Transports en commun et étalement urbain en Île de France

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Synthèse d'articles tirés de mon blog @Geographedumond

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Transports en commun et talement urbain en le de France

20 octobre 2006. Louis Andrani article du Monde dhier me donne loccasion de rebondir sur un sujet dj abord il y a une dizaine de jours dans ces mmes colonnes (du couple improbable ville - voiture). A partir dun thme gnral, il commence par constater, dsabus, les consquences dune journe de pluie en rgion parisienne (le 3 octobre dernier) : 400 kilomtres de bouchons. Le directeur de l'exploitation la direction interdpartementale des routes d'Ile-de-France (Dirif), interrog sur la question, affirme quil ny a l rien danormal : c'est le lot commun de toutes les agglomrations. Il y aurait 'une stabilisation du trafic et des bouchons (stagnation sur les radiales, lgre augmentation sur les rocades), aprs la forte augmentation des dcennies 1980 et 1990.'Mais lintrt de larticle tient la rigueur intellectuelle de son auteur. Il ne glisse pas dans la facilit habituelle. Dans ce genre de situation, dautres que lui auraient gliss sur un autre sujet, celui de la pollution par exemple. Ce thme est infinimiment plus consensuel personne naffirmera que les pots dchappement produisent de la vapeur deau et donc plus inoffensif. Il nexiste en effet aucune solution alternative aux hydrocarbures ; dans limmdiat, et des prix concurrentiels.Louis Andreani se place par consquent sous langle conomique. Le recours lautomobile se confirme anne aprs anne malgr les embouteillages. Les ractions de lecteurs du Monde indiquent clairement que les transports urbains rpondent un mcanisme concurrentiel, le mtro ou le bus ne tenant pas la comparaison face une voiture (juge) la fois confortable et moins onreuse. Les bouchons cotent cher, ajoute-t-il en substance plusieurs reprises : non lautomobiliste, mais aux socits prives qui payent des salaris absents, au contribuable qui financent de nouvelles infrastructures. Il questionne un lu PS de la rgion sur la note payer : deux milliards deuros. Mais ce dernier ratiocine : 'si nous faisions l'conomie des embouteillages, nous pourrions proposer des transports gratuits. Cest un peu comme chafauder des projets de dveloppement au Sahel avec de leau de la Seine ou de la Garonne.Largumentaire de lauteur me parat galement fragile lorsquil rend seuls responsables 'lEtat et les lus' de la priurbanisation, de ltalement des aires urbaines qui a conduit une utilisation toujours plus forte de lautomobile. Noublie-t-il pas que le modle urbain anglo-saxon bas sur le pavillon individuel si gourmand en espace plaisait alors (et je pense, encore aujourdhui) au plus grand nombre ? En dmocratie, la majorit dcide. Il me semble que de part et dautre de lAtlantique, la priurbanisation fait surtout la preuve que les automobilistes ont profit dun carburant bon march : la ville tache dhuile ne peut renier sa gnitrice, la voiture. Le directeur du dpartement transports et infrastructures l'Institut d'amnagement et d'urbanisme de la rgion d'Ile-de-France (Iaurif) ne dit pas autre chose dans l'article.Quant la planification urbaine, elle a stimul loffre de transport (individuel) en amliorant la voirie (multiplication des autoroutes et quatre voies), et donc encourag la demande sajuster constamment celle-ci. En un mot, plus les routes slargissent, plus il y a de voitures. Dans les discours, le rapport sinverse nanmoins la plupart du temps. Il apparat alors que la congestion du rseau impose la construction de ceci, provoque l'ouverture de cela, etc. Au lecteur de rtablir l'ordre de causalit ! Comme le rappelle le journaliste, loffre de transports en commun sest bien sr toffe en Ile-de-France. Elle demeure pourtant inoprante dans les banlieues plus ou moins loignes, chaque fois que les densits urbaines se rvlent trop basses : loffre ici en transports en communs ne peut stimuler quune demande relle et non par dfinition une demande qui nexiste pas.A linverse, les demandes spcifiques du type trajets de banlieues banlieues sont trop parcellises pour susciter une offre quelconque. En bref, plus les densits urbaines diminuent, plus lutilisation de lautomobile simpose. Mme sil veut faire une fleur J.P. Huchon, le journaliste gare le lecteur avec des dclarations de bonnes intentions : 'la volont politique de la rgion, dirige par Jean-Paul Huchon (PS), dsormais organisatrice des transports en tant que prsidente du Syndicat des transports en commun de l'Ile-de-France (STIF), existe, mais ses moyens sont insuffisants. Louis Andrani fait enfin un contresens quand il associe ltalement des grandes agglomrations avec la hausse de limmobilier. Le premier date comme il reconnat lui-mme des annes soixante tandis que la seconde na quune quinzaine dannes. Depuis lors au contraire, une partie des mnages aiss cherchent revenir vivre dans les centres urbains ; les Anglo-saxons parlent propos de ce phnomne de gentryfication. Celle-ci explique justement la hausse des prix immobiliers, par la pression de la demande sur une offre limite en logements : partout en France, mais plus particulirement encore Paris.Gardons-nous en conclusion dimaginer pouvoir concilier linconciliable, la gnralisation de lautomobile dune part et sa rduction de lautre. Sur le plan de la mcanique conomique en revanche, si lon veut faire payer lautomobiliste le prix de son dplacement, et au consommateur le prix du transport des marchandises par camion, une solution existe. Elle consiste augmenter les TIPP, cest--dire les taxes sur le carburant. Bien peu de Franais approuveraient cette mesure : le lecteur notera lusage dsabus du conditionnel.