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J Radiol 2008;89:1797-811 © 2008. Éditions Françaises de Radiologie. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés formation médicale continue le point sur… Traumatismes du thorax : lésions élémentaires C Beigelman-Aubry (1), S Baleato (2), M Le Guen (1), A-L Brun (1) et P Grenier (1) a plupart des traumatismes du thorax en Europe de l’Ouest sont en rapport avec des accidents de la voie publique, liés aux pratiques sportives ou à des défenestrations. Ils sont res- ponsables de 25 % des décès post-traumatiques dans leur ensem- ble. Des lésions associées sont rencontrées dans 70 à 90 % des cas parmi lesquelles des lésions cérébrales et abdominales retrouvées dans 30 % des cas (1-2). Ces traumatismes sont des traumatismes fermés dans 90 % des cas. Les lésions sont principalement liées à des forces de décélération survenant lors de l’impact (3). Le diagnostic correct des lésions post-traumatiques repose sur une connaissance complète des diverses manifestations cliniques et radiologiques (4). Bien que l’insuffisance de sensibilité et de performance de la radiographie thoracique par rapport au scan- ner soit bien connue, un cliché thoracique en décubitus dorsal reste de réalisation systématique à l’admission du patient, à la re- cherche d’un épanchement aérique ou pleural à drainer en ur- gence. Une TDM thoracique est requise secondairement chez un patient stable ou stabilisé. Une lecture exhaustive doit être effec- tuée, l’apport des post-traitements étant indéniable dans ce cadre. Ainsi, le radiologue joue un rôle essentiel dans la gestion de ces patients. Seuls les aspects scanographiques seront détaillés. Protocole d’examen en TDM 11 Le bilan thoracique est le plus souvent réalisé au sein d’une ex- ploration plus large, céphalique, rachidienne, et thoraco-abdo- minopelvienne. • Une première spirale sans IV peut être réalisée en coupes épaisses afin de détecter des hyperdensités spontanées, suggestives d’un épanchement hématique ou d’un hématome. Une spirale avec injection de produit de contraste est systéma- tiquement effectuée. L’injection sera déclenchée à l’aide d’un lo- giciel de détection du produit de contraste positionné dans la por- tion antérieure de la crosse aortique. Une dose de 120 ml de produit de contraste à une concentration de 300 mg/ml est injec- tée à un débit de 3 ml/s. On privilégiera le côté droit pour la voie d’abord centrale lors- qu’elle est jugulaire et/ou sous-clavière, afin d’éviter les artefacts de flux pouvant perturber, en particulier, l’analyse des vaisseaux supra-aortiques. La modulation de dose doit être utilisée avec parcimonie, un contexte d’urgence vitale étant en jeu. En reconstruction médiastinale, une épaisseur effective aux environs de 2,5 mm et un intervalle de reconstruction de 1,25 mm est souhaitable, cette épaisseur ayant pour objectif d’améliorer le rapport signal sur bruit chez ces patients ayant des matériels de réanimation divers avec parfois les bras maintenus le long du corps. En fenêtre parenchymateuse et osseuse, des re- constructions en épaisseur de 1,25 mm tous les 0,6 mm environ sont recommandées. L´évaluation doit être rigoureuse et systématique, afin de mi- nimiser le nombre des lésions méconnues et potentiellement gra- ves. L’étude sera systématiquement effectuée en fenêtre médias- tinale, parenchymateuse pulmonaire et osseuse. Traumatismes pariétaux 1. Traumatismes de la cage thoracique Il n’existe pas de parallélisme entre la gravité des lésions pariéta- les et viscérales (5). Il est à noter le rôle particulier de l’âge dans la transmission des forces après un traumatisme. Le squelette Abstract Résumé Chest trauma: spectrum of lesions J Radiol 2008;89:1797-811 Blunt chest trauma typically occurs as part of polytrauma, usually secondary to motor vehicle accidents, sports related injuries or defenes- tration in Western Europe. Each chest compartment may be responsible for immediate and/or delayed complications, thus requiring a dedicated systematic and comprehensive analysis. The use of image post-processing is mandatory in order to not overlook a potentially severe injury. The purpose of this paper is to review the technical considerations of multidetector CT, and the imaging features and interpretation method for each chest compartment, in order to generate an adapted report. Les traumatismes thoraciques fermés s’intègrent le plus souvent dans le cadre de polytraumatismes, généralement en rapport avec des accidents de la voie publique, dans le cadre d’accidents liés aux pratiques sportives ou consécutifs à des défenestrations en Europe de l’Ouest. Chaque compartiment thoracique peut être source de complications immédiates et/ou retardées, ceci requérant une analyse systématique et exhaustive de chacun d’entre eux. Une gestion adaptée des post- traitements est indispensable afin de ne pas méconnaître une lésion potentiellement grave, de la façon la plus efficace possible. Les objectifs pédagogiques de ce cours sont de maîtriser les aspects techniques en TDM multicoupe, rappeler les aspects séméiologiques et la méthode d’interprétation au sein de chacun des compartiments thoraciques, afin de rédiger un compte-rendu adapté. Key words: Chest. trauma. Mots-clés : Thorax. traumatisme. 1. (Voir également la fiche de recommandations techniques sur le site de la SFR) L (1) Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, Université Pierre et Marie Curie, Paris V, France ; (2) Hospital Clinico Universitario de Santiago (CHUS), Choupana s/n, 15706, Chili. Correspondance : C Beigelman-Aubry E-mail : [email protected]

Traumatismes du thorax : lésions élémentaires

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J Radiol 2008;89:1797-811© 2008. Éditions Françaises de Radiologie.

Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

formation médicale continue

le point sur…

Traumatismes du thorax : lésions élémentaires

C Beigelman-Aubry (1), S Baleato (2), M Le Guen (1), A-L Brun (1) et P Grenier (1)

a plupart des traumatismes du thorax en Europe de l’Ouestsont en rapport avec des accidents de la voie publique, liésaux pratiques sportives ou à des défenestrations. Ils sont res-

ponsables de 25 % des décès post-traumatiques dans leur ensem-ble. Des lésions associées sont rencontrées dans 70 à 90 % des casparmi lesquelles des lésions cérébrales et abdominales retrouvéesdans 30 % des cas (1-2). Ces traumatismes sont des traumatismesfermés dans 90 % des cas. Les lésions sont principalement liées àdes forces de décélération survenant lors de l’impact (3).Le diagnostic correct des lésions post-traumatiques repose surune connaissance complète des diverses manifestations cliniqueset radiologiques (4). Bien que l’insuffisance de sensibilité et deperformance de la radiographie thoracique par rapport au scan-ner soit bien connue, un cliché thoracique en décubitus dorsalreste de réalisation systématique à l’admission du patient, à la re-cherche d’un épanchement aérique ou pleural à drainer en ur-gence. Une TDM thoracique est requise secondairement chez unpatient stable ou stabilisé. Une lecture exhaustive doit être effec-tuée, l’apport des post-traitements étant indéniable dans ce cadre.Ainsi, le radiologue joue un rôle essentiel dans la gestion de cespatients. Seuls les aspects scanographiques seront détaillés.

Protocole d’examen en TDM

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1

• Le bilan thoracique est le plus souvent réalisé au sein d’une ex-ploration plus large, céphalique, rachidienne, et thoraco-abdo-minopelvienne.

• Une première spirale sans IV peut être réalisée en coupesépaisses afin de détecter des hyperdensités spontanées, suggestivesd’un épanchement hématique ou d’un hématome.• Une spirale avec injection de produit de contraste est systéma-tiquement effectuée. L’injection sera déclenchée à l’aide d’un lo-giciel de détection du produit de contraste positionné dans la por-tion antérieure de la crosse aortique. Une dose de 120 ml deproduit de contraste à une concentration de 300 mg/ml est injec-tée à un débit de 3 ml/s.• On privilégiera le côté droit pour la voie d’abord centrale lors-qu’elle est jugulaire et/ou sous-clavière, afin d’éviter les artefactsde flux pouvant perturber, en particulier, l’analyse des vaisseauxsupra-aortiques.• La modulation de dose doit être utilisée avec parcimonie, uncontexte d’urgence vitale étant en jeu.• En reconstruction médiastinale, une épaisseur effective auxenvirons de 2,5 mm et un intervalle de reconstruction de1,25 mm est souhaitable, cette épaisseur ayant pour objectifd’améliorer le rapport signal sur bruit chez ces patients ayant desmatériels de réanimation divers avec parfois les bras maintenus lelong du corps. En fenêtre parenchymateuse et osseuse, des re-constructions en épaisseur de 1,25 mm tous les 0,6 mm environsont recommandées.• L´évaluation doit être rigoureuse et systématique, afin de mi-nimiser le nombre des lésions méconnues et potentiellement gra-ves. L’étude sera systématiquement effectuée en fenêtre médias-tinale, parenchymateuse pulmonaire et osseuse.

Traumatismes pariétaux

1. Traumatismes de la cage thoracique

Il n’existe pas de parallélisme entre la gravité des lésions pariéta-les et viscérales (5). Il est à noter le rôle particulier de l’âge dansla transmission des forces après un traumatisme. Le squelette

Abstract Résumé

Chest trauma: spectrum of lesionsJ Radiol 2008;89:1797-811

Blunt chest trauma typically occurs as part of polytrauma, usually secondary to motor vehicle accidents, sports related injuries or defenes-tration in Western Europe.Each chest compartment may be responsible for immediate and/or delayed complications, thus requiring a dedicated systematic and comprehensive analysis. The use of image post-processing is mandatory in order to not overlook a potentially severe injury.The purpose of this paper is to review the technical considerations of multidetector CT, and the imaging features and interpretation method for each chest compartment, in order to generate an adapted report.

Les traumatismes thoraciques fermés s’intègrent le plus souvent dans le cadre de polytraumatismes, généralement en rapport avec des accidents de la voie publique, dans le cadre d’accidents liés aux pratiques sportives ou consécutifs à des défenestrations en Europe de l’Ouest.Chaque compartiment thoracique peut être source de complications immédiates et/ou retardées, ceci requérant une analyse systématique et exhaustive de chacun d’entre eux. Une gestion adaptée des post-traitements est indispensable afin de ne pas méconnaître une lésion potentiellement grave, de la façon la plus efficace possible.Les objectifs pédagogiques de ce cours sont de maîtriser les aspects techniques en TDM multicoupe, rappeler les aspects séméiologiques et la méthode d’interprétation au sein de chacun des compartiments thoraciques, afin de rédiger un compte-rendu adapté.

Key words: Chest. trauma.

Mots-clés : Thorax. traumatisme.

1. (Voir également la fiche de recommandations techniques sur le site de la SFR)

L

(1) Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, Université Pierre et Marie Curie, Paris V, France ; (2) Hospital Clinico Universitario de Santiago (CHUS), Choupana s/n, 15706, Chili.Correspondance : C Beigelman-AubryE-mail : [email protected]

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thoracique étant souple et déformable chez les adolescents et lesadultes jeunes, les fractures costales sont plus rares, avec une fré-quence plus élevée de lésions viscérales associées (6). En revan-che, chez le sujet âgé, les fractures costales sont fréquentes et ab-sorbent une partie de l’énergie du traumatisme.

