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TRAVAUX DIRIGÉS D’INTRODUCTION AU DROIT FISCAL LICENCE 3 ème ANNEE AIX EN PROVENCE Cours de M. le professeur Thierry LAMBERT Chargé de travaux dirigés : M. Xavier VALLI Année universitaire 2010-2011

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TRAVAUX DIRIGÉS

D’INTRODUCTION AU DROIT FISCAL

LICENCE 3ème ANNEE AIX EN PROVENCE

Cours de M. le professeur Thierry LAMBERT

Chargé de travaux dirigés : M. Xavier VALLI

Année universitaire 2010-2011

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BIBLIOGRAPHIE DE BASE

Ouvrages et manuels de droit fiscal. BELTRAME (P.), La fiscalité en France 2010-2011, Paris, Hachette supérieur, Les fondamentaux, 16ème

éd., 2010.

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010.

BOUVIER (M.), Introduction au droit fiscal et à la théorie de l’impôt, Paris, LGDJ, coll. « Systèmes », 10ème édition, 2010.

COLLET (M.), Droit fiscal, Paris, PUF, Coll. Thémis droit, 2ème éd., 2009.

CASIMIR (J.-P.), Contrôle fiscal : contentieux – recouvrement, Paris, Groupe Revue Fiduciaire, Coll. Les codes RF, 11ème éd., 2010.

DAVID (C.), FOUQUET (O.), PLAGNET (B.), RACINE (P.-F.), Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, Coll. Grands arrêts, 5ème éd., 2009.

GROSCLAUDE (J.), MARCHESSOU (P.), Droit fiscal général, Paris, Dalloz, coll. Cours Dalloz-Série Droit public, 7ème édition, 2009.

GROSCLAUDE (J.), MARCHESSOU (P.), Procédures fiscales, Paris, Dalloz, coll. Cours Dalloz-Série Droit public, 7ème édition, 2009.

LAMARQUE (J.), AYRAULT (L.), NEGRIN (O.), Droit fiscal général, Paris, Litec, Coll. Manuel, 2009.

ORSONI (G.), VIESSANT (C.), Eléments de finances publiques, Paris, Economica, 2005.

Codes (Consulter la dernière édition). Code général des impôts

Livre de procédure fiscale

Sites internet. www.2isf.org

(site de l’Institut international de sciences fiscales du Pr. T. LAMBERT)

www.assemblee-nationale.fr (site de l’Assemblée nationale)

www.blog-financespubliques.org (site sur l’actualité des finances publiques et du droit fiscal)

www.conseil-constitutionnel.fr (site du Conseil constitutionnel)

www.legifrance.gouv.fr (site mettant à disposition l’ensemble des textes législatifs, règlementaire et l’ensemble jurisprudence des juridictions françaises)

www.senat.fr (site du Sénat)

www.sffp.asso.fr (site de la société française de finances publiques)

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PROGRAMME DES TRAVAUX DIRIGÉS et SOMMAIRE DE LA PLAQUETTE

BIBLIOGRAPHIE DE BASE ......................................................................................................... 2  

PROGRAMME DES TRAVAUX DIRIGÉS et SOMMAIRE DE LA PLAQUETTE................... 3  

SÉANCE 1 La constitutionnalisation du droit fiscal .............................................. 5  

SÉANCE 2 La doctrine administrative ........................................................................ 15  

SÉANCE 3 Les conventions fiscales ............................................................................. 37  

SÉANCE 4 La détermination de la matière imposable ........................................ 57  

SÉANCE 5 Les moyens d’investigations de l’administration fiscale ............ 79  

SÉANCE 6 Le contrôle fiscal............................................................................................ 91  

SÉANCE 7 Les sanctions fiscales ................................................................................ 101  

SÉANCE 8 Les caractères généraux de l’impôt sur le revenu ........................ 111  

SÉANCE 9 Interrogation écrite .................................................................................... 125  

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SÉANCE 1 La constitutionnalisation du droit fiscal

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 23-38.

BELTRAME (P.), La fiscalité en France 2009-2010, Paris, Hachette supérieur, Les fondamentaux, 15ème éd., 2009, pp.101-104.

PHILIP (L.), « Impositions de toutes natures, redevances, cotisations sociales, et prélèvements obligatoires », Mélanges P. Amselek, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp.677-691.

PRETOT (X.), « La notion d’imposition de toutes nature », RFFP, n°100, 2007, pp.145-159.

TOULEMONT (B.) et ZAPF (H.), « La question prioritaire de constitutionnalité en droit fiscal », Gaz. Pal., 27 février 2010, n°58, p.33.

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 (art. 6, 8, 13, 14) ;

o Constitution du 4 octobre 1958 (art. 34, 61 al.2, 61-1, 62) ;

Jurisprudence :

o Cons. const., n°60-8 DC du 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960 ;

o Cons. const., 60-11 DC du 20 janvier 1961, Assurance maladie des exploitants agricoles ;

o Cons. const., n°71-44 DC du 16 juillet 1977 ; Liberté d’association ;

o Cons. const., n°73-51 DC du 27 décembre 1973, Taxation d’office ;

o CE, 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens ;

o Cons. const., n°90-283 DC du 8 janvier 1991, Lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ;

o Cons. const., 2005-513 DC du 14 avril 2005, Loi relative aux aéroports ;

o Cons. const., 2009-599 DC du 29 décembre 2009, Loi de finances pour 2010 ;

o Cons. const., 2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark ;

III. Exercices

1. Questions sur le principe de légalité :

a. A la lumière de la jurisprudence, définissez la notion d’impositions de toute nature.

b. Quel est l’intérêt de cette catégorie juridique ?

2. Question sur le principe d’égalité : A partir de la décision 2009-599 DC, dégagez les contours du principe constitutionnel d’égalité en matière fiscale.

3. Réflexion sur le phénomène de constitutionnalisation du droit fiscal : Établissez un plan détaillé sur le thème de « La constitutionnalisation du droit fiscal ».

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Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen

Article 6 : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses 2 yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents »

Article 8 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

Article 13 : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».

Article 14 : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée »

Constitution du 4 octobre 1958

Article 34 : « La loi est votée par le Parlement. La loi fixe les règles concernant : - (…) l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie. (…) La loi détermine les principes fondamentaux : - (…) de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ; (…) Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Des lois de programmes déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat. Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique ».

Article 61 al.2 : « Aux mêmes fins, les lois peuvent être déférées au Conseil Constitutionnel, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier Ministre, le Président de l'Assemblée Nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs ».

Article 61-1 : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé.

Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ».

Article 62 : Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne peut être promulguée ni mise en application.

Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause.

Les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. »

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Décision n° 60-8 DC, du 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960,

Décision dite « Redevance Radio-télévision »

Le Conseil constitutionnel, saisi le 29 juillet 1960 par le Premier Ministre, conformément aux dispositions de l’article 61 de la Constitution, du texte de la loi de finances rectificative pour 1960,

1. Considérant que, d'une part, aux termes de l'article 34 de la Constitution, « les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique » ; que, d'autre part, aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, laquelle constitue la loi organique visée par la disposition précitée de la Constitution, « les taxes parafiscales perçues dans un intérêt économique ou social, au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs, sont établies par décret en Conseil d'État, pris sur le rapport du ministre des Finances et du ministre intéressé. La perception de ces taxes au-delà du 31 décembre de l'année de leur établissement doit être autorisée chaque année par une loi de finances » ; qu'il résulte de ces dispositions que la perception des taxes dont il s'agit ne fait l'objet que d'une autorisation annuelle du Parlement, à l'occasion de laquelle celui-ci exerce son contrôle sur la gestion financière antérieure de la personne morale considérée ; que cette autorisation ne saurait être renouvelée en cours d'exercice sans qu'il soit porté atteinte au principe ainsi posé de l'annualité du contrôle parlementaire et aux prérogatives que le gouvernement dent des dispositions précitées pour l'établissement desdites taxes, ce, même au cas où le pouvoir réglementaire établit ces taxes à un nouveau taux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de l'ordonnance n°59-273 du 4 février 1959, la radio-télévision française " constitue un établissement public de l'État, à caractère industriel et commercial, doté d'un budget autonome " ; qu'en application des articles 3 et 9 de la même ordonnance elle reçoit une " redevance pour droit d'usage " dont le produit constitue l'essentiel des ressources lui permettant de faire face à l'ensemble de ses charges d'exploitation et d'équipement ; Que cette redevance qui, en raison tant de l'affectation qui lui est donnée que du statut même de l'établissement en cause, ne saurait être assimilée à un impôt, et qui, eu égard aux conditions selon lesquelles elle est établie et aux modalités

prévues pour son contrôle et son recouvrement, ne peut davantage être définie comme une rémunération pour services rendus, a le caractère d'une taxe parafiscale de la nature de celles visées à l'article 4 de l'ordonnance organique précitée du 2 janvier 1959 ;

3. Considérant que, conformément au principe posé par l'article 4 de ladite ordonnance organique et ci-dessus analysé, la perception de cette taxe parafiscale doit faire l'objet d'une seule autorisation annuelle du Parlement ; que, dès lors, les dispositions de l'article 17 de la loi de finances rectificative pour 1960, selon lesquelles : « lorsque les taux de redevance pour droit d'usage de postes de radiodiffusion et télévision sont modifiés postérieurement à l'autorisation de perception accordée par le Parlement pour l'année en cours, les redevances établies sur la base des nouveaux taux ne peuvent être mises en recouvrement qu'après autorisation donnée conformément aux dispositions de l'article 14 de la loi n°59-1454 du 26 décembre 1959, dans la plus prochaine loi de finances », ne peuvent être regardées comme conformes aux prescriptions de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances et par suite à celles de l'article 34 de la Constitution qui renvoie expressément à ladite loi organique ;

4. Considérant que l'article 18 de la loi de finances rectificative susvisée a pour objet d'affecter à un compte d'attente ouvert dans les écritures de la radiodiffusion-télévision française, sous réserve des exceptions qu'il déterminer l'excédent des recettes réalisées par cet établissement en 1960 et d'en différer l'utilisation jusqu'au contrôle sur pièces devant, en vertu de l'article 14 de la loi du 26 décembre 1959, intervenir lors de l'examen de la loi de finances pour l'exercice 1961 ; qu'ainsi cette disposition, de caractère purement comptable, constitue une intervention du Parlement dans la gestion financière dudit établissement, laquelle intervention porte atteinte aux pouvoirs de l'autorité de tutelle en ce domaine ; qu'il y a lieu pour ce motif, de déclarer les dispositions dudit article 18 non conformes à la Constitution ;

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Cons. const., 60-11 DC du 20 janvier 1961, Assurance maladie des exploitants agricoles ;

1. Considérant que l'article 40 de la Constitution dispose: "les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique " ;

2. Considérant que l'expression "charge publique" doit être entendue comme englobant, outre les charges de l'État, toutes celles antérieurement visées par l'article 10 du décret du 19 juin 1956 sur le mode de présentation du budget de l'État et, en particulier, celles des divers régimes d'assistance et de Sécurité sociale ; que cette interprétation est confirmée tant par les débats du Comité consultatif constitutionnel que par le rapprochement entre les termes de l'article 40 précité et ceux du projet de loi déposé le 16 janvier 1958 qui tendaient à la révision de l'article 17 de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

3. Considérant que les dispositions des articles 1106-1, par. 3, alinéa 2, 1106-1, par. 4, alinéa. 3 et 1106-3, par. 2, du code rural, dans la rédaction qui résulte du vote par le Parlement de plusieurs amendements au texte de projet de loi relatif aux assurances maladie, invalidité et maternité des exploitants agricoles et des membres non salariés de leur famille, ont pour effet de créer de nouvelles catégories de bénéficiaires de ce régime particulier de Sécurité

sociale et entraînent, à l'évidence, une aggravation des charges à supporter par ledit régime ; que les amendements susmentionnés étaient dès lors irrecevables en vertu de l'article 40 précité de la Constitution et que les dispositions législatives qui ont résulté de leur adoption ne peuvent, par ce motif, qu'être déclarées non conformes à la Constitution ;

4. Considérant, au contraire, que le texte de l'article 1106-1, par. 4, alinéa 5, du code rural, tel qu'il a été adopté par le Parlement et qui vise les " enfants de moins de vingt ans, qui, par suite d'infirmité ou de maladie chronique, sont dans l'impossibilité totale et contrôlée de se livrer à une activité rémunératrice ", ne peut être regardé comme aggravant la charge qui, pour ce régime de Sécurité sociale, eut résulté de l'adoption du projet de loi initial, lequel se référait, pour les mêmes personnes, à une " impossibilité permanente " provenant de la même cause et ayant les mêmes effets ; que, dès lors, ce texte ne tombait pas sous le coup de l'irrecevabilité prévue par l'article 40 de la Constitution ;

