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1 CRUAS TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D’ÉTUDES ENCADRÉ PAR GILLES CLÉMENT VINCENT PRÉVOST - PROMOTION 2009-2013 ECOLE NATIONALE DU PAYSAGE VERSAILLES-MARSEILLE GRANDS CHANTIERS DE PAYSAGE DE L’OUVRAGE À L’OEUVRE

Travail Personnel de Fin d'Etudes Vincent Prévost

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Diplôme de l'Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles-Marseille présenté le 10 juillet 2013

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CRUAS

TRAVAIL PERSONNEL DE FIN D’ÉTUDES ENCADRÉ PAR GILLES CLÉMENT VINCENT PRÉVOST - PROMOTION 2009-2013 ECOLE NATIONALE DU PAYSAGE VERSAILLES-MARSEILLE

GRANDS CHANTIERS DE PAYSAGEDE L’OUVRAGE À L’OEUVRE

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SOMMAIRE

ENTRÉE EN MATIÈRE..............................P.3

1. Choix du site................................................................P.42. Entrée par le Fleuve.....................................................P.63. Construction du sujet...................................................P.84. Attitude de projet, références.................................... P.125. Présentation du site ...................................................P.226. Intentions ..................................................................P.36

MISE EN CHANTIERS.............................P.37

1. Cruas, entre Plaine et Massif......................................P.382. Le chantier Plaine.......................................................P.463. Le chantier Massif.......................................................P.544. Zoom sur la carrière de Ferrand..................................P.60

MISE EN PROJET ...................................P.83

1. Le projet sculptural de carrière...................................P.862. Le projet de carrière de l’énergie................................P.943. Le projet de carrière agricole......................................P.984. Le projet urbain de carrière.......................................P.108

BILAN ..................................................P.112

BIBLIOGRAPHIE...................................P.113

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ENTRÉE EN MATIÈRE

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MÉDITERRANÉE

AVIGNON

ARLES

MARSEILLE

MONTÉLIMAR

CRUAS

VALENCE

LYON

GENÈVE

CHOIX DU SITE DE CRUAS

Le choix du site et du sujet de diplôme est l’occasion de prendre position sur une question de paysage et de développer une certaine attitude de projet.

C’est dans ce sens que j’ai choisi un espace de défi, un paysage qui engage des questions importantes de société, notamment sur l’économie des ressources, de leur exploitation à leur consommation.

Le site de production de Cruas, en Ardèche, est un symbole de l’industrie minière et nucléaire actuelle. L’énergie et la matière se font face dans une configuration spatiale exceptionnelle, des tours de refroidissement de la centrale EDF à la carrière monumentale de la cimenterie CALCIA.

Mon entrée s’est faite par le Rhône, en quelque sorte au fil du fleuve, puisque mon histoire personnelle m’a mené de Lyon à Marseille, lorsque j’ai cessé mon activité de taille de pierre pour m’engager sur la voie du paysage. C’est le long de ce fil conducteur que je suis remonté pour faire une boucle dans l’histoire.

Situation de la commune en Région Rhône-Alpes

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LYON, Palais de la Bourse en calcaire de Cruas

CRUAS, Front de taille de la carrière de Ferrand

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hydraulique du nouvel ordre industriel. Vecteurs d’énergie, de marchandises, de déchets, les fleuves sédimentent la ville en même temps qu’ils la déplacent.

Le succès actuel des requalifications paysagères des berges à Lyon, Lille, Bordeaux, Nantes, Paris et tant d’autres métropoles françaises et européennes, influe néanmoins sur les paysages fluviaux «intermédiaires» ou «tampons» des communes périphériques. Les négociations tendant à atténuer l’impact négatif des installations industrielles sur le paysage urbain ou à rendre les espaces d’activités perméables aux usages récréatifs ne s’appliquent pas aussi aisément aux espaces périurbains où sont reléguées les industries les plus gênantes. La prise en considération nouvelle du fleuve, dans une logique territoriale dépassant à la fois les limites communales et les compétences d’une seule administration, implique de mettre en réseau tous les acteurs concernés, institutions supra-communales, Région et services de l’Etat, Voies navigables de France, Chambres de Commerce et d’Industrie et Ports autonomes, les activités et les habitants, au bénéfice des communes les plus fragiles.

La thématique du fleuve se présente ainsi comme une métaphore de l’avènement de l’ère urbaine, investie matériellement et symboliquement par les villes dans leurs processus de métropolisation, et ce dans un contexte de désindustrialisation.

ENTRÉE PAR LE FLEUVE

Les fleuves, à l’instar des « monuments de nature » que sont les mers, les océans, les forêts ou les montagnes, endossent une charge symbolique et matérielle de frontière ou de lien (Schama, 1999), dont la crainte ou le respect cèdent peu à peu devant le profit d’une exploitation des ressources.

Réalités spatiales, matérialités brutes, spiritualisées avant d’être considérées comme un stock de matière livré au développement technologique, elles impriment à l’échelle des vastes espaces qu’elles recouvrent une relation entre nature et culture. Loin d’être immuables, les représentations de ces espaces influent sur les pratiques, qui se distinguent à travers les paysages de la société agricole, de la société industrielle ou de l’actuelle société de loisirs (Corbin, 2001).La relation ville-fleuve, marquée au cours de l’histoire par des moments de symbiose, d’ignorance ou de mépris, ne suit pas un cours linéaire, comme en atteste l’actuel désir du fleuve en ville, après une longue période d’indifférence (Lechner, 2006). Ce retour en ville d’une nature chassée, enchâssée dans canaux et buses, asséchée par l’hygiénisme assainissant et désodorisant du 19ème siècle, n’est cependant pas celle des artisans et moulins du Moyen-Age, tanneurs, blanchisseurs, teinturiers, papetiers y puisant l’énergie et y rejetant leurs déchets au cœur même des remparts (Guillerme, 1984 ; Barles, 2005). Dénaturés tout au long du 20ème siècle, les cours d’eau aménagés, endigués, rectifiés et régulés se soumettent au génie

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Un grand projet de développement durable

lE PlAN RHÔNE

Le Plan Rhône répond à une triple ambition :

Concilier prévention des inondations et pressions du développement en zone inondable.

Respecter et améliorer le cadre de vie des riverains du fleuve.

Assurer un développement économique pérenne.

Il s’organise autour de six volets thématiques :• Patrimoine et culture,• Inondations,• Qualité des eaux, ressource

et biodiversité,• Énergie,• Transport fluvial,• Tourisme.

Le financement du Plan Rhône

Le contrat de projets interrégional Plan Rhône a été conclu le 21 mars 2007.

Des engagements financiers importants de plus de 600 M€ pour un coût global d’opérations estimé à plus de 800 M€.

Des financements complémentaires mobilisés auprès des autres collectivités locales et auprès de la Commission européenne. Le programme opérationnel plurirégional FEDER mobilise 33,8 M€.

ÉTAT 163 M€

dont :Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée et Corse

50 M€

voies Navigables de france 14 M€Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie 1 M€

Région Rhône-Alpes 51 M€Région Provence Alpes Côte d’Azur 77 M€Région langedoc Roussillon 57 M€Région bourgogne 13 M€Région franche-Comté 2 M€Compagnie Nationale du Rhône 185 M€fEDER plurirégional 34 M€

Programme Opérationnel fEDER Rhône-Alpes 24 M€

Les partenaires du Plan Rhône

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Le fleuve urbain, Berges du Rhône, Lyon

Le fleuve périurbain, Plaine du Rhône, Cruas

Espace de La Confluence à Lyon

Zone portuaire de Salaise-sur-Sanne

Barrage hydroélectrique de Donzère-Mondragon

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CONSTRUCTION DU SUJET

LES GRANDES QUESTIONS

L’échelle planétaire des enjeux géopolitiques, économiques et environnementaux nous place dans une ère de change-ment, d’ « Alternative ambiante » (Clément, 2010), où le « Jardin Planétaire » implique une nouvelle manière d’être au monde. Ce changement de modèle voit le paradigme mi-nier, consistant à creuser un trou puis un autre à mesure de l’exploitation des ressources, supplanté par le paradigme symbiotique, défini par la parcimonie, le recyclage, la mu-tualisation, la coopération.

Comment mettre en œuvre un nouveau projet de société dont le paysage serait porteur ?

Face à l’épuisement de notre modèle de développement, quels rapports devient-il possible d’inventer entre nos mo-des d’établissements humains et le milieu naturel ?

L’émergeance des considérations pour le paysage autour du cadre de vie est concomittante de la disparition d’un certain rapport entre ville et campagne (Dagognet, 1982), que l’ur-banisation a rendu obsolète. Plus largement, il me semble

que c’est la relation entre urbain et production qui interroge le renouvellement des paysages contemporains. En admet-tant que la ville et la campagne, dans leur forme historique, se soient désintégrées au profit d’une urbanisation généra-lisée (Choay, 1990), il revient au paysagiste de proposer des espaces à vivre qui réconcilient le développement urbain avec les fonctions productives, agricoles ou industrielles, et le milieu naturel. Ceci implique d’enrayer l’expansion horizontale d’une urbanité qui repousse toujours plus loin de son regard, souvent même au nom du paysage, les es-paces de production dont elle consomme allègrement la ressource.

