une force en accord avec les motifs traditionnels et le pelage des ani-maux qui inspirent les parures. Avec cette collection, Cartier dé-voile sa face cachée, son audace pour les associations inédites en haute joaillerie et ses qualités de magicien lapidaire, capable de transformer les pierres pour en faire jaillir l’émotion la plus vive. Entre les parures solaires, baignées d’ocre, de sable et de lumière, les cercles concentriques répétés comme un reflet au loin, l’éclat de l’or et des diamants bruns soulignés d’obsidienne ou d’onyx, le joaillier invite au voyage vers des contrées étincelantes et ensorce-lantes.Il a rapporté de son expédition un fascinant collier qui évoque les

JOAILLERIE

Dior

Victoire de Castellane, créatrice de Dior Joaillerie, excelle dans l’art épistolaire. Depuis son arrivée à la tête de la direction artis-tique de la maison, elle a entamé une conversation suivie avec Christian Dior qui, dès 2012, s’est transformée en correspondance : après « Dear Dior », elle lui écrit « Cher Dior », une missive plus in-time, à l’image de ces 21 pièces de joaillerie, concentré de pré-cieux et de finesse. En hommage à Christian Dior, elle évoque leur passion commune pour la couleur. Comme sur un tissu, les teintes des gemmes se répondent, se bousculent, s’accordent, s’harmoni-

sent pour créer le plus beau des tableaux. A l’instar de la couture qui soigne ses doublures, la face cachée des montures des bijoux est joliment travaillée, découpée et ciselée. La bague Cher Dior Exquise Emeraude mêle avec brio diamants, émeraudes, tourma-lines de Paraïba, grenats démantoïdes et saphirs dans un festi-val de couleurs froides qui, associées, explosent de vivacité. Les boucles d’oreilles Cher Dior Exquise Rubis étincellent et chatoient dans une pluie de rubis, saphirs, saphirs jaunes et roses et grenats spessartites.

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Chaumet Chaumet, la plus ancienne maison de haute joaillerie de la place Ven-dôme, celle qui a couronné Napoléon et Marie-Louise et reçu dans ses salons les plus illustres visiteurs, retrouve enfin dans la collection Hortensia les codes qui ont fait sa renommée. Le métal précieux dis-paraît pour ne laisser que les pierres s’exprimer. Avec délicatesse, fé-minité et raffinement, celles-ci recréent la broderie végétale d’un jar-din imaginaire. Inspirée par l’hortensia, la maison joue de ses variétés infinies. Stylisée, ajourée, sculptée, cette fleur étonnante s’inscrit dans le style naturaliste de Chaumet pour devenir une collection de bijoux de sentiments autour de trois teintes : le charme du rose poudré pour les sentiments naissants, l’intensité du rouge pour les sentiments pro-fonds et la grâce du bleu pour les sentiments audacieux. Comment ne pas fondre de bonheur et d’émotion devant le collier Hortensia de Chaumet, réalisé dans un camaïeu de rose, entre l’or rose, les rubis, les saphirs roses, les grenats rhodolites et les tourma-lines rouges et roses?

JOAILLERIE

Bulgari

Bulgari, le joaillier italien le plus célèbre et le plus prestigieux au monde, reconnu pour son sens des volumes et sa passion pour la couleur, poursuit son œuvre dans un élan créatif coloré et multi-forme. Les premiers chapitres de son histoire commencent avec l’ouverture de sa boutique d’origine, en 1884 à Rome, où il devient le fer de lance de « l’école italienne ». Depuis plus d’un siècle, Bulgari suit les tendances, les invente et les immortalise au gré des modes, instillant dans ses collections ce charme, cette élégante désinvolture follement italienne. Son in-ventivité, ses audaces s’expriment dans une opulence savamment étudiée, tandis que ses émeraudes fascinent, que ses chatoyantes

associations de couleurs séduisent, sans oublier les stars, d’Anna Ma-gnani à Elizabeth Taylor, qui ont été ses plus belles ambassadrices. Flamboyantes et attachantes avec leurs cabochons ronds et lisses, ses dernières collections de joaillerie Diva et The one of a kind rendent hommage à la féminité et osent d’insensés mariages de couleurs. Sur son extraordinaire collier collerette composé d’un in-croyable appairage de 17 rubellites cabochons de 400,52 carats, le rose des tourmalines épouse harmonieusement le vert de sept ca-bochons de péridots et celui de douze cabochons de spessartites, l’ensemble étant agrémenté de diamants. Une opulence chargée d’émotion !