5. Considérant qu'en l'espèce, il n'y a pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumises par le Premier ministre à son examen ;

Décision n° 73-51 DC, 27 décembre 1973, Loi de finances pour 1974, Taxation d’o f f i c e

Le Conseil Constitutionnel, Saisi le 20 décembre 1973 par le Président du Sénat, conformément aux dispositions de l'article 61 de la Constitution, du texte de la loi de finances pour 1974, adoptée par le Parlement ;

1. Considérant que les dispositions de l'article 62 de la loi de finances pour 1974 tendent à ajouter à l'article 180 du code général des impôts des dispositions qui ont pour objet de permettre au contribuable, taxé d'office à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues audit article, d'obtenir la décharge de la cotisation qui lui est assignée à ce titre s'il établit, sous le contrôle du juge de l'impôt, que les circonstances ne peuvent laisser présumer l'existence de ressources illégales ou occultes ou de comportement tendant à éluder le paiement normal de l'impôt ;

2. Considérant, toutefois, que la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du code général des impôts par l'article 62 de la loi de finances pour

1974, tend à instituer une discrimination entre les citoyens au regard de la possibilité d'apporter une preuve contraire à une décision de taxation d'office de l'administration les concernant ; qu'ainsi ladite disposition porte atteinte au principe de l'égalité devant la loi contenu dans la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 et solennellement réaffirmé par le préambule de la Constitution ;

3. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conforme à la Constitution la dernière disposition de l'alinéa ajouté à l'article 180 du code général des impôts par l'article 62 de la loi de finances pour 1974 ;

4. Considérant que cette disposition, qui se présente comme une exception à une faculté ouverte par le législateur d'écarter, au moyen d'une preuve contraire, l'application d'une taxation d'office, constitue donc un élément inséparable des autres dispositions contenues dans l'article 62 de la loi de finances ; que, dès lors, c'est l'ensemble dudit article

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qui doit être regardé comme contraire à la Constitution ;

5. Considérant, au surplus, que l'article 62 de la loi de finances a été introduit dans ce texte sous forme d'article additionnel en méconnaissance évidente des prescriptions de l'article 42, premier alinéa, de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, aux termes duquel : Aucun article additionnel, aucun amendement à un projet de loi de finances ne peut être présenté, sauf s'il tend à supprimer ou à réduire une dépense, à

créer ou à accroître une recette ou à assurer le contrôle des dépenses publiques;

6. Considérant qu'en l'état il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen par le Président du Sénat ;

Décide : ARTICLE PREMIER : Sont déclarées non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 62 de la loi de finances pour 1974

CE, 21 novembre 1958, Syndicat nat ional des transporteurs aér iens

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Cons. const., n°71-44 DC du 16 juillet 1977 ; Liberté d ’assoc iat ion ;

1. Considérant que la loi déférée à l'examen du Conseil constitutionnel a été soumise au vote des deux assemblées, dans le respect d'une des procédures prévues par la Constitution, au cours de la session du Parlement ouverte le 2 avril 1971 ;

2. Considérant qu'au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d'association ; que ce principe est à la base des dispositions générales de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ; qu'en vertu de ce principe les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d'une déclaration préalable ; qu'ainsi, à l'exception des mesures susceptibles d'être prises à l'égard de catégories particulières d'associations, la constitution d'associations, alors même qu'elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l'intervention préalable de l'autorité administrative ou même de l'autorité judiciaire ;

3. Considérant que, si rien n'est changé en ce qui concerne la constitution même des associations non déclarées, les dispositions de l'article 3 de la loi dont

le texte est, avant sa promulgation, soumis au Conseil constitutionnel pour examen de sa conformité à la Constitution, ont pour objet d'instituer une procédure d'après laquelle l'acquisition de la capacité juridique des associations déclarées pourra être subordonnée à un contrôle préalable par l'autorité judiciaire de leur conformité à la loi ;

4. Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de déclarer non conformes à la Constitution les dispositions de l'article 3 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel complétant l'article 7 de la loi du 1er juillet 1901, ainsi, par voie de conséquence, que la disposition de la dernière phrase de l'alinéa 2 de l'article 1er de la loi soumise au Conseil constitutionnel leur faisant référence ;

5. Considérant qu'il ne résulte ni du texte dont il s'agit, tel qu'il a été rédigé et adopté, ni des débats auxquels la discussion du projet de loi a donné lieu devant le Parlement, que les dispositions précitées soient inséparables de l'ensemble du texte de la loi soumise au Conseil ;

6. Considérant, enfin, que les autres dispositions de ce texte ne sont contraires à aucune disposition de la Constitution ;

Décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, Lutte contre l e tabagisme e t l ’a l coo l i sme

SUR L'ARTICLE 12 INSTITUANT UNE CONTRIBUTION SUR LES DEPENSES DE PUBLICITE ET EN AFFECTANT LE PRODUIT :

42. Considérant que l'article 12 de la loi comporte deux alinéas ; qu'aux termes du premier alinéa : "Il est créé une contribution égale à 10 p. 100 hors taxes des dépenses de publicité en faveur des boissons alcooliques. A cet effet, une comptabilité séparée des opérations de publicité pour des boissons alcooliques est tenue. Le produit de cette contribution est affecté à un fonds géré, paritairement, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État par des représentants du ministre chargé de la santé et des représentants des organisations professionnelles concernées, pour financer des actions d'éducation sanitaire et de prévention de l'alcoolisme." ; que le second alinéa de l'article 12 dispose que : "Chaque année, le Gouvernement rend compte au Parlement des opérations réalisées par ce fonds et de sa gestion." ;

43. Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 34 de la Constitution "la loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures" ; que la contribution instituée par l'article 12 a le caractère d'une imposition ; qu'il appartenait par suite au législateur de déterminer, non seulement les règles concernant son taux, mais, au titre de la définition de l'assiette de l'impôt, les catégories de redevables ; que relève également de la loi la fixation des modalités de recouvrement ; qu'en s'abstenant d'indiquer tant les catégories de redevables que les modalités de recouvrement du nouvel impôt, le législateur a méconnu l'étendue de la compétence qu'il tient du deuxième alinéa de l'article 34 ;

44. Considérant que selon le cinquième alinéa de l'article 34, "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; que le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution dispose que : "Le Parlement vote les

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projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique" ;

45. Considérant qu'il ressort de l'article 18 de l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances que, sous réserve des procédures particulières visées à l'article 19, l'affectation d'une recette de l'État à une dépense ne peut résulter que d'un texte de loi de finances ; que l'article 12 de la loi méconnaît ces prescriptions en affectant à un "fonds" non doté de la personnalité morale et dont la gestion relève de la responsabilité du Gouvernement le produit d'une imposition perçue au profit de l'État ;

46. Considérant que l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 réserve, dans son article 1er, alinéa 2, à un texte de loi de finances l'édiction des

"dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques" ; que ces exigences sont méconnues par les dispositions du second alinéa de l'article 12 de la loi qui font obligation au Gouvernement de rendre compte au Parlement d'opérations portant sur la gestion d'un fonds financé par une ressource publique ;

47. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 12 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution pour des motifs tenant, d'une part, à ce que le législateur est resté en deçà de sa compétence en matière fiscale et, d'autre part, à l'irrégularité de la procédure suivie pour l'adoption de celles de ses dispositions qui relèvent du domaine exclusif d'intervention des lois de finances ;

Décision n° 2005-513 DC du 14 avril 2005, Loi re lat ive aux aéroports

. En ce qui concerne les redevances pour services rendus :

12. Considérant qu'en vertu du I du nouvel article L. 224-2, inséré dans le code de l'aviation civile par l'article 9 de la loi déférée : " Les services publics aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus... - Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service. - Il peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire. - Le produit global de ces redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport " ;

13. Considérant que, selon les requérants, ces dispositions instituent des contributions qui, pouvant excéder le coût des services rendus aux usagers, ont le caractère d'impositions de toutes natures ; qu'ils font valoir qu'elles n'en fixent ni le taux ni le montant comme l'exige l'article 34 de la Constitution et sont donc entachées d'incompétence négative ;

14. Considérant que, si la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures est attribuée à la compétence du législateur par l'article 34 de la Constitution, celle-ci ne réserve pas à la loi le soin d'instituer ou d'aménager les redevances demandées à des usagers en vue de couvrir les

charges d'un service public ou les frais d'établissement ou d'entretien d'un ouvrage public qui trouvent leur contrepartie dans des prestations fournies par le service ou dans l'utilisation de l'ouvrage ;

15. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient au gestionnaire d'un service public de procéder, au moyen des recettes du service, à l'entretien, à l'extension et à l'amélioration des équipements rendus nécessaires par l'évolution des circonstances de droit et de fait, et notamment par l'accroissement du nombre de ses usagers ; que, par suite, la prise en compte, dans la détermination du montant des redevances, de la rémunération des capitaux investis, ainsi que des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service, ne retire pas à ces contributions leur caractère de redevances pour service rendu ;

16. Considérant, en deuxième lieu, que ne leur retire pas davantage ce caractère la fixation de tarifs différents applicables, pour un même service rendu, aux usagers d'un service ou d'un ouvrage public, lorsqu'il existe entre ces usagers, eu égard à la nature du service ou de l'ouvrage, des différences de situation objectives justifiant une modulation, ou lorsque cette modulation est commandée par une considération d'intérêt général en rapport avec les conditions d'exploitation du service ou de l'ouvrage ;

17. Considérant, en troisième lieu, qu'une compensation limitée peut être organisée entre différentes redevances sans que celles-ci perdent leur caractère de redevances pour service rendu, dès lors que les prestations qu'elles rémunèrent concourent à

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la fourniture du même service global et que leur produit total n'excède pas le coût des prestations servies ;

18. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 9 de la loi déférée que les redevances

aéroportuaires satisfont aux conditions précédentes ; que, par suite, cet article institue non des impositions mais des redevances pour services rendus ; qu'en conséquence, le grief tiré d'une méconnaissance de l'article 34 de la Constitution doit être rejeté ;

Décision n° 2009-599 DC du décembre 2009, Loi de f inances pour 2010

- SUR LA CONTRIBUTION CARBONE :

77. Considérant que l'article 7 de la loi déférée institue au profit du budget de l'État une contribution carbone sur certains produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible ; que l'article 9 institue un crédit d'impôt en faveur des personnes physiques afin de leur rétrocéder de façon forfaitaire la contribution carbone qu'elles ont acquittée ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est afférente ; que l'article 10 dispose que la consommation de fioul domestique, de fioul lourd et de divers autres produits énergétiques par les agriculteurs fait l'objet d'un remboursement des trois quarts de la contribution carbone ;

78. Considérant, en particulier, que l'article 7 fixe, pour chacune des énergies fossiles qu'il désigne, le tarif de la contribution sur la base de 17 euros la tonne de dioxyde de carbone émis ; que cet article et l'article 10 instituent toutefois des exonérations, réductions, remboursements partiels et taux spécifiques ; que sont totalement exonérées de contribution carbone les émissions des centrales thermiques produisant de l'électricité, les émissions des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que les raffineries, cimenteries, cokeries et verreries, les émissions des secteurs de l'industrie chimique utilisant de manière intensive de l'énergie, les émissions des produits destinés à un double usage, les émissions des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d'électricité, les émissions du transport aérien et celles du transport public routier de voyageurs ; que sont taxées à taux réduit les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime ;

79. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement " ; que son article 3 dispose : " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences " ; que, selon son article 4, " toute personne doit contribuer à la réparation des

dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi " ; que ces dispositions, comme l'ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement, ont valeur constitutionnelle ;

80. Considérant que, conformément à l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables ; que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles qu'il fixe à cet effet soient justifiées au regard desdits objectifs ;

81. Considérant qu'il ressort des travaux parlementaires que l'objectif de la contribution carbone est de " mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions " de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète ; que, pour atteindre cet objectif, il a été retenu l'option " d'instituer une taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles " afin que les entreprises, les ménages et les administrations soient incités à réduire leurs émissions ; que c'est en fonction de l'adéquation des dispositions critiquées à cet objectif qu'il convient d'examiner la constitutionnalité de ces dispositions ;

82. Considérant que des réductions de taux de contribution carbone ou des tarifications spécifiques peuvent être justifiées par la poursuite d'un intérêt général, tel que la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale ; que l'exemption totale de la contribution peut être justifiée si les secteurs économiques dont il s'agit sont spécifiquement mis à contribution par un dispositif particulier ; qu'en l'espèce, si certaines des entreprises exemptées du paiement de la contribution carbone sont soumises au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, il est constant que ces quotas sont actuellement attribués à titre gratuit et que le régime des quotas payants n'entrera