C’est donc la fonction médiatrice du projet de paysage (Do-nadieu, 2000) que je souhaite expérimenter à travers ce su-jet, en interrogeant la capacité créatrice de la production industrielle.

Serons-nous capables de maîtriser notre outil, d’en rete-nir les coups et d’en réorienter la trajectoire, comme nous avons su nous rendre maîtres de la nature ?

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Avant d’être un cadre de vue, le cadre de vie est l’ensemble des structures qui satisfont nos besoins

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« Nous vivons une époque rare : elle sollicite en nous une ca-pacité à nous redéfinir dans le cosmos, une remise en situa-tion comme l’humanité n’en a certainement jamais connu.

«...En ce début de siècle le peuple de la Terre joue son ave-nir. Ou bien il invente un mode gestionnaire propre à ména-ger l’avenir, ou bien il fait semblant et se détruit. »

« Le projet architechtonique, urbain, territorial, socio-éco-nomique doit intégrer un ensemble de variations permet-tant d’assurer un établissement de grande qualité environ-nementale, qui ne nécessite ni dépollution, ni restauration des écosystèmes, ni création de « réserve naturelles » ou « historiques », mais soit auto-soutenable.»

« …Alors un dépassement stratégique de la forme métropo-litaine se trouvera à notre portée. A condition toutefois de prendre en compte les trois types de pauvreté solidaires en-gendrés par le développement de la nouvelle machine pro-ductive : pauvreté économique, pauvreté environnemen-tale, pauvreté identitaire. L’Analyse de ces nouvelles formes de pauvreté nous permet d’entrevoir la clef « projectuelle » d’une nouvelle culture urbaine, capable d’arrêter la crois-sance catastrophique des mégapoles.»

«...Le territoire est un système vivant produit par les hommes, mais il ne vit et ne survit que grâce à eux, dans la mesure même où ils savent utiliser le patrimoine territorial en tant que ressource.» Alberto Magnaghi,2000

Gilles Clément,2010

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Gilles Clément,2010

«...Il faut s’immerger, s’accepter comme être de nature, réviser sa propre position dans l’univers, ne plus se placer au-dessus ou au centre mais dedans et avec.»

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ATTITUDE DE PROJET

RÉ-« EN CHANTIER » LE PAYSAGE

Le paysage est un espace en devenir, une œuvre conjointe des hommes et du temps, dont la réalité est toujours en cours de réalisation. Ce milieu en mouvement serait plus proche, dans sa mise en forme, d’un « chantier » que d’une construction aboutie. Le chantier est en effet le lieu de la mise en acte d’un espace, le temps de sa transformation. C’est là que s’expriment les savoir-faire techniques et l’éco-nomie particulière des gestes liée à la résolution pratique des contraintes d’un site. Parler de remettre en chantier le paysage, c’est mettre l’accent sur sa dynamique anthro-pique , tout en rappelant qu’il est habité tout au long de son édification par ceux qui y œuvrent, enfin qu’il est agi avant d’être vu.

Un chantier est l’espace sur lequel ont lieu des travaux de construction ou de démolition. En marbrerie, le chantier désigne une table en pierre d’environ six pouces d’épais-seur, supportée par deux consoles, et sur laquelle on taille et l’on polit le marbre; On parle aussi de chantier volant pour désigner une petite pierre sur laquelle on scelle les pe-tites pièces de marbre pour les tailler.

Par métaphore, j’utiliserai ce terme pour qualifier l’espace vécu et travaillé, dans un projet constant en gestation.

Cette métaphore invite à reconsidérer le paysage dans son mouvement et sa propre production. L’action paysagiste s’il-lustre le plus souvent dans une valorisation indirecte des es-paces : ré-affecter les espaces désaffectés, re-lier, re-donner sens par la lisibilité et la cohérence des espaces morcelés, re-créer des espaces de rencontre sur d’anciennes zones d’activités (espaces « récréatifs »), etc. Ces actions visent toujours à donner à l’espace une valeur ajoutée, que ce soit à l’amont ou à l’aval d’une réalisation dite « paysagère », mais une valeur indirecte. L’effet de ce type de démarche reste la difficulté à « agir pendant », à assurer une continui-té dans l’évolution de ces espaces, si bien que la gestion et la production des paysages n’évoluent pas ensemble.

L’avantage des espaces productifs est à cet égard d’intégrer la nécessité d’une gestion et d’une production conjointe dans un souci évident de viabilité économique. Tant que l’espace intéresse un producteur-gestionnaire, il représente un potentiel de valorisation directe du paysage, non plus seulement sous forme de valeur ajoutée et coûteuse, mais de valeur partagée. L’effort du paysagiste devient alors de concevoir les possibilités de partage d’un espace soumis à des logiques de gestion-production en orientant celles-ci dans le sens d’un projet de paysage.

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Tour de babel, bruegel, 16ème siècle Tour oxygène, lyon, 21ème siècle

Carrière, cimenterie et tours de refroidissement de la centrale cruas-meysse, 21ème siècle

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RÉFÉRENCES

ÉDIFICES EN CREUX ET SAILLIES

Une architecture en cours d’édification prend l’aspect d’un paysage, par le dialogue instauré entre les vides et les pleins de la construction, entre les matières du site et les maté-riaux, entre l’ordre et le désordre d’une composition inache-vée aux formes abstraites.

Loins des espaces naturels remarquables, les paysages édi-fiés et habités transposent la nature pour la mettre à la me-sure des besoins humains, et inversement, en une oeuvre hybride où se confondent nature et culture.

Les milliers d’ouvriers engagés dans la construction s’établissent dans des cités provisoires autour du chantier. Les chalets, construits en une semaine, font écho à la pérennité de l’ouvrage en cours, sorte de fourmilière fédératrice d’une vie collective intense.

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Chantier du barrage hydroélectrique de Donzère Mondragon

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RÉFÉRENCES

ÉDIFICES EN CREUX ET SAILLIES

Les carrières sont bien souvent le reflet d’une production. Les contraintes d’exploitation génèrent des formes par né-cessité, et non par goût. C’est le cas des Baux de Provence, dont l’excavation des blocs marchands imposait de mainte-nir la voûte par des piliers à intervalles réguliers.

Carrière des baux de provence

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RÉFÉRENCES

ÉDIFICES EN CREUX ET SAILLIES

La carrière de Vers-Pont du Gard est un paysage issu du re-trait, le creux qui témoigne en négatif de la valeur architec-turale de l’aqueduc romain inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Le paysage est l’ensemble de ce processus de transformation de la matière.

Carrière de Vers-Pont du Gard

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Carrière de Vers-Pont du Gard

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RÉFÉRENCES

ÉDIFICES EN CREUX ET SAILLIES

L’esthétique du chantier photographiée par Koudelka fait du paysage le marqueur du passage de l’homme, le théâtre du temps qui recompose les ruines désolées des ouvrages les plus colossaux en jardins romantiques livrés à la nature.

Photographies de J. Koudelka LE THÉÂTRE DU TEMPS, 2003

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Sangatte, site de stockage des craies

Calais, bunker face au port

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PRÉSENTATION DU SITE

La petite commune de Cruas s’est édifiée le long du Rhône, au pied des carrières de calcaire dont elle extrait depuis l’An-tiquité sa propre matière. La pierre, la chaux puis le ciment blanc ont fait sa richesse et son identité, dont témoigne le paysage au fil des évolutions techniques et économiques.

Du fait de sa position stratégique sur le Rhône et de son histoire industrielle, Cruas est devenue au cours du 20ème siècle la terre d’accueil de la centrale nucléaire, implan-tée brutalement dans la Plaine, entre le Fleuve et le Mas-sif. Depuis, le paysage porte la marque étrange des grands aménagements du Rhône, des installations électriques, des excavations de la montagne, de la démultiplication des in-frastructures routières et ferrées,...et d’une urbanisation croissante dans l’espace de la plaine.

La commune vit au rythme d’une production intense

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Installations industrielles dans la plaine rhôdanienne au sud de Cruas

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CENTRALE NUCLÉAIRE CRUAS-MEYSSE CARRIÈRE ET CIMENTERIE CALCIA

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FLEUVE RHÔNE BOURG MÉDIÉVAL DE CRUAS

Vue de Cruas depuis l’aire de la Coucourde sur l’autoroute du soleil (A7)

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L’impact visuel puissant du couple matière-énergie qui domine le paysage de Cruas doit être considéré comme le signe local d’un espace et d’un temps bien plus vastes, à l’échelle mondiale de la production électrique et cimentière

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Au-delà d’une analyse des formes urbaines ou du paysage, c’est à une sorte de « psychanalyse urbaine » que je me suis livré pour dégager ce diagnostic : Cruas incarne l’espace du reflux, du latent ou du refoulé dans sa situation d’ar-rière-train de l’urbanité. Les constituants majeurs de son identité expriment aux yeux de tous la fascinante illustra-tion de ce que nous préférerions ne pas voir : la centrale nucléaire, menace radioactive dont les déchets sont enter-rés loin des yeux... Les carrières exprimées généralement en termes de blessure, de balafre, de cicatrisation... Le fleuve canalisé, bridé...La plaine alluviale fertile condamnée à l’im-perméabilisation. Et pourtant, ce paysage exalte l’activité humaine au plus proche de son habitat. Son échelle mo-numentale instaure un dialogue immédiat avec la nature. Il présente un potentiel d’expérimentation d’une urbanité nouvelle, tournée vers sa ressource et la gestion de l’équi-libre social, économique et environnemental auquel aspire l’humanité.