1.1. Fractures de côtes

Les fractures des côtes ont rarement des conséquences cliniquespropres. Leur gravité dépend de leur répercussion directe sur lesorganes sous-jacents thoraciques ou abdominaux, et sur la méca-nique ventilatoire. Seules 18 % de ces fractures sont diagnosti-quées sur une radiographie de thorax, en comparaison avec lesrésultats autopsiques.Le siège des fractures costales donne une indication de la direc-tion, de la sévérité du traumatisme et de la nature des complica-tions possibles. La topographie des fractures diffère selon le côtédu port de la ceinture de sécurité.• Les fractures des trois premières côtes ou des deux premiè-res côtes et de la clavicule suggèrent un traumatisme relative-ment sévère. Des lésions du plexus brachial ou des vaisseaux,présentes dans 6,6 % des cas, seront recherchées de principe(7). Des reformations sagittales doivent être effectuées, le mo-

de MIP devant être utilisé pour l’étude des vaisseaux sous-claviers.• Les fractures des trois dernières côtes signent un traumatismethoraco-abdominal. Elles doivent faire suspecter un traumatismesplénique, hépatique ou rénal.• Les fractures costales sont analysées en coupes axiales en fenê-tre osseuse et en reconstructions en mode rendu volumique.• Des fractures de la portion chondrale des côtes doivent être re-cherchées systématiquement, au mieux en reconstruction MIPépaisse en incidence coronale et en fenêtre osseuse.

1.2. Volet thoracique

Hormis les lésions rachidiennes, les volets thoraciques sont les lé-sions pariétales les plus sévères chez les patients à traumatisme fer-mé. Leur morbimortalité dépend de l’âge du patient, de l’exten-sion lésionnelle et des lésions thoraciques associées. Les voletsthoraciques sont définis par une atteinte de plus de trois côtes con-tiguës ou plus avec au moins deux traits sur chaque côte. Un mou-vement paradoxal du volet durant les respirations peut favoriser lasurvenue d’atélectasies. Comme pour les fractures de côtes, les re-constructions 3D en rendu volumique sont pertinentes, une corré-lation avec les coupes axiales en fenêtre osseuse restant requise

(fig. 1)

.

Fig. 1 : Volet costal (flèches blanches) et fracture de l’omoplate (flèches noires et blanches) gauches chez un motocycliste ayant percuté un obstacle. Les traits de fractures, les déplacements et les déformations sont bien évalués en c et d, et doivent être vérifiés en coupes axia-les.

a Coupe axiale en fenêtre osseuse.b Coupe axiale en fenêtre osseuse.c Reconstruction 3D en rendu volumique de gris en vue antérieure.d Reconstruction 3D volumique en vue postérieure.

a bc d

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1.3. Fracture de clavicule

Le diagnostic est le plus souvent clinique. Des fractures paraster-nales avec déplacement postérieur peuvent se compliquer de lé-sions vasculaires brachiocéphaliques, nerveuses, de l’œsophage etde la trachée.Les fractures

(fig. 2)

et les disjonctions sterno-claviculaires sontbien démontrées en TDM. Les dislocations postérieures sont plussévères car elles peuvent être associées à des lésions adjacentes desvaisseaux médiastinaux, de la trachée et de l’œsophage.

1.4. Lésions traumatiques de l’omoplate

Les lésions traumatiques de l’omoplate sont bien authentifiées enTDM, ainsi que l’œdème et les hématomes adjacents. Une lésiontraumatique rare mais grave est la dissociation scapulo-thoraci-que. Elle est définie par une luxation latérale de l’omoplate surun cliché thoracique de face, avec un déplacement supérieur à2 cm de la ligne des apophyses épineuses en comparaison avec lecôté controlatéral.Une fracture de l’humérus et/ou de la clavicule et/ou du sternumsont souvent associées. Les reconstructions 2D et surtout 3D en ren-du volumique sont pertinentes dans ce cadre

(fig. 1c-d, fig. 2c-d)

.

1.5. Fractures sternales

Les fractures sternales sont retrouvées dans 8 à 10 % des trauma-tismes fermés du thorax. Elles attestent d’un traumatisme direct

et siègent généralement à environ à 2 cm de l’articulation manu-brio-sternale.La TDM en reconstruction sagittale diagnostique aisément cesfractures même en cas de déplacements minimes. Cette recher-che doit être systématique en fenêtre osseuse. Des hématomes ré-trosternaux

(fig. 3)

ou présternaux sont souvent associés.Les fractures sternales avec un déplacement des fragments peu-vent créer ou être associées à des lésions vasculaires, une hémor-ragie médiastinale ou des contusions myocardiques. Elles sont dece fait associées à une mortalité de 25 à 45 %.

1.6. Fractures rachidiennes

Les traumatismes vertébraux sont fréquents dans les traumatis-mes à haute cinétique. Plus de 30 % des patients avec un trauma-tisme thoracique significatif ont un traumatisme rachidien. Uneidentification précoce des anomalies osseuses peut prévenir deslésions médullaires irréversibles et potentiellement dramatiques

(fig. 4-5)

. La majorité des fractures comminutives siègent à lajonction thoracolombaire. Des fractures multiples sont visuali-sées dans 10 % des cas.Les clichés conventionnels du rachis thoracique de face et profilont tendance à être substitués par les reconstructions TDM. Unexamen IRM est rarement requis (8). Les coupes axiales (ou axia-les obliques) et les reconstructions sagittales sont les plus infor-matives en termes d’alignement des corps vertébraux et des frag-

Fig. 2 : Fractures de la clavicule gauche avec déplacement fragmentaire (flèches).a Coupe axiale en fenêtre médiastinale.b Coupe axiale en fenêtre osseuse.c Aspect en rendu volumique en vue antérieure.d Aspect en rendu volumique en vue supérieure.

a bc d

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ments osseux intracanalaires. Les parties molles et le canalmédullaire seront également étudiés.

2. Traumatisme du diaphragme

Des traumatismes diaphragmatiques sont rencontrés chez 0,8 %à 8 % des patients après traumatisme thoracique fermé (9). Plusde 90 % des ruptures diaphragmatiques surviennent après un ac-cident de la route chez des sujets jeunes (10). Leur méconnaissan-ce initiale est responsable d’un taux de mortalité d’environ 30 %du fait d’une association fréquente à d’autres lésions thoraciquesou abdominales vitales. Les lésions le plus souvent associées sontdes fractures du bassin (40-55 %), de la rate (60 %) et des reins(11).Les ruptures diaphragmatiques gauches sont trois fois plus fré-quentes qu’à droite grâce à l’effet protecteur du foie (12). Destraumatismes bilatéraux sont observés dans 2 à 6 % des cas. Laplupart des plaies affectent la portion périphérique du diaphrag-me à la jonction tendon et foliole postérieure.