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Chanel Sous le signe du Lion, et sous sa protection, Gabrielle Chanel a re-trouvé le goût de survivre à son grand amour, et de poursuivre sa conquête du monde. Comme un signe du destin, Venise l’a éblouie et marquée à jamais, à l’image de son lion. Roi du zodiaque, solaire et majestueux, gardien veillant sur la Sérénissime, dont il incarne la force et la beauté, le lion occupe une place toute particulière dans l’imaginaire de Gabrielle Chanel. La nouvelle collection de haute joaillerie de Chanel, Sous le signe du Lion, met en scène cet animal emblématique à travers 58 pièces ex-ceptionnelles. En or blanc et diamants, il prend l’apparence du motif du lion de Venise. En hommage au lion de la basilique Saint-Marc, il se pare de lapis-lazulis ; monté sur platine et serti de diamants, il se transforme en lion royal ; baroque et solaire orné de saphir jaune, de citrine, de béryl, de topaze et de grenat, il incarne l’univers étin-celant de Mademoiselle Chanel. Librement inspirée par ce lion em-blématique, la collection raconte en pierres précieuses l’histoire de la créatrice.

JOAILLERIE

Graff, fondé en 1960, est né de l’amour passionné de son créateur, Laurence Graff, pour les pierres extraordinaires, et particulière-ment pour les diamants. Après plus de cinq décennies passées au sommet de son art, Graff poursuit son incessante ascension à la re-cherche de l’innovation et de l’excellence, maîtrisant chaque étape de la fabrication du bijou, de l’achat des pierres brutes au cœur

des exploitations minières à leur taille et leur polissage jusqu’à leur montage, pour réaliser une pièce d’exception. Les pierres les plus extraordinaires sont passées entre les mains de Graff. Aujourd’hui, sa collection de haute joaillerie, Iconic cuff, composée de man-chettes de diamants blancs et jonquille et Carved jewellery, aux éblouissantes émeraudes, est un spectacle de toute beauté.

Graff

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Mellerio dits Meller, le plus ancien joaillier du monde, fête cette année son 400ème anniversaire. En 1613, Marie de Médicis, reine de France, accordait par décret royal des privilèges aux Mellerio et donnait ainsi naissance à la plus ancienne dynastie de joailliers. Elle restera leur protectrice et leur première grande cliente. Joaillier des têtes couronnées du monde entier, mais également des personnages célèbres qui ont parcouru l’histoire, Mellerio dits Meller est aujourd’hui un joaillier contemporain, aux lignes ac-tuelles riches d’innovation technique et stylistique. Sa collection anniversaire s’autorise un retour en arrière, pour rendre hommage à la personnalité inouïe de Marie de Médicis et à sa passion im-modérée pour les bijoux. Les lignes fluides et sensuelles de la collection Médicis épousent le corps, glissent autour du cou, s’ac-crochent sur un joli décolleté, laissent entrevoir la peau. Le lys qui la compose se multiplie, s’enroule autour des doigts, prolonge un col, se transforme telle cette tiare devenue collier.

Mellerio dits Meller

Lampe Objective, de Jean Nouvel, éditée par Artemide.

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DESIGN

L’esthétique du miracleTexte Manon Provost

L a lumière. Jaune. Blanche. Eclatante. Captivante. Récon-fortante. Au commencement, elle était une lueur, la cha-leur d’une flamme qui se consume, une bougie qui se li-quéfie. L’homme, le scientifique, se brûle les doigts mais

repousse les lois de la physique. Lampes à gaz, à pétrole et à es-sence, les inventions se succèdent au cours du XIXe siècle comme si la lumière était un synonyme de progrès, une source inépuisable d’idées. Brillante, l’ampoule électrique d’Edison ouvre en 1878 la voie de la lumière domestiquée. Celle à laquelle les designers vont ensuite se mesurer. Une matière impalpable qu’ils cherchent à apprivoiser, façonner, modeler pour éclairer, réveiller, réchauffer, sculpter, sublimer les intérieurs de tout un chacun. Aujourd’hui, il suffit d’appuyer sur un interrupteur pour actionner la lumière. Der-rière ce simple geste se cache une haute technologie – LED, OLED – aux limites sans cesse repoussées. De nouveaux composants qui se chargent de dissimuler toute la technicité qu’induit un tel procé-dé. Se manifeste alors ce que Jean Nouvel a appelé l’« esthétique du miracle ». La lampe n’est plus une simple source lumineuse ou un outil du quotidien, elle est un objet de pointe, une prouesse de technologie. Tantôt conceptuelle, tantôt décorative, elle révèle sa pluralité par une multitude de formes. Posées, accrochées, fixées, suspendues, les lampes se déclinent à l’infini en alliant toujours l’utile à l’agréable. En perpétuelle évolution, le monde du luminaire gravite autour du progrès et du savoir-faire, de l’innovation et de la tradition. Une prérogative qu’affectionne Artemide depuis 1960. Cette maison d’édition italienne, fondée par Ernesto Gismondi, refuse de choisir entre savoir-faire ancestral et quête de moder-nité. Sous la carapace lisse et fragile d’un verre vénitien soufflé s’active un noyau électronique de la technologie LED. Une al-liance sacrée que cristallise la lampe Empatia, dernière création