LYON

CRUAS

Cruas, moteur à l’arrière de la croissance métropolitaine

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Vue de Cruas depuis les anciennes carrières Vallette-Viallard

Au sud de Cruas, entre exploitations horizontales et verticales

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LA CARRIÈRE COMME ANCRAGE

Les carrières d’extraction sont des terrains d’expérimenta-tion exemplaires de cette démarche, étant soumises à des règles d’exploitation en faveur du paysage et de l’environ-nement, tout en poursuivant leur activité. Elles souffrent néanmoins d’une confusion sur l’idée de paysage, liée aux notions courantes d’« intégration paysagère » ou de « pay-sagement ».

La prise en compte du paysage dans ce contexte se résume encore trop souvent à prévoir la « remise en état du site ».

Cette expression n’étant heureusement pas prise au pied de la lettre par les paysagistes, le site ne retrouve jamais son état initial, même s’il tente parfois de s’en rapprocher dans l’idée d’un retour du naturel, comme une revanche sur l’his-toire humaine du site. Une telle ré-assimilation par la nature du passage de l’homme aurait une certaine noblesse paysa-gère, d’expression romantique, si elle n’impliquait pas des convois de terre végétale en quantités industrielles en pro-venance d’autres carrières, pour favoriser la reprise d’une végétation soigneusement sélectionnée en pépinières.

CARRIÈRE EN EXPLOITATIONFERRAND SUD

RUISSEAUFERRAND RUISSEAUFERRAND

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ANCIENNE CARRIÈREFERRAND NORD

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Quand l’artifice vient camoufler une artificialisation reniée, le paysage s’abîme dans des prothèses d’aménagements qui ne sont plus de sa nature, mais de celle du paysagement, une pratique extrêmement coûteuse qu’un véritable projet de paysage épargnerait à la communauté ainsi qu’à l’indus-triel tenu d’intégrer son exploitation.

L’« intégration paysagère » est une sorte de falsification d’identité du paysage, dont la chirurgie esthétique lui per-met de n’être jamais lui-même en prenant le visage auquel la société désire s’identifier. Or le paysage continue d’être la marque du temps qui passe, le repère d’une société qui s’in-carne dans son espace vécu et ne peut en effacer les traces sans en perdre le sens.

« On utilise le terme d’intégration pour présager d’une éventuelle différence, tout en la récusant avant même de la connaître, puisque cette différence doit être abandonnée, pour avoir ainsi à éviter d’envisager les implications d’une nouvelle présence... L’apport peut donc réduire ou augmen-ter la réceptivité du site. Ce n’est donc pas par la constitu-tion d’un paysage homogène, chaque fois renforcé par des apports dont les caractères sont similaires aux caractères constitutifs du site, que peut se faire l’accueil le plus favo-rable au différent. Seul un substrat paysager suffisamment hétérogène permet d’accueillir des apports originaux. »Bernard Lassus, 2004

L’une des propositions faites à l’entreprise Calcia pour la remise en état du site est un remblai monumental pour cacher le monument...

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INTENTIONS

La partie Sud de la commune de Cruas est un complexe de production industrielle, agricole et énergétique, que je qualifie de monumental, du fait des ruptures d’échelles qui s’observent sur le site, de la verticalité des exploitations et des représentations symboliques liées à la matérialité de ces productions. Cette monumentalité me semble être une spécificité du paysage à valoriser dans un contexte de mu-tation économique et de considérations environnementales croissantes.

La carrière exploitée par la cimenterie Calcia est la dernière en activité sur la commune. Elle constitue le relais d’une ac-tivité identitaire, qui a accompagné l’histoire de Cruas, sa morphologie, son paysage. La zone industrielle s’est assez naturellement développée dans la Plaine aux pieds de la carrière, en marge de l’espace habité et à la limite Sud de la commune, créant ainsi une situation relativement classique de séparation entre espace résidentiel et productif au sein de la commune. S’il n’est pas question de verser dans la nos-talgie d’une époque insalubre où l’on habitait aux pieds des carrières, dans des constructions serrées et empoussiérées comme en témoigne le cœur de Cruas, il paraît judicieux de se demander, au vu de l’histoire industrielle de la com-mune, comment elle pourrait tirer parti du chantier actuel de l’exploitation cimentière tout en ré-équilibrant son déve-loppement urbain autour des potentiels agricoles et éner-gétiques qui constituent également les atouts majeurs de son paysage.

Champs agricoles

Massif boisé

Chapelet de carrières

Réseau hydrographique

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EXPLOITATION DE LA CIMENTERIE CALCIA

CENTRALE NUCLÉAIREEDF

SERRES DECULTURES

BARRAGE HYDROÉLECTRIQUE

ANCIENNE CARRIÈREDE CHAUXRAVIN DE CRÛLE

ANCIENNE CARRIÈREDE CHAUXVALLETTE-VIALLARD

N

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L’exigence d’un tel chantier est de faire dialoguer les différentes échelles spatiales, en ne limitant pas le projet au périmètre de la carrière, ainsi que les échelles temporelles, l’intention n’étant pas d’imaginer le ré-emploi futur d’un vaste espace de production déserté, mais bien la manière dont l’industrie actuelle pourrait participer à la production d’un milieu vivable au fil de son exploitation.

Le projet de paysage s’appuie sur le chantier comme condition de réalisation. C’est pourquoi la carrière, dans son potentiel de transformation, est au cœur d’un ensemble agro-énergétique qui interagit dans la mise en œuvre de ce paysage. L’habi-tat, l’agriculture, la production énergétique, l’extraction de matériaux sont déjà présents sur le site. Chacun développe son projet, côte-à-côte ou face-à-face, alors que leurs enjeux sont liés par leur situation de proximité. Pour mettre en relation ces projets, il devient nécessaire d’en dégager les potentiels de développement et d’échanges.

Les trois grands axes identifiés dans la production directe de paysage sont donc déjà en acte. Leur déploiement est lié histo-riquement à l’exploitation de ressources abondantes. Qu’elles soient d’origine climatique, géologique ou géographique, ces ressources parlent toutes d’un socle naturel de qualité, entre roche, forêt, eaux, soleil, vent, etc.

Ces éléments sont la matière d’un projet que les habitants de Cruas ont engagé à travers le temps depuis leur première im-plantation. Dans l’idée d’accompagner ce projet en marche, il m’a paru intéressant de ne pas faire une analyse préalable du site, mais de développer par contre les trois axes qui me semblent garantir une mise en œuvre partagée du paysage, à savoir un projet valorisant l’esthétique sculpturale du site, la fonction nourricière des terres agricoles et l’économie énergétique bénéficiant aux habitants.

INTENTIONS

Le patrimoine vivant de Cruas encadre l’entrée sud de la ville, où un panneau touristique indique ce qu’il y a à voir...

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MISE EN CHANTIERS

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CRUAS ENTRE PLAINE ET MASSIF

L’identité archéologique de Cruas est liée à sa Roche mère autant qu’à son Fleuve, le Rhône, dont le paysage est celui d’une plaine mouvante au cours du temps. Ce mouvement est celui des crues, des îles et des lônes, des berges éro-dées à l’endiguement, de l’expansion dangereuse porteuse de limons fertiles à la canalisation sécurisante et sécurisée. Comme bien souvent, le fleuve constitue la raison d’être de l’établissement humain, par les possibilités de cultures, d’énergie et de déplacements qu’il offre. De même que les monts ont leurs logiques propres d’implantation et d’ex-ploitation humaine, liées à la pente, aux fôrets, aux roches, sources et ruisseaux, les plaines recueillent l’eau des vallons dans leur nappe affleurante, irriguent les terres arables, ac-tivent les installations énergétiques et alimentent les villas réparties sur le vaste plan du cardo-decumanus.

Les alternances d’implantation humaine entre monts et plaines, entre position défensive et prospère, sont d’autant plus marquées dans la vallée du Rhône que ces deux pay-sages se font continuellement face.

1932,le Rhône irrigue encore la plaine vouée aux crues, tandis que le piémont, également cultivé, livre ses produits aux voies de circulation.

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La Plaine est l’origine d’un projet politique puissant, depuis la civilisation romaine, d’énergie, d’agriculture et d’habi-tat. Cette situation est très visible à Cruas, au point que le chantier d’occupation de la plaine occulte d’une certaine manière le projet local. Ancrée à l’origine sur le piémont du Barrès et lovée dans le vallon de Crûle, la cité se bâtit dans l’axe du château perché et de l’abbatiale au creux du vallon.

Les traces du début du 20ème siècle témoignent de cette forme d’habitat concentré au cœur d’une agriculture de cô-teaux et d’îles. C’est au cours de ce siècle que de profondes transformations vont accompagner le développement de la plaine, à travers des aménagements très volontaires et d’autres moins maîtrisés. Le couloir rhôdanien se fait l’un des nerfs économiques nationaux majeurs. Ce nouveau pro-jet de la plaine se traduit par l’explosion de l’énergie pro-duite sous toutes ses formes, la dispersion de l’habitat et la réduction de l’espace agricole.