Un diagnostic précoce est souvent difficile en raison des lésionsassociées à type d’épanchement pleural, de traumatismes paren-chymateux, aortique, hépatique, splénique, de fractures, de dis-tension gastrique aiguë ou de paralysie du nerf phrénique. La ra-diographie initiale ne fait le diagnostic que dans 27 à 60 % des casau cours des traumatismes gauches et dans seulement 17 % destraumatismes à droite (13). L’analyse des clichés thoraciques suc-cessifs est très utile, en particulier chez les patients sous ventila-tion mécanique chez lesquels une pression positive intrathoraci-que peut retarder la herniation des organes abdominaux(estomac et côlon le plus souvent) à travers la lésion diaphragma-tique. En cas de doute, une opacification digestive haute peut-être utile.La TDM, de son côté, possède une sensibilité de détection de71 % et une spécificité du 100 % pour le diagnostic de rupturediaphragmatique (14-16). Les signes suggestifs sont

(fig. 6)

:• Une discontinuité directe de l’hémidiaphragme, signe le plussensible retrouvé dans environ 70 % des cas. Bien que la qualitéactuelle des reformations sagittales et coronales ait largement

a bc

Fig. 3 : Fracture du premier cartilage costal droit. Le trait de frac-ture (flèche en a) doit être différencié de l’articulation chondro-costale. Il s’associe à un hémomédiastin (flèches en b) de siège rétrosternal et à une fracture sternale, bien analysée en c (flèche).

a Coupe axiale en fenêtre osseuse.b Coupe axiale en fenêtre médiastinale.c Reconstruction sagittale de profil en fenêtre osseuse.

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a bc

Fig. 4 : Fracture comminutive du rachis thoracique (flèches noires et blanches) avec hémorachis (c) latéral droit (flèches lar-ges), fuite de produit de contraste et hémothorax droit (flèche fine) en coupe axiale et fenêtre médiastinale.

a Coupe axiale en regard de l’isthme aortique.b Reconstruction 2 D en plan coronal.c Coupe axiale en fenêtre mediastinale.

Fig. 5 : Fracture du rachis dorsal par un mécanisme de flexion-extension forcée avec atteinte antérosupérieure du corps vertébral (a et c) en coupes sagittales et des épineuses (c) en coupe axiale en fenêtre osseuse. L’IRM montre un hypersignal central témoignant d’une con-tusion médullaire.

a Reconstruction 2D sagittale en fenêtre osseuse.b IRM en plan sagittal en séquence pondérée T2.c Coupe axiale TDM en fenêtre osseuse.

a b c

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augmenté la sensibilité de la technique, ce signe est parfois trèsdélicat à mettre en évidence.• Une herniation intrathoracique des organes abdominaux et del’épiploon, avec une sensibilité de 55 % et une spécificité du100 %. L’estomac et le côlon sont les viscères les plus communé-ment herniés, avec ou sans signe de collet.• Une localisation anormalement haute de la sonde nasogastri-que au-dessus de l’hémicoupole diaphragmatique gauche.• Le signe des viscères « dépendants », présent dans 90 % descas dans l´étude rapportée par Bergin

et al.

(17). Ce signe consisteen la mise en évidence du contact du tiers supérieur du foie con-tre les côtes postérieures droites, et à gauche le contact de la por-tion supérieure de l’intestin et de l’estomac avec les côtes posté-rieures gauches.La présence d’un défect diaphragmatique n’est pas synonyme derupture. Il existe de faux positifs en rapport avec des défects phy-siologiques tels que les hernies de Bochdaleck ou des défects ac-quis chez les femmes, les sujets emphysémateux ou âgés, ou encas d’éventration.Lorsque le diagnostic n’est pas établi en TDM, une IRM reste re-commandée, le diaphragme étant généralement visualisé sous laforme d’une fine bande hypointense soulignée par l’hypersignalde la graisse abdominale et médiastinale en pondération T1.

3. Hématome extrapleural

Un hématome apical extrapleural peut être dû à une hémorragieissue des vaisseaux sous-claviers et, du côté gauche, une plaie aor-tique à partir du traumatisme initial ou un saignement secondai-re à la mise en place des cathéters centraux.Un tel hématome qui augmente de dimensions est hautementsuggestif d’un saignement actif et peut justifier une angiographieà visée interventionnelle.

Pathologie pleurale

1. Pneumothorax

Il existe un pneumothorax chez 30 à 40 % des traumatisés thora-ciques. Ils surviennent deux fois plus souvent en cas de trauma-tisme fermé qu’en cas de traumatisme pénétrant. Ils sont fréquem-ment associés à des traumatismes extra-thoraciques sévères, uneétude récente ayant ainsi rapporté l’existence d’un pneumo-thorax chez 52 % des patients avec traumatisme cérébral. Ils peu-vent être en rapport avec des phénomènes de compression alvéo-laire dans les traumatismes par écrasement, des lacérationspulmonaires et des barotraumatismes.

a bc

Fig. 6 : Rupture du cartilage chondro-sternal gauche avec hémomédiastin antérieur (flèche blanche) et rupture du diaphragme supposée en a devant la position élevée de l’estomac (flèche noire et blanche) et confirmée en reconstruction 2D. Ascension des viscères creux dans la cavité thoracique (estomac et côlon) visibles en b et visualisation des moignons du muscle diaphragmatique (flèches en b et c).

a Coupe axiale en fenêtre médiastinale.b Reconstruction coronale en fenêtre médiastinale.c Reconstruction sagittale en fenêtre médiastinale.