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en vigueur qu'en 2013 et ce, progressivement jusqu'en 2027 ; qu'en conséquence, 93 % des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle, hors carburant, seront totalement exonérées de contribution carbone ; que les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ; que la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone ; que, par leur importance, les régimes d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée sont contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques ;

83. Considérant qu'il s'ensuit que l'article 7 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution, à l'exception du E de son paragraphe I qui est relatif à l'exonération temporaire, dans les départements d'outre-mer, du prélèvement supplémentaire de la taxe générale sur les activités polluantes ; qu'il en va de même, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs des saisines, de ses articles 9 et 10 ainsi qu'à l'article 2, des mots : " et la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au vingt et unième alinéa du paragraphe I de l'article 1586 sexies du code général des impôts et des mots : " et de la contribution carbone sur les produits énergétiques " figurant au dix-septième alinéa de son paragraphe VI ;

Décision n° 2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimber ly Clark

Vu la Constitution ; […] Vu les nouvelles observations produites pour la SNC […] ;Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que l'article 271 du code général des impôts est relatif aux règles de déductibilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; que le 1 de l'article 273 du même code, issu de l'article 18 de la loi du 6 janvier 1966 susvisée, dispose que des décrets en Conseil d'État déterminent les conditions d'application de l'article 271 ; qu'en particulier, son troisième alinéa, qui fait l'objet de la question prioritaire de constitutionnalité, prévoit que ces décrets fixent « la date à laquelle peuvent être opérées les déductions » ;

2. Considérant que, selon la société requérante, les dispositions du troisième alinéa du 1 de l'article 273, qui renvoient à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions de taxe sur la valeur ajoutée, porteraient atteinte au droit énoncé à l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et dont disposent « tous les citoyens » de « constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » ; que ces dispositions méconnaîtraient également le droit de propriété proclamé à son article 17 ; qu'elles seraient, par suite, entachées d'incompétence négative ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai

déterminé » ; que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ;

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures... Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique... » ; que les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en œuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61- 1 de la Constitution ;

5. Considérant, d'autre part, que le 1 de l'article 273 du code général des impôts, en ce qu'il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les délais dans lesquels doivent être opérées les déductions auxquelles ont droit les personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, ne porte pas atteinte au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ;

6. Considérant que la disposition contestée n'est contraire à aucun droit ou liberté que la Constitution garantit,

DÉCIDE : Article 1er.- Le troisième alinéa du 1l'article 18 de la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966, de l'article 273 du code général des impôts, issu de est conforme à la Constitution.

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SÉANCE 2 La doctrine administrative

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 82-93.

HAÏM (V.), « L’article L. 80-A du Livre des procédures fiscales est-il inconstitutionnel ? », Droit fiscal, 1995, n°12, p.549.

COLLET (M.), Droit fiscal, Paris, PUF, 2ème édition, 2009, pp.109-120.

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L 64, L 64 B, L 80 A, L 80 B)

Article :

o COCHETEUX (P.), « Le rescrit fiscal et la sécurité juridique », Gazette du Palais, 18 août 2009, n°230, pp.2-13.

Jurisprudence :

o CE, 8 mars 2004, n°245458, M. André X ;

o CE, 23 novembre 2007, n°268210, SA Arcelor ;

o CE, avis, Ass., 8 avril 1998, n°192539, SDMO ;

o CE, 17 mai 2000, n°199229, M. X ;

o CE, 30 mars 2007, n°287600, GFA Domaine Font Mars ;

o CAA Lyon, 21 février 2008, n°05LY01348, Mme Favre.

o CE, 26 mars 2008, no278858, Association Pro Musica.

III. Exercices

1. Pour chaque décision, établissez les faits, la procédure, le problème juridique et la solution de la

juridiction.

2. Commentaire sur les conditions d’application de la doctrine : CE, 23 novembre 2007, SA Arcelor (faire l’introduction et dégager 2 axes de réflexion).

3. Cas pratique sur le rescrit fiscal : M. Jean Fémonaffaire décide de céder à son fils unique la maison familiale. Pour cela, il décide de lui vendre la nue-propriété de la maison. De nature prudente, il vient vous consulter pour savoir s’il existe un moyen pour éviter que l’administration ne le redresse fiscalement.

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Livre des procédures fiscales

Article L 64 : « Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité.

Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.

Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ».

Article L 64 B : « La procédure définie à l'article L. 64 n'est pas applicable lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un ou plusieurs actes, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande ».

Article L 80 A : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ».

Article L 80 B : « La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :

1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.

Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent 1°, notamment le contenu, le lieu ainsi que les modalités de dépôt de cette demande ».

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Le rescrit fiscal et la sécurité juridique

Face au besoin de sécurité juridique des contribuables et à la montée du nombre des règles fiscales applicables, il apparaît comme évident soit que les règles deviennent plus claires et moins nombreuses, soit qu’elles bénéficient d’une explication administrative engageant vraiment leur concepteur. À ce titre, la solution du rescrit est mise en ?uvre en France depuis 1987 avec plus ou moins de succès. Cet article se propose de faire le point sur l’opposabilité de l’interprétation administrative des normes fiscales (article L. 80 A LPF) et des actes ou faits juridiques (L. 80 B).

Le sujet du rescrit est d’actualité avec la loi de finances rectificative 2008 qui a procédé à la refonte de la procédure d’abus de droit, mis en place à titre expérimental pour trois ans un dispositif de contrôle sur demande en matière de donation et de succession, et élargi le champ du rescrit. Le même texte a aussi prévu l’absence d’application des pénalités de retard aux contribuables qui ont interrogé l’administration sur une difficulté d’interprétation d’une loi nouvelle ou sur la détermination des incidences fiscales d’une règle comptable.

* * *

Deux textes fondamentaux illustrent le propos. L'un, l'article L. 80 A du Livres des procédures fiscales (LPF) fait référence à l'interprétation des normes fiscales et l'autre, l'article L. 80 B fait référence aux actes et faits juridiques d'une manière générale ou quant à certaines dispositions (crédit impôt recherche par exemple).

Article L. 80 A: Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Article L. 80 B: La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable :

1 – Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ;

[...]

3 – Lorsque l'administration n'a pas répondu de manière motivée dans un délai de trois mois à un redevable de bonne foi qui a demandé [...] si son

projet de dépenses de recherche est éligible au bénéfice des dispositions de l'article 244, quater B, du Code général des impôts. [...]

L'objectif des textes est l'obligation pour l'administration à renoncer aux rehaussements d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.

Si le principe général de sécurité juridique (1) existe en droit français, le droit subjectif à la sécurité n'existe pas vraiment pour autant. Le rescrit constitue néanmoins un début de réponse en ce qu'il permet aux sujets de droit de s'opposer directement aux sources de l'insécurité. Celle-ci est ainsi définie par le Conseil d'État dans son rapport public 2006 : «Le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu par le droit applicable. Pour parvenir à ce résultat, les normes édictées doivent être claires et intelligibles, et ne pas être soumises, dans le temps, à des variations trop fréquentes, ni surtout imprévisibles».

Or, le rescrit fiscal existe pour dire au contribuable ce qui lui est permis ou non et protège dès lors ses droits acquis quand sa situation juridique reste invariable. Les interdictions posées par la loi traduisent le besoin de clarté de celle-ci et la qualité de rédaction des textes constitue donc une variable (2) de la sécurité.

En matière fiscale, face à une activité de contrôle exercée plus intensément par l'administration, il a paru politiquement nécessaire de donner plus d'assurance au contribuable sur la validité de sa pratique commerciale et fiscale qui lui est liée. Le rescrit s'est donc installé naturellement comme une garantie (3) accordée au contribuable.

Plus de contrôle fiscal et plus de sécurité juridique. La DGFIP (4) cherche maintenant depuis plusieurs années à se donner une image positive auprès de sa « clientèle forcée» en soutenant le besoin de sécurité juridique exprimé par les contribuables. Différentes modalités de renfort sont ainsi apparues : l'application (5) mesurée de la loi fiscale, le contrôle (6) fiscal sur demande et le rescrit.

En regard, une meilleure qualité du contrôle fiscal signifie : une programmation mieux orientée, une

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couverture acceptable du tissu fiscal, la réalisation de contrôles rapides ou certains points seulement, la limitation du contentieux et le recours à la transaction, la diminution des dégrèvements suite à contrôle, un niveau de recouvrement certain et une recherche de sanctions appropriées (pénal notamment).

Ce n'est qu'au prix d'une meilleure qualité de contrôle et de la sécurité juridique des rapports avec l'usager que la mission fiscale de la DGFIP peut être pensée et organisée avec l'esprit de résultat qui est maintenant la sienne. Les contrats de performances (7) qui ont jalonné la récente histoire de l'administration fiscale seraient en effet de peu de valeur si la qualité du contrôle fiscal n'était pas au rendez-vous et si l'insécurité juridique régnait.

Définition du rescrit. Le rescrit est donc d'abord la manifestation avérée pour l'administration de vouloir résoudre les difficultés des usagers en amont, que l'usager soit un particulier, une entreprise ou même une collectivité locale. Le fisc analyse ses rapports à l'environnement comme la gestion de partenariats, notamment au niveau des collectivités locales puisque, dans le cadre de la fusion des services territoriaux, un pôle « gestion publique» revêt une importance particulière à côté du pôle fiscal. Pour simplifier, celui-ci est l'héritier de l'ancienne direction des services fiscaux tandis que le pôle gestion publique est l'héritier du service gestion communale du TPG (8) .

Le rescrit peut être défini comme étant une prise de position formelle de l'administration sur une situation de fait, au regard d'un texte, sous réserve de lui fournir tous les éléments utiles à l'appréciation de la portée de l'opération.

D'origine latine, le mot signifie toute l'importance que l'on doit donner à la réponse administrative. En effet, réponse de l'empereur aux questions des gouverneurs ou des juges, l'autorité supérieure dont elle est investie vaut pour régler une situation particulière telle qu'exposée.

De dimension internationale, le rescrit est connu et utilisé en droit anglo-saxon sous le terme de ruling ou advance ruling. La logique de prévention est ici en ?uvre pour amener le contribuable au respect volontaire de la loi fiscale. Bien expliquée et bien comprise pour des opérations déterminées, le contribuable n'a aucun mal à assimiler la règle fiscale pourtant vue comme une contrainte. Pour l'entreprise de droit étranger, la connaissance exacte de l'importance du coût fiscal de ses investissements permet au territoire concerné de lui assurer une certaine attractivité. Par ailleurs, l'anticipation des conflits par le ruling a pu jouer un rôle important pour l'IRS américain et l'amener à davantage de moralité dans l'utilisation de ses procédures de

contrôle après les scandales qui ont émaillé son histoire.

* * *

Reste que le rescrit peut être examiné sous différents angles. D'abord compris comme un service offert au contribuable, il fait partie d'une politique de relations publiques. Cet objectif a-t-il été atteint (I)? Une réponse affirmative conduirait à penser que l'appareil de communication a même peut être pris le pas sur l'appareil de production de normes que constitue le fisc (II) ? Mais il existe une différence de qualité entre chaque rescrit pris individuellement et la procédure elle-même qui reste à améliorer (III).

I. Moins une politique de relations publiques que

d'intérêts divers

Un champ d'application sans cesse grandissant pour le rescrit traduit bien la politique qui a été suivie en la matière, politique d'intérêts successifs pour des champs particuliers (entreprise nouvelle, recherche, pôle compétitivité, etc) et non politique de relations publiques.

Il existe une demande de règlement des conflits en amont. Le cabinet d'avocats TAJ (9) réalise tous les ans une enquête d'opinion auprès des dirigeants d'entreprises et les résultats 2007 montrent bien le problème de compréhension qui existe entre l'administration et les dirigeants ou leurs conseils. Parmi les fiscalistes d'entreprises, 70 % indiquent avoir été confrontés à des divergences d'opinions entre les services de l'administration fiscale et 49 % des dirigeants jugent que la sécurité fiscale est équivalente en France à celle des autres pays. Cependant, un dirigeant sur trois l'estime inférieure. Les personnes interrogées (42 % des dirigeants et 46 % des fiscalistes) citent comme obstacle à la sécurité, la réticence des agents de l'administration à prendre position sur une question de droit ou de fait. Si on met de côté le service de réponse téléphonique (10) mis en place par l'administration, qui a vocation à renseigner rapidement les contribuables dans les cas les plus simples, il est anormal que la position administrative ne puisse être donnée dans les cas plus complexes par un agent qualifié avec l'assurance de la garantie d'effectivité de la solution.