LE RHÔNE ALLUVIONNAIRE LE RHÔNE, NERF ÉCONOMIQUE LE RHÔNE À VIVRE

1945

1955

1965

1975

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L’ESPACE DU TEMPS À CRUAS

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VUE AÉRIENNE ACTUELLE

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CENTRE

PÉRIPHÉRIE

MASSIF

PLAINE

DE LA GÉOMÉTRIE DU SITE...

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Les logiques de développement de la commune sont très marquées. Elles s’appuient sur deux axes majeurs : l’un marque le passage du massif à la plaine, l’autre celui du centre urbain à la périphérie productive. Cette partition de l’espace surpre-nante révèle une symétrie entre les vallons, notamment entre la rivière de Crûle et le ruisseau de Ferrand. Par la technique de Rorschach qui consiste à obtenir par pliage le reflet symétrique de taches d’encre appliquées sur un côté, on s’aperçoit qu’une certaine logique d’implantation se dessine sur Cruas. Elle laisse supposer que la carrière de Ferrand prépare le socle de la future Cruas...

N N N

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... À LA GÉOLOGIE ET À LA TOPOGRAPHIE

N A A’

B B’

C C’

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Hauterivien

Barrémien inférieur

Barrémien supérieur

La partition topographique du territoire communal encourage le développement urbain en plaine des réseaux d’infrastruc-tures, d’habitat, d’agriculture et d’énergie. Quant au socle géologique, il détermine l’implantation d’un réseau de carrières autour des principaux vallons.

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Ce déploiement «en couloir» n’est pourtant pas inéluctable, si l’on parvient à considérer le massif comme un espace à fran-chir et à vivre. En distinguant les potentialités d’échanges entre ces réseaux, un projet cohérent pourra s’envisager afin d’en équilibrer l’organisation spatiale.

A’

B

A

B’

C

C’

D

D’

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LE CHANTIER PLAINE

LE RÉSEAU D’INFRASTRUCTURES ET D’ÉQUIPEMENTS

Les infrastructures routières et ferrées traversent le coeur de Cruas. Ces voies présentent certains risques du fait des transports réguliers de marchandises, soit par camions sur la D 86, soit par wagons. La dangerosité liée à la circulation de produits chimiques ou au gabarit des véhicules est d’ail-leurs davantage ressentie par les habitants que les risques attribués aux activités du sud de la commune.

Ce trafic est accentué par la présence du noeud autorou-tier de Montélimar Nord, situé sur la rive gauche du Rhône. Le transport des voyageurs s’effectue également par train du côté drômois, la voie traversant Cruas étant réservée au Fret. La gare a cependant été préservée et restaurée face à l’imposante mairie qui témoigne, avec l’ensemble des équi-pements publics de la commune, du bénéfice des subven-tions induites par l’implantation de la centrale sur le terri-toire.

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D86 VOIE FRET VOIE TER A7

ÉQUIPEMENTS PUBLICS PRINCIPAUX

Localisation des équipements et infrastructures à Cruas

N

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LE CHANTIER PLAINE

LE RÉSEAU DE L’ÉNERGIE

La production d’électricité a un impact considérable sur le paysage de Cruas, non seulement par les installations carac-téristiques de l’énergie nucléaire, hydraulique, solaire et éo-lienne, mais également par le développement économique que celle-ci a engendré.

Le lien entre l’exploitation des ressources naturelles de l’eau, du vent et du soleil, et l’histoire économique locale, relève d’un rapport politique à l’espace dépassant largement les besoins de la commune. L’alimentation électrique de l’en-semble communal provient en effet de l’Usine hydroélec-trique de Béthemont, n’ayant rien à voir avec la production nucléaire. Cependant, la ville est connectée à un réseau de canaux directement liés à la centrale, dans lesquels circule l’eau indispensable au refroidissement des réacteurs. Ce circuit d’eaux tièdes (environ 28°) profite aux habitants à divers titres, puisqu’il alimente tous les bâtiments publics, irrigue certaines cultures sous serres, et offre en plein hiver le spectacle des brumes au-dessus des canaux, des champs jusqu’à la ville, accompagné du chant des grenouilles... Cette incarnation quotidienne de la centrale assouplit les frontières grillagées des 300 hectares d’un territoire confis-qué, pour en renouveler les représentations populaires.

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BARRAGE HYDROÉLECTRIQUEBÉTHEMONT

ALIMENTATION DES BÂTIMENTS PUBLICS

CANAUX EAUX TIÈDES

CENTRALE NUCLÉAIRECRUAS-MEYSSE

Localisation des équipements énergétiques à Cruas

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LE CHANTIER PLAINE

LE RÉSEAU AGRICOLE

L’espace agricole, soumis aux logiques foncières, a cédé de nom-breuses parcelles à la construction au fil du 20ème siècle, sans en regagner d’autres par ailleurs. Cette réduction coïncide avec la diminution du nombre d’agriculteurs sur la commune. Parmi les activités productives de Cruas, l’agriculture ne joue plus un rôle identitaire comme c’est le cas des vignobles ou des vergers rhodaniens en amont et en aval. Elle structure néanmoins de façon passive l’urbanisation, n’ayant pas fait l’objet d’un remem-brement cadastral, et contraignant l’implantation du bâti dans l’ancien parcellaire en lanières. Les serres vitrées d’une surface de 6 hectares, qui abritait des cultures de tomates, est en attente de projet. Cet espace, au pied de la centrale, présente un fort potentiel de revalorisation, d’autant qu’il jouxte les 2 hectares de terrains maraîchers dé-partementaux cultivés en bio par une association de réinsertion sociale.

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ANCIEN PARCELLAIRE AGRICOLE MITÉ PAR PAR L’HABITAT

SERRES ET TERRES MARAÎCHÈRES

Localisation des espaces agricoles à Cruas

N

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LE CHANTIER PLAINE

LE RÉSEAU D’HABITAT

L’urbanisme et la population de Cruas se sont profondé-ment renouvelés autour de l’arrivée des salariés d’Edf, logés comme l’étaient les ouvriers de l’industrie minière, dans des quartiers créés à proximité du lieu de travail. On observe ainsi un urbanisme stratifié avec les anciens quartiers ou-vriers implantés dans les vallons proches du massif exploité, et les plus récents implantés dans la plaine, à la place des fermes agricoles, à quelques centaines de mètres de la cen-trale.

Les matériaux employés dans les constructions neuves ne font pas écho au matériau extrait localement, et banalisent le paysage si particulier de Cruas, alors que l’important pa-trimoine lié à l’histoire industrielle est encore sous exploité.

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USINE DÉSAFFECTÉE

QUARTIER CHÂTEAU

ENTREPÔTS CALCIA

QUARTIER DES ILONS

Localisation des espaces bâtis à Cruas

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LE CHANTIER MASSIF

LE RÉSEAU DE CARRIÈRES

Les carrières de chaux et ciments forment un chapelet dis-continu qui n’a pas fait l’objet d’un projet d’ensemble à l’échelle communale. Chacune répond à une logique de ré-habilitation plus ou moins affirmée en terme de paysage, propre à son exploitation et aux enjeux écologiques iden-tifiés.

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EXPLOITATION DE LA CIMENTERIE CALCIA

ANCIENNE CARRIÈREDE CHAUXRAVIN DE CRÛLE

ANCIENNE CARRIÈREDE CHAUXVALLETTE-VIALLARD

Localisation des carrières à Cruas

N

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LE CHANTIER MASSIF

L’OR BLANC DU RHÔNE MOYEN

Les paysages de Cruas sont reconnaissables avant toute chose par une marque visible de l’activité des hommes depuis l’Antiquité : l’extraction des matières premières of-fertes par une nature généreuse. La position géographique et géologique de la cité explique pour une bonne part son développement. Cette dernière est en effet installée à un point stratégique de carrefour, au débouché de la vallée de Crûle où fut extraite la pierre de Cruas, d’un calcaire de bonne qualité ; et au bord d’une voie ancienne de circu-lation, la voie d’Antonin Le Pieux, à l’embranchement d’un accès est-ouest vers un bras du Rhône, où l’embarquement sur le fleuve était possible.

Le socle calcaire sur lequel s’est édifiée la commune lui a permis de prospérer, sur la rive droite du Rhône. Ces mar-no-calcaires du Barrémien et de l’Aptien sont des roches remarquablement dosées, d’une grande constance de com-position, où l’argile, peu chargée en alumine et en fer, riche en silice, donne de beaux produits très blancs, tandis qu’à gauche du Rhône les bancs marneux, plus ferrugineux et contenant 7 à 8 % d’alumine, fournissent, du Jura à Nice, des chaux et ciments plus jaunes. La vocation première de ces carrières fut de fournir en pierre de construction des chantiers accessibles par voie fluviale, de Lyon jusqu’à la Méditerranée, puis de transformer en liants hydrauliques ces roches calcaires, pour finir par ne produire que la chaux

Entrée Nord, usine Lafarge

Entrée Sud, usine Calcia

CALCIA LAFARGE

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BARBIÈRES

LA COUCOURDEPONT DE BARRET

L’HOMME D’ARMES

ROCHE ST SECRET

AUBRES

VAISON

CAROMB

VEDÈNE

CAUMONT

AOUSTE

ST VICTOR

LE TEIL

CRUAS

Moins de 10 000 tonnes

Plus de 50 000 tonnes

De 10 000 à 50 000 tonnesLa production de Calcia au sein des carrières du Rhône Moyen

200 000 tonnes de ciment Super Blanc produites par an sur le site de Ferrand

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et les ciments utiles aux enduits et bétons pour le bâtiment.Sur un plan strictement géologique, ce sont deux étages issus de dépôts de l’ère secondaire, qui occupent le site de Cruas : le Barrémien (110 à 140 millions d’an-nées environ), et le Hauterivien caractérisé par l’alter-nance de calcaires et de marnes. La partie supérieure du Barrémien était autrefois privilégiée pour la pierre de taille, tandis que la partie inférieure est exploitée dé-sormais pour la fabrication de la chaux et du ciment. Elle est issue de sédiments marins formés dans la mer ju-rassique qui a recouvert intégralement la basse et moyenne vallée du Rhône, et l’actuelle zone alpine.