*26 octobre 2006. Dans une note rcente consacre aux transports franciliens, je concluais sur lide que la comptitivit des transports en commun diminue au fur et mesure que les densits baissent, que lon quitte le centre-ville pour s'installer en priphrie. En banlieue, la demande se fractionne autant de trajets que de voyageurs et stale dans lespace. Dans ces conditions, lautomobile savre trs concurrentielle : plus sduisante parce quelle garantit contre le bruit et la promiscuit, elle cote mme moins cher lutilisateur sauf en cas de flambe momentane des cours du ptrole.Plus tonnant, [u]ne tude reproche la Ville de Paris de privilgier le bus au dtriment du mtro . La journaliste du Monde (du 26 oct. 2006) Batrice Jrome en retient les premires conclusions, avant que le public en ait connaissance. Pour Jean-Pierre Orfeuil et Marie-Hlne Massot, les deux auteurs, la politique municipale des transports privilgie des modes anecdotiques (vlos, bus, taxis) qui cumulent chacun moins de 10 % des dplacements. En revanche, le rseau ferr entre un tiers et la moiti des distances parcourues ptirait dun dsintrt. Les inactifs sont majoritaires dans le premier cas, mais pas dans le second.Ainsi, [l]es auteurs mettent en garde la Mairie contre une approche 'strictement parisienne' . Cette remarque me parat assez elliptique. Jajouterais deux remarques bases sur un raisonnement dductif plus que sur des statistiques prcises. On peut considrer en effet que les vlos, les autobus, et les taxis partagent des points communs gographiques. A priori, ils couvrent des distances plus courtes quun train ou mme un mtro, et leurs trajets sinscrivent dans un territoire plus central (en particulier par rapport un train de banlieue). Il convient dajouter une notion de rpartition par ge de la population ; les jeunes de moins de quinze ans habitent proportionnellement davantage en banlieue et les plus de soixante-cinq ans dans Paris intra muros.Selon toutes vraisemblances, la politique municipale correspond par consquent aux vux dune partie importante des lecteurs de Bertrand Delano : les Parisiens, et plus particulirement parmi eux les retraits ; est-ce choquant ? Gageons en tout cas quun maire la tte de toute lagglomration parisienne, et non pas seulement des vingt arrondissements centraux prendrait en compte de facto les dolances de l'ensemble de ses lecteurs potentiels ; automobilistes compris : [u]n automobiliste sur deux est banlieusard et 56,5 % des trajets parisiens sont le fait de liaisons avec la banlieue . Dans la configuration actuelle, rien n'oblige le maire de Paris tourner casaque pour remporter les prochaines lections.Les auteurs suggrent nous dit Batrice Jrome que les mesures destines endiguer les voitures risquent de freiner lactivit conomique. Il faudrait le dmontrer. Est-ce mme une information essentielle pour la population parisienne dcrite un peu plus haut ? La politique de restriction de loffre automobile dans Paris provoque en outre laugmentation des prix des places de parkings, et plus largement participe celle des prix de limmobilier : de cela les rsidents propritaires ne peuvent que se rjouir, mme si les familles avec enfants et les mnages les moins aiss ont massivement quitt Paris.Larticle de Batrice Jrome termine sur le mouvement dhumeur de M. Baupin (adjoint Verts la mairie de Paris). Le procs dintention manque dintrt. Car la question pose est celle de lencombrement des axes de communication dIle-de-France : on en revient alors au problme des densits en banlieue parisienne. En attendant, les autobus font la joie des casseurs, et Bombardier chipe un march public Alstom, entreprise rcemment renfloue par largent du contribuable.*23 avril 2007. Saint-Quentin en Yvelines. A lorigine, les villes nouvelles ont surgi en Ile de France parce que des amnageurs, des urbanistes, ou encore des dmographes prdisaient dans les annes 1960 une croissance excessive (insupportable ?) pour lagglomration parisienne l'horizon de l'an 2000. Face une menace trop dhabitants, et pas assez de logements, au centre dune aire urbaine en dveloppement rapide Melun, Evry, Marne-la-Valle, Cergy-Pontoise et Saint-Quentin-en-Yvelines, rpondaient lurgence du moment. Le mot Villes saccompagne alors dun adjectif (nouvelles) signifiant ladjonction dune pince dutopie, la rconciliation de lancien et du moderne, de la ville et de la campagne, de l'ouvrier et du salari ; vaste programme.Les villes nouvelles rompent avec lurbanisme du pass : rejet des attributs urbains habituels (centralit, organisation en rues et en places), choix dune spcialisation zonale (quartiers dhabitation dun ct, espaces commerciaux), de lhorizontalit avec un bti tal sur une dizaine de kilomtres en moyenne, Les densits obtenues 2.165 habitants au km Saint-Quentin narrivent qu hauteur du dixime de celles rencontres dans Paris [ici plan dtaill de Saint-Quentin-en-Yvelines]. Elles forcent prendre un vhicule pour se dplacer, faire ses courses. Sur linnovation architecturale si souvent critique, une nuance s'impose. Reconnaissons par exemple que lon ne pouvait pas deviner lavance lchec des dalles, cest--dire la sparation des espaces par niveaux indpendants et superposs (voitures, pitons, logements). Les immeubles aux formes, aux couleurs et aux amnagements intrieurs les plus divers avaient-ils forcment vocation se dgrader ?La ville nouvelle francilienne pche toutefois ds le dpart par son ambigut gographique. Ville colle la capitale et non dissocie, comme aurait pu le laisser entendre (esprer ?) ladjectif nouvelle : vingt-cinq (Melun) ou quinze kilomtres (Marne) de Paris, la distance ne spare pas. Cest dautant plus vrai que les autorits dcident, une fois cres les villes nouvelles, de financer leur liaison avec Paris grce aux RER et aux trains de banlieues. On vante les mrites des unes pour au bout du compte renforcer le poids sauf en nombre dhabitants de lagglomration centrale. Car les villes nouvelles attirent au dpart les emplois publics (universits, prfecture, etc.). Entre 1961 et 1969, Paul Delouvrier labore un Schma Directeur dAmnagement et dUrbanisme. Dans la dcennie suivante interviennent le choix des emplacements, la dlimitation des villes nouvelles, et la cration des syndicats communautaires damnagement.A peine vingt ans aprs, les villes sorties de terre rvlent leurs principaux dfauts. Mais il faut dabord comprendre que leur environnement ne correspond pas la planification prvue dans les annes 1960. Lexplosion dmographique pronostique (redoute ?) de lagglomration parisienne ne sest pas produite. Nul nattendait en revanche son talement priphrique. Lurbanisme pavillonnaire non jugul branle la planification la franaise. On projetait plus d'habitants dans les villes nouvelles, et une part bien plus importante de la population banlieusarde (actuellement, un sur dix, environ) ; des villes - satellites, mais non des villes noyes dans la masse.LEtat se dessert lui-mme avant 1982, les maires doivent consulter le prfet avant de permettre toute nouvelle construction en fermant les yeux sur la priurbanisation francilienne. Chaque commune de la premire, ou de la seconde couronne concurrence plus ou moins directement les villes nouvelles. Lespace libre semble infini, et le problme de ltirement de la ville rsolu : dmocratisation de la voiture, et gigantesque programme de travaux publics (tunnels, ponts, autoroutes, etc.) pour doubler, tripler, contourner, rendre plus fluide une circulation pourtant toujours plus encombre ! A ce titre, les autorits municipales se flicitent davoir rgul la