La progression du nombre des rescrits depuis plusieurs années montre également le besoin de sécurité des contribuables. En 2006, dix mille rescrits ont été traités par l'administration avec une augmentation de 40 % par rapport à 2005. En 2007, c'est environ 13.300 rescrits qui ont été instruits par l'administration.

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Un fort besoin de sécurité juridique (B) est donc constaté en même temps que la confiance s'installe chez le contribuable (A).

A – De la sécurité juridique à la confiance

légitime

Le rescrit comme instrument privilégié de sécurité juridique. L'instrument privilégié de la recherche de sécurité juridique est sans conteste le rescrit, moins envahissant pour l'entreprise que le contrôle sur demande. L'accès à la comptabilité et à l'ensemble des documents comptables est en effet nécessaire à la finalité du contrôle même limité à des points précis pour lesquels il est sollicité, précisions données sur la nature des opérations concernées, et le cas échéant les impôts et la période concernés.

Le rescrit présente aussi une meilleure garantie car le contrôle sur demande ne constitue pas une vérification de comptabilité au sens de l'article L. 13 du LPF et les dispositions de l'article L. 51 du LPF n'étant pas applicables, une vérification de comptabilité peut donc être diligentée après un contrôle sur demande, sur la même période et sur le même impôt.

Le rescrit s'inscrit dans un contexte de communication sincère entre l'administration et le contribuable, dialogue nécessairement moins difficile que lors d'un contrôle. Alors que l'entreprise a déjà effectué un certain nombre d'opérations fiscales susceptibles de donner lieu à rehaussements, le contrôle fiscal est nécessairement difficile à supporter. Son anticipation par une démarche même amicale détermine moins d'enthousiasme qu'une procédure écrite où la sécurité de l'analyse juridique est assurée par un exposé juste et exhaustif d'une situation donnée.

Le rescrit a enfin une histoire maintenant relativement longue en lui-même qui lui permet de se présenter comme un outil fiable pour la gestion de l'entreprise. La nécessité d'une réponse dans un délai acceptable est la seule contrainte administrative déterminante de la satisfaction du client. Comme l'entreprise qui a soudain redécouvert qu'elle avait des clients qui lui assuraient sa pérennité, l'administration fiscale s'est souvenue que son action de contrôle devait se doubler d'une action d'information du public si elle voulait atteindre un niveau de qualité supérieure dans la compliance envers l'impôt. Le civisme fiscal n'est pas le seul fruit de la dissuasion ou de la punition ; il doit être aussi le produit de la compréhension de l'impôt.

Le rescrit comme instrument de confiance légitime. Ce que le droit français nomme sécurité juridique, le droit européen le nomme confiance légitime (11) . En dehors du domaine fiscal, le rescrit

est déjà inscrit dans l'ordre juridique français lorsqu'il prend l'expression du principe de confiance légitime entre les acteurs du droit.

L'article 345 bis du Code des douanes, créé par l'ordonnance 2005-1512 du 7 décembre 2005 renvoie à une définition du rescrit en droit douanier similaire à celle du droit fiscal. D'une part, lorsque le redevable aura appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées à la date des opérations constituant le fait générateur, elle ne pourra constater ultérieurement les droits et taxes en soutenant une interprétation différente. D'autre part, lorsque l'administration aura formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal, elle ne pourra pas non plus constater les droits et taxes perçus en prenant une position différente. Un bémol doit être apporté toutefois à ce texte qui exclut de son champ d'application les domaines régis par le Code des douanes communautaires.

La confiance qu'un administré peut donner à la parole administrative est légitime soit quand l'administration a interprété un texte dans ses circulaires, soit quand elle a répondu valablement à une question posée in concreto.

Mais, si peut être réglée facilement la question des affaires soumises à l'examen de l'administration vérificatrice, rectificatrice des situations, que doit-on penser des affaires vues par le vérificateur mais non sanctionnées ? Celles-là doivent-elles être considérées comme traitées dans le respect des règles jusqu'à un nouvel examen qui n'aurait aucun effet rétroactif ? En matière sociale, la jurisprudence a donné la réponse en exprimant les principes à suivre, repris sous le dispositif du dernier alinéa de l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale: « L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme».

Cependant, ce dispositif n'est pas applicable en droit fiscal. Ainsi, alors que l'article R. 243-59 pris en matière de contrôle effectué par les Urssaf alignait la pratique sociale sur la pratique fiscale, celle-ci est restée en retrait. Il est en effet admis que le contrôleur du fisc, qu'il ait eu les moyens de se prononcer ou pas, ne donne jamais un blanc-seing aux opérations sur lesquelles il ne s'est pas prononcé. Le droit social considère le regard du contrôleur de l'Urssaf comme un audit de l'entreprise où toutes les

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opérations sont considérées comme vues quand le droit fiscal reste attaché à la notion plus restreinte de vérification des opérations une à une.

B – Une procédure issue du besoin de

protection juridique

La naissance du dispositif. Le terme de rescrit ne figure pas en tant que tel dans le Livre des procédures fiscales. Il apparaît dans l'instruction administrative du 16 décembre 1988 (BOI 13 L. 1 89) qui commente les articles 18 et 19 de la loi no 87-502 du 8 juillet 1987. Cette loi résulte en grande partie des réflexions de la commission Aicardi qui visait à améliorer les relations entre l'administration et les usagers.

La consultation préalable de l'administration sur la validité d'une opération et les demandes de prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait constituent le socle du dispositif de 1987 traduit dans les textes respectifs des articles 18 et 19.

L'article 18 institue une garantie spécifique dans le domaine de l'abus de droit (12) . L'article L. 64 B est venu compléter l'article L. 64 du LPF en prévoyant que, sous certaines conditions, la procédure de répression des abus de droit ne serait plus mise en ?uvre à l'encontre des contribuables qui auraient consulté l'administration centrale sur la portée d'un contrat ou d'une convention sans recevoir de réponse dans les six mois. La procédure d'abus de droit est utilisée par l'administration fiscale à l'encontre des contribuables soupçonnés d'utiliser des constructions juridiques complexes visant à masquer la véritable nature des opérations réalisées et à échapper à un impôt ou en minimiser le montant. Un grand classique consiste, par exemple, à déguiser une donation en vente fictive afin d'éviter de payer des droits de donation. Il faut savoir que le redressement qui intervient sur le fondement de l'abus de droit est souvent lourd : une pénalité de 80 % (13) peut être infligée. Dans le cas d'un montage particulier, l'utilisation du rescrit prend donc tout son sens. Quand l'administration a donné son avis préalable, cette procédure ne peut être appliquée. Il en va de même quand elle n'a pas répondu dans un délai de six mois, même si la base d'imposition reste contestable sur un autre motif.

L'article 19 complète l'article L. 80 A du LPF (14) qui interdit à l'administration de procéder à un rehaussement fondé sur une interprétation du droit autre que celle qu'elle avait primitivement admise. Cet article étend la garantie en ouvrant la possibilité d'opposer à l'administration ses prises de position formelles antérieures sur l'appréciation des situations de fait au regard d'un texte fiscal (article L. 80 B 1o). Depuis la loi no 2008-1443 du 30 décembre 2008

(article 47), sont également opposables à l'administration les circulaires et instructions relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités.

Cette étape importante marque le début de la doctrine selon laquelle le contribuable est protégé contre les changements de doctrine administrative. L'article L. 80 A autorise le contribuable à se prévaloir de l'interprétation d'un texte fiscal donnée par l'administration. La prise de position invoquée doit être formalisée soit sur un support à caractère général, soit comme une instruction ou la documentation administrative de base, soit individuelle, comme une réponse particulière. L'article L. 80 B 1o étend cette garantie aux différends sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal lorsqu'il est démontré que l'appréciation faite par le contribuable de bonne foi a été antérieurement admise formellement par l'administration et que cette position concernait le contribuable lui-même.

L'élargissement du dispositif. Le dispositif relatif à l'opposabilité des prises de position individuelles formelles de l'administration a été consolidé par toute une série de textes, les uns pris dans les années 90 et les autres à partir de 2004.

De nouvelles procédures ont été mises en place à la fin des années 90, permettant essentiellement aux entreprises, de consulter l'administration avant la réalisation d'opérations ou d'activités spécifiques. En matière d'avantages fiscaux, il s'agit pour les entreprises de savoir si elles peuvent bénéficier d'« amortissements exceptionnels» (15) , d'« allègements d'impôts des entreprises nouvelles » (16) ou de « crédits d'impôt recherche» (17) . En matière d'événements liés à la vie de l'entreprise, il s'agit pour elle de connaître les modalités de détermination de sa valeur si l'entité économique fera l'objet d'une donation (18) ou de reconnaître la validité des prix (19)

de vente d'un bien ou d'un service entre sociétés d'un même groupe afin qu'il n'y ait pas de rectifications de la part de l'administration.

Très généralement, ces nouvelles procédures ont été assorties d'un dispositif d'accord tacite permettant à l'usager de se prévaloir d'une réponse positive lorsque l'administration n'a pas répondu dans le délai prévu par la loi.

Les «trente mesures» de 2004 (20) sont venues compléter le dispositif déjà impressionnant des garanties offertes au contribuable. Pour les entreprises, sont apparus d'une part, le « rescrit en cours de contrôle» (21) et d'autre part, le « rescrit établissement stable» (22) . Le premier permet aux contribuables, dans le cadre d'une vérification de comptabilité, de solliciter une prise de position sur des décisions de gestion pour lesquelles aucun rehaussement n'est proposé. Le second propose aux

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entreprises étrangères qui le souhaitent d'être confortées dans leur analyse sur l'absence de taxation en France à l'impôt sur les bénéfices de certaines opérations internationales.

Deux procédures de rescrit ont été proposées aux PME, dans le cadre des lois de finances pour 2004 et 2005, afin d'accompagner la création du statut des « jeunes entreprises innovantes» (JEI) (23) et des « pôles de compétitivité» (24) et garantir les allègements fiscaux qui y sont attachés. Pour les organismes bénéficiaires de dons, une procédure de rescrit a été mise en place à compter de juillet 2004 afin de leur permettre, préalablement à la délivrance des reçus fiscaux aux donateurs, de vérifier qu'ils respectent bien les conditions (25) pour lesquelles les dons alloués ouvrent droit à réduction d'impôt (article L. 80 C du LPF).

Enfin, la loi de finances rectificative 2008 a introduit une procédure de rescrit spécifique permettant de qualifier une activité professionnelle au regard de certaines catégories de revenus professionnels (bénéfices industriels et commerciaux et bénéfices non commerciaux) ou d'impôt (impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés s'agissant de sociétés civiles) en vue de la détermination des obligations comptables et fiscales auxquelles sont soumis les bénéficiaires.

II. Ce n'est plus l'appareil administratif qui dit le

vrai mais l'appareil de communication

Interrogation sur le genre du rescrit. Avec le rescrit et la portée de la garantie qu'il apporte, ce n'est plus l'appareil administratif qui semble dire le vrai à propos d'une situation, c'est bien plutôt l'appareil de communication qui semble apporter la solution à un cas concret. Si ce schéma se généralisait, on peut craindre que le process de décision change. L'accumulation des solutions individuelles communiquées au public incarnerait l'intérêt général et c'est la répétition des décisions individuelles qui créerait la décision générale.

On peut en effet dorénavant distinguer le rescrit général des rescrits particuliers. Le rescrit général est celui de l'article L. 80 B 1o du LPF concernant les demandes de prise de position formelle de l'administration sur l'appréciation d'une situation de fait. Les rescrits particuliers sont tous les autres, du rescrit abus de droit au rescrit valeur et l'ensemble des cas particuliers déjà énoncés (amortissements exceptionnels, établissement stable, etc.).

Tel qu'il existe actuellement, le rescrit hésite entre deux genres ; ceux-ci se définissent en fonction de l'originalité de la question posée. Toute une série de rescrits ne sont que des « redites» où il n'y a pas de rupture avec le droit fiscal ordinaire, l'administration

ne souhaitant que légitimer sans cesse une éternelle position. Les rescrits ne seront modernes et n'obtiendront une réelle valeur doctrinale que si l'administration prend des positions d'avant-garde, allant jusqu'à anticiper sur le travail législatif. C'est ce qui s'est passé avec le rescrit valeur.