L’activité extractive des carrières de Cruas n’a donc jamais cessé, grâce au peu de profondeur des gisements, à l’acces-sibilité des bancs, et à la voie fluviale du Rhône à proximi-té. C’est leur physionomie qui a évolué avec les techniques, quoique la règle ait quasiment toujours été l’extraction à ciel ouvert, en suivant les plans de faille ou les joints de stratification de la roche. On peut observer cependant une exception au pied de Larochette, où subsistent des cavités, galeries et piliers tournés, à la suite d’un refouillement « en caisson ». Cette technique permettait l’exploitation en pé-nétrant directement dans les bancs utiles, appelés aussi « bancs royaux », lorsque les travaux de «découverte» (dé-capage de la couche superficielle de terre et de roche frac-turée inutilisables) devenaient trop importants. Les déblais issus de l’extraction, évacués par les entrées, sont ainsi ve-nus remblayer les carrières à ciel ouvert plus anciennes. Par leur volume considérable, ils ont également profondément modifié le relief local, en créant des collines et des buttes artificielles.

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Carrières de Larochette Carrières Lafarge Carrières de Ferrand

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ZOOM SUR L’EXPLOITATION CALCIA

La carrière de Ferrand

FERRAND SUD

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FERRAND NORD

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L’exploitation a débuté dans les années 30, au Nord du Ruisseau Ferrand, pour la production du ciment gris. La ci-menterie était alors implantée au-dessus de la voie ferrée, sur une terrasse au pied du massif. Lors des tirs, il arrivait parfois que certains jets de pierres expulsés par la poudre décapitent les arbres fruitiers des vergers de plaine. De plus, la rentabilité du gisement n’étant pas optimale, l’activité a cessé sur ce front, laissant des gradins en impasse, d’allure chaotique.

C’est dans les années 70 qu’a démarré le chantier de Ferrand Sud. Les pistes, tirées en premier, témoignent de l’ambition du projet d’exploitation : retailler le profil de la montagne pour en extraire, cette fois, le calcaire très pur utile à la production d’un ciment extra blanc. Cette transition est d’autant plus notable que l’industriel Calcia menaçait de se retirer, à l’heure des grandes unités de production dont celle-ci était exclue. Le mouvement ouvrier et l’ouverture d’un nouveau marché vers le ciment blanc allaient impul-ser le développement de Ferrand Sud, aujourd’hui la seule carrière française de Super-Blanc du cimentier. La qualité de cette production reconnue compense fièrement la « petite taille » d’une exploitation qui s’avèrerait non rentable pour du ciment gris. Faciès actuel de Ferrand Nord

surplombant l’ancienne cimenterie

Vue aérienne de l’exploitation Calcia

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1932 1954 1961

1978 2010 2047?Déploiement de la carrière sur un siècle

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L’exploitation actuelle

La viabilité d’une cimenterie repose sur quelques facteurs essentiels, directement en cause dans la production du paysage par les acteurs en présence. En premier lieu, c’est la matière qui guide, renseignée par des sondages géolo-giques en profondeur. Ensuite, le métier, à savoir la façon dont le cimentier s’adapte aux contraintes du site, gère les flux, extrait la matière et la transforme. Enfin, ceci implique une organisation spatiale de l’exploitation, entre le chantier et l’atelier.

La matière « fertile », c’est-à-dire utile dans la composition du ciment, n’est pas répartie de façon homogène au sein de la masse géologique exploitée en carrière. Sa répartition et ses qualités orientent les pratiques du carrier et du cimen-tier.

Le premier gère la durabilité du gisement en raisonnant les profondeurs et les hauteurs d’attaque, afin de faciliter l’extraction dans le temps et l’optimiser par une sélection des meilleurs bancs. Comme un tailleur de pierre choisis-sait autrefois en carrière les bancs spécifiques à l’ouvrage en cours, le carrier se soucie du pendage de la roche. La raison est la même quoique l’échelle varie : le pendage définit le sens de stratification du calcaire lors de sa sédimentation en bancs. Ces bancs se sont formés par des dépôts naturels de matières calcaires, tenues en suspension dans les eaux des mers, qui se sont déposées peu à peu horizontalement. Les bancs de pierre ont donc été horizontaux lors de leur forma-tion; les inclinaisons sont postérieures, et sont dues à des

Front de taille sain

Matières du site: marnes et calcaires

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Vue de la carrière depuis la cimenterie

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mouvements internes qui ont soulevé l’écorce terrestre. Or, certaines veines de matières meubles fragilisent la pierre, qu’il s’agisse d’un bloc de construction ou d’une montagne, de sorte qu’une poussée dans le sens de cette veine en pro-voque le délitement. De même, l’infiltration d’eau suivie de gel génère cette réaction, si efficace que ce fut la méthode archaïque d’extraction la plus utilisée.

Ce phénomène, lorsqu’il n’est pas maîtrisé, peut avoir des effets désastreux, comme ce fut le cas sur Ferrand Sud. Mal-gré les percements pratiqués sur le front pour le fracturer à l’aplomb, la poudre d’explosif a filé dans une veine, qui a formé un « glissoir » dans le sens du pendage, duquel s’est détaché un pan de la montagne pour s’échouer sur la route une centaine de mètres en contrebas. Précisons que cet in-cident majeur n’a pas eu de conséquences irréversibles, si-non sur la poursuite de l’exploitation en façade de la plaine, jugée trop dangereuse. C’est depuis cet événement que la carrière réoriente son projet vers l’Ouest, au détriment du meilleur gisement situé à l’Est et des matériaux abandonnés sur ce front.

Glissoir avec les traces d’éboulement encore présentes

Orientation de l’exploitation vers l’intérieur du massif

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Façade Est difficile à exploiter

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A l’inverse des « fertiles », la découverte révèle des ma-tières « stériles », c’est-à-dire impropres à la production du ciment. Le calcaire contient en effet des éléments argi-leux, siliceux, ferreux et alumineux, qu’il est nécessaire de corriger pour la préparation du cru, auquel s’ajoutent des éléments exogènes tels que le gypse, pour l’obtention du clinker. C’est donc dès la carrière que s’effectue le contrôle visuel de la qualité du calcaire, mais surtout après concas-sage par l’échantillonnage minutieux qui détermine le do-sage précis des composants favorables au ciment. Les sté-riles constituent souvent des volumes importants, évacués des zones exploitables pour remblayer des zones réputées sans gisement.

Cette potentialité de remblai en grandes quantités est uti-lisée depuis longtemps au nom du paysage, sous la forme de merlons végétalisés, comme écran visuel. Cette «recette magique» a la vertu d’arrondir certains angles de l’exploi-tation, tout en économisant des transports coûteux sur le plan économique et environnemental. La systématisation du procédé peut cependant nuire au paysage de carrières, à la subtilité des formes mises en œuvre ainsi qu’à la transpa-rence des horizons dont l’exploitant n’a plus le souci du fait d’un camouflage facile à portée de pelle. Terrasses supérieures chargées en stériles

SILEXARGILES

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Espaces de remblaiement sur le site

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Les quantités plutôt réduites de stériles générées jusque-là permettaient le remblaiement progressif des anciens gra-dins de Ferrand Nord, ainsi que le talutage de la base de Ferrand Sud. Or la carrière a été confrontée récemment à un dilemme de taille : la partie sommitale est excessive-ment chargée en silex, sur une hauteur approximative de 60 mètres et une longueur d’environ 30 mètres. Cela corres-pond aux quatre dernières banquettes plus petites. Le vo-lume potentiel de stériles étant très important (en reculant chaque banquette de 5 mètres, il représenterait près de 10 000 m3), cela impliquait soit de ne plus y toucher, soit de leur trouver rapidement un débouché à l’extérieur, l’espace actuel ne pouvant stocker de telles quantités.

L’hypothèse de stopper l’extraction en hauteur condamnant l’extraction des bancs inférieurs, on imagine bien la néces-sité de trouver à écouler ce stock pour l’avenir de l’exploita-tion. Ce problème a été résolu par la contractualisation avec une entreprise de granulats qui valorisera les silex livrés en brut d’abattage. Cette opération à coût zéro pour Calcia est une solution relativement intéressante en l’absence d’un projet de valorisation des stériles sur site. Ne pourrait-on cependant envisager à l’avenir une valorisation plus expli-cite de ces matériaux, limitant les transports occasionnés par cette solution provisoire ?