circulation A lintrieur de Saint-Quentin-en-Yvelines. A l'extrieur [voir ce sujet prvisible dans Le Petit Quentin Web TV] des bouchons se forment chaque jour sur les autoroutes adjacentes ou sur la N10 qui coupe la ville nouvelle dans le sens sud-ouest nord-est ; comme ailleurs en banlieue parisienne.Les habitants des villes nouvelles ne sont-ils pas des banlieusards comme les autres ? La ville conue comme unique sest banalise. Et si le sel saffadit, quoi sert-il ? A Saint-Quentin-en-Yvelines, l'appellation ville a cd la place celle de communaut dagglomration (voir ici), tandis que la toponymie apparat bien fluctuante. Trappes, la partie centrale la plus ancienne, lorigine ouvrire, au nord de la gare (ligne Paris Rambouillet) na pas capt la fonction de centre-ville (situe au cur de Montigny les Brettoneaux] ; en cas de tensions dans ce quartier de grands ensembles, son nom Trappes arrive seul en tte de colonne, effaant celui de Saint-Quentin. En 1983, le gouvernement autorise quatre communes (Bois-dArcy, Plaisir, Coignires et Maurepas) sortir de lindivis, comme pour solder lhritage dun dfunt. Les autorits locales tentent au mme moment de crer une centralit refuse au dpart. Le dcret dachvement de la ville nouvelle intervient beaucoup plus tard, en 2003. Lagglomration compte 146.000 habitants au dernier recensement.Cest un article de Grgoire Allix dans le Monde qui ma amen Saint-Quentin, proclame il y a peu ville dart et dhistoire. Inattendu, nous dit le journaliste, vaguement convaincu. Le site consacr au patrimoine de la communaut dagglomration livre quelques renseignements sur les atouts de Saint-Quentin. Les 147 sites classs ou simplement retenus ne se raccordent ni dans lespace disperss au hasard du territoire des communes vises ni dans le temps. Limpression de bric et de broc provient du rapprochement inattendu entre lhistoire lointaine des Templiers, lhistoire moderne avec le site de labbaye de Port-Royal, et lhistoire contemporaine. La disparit rgne : un fort militaire de la ligne Sr de Rivire, un chteau pour enseignants dpressifs (La Verrire), une cit ouvrire (les Dents de Scie), un vieux wagon, des dalles funraires, une porte la Mansart perdue au milieu dun golf, une cloche, ou encore une statue en pierre.Ainsi sest vanouie par pans successifs lutopie des villes nouvelles quid de leffort financier de lEtat ? Le classement en ville dart et dhistoire donne artificiellement un ancrage dans un pass rvolu. Parmi tous ces sites, lequel servira-t-il de moteur touristique pour Saint-Quentin, une vingtaine de kilomtres de la capitale, et plus encore quelques centaines de mtres de Versailles, lancienne ville nouvelle ? Saint-Quentin-en-Yvelines, lpreuve de la banalit.*25 fvrier 2009. Gare de Saint-Lazare. A la Libration, Paris sur cette carte Michelin, semble corsete par un mandre de la Seine. On distingue l'ouest et au nord-ouest, les banlieues de Boulogne, Neuilly, Levallois et Clichy. L'urbanisation gagne les territoires coups par les deux boucles suivantes. A l'intrieur de la premire, la plus proche de Paris, le Mont-Valrien encore assez isol domine Suresnes et Puteaux. Le carrefour de Courbevoie runit les routes allant Saint-Germain-en-Laye d'une part, et Pontoise d'autre part (N.190 et 192). Dans la seconde boucle, dans laquelle retombent les plateaux du Vexin, l'urbanisation est plus limite l'poque, sans communes notables en dehors d'Argenteuil. Les industries naissent et une carrire fonctionne au sud d'Houilles.Au del de ce train de mandres, ressortent les sites anciens de Maisons-Laffitte, de Saint-Germain-en-Laye et de Poissy. La boucle enserrant les trois villes est reste rurale. La fort royale s'y maintient prserve. Plus au nord, on devine en revanche l'agrandissement des banlieues desservies par le train. Dans ces annes 1940, la fort de Montmorency se trouve dj compartimente. Les cartographes ont laiss Paris en blanc, se contentant d'indiquer le nom des sorties, de la porte de la Chapelle au nord, la porte de Saint-Cloud l'ouest. Des zones blanches collent galement la capitale, autour de Courbevoie, d'Argenteuil ou entre Maisons-Laffitte et le Vsinet. Des industries empitent sans doute sur ces terres agricoles. En 1945, il faut reconstruire.Assez vite cependant, les noyaux urbains s'espacent. Au-del de Saint-Germain en Laye, de Poissy et de Maisons-Laffitte, elles-mmes entoures de champs, les campagnes d'Ile de France vivent spares de la capitale. En cette fin des annes 1940, et en dehors des villes - ponts de Conflans, Poissy, Meulan - Limay, les bourgs restent assez ramasss sur eux-mmes. Beaucoup correspondent dans cette campagne proche de Paris des villages - rues. Crespires une dizaine de kilomtres l'ouest de Saint-Germain, Orgeval un peu plus au nord-ouest, ou encore de l'autre ct de la Seine, Oinville et Avernes dpassent le standard local, avec une petite agglomration de maisons. L'agriculture est visiblement active, car la fort occupe un espace contraint. L'Ecole d'Agriculture de Chavenay devenue depuis l'Institut National de Recherche Agronomique est un indice de la qualit des exploitations. Les crales, les cultures mcanises (betterave) et marachres dominent les terroirs au nord (Vexin franais) comme au sud de la Seine. La capitale assure un dbouch.Soixante ans s'coulent. Sur la carte Michelin de 2002, les tches blanches ont quasi disparu, preuve d'une dprise agricole. Deux couleurs s'imposent au rebours : les rouges et les ocres, illustrant le tissu urbain et la voierie, mais aussi le vert symbolisant la fort. Celle-ci progresse, de faon la fois globale et ponctuelle, l'exception de la fort de Marly balafre par l'autoroute de Normandie (A.13). Entre Mantes la Jolie, Crespires et Septeuil, les cultures cdent la place aux arbres ou la rserve africaine de Thoiry. Des agriculteurs rcalcitrants rsistent quand mme, l'ouest de Versailles. Paris dborde. Toutes les communes voques prcdemment se sont coagules. La Seine est devenue presque annexe, grce aux nombreux ponts enjambant le fleuve. Dans la valle, l'aval de Paris, on ne compte plus les implantations industrielles. Les sites de Poissy (PSA), Flins (Renault), celui des Ciments Franais ou encore celui d'ELF (devenu Total) Porcheville en tmoignent.Les communes les plus proches ont visiblement profit de cette proximit pour se mtamorphoser en petites villes : les Mureaux tout prs de Flins, Aubergenville. La banlieue s'tend, sur un axe Paris Pontoise (A.15), en l'absence d'obstacles physiques. L'Oise (Nord-est / Sud-ouest) ne retient rien. C'est en entrelas de routes de couleur rouge, c'est--dire quatre voies, un rseau maill. Les communes ont perdu