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19/11/13 16:05 Traque du tireur : le réseau de vidéosurveillance à l'épreuve Página 1 de 5 http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2013/11/19/traque-du-tireur-…-s-appuyer-sur-un-dense-reseau-de-videosurveillance_3516603_3224.html Traque du tireur : le réseau de vidéosurveillance à l'épreuve Le Monde.fr | 19.11.2013 à 19h08 • Mis à jour le 19.11.2013 à 19h28 | Par Simon Piel et Alexandre Léchenet (/journaliste/alexandre-lechenet/) Si depuis ce vendredi 15 novembre et sa première apparition dans les locaux de la chaîne d'information BFM-TV, l'homme qui a tiré sur un assistant photographe dans le hall de Libération court toujours, l'ensemble de la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne, soit une centaine d'hommes, est mobilisée sur l'affaire. Elle tente en particulier d'exploiter les centaines d'appels qui ont suivi la diffusion de photos du tireur extraites des caméras de vidéosurveillance et de son signalement. Quatre clichés, dont l'un laissant apparaître son visage, ont pour l'instant été diffusés dans les médias. Une traque qui met au défi le vaste système de vidéosurveillance mis en place dans la capitale à la fin de l'année 2011. Les moyens Avec la mise en place dès décembre 2011 du "plan de vidéoprotection pour Paris" (PVPP), les enquêteurs disposent d'un maillage très serré permettant de traquer les suspects. Ce dispositif s'est donné plusieurs objectifs : le renforcement de la sécurité routière, l'ordre public lors de grands rassemblements, la lutte contre la délinquance ou encore la prévention du risque terroriste. Le PVPP prévoit que les images puissent être stockées pour une durée Photo du suspect des tirs à "Libération" et à la Défense, diffusée mardi 19 novembre par la police. | AFP/HO

Traque du tireur _ le réseau de vidéosurveillance à l'épreuve

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Traque du tireur : le réseau devidéosurveillance à l'épreuveLe Monde.fr | 19.11.2013 à 19h08 • Mis à jour le 19.11.2013 à 19h28 |

Par Simon Piel et Alexandre Léchenet (/journaliste/alexandre-lechenet/)

Si depuis ce vendredi 15 novembre et sa première apparition dans leslocaux de la chaîne d'information BFM-TV, l'homme qui a tiré sur unassistant photographe dans le hall de Libération court toujours,l'ensemble de la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne, soitune centaine d'hommes, est mobilisée sur l'affaire. Elle tente en particulierd'exploiter les centaines d'appels qui ont suivi la diffusion de photos dutireur extraites des caméras de vidéosurveillance et de son signalement.Quatre clichés, dont l'un laissant apparaître son visage, ont pour l'instantété diffusés dans les médias. Une traque qui met au défi le vaste systèmede vidéosurveillance mis en place dans la capitale à la fin de l'année 2011.

Les moyens

Avec la mise en place dès décembre 2011 du "plan de vidéoprotection pourParis" (PVPP), les enquêteurs disposent d'un maillage très serrépermettant de traquer les suspects. Ce dispositif s'est donné plusieursobjectifs : le renforcement de la sécurité routière, l'ordre public lors degrands rassemblements, la lutte contre la délinquance ou encore laprévention du risque terroriste.

Le PVPP prévoit que les images puissent être stockées pour une durée

Photo du suspect des tirs à "Libération" et à la Défense, diffusée mardi 19 novembre par

la police. | AFP/HO

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maximum de 30 jours et exploitées par 2 500 policiers et pompiers. Laville de Paris compte par ailleurs environ 250 caméras de circulation quine font pas l'objet d'enregistrements et dont les flux étaient déjàaccessibles par la préfecture de police avant le PVPP. Le déploiement decaméras sur Paris est conduit sous la forme d'un partenariat public-privésigné en juillet 2010 avec IRIS-PVPP, une filiale d'Ineo Suez crééespécialement pour ce marché.

Outre les 1 105 caméras, les enquêteurs peuvent s'appuyer sur le réseau dela RATP et de la SNCF. Contactée, la RATP précise que plus de 18 500caméras équipent les bus et les tramways (quatre par autobus standard etsix dans les autobus articulés). La visualisation des images se fait endifféré en cas d'incident. Quelque 9 000 caméras équipent les métros etRER.