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Lampe Empatia, de Carlotta de Bevilacqua, éditée par Artemide.

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années 1990 par le programme The Human Light qu’elle pilote au sein d’Artemide – constitue le socle philosophique d’un de-sign intelligent et raisonné. Avec la lampe Empatia, présen-tée en septembre dernier à la Paris Design Week, Carlotta de Bevilacqua s’illustre dans un travail d’équilibre entre force et légè-reté. Ici, l’apparente fragilité du verre soufflé laisse transparaître l’efficacité de la LED. A la rondeur italienne, le designer français Jean Nouvel répond par un monolithe cylindrique, Objective, di-visé en quatre parties indépendantes. Pour chacune d’elles ont été conçues des fonctionnalités et des intensités de lumière dif-férentes. Un petit bijou d’innovation dont la prouesse technolo-gique ne vient pas amputer la dimension créative. Pour certains designers, les luminaires sont aussi les vecteurs d’un art de vivre.Sur la rive gauche parisienne, en plein cœur de Saint-Germain-des-Prés, s’exprime l’Amérique. En dix ans d’existence, l’éditeur fran-çais Triode s’est imposé comme une référence en matière de design « made in outre-Atlantique »: « Sans prétention, nous pro-posons des mélanges étonnants et détonants, qui ne sonnent ja-mais comme une évidence. Dans notre showroom, nous cherchons à créer une atmosphère singulière et causante, dans laquelle, en définitive, chacun peut se sentir chez lui », partage Jacques Barret, fondateur de Triode. Et le home sweet home s’accessoirise de sus-pensions à la fois fantasques et rustiques, comme celles de Jason Miller. Cette tête pensante du nouveau design américain possède sa propre maison d’édition de luminaires, Roll & Hill, et vient de produire Superordinate Antler. Une collection de lustres et d’ap-

organique et semi-transparente de la de-signer Carlotta de Bevilacqua. On ne pré-sente plus cette figure italienne du design contemporain, connue pour ses travaux de recherche sur l’architecture comme composante du mieux-vivre. Son ap-proche humaniste – consolidée depuis les

L’esthétique du miracleTexte Manon Provost

De la simple ampoule mise à nue par Plumen à l’extravagant plafonnier en finition or dessiné par India Mahdavi pour l’hôtel londonien The Connaught, les luminaires prennent des formes inattendues et insolites. Derrière l’artifice réside l’art du designer, celui de dompter la lumière pour réchauffer nos intérieurs hivernaux.

Lustre Antler à 12 chandeliers, de Jason Miller, édité par Roll & Hill et distribué par Triode.

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FINANCE

core) soumises aux mêmes réglementations contraignantes que les institutions finan-cières des pays où elles développent leur activité. Toutefois, des législations assou-plies commencent à émerger aux Etats-Unis (obligation pour l’investisseur d’être accré-dité par la loi américaine, par exemple) et en Europe, afin de réguler cette pratique inno-

Se financer grâce au crowdfunding Texte Didier Planche

Contrairement aux start-up actives dans les medtechs, les biotechs ou le high-tech, celles des secteurs traditionnels peinent à se procurer du capital. Elles peuvent désormais recourir à la pratique du crowdfunding.