souvent leur vocation agricole. D'autres n'existaient tout simplement pas en 1945, comme autour de Saint-Germain en Laye : Saint-Nom la Bretche, le Chesnay, la Celle-Saint-Cloud (entre la Seine et Versailles). Dans le dpartement des Yvelines - l'ouest du dpartement de la Seine avant sa cration - habitent dsormais des centaines de milliers de Franciliens. Seulement soixante ans ont pass et pourtant, tout a chang.Les transports individuels et collectifs se concurrencent dans cette rgion situe l'ouest de Paris. Le rseau ferr combine les grandes lignes desservant les villes normandes (Rouen, Lisieux, Caen ou encore Cherbourg), les liaisons assures par les trains express rgionaux, et le RER A inaugur la fin des annes 1960. Paris s'tale sans contraintes physiques, en lien avec l'industrialisation de la valle dj dcrite. A l'exception de l'Oise, la place est libre pour une extension de la tche urbaine qui s'est acclre au cours des trois dernires dcennies. Pour les salaris et les cadres travaillant dans la capitale, les migrations pendulaires passent par les transports en commun beaucoup plus srement que dans d'autres parties de l'le de France.Pour ne prendre que la plus rcente, la ligne E du RER desservant le sud-est de Paris, date d'une dizaine d'annes. Autant dire que les villes affubles depuis peu du qualificatif de dortoirs accueillaient avant des Parisiens cherchant des prix de l'immobilier plus abordables, mais se dplaant en voiture. Dans l'ouest parisien au contraire, la plus ancienne des lignes RER n'a pas succd la priurbanisation. Elle l'a accompagne. En 1969, un ouvrier ou un employ de bureau n'a pas assez d'argent pour avoir une voiture... L'universit de Nanterre dlivre ses premiers diplmes l'poque o la ligne A transporte ses premiers voyageurs. Des embranchements ont t amnags depuis lors, la gare la plus lointaine restant Cergy [trajet].Franois Bostnavaron, dans Le Monde [1] a justement rappel les records battus par le RER A, et d'abord les 286 millions de personnes transportes en 2007. Personne n'organisera cependant de festivits pour le quarantime anniversaire de la ligne. Le journaliste dcrit en revanche un festival d'hypocrisie. La ligne la plus frquente au monde cumule les dysfonctionnements, explique-t-il. Comme si l'un ne provoquait pas l'autre. Franois Bostnavaron se fait ensuite l'cho de la raction des lus. Une soixantaine d'lus des communes situes le long de cette ligne qui traverse Paris d'ouest en est, exasprs, viennent de rendre public un livre blanc des problmes recenss sur le RER A. Leurs administrs prennent donc le RER. Quelles seraient leurs communes sans lui ?Le prix du trajet - compar son quivalent en voiture - a largement pes dans le succs de la ligne. En outre, si la RATP diminuait le nombre de rames aux heures de pointe, le moindre incident de parcours ne perturberait pas les horaires calculs au millime de seconde prs. On reparlera un peu aprs des usagers en thorie susceptibles de se reporter sur d'autres modes de transport. En lieu et place, les maires choisissent le gmissement : retards quotidiens, rames surcharges en dpit d'une augmentation de leurs frquences, trains supprims sans explication, peu ou pas d'informations en cas de problme, matriels obsoltes, mal entretenus et peu confortables. Le prsident de la rgion Jean-Paul Huchon crie misre et demande de l'argent l'Etat pour financer une modernisation. Les uns et les autres ngligent le rapport de l'offre et de la demande.Si l'on modernise le rseau ferr, de nouveaux passagers se bousculeront aux portillons. Et les pannes et retards repartiront de plus belle. Tous les efforts consentis par les agents de transport ont de ce point de vue port leurs fruits. Dans le secteur marchand, le prix des billets aurait suivi. Le prix aurait rgul le trafic. Il n'en a rien t. On note en revanche en 2003, sept journes plus d'un million de passagers, pour 175 journes en 2008. Le responsable de la RATP se dfausse finalement. Selon lui, seuls le prolongement d'Eole (ligne 14 du mtro) l'ouest la Dfense et la ralisation de Mtrophrique-Arc Express - la rocade reliant la banlieue est la banlieue ouest sans passer par Paris - seraient susceptibles de dsaturer durablement la ligne du RER A. Je prcde toutefois les critiques de la critique. Aucun journaliste n'a invent les dboires des voyageurs de l'ouest parisien. Benot Hopquin, le 9 fvrier 2009 a ainsi sign un papier intelligent, intitul Saint-Lazare terminus des mcontents. Mme si la gare ne reoit qu'indirectement les usagers du RER A, un demi-million de voyageurs y transitent chaque anne : deux arrives par minute en moyenne, avec un chass-crois de 80.000 personnes dans la gare, au plus fort de la journe ( 10 % utilisant les grandes lignes). Les fameux dysfonctionnements se ressentent ici directement. Chaque incident, chaque grve dclenche une grogne de moins en moins verbale. On en viendra aux mains sous peu. Le journaliste relate l'exaspration gnrale. Les habitus se confessent sans mal. Ils disent la peur des retards, le dgot suscit par la promiscuit et la vtust, l'indignation vis--vis de la RATP et de ses personnels accuss de tous maux.Il n'empche, tout le monde s'y presse. Retour par le premier omnibus Saint-Lazare, dans ce lieu rare o se croisent les catgories sociales, les habitants de Saint-Cloud et ceux des Mureaux. Terminus des maux de notre socit, Saint-Lazare raconte la violence quotidienne, les tensions sociales. La gare dit la flambe immobilire qui pousse les classes moyennes de plus en plus loin de Paris. Rvant d'une maison ou simplement d'un logement dcent, ils sont de plus en plus nombreux venir chaque jour d'Evreux ou de Gisors. La ligne compte 1 600 abonns Vernon (75 km de Paris), prs de 6 000 Rouen (130 km). 'Les gens prennent le train comme on prend le mtro', constate Muriel Sguin, la responsable du centre oprationnel. En conclusion, la priurbanisation rsulte de la construction d'infrastructures. Pour une partie d'entre eux, les priurbains ne subissent pas leur situation. Mieux, elle rpond leurs vux. Il reste que dans les deux dernires dcennies, beaucoup de Franciliens se sont rsolus quitter Paris ou ses proches abords, sans alternatives possibles. Ceux-l ragent autant que les autres cause des dysfonctionnements du rseau, mais sans aucune consolation. Pour tous, l'utilisation de la voiture rime avec embouteillages. Pour peu que les prix de l'immobilier dcrochent, dans l'ouest parisien comme ailleurs, tous devront boire le calice jusqu' la lie. A Saint-Lazare, il n'y a pas de hasards.[1] Sur la ligne A du RER, la plus frquente au monde, les incidents sont quotidiens / Le Monde / 17 fvrier 2009 / Francois Bostnavaron.