Partie sommitale de la carrière

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Horizon pédologique des stériles

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Installations dans la pente

L’équerre dans le paysage

Les modes d’exploitation et l’implantation de la cimenterie sont intimement liés à cette transformation de la matière. Le déploiement spatial s’effectue au départ de bas en haut et de la périphérie vers le cœur, selon des flux internes entre carrière et cimenterie. Les pistes d’accès ont ainsi été tracées dès le départ en limite de terrain pour desservir les différents étages, ouverts les uns à la suite des autres après décapage de la couche de sol recouvrant la roche. L’amorce des terrasses permet ensuite de progresser en profondeur. L’exploitation s’orchestre alors de haut en bas en « cascade », de façon à ce que toutes les opérations, et notamment l’évacuation des produits et des eaux de ruissel-lement, se fassent selon une logique gravitaire : la carrière en haut, le concassage à mi-côte, les fours, les broyeurs et la plateforme d’ensachage en bas. Une telle logique d’ex-ploitation fait preuve de bon sens par son économie d’es-pace et d’énergie.

Cette organisation gravitaire qui présidait à l’ensemble des exploitations de chaux et ciments de Cruas, démontrant une culture de la pente remarquable, s’est légèrement modifiée avec le déplacement de la cimenterie dans la plaine à l’ou-verture de la carrière de Ferrand Sud, ce qui a en quelque sorte déporté le centre de gravité en dehors du massif et en marge de la carrière. Les anciens entrepôts de la cimenterie sont néanmoins conservés sur le plateau de Ferrand Nord où s’effectue le concassage, ce qui en fait le cœur d’activité.

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Processus industriel de la cimenterie

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cote 135

cote 165

cote 195

cote 225

cote 255

cote 285altimétrie en mètres

Des échelles difficiles à interpréter

L’absence de bâtiments au pied de Ferrand Sud a pour effet d’isoler la carrière et d’en faire un élément du paysage dis-tinct. Ainsi, elle apparaît moins comme un stock en cours d’épuisement que comme une sculpture monumentale en cours de réalisation. Cet effet visuel est renforcé par l’op-tion retenue au départ, de tailler des gradins réguliers de 30 mètres de haut et de profondeur, pour avancer dans le profil de la montagne. L’extraction se fait par tirs de mines dans des trous forés dans la hauteur des banquettes, sur une pro-fondeur moyenne de 5 mètres. La proximité des forages et la quantité d’explosif sont étudiés pour obtenir les éléments les plus fins possible. Le nombre de tirs ne dépasse pas 5 par an, sachant qu’un seul tir peut fournir la moitié de la production annuelle. Il ne reste alors qu’à puiser dans les tas de matériaux entreposés au pied des fronts de taille pour les mener au concasseur. Les nuisances liées aux tirs sont donc très circonscrites dans le temps ; celles liées aux pous-sières sont réduites par l’arrosage des pistes par tracteur. Ces dernières, qui ont une emprise considérable se rédui-sant peu à peu avec la progression de la carrière, tout en conservant une pente proche des 10% et une largeur d’envi-ron 10 mètres pour le passage des engins, nécessitent d’être redessinées au cours du recul des gradins.

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Forage d’un front de taille

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Partie chaotique de la carrière donnant sur la plaine rhodanienne

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Arrosage des pistes

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Végétation de carrière

Ce milieu aride n’a que très peu de sol. Les quelques es-pèces qui s’adaptent sont essentiellement de nature rudé-rale, en accord avec l’environnemnt perturbé.

La strate herbacée participe à la création d’un micro-sol du fait de sa dissémination et de sa décomposition rapide.

Les falaises constituent un milieu rupestre où la moindre faille retient une quantité infime de sol. La flore pionnière s’y niche de façon éphémère.

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Par ses racines traçantes, le peuplier constitue la première strate ligneuse sur le site, dans les terrains relativement stabilisés et dans les fonds de carrière.

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Les talus caillouteux des pistes forment un milieu par-ticulier où s’implante une strate ligneuse temporaire.

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MISE EN PROJET

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Le projet de paysage de la carrière

Le paysage a la particularité de croiser différents projets et de les remettre en chantier, en interaction, comme c’est le cas ici entre l’industrie, l’agriculture et l’urbanisation. On ne peut a penser l’évolution de la carrière sans imaginer celle de la cen-trale nucléaire, des terres agricoles et de l’occupation humaine qui l’entourent.

La logique réglementaire classique impose au carrier de ca-moufler les traces de son passage, de rendre acceptable l’ex-ploitation industrielle de la ressource, au nom d’une nature dénaturée, autrement dit du paysage. Le projet proposé ici tente de remédier à cette aberration, en affirmant les principes d’une co-construction du paysage :

La carrière ne pourra pas, et ne devra pas, être masquée par un effort coûteux de retalutage et de revégétalisation.

L’économie faite de cette « remise en état » a pour contre-partie un investissement de l’industriel Calcia dans la valori-sation du paysage produit à travers ses modes d’exploitation et la contractualisation avec les autres acteurs du paysage.

La relation entre les cheminées de la centrale et la carrière constitue une unité à valoriser dans un bénéfice mutuel.

L’économie faite d’une partie importante du démantèlement de la centrale doit favoriser une reconversion judicieuse des installations électriques et des tours vers le déploiement des énergies renouvelables.

L’espace industriel au sud de la commune doit s’intégrer au projet urbain et agricole de Cruas comme un moteur de dé-veloppement local, non plus seulement en terme d’emplois mais aussi d’espace.

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RECYCLER LA CENTRALEAPRÈS 2025

EXPLOITER LA CARRIÈRE COMME UNE SCULPTURE

PRÉPARER L’HABITAT FUTUR DU SITE

VALORISER LES SERRES

OUVRIR LES VERSANTS EST À UN PROJET AGRICOLE

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Le parti-pris pour la carrière doit être fort, tout en respec-tant le site. Son histoire et sa morphologie ont imprimé la marque d’une exploitation dont le paysage peut tirer parti, à condition que le carrier ait un geste conscient de son im-pact. L’idée est alors de dégager un monument de la ma-tière à travers la poursuite de l’exploitation, de proposer à l’exploitant d’être également créateur d’une ressource nou-velle pour le territoire : il est, de fait, producteur en créant le ciment blanc, mais aussi créateur en produisant un pay-sage.

Cette démarche est celle du sculpteur, qui met à jour une forme par le retrait de matière. Il n’est pas question cepen-dant d’ajouter un rôle superflu aux cimentiers, ni d’inven-ter des formes « contre-productives », mais de trouver une économie de production vertueuse. Le projet vise donc à proposer un plan d’exploitation qui exprime la monumenta-lité de la carrière et le savoir-faire des carriers.

Faire ressortir la carrière en travaillant la géo-

métrie des fronts de taille, pour que la lumière

naturelle donne l’impression d’un volume sortant

de la montagne.

LE PROJET SCULPTURAL DE CARRIÈRE

DÉTACHER LE MONUMENT

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ACTUEL PROJET NON CONTRACTUEL DE CALCIA POUR 2047

Les stériles doivent être conservées pour le réaménagement de la partie Nord

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SCULPTER LA MONTAGNE

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Cette proposition se veut réaliste, bien qu’elle ne soit pas la plus simple à mettre en œuvre. C’est un défi qui mérite toutefois une attention particulière, dans le contexte actuel du renouvellement d’autorisation de l’exploitation Calcia.

Le projet prend en compte le module de 30 mètres de front et de carreau qui a perrmis de repousser les bancs suivant le profil de la montagne. Ce choix judicieux la révèle et pré-figure le monument qui s’en détache. Pour ne pas perdre cet équilibre au fil de l’exploitation, il s’agissait de modéliser différentes configurations et d’en évaluer l’impact visuel.

J’ai également transposé mes recherches formelles dans la matière même du site, dans des blocs de calcaire de la car-rière, afin de mieux cerner les volumes, les aspects et les lumières à une autre échelle. Par ce travail, les gradins ap-paraissent comme les épannelages d’une pierre en cours de taille, ou les paliers d’une architecture primordiale. La veine qui traverse un bloc est la même que celle qui parcourt la roche-mère.

Bien que les techniques et les dimensions varient, l’expé-rience de la pierre encourage à sortir de son écrin le mo-nument qui semble avoir été contenu de tout temps par la géologie, et se découvre « par accident », comme le négatif du ciment recherché par l’industriel. De la même manière, c’est ce qui s’est produit lorsque je refendais un bloc, au creux duquel s’est littéralement démoulé un œuf de tortue fossilisé.

Etudes au 1/5000 et 1/500 de l’effet d’une modification des hau-

teurs des fronts de taille

Etudes en pierre pour communiquer sur les échelles et la monu-

mentalité du site, avec découverte d’un oeuf de tortue fossilisé

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Le projet en marches...

Depuis la forme initiale de la carrière jusqu’à celle qu’elle aura dans une centaine d’années, c’est le gisement ou la contrainte d’exploitation qui gouvernent. L’orientation des fronts de taille prise ces dernières années témoigne d’une poussée vers l’intérieur du massif, alors que la façade du Rhône offre, d’après les sondages, un gisement de grande qualité. Cela est dû aux contraintes et au danger que pré-sente cette partie Est de la carrière, notamment vis-à-vis de la Départementale et de la voie ferrée en contrebas.

La proposition d’une « reconquête » de cette façade aban-donnée ne peut donc nier la difficulté. Il s’agirait de pour-suivre le creusement à l’arrière, de sorte à extraire « en cou-lisse » ce gisement dans les derniers temps d’exploitation, dévoilant progressivement l’architecture pyramidale créée par l’extraction.