Toute-puissance administrative. Tous les régimes particuliers de rescrit se sont construits pour répondre à des besoins spécifiques additionnés les uns aux autres avec finalement peu de souci d'harmonisation quant aux délais donnés à l'administration pour répondre et la considération d'une égalité de valeur entre les constructions purement administratives et les constructions législatives. Les textes législatifs fiscaux étant de toute façon conçus et analysés par les services de Bercy, le rescrit se devrait d'être créé par un texte ayant au moins force de loi. La toute-puissance administrative est telle que l'administration a mis au rang législatif (26) un texte de portée doctrinale comme celui instituant le rescrit valeur. Celui-ci, qui porte rappelons le sur la valeur d'une entreprise faisant l'objet d'une donation, est prévu par l'instruction initiale du 8 janvier 1998 (BOI 13 L. 2 98) modifiée en octobre 1995 (BOI 13 L 4 05) et septembre 2006 (BOI 13 L. 5 06).

De même, l'instruction BOI 4 A 8 99 de septembre 1999 a mis en place la procédure d'accord préalable en matière de prix de transfert (27) qui permet à une entreprise de demander l'accord de l'administration sur la politique de prix de transfert qu'elle pratique avec ses filiales à l'étranger. Le mode de calcul des prix de transfert agréés par l'administration à l'issue de la procédure ne peut plus être revu lors d'un contrôle fiscal se situant après la décision. L'article 20 de la loi no 2004-1485 du 30 décembre 2004 a donné force de loi au dispositif bilatéral de négociation de prix en inscrivant l'accord préalable parmi les prises de position formelles de l'administration (article L. 80 B 7 du LPF).

C'est donc une caractéristique importante des rescrits que de constater que leur valeur doctrinale ou issue de la négociation directe emporte la même valeur que les rescrits législatifs. Les caractéristiques restent par ailleurs variées selon d'autres critères. Ceux-ci sont des critères de droit (A) ou des critères de communication (B).

A – Caractéristiques des garanties apportées par

le rescrit

La régulation du système juridique. Le rescrit répond au besoin de régulation du système juridique mais pas toujours avec la même importance selon sa nature. On peut en effet distinguer plusieurs espèces de rescrits : ceux qui se bornent à faire application du

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droit existant au cas particulier et ceux qui créent des règles juridiques nouvelles s'imposant à l'avenir.

Dans la première catégorie, Bruno Oppetit (28) note que « les faiblesses et les limites, tant législatives que jurisprudentielles, du système de consultation de l'Administration fiscale avec opposabilité des prises de positions de cette dernière (ancien article 1649 quinquies E CGI, article L. 80 A du LPF) ont provoqué l'instauration, par la loi du 8 juillet 1987 et l'instruction du 16 décembre 1988 (articles L. 64 B et L. 80 B du LPF), du rescrit fiscal». Ici, le contribuable obtient l'accord de l'administration sur une situation fiscale dont les conséquences, une fois acceptées, ne sauraient être ultérieurement remises en cause par ladite administration au titre de l'abus de droit.

Dans la seconde catégorie, le rescrit prend une valeur interprétative générale et donne à penser que le contentieux futur sera orienté en fonction de ses éléments. Le rescrit de portée subjective devient alors objectif. Toute la série des rescrits particuliers à certaines matières sont ici concernés car ils portent interrogation sur la portée juridique des agissements dans chaque catégorie particulière. La réponse administrative renforce chacune des normes particulières énoncées à l'occasion de l'instruction administrative élaborée.

On peut donc distinguer le rescrit d'application du rescrit interprétatif selon l'objet sur lequel il porte. Mais tout n'est pas aussi net et le rescrit peut tenir autant de la décision individuelle que de la règle générale. Par exemple, le simple fait de publier une décision de rescrit transforme celle-ci de règle individuelle en règle transposable aux situations identiques. La réponse administrative est alors un avis doctrinal soumis à la réserve de l'interprétation du juge.

Opposabilité des prises de position formelles. L'opposabilité des prises de position formelles concerne les contribuables qui ont fait une présentation complète des faits et de la solution envisagée et qui se sont conformés à la solution admise par l'administration lors de sa prise de position. Tous les impôts, droits et taxes figurant dans le CGI peuvent faire l'objet d'un rescrit. Enfin, les prises de position doivent avoir été portées à la connaissance du contribuable. Selon la jurisprudence, constituent notamment des prises de position formelles les écrits tels que la documentation administrative de base, les décisions individuelles telles que les réponses aux demandes de renseignements des usagers. Quant aux prises de position verbale, la jurisprudence estime qu'il convient d'en rapporter la preuve par le contribuable : « Considérant que si Mme X soutient que les services fiscaux lui avaient indiqué verbalement que

les sommes litigieuses n'étaient pas imposables, elle n'établit pas l'existence de ces prises de position verbales, qui ne peuvent par suite être utilement invoquées sur le fondement des articles L. 80 A et L. 80 B du LPF» (29) .

Ne peuvent en revanche être considérés comme constituant une prise de position formelle de l'administration, les cours de l'École nationale des Impôts, les guides accompagnant les formulaires administratifs, les guides pratiques distribués aux agents, le Précis (30) de fiscalité.

Délais différents de réponse administrative. Des délais différents de réponse administrative existent selon les procédures de rescrit. L'administration dispose d'un délai de trois mois pour répondre aux rescrits portant sur des amortissements exceptionnels ou les entreprises nouvelles (article L. 80 B 2o du LPF), pour les rescrits crédits d'impôts recherche (article L. 80 B 3o du LPF) ou pour les établissements stables (article L. 80 B 6o du LPF).

Le délai était de quatre mois pour les rescrits jeunes entreprises innovantes (article L. 80 B 4o du LPF) et les pôles de compétitivité (article L. 80 B 5o du LPF) mais a été ramené à trois mois par la loi de modernisation de l'économie (LME) no 2008-776 du 4 août 2008.

Le délai passe à six mois pour les rescrits abus de droit (article L. 64 B du LPF), les rescrits valeur et ceux relatifs à la reconnaissance du statut d'organisme d'intérêt général ou d'utilité publique (article L. 80 C du LPF).

En revanche, l'administration n'a pas de délai imposé pour les points examinés en cours de vérification et n'en avait pas non plus pour le rescrit général de l'article L. 80 B 1er jusqu'à la loi de modernisation de l'économie (LME) no 2008-776 du 4 août 2008 qui prévoit une obligation de réponse dans un délai de trois mois à toute demande de prise de position sur une situation de fait.

À l'expiration du délai, lorsqu'il existe, le silence gardé par l'administration emporte des effets différents selon le type de rescrit. Ainsi, le silence gardé par l'administration ne vaut acceptation tacite que dans un certain nombre de cas, comme les rescrits sur amortissements exceptionnels, sur entreprises nouvelles ou crédits impôts recherche. À l'inverse, seule une réponse expresse peut engager l'administration pour le rescrit général de l'article L. 80 B 1er.

Fin des garanties du rescrit général. La fin des garanties apportées par la prise de position administrative intervient dans trois cas de figure pour l'essentiel.

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L'administration peut d'abord toujours revenir sur une appréciation précédente portée sur les conséquences fiscales d'une situation de fait relative à un contribuable particulier. L'appréciation antérieure n'est alors caduque que du jour où le contribuable a été avisé que l'interprétation précédente était rapportée.

L'administration peut aussi revenir sur une interprétation car la législation applicable à la situation donnée a changé ou la jurisprudence a évolué.

Enfin, la garantie de l'article L. 80 B cesse d'être efficace dès que la situation de fait sur laquelle s'appuyait l'interprétation a changé.

B – La mise en place de l'appareil de

communication : une organisation administrative

qui s'adapte

Le retour du détail. Avec le temps, de minimis non curat lex traduit librement par le fait que le détail concret échappe aux contraintes des lois, ne trouve plus à s'appliquer. La généralisation du rescrit porte en elle-même le souci du détail d'une situation, la volonté de préciser chaque fait juridique et le besoin de tout répertorier. Sous prétexte du besoin de sécurité juridique, l'acteur juridique reste potentiellement libre de tout faire mais sa décision est déjà contrainte avant que d'être prise.

Lorsqu'une personne juridique prend une décision, elle a le sentiment de la liberté d'entreprendre mais si son jugement doit être immédiatement atteint par la peur d'encourir une sanction, elle n'est plus libre. Mais sa détermination face à l'absence de sanction, grâce à l'obtention d'un rescrit, limite également sa liberté.

Le processus de décision qui donne la loi générale et celui qui donne le rescrit ne sont pas identiques. Pour la loi, la délibération collective au niveau du Parlement précède la décision puis l'exécution du texte. Celui-ci est appliqué aux situations en cours ou à venir sans que le contribuable puisse se retirer du système. Pour le rescrit, la délibération se situe au niveau doctrinal de l'administration et le couple décision/exécution est soumis à la volonté du contribuable de faire ce qu'il a exposé.

La cellule rescrit et l'organisation des services. À la suite du rapport Gibert (31) , une cellule rescrit a été créée au sein de l'administration centrale afin de donner une impulsion significative au dispositif. Deux grandes orientations ont été retenues, à savoir la mise en place d'une politique de publicité du rescrit auprès des contribuables et la diffusion publique d'exemples de rescrit sous forme anonyme.

Afin que la politique de rescrit ne tourne pas à l'anarchie prescriptive, l'administration veille à ce que les décisions prises et publiées soient intégrées dans le champ courant de la législation, veille également à ce que les décisions renforcent l'adhésion aux règles communes législatives et consacrent l'adaptabilité des normes.

Pour ces raisons, la cellule rescrit se présente comme une entité administrative purement pragmatique, donc allant du pragmatique à la norme et non comme une entité instrumentale supplémentaire des politiques publiques.

D'une manière générale, le service juridique d'une direction départementale des impôts se réserve les réponses aux demandes faites pour des rescrits particuliers tandis que les services de base répondent aux demandes des rescrits généraux. Ces derniers sont en général assez proches de la simple demande de renseignement effectuée d'ordinaire au guichet.

La notion de « rescrit général» pose d'ailleurs souvent des difficultés car tous les fonctionnaires du fisc ne distinguent pas vraiment entre « demande de renseignements», «question de législation» et « rescrit». Rappelons que les « demandes de solutions» sont des « demandes d'expertises juridiques» quelle que soit la demande (particuliers, professionnels, autres ministères...), traduisant une prise de position de l'administration. Les « questions générales» constituent des demandes dont les réponses expliquent ou commentent mais ne tranchent pas de questions nouvelles. Le rescrit peut être analysé comme une demande de solution avec toutefois un plus : l'hypothèse de travail n'est pas encore constituée et la réponse administrative laisse libre le demandeur de faire ou de ne pas faire.

Traditionnellement, quand un service fiscal a l'impression de traiter un rescrit, il termine le courrier transmis au redevable par une phrase de style qu'il ne commet pas autrement : « Je vous précise que cette réponse perd automatiquement toute valeur en cas de modification de la situation de fait ayant fait l'objet de l'appréciation ci-dessus, de la législation et/ou de la réglementation, ou de la publication d'une nouvelle doctrine par l'administration». Cela étant, même en l'absence de cette phrase, le service des impôts peut néanmoins avoir fait ?uvre de rescrit.

La publication des rescrits ou la documentalisation du droit fiscal. Les réponses publiées sur le site www.impots.gouv.fr dans l'espace documentation en ligne forment un ensemble de décisions prises en matière de rescrit pour améliorer l'information des contribuables. Plus de deux cents décisions ont été publiées à ce jour et consultées par près de 100.000 visiteurs.

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L'application GAIA (Gestion des affaires informatisées), en cours de généralisation sur tout le territoire, permet aux usagers professionnels ou particuliers, à condition d'être abonnés d'accéder à leur dossier fiscal et de procéder à différentes démarches en ligne (changement d'adresse, demandes contentieuses et gracieuses, demande d'information personnalisée). Elle autorisera, à terme, notamment la consultation de l'état d'avancement de leurs demandes, initiées à la suite des contacts pris avec l'administration quel que soit le canal utilisé (courrier, formulaire dématérialisé dans GAIA, contact téléphonique ou visite au guichet). Cette même application permet la mise en place de demandes de rescrit dématérialisées au profit des entreprises comme des particuliers, tout en assurant une sécurité de l'échange. Le droit fiscal se documentalise ainsi avec l'accumulation des cas concrets, publiés ou non.

III. De la qualité de chaque rescrit à la valeur

juridique de la procédure

Un dispositif qui reste encore à améliorer. Le dispositif reste à améliorer, car il est nécessaire que le système producteur de normes réponde à ses propres insuffisances. L'amélioration possible n'est pourtant envisageable que sous contraintes (A) et les pistes de l'amélioration sont contenues (B).