*11 novembre 2011. Il y a quarante ans naissait la premire ligne du RER, immdiatement baptise A . Lors de l'inauguration se presse le gratin parisien. La tlvision publique filme longuement la crmonie d'ouverture Boissy-Saint-Lger, gros bourg d'un peu plus de 5.000 habitants - l'poque - situ 25 kilomtres au sud-est de Paris. Dans le hall, les affichages rtroclairs signalent les directions Boissy-Saint-Lger et Nation. La fanfare de la RATP entoure le ministre : chemise blanche, cravate noire, lunettes avec montures en caille. Au premier rang, les hauts-fonctionnaires coutent religieusement le sermon lac. Un gnral surgit devant la camra, avec son kpi feuilles de chnes. Il fait penser Jacques Franois dans Rabbi Jacob. La France se marie la modernit.La premire squence s'achve sur le train-express. On devine une locomotive lectrique. Sous la vitre du conducteur, une grosse cocarde tricolore indique que le cameraman ne filme pas le dpart du train Moscou-Lningrad. Le PDG de la RATP poursuit la dmonstration devant la carte, avec une baguette en bois, comme un gnral prsentant son ordre de bataille. Le tlespectateur contemple le trac de la ligne qui traverse Paris de part en part. Au centre, les tirets figurent les trajets sous la surface, et sous le mtro. Des campagnes de l'le de France, le voyageur accdera dsormais au centre de la capitalePour incarner cette rvolution des transports, l'quipe tlvise a embot ses pas dans ceux d'une jeune femme, Paola, qui habite en 1971 Boissy-Saint-Lger. Depuis cinq ans, cette secrtaire bilingue prend un train 8h26 chaque matin. La locomotive vapeur l'emmne en une heure Paris-Bastille; l, elle enchane dans le mtro. Le message implicite est que le temps de trajet excde la limite du supportable. Et puis Paola saute comme par enchantement dans le fameux RER. Elle est toute seule sur des banquettes rembourres couleur crme Mont-Blanc au caramel. La lumire rentre par de larges baies vitres cercles d'aluminium : propre, brillant, hyginique. En voix "off", Paola remplace la voix d'une htesse d'avion. Le luxe pour tout le monde et pour deux francs cinquante centimes.A Nation, on tomberait presque sur le Grand Blond avec une chaussure noire. Le journaliste fait le bilan : Quel temps gagn repte t-il Paola. Elle gagne une demi-heure l'aller et autant au retour. Ce qui vaut pour elle vaut aussi pour les 150.000 voyageurs programms. Les pouvoirs publics offrent la lune mais demandent peu de choses en contrepartie : que les Parisiens quittent leurs vingt arrondissements selon le plan prvu. Peu de temps auparavant, les villes nouvelles ont donn le ton de la dcongestion urbaine : 'Ne pas confondre vieille ville nouvelle et ville nouvelle d'art et d'histoire'. En regardant les archives Ina de l'inauguration de Boissy-Saint-Lger, l'chec d'aujourd'hui dcoule des erreurs d'hier.Que s'est-il pass dans cette commune du Val-de-Marne ? La population a doubl entre 1968 et 1982. Elle a tripl en quatre dcennies, et compte prs de 16.000 habitants en 2008. Mais la densit n'atteint que 1.750 habitants au kilomtre-carr [source] Dans l'idal, il faudrait retrouver Paola, si elle vit toujours et si elle n'a pas chang de lieu de rsidence.En revanche, le lecteur du Monde dat du 11 novembre peut se rendre compte du chemin parcouru grce une enqute consacre la ligne B du RER. Il faudrait retourner quasiment tous les arguments de l'archive prcdente. S'y accumulent les dtails de la bestialit ferroviaire. Les voyageurs ont mut en ruminants transhumant travers l'le de France horaires non fixes. Le troupeau s'engouffre dans les cages de fer, se poussant et s'invectivant qui mieux mieux. Prendre le train, c'est la fois s'humilier soi-mme et humilier les autres; la barbarie plutt que l'tat de nature. Celle-ci se rpte sans s'interrompre : "C'est tous les jours comme " avertit un passager. Combien sont ces utilisateurs (ou prisonniers ) du RER ? Benot Hopquin joue sur les mots, mais le total dpasse trois millions, plus d'un million sur la seule ligne A. Mme si la direction s'en dfend, la qualit du transport se dgrade (1) Chacun jugera : un blogueur du Monde confirme le malaise. J'ai voqu dans la gare de Saint-Lazare l'effet produit par une trop grande affluence quotidienne : 'Pas de hasards Saint-Lazare'.Mais travers toute ces lignes, l'allusion une densification du tissu urbain dans la premire couronne parisienne manque cruellement. Dans le Val-de-Marne, les communes les plus denses sont les suivantes : Vincennes (22.800 habitants au km) Saint-Mand (prs de 20.000 habitants au km), Le Kremlin-Bictre (15.400), Charenton-le-Pont (14.400), Gentilly (13.700) et Nogent-sur-Marne (10.000). Les densits baissent trs vite lorsqu'on s'loigne du centre [source]. La banlieue parisienne s'tend sur des centaines de kilomtres quand quelques dizaines suffiraient. Contrairement ceux de 1971, les banlieusards de 2011 n'ont cependant plus le choix, faute de moyens financiers pour se loger intra muros. On leur a promis le Grand Paris, mais ils prouvent de grandes difficults pour se dplacer, tous types de transports confondus ['La voiture Mdicis' 'Ceinture et Sainte-Soulle'].Un passage de l'enqute du Monde mettra nanmoins en rogne les plus indulgents. Il s'agit pour Benot Hopquin de relayer la peine et le dcouragement des lus locaux. Ceux-ci se plaignent de la direction de la RATP qu'ils jugent arrogante. Mais ils n'avancent aucune proposition. La maire de Sucy-en-Brie constate que le trafic augmente chaque anne et que les rames s'usent. Mais elle ne compte pas demander ses lecteurs de payer plus d'impts pour moderniser le rseau RER. Sur le blog d'une lue PS, on apprend que le prsident du Conseil Gnral de l'Essonne s'est fendu d'une lettre pour signaler les perturbations provoques par les grves. Plutt que de s'inquiter des causes, il voque la dtrioration du climat social et les conditions de travail. Voil qui fait progresser le problme; en revanche, nul appel des oprations d'expropriations-densification des deux cts du priphrique, ou une augmentation sensible de la contribution publique destine au rseau francilien. On cherchera galement en vain une critique des syndicats de la RATP, toujours prompts surenchrir dans la politique du pire : chaque incident, un dbrayage fixe les voyageurs sur leurs quais de gare...Alors les usagers tireraient les conclusions qui s'imposent ? Ils partiraient vivre en province ? L'issue serait donc proche ! En fait, cette fin ne tient pas la route. On vient de le voir, les trajets en RER ne diminuent pas, au contraire. Deux raisons expliquent que l'le-de-France attire plus qu'elle ne repousse : le march de l'emploi et la bulle immobilire. Il est d'une part plus difficile de trouver un emploi en province qu'en rgion parisienne. Les Franciliens ont d'autre part opt en masse pour l'accession la proprit. La monte continue des prix les a incits s'endetter. Ils souhaitent tirer profit d'une plus-value la revente, lorsqu'ils prendront leur retraite; plus tard. Il n'est pas d'esclaves sans matre. Mais si les banlieusards ne peuvent plus circuler et travailler normalement, le chteau de cartes s'effondre.Erreur du RER ?