D epuis peu, des plateformes internet dédiées au fi-nancement participatif mettent en relation directe des porteurs de projets de toute nature avec des investisseurs potentiels, qu’il s’agisse de particu-

liers (les backers), de sociétés de capital-risque, de microfinance, de business angels ou de fonds d’investissement. Il existe actuellement plus de 800 sites fonctionnels (en majorité anglo-saxons), ou en pré-lancement à travers le monde, à l’instar de Kickstarter, Indiegogo, InvestedIn, GlobalGiving, Fengarion, ArtistShare, My Major Com-pany, KissKissBankBank, Upstart, Pave ou Kiva, pour ne citer que les plus connus. Généralistes ou spécialisées dans une thématique, ces plateformes de crowdfunding – ou financement participatif – nées des réseaux sociaux, permettent de lever des capitaux parfois en donations, mais le plus souvent avec une contrepartie en titres (equi-ty crowdfunding) ; d’autres formules sont aussi utilisées, comme la participation aux bénéfices en guise de retour sur investissements, les prêts convertibles (crowdlending) et même les contre-affaires en nature, avec l’offre de cadeaux, d’invitations à des événements culturels, etc. Encore peu connu du grand public, le crowdfunding progresse également en Suisse (surtout alémanique) grâce aux sites Wemakeit, 100-days, Investiere, Moboo, C-Crowd, Eventilt, Wiseed, parmi d’autres. En 2012, l’ensemble des plateformes existantes, qui prélèvent gé-néralement des commissions de 5 à 10% sur les montants levés, ont généré 2,7 milliards de dollars sur le plan mondial, pour plus d’un million de projets présentés, et, selon les prévisions, ce montant pourrait s’élever à 5,1 milliards cette année. Les quelque 450 pla-teformes européennes ne sont pas en reste, avec 945 millions de dollars de transactions (1,3 milliard prévu en 2013).

Embrouillamini juridiquEComme ces plateformes d’intermédiation n’ont, la plupart du temps, aucune définition juridique propre, elles semblent (en-

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vante de financement. En France, la réglementation à l’étude concerne, entre autres, le niveau requis des fonds propres des sociétés exploitant des plateformes de crowdfunding,

qui serait cependant moins élevé que celui exigé pour les institutions finan-cières classiques; un statut de conseiller en financement participatif pour-

rait également se substituer à celui de prestataire de services d’inves-tissement; quant aux montants des capitaux prêtés et empruntés, ils

seraient plafonnés. En Suisse, l’autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) suit de près l’évolution du financement participatif; d’ailleurs, elle s’inquiéterait même de l’ampleur du phénomène. Ses juristes tentent donc d’élucider la question de savoir si les sociétés concernées par ces sites nécessitent une autorisation bancaire ou si

elles relèvent plutôt de la loi sur les placements collectifs, sans oublier bien sûr celle sur le blanchiment d’argent, rigueur helvétique oblige. Outre le flou juridique qui l’entoure, le crowdfunding compte encore d’autres obstacles à sur-monter, et non des moindres. Ces derniers concernent surtout le risque de perte

des prêteurs – souvent de petits épargnants – ou d’escroquerie, et la transpa-rence de l’information, qui semble faire gravement défaut.

Selon la plateforme en ligne CapitalProximité (Lausanne), qui met en relation les entrepreneurs de Suisse romande avec des investisseurs privés susceptibles de financer leur développement ou leur trans-mission, en plus de proposer des services d’accompagnement personnalisés, le crowdfunding devient une étape incontour-nable pour lever des fonds, en tout cas pour certains types de sociétés et de produits; cette plateforme observe aussi que les Alémaniques sont plus ouverts aux nouvelles tendances du finan-cement que les Romands, montrant de l’intérêt pour les modèles

d’origine anglo-saxone. Compte tenu des besoins récurrents des start-up en capitaux, alors même que ceux-ci tendent à se raréfier

à cause de la conjoncture mondiale frileuse et de réglementations d’investissement de plus en plus strictes, le crowdfunding, considéré

comme une alternative aux pratiques plus traditionnelles du financement, connaît un essor fulgurant. Néanmoins, la prudence s’impose avant d’engager

ses économies… —

Se financer grâce au crowdfunding Texte Didier Planche

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NOUVEAUTÉAutomobile

Le roadster le plus rapide du monde Texte Gil Egger

Son seuil de porte arbore une

signature au feutre argenté et un chiffre :

408,84 km/h. La Bugatti Veyron Grand Sport

Vitesse a atteint cette allure, le record du monde

pour un roadster. Huit autres ont été construites, réservées aux amateurs de véhicules

réellement exceptionnels.