A – Les contraintes de l'amélioration

La recherche d'un environnement négocié. Le SLF n'a pas de vision à long terme de la politique fiscale. On ne saurait lui en vouloir puisque les alternances politiques et les crises économiques ne sont généralement même pas conçues en avance par le pouvoir normatif. Dès lors, le court terme est privilégié par la recherche d'un environnement négocié où le rescrit a toutes ses raisons d'être.

La recherche d'une rationalité limitée. Partant du principe qu'un système décentralisateur fonctionne mieux qu'un système centralisateur, on peut soutenir que le nombre croissant des rescrits sera mieux géré en local que par une cellule unique. La complexité croissante de la législation fiscale ne réclame pas nécessairement un système centralisé, car de toute façon, il est impossible, pour un homme ou un service administratif, d'avoir une vision synoptique de la totalité des questions. L'aptitude à comprendre toutes les solutions possibles et la conservation des réponses administratives en bibliothèque sont bien plus nécessaires avec un fonctionnement en réseau des agents locaux répondeurs aux rescrits.

Le choix d'une rationalité limitée s'exprime aussi par le fait que l'administration préfère donner une réponse simplement satisfaisante à une réponse totalisante et rationnelle. Une certaine latitude dans

l'exécution des décisions forme également le contour d'une rationalité limitée. Il n'est plus nécessaire de rendre compte d'une théorie parfaite du droit et de sa construction ; il suffirait maintenant de donner une explication de la modification incessante des faits et des décisions. Plus qu'une somme d'explications, le risque est de se retrouver face à une narration de l'évolution.

B – Les pistes de l'amélioration

Ce dispositif visant à instituer la sécurité fiscale ne semble pas avoir rencontré jusqu'ici le succès escompté en raison de deux séries d'insuffisances. Les unes sont techniques, car l'administration peut donner une réponse assortie de réserves ou garder le silence sous prétexte que le contribuable n'a pas fourni tous les éléments d'appréciation. Les autres sont psychologiques car le contribuable craint, par sa seule demande d'avis, de reconnaître le caractère douteux de sa position au regard des règles fiscales. Le contribuable craint également que sa question n'amène l'examen de son dossier, d'où d'autres questions et des rehaussements possibles.

Néanmoins, des améliorations du dispositif paraissent possibles ; les unes sont mineures et concernent le délai de réponse ou le circuit des réponses, les autres sont majeures et concernent l'absence d'un véritable recours contre la décision prise par l'administration.

a – Des améliorations mineures

Accélération nécessaire du traitement des rescrits. Quand l'administration n'est pas contrainte par un délai, l'expérience montre qu'elle répond avec lenteur aux sollicitations. Quand l'approbation est supposée implicite du fait du silence administratif pendant plusieurs mois, l'administration est plus soucieuse de délais. Mais mieux vaut, pour le contribuable aussi bien que pour l'administration, qu'un délai de réponse obligatoire soit prévu. Ce délai pourrait être de six mois comme celui prévu en matière d'abus de droit, de rescrit valeur ainsi que les demandes de reconnaissance d'intérêt général ou d'utilité publique. Nul doute cependant que six mois paraissent long à une entreprise installée sur un marché qui n'attend pas. Dans ces conditions, lorsque la matière est délicate et que l'administration a besoin d'un délai assez long pour l'édiction des circulaires d'application, on peut proposer que l'entreprise de bonne foi qui aura appliqué un texte sans en avoir tous les aspects démontés dans une circulaire ne se verra appliquer aucune sanction jusqu'à la date de la parution de l'instruction : nul rappel en droits, nulle pénalité.

Au Royaume-Uni, le délai de réponse au rescrit a été porté à trente jours et on se trouve alors très proche

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du délai donné par l'administration française dans le cadre de sa démarche qualité pour répondre à tout courrier du contribuable dans le moindre délai. Certes, il existe une différence entre la demande de rescrit et le simple courrier mais le rescrit général s'en rapproche considérablement. D'ailleurs, le fisc britannique semble bien différencier les deux natures de courrier en qualifiant la demande de rescrit recevable si l'usager démontre le caractère substantiel sur les conséquences fiscales de certaines transactions et que la question revêt une certaine importance sur le plan commercial. Le rescrit est par ailleurs limité à ce qui ne touche pas la fiscalité personnelle des contribuables.

Il est à craindre qu'en demandant au fisc de répondre plus rapidement, la valeur juridique de sa réponse devienne davantage un simple avis susceptible d'être remis en cause. Or, ostensiblement, le traitement fiscal d'une opération soumise à rescrit a reçu une interprétation qui la place dans le domaine de l'intouchable.

Un délai de deux mois avait été proposé dans le passé avec l'amendement Arrighi (32) qui consacrait un droit absolu du contribuable à ce qu'on lui réponde. On sait que cette proposition a été rejetée.

Amélioration du circuit des réponses. Le contribuable a le choix de saisir la direction générale pour poser sa question et il peut, à ce titre, déposer sa demande à la DLF (33) ou au service qu'il estime compétent de la DGI centrale mais il peut aussi déposer sa question auprès du service local. Une « cellule rescrit» a bien été créée en 2005 et a permis de formaliser un canal d'entrée mais ce dispositif n'est pas obligatoire. Il peut en résulter que des services locaux cherchent une réponse qui a déjà été donnée ailleurs ou qui n'est pas homogène avec les autres. On peut donc proposer comme attributions à cette cellule, le management de toutes les réponses en liaison avec les différents services.

Amélioration de la procédure de contrôle fiscal. Les redevables vérifiés regrettent que le vérificateur qui est passé critiquer leurs opérations comptables ne soit pas considéré comme ayant pris position en l'absence de redressements des points examinés. L'incertitude demeure en effet pour l'avenir. La position du problème n'est pas tout à fait la même pour l'administration. Le vérificateur est en effet censé avoir examiné la comptabilité sur trois exercices mais il n'en demeure pas moins que s'il trouve d'entrée un point de redressement suffisant pour construire sa moyenne annuelle de rehaussements, les autres points ne seront qu'effleurés. Certes, cette vision est caricaturale mais insiste sur le fait que tous les aspects de l'entreprise ne sont pas vus avec la même attention.

Pour éviter cet écueil, les entreprises peuvent, depuis 2005, obtenir du vérificateur la possibilité d'une prise de position formelle en déposant une demande écrite avant l'envoi de la proposition de rectification, se limitant à un point ou, à titre exceptionnel, à quelques points examinés par le vérificateur. Celui-ci peut refuser de répondre s'il n'a pas examiné le sujet proposé de manière suffisamment approfondie pour prendre position. En vérité, très peu de contrôles connaissent l'activation de cette procédure, soit par manque de publicité, soit par méfiance vis-à-vis de réponses qui pourraient les entraîner à payer davantage encore. Le principe reste donc celui du « pas vu pas pris».

b – Une amélioration majeure

Recours contre les rescrits. Une jurisprudence (34)

récente du Conseil d'État refuse le recours contre les décisions de rescrit sous la forme du recours pour excès de pouvoir. La Haute juridiction se fonde sur deux arguments pour appuyer sa position :

– la décision administrative ne fait pas nécessairement grief si elle ne tire que des conclusions, au plan comptable au cas particulier de la jurisprudence citée, de ce qui est proposé et;

– elle n'est pas détachable de la procédure d'imposition susceptible d'être contestée devant le juge de l'impôt. On sait que l'exception de recours parallèle fait obstacle à la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir.

Dans la situation de déni de justice où l'on se trouve actuellement, et alors que le rescrit est de plus en plus organisé par le législateur, il faudra nécessairement qu'un recours contentieux soit permis. La solution du recours pour excès de pouvoir présentait les avantages d'être une procédure connue du citoyen et facile à mettre en œuvre mais la Haute assemblée en a décidé autrement. Si la position prise par rescrit ne peut être détachée de la procédure d'imposition, on conviendra que le recours interviendra bien tard pour sanctionner un errement quelconque. L'idée d'un référé s'impose donc nécessairement avec le pouvoir donné au juge administratif d'annuler ou de réformer la décision administrative. Ce n'est qu'ainsi que le juge reprendra ses prérogatives sur la doctrine administrative qui a tendance à se nourrir d'elle-même pour étendre son pouvoir.

On perçoit donc bien que la nature juridique du recours contre le rescrit est une question complexe. Le référé précontractuel de l'article L. 551-1 du CJA n'est pas à proprement parler celui qui convient en la matière puisque son domaine est limité aux marchés publics mais le référé à inventer pourrait s'en inspirer pour deux raisons. En effet, de manière objective et donc sans qu'il soit besoin

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d'alléguer par le contribuable un manquement qui l'ait lésé, le référé précontractuel peut constituer le modèle du recours à créer contre le rescrit. Également, pour être efficace, le référé devrait être introduit avant le commencement d'exécution de l'opération soumise au point de vue de l'administration.

La difficulté d'application du régime du référé précontractuel ne réside donc pas dans l'application de certaines dispositions mais dans la conception même de l'application d'une procédure de contentieux relatif aux contrats à une procédure de rescrit qui est un acte administratif unilatéral décisoire (35) par nature.

Il est clair que les référés fiscaux actuellement connus sont le référé des garanties de l'article L. 279 du LPF, le référé des mesures conservatoires de l'article L. 277-4 du LPF et le référé du procès verbal de flagrance de l'article 15 de la loi no 2007-1824 du 25 décembre 2007 qui n'ont rien à voir avec le rescrit. Celui-ci, étant dans sa conception même un accord préalable entre l'administration et le contribuable sur les conséquences fiscales d'une opération que le redevable entend effectuer, apparaît de prime abord comme une convention. Selon la jurisprudence, justifié comme contrat, le rescrit ne pourrait faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir (36) et la continuité s'impose pour d'autres motifs avec la jurisprudence Pro Musica (37).

Alors que les actes réglementaires sont toujours considérés comme détachables de l'imposition, le rescrit, considéré comme acte réglementaire, donc non contractuel, devient détachable de l'imposition et donc susceptible de recours pour excès de pouvoir en tant que tel. Or, la jurisprudence Pro Musica installe le rescrit comme acte non détachable de l'imposition et interdit le recours pour excès de pouvoir contre celui-ci.

La solution du rapport Fouquet. Afin de lutter contre les fraudes et les pratiques abusives portant atteinte aux finances publiques, Olivier Fouquet, président de section au Conseil d'État a remis en 2008 un rapport préconisant 52 propositions opérationnelles en vue d'améliorer la sécurité juridique en matière fiscale. Une des principales mesures préconisées concerne le développement du rescrit et l'institution d'un recours contre celui-ci (38) . Le rapport Fouquet préconise le référé précontractuel comme modèle de recours en insistant sur le fait que la sécurité juridique étant un but en lui-même, « il apparaît difficile de subordonner le dénouement d'un éventuel désaccord entre l'administration et le demandeur à la poursuite d'un contentieux d'assiette. La sécurité juridique recherchée se concilie mal avec l'incertitude qui en résulte, comme l'a déjà souligné le rapport remis au Premier ministre par

Guillaume Goulard en 1998 sur le régime fiscal des associations, notamment au regard des exigences du droit au recours effectif».

Après avoir écarté la solution du recours pour excès de pouvoir qui concerne pourtant les agréments au motif que la question posée à l'administration n'est pas binaire mais implique une appréciation ou l'évaluation d'un montant, le rapport Fouquet écarte aussi le référé de plein contentieux. Avec demi-raison, semble-t-il, car si le référé suspension présente l'inconvénient du critère utilisé, à savoir « le doute sérieux» (39) , ce doute fait l'objet d'une appréciation et la requête fait état des moyens invoqués.

La création d'une procédure originale, apparentée à celle du référé pré-contractuel est donc envisagée. Cependant, étant donné la surcharge déjà importante des tribunaux administratifs en matière fiscale, le rapport Fouquet n'ouvre le recours qu'aux rescrits formalisés par le LPF. Aussitôt créé le droit au recours est immédiatement limité en ne pouvant atteindre toutes les prises de position de l'administration sollicitées par le contribuable. Selon le rapport, on ne saurait en effet délaisser en terme de délai de décision les contentieux liés à des litiges nés et en cours pour statuer sur des litiges futurs et hypothétiques.

À défaut d'un recours général juridictionnel contre l'ensemble des rescrits, le rapport Fouquet déplace l'encombrement supposé des tribunaux administratifs vers un «collège du rescrit». Celui-ci se prononcerait dans les deux mois avec « une vision moins engagée que celle du service» bien que composé uniquement de fonctionnaires des impôts. Inutile de préciser que cette solution conforme à l'idée du conciliateur fiscal créé par ailleurs aboutit dans la majorité des cas à conforter la vision du service et non celle du contribuable. Seul un organisme totalement indépendant, et la justice est là pour cela, peut donner une meilleure sécurité juridique.