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Croquis d’étude :

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Le retrait est créateur de volume

La succession de plateaux et d’espaces doit être pensée comme le socle de futurs usages

L’affirmation d’un monument minéral au sein du massif boi-sé de Cruas mettra à l’honneur l’entreprise Calcia, et à tra-vers elle une pratique locale historique. La longue durée de cette réalisation offrira le spectacle d’un paysage industriel en mouvement. Dans cet esprit, aucune revégétalisation du site ne sera imposée. La barrière de blocs patatoïdes qui sé-curise actuellement l’extrêmité des gradins sera densifiée par l’apport des derniers matériaux rocheux. Ces digues se-ront support à la dissémination des graines, retenues dans les anfractuosités et préparant peu à peu un nouveau sol.

Le carrier sera libre de communiquer au fil du temps sur son projet, et d’ouvrir le site à des manifestations culturelles, ou à l’implantation de pratiques artisanales respectueuses du socle créé.

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T + 60 T + 90

T + 120

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LE PROJET DE CARRIÈRE DE L’ÉNERGIE

RENOUVELER LA RESSOURCE

La question de l’énergie est l’une des plus brûlantes dans le débat politique actuel, notamment en regard des enjeux environnementaux. Face au nucléaire, très controversé, se dressent des projets éoliens et photovoltaïques problé-matiques sur le plan du paysage, puisqu’ils nécessiteraient pour être efficaces d’immenses surfaces d’exploitation. Bien qu’on parle aujourd’hui de «champs» ou de «fermes» pour ce type d’installations, il s’agit toujours en réalité de «cen-trales». Le risque en terme de paysage serait une accumu-lation irraisonnée de périmètres et d’objets contraignant l’espace vital des espèces humaine, animale et végétale, au nom d’une richesse économique appauvrissant le territoire vécu.

L’enjeu sur Cruas est d’engager un projet de valorisation du territoire tirant parti du potentiel énergétique, tout en res-pectant les qualités du site d’inscription. En ce sens, le pho-tomontage ci-contre montre l’effet que génèreraient l’im-plantation d’éoliennes sur les crêtes du Barrès, si Edf allait au bout de leur prospection. La juxtaposition des activités productives n’aurait pour fils conducteurs dans le paysage que ceux des lignes à Haute Tension...

BUGEY

SAINT-ALBAN

CRUAS

TRICASTIN

D’une centrale à une autre: la centrale verticale

La centrale hydroélectrique réversible (pompage ou turbinage) est utilisée pour transférer l’eau entre deux bassins situés à des altitudes différentes.Lorsque le réseau fournit un surplus d’électricité (heures creuses ou pic de production) l’eau du bas-sin inférieur est pompée dans le bassin supérieur. Sous l’effet de la pesanteur, cette masse d’eau repré-sente une future capacité de production électrique.Lorsque le réseau connaît un déficit de production élec-trique, la circulation de l’eau est inversée. La pompe devient alors turbine et restitue l’énergie accumulée précédemment.

Photomontage d’une crête d’éoliennes

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HYPOTHÈSE D’UN BASSIN DE RETENUE

La centrale Cruas-Meysse est l’une des quatre que compte la Région Rhône-Alpes. En 2025, elle atteindra l’échéance de ses 40 ans d’existence, date à laquelle son avenir sera redis-cuté. Au-delà de la productivité reconnue du nucléaire, les coûts et les temps de démantèlement freinent aujourd’hui l’arrêt des centrales, prolongées pour des raisons écono-miques malgré la vétusté des installations.

Le site présente un caractère indéniable sur le plan architec-tural et paysager, qui réinterroge sa position dans le paysage de Cruas et mérite d’imaginer les futurs possibles de ce vaste espace. L’extraordinaire capacité de stockage en eau des tours pourrait en faire les futurs châteaux d’eau du Rhô-ne, moyennant le renforcement de la base et la construction de cuves à l’intérieur de la structure. L’absorption des crues du Fleuve serait telle que les digues aménagées dans les communes aval deviendraient superflues.

Tout en conservant le principe du château d’eau, l’hypo-thèse retenue pour le projet va plus loin encore, avec l’idée d’une production hydroélectrique associée à une réserve importante en eau. Cette hypothèse est celle des Stations de Transfert d’Energie par Pompage, c’est-à-dire des rete-nues d’eau alimentant une turbine. Les STEP constituent la technologie capable jusqu’à ce jour des stockages d’énergie les plus importants, et permettant de délivrer la plus grande puissance, avec un rendement inégalé de 90% au pompage comme au turbinage, soit un rendement total d’environ 80% sur un cycle de stockage – déstockage. En outre, leur utilisa-tion ne dégage pas de gaz à effet de serre.

Schéma d’un château d’eau à l’échelle du site

Allemagne

Okinawa

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Des besoins de stockage de grande ampleur deviennent de plus en plus nécessaires avec l’objectif communautaire de produire au moins 20% de la consommation primaire d’énergie sous forme renouvelable à l’horizon 2020, puisque les principales sources d’énergie renouvelable utilisables sous forme d’électricité, le vent et le soleil, sont fondamentalement intermittentes. Le site réunit toutes les conditions recquises pour développer ce type de stations, en offrant l’opportunité de réemployer une partie importante de la structure de la centrale nucléaire. L’intérêt de penser l’évolution conjointe de ces deux géants industriels réside dans l’anticipation des aménagements, notamment d’un bassin inférieur dans la plaine et d’un bassin supérieur.

La monumentalité assumée de la carrière et de la centrale exprimera le dialogue puissant entre le fleuve et le massif, et devra rester perméable à la circulation des hommes.

CANAL D’AMENÉE

BASSIN SUPÉRIEUR

RHÔNE

BASSIN D’ÉCRÉTAGE

turbinage

pompage

usine hydroélectrique

Référence: Viaduc de Millau en ciment blanc

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CANAL D’AMENÉEBELVÉDÈRE

Dans l’idée d’un espace multifonctionnel, le canal d’amenée aérien

d’une longueur de 500 mètres permet le franchissement à 160 mètres

au-dessus du sol vers la tour, sur laquelle sera aménagé un belvé-

dère. Connectée au GR 42, cette passerelle piétonne offrira une vue

à 360° sur la plaine du Rhône. Elle marquera également l’entrée Sud

de Cruas, dans un vocabulaire de pont aérien caractéristique du style

industriel actuel.

Entrée Nord actuelle

Entrée Sud actuelle

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Les stériles sont propres à l’activité de la carrière. Elles sym-bolisent le «reste», le rebut et en quelque sorte le négatif de la production, en même temps qu’elles révèlent une partie du socle d’extraction ou en d’autres termes, un terroir. Par exemple, le ciment blanc de Cruas est le négatif des argiles et silex qui en composent le sol, alors que la diatomite, ex-traite dans la carrière de St-Bauzile de l’autre côté du massif, se débarrasse du basalte qui compose le socle géologique et agricole du Coiron.

ST-BAUZILE CRUAS

LE PROJET DE CARRIÈRE AGRICOLE

CULTIVER LA ROCHE

Le projet s’inspire de ce geste ancien qui consistait à bâtir avec les matériaux extraits sur place, depuis les murs des terrasses cultivées grâce à l’épierrement jusqu’aux édifices érigés dans la pierre locale. Cette architecture vernaculaire ne doit pas rester celle d’un autre temps, ni s’exprimer uni-quement dans le rond-point d’entrée de ville. Cruas peut encore «cultiver sa roche», non pas sous forme de pierre à bâtir, mais à partir d’une réutilisation des stériles en ma-tière fertile.

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LE COIRON NOIR CRUAS LA BLANCHE

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L’agriculture de plaine pourrait réintégrer les coteaux an-ciennement exploités, par une préparation du sol et des ter-rasses progressive. L’idée sera alors de réunir les intérêts de divers exploitants dans la mise en oeuvre du projet, à partir d’une véritable prospection agronomique concertée avec le projet d’exploitation de la carrière.

Trois pistes ont été envisagées, à titre d’exemple, répondant aux critères d’une agriculture de côteaux sur le Rhône, à savoir la culture du riz, de la vigne, et des fruitiers.

Selon l’hypothèse d’une réserve d’eau constante pompée dans le Rhône, l’irrigation par submersion serait imaginable. De plus le riz implanté dans le Delta du Rhône, en Camargue, pourrait constituer un point d’appel. Il s’avère cependant que la riziculture nécessite des terrains meubles, dont la submersion oblige à retravailler sans cesse les contours des terrasses.

La piste des vignobles et vergers semble quant à elle plus réaliste. Les côteaux reliant la carrière au coeur de Cruas, actuellement recouverts de chênaie verte, étaient autrefois entièrement cultivés. Ces cultures emblématiques du Rhô-ne s’expriment encore aujourd’hui avec fierté à l’amont et à l’aval du fleuve, alors que Cruas voit sa plaine et ses côteaux se réduire.

Le projet vise donc à compenser l’espace fertile perdu au fil du temps par une reconquête agricole des côteaux, aux côtés des carrières.