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ugat

ti

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La femme panier de Valérie Blass

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Le luxe, ce n’est pas le contraire de la pauvreté mais celui de la vulgarité.Gabrielle Chanel

La femme panier de Valérie Blass

Rue de la Croix-d’Or 19A – 1204 Genève – Suisse – T. + 41 22 310 85 25 – [email protected] – www.relaischateaux.com

LES COFFRETS CADEAUX CRÉATION 14 EXPÉRIENCES D’EXCEPTION

Nos nouveaux Coffrets cadeaux sont de véritables créations, façonnées par nos Maîtres de Maison et Chefs à votre attention. Un pur extrait d’Art de vivre et d’authenticité, un passeport pour l’éveil des sens et des émotions : • prestations pour 2 personnes disponibles dès CHF 210.–• utilisables dans près de 350 établissements Relais & Châteaux dans le monde• valables pendant 2 ans (à compter de la date d’achat)

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EN VOGUEChristian Dior

Monsieur le couturier Texte Manon Provost | Photos Richard Avedon, Patrick Demarchelier et Mikael Jansson

Père fondateur du New Look en 1947, Christian Dior a marqué le monde de la mode en seulement dix ans de création et 22 collections. De la femme-fleur aux silhouettes en H, il a revêtu l’habit de l’élégant pourfendeur, se faisant l’architecte d’une mode généreuse, florale et géométrique. Un style où la couture est signe d’excellence.

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EN VOGUEChristian Dior

30, AVENUE MONTAIGNEL’adresse est emblématique, éternellement liée à l’histoire de la maison de couture fon-dée par Monsieur Christian Dior en 1946. Cette année-là, décembre est cinglant, le froid sec, le vent glacial. La France est à terre. Les âmes sont encore meurtries par les années de rationnement, les ruines environnantes, la douleur de la perte et l’ombre des collabos. Qu’ils sont loin, les grands pins et la roseraie des jardins de la maison de Granville, en Normandie ! Cette demeure familiale au bord de la mer où Christian Dior a résidé enfant... La période est bucolique. Sur les murs, la glycine des-sine des arabesques sauvages. Dans l’air, se succède, selon les saisons, le parfum des roses pivoine, du muguet, des jonquilles et des myosotis bleus. Une luxuriance propre à la « Monaco du Nord », une beauté éva-nescente qui lui inspirera les courbes légen-daires de sa première collection, la ligne Corolle. Les robes façonnent une nouvelle silhouette, celle de la « femme-fleur ». Un « new look » où s’épanouissent des épaules arrondies et menues, une taille fine et mar-quée, et une jupe rallongée de 20 centi-mètres. Le corps se drape de tissus nobles – satins, taffetas, ottomans, velours. Le ju-pon retrouve son hégémonie sous les robes plus bouffantes. Le style est généreux. Les

pièces, fleuries et colorées, sont des bouquets tendus aux femmes. Libre, Dior prône le retour aux silhouettes structurées et rejette les codes de la génération anti-corset incarnée par Madeleine Vion-net, Paul Poiret et Coco Chanel. Chacune de ses collections scande l’indépendance de Dior, que le couturier résume en une phrase : « Avoir du goût, c’est avoir le sien. » Son désir est de dessiner, struc-turer, recréer, reconstruire la silhouette des femmes. Une approche architecturale qui ne doit rien au hasard.

L’ARCHITECTE DE LA COUTUREAdolescent, Christian Dior s’imaginait en grand bâtisseur. Une aspiration qui explique sa virtuosité pour concevoir des pièces comme de beaux volumes : « Ce n’est pas un vain mot de parler de l’architecture d’une robe. Une robe se construit selon le sens du tissu. Le sens des tissus est le secret de la couture, et c’est un secret qui dépend de la première loi architecturale, celle de l’obéissance à l’apesanteur. » Ce parallèle entre la couture et l’architecture est le fondement même de son style. Une griffe affûtée qui conduit l’homme aux ciseaux en couverture du Time en mars 1957. A cette date, Dior est l’un des hommes les plus connus du monde, célèbre pour les lignes angulaires de sa collection Profilée, qui abandonne l’arrondi corolle, pour ses silhouettes en H qui signent la mort du New Look, pour ses tenues fuselées en Y, révélant des bustes gé-néreux et une taille affinée, et pour son imprimé léopard, marquant ses audaces. Dix années de création auréolées de succès. Une re-nommée immédiate, fulgurante, foudroyante. Comme cette crise cardiaque qui l’emporte à l’automne 1957, alors qu’il s’est accordé un « viaggio in Italia », en Toscane, après avoir signé son ultime ligne, Fuseau. La mode se vêt de noir. L’empire Dior se cherche un prince. —

Photo issue du livre « Dior Couture Patrick Demarchelier »

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1946 Le 6 décembre, Christian Dior inaugure, à 41 ans, sa mai-son de couture au 30, ave-nue Montaigne. Un an plus tard, il présente sa première collection, la ligne Corolle, dans les salons de son hôtel particulier.