Reste que la loi de finances rectificative pour 2008 (article 50) a retenu la solution du renouvellement de l'examen de la demande après une première réponse administrative avec la saisine d'une commission composée de membres de la Direction générale des finances publiques. Cette possibilité de recours est entrée en vigueur à compter du 1er juillet 2009.

Reste le recours en annulation de directive administrative. À défaut de la possibilité d'un recours contre les décisions de rescrit en général, reste une solution parcellaire visant les instructions impératives dont la portée a été mal appréciée ou commentée par l'administration. Le redevable peut toujours envisager le recours en annulation contre certaines directives (40) administratives qui ont un rôle impératif lorsqu'on se situe dans la ligne de la

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jurisprudence Duvignères (41) . Lorsqu'il s'agit d'interprétations par circulaires ou instructions que donne l'autorité administrative des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en ?uvre, il n'y a pas de déférence possible au juge de l'excès de pouvoir car l'interprétation, au sens strict, est dénuée de tout caractère impératif et ne fait pas grief. En revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger et le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs. Il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens ou la portée des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure.

* * *

L'administration fiscale a depuis quelques années fait le chemin dans le sens d'une administration de service sans abandonner son rôle d'administration régalienne de contrôle. Or, le service minimum qui doit être proposé au citoyen est celui d'une activité équitable pour tous et garantissant à chacun la connaissance des textes et de leurs dérogations.

Si le système administratif veut continuer d'offrir un service tout en jouant le jeu de la complexité des textes, nul doute qu'il finisse par mal se porter en termes de nombre de rescrits et de délais de réponse. Cette procédure utile aux intérêts du contribuable finira sans doute par devenir utile à la compréhension mais surtout à la rédaction des textes.

Patrick COCHETEUX (Docteur en droit) (1) Le principe de sécurité juridique a trouvé sa reconnaissance internationale avec la jurisprudence de la CJCE dans son arrêt Bosch en 1962. L'arrêt Dürbeck (5 mai 1981) est venu ensuite énoncer le principe de confiance légitime, proche de celui de sécurité juridique. La Cour européenne des droits de l'homme l'a appliqué dans ses arrêts Sunday Times (26 avril 1979) et Hentrich c/ France (22 septembre 1994), en exigeant précision et prévisibilité de la loi. En France et en droit constitutionnel, le principe de sécurité juridique ne figure pas explicitement dans la constitution mais le droit de sûreté s'inscrit dans le préambule.

(2) Cf. Qualité des normes et sécurité juridique, un enjeu pour l'État de droit, rapport de La Documentation française, dossier réalisé en mai 2006.

(3) Pour une étude complète de la notion de sécurité juridique en droit fiscal, v. la thèse de F. Douet, Contribution à l'étude de la sécurité juridique en droit fiscal interne français, LGDJ, 1997.

(4) La Direction générale des finances publiques est issue de la fusion de l'ancienne direction générale des impôts et de l'ancienne direction générale de la comptabilité publique, décret no 2008-310 du 3 avril 2008.

(5) La Direction des services fiscaux ou la Dircofi dont dépend le vérificateur joue un rôle en matière de qualité des dossiers. L'interlocution a ainsi un rôle de conciliation pour une application mesurée de la loi fiscale. L'esprit de la règle de droit adaptée au contrôle en cours permet de retenir les rehaussements fiscaux vraiment révélateurs d'un comportement frauduleux. L'administration a donné sa définition de l'application mesurée de la loi fiscale en indiquant qu'il convient de faire preuve de bon sens et de réalisme pour éviter une taxation exagérée, mal comprise, perçue comme injuste et difficile à recouvrer. La prolongation d'un contentieux inutile devant le juge de l'impôt est même prohibée. En fait, lorsque le comportement habituel du contribuable au regard de ses obligations fiscales est irréprochable, certains manquements peuvent être traités avec une certaine hauteur de vue. Plusieurs exemples de l'application modérée de la loi fiscale sont repris sur l'intranet DGI. À titre d'exemple, citons le cas de l'application de l'article 219-I-b du Code général des impôts qui prévoit que le taux de 15 % de l'IS n'est pas applicable si le capital de la société n'est pas entièrement libéré à la clôture de l'exercice au titre duquel l'entreprise demande à bénéficier du taux minoré sur la fraction du bénéfice imposable plafonné à 38.120 ?. Dans le cadre d'une application mesurée de la loi fiscale, il est possible d'accorder à la société, à titre gracieux, le bénéfice du taux réduit si la société a procédé, au cours de l'exercice suivant à la libération de la part du capital non encore appelée au 31 décembre précédent.

(6) Cf. article 25 de la loi de finances rectificative pour 2004 no 2004-1485 du 30 décembre 2004, article L. 13 C du LPF. Les contribuables peuvent être informés sur leur situation ou sur les règles fiscales qui leur sont applicables par demande par écrit ou par téléphone ou visite dans les bureaux de l'administration. Les dispositions de l'article L. 13 C du LPF complètent ces modalités d'information en permettant aux entreprises petites et moyennes qui veulent s'assurer qu'elles appliquent correctement les règles fiscales, de demander à l'administration un contrôle de leurs opérations sur un point particulier. Cette procédure est donc destinée à informer les contribuables sur les règles fiscales pour la compréhension desquelles ils peuvent rencontrer des difficultés et à les sécuriser par une prise de position formelle qui engage l'administration pour l'avenir au sens des articles L. 80 A et B du LPF.

(7) Le contrat de performance 2006-2008 était le troisième du nom. La mise en place d'indicateurs de performance a été le signe d'un bouleversement administratif.

(8) TPG, Trésorier-payeur général. Celui-ci doit prendre la dénomination d'administrateur des finances publiques, décret no 2009-208 du 20 février 2009.

(9) www.taj.fr

(10) La Direction des impôts services possède trois plateaux: à Rouen, Lille et Nancy répondant au n° 0 810 467 687. Le premier centre d'appels a été créé en 2001.

(11) Cf. l'article ironique de P. Brunet, La sécurité juridique, nouvel opium des juges?, paru dans Frontières du droit, critique des droits, Billets d'humeur en l'honneur de D. Lochak, sous la dir. de V. Champeil-Desplats et N. Ferré, Paris, LGDJ, 2007, p. 247-250.

(12) En principe, la lecture de l'article L. 64 comprend l'abus de droit comme la simulation juridique. Néanmoins, une conception extensive de l'abus de droit a vu le jour avec la jurisprudence du Conseil d'État (Cons. d'État (Ass. plén.), 10 juin 1981, no 19-079, DF 1981, no 48-49 comm. 2187, concl. Lobry) qui retient les actes « qui n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales». Le Conseil d'État a donc transposé en droit fiscal la théorie cviliste de la fraude à la loi. La loi de finances rectificative 2008 (article 35) a unifié la procédure de l'abus de droit à l'ensemble des impôts en supprimant l'énumération des impositions qui figure à l'article L.

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64 du LPF et l'extension par la jurisprudence de la définition de l'abus de droit aux opérations effectuées dans un but exclusivement fiscal est légalisée.

(13) En vue de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et de la Cour de cassation sur la modulation des sanctions, la loi de finances rectificative 2008 a proposé d'introduire une modération à 40 % de la pénalité de 80 % applicable dans le cadre de la procédure de l'abus de droit.

(14) Dès 1959, le législateur a consacré l'opposabilité des prises de positions formelles de l'administration portant interprétation d'un texte fiscal notamment en réponse aux demandes de renseignements des usagers (article 100 de la loi no 59-1472 du 28 décembre 1959). Cette garantie a été étendue, en 1970, aux interprétations d'un texte fiscal dans les instructions et les circulaires (article 21 de la loi no 70-601 du 9 juillet 1970) et est codifiée à l'article L. 80 A du LPF.

(15) Article L. 80 B 2o du LPF. Cette procédure permet aux entreprises de se prémunir contre la remise en cause par l'administration des modes de calculs avantageux offerts par le CGI (dérogeants aux principes comptables) pour l'amortissement de certains investissements. À titre d'exemple, les matériels utilisés dans des opérations d'économie d'énergie et de production d'énergie renouvelable (article 39 AB du CGI) ; v. le texte pour l'exhaustivité des amortissements concernés.

(16) Les entreprises nouvelles (article 44 sexies du CGI) créées dans certaines zones géographiques jugées prioritaires dans le cadre de la politique d'aménagement du territoire sont exonérées d'impôt sur les bénéfices.

(17) Article L. 80 B 3o du LPF Les entreprises peuvent s'assurer auprès de l'administration que les opérations de recherche qu'elles envisagent bénéficient du crédit d'impôt recherche (article 244, quater B).

(18) On parle de rescrit «valeur». Cf. BOI 13 L 2 98 modifiée par BOI 13 L 4 05.

(19) Article L. 80 B 7o du LPF. On parle d'« accords préalables en matière de prix de transfert» (APP) inspirés de la procédure américaine d'Advance Pricing Agreements (APA). Il s'agit d'obtenir de l'administration un accord préalable sur la méthode de détermination des prix qui s'appliquera au sein du groupe et l'assurance qu'aucun rehaussement d'imposition (art.icle 57 du CGI) ne sera opéré sur les prix pratiqués conformément à cet accord.

(20) Programme de 30 mesures présentées le 3 novembre 2004 par le ministre d'État, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie qui constituait l'une des principales actions de la stratégie ministérielle de réforme du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Bercy ensemble, visant à placer la satisfaction de l'usager au c?ur de l'organisation administrative.

(21) Cf. BOI 13 L 3 05.

(22) Cf. article L. 80 B 6o du LPF.

(23) PME de moins de huit ans qui engagent des dépenses de R§D représentant au moins 15 % de leurs charges, sous réserve que leur capital soit détenu de manière continue à hauteur de 50 % au moins par des personnes physiques, ou certaines catégories d'entreprises limitativement énumérées intervenant dans le secteur du capital-risque (article 13 de la loi no 2003-1311 du 30 décembre 2003 codifié à l'article 44 sexies-0 A du CGI).

(24) Espace géographique donné par le regroupement d'entreprises, d'unités de recherche et de centres de formation engagés dans des projets innovants agréés par les services de

l'État en fonction de critères relatifs à la nature même de ces projets, à leur impact et aux modalités de leur financement (article 24, I de la loi no 2004-1484 du 30 décembre 2004).

(25) Conditions définies aux articles 200 et 238 bis du CGI.

(26) Avec l'article 46 de la loi de finances rectificative 2008 no 1443.

(27) Les prix de transfert sont les prix des transactions entre entreprises d'un même groupe résidentes dans des États différents. La politique des prix menés peut engendrer des transferts de bénéfices à l'étranger.

(28) Cf. B. Oppetit, La résurgence du rescrit, Recueil Dalloz 1991, p. 105.

(29) Cons. d'État, 18 mars 2005, no 260353, 3e et 8e sous-sections réunies.

(30) Le précis de fiscalité édité par le ministère des finances, qui a pour seul objet de présenter sous une forme facilement consultable les dispositions essentielles du droit fiscal afin de les rendre accessibles à un large public, ne donne aucune instruction aux services fiscaux, Cons. d'État, 9e et 10e sous-sections réunies, 1er mars 2004, no 254081.

(31) Rapport Gibert, 3 novembre 2004, Trente mesures pour améliorer les relations entre les contribuables et l'administration fiscale. Lors de la présentation du rapport en Conseil des ministres, Nicolas Sarkozy avait indiqué que le contribuable serait « Mieux renseigné en pouvant obtenir des réponses détaillées à ses questions qui engagent l'administration pour l'avenir et en pouvant bénéficier d'une assistance sur la réglementation fiscale».

(32) Cf. Documents AN, seconde session, 1986-1987, no 703, p. 132.

(33) Direction de la législation fiscale.

(34) Cons. d'État (3e et 8e s.-s.), 26 mars 2008, no 278858, Association Pro Musica.

(35) Par exemple : lettre du directeur des services fiscaux présentant la position de l'administration fiscale sur un dossier ; Cons. d'État, 19 novembre 1997, Sarroub, p. 438.

(36) Cf. Petit traité de droit administratif, R. Rouquette, Dalloz 3e édition, 2008, p. 145.