Vignes, 1932

Vergers, 1932

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Riz de CamargueCartographie de l’AOC Côtes-du-Rhône

Schéma de développement des terrasses de culture

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HYPOTHÈSE NON RETENUE DE LA RIZICULTURE

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Références de rizières chinoises

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HYPOTHÈSE DE LA VITICULTURE

Ampuis, Côte-Rôtie

Cruas

Tain-L’Hermitage

Il suffit de regarder en France l’adéquation entre les grandes carrières et les vignobles prestigieux (Bourgogne, Bordelais, Anjou, Côtes-du-Rhône, ...) pour se convaincre de l’intime relation du sol et des roches avec la vigne.

La comparaison avec l’exposition et la topographie de Tain l’Hermitage et des Côtes-Rôties à Ampuis, montre que Cruas pourrait prétendre à l’inauguration d’une nouvelle appella-tion des Côtes-du-Rhône.

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Ampuis, Côte-Rôtie

Tain-L’Hermitage

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Les côtes du Rhône à Cruas

L’originalité de ce projet viendra de la participation de la carrière à la fabrication de ce payasge, et ce à travers un processus de transformation et de recyclage de la matière innovant.

Cette participation comprend deux volets :-la re-création d’un sol-la création de murets

Tout comme pour l’ouverture de la carrière, l’exploitation viticole passe par la création de pistes d’accès, d’espaces de stockage et d’ateliers de transformation.

Des démarches de réaménagements agricoles à l’avan-cée ont déjà été expérimentés dans des réaffectations de carrières, mais il s’agit ici encore d’aller au-delà, à l’échelle communale, afin que cette opération ne soit pas anecdo-tique, mais véritablement créatrice de ressources.

Le phasage débutera par une base d’expérimentation agri-cole sur Ferrand Nord, puisque la vocation de Ferrand Sud est affirmée comme une oeuvre minérale. Tandis que l’ex-ploitation cimentière avancera vers le Sud de la commune, l’exploitation agricole progressera vers le Nord, comme une main tendue de la carrière vers le centre historique de Cruas.

Le projet impliquera d’étendre le périmètre de la carrière à l’extérieur, par exemple du côté de l’ancienne carrière de Larochette. Cette extension permettra la création d’une plateforme de stockage, de tri et de transformation des stériles, sans entraver les périmètres d’exploitation minière et viticole. Les matériaux seront ensuite acheminés par les pistes couvrant le massif sur les parcelles déboisées, afin de constituer progressivement les terrasses de culture.

Ferrand SudEtat Définitif

Plateforme expérimentale de la carrière - Pistes

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Progression de l’exploitation Adaptation à l’hydrographieAdaptation à l’exposition

COURT-TERME

MOYEN-TERMELONG-TERME

Le rebut d’exploitation, une fois concassé, convient parfaitement au remplissage des gabions. Ces éléments modulables pourront ensuite être assemblés en murets de soutènement, avec les mêmes qualités drainantes que les murs en pierre sèche carac-téristiques de la culture en terrasse. Ce réemploi permettra le stockage direct d’un matériau abondant sur le site.

Les stériles, qui encombreront toujours plus la carrière, sont essentiellement des argiles et des silex. Or ces éléments font a contrario la richesse des sols argilo-si-liceux, particulièrement favorables à la culture de la vigne. La re-création d’un sol fertile enrichira les coteaux dans leur re-mise en culture.

RE-CRÉATION D’UN SOL

CRÉATION DE MURETS

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VALORISER LES CRÊTESLE PROJET URBAIN DE CARRIÈRE

HABITER À CIEL OUVERTCette dernière piste est celle qui préoccupe avant tout la commune, qui élabore actuellement son PLU. La proposi-tion faite ici est double, mais répond à une logique simple : stopper l’étalement pavillonnaire dans la plaine. Il est ur-gent de considérer que la terre agricole n’est plus l’espace idéal d’implantation, et d’impliquer les habitants dans la gestion du territoire. Ceci peut se décliner de deux façons :

Rebâtir l’existantLes anciens bâtiments industriels comme l’usine du vallon de Crûle présentent l’intérêt d’une réhabilitation en conti-nuité du village. La commune s’est en outre engagée dans la création de gîtes dans le quartier abandonné au pied du château, d’une valeur patrimoniale incontestable. Il convient de poursuivre ces opérations, tout en prévoyant la convertibilité des futurs espaces industriels.

Voir l'espace pour le gérerC’est sur le principe de la Ferme que s’appuie la proposition d’ilôts perchés sur les sommets de la commune. Ces formes d’habitat groupé pourraient se structurer autour d’un corps d’exploitation, les hameaux étant reliés à la ville basse par des voies carrossables et des sentiers. L’ensemble vise à re-prendre une vue sur la plaine, dans une perspective plus ouverte que celle offerte aux parcelles en lanières clôturées de haies. Ces hameaux cadreront enfin le paysage du Nord au Sud, reconnectant ainsi l’habitat avec les activités et la spécificité de son socle d’inscription.

Les voies piétonnes et automobiles d’accès aux crêtes seront créées dès l’implantation des nou-veaux hameaux.

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« Qu’on le veuille ou non, en période de crise, ce qui rend possible et souhaitable la survie d’une communauté, ce n’est pas son identité archéologique, mais sa capacité à continuer, et elle continue, parce que certaines structures et certains équipe-ments lui permettent la continuité. Tels sont les repères symboliques.

« Que seront ces repères symboliques ? Au fur et à mesure que nos habitations, nos lieux de travail ou d’affaires deviennent de plus en plus dépendants des services de la communauté, et surtout de plus en plus dépendants de institutions destinées à garantir la continuité avec le passé, nous nous apercevrons que nous avons suscité toute une série, inédite, de constructions tenant lieu de repères symboliques : usine électrique, banque, hôpital, lieu de rassemblement public, musée, bibliothèque et archives publiques, et, nullement le moindre, entrepôt de stockage.Qu’il s’agisse ou non de monolithes de béton, ils repré-sentent la continuité, l’identité de la communauté, les liens avec le passé et avec l’avenir.»

John B. Jackson, A la découverte du paysage vernaculaire

Le développement de la commune vers le Sud repositionnera l’actuelle gare de fret de la cimenterie en gare accessible aux voyageurs et riverains du massif.

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GR 42 A

AUTOROUTE A7

GARE

PLATEFORME D’EXPÉRIMENTATIONS AGRONOMIQUES

AIRE DE COMPOSTAGE

ILÔTS DES CRÊTES

   CÔTES-DU-RHÔNE

JARDINS DE LA PLAINE

BASSIN D’ÉCRÊTAGE DES CRUES

LA MONTAGNE DE CRUAS

CHEMINS PIÉTONS

PLAN GUIDE DE LA COMMUNE

PISTES D’EXPLOITATIONVOIES CIRCULABLES

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USINE HYDROÉLECTRIQUE

L’ÎLE DU COMPOSTAGE

LA MONTAGNE ÉDIFIÉE STATION AGRONOMIQUE

FERME DES CRÊTES

P A R C O U R S DES CRÊTES

VUE AÉRIENNE DU PROJET DÉFINITIF

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Ce travail de diplôme n’a pas la prétention d’une étude pay-sagère répondant à une commande définie.Il cherche davan-tage à développer un regard sur la complexité du paysage, tel qu’il est difficile de le porter dans des études classiques d’impact ou de faisabilité. Il paraîtra en ce sens moins utile, ou pragmatique, et néanmoins indispensable à la définition des enjeux à prendre en compte dans le contexte actuel du renouvellement de l’arrêté d’exploitation de la carrière.

Ces démarches parallèles ont permis des échanges, no-tamment avec le paysagiste J-P Durand en charge du volet paysage du dossier Calcia, qui m’a initié à la problématique des carrières, suivi de son regard expert et honoré de sa présence dans le jury final, auprès d’enseignants de l’école dont ce travail porte l’empreinte. Je remercie J-P Clarac pour sa transmission de la générosité du projet, J. Mazas pour ses conseils avisés et son regard attentif sur l’ensemble de mon parcours, et tout particulièrement mon encadrant G. Clé-ment qui a diagnostiqué la modestie monumentale de ma démarche, mais surtout m’a enseigné une simplicité que je tâcherai de convoquer plus tôt dans les projets à venir...

Je me suis efforcé de rendre hommage au site qui m’a ac-cueilli, en le partageant comme une histoire vraie. Je tiens de ce fait à remercier les personnes qui m’ont autorisé à en-trer sur le site, et même au-delà, m’ont donné des clés pour entrer dedans. J’espère vivement que ceux-ci, M. le Maire,

BILAN

Messieurs-Dames cruassiens, M. Auger, carriers et cimentiers de Calcia, verront dans cette histoire leur rôle d’acteurs et l’intérêt de construire ensemble le scénario de leur paysage.

Merci aux amis pour leur soutien des dernières heures et la préparation magistrale de ma salle. Je les salue de tout mon coeur devant les charrettes qui s’éloignent...Enfin, à Marion, qui portait notre enfant et m’a porté avec lui jusqu’au bout.

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Blanchard, R., 1928, L’industrie des chaux et ciments dans le Sud-Est de la France. Revue de géographie alpine. , Tome 16 N°2. pp. 255-376.

Blouin, A., 2011, Guide pratique d’aménagement paysager des carrières. Unicem.

Brinckerhoff Jackson, J., 2003, A la découverte du paysage ver-naculaire. Ed. Actes sud (Coédition Ecole nationale supérieure de paysage).

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BIBLIOGRAPHIE

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