1951 La maison emploie 900 per-sonnes.

1955 Yves Saint Laurent est enga-gé comme premier assistant de Christian Dior.

1957 Le 24 octobre, Christian Dior meurt d’une crise cardiaque en Italie. Yves Saint Laurent est nommé directeur artis-tique et créera, un an plus tard, la ligne Trapèze.

1960 Marc Bohan prend la tête de l’ensemble des collections.

1989 Gianfranco Ferré succède à Marc Bohan et reçoit la même année le Dé d’or pour sa première collection haute couture au sein de la maison.

1990 Ouverture des boutiques à New York, Los Angeles et Tokyo.

1996 John Galliano succède à Gianfranco Ferré en tant que directeur artistique des col-lections femme.

1997 En juin, le Musée Christian Dior est inauguré à Granville dans la villa « Les Rhumbs », maison d’enfance du coutu-rier.

2012 Raf Simons est le sixième couturier à servir l’héritage de la maison.

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48h au pays du mojito...

Texte Siphra Moine-Woerlen | Photos Eduardo Armada

Salud

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Une corde claque dans l’air tiède, un groupe de cuivres crache une danse, pendant que les hommes sont aux percussions, congas ou bongos. Les filles, à la cambrure parfaite, soulèvent leur jupon en cadence. Sur le Malecón, grand boulevard balayé par les vagues, les petits vieux assis sur les murets tournent le dos à la mer et regardent la ville… Ils n’espèrent plus mais continuent de se gaver de notes suaves. La musique est partout. Eternel plaisir qui divertit l’âme, les rythmes n’en finissent pas de remplir délicieusement l’air.

48h au pays du mojito...

Texte Siphra Moine-Woerlen | Photos Eduardo Armada

En 1992, Fidel Castro a conclu avec Patrick Ricard un accord de coentreprise. Havana Club Interna-tional, dirigé depuis Cuba par des expatriés de Pernod Ricard, produit et commercialise désormais la marque dans 124 pays. Le succès de cet attelage communisto-capitaliste est détonant. Depuis que Pernod Ricard a pris en charge sa distribution à Cuba en 2003, la marque est visible partout, des tee-shirts des guides aux sous-verre des bars de l’île en passant par les coco-taxis qui arpentent le Malecón, à La Havane.

!

RENCONTRENez

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Itinéraire d’un

esthète Texte Marie-France Rigataux | Photo Patrice Nagel

Auteur des cultissimes « Féminité du bois » et « Ambre sultan », ce parfumeur ultra-singulier, célèbre dans le monde entier, nous a reçus dans son palais à Marrakech. Un privilège rare et

exclusif dans un lieu qui l’est tout autant et que l’artiste préserve en le

rendant très rarement accessible. Ecrivain, artiste complet, maître

d’œuvre de ses demeures, Serge Lutens incarne

comme personne l’idée que l’on

se fait de la beauté.

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Hiver 2013

RENCONTRENez C’est une véri-

table œuvre d’art, qui a exigé plus de trente ans de

travaux, réalisés par quelque 500 artisans différents. Ce palais, rap-

prochement de plusieurs riads dans la médina, Serge Lutens n’y vit pas. Il y ac-cueille ses invités, y fixe des rendez-vous, mais n’y passe que quelques heures

par jour avant de regagner son re-fuge dans la palmeraie plantée

de palmiers, de grenadiers, de lauriers, de roses et de plantes odori-férantes. Dans sa mo-

deste demeure – presque mo-nacale – de quelques dizaines de mètres carrés, meublée de livres et de carnets qu’il noir-cit, chaque jour, durant une

poignée d’heures, il esquisse des fra-grances uniques, comme autant de trésors olfactifs qui

renvoient à un itinéraire exceptionnel et sans concessions.

Vous souvenez-vous des jardins de votre enfance, à Lille ? Qu’en avez-vous gardé ?Je me souviens d’eux et de l’enfant pour qui rien n’était autre que ce qui se devait d’être.