[1] " Combien sont-ils, ces " prisonniers longues peines " du RER qui vivent au quotidien sa promiscuit ? Les estimations de la RATP et de la SNCF, cogestionnaires du rseau francilien, donnent le tournis : un million de voyageurs par jour sur la ligne A, troisime ligne la plus frquente au monde ; 800 000 sur la B ; 500 000 sur la C ; 600 000 sur la D et 300 000 sur la E.Les chiffres continuent de crotre anne aprs anne. Guillaume Ppy, prsident de la SNCF, livrait au Monde un constat sans fard sur la ligne D en dbut d'anne : " Il y a environ 5 % d'augmentation chaque anne, soit 25 000 personnes. Pour ne pas dtriorer la qualit de service, il faudrait 25 trains supplmentaires. Combien en met-on ? Zro, parce que la ligne est dj sature. " Jacques Eliez, secrtaire gnral de la CGT-RATP, expliquait, lui, l'AFP qu'il faudrait 114 rames sur le RER B pour assurer un service dcent. Il n'en circule que 90 en temps normal.La Rgie fait valoir des taux de rgularit (moins de cinq minutes de retard pour un RER), qui oscille entre 80 % et 90 %, selon les lignes, en 2010. Des chiffres en amlioration quand la vox populi hurle que la situation ne cesse d'empirer. Contradiction ? Pas tout fait. La RATP tablit ses calculs sur des moyennes journalires qui ne correspondent pas au ressenti des heures de pointe. Quand les rames combles se suivent flux tendu, avec un intervalle minimal de scurit, la moindre anicroche - problme de matriel ou incidents dus aux voyageurs -, c'est l'effet boule de neige. " [Prisonniers du RER - Le Monde du 11 novembre 2011]*27 mai 2013. Cergy-Pontoise et les villes nouvelles. Il y a six ans, j'ai laiss le sujet des villes nouvelles parisiennes quelque part du ct de Saint-Quentin-en-Yvelines (photo / source). J'y relevai dj les motifs historiques, le crot dmographique, la vitalit conomique et les implantations de services publics. Au fil du rcit apparaissait l'histoire de la banlieue parisienne au znith de la rvolution industrielle, celle d'une le-de-France de moins en moins agricole. Le dveloppement des activits industrielles et des transports ferroviaires avait opr, tandis que l'exode rural battait son plein, et que la natalit repartait en flche (dans l'aprs-guerre)..." A peine vingt ans aprs, les villes sorties de terre rvlent leurs principaux dfauts. Mais il faut dabord comprendre que leur environnement ne correspond pas la planification prvue dans les annes 1960. Lexplosion dmographique pronostique (redoute ?) de lagglomration parisienne ne sest pas produite. Nul nattendait en revanche son talement priphrique. Lurbanisme pavillonnaire non jugul branle la planification la franaise. On projetait plus d'habitants dans les villes nouvelles, et une part bien plus importante de la population banlieusarde (actuellement, un sur dix, environ) ; des villes - satellites, mais non des villes noyes dans la masse.LEtat se dessert lui-mme avant 1982, les maires doivent consulter le prfet avant de permettre toute nouvelle construction en fermant les yeux sur la priurbanisation francilienne. Chaque commune de la premire, ou de la seconde couronne concurrence plus ou moins directement les villes nouvelles. Lespace libre semble infini, et le problme de ltirement de la ville rsolu : dmocratisation de la voiture, et gigantesque programme de travaux publics (tunnels, ponts, autoroutes, etc.) pour doubler, tripler, contourner, rendre plus fluide une circulation pourtant toujours plus encombre ! "Je me suis alors amus du got des villes-nouvelliens pour le pass; ai conclu sur leur envie de crer une ville dfinie non par ses attributions administratives, mais par la ralit des liens unissant les habitants de tel ou tel quartier. Il me faut aujourd'hui me montrer plus incisif que je ne l'ai t. Les amnageurs (Delouvrier, ou d'autres) se sont tromps sur la prospective, en l'occurrence la courbe de croissance dmographique des Franciliens. Mais je ne me satisfais pas de l'ide d'une simple erreur. Faute, il y a. Car l'Etat a dlibrment servi les uns et a desservi les autres.Des ronds-de-cuir ministriels ont conu le territoire de la banlieue la manire de fonctionnaires sovitiques, ignorant la monte en puissance de l'automobile : trop amricaine, sans doute ? Ils ont chou, ds lors que Paris a cess de gagner en population et que son agglomration n'a pas atteint les 14 millions imagins. Cette dernire a au contraire faiblement cru - dans les limites pr-existantes, celles de 1960 - mais elle s'est tendue sans relche, jusqu'en Picardie, dope mme par la mise en place du Rseau Express Rgional imagin au mme moment.On pourrait faire le lien avec la politique des grands ensembles censs rpondre dans l'urgence aux besoins en logement. On sait le destin de ces dernires, futures cits difficiles ; exemple Grigny... Des terres agricoles ont disparu, des milliers de personnes ont sdentaris. Certes, les cinq villes nouvelles parisiennes (Saint-Quentin, Cergy-Pontoise, Marne-la-valle, Melun-Senart et Evry) cumulent (un peu) plus de 850.000 habitants. Mais ces villes portent bien mal leur nom. Curieusement, les villes-champignons nes plus loin de faon spontane, ne reoivent pas cette appellation : exemple Bussy-Saint-Georges, dans les environs de Marne-la-Valle...Un article de La Croix ouvrira les yeux du moins convaincu. Pascal Charrier entreprend d'abord de donner la parole ceux qui sont satisfaits. Il n'en manque pas sur place, et pour cause. L'Etat a fait un effort continu (infrastructures routires, transports en commun, services collectifs, rhabilitations successives) destination d'une minorit de citoyens. Ceux-l ont en particulier profit de l'aventure au dpart, ont achet pas cher un terrain btir, puis ont men carrire ( Paris) et pris leur retraite (ailleurs). Ils font parfois la fine bouche, arguant des qualits discutables de l'urbanisme local, mais admettent au fond qu'ils ont eu de la chance d'tre arrivs au bon moment, au bon endroit.Dans la deuxime partie de l'article se dessine le revers de la mdaille, Cergy. L'Etat a dconcentr quelques services, a favoris l'installation d'une grande cole (l'ESSEC, en 1973) mais a surtout laiss ses fonctionnaires et les salaris d'entreprises prives quitter Paris et s'installer dans les villes nouvelles. Ce n'tait absolument pas leur vocation, mais il fallait bien faire comme si. Et puis la gentryfication de Paris qui refoule les classes moyennes hors du priphrique indispose peu le haut-fonctionnaire et le ministre dj propritaires dans la capitale.Le journaliste de La Croix dissmine ses piques, malheureusement. Elles porteraient davantage en tant plus concentres. Ses interlocuteurs ont manifestement russi un peu l'embrouiller sur des dbats marginaux. Dans la ville-nouvelle, la question n'est pas de savoir s'il faut construire de faon dense ou pas. C'est son existence mme qui est cause : les lus concerns prennent soin d'luder la question.J'apprcie bien sr ce qu'crit Pascal Charrier propos de la non-ville de Cergy-Pontoise ou encore sur le quartier de Saint-Christophe. Selon lui, la mairie aurait opt... pour un changement de nom ! 