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L’identification d’un pneumothorax, même minime, est im-portante car une augmentation rapide de taille du pneumo-thorax peut survenir lors de la ventilation mécanique des pa-tients. Un pneumothorax sous tension est une urgencemédicale. Les adhérences pleurales peuvent modifier larépartition aérique, et empêcher un drainage thoraciquecorrect.Trente à 50 % des petits pneumothorax chez les patients trauma-tisés sont méconnus sur un cliché radiographique de face. LaTDM est la technique de loin la plus sensible pour détecter lespneumothorax de faible volume, en coupes axiales et en fenêtreparenchymateuse, avec éventuelles reformations

(fig. 7)

. En casde pneumothorax persistant, une malposition du drain sera re-cherchée de principe.

2. Épanchements pleuraux liquidiens

En post-traumatique, la majorité des épanchements pleuraux estde nature hématique, les hémothorax survenant chez 23 à 51 %des patients avec traumatisme thoracique fermé. La chirurgie estrequise dans moins de 10 % des cas : les principales indicationssont un saignement à un débit supérieur à 200 ml/heure ou unépanchement supérieur à 1 litre à la présentation.

Un épanchement pleural d’extension rapide avec déglobulisationest probablement d’origine artérielle et peut être une menace vita-le. Il s’agit le plus souvent d’une lacération des artères intercostalesou mammaires internes, ou des gros vaisseaux médiastinaux.L’angiographie avec embolisation est salvatrice. L’hémorragieveineuse est généralement limitée, l’hémothorax en expansioncréant une compression pulmonaire sous-jacente et ainsi unehémostase. Une analyse en fenêtre médiastinale en mode MIP estutile, en particulier en incidence coronale pour les vaisseauxmammaires internes.Un hémothorax peut résulter d’une lacération de la plèvre pardes côtes fracturées, avec ou sans pneumothorax, ou survenir àpartir d’un traumatisme fermé, sans évidence de fracture de côte.L’analyse des traits et déplacements fracturaires costaux est ainsipertinente dans ce cadre. Le sang peut également provenir desviscères abdominaux, telle la rate à travers une brèche diaphrag-matique gauche. Il peut résulter aussi d’une rupture aortique àgauche ou de l’œsophage, avec possible hydropneumothorax.L’identification de matériel ingéré au sein de l’épanchementpleural permet le diagnostic.Un épanchement mixte peut enfin être secondaire à une fistulebronchopleurale.

Fig. 7 : Pneumomédiastin et pneumothorax bilatéral. La vue synthétique en c permet en outre de visualiser les axes bronchiques. Il s’y associe une contusion pulmonaire droite.

a Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse.b Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse.c Reformation en MIP de 40,8 mm d’épaisseur.

a cb

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Lésions traumatiques du parenchyme pulmonaire

Les traumatismes parenchymateux pulmonaires sont de gravité etd’extension variable. Une résolution sans complication est la règle.

1. Contusions pulmonaires

1.1. Physiopathologie – Clinique

Les contusions pulmonaires hémorragiques sont les lésions pul-monaires les plus communes au cours des traumatismes fermés.Elles sont retrouvées chez 17 à 70 % des patients avec traumatis-me sévère. Il s’agit d’un des facteurs principaux de morbimorta-lité des traumatismes thoraciques. L’incidence de la mortalité va-rie de 14 à 40 %, selon la sévérité lésionnelle et la présence delésions associées. Les signes cliniques sont variables, parfois mini-mes, avec une sous-estimation lésionnelle initiale classique.Les anomalies apparaissent 4 à 6 heures après le traumatisme dansplus de 70 % des cas (18-19), et toujours en moins de 24 heures.La rupture ou les lésions des petits vaisseaux et de la membrane al-véolocapillaire engendrent une extravasation de sang et d’œdèmedans l’interstitium et les espaces alvéolaires. L’extension du dom-mage parenchymateux dépend de la sévérité du traumatisme.

1.2. Aspect en imagerie

Les contusions sont fréquemment masquées par les atélectasies,les phénomènes d’inhalation ou un hémothorax en radiographiestandard. L’atteinte peut être unifocale, multifocale ou diffuse auniveau d’un ou des deux poumons. L’aspect est celui d’opacitéshomogènes, non segmentaires, siégeant préférentiellement en re-gard de structures costales et vertébrales, fracturées ou non

(fig. 8)

. Un bronchogramme aérique est rare du fait de l’obstruc-tion bronchique causée par des secrétions ou du sang.Une contusion peut favoriser la survenue d’une torsion lobairelors du drainage pleural.Le diagnostic différentiel des contusions ne s’envisage que dansles formes diffuses. Il peut s’agir d’un œdème pulmonaire de sur-charge, d’une inhalation de sang provenant de la sphère ORL oude liquide gastrique, ou encore d’un œdème pulmonaire neuro-génique après traumatisme crânien. Dans ce dernier cas, la pré-dominance apicale des opacités doit être soulignée (20).La résolution des contusions non compliquées est rapide, supé-rieure à 72 heures dans la plupart des cas avec une restitution

adintegrum

après 1 à 2 semaines. L’absence de régression progressi-ve après 7 ou 8 jours, voire l’aggravation lésionnelle, doit faireconsidérer une pathologie coassociée telle qu’une infection, unœdème pulmonaire ou un syndrome de détresse respiratoireaiguë – SDRA.Les reformations longitudinales peuvent être utiles.

2. Lacérations pulmonaires

2.1. Généralités – Clinique

Les lacérations pulmonaires sont une conséquence de traumatis-mes fermés plus sévères. Elles sont l’expression d’une déchirureet peuvent être causées par une perforation pleurale ou pulmo-naire, par des fractures de côtes ou par décélération.Elles sont généralement associées à des hémoptysies et à un hé-mothorax. Souvent associées à des contusions pulmonaires, elles

sont souvent méconnues sur les radiographies initiales du fait del’hémorragie périlésionnelle.Les lacérations pulmonaires sont généralement bénignes et résolu-tives en 3 à 5 semaines. Néanmoins, en cas de ventilation mécani-que et/ou de SDRA, un pneumatocèle post-traumatique peut de-venir rapidement de plus grande taille et persister durant des mois.Une connexion directe de la lacération avec une bronche ou la plè-vre détermine une fistule bronchopleurale avec un pneumothoraxou un hémopneumothorax. La limitation de l’ampliation thoraci-que avec une compliance pulmonaire réduite et une éventuelle in-tubation favorisent de surcroît la survenue d’infection ou d’abcès.