Un jardin était un jardin : de la terre plantée de choux, de carottes, alignés sur plusieurs ran-gées, des fleurs tenant à une tige et d’autres, tels la pensée ou le souci, tenant d’une promesse.

L’été, le soleil tapait, le ciel se couvrait. Il pleuvait. Lorsque l’averse cessait, lavé de ses bruits, le jardin revenait à lui. Les odeurs montaient. Par celle de la terre abreuvée, l’enfant reconnaissait sa propre soif. Aucune senteur n’était déplacée. Chacune à sa place: celle du lys appartenait au lys, celle des tomates aux tomates et, à vue de nez, celle du fumier valait un détour!

Que vous apporte la vue de vos jardins de la palmeraie ? Dissociez-vous votre imaginaire d’une inspiration directement liée aux plantes ?Pas plus les plantes que les fleurs ne m’inspirent confiance. Le jardin est un globe sur un objet, c’est-à-dire un moi-même dans lequel je me déplace. Je ne le vois plus, il n’est que lui. L’attention que me portent les plantes est celle que je leur rends. A vrai dire, je rechercherais plutôt leur ombre en rapport à mon effacement naturel. Le jardin, comme le Maroc, complète cette audace : il me concentre ! Je ne m’y promène pas mais tourne en lui. L’odeur peut réveiller une mémoire anté-rieure, inconnue de moi-même et, pourtant, suffisamment attentive pour que j’y réponde. Ce jardin est sur-planté. La seule chose que j’y ai vraiment plantée est une chambre en son centre, où je me recentre. Le parfum est conséquence et non pas origine.

Pourriez-vous créer une ode à vos jardins de la palmeraie ? Un parfum qui ne reproduirait que les espèces plan-tées là-bas ?La seule espèce plantée là-bas, c’est moi ! Les autres ont libre cours et m’offrent ce qu’il y a de plus luxueux au Maroc : l’ombre dans la lumière du soleil. Je ne sais même plus ce qui germe et pousse dans ce jardin. Tous mes parfums viennent de là, puisque je réside en permanence à Marrakech et ne quitte pour ainsi dire pas la palmeraie… sauf pour me rendre à la médina, l’après-midi.

Lorsque vous esquissez vos parfums, l’envie de raconter une histoire prime-t-elle sur le choix des senteurs ? Vous avez souvent dit que le nom « délimitait » la composition.Je ne sais pas ce que j’ai dit auparavant mais la réflexion et l’évolution de cette dernière me portent à penser que cela n’est pas une finalité, ni que cela crée une frontière. Je suis dans un état de colère, de rage ou de rêverie. La finalité d’un parfum en tant que produit n’a, pour moi, aucun intérêt. Un par-fum est un aveu que je mets en essences. S’il est lâché, on peut parfois y reconnaître une part de soi-même. C’est ce que, jusqu’à présent, j’ai essayé de faire, non pour le dépoussiérer mais pour lui donner la parole. J’ai mis mon histoire en essences comme je la mettrais en mots, en syntaxe. Cette histoire, je dois l’universaliser, la magnifier. C’est pourquoi elle ne peut être laissée à la première personne, afin d’être reconnue par ceux qui s’y retrouvent. Disons que la vie laisse des traces et qu’un parfum les suit. Donnez les

mêmes mots à Baudelaire ou à un quidam et, sur le même thème, voyez la différence ! La matière du

parfum, c’est notre chair.

Elle doit nous répondre ou pas.

Il semble que votre veine créa-trice soit toujours plus prolifique,

vivace. La création serait-elle «boostée» par l’expérience?

Par la connaissance ?La création n’est pas orpheline.

Si elle existe, c’est qu’elle est activée par un moteur, sinon pen-sant, du moins agis-

sant. Si je ne me penchais pas sur l’abîme de ma vie, il n’y aurait ni parfums ni

Serge Lutens. La prodigalité est une activité en chaîne. Ceci amène cela et tisser et tendre devant soi ce réseau infernal

du passé, aussi complexe et fragile qu’une toile d’araignée, peut à tout instant vous laisser telle une mouche collée dans les fils de soie. —

Ses dernières créations : « Iris silver mist », un beurre d’iris somptueux, poudré, étincelant, et « Fourreau noir », une ode à la fève tonka d’Amazonie, sombre et capiteux, voluptueux et inclassable.