Les images sont conservées 72 heures, mais peuvent être archivées à lademande des services d'enquête. Une consultation est possible en tempsréel dans les PC de sécurité de la RATP et de la police. Il est en outrepossible de procéder à un "export massif" des images dans les affaires deterrorisme. Les trains et rames de nouvelle génération ou rénovés sontégalement dotés de vidéosurveillance.

Fin septembre, la SNCF dénombrait 4 596 caméras dans ses gares d'Ile-de-France et 6 559 dans ses trains. Les nouveaux Transiliens (trains debanlieue) en sont systématiquement équipés. Les images sont observéesen temps réel à partir du PC national Sûreté de la SNCF et à partir de cinqcentres de gestion en Ile-de-France ouverts 24h/24. Les enregistrementspeuvent aussi être utilisés a posteriori par la police après réquisitions. Afin septembre, la police avait procédé à 3 000 réquisitions en 2013, selonla SNCF.

Au total, les forces de police peuvent donc s'appuyer au quotidien sur unréseau de plus de 30 000 caméras en Ile-de-France.

Le coût

Selon le rapport sénatorial (http://www.senat.fr/rap/r13-091/r13-0916.html#toc158)

"Police-gendarmerie, quelle stratégie d'investissement ?", rendu public enoctobre 2013, le coût total du PVPP s'élève sur quinze ans à 251,9 millionsd'euros. Pour 2013, le loyer du contrat représente 16,5 millions d'euros.Pour l'ensemble du territoire, hors Paris, le développement du système desurveillance a coûté 133,6 millions d'euros depuis 2007. Concernant leréseau de vidéosurveillance de la RATP, selon les chiffres communiquéspar l'entreprise, celui-ci a coûté 153,50 millions d'euros dont 90,50 desubventions (Etat/Stif) et 63 millions d'euros sur financement RATP.

La localisation

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Le PVPP avait pour but l'installation de 1 105 caméras sur la voie publique.Dans son bilan opérationnel du 9 janvier 2013, elle précise que 993caméras, soit 89,8 % du total prévu, sont opérationnelles. Elles sontcartographiées sur le site de la préfecture de police(http://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/Prevention/Videoprotection/Videoprotection-repartition-

des-cameras-par-arrondissement) , dans une vingtaine de documents PDF. A ce

millier de caméras s'ajoutent près de 10 000 caméras de "réseauxpartenaires" dépendant de la RATP, de la SNCF et de grands magasins oude musées, selon le rapport sénatorial, dont la police peut demander lesimages dans le cadre d'une enquête judiciaire.

Dans un document (http://actions-

incitatives.ifsttar.fr/fileadmin/uploads/recherches/geri/ntic/NTIC11-14dec06/presCAIRE.pdf) datant de

2006, la RATP indique que des caméras sont présentes dans 400 stationsde métro et de RER, ainsi que dans le matériel roulant (métro, bus ettramway). Leurs images sont communiquées à la préfecture de police.C'est d'ailleurs une image du suspect prise à la station de métro Concordepar la RATP qui a été diffusée le 19 novembre dans le cadre de l'appel àtémoin.

Cependant, seules les caméras sur la voie publique peuvent filmer celle-ci.Les entreprises et établissements publics peuvent le faire "aux fins d'yassurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux etétablissements sont susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme",précise l'article L223-1 du code de la sécurité intérieure, mais seulementdans les abords immédiats. Et en tournant leurs caméras vers l'intérieurdu bâtiment, avaient précisé (http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/06/26/97001-

20130626FILWWW00577-meric-la-video-ne-provient-pas-de-la-ratp.php) RATP et SNCF lors

de la polémique autour de la vidéosurveillance après le meurtre deClément Méric.

Les caméras de la ville de Paris et de la préfecture de police de Paris autour de la place

de la République. | Préfecture de police de Paris

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Le collectif Paris sous surveillance (http://paris.sous-surveillance.net/) propose une

carte de toutes les caméras visibles dans la rue. Les internautes peuventcontribuer à l'alimenter (/technologies/article/2012/12/21/la-carte-collaborative-des-cameras-

de-surveillance-s-invite-a-paris_1809674_651865.html) . Elle recense aussi bien les

caméras de la ville de Paris, celles de la préfecture, de la SNCF ainsi quecelles des entreprises. On y compte plus de 2 500 caméras dans Paris etson agglomération sur la voie publique ou sur les façades des banques ouautres boutiques.