'Axe majeur-Horloge' serait cens vhiculer une image plus positive : la bonne blague. Le mot d'chec ne peut tre vit, en fin de compte, lorsque ressort l'expression de cauchemar quotidien ; c'est au sujet des transports..."Aujourdhui, Cergy-Pontoise 'pse' 100 000 emplois. Mais, chaque matin, il y a autant de Franciliens venus dailleurs qui entrent dans lagglomration pour y travailler que de Cergypontins obligs de se dplacer vers Paris ou sa petite couronne. Pour ceux-l, la ville nouvelle qui se voulait une anti-cit dortoir est devenue une vraie banlieue et se transporter est un cauchemar quotidien. Lautoroute A15 est surcharge et le RER A dborde de passagers mcontents force de retards et dincidents." (source)En France, nul n'endosse la responsabilit de l'chec des villes nouvelles, au prtexte qu'il suscite la discussion. Peut-tre aussi parce que des milliers de retraits bnficiaires sont parvenus russir individuellement grce l'action collective... Tant mieux pour eux, condition qu'ils sachent gr l'Etat de son action ! Ils forment de toutes faons les arbres qui cachent la fort ; la fort de ceux qui subissent les villes nouvelles faute de moyens pour s'installer ailleurs.* 4 mai 2015. L'Eure deux heures de Paris Aujourd'hui, escale dans l'Eure (carte) et sa dynamique dmographique calamiteuse, parce qu'en grande priphrie francilienne. Dans ce dpartement de Haute-Normandie coup en deux par la Seine, la rurbanisation ne bouleverse pas encore les quilibres gnraux : les communes de plus de 10.000 habitants reprsentent encore 21 % de la population totale de l'Eure.A rebours de cette dgradation proccupante, les communes de moins de 1.000 habitants lotissements pavillonnaires se dveloppent grande vitesse : elles rassemblent prs de quatre habitants sur dix (39%). Les gros villages de 500 1000 mes s'avrent mme plus dynamiques que les autres !Que rsulte t-il de cette double tendance ? D'une part, les gros bourgs flaubertiens doivent assumer leur rle cantonal (cole, sant, etc.) en disposant de moyens financiers contraints, de l'autre les communes-dortoirs gonflent sans services communautaires. Les familles franciliennes modestes repousses trs loin de Paris se retrouvent prives de toute activit; tant pis pour les parents isols, les chmeurs, les adolescents et les tudiants en premiers cycles universitaires.Dans l'Eure, le rural revient donc en force. Mais quel prix ? Dans le cas d'un des bourgs les plus sensibles, Gisors, la population a diminu de 0,7 % par an entre 2007 et 2012. Quelques recherches immobilires sur la ville donnent une ide du sinistre : vieilles granges normandes insalubres ou pavillons demain invendables. Une correspondante me fait remarquer sur Twitter qu'en 2002, le New York Times avait couvert le vote FN par une enqute Gisors. Mais aujourd'hui ? Les faits divers donnent un aperu du dsappointement provoqu par la priurbanisation force : non pas une misre profonde, mais le fruit d'un isolement contrecarr artificiellement par Internet et la tlvision.Il ne faut pas s'tonner si le FN se sent pousser des ailes dans ce canton de l'Eure. Les reprsentants des classes moyennes mornes et gares attendent leur heure. Rien dans leur programme ne leur permettra d'amliorer la vie quotidienne de leurs futurs (potentiels) administrs. Ici pourtant comme ailleurs, les partis dits de gouvernement croient pouvoir s'arranger avec leurs responsabilits passes et une promesse vague de front rpublicain.Jean Sivardire, lobbyiste des transports en commun (mars). Portrait saisissant d'un Polytechnicien, ex-physicien des solides et de la matire condense qui s'est engag dans le monde associatif (on dirait aujourd'hui citoyen) l'ge o d'autres se consacraient leurs familles ou l'achat de leur rsidence. En 1974, il a en effet 31 ans. La Fdration Nationale des associations d'usagers de transport (Fnaut) nat sous sa houlette quatre ans plus tard. Jean Sivardire lche aujourd'hui la main, ce qui lui vaut cet article finalement trs logieux : discrtion, abngation au profit du bien commun, fidlit la parole donne.On peut toutefois retourner chacune de ses qualits dans le sens inversement dprciatif. Le personnage n'a suscit aucun grand dbat l'Assemble Nationale ou dans les mdias, il a gard ses slogans d'origine, alors que bien des choses ont chang dans l'organisation de la ville et l'conomie nationale (la rebattue tertiarisation, par exemple). Michel Waintrop ne s'en laisse d'ailleurs pas trop compter, lorsqu'il dit que la Fnaut perd un "croyant et un pratiquant du transport public", rutilisant les propos du prsident de la SNCF !Son engagement contre la voiture - dont il affirme dcouler des lectures d'Alfred Sauvy sur la civilisation amricaine - peut s'avrer en thorie justifi. Le dveloppement des transports en commun n'a toutefois nullement entran un dclin de l'usage de l'automobile. Ainsi, quand Jean Sivardire se flicitait rcemment du tramway Nantes oubliait-il ce qui a accompagn la mise en place de ce transport en commun. Alors que le tramway se mettait en place, l'aire urbaine de Nantes s'est tale au point d'atteindre les limites dpartementales (source).Faute de gestion de la densit et des formes urbaines, le transport en commun a produit ce qu'il tait cens combattre : l'talement. Il a report (et donc dmultipli) l'usage de l'automobile dans les couronnes d'agglomration. A l'heure de la dcentralisation, il a concrtis la prise d'indpendance d'agglomrations trop heureuses de se dbarrasser de la tutelle des prfets.On ne peut aujourd'hui que constater les dgts. L'endettement des communes aliment par la bulle immobilire (via les prlvements sur des transactions en hausse tendancielle - prix et volume -) dbouchera sur une crise de la dette