2.2. Aspect en imagerie

Lorsque l’espace créé par les lacérations est rempli par de l’air,l’aspect est celui d’un pneumatocèle qui apparaît sous formed’une hyperclarté ovoïde de moins de 5 mm à plusieurs centimè-tres de diamètre. Lorsque l’espace se remplit de sang originaired’une lacération vasculaire, l’aspect est celui d’un hématome. Lespneumatocèles et les hématomes peuvent coexister et des niveauxhydroaériques sont possibles.Typiquement, la résolution des lacérations s’effectue lentementsur plusieurs semaines, mais l’hématome peut persister plusieursmois sous la forme d’un nodule pulmonaire ou d’une masse. Lesantécédents du patient sont alors essentiels pour le diagnostic.Les reconstructions en MIP, d’épaisseur variable, permettent unereconnaissance aisée de ces lésions volontiers kystiques même encas de pathologie complexe adjacente

(fig. 9)

.

3. Hernies pulmonaires

Causées par des lésions combinées des côtes, des muscles pectorauxet intercostaux et leurs fascias, les hernies pulmonaires sont rares.Lorsqu’elles sont de petite taille et sans composante de strangula-tion, ces hernies sont généralement de résolution spontanée. Lesreconstructions longitudinales en mode MIP en font le diagnostic.

4. Les torsions lobaires ou pulmonaires

La rotation du lobe autour de son pédicule bronchovasculaire in-duit une atélectasie avec nécrose ischémique se compliquant degangrène. La symptomatologie clinique s’installe brutalementassociant sepsis, état de choc et détresse respiratoire. Il s’agitd’une urgence chirurgicale. Une torsion doit être suspectée lors-qu’un collapsus ou une condensation alvéolaire sont de localisa-tion anormale, avec une anomalie de position des hiles, des scis-sures ou des vaisseaux pulmonaires.Les clichés successifs peuvent être déterminants pour le diagnos-tic. Si le diagnostic n’est pas fait, l’issue est fréquemment fatale.Les reconstructions combinées en fenêtre médiastinale en MIP eten fenêtre parenchymateuse pulmonaire en MIP peuvent êtreutiles dans ce cadre, afin d’étudier respectivement la position desvaisseaux et les bronches.

Lésions médiastinales

1. Pneumomédiastin

Un pneumomédiastin est fréquemment retrouvé au décoursd’un traumatisme thoracique. La cause la plus fréquente est larupture du parenchyme pulmonaire, d’origine alvéolaire (Mac-klin effect) avec dissection interstitielle, liée à la compression tho-

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racique brutale, suivie d’une re-expansion. Il est rarement associéà une rupture trachéobronchique ou de l’œsophage. Il peut éga-lement être en rapport avec une fracture faciale, laryngée, de latrachée cervicale ou la perforation d’une anse intestinale.Le plus souvent asymptomatique, il peut être responsable dedouleurs et de dyspnée. Le pneumomédiastin, souvent associé àun pneumothorax

(fig. 7)

, s’exprime rarement en lui-même surle plan clinique, bien qu’il puisse être majoré par une ventilationà pression positive.En imagerie, une fine ligne parallèle au contour médiastinal ets’étendant jusqu’au milieu de l’hémidiaphragme est visualisée.Le pneumomédiastin est plus souvent visible à gauche, le long dubouton aortique, pouvant être suivi au niveau abdominal, avecun signe du diaphragme continu.L’air peut être vu entre les différents fascias au niveau cervical,dans le rétropéritoine et autour des organes intrapéritonéaux ouen sous-cutané.La distinction entre pneumomédiastin, pneumothorax et pneu-mopéricarde est aisée en TDM avec l’aide éventuelle de reforma-tions longitudinales.

2. Lésions de l’arbre trachéobronchique

Les lésions traumatiques de l’arbre trachéobronchique sont raresmais potentiellement mortelles. Leur fréquence est de 3 à 5 %dans les séries autopsiques. Plus de 90 % des lésions trachéobron-chiques sont associées à des fractures d’au moins une des troispremières côtes, avec une haute incidence de fractures claviculai-res et sternales. Dans 10 à 30 % des cas, elles sont associées à deslésions œsophagiennes ou vasculaires.La plaie peut être partielle ou totale. Le traitement chirurgical estla règle (21), mais des alternatives non chirurgicales se discutenten cas de lésions inférieures à 2 cm (22).Les signes cliniques sont dominés par un syndrome aérique si larupture est complète, avec emphysème cervicomédiastinal etpneumothorax, ou par une hémoptysie de type systémique et dessignes d’obstruction bronchique.Le diagnostic initial est méconnu dans 30 à 40 % des cas, surtoutsi l’extrémité de la sonde d’intubation est située au-delà de la lé-sion. Le diagnostic est fréquemment différé, résultant en une sté-nose cicatricielle trachéale ou bronchique.

Fig. 8 : Contusions pulmonaires bilatérales (flèches). Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse. L’aspect est celui de zones de condensation alvéolaire en mottes avec verre dépoli péri-phérique au niveau du lobe moyen, avec une localisation sous-pleurale postérobasale du LIG, typique.