Questions sur l'efficacité de la vidéosurveillance

Le Parti pirate s'est exprimé publiquement sur la question de lavidéosurveillance lors de la traque du tireur. Il la juge(https://twitter.com/PartiPirate/status/402472238974124033) inefficace "face aux tireurs et

aux braqueurs" et propose le "démontage de toutes les caméras". "Lavidéosurveillance est une technique extraordinaire qui est la consécrationd'un échec", se lamente TXO, porte-parole du parti. "Elle vient nousexpliquer que la police a échoué, puisque son utilisation intervient aprèscoup. La caméra de surveillance n'empêche rien. De manière générale, letaux d'élucidation n'a pas augmenté après leurs installation. C'est unsimple placebo que vous tendez vers les citoyens pour leur faire croireque vous prenez soin de leur sécurité."

Le sénateur EELV Jean-Vincent Placé, auteur du rapport sénatorialprécité, avait demandé un moratoire sur les dépenses relatives à lavidéosurveillance déplorant que "cet investissement d'un coût élevé dansdes systèmes de surveillance potentiellement attentatoires aux libertéspubliques et dont aucune étude sérieuse (ni en France, ni à l'étranger) n'aprouvé l'efficacité en termes de sécurité publique". Le débat sur lavidéosurveillance n'est pas nouveau. La question de son efficacité commecelle de possibles atteintes à la vie privée ne cessent d'être posées.

Le sénateur se fondait notamment sur un rapport(http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Organisation-et-gestion-des-forces-de-securite-

publique) de la cour des comptes rendu public en juillet 2011 qui regrettait

qu'"aucune étude d'impact, réalisée selon une méthode scientifiquementreconnue, [n'ait] encore été publiée. Contrairement au Royaume-Uni, laFrance n'a pas encore engagé un programme de recherche destiné àmesurer l'apport de la vidéosurveillance dans les politiques de sécuritépublique".

Depuis la mise en place du PVPP, les premiers chiffres commencent àtomber. Entre le 21 décembre 2011 et le 9 janvier 2013, la préfecture depolice estimait que ces caméras avaient été utilisées 8 111 fois et avaientpermis 3 558 arrestations. L'essentiel des requêtes (1 544) ayant été

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Suivre

réalisées pour des faits de vols.

En 2009, un rapport (http://www.interieur.gouv.fr/Videoprotection/La-commission-nationale-de-

videosurveillance/Rapport-sur-l-efficacite-de-la-videoprotection) de l'inspection générale de

l'administration pour le ministère de l'intérieur concluait à l'efficacité de lavidéosurveillance, affirmant notamment que "l'analyse des statistiques dela délinquance montre un impact significatif de la vidéoprotection enmatière de prévention, puisque le nombre de faits constatés baisse plusrapidement dans des villes équipées de vidéoprotection que dans celles oùaucun dispositif n'est installé". Pour autant, de nombreux chercheurs ici(http://www.laurent-mucchielli.org/public/Videosurveillance.pdf) ou là

(http://www.pourlascience.fr/ewb_pages/a/article-la-videosurveillance-reduit-elle-la-delinquance-

25588.php) remettent en question ces conclusions indiquant que les caméras

n'ont aucun effet dissuasif et que si elles permettent parfois d'avancer surcertaines enquêtes, le taux d'élucidation à mettre au bénéfice de lavidéosurveillance reste marginal.

De son côté, la Commission nationale de l'informatique et des libertés(CNIL) joue un rôle de contrôle. Dans un rapport(http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/Videosurveillance/CNIL-DP_Video.pdf%20)

rendu public en juin 2012, celle-ci avait noté plusieurs manquementsconcernant les mises en œuvre de ces dispositifs. Elle relevait ainsiponctuellement une "absence d'autorisation ou une absence derenouvellement préfectorale", "une absence de déclaration à la CNIL","une information des personnes inexistante ou insuffisante", "unemauvaise orientation des caméras" (certaines pouvant par exemplepermettre de filmer des parties privatives d'immeubles) ou encore une"durée de conservation [des images] excessive".

(/journaliste/alexandre-lechenet/) Alexandre Léchenet(/journaliste/alexandre-lechenet/)

Journaliste au Monde