communale. La France de la voiture (priurbaine) acceptera t-elle de payer l'ardoise laisse par la France des transports en commun. Peut-tre, mais je gage que cela ne se fera pas sans heurts.Amilly, ou l'arbre qui cache la fort, dans le Loiret (avril). La bourgade intresse le journaliste de la Croix parce qu'elle a russi se dsendetter. Mieux, le maire multiplie les quipements sportifs et culturels qui doublonnent et concurrencent ceux de la commune-centre : Montargis. Il y aurait par consquent quelque part dans le Loiret une martingale pour les collectivits locales : baisse des dotations de l'Etat, dsendettement et amlioration de l'offre en services.Derrire le rve se cachent quelques faits prcis. Penchons-nous au pralable sur l'volution des recettes : celles-ci ont assurment augment. La premire raison en est l'volution dmographique combine la logique financire : l'endettement produit moyen terme l'amlioration des revenus. La population communale a doubl entre les annes 1960 et 1990 (source) : les quipements ont cot cher l'poque, mais les impts rentrent dsormais.Dans l'article on trouve la deuxime cause : l'hpital, les industries (certaines ont ferm, d'autres se crent) et la zone commerciale de l'agglomration se trouvent Amilly. Le maire s'en flicite lui-mme, rappelant que sa commune disposait d'un atout redoutable. Hier rurale, elle dispose encore d'une rserve foncire dix fois suprieure celle de Montargis (carte) : 400 contre 4.000 hectares...Alors que l'agglomration s'tend, la ville centrale connat cependant de plus en plus de difficults. Le taux de chmage atteint 25 % des 15-64 ans (source). Montargis reste bien sr une sous-prfecture, mais cette fonction administrative ne signifie plus grand chose : l'exception du tribunal. La commune a perdu son cole d'application des transmissions puis de sous-officiers de gendarmerie.Alors, le maire dsendetteur mritait-il autre chose que des louanges ? Sa bonne gestion a sans aucun doute dcid nombre de familles prfrer sa commune plutt qu'une autre, ds lors que le niveau d'imposition s'avrait attractif et que les logements sociaux restaient peu nombreux/visibles. Il faut toutefois montrer quel point la concurrence entre territoires ressemble une guerre fratricide. Ce qu'Amilly gagne, d'autres le perdent !En conclusion, une autre ralit gographique s'est d'ailleurs impose : celle de l'largissement de la tache urbaine parisienne. Montargis se situe moins de 200 kilomtres au sud de la capitale. En 2015, le Transilien relie les gares de Lyon ( Paris) et de Montargis en 1h40. Les nouveaux habitants d'Amilly (ex-Franciliens) rclament des quipements parce qu'ils ont gard leurs gots et habitudes. Peut-tre faut-il au contraire considrer que les atouts de la commune ont prcisment servi les attirer l ?!La mtropolisation parisienne, source de sgrgation spatiale (avril). Il est intressant de dcortiquer l'argumentaire d'un lu (maire de Courcouronnes dans l'Essonne) qui ne se rfugie pas dans des considrations gnrales, et n'hsite pas faire part de ses opinions. Stphane Beaudet n'est pas d'accord avec Franois Baroin (en tout cas, pas sur tout) et explique ses inquitudes sur la rforme du Grand Paris lance par l'ancien prsident Sarkozy. En un mot, des reprsentants de chaque territoire francilien incarneront une instance dmocratique, mais l'assemble lue devra s'arranger avec les chelons existants : mairie de Paris, rgion le de France. Et l'on ne sait pour l'instant pas comment, ni qui tranchera.Lorsque Mathias Thpot sonde le maire de Courcouronnes sur la question budgtaire, ce dernier s'aligne sur ses collgues : "nous, dfenseurs des services publics". L'Etat apparat alors comme brutal dans son retrait, tandis que l'lu ne s'interroge gure sur les choix historiques, commencer par le gonflement des effectifs de la fonction publique municipale.Retenons nanmoins ce qui est son avantage, savoir son analyse de la mtropolisation comme phnomne dynamique. Stphane Baudet insiste doublement sur l'impact des infrastructures : d'une part elles enserrent Paris (l'A86 mtamorphose en deuxime priphrique), d'autre part elles produisent une concurrence entre communes de banlieues (population vieillissante, mais aussi cits enkystes) et grandes villes situes une heure de train de Paris. De ce point de vue, Stphane Baudet donne en exemple Reims et Lille comme deux villes l'immobilier abordable, selon des critres financiers non dfinis !Le maire de Courcouronnes lche l'expression de sgrgation territoriale en la prcdant d'un risque de qui en attnue la porte rellement alarmante. Il constate que les cadres (ex-) dynamiques se dsintressent de l'le de France pour privilgier une province juge assez proche. L'employeur prend souvent en charge les billets de train, escomptant la transformation du temps de trajet en temps de travail dans le TGV. L'habitant du Mans, d'Amiens, de Tours, de Reims ou de Lille qui travaille Paris considre que l'loignement se justifie par les gains en services : pour sa famille, ses loisirs...Lucide, Stphane Baudet pressent que l'envole attendue des prix de l'immobilier ne sera pas enraye par la mtropolisation et le Grand Paris. Elle sera au contraire renforce, privant les maires de la possibilit d'attirer de nouveaux habitants...Pauvres Transiliens (mai). Le train de trs grande banlieue ne rduit pas le recours l'automobile : il l'intensifie en le diffusant de plus en plus loin (source). Dans la Marne, une commune a rcemment expriment l'impact du parking gratuit. Les gares des stations prcdentes du Transilien ont en effet choisi le stationnement payant. La mairie de Sacy a mis au mme moment disposition un terrain vague en le goudronnant; sans doute estimait-elle qu'il s'agissait d'un service rendu ses administrs. A Sacy-sur-Marne, le nombre de voitures gares a alors brusquement augment (+ 150), suscitant inquitudes concernant la scurit du parking et agacement des utilisateurs habituels soudain soumis concurrence.Les utilisateurs du Transilien se proccupent quant eux de la ponctualit des trains et de la srnit de leurs dplacements ? Le nouveau responsable du rseau affiche sa dtermination lutter contre la fraude et les incivilits. Dans le premier cas, le faible montant des amendes exprime le niveau de revenus des voyageurs de la grande priphrie : les smicards qui travaillent Paris. Dans le second, le nombre de personnels affects la mdiation (200) - moins que le nombre de gares de l'aire urbaine - donne une ide des besoins. Plus la tache urbaine francilienne s'tend (carte au-dessus tir d'un article de Slate sur le Grand Paris), plus les difficults s'aggravent, vaguement dissimules par un discours volontariste...