Fig. 9 : Lacération pulmonaire lobaire inférieure droite (pneumatocèle) avec pneumothorax homolatéral, contusions sous-pleurales et épan-chements pleuraux bilatéraux. Le contenu hydro-aérique est bien démontré en b.

a Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse.b Reformation en slab de mIP de 16,2 mm d’épaisseur.

a b

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Les signes diagnostiques précoces incluent un pneumomédiastinsévère persistant, un emphysème sous-cutané et un pneumotho-rax. Les aspects de rupture incluent le signe du poumon « tom-bé », la déformation en « baïonnette » de la trachée, la localisa-tion anormale ou la surdistension du ballonnet de la sonde.Les ruptures bronchiques surviennent dans les 2,5 cm de la carè-ne chez 80 % des patients. Les ruptures du côté droit sont pluscommunes que du côté gauche et un pneumothorax est observédans la majorité des cas. Un pneumomédiastin peut néanmoinsêtre la seule anomalie, particulièrement en cas de traumatismede la bronche souche gauche qui a un plus long trajet médiasti-nal extrapleural. Le signe du poumon « tombé » survient en casde rupture complète de la bronche souche. Le poumon « tom-be » vers le bas et latéralement à la base de l´hémithorax en con-traste avec le pneumothorax. En cas de rupture bronchique par-tielle, un pneumothorax relativement large avec échec dudrainage suggère une brèche aérique persistante. Une extraction3D de l’arbre trachéobronchique peut être pertinente pour lediagnostic.

3. Pneumopéricarde

Un pneumopéricarde est rarement retrouvé au cours d’un trau-matisme fermé. Très rarement, il est responsable d’une tampo-nade. En cas de pneumomédiastin, l’air atteint rarement le sacpéricardique à travers l’espace péri-adventitiel des veines pulmo-naires.En imagerie

(fig. 10)

, l’air souligne l’ombre cardiaque et est déli-mité à sa portion supérieure par la ligne de réflexion péricardi-que à la racine des gros vaisseaux. De petites quantités d’air lelong du ventricule gauche peuvent simuler un pneumothorax ouun emphysème médiastinal.

4. Hémopéricarde

Il concerne surtout les traumatismes pénétrants et peut être res-ponsable d’une tamponade. En cas de traumatisme fermé, il peut

être secondaire soit à une dissection aortique rétrograde, soit àune dissection coronaire avec rupture secondaire dans le péricar-de. Une rupture péricardique est rare et en règle générale fatale.Le diagnostic peut être effectué par échographie et TDM, objec-tivant de surcroît un œdème périportal et une distension de laVCI, des veines sus-hépatiques et rénales.

5. Contusion myocardique

Les contusions cardiaques sont fréquentes, volontiers asympto-matiques et non reconnues. Le diagnostic peut être suspecté encas d’arythmie.Une contusion myocardique peut être superficielle ou profonde.Elle prédomine sur le ventricule droit du fait de la localisationimmédiatement rétrosternale. La contusion peut survenir lorsd’un traumatisme sans décélération importante ou résulter desgestes de réanimation par massage cardiaque externe.

6. Rupture aortiqueLes lésions traumatiques de l’aorte thoracique doivent être re-cherchées systématiquement en cas d’accident à haute cinétiqueavec décélération brutale. Dix à 30 % des patients décédés aprèstraumatisme thoracique ont une rupture aortique (23-25). En casde rupture complète, 70 % des victimes vont décéder sur le site del’accident.Afin de diminuer cette haute mortalité, la prise en charge de cespatients avec un diagnostic rapide et un traitement en urgence estindispensable.

6.1. MécanismeTous les auteurs s’accordent sur une combinaison de forces detorsion et de déchirement, associée à une élévation des pressionshydrostatiques. Ces facteurs sont directement liés aux phénomè-nes de décélération lors d’un accident de la route ou d’une chute.Dans 90 à 98 % des cas (26), le site typique du traumatisme estl’aorte isthmique, zone transitionnelle entre l’arc aortique relati-vement mobile, la racine aortique et l’aorte thoracique relative-ment fixes. L’aorte thoracique descendante distale est la secondelocalisation en fréquence (7-12 %) (27). Des lésions de l’aorte as-cendante et de l’arc aortique sont retrouvées dans 8 et 2 % des casrespectivement.Macroscopiquement, les lésions aortiques touchent constam-ment l´intima. Il peut s’y associer une lésion plus ou moins pro-fonde de la média, voire de l’adventice. Le pronostic des trauma-tismes aortiques est ainsi lié non seulement au site, maiségalement à la gravité de l’atteinte pariétale aortique. Une trans-section complète survient dans environ 40 % des cas.

6.2. DiagnosticLe diagnostic clinique d’une rupture aortique est difficile lorsquele traumatisme du thorax s’intègre dans le cadre d’un polytrau-matisme.Les signes radiographiques évocateurs incluent un élargissementdu médiastin supérieur ou égal à 8 cm au-dessus du bouton aor-tique, un effacement des contours du bouton aortique, une dévia-tion vers la droite de la sonde nasogastrique au niveau de boutonaortique, un épaississement de la bande trachéale droite, un hé-matome du dôme pleural et un abaissement de la bronche souchegauche. Ces signes, très sensibles, ne sont pas malheureusement

Fig. 10 : Piéton renversé par un véhicule. Pneumothorax bilatéral avec pneumopéricarde (flèches) responsable d’une tampo-nade. Coupe axiale en fenêtre parenchymateuse. Noter les condensations alvéolaires sous-pleurales bilatérales.

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pas spécifiques. L’utilité majeure de la radiographie standardreste son excellente valeur prédictive négative (98 %).La TDM (28-29) est indiscutablement la technique de choix pourle diagnostic de traumatisme aortique (fig. 11). Les différents si-gnes sont la visibilité d’un faux anévrisme, la présence d’une ima-ge linéaire claire endoluminale, une irrégularité de bords del’aorte, un hématome périaortique ou intramural, une extravasa-tion active du produit de contraste et/ou un aspect de pseudo-coarctation en regard de l’aorte thoracique descendante. L’imagetomodensitométrique permet de poser l’indication opératoire.Dans tous les cas, une deuxième lésion en amont de la précédentetelle qu’une lésion sus-valvulaire ou un trait de refend horizontalen regard des troncs supra-aortiques doit être recherchée afin dechoisir la meilleure approche thérapeutique (fig. 12).La mise en évidence d’un hématome médiastinal n’est pas spéci-fique d’un traumatisme aortique. Il peut s’agir d’une fracturesternale, de fracture(s) vertébrale(s) (fig. 4), de lésions veineusesou d’un traumatisme des vaisseaux supra-aortiques (30).Un examen TDM normal de bonne qualité, en particulier avecune bonne opacification vasculaire et sans artefacts, permet d’ex-clure tous les types de lésions de l’aorte.En pratique, la radiographie thoracique est réalisée en premièreintention. Les patients instables, suspects de lésions traumatiquesde l’aorte bénéficient d’une aortographie. Les patients stables re-quièrent la réalisation d’un examen TDM sans et avec injectionde produit de contraste. Si le scanner est normal, seul un suivi cli-

nique est recommandé. Si un hématome péri-aortique est pré-sent, une aortographie pourrait être réalisée. En cas de lésion aor-tique avérée, un traitement vasculaire interventionnel, et/ou uneintervention chirurgicale sont requis.