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DESTINATION

Antarctique, le paradis blanc Texte Patrick Galan | Photos Nicole Degaudenzi

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Icebergs géants, manchots, otaries à fourrure, pétrels, albatros hurleurs et éléphants de mer… Visiter l’Antarctique est une merveilleuse aventure, réservée jadis aux explorateurs et aux scientifiques. Aujourd’hui, le pôle Sud ouvre ses portes à tous.

Antarctique, le paradis blanc Texte Patrick Galan | Photos Nicole Degaudenzi

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P erchée sur une falaise qui surplombe une petite crique enneigée, une colonie de manchots royaux trottine vers

l’océan. D’autres de leurs congénères se projettent hors de l’eau comme des tor-pilles puis, sur la plage, frôlent avec précau-tion un grand phoque léopard, leur ennemi juré qui, pour l’heure, dort paisiblement. A l’horizon, d’énormes icebergs se laissent porter par les courants, formant un archi-pel d’îles blanches et mouvantes sous un ciel aux teintes plombées. L’air est vif au royaume des glaces et du blizzard.

Terra incogniTaAvec une superficie de 14 millions de ki-lomètres carrés, l’Antarctique est 340 fois plus grand que la Suisse, et 98% de sa sur-face sont recouverts d’une couche de glace d’une épaisseur moyenne de 1,6 km ! Il n’a été découvert que tardivement. Il existait pourtant, dès l’Antiquité, l’idée qu’une terre au sud contrebalançait le poids des conti-nents de l’hémisphère Nord, la Terra Aus-tralis. Bien décidé à découvrir ce continent inconnu, James Cook fut le premier à fran-chir le cercle polaire, en 1773. Bloqué par les glaces, il dut cependant faire demi-tour sans avoir pu le voir. Il faudra attendre 1820 et le Russe Fabian von Bellingshausen pour que le sixième continent soit aperçu pour la première fois.L’Antarctique est encore un paradis intact aux paysages grandioses, un vrai domaine naturel qui ensorcelle les voyageurs depuis trois siècles. Jusqu’aux années 70, s’y rendre était encore un rêve réservé aux scienti-fiques, aux explorateurs et aux navigateurs expérimentés. Aujourd’hui, ce voyage est à la portée de tous, de novembre à mars, pen-dant l’été austral. Même si le thermomètre a bien du mal à se hisser au-dessus de 0°C, cette période voit le retour de milliers d’ani-maux : manchots Adélie ou royaux, man-chots papous ou à jugulaire, damiers du Cap, phoques, éléphants et lions de mer,

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skuas et albatros ; tous rejoignent la terre ferme pour se reproduire après la longue nuit hivernale.Le navire sur lequel nous naviguons est long de 142 m. A bord, environ 220 passa-gers de tous âges, emmitouflés dans leur doudoune, chargés d’appareils photo et de caméras vidéo, s’apprêtent à embarquer dans des Zodiac pour aller visiter une man-chotière, une ancienne base baleinière ou une colonie d’éléphants de mer. « Il n’y a pas à dire, l’Antarctique, ça vous redonne la pêche ! » lance gaiement un Suisse d’une soixantaine d’années.

Malouines eT géorgie du sudDébuté à Ushuaia, notre périple nous a d’abord conduits dans l’archipel des Falk-land, les Malouines, un petit morceau de Grande-Bretagne planté à l’autre bout du monde depuis 1832, au large de l’Argen-tine. Avec leurs bobbies, leurs pubs enfu-més et leurs cabines téléphoniques d’un rouge éternel, les Malouines offrent un paysage « so british », jusque sur la plage de Volunteer Point, connue pour ses man-chots royaux. Ici, on est propriétaire d’une île comme on l’est ailleurs d’une maison de campagne. Celle de Roddy, notre guide, s’appelle Wespoint Island et se situe à l’ex-trémité occidentale de l’archipel. Pendant longtemps, il a été éleveur de moutons, comme la plupart des habitants, mais la chute du prix de la laine l’a conduit à se lan-cer dans le tourisme. Au volant de son 4x4, il nous fait oublier l’absence de chemins car-rossables en nous conduisant vers une ma-gnifique colonie de gorfous sauteurs : « Ce sont de drôles de manchots qui nichent ici, et ne se déplacent qu’en sautant », explique-t-il. Après trois jours de navigation en mer, les Malouines s’éloignent pour laisser la place à la Géorgie du Sud, en forme de croissant. C’est aux abords de cette île perdue que l’on rencontre les premiers icebergs tabu-laires (au sommet plat). Le commandant est attentif devant ses écrans : « Chaque point