7. Rupture œsophagienneLa rupture œsophagienne est rare dans un contexte de traumatis-me thoracique. Elles touchent principalement la portion cervica-le après fracture-dislocation du rachis cervical au niveau C6-C7.L’expression peut être un pneumomédiastin sévère, un pneumo-thorax, un épanchement pleural gauche, un élargissement mé-diastinal en rapport avec une hémorragie ou une médiastinite.Une fuite de produit de contraste détectée par un transit œsopha-gien ou par TDM confirme le diagnostic.

8. Rupture du canal thoraciqueLa rupture du canal thoracique est rare, et, en règle générale, lerésultat d’un traumatisme pénétrant. Il peut aussi être secondaireou associé à une fracture vertébrale. Un épanchement chyleux sedéveloppe de façon typique sur plusieurs jours et peut devenirtrès abondant, nécessitant un drainage thoracique, voire danscertains cas une intervention chirurgicale pour ligature. La natu-re chyleuse du liquide ne peut clairement être appréciée chez unpatient à jeun ou lorsque le liquide est hématique ce qui rend lediagnostic de certitude difficile dans ces situations.

Fig. 11 : Rupture de l’isthme aortique. Le faux anévrisme (flèche en c), l’image linéaire claire endo-luminale (tête de flèche en b), et l’hémomé-diastin (fines flèches en a) sont de diagnostic aisé.

a Reformation en incidence axiale en mode MIP en fenêtre médiastinale avec injection de produit de contraste.b Reformation en incidence axiale en mode MIP en fenêtre médiastinale avec injection de produit de contraste.c Reformation en mode MIP en incidence sagittale oblique.

a cb

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ConclusionLa gestion TDM des traumatismes thoraciques s’intègre dans celleplus vaste du polytraumatisme. Une rigueur technique et d’inter-prétation garantit une étude exhaustive, permettant de ne pas mé-connaître des lésions potentiellement graves dans ce contexte.

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Fig. 12 : Rupture à l’origine du tronc artériel brachiocéphalique (TABC) et lésion sous-adventicielle de l’artère carotide primitive gauche (ACPG). Présence d’une image hypodense linéaire en regard du TABC (flèches en a) et d’une irrégularité de contours en regard de la partie latérale interne de l’ACPG (flèche en a). Noter l’hématome périaortique et l’hémopéricarde en regard du récessus supérieur du péricarde (flèches noires en b)

a Coupe axiale en fenêtre médiastinale après injection de produit de contraste.b Coupe axiale en fenêtre médiastinale après injection de produit de contraste.c Reformation coronale oblique en mode MIP.

a cb

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Suite en page suivante.

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cas clinique

Cas clinique

Histoire de la maladiePatient de 31 ans victime d’un accident de moto à forte cinétiqueavec comme points d’appel un traumatisme crânien avec coma àla prise en charge et un traumatisme thoracique fermé grave. Ilprésente par ailleurs une asymétrie de pression artérielle auxmembres supérieurs. Le bilan initial consiste en un scanner ducorps entier dont les coupes thoraciques font l’objet de la discus-sion.

Questions1) Que pensez-vous de la coupe sans injection réalisée en pre-mière intention ?A – Asymétrie par mal-position du patient.B – Comblement anormal du creux sus-claviculaire droit.2) Ces coupes avec injection de produit de contraste en fenêtremédiastinale et en fenêtre élargie vous suffisent-elles pour poserle diagnostic?A – Oui.B – Non.3) Quel est votre diagnostic ?A – Dissection de l’artère sous-clavière droite.B – Faux anévrisme traumatique de l’artère sous-clavière droite.C – Rupture de la veine sous-clavière droite.

Fig. 1 : TDM coupe axiale sans injection.

Fig. 2 : TDM coupes axiales avec injection de produit de contraste.a En fenêtre médiastinale.b En fenêtre élargie.

a b

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Réponses1) Réponse B : il existe un comblement du creux sus-claviculairedroit. Ce comblement suggère un traumatisme sévère en regardde la ceinture scapulo-thoracique. Les structures qui doivent êtred’analyse systématique dans ce cadre sont : • le plexus brachial ;• l’artère sous-clavière et ses branches.2) Réponse B : ces coupes ne sont pas suffisamment informati-ves car la visualisation des vaisseaux sous-claviers, notammentdroits dans ce cas, est d’analyse difficile compte tenu des arte-facts liés au produit de contraste. Dans la mesure du possible,

dans ces situations avec un point d’appel (comblement du creuxsus-claviculaire), il est recommandé d’élargir davantage la fe-nêtre pour optimiser la visualisation des troncs supra-aorti-ques. Par ailleurs, il est rappelé l’intérêt d’une injection du pro-duit de contraste depuis le côté droit en sachant qu’en situationd’urgence le choix et la disponibilité des voies d’injection peu-vent être réduits.3) Réponse B : en effet, le diagnostic peut être fortement suspec-té dès les coupes axiales élargies (encoche visible sur la paroi pos-térieure de l’artère sous-clavière droite) et il est confirmé sur lareformation coronale avec visualisation de la poche anévrismaleappendue à l’artère.

Fig. 3 : TDM après injection de produit de contraste.a Coupe axialeb Reformation coronale

a b