(37) La décision Association Pro Musica (Cons. d'État, 26 mars 2008, req. no 278858, RJF 2008, no 717, concl. F. Séners, BDCF 2008, no 80) juge indétachable de la procédure d'imposition l'appréciation par l'administration sur demande d'une association du caractère imposable de son activité aux impôts commerciaux. Avant cette décision, la question de savoir si le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le refus ou l'abrogation d'un rescrit est recevable demeurait non tranchée (v., sur ce point, Cons. d'État, 25 juin 2003, Société Nestlé France et a., req. no 239189, RJF 2003, no 1132, et surtout les concl. P. Collin, BDCF 2003, no 124).

(38) Cf. proposition no 14 du rapport.

(39) L'article L. 521-1 exige qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision.

(40) Pour un examen complet, cf. M. Collet, La recevabilité du recours en annulation contre les instructions fiscales, Dr. fisc. 23 juin 2005, no 25, p. 23.

(41) Cf. Section, 18 décembre 2002, Mme Duvignères, no 233618, p. 463.

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CE, 8 mars 2004, n°245458, M. André X

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. André X a constitué avec son frère Jean une société de fait pour exercer les activités de boucherie-charcuterie, de bar et de location d'appartements meublés, laquelle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 30 juin 1986, 1987 et 1988 ; que les rehaussements de bénéfices consécutifs à cette vérification ont, pour la part revenant à M. André X dans les bénéfices sociaux, entraîné des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1986 à 1988 ; que M. André X se pourvoit contre un arrêt du 21 février 2002 par lequel la cour administrative d'Appel de Bordeaux a confirmé le jugement du 27 février 1998 du tribunal administratif de Pau rejetant sa demande en décharge de ces cotisations supplémentaires ;

Considérant que la cour, en regardant comme suffisamment motivée la notification de redressement adressée le 23 octobre 1989 à M. André X, s'est livrée, sans les dénaturer, à une appréciation souveraine des faits, insusceptible d'être discutée en cassation ;

Considérant que la doctrine administrative admettant, à certaines conditions, qu'un commerçant n'enregistre en comptabilité que le montant de ses recettes quotidiennes peut conduire à limiter les cas où la comptabilité est écartée comme gravement irrégulière ; qu'elle peut donc influer sur les conditions dans lesquelles la preuve du bien et du mal fondé de l'impôt peut être apportée devant le juge, en application notamment du second alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales ; que par suite une telle doctrine doit être regardée comme ne concernant pas seulement la procédure d'imposition, mais comme fixant, le cas échéant, des règles relatives à l'assiette de l'impôt, opposables à l'administration sur le fondement de l'article L. 80-A

du livre des procédures fiscales ; que dès lors, la cour ne pouvait écarter l'invocation de telles instructions au motif qu'elles étaient relatives seulement à la procédure d'imposition ;

Considérant cependant que les réponses ministérielles faites les 21 septembre 1957 et 22 juin 1972 aux questions écrites de MM. Chamant et Berger, députés, ainsi que le paragraphe 4G-2334 de la documentation administrative de base invoquées par le contribuable devant la cour, subordonnent la comptabilisation globale des recettes quotidiennes à la condition que les commerçants puissent en justifier le détail par la présentation de fiches de caisse ou d'une main courante correctement remplie ; que la cour a constaté dans l'arrêt attaqué que la société n'avait présenté aucune pièce justificative du détail de ses recettes quotidiennes et ne remplissait donc pas les conditions posées par la doctrine invoquée ; que ce motif, qui répond à un moyen exposé en défense par l'administration devant le juge d'appel et n'implique de la part du juge de cassation aucune appréciation des faits, doit être substitué au motif erroné retenu par la cour pour écarter l'invocation de ladite doctrine ;

Considérant enfin que la cour après avoir rappelé qu'en vertu de l'article 38 ter du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur, les emballages non récupérables devaient figurer dans le stock de fin d'exercice n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que des rectifications de factures concernant ces emballages, établies entre le 8 décembre 1987 et le 30 juin 1988 ne pouvaient conduire, comme le demandait M. X, à une rectification des stocks au 30 juin 1986, date de clôture du premier exercice vérifié ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. André X n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

CE, 23 novembre 2007, n°268210, SA Arce lor

Considérant qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée à 3,5 % de la valeur ajoutée produite au cours de la période retenue pour la détermination des bases imposables et définie selon les modalités prévues

aux II et III (...)/ II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période de référence définie aux articles 1467 A et 1478. / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou

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les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, les frais de transports et déplacement, les frais divers de gestion (...) / III. La valeur ajoutée d'un établissement nouveau dépendant d'une entreprise à établissements multiples est, pour l'année d'imposition suivant celle de la création, obtenue : / 1° Lorsqu'il s'agit d'une entreprise soumise à un régime d'imposition d'après le bénéfice réel, en multipliant le total : / des frais de personnel de l'année de la création, ajustés pour correspondre à une année pleine ; / et du prix de revient des immobilisations affecté du taux moyen d'amortissement de l'entreprise par le rapport constaté pour les autres établissements entre ces éléments et le montant total des bases ; (...) ; qu'aux termes de l'article 1478 du même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : (...) II. En cas de création d'un établissement autre que ceux mentionnés au III, la taxe professionnelle n'est pas due pour l'année de la création. / Pour les deux années suivant celle de la création, la base d'imposition est calculée d'après les immobilisations dont le redevable a disposé au 31 décembre de la première année d'activité et les salaires versés ou les recettes réalisées au cours de cette même année. Ces deux éléments sont ajustés pour correspondre à une année pleine. (...) / IV. En cas de changement d'exploitant, la base d'imposition est calculée pour les deux années suivant celle du changement, dans les conditions définies au II, deuxième alinéa (....) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Ugine SA, ultérieurement dénommée ARCELOR FRANCE, résulte de la fusion par absorption réalisée le 27 juin 1991, avec effet rétroactif au 1er janvier 1991, de la SA Ugine Aciers de Châtillon et de Gueugnon (UGINE ACG), société à établissements multiples, par la SA SACILOR, société holding ne disposant que d'un seul établissement ; que la société requérante a demandé le plafonnement en fonction de sa valeur ajoutée de ses cotisations de taxe

professionnelle au titre de l'année 1992 ; qu'elle a estimé que, compte tenu d'une valeur ajoutée négative de la société Sacilor en 1990, sa demande de plafonnement devait conduire au dégrèvement de l'intégralité des cotisations mises à sa charge, dès lors que les énonciations du paragraphe 105 de l'instruction 6 E-3-80 du 8 février 1980 conduisaient à regarder les établissements absorbés de la SA Ugine Aciers de Châtillon et de Gueugnon comme des établissements nouvellement créés par une entreprise à établissements multiples ; que, par suite, la valeur ajoutée à prendre en compte pour le plafonnement de la taxe professionnelle due en 1992 devait selon elle être calculée par application des dispositions du III et non du II de l'article 1647 B sexies, qui conduisaient à retenir une valeur nulle pour cette valeur ajoutée ; que l'administration a refusé de faire droit à la demande de la société ; que le tribunal administratif de Paris, dans un jugement du 8 novembre 2000, confirmé par l'arrêt attaqué de la cour administrative d'appel de Paris, a rejeté la requête de la société en tant qu'elle prétendait à l'application du III de l'article 1647 B sexies ;

Considérant que, devant le juge de cassation, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie soutient que la société requérante ne peut se prévaloir de l'instruction administrative du 8 février 1980 dès lors que l'imposition qu'elle conteste n'a fait l'objet d'aucun rehaussement ; que le plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée prévu par l'article 1647 B sexies du code général des impôts n'entre dans le champ d'application ni du premier ni du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que ce motif d'ordre public, qui n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait et qu'il convient de substituer à celui sur lequel s'est fondée la cour administrative d'appel, justifie le dispositif de l'arrêt attaqué, dont la société n'est par suite pas fondée à demander l'annulation ;

Considérant, par ailleurs, qu'il ne ressort pas des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour ne se serait pas placée au 1er janvier de l'année d'imposition pour apprécier la situation de l'entreprise requérante et aurait ainsi commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SA ARCELOR FRANCE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

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CE, ass., avis, 8 avril 1998, n°192539, Socié té de Distr ibut ion de chaleur de Meudon et Orléans

(SDMO)

Vu, enregistré le 18 décembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 9 décembre 1997 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, avant de statuer sur la demande de la société de distribution de chaleur de Meudon et Orléans (S.D.M.O.) tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1989, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question suivante : l'administration est-elle en droit de faire usage de la procédure de répression des abus de droit à l'encontre d'un contribuable qui a appliqué à la lettre une doctrine contenue dans une instruction publiée et non rapportée à la date ; (…)

L'article L. 64 du livre des procédures fiscales, relatif à la procédure de répression des abus de droit, dispose que : "Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement". Il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes, même s'ils n'ont pas un caractère fictif, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles.

L'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dispose que : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente". Il résulte de ces dispositions qu'elles instituent un mécanisme de garantie au profit du contribuable qui, s'il l'invoque, est fondé à se prévaloir de l'interprétation contraire à la loi que l'administration a donnée de celle-ci dans ses instructions ou circulaires dont il a respecté les termes.

Dans l'hypothèse où le contribuable n'a pas appliqué les dispositions mêmes de la loi fiscale mais a seulement entendu se conformer à l'interprétation contraire à celle-ci qu'en avait donnée l'administration dans une instruction ou une circulaire, l'administration ne peut faire échec à la garantie que le contribuable tient de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et recourir à la procédure de répression des abus de droit en se fondant sur ce que ce contribuable, tout en se conformant aux termes mêmes de cette instruction ou circulaire, aurait outrepassé la portée que l'administration entendait en réalité conférer à la dérogation aux dispositions de la loi fiscale que l'instruction ou la circulaire autorisait. Elle peut seulement, le cas échéant, contester que le contribuable remplissait les conditions auxquelles l'instruction ou la circulaire subordonne le bénéfice de l'interprétation qu'elle donne.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif d'Orléans, à la société de distribution de chaleur de Meudon et Orléans et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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CE, 17 mai 2000, n°199229, M. X

Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus ..." ; qu'aux termes de l'article 4 B du même code : "1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; ... 2. Sont également considérés comme ayant leur domicile fiscal en France les agents de l'Etat qui exercent leurs fonctions ou sont chargés de mission dans un pays étranger et qui ne sont pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l'ensemble de leurs revenus" ; qu'aux termes de l'article 81 A du même code : "I. Les traitements et salaires perçus en rémunération de leur activité à l'étranger par des personnes de nationalité française qui ont leur domicile fiscal en France et qui sont envoyées à l'étranger par un employeur établi en France ne sont pas soumis à l'impôt lorsque le contribuable justifie que les rémunérations en cause ont été effectivement soumises à un impôt sur le revenu dans l'Etat où s'exerce son activité et que cet impôt est au moins égal aux deux tiers de celui qu'il aurait à supporter en France sur la même base d'imposition ... III. Lorsque l'intéressé ne peut bénéficier de ces exonérations, ces rémunérations ne sont soumises à l'impôt en France qu'à concurrence du montant du salaire qu'il aurait perçu si son activité avait été exercée en France. Cette dernière disposition s'applique également aux contribuables visés à l'article 4 B-2" ;

Considérant, en premier lieu, que ne peuvent être regardés comme ayant leur domicile fiscal en France, en application du 2 de l'article 4 B précité du code général des impôts, les agents de l'Etat qui ont leur domicile fiscal en France en application du 1 du même article ; qu'il résulte des dispositions précitées du paragraphe I de l'article 81 A, éclairées par les travaux auxquels a donné lieu son adoption par le Parlement que l'Etat n'est pas au nombre des employeurs visés par cet article ; que si les dispositions du paragraphe III du même article, instituant une exonération partielle en faveur de ceux des salariés visés au paragraphe I de cet article qui ne peuvent bénéficier d'une exonération totale, s'appliquent également aux agents de l'Etat justifiant d'une activité à l'étranger et regardés comme ayant leur domicile fiscal en France en application du 2 de l'article 4 B précité du code général des impôts, il résulte clairement du texte même de ces dispositions, et sans qu'il soit besoin de se référer aux travaux

parlementaires dont elles sont issues, qu'elles ne bénéficient pas aux agents de l'Etat employés à l'étranger et ayant leur domicile fiscal en France en application du 1 de l'article 4 B ;

Considérant que M. X..., agent de l'Etat placé en service détaché à Monaco, continuait de résider en France au cours des années 1991 à 1993 et avait dès lors conservé son domicile fiscal en France pendant ces mêmes années, en application du 1 de l'article 4 B du code général des impôts ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Marseille a pu juger sans erreur de droit qu'il n'entrait pas pendant cette période dans le champ d'application des dispositions du III de l'article 81 A et ne pouvait donc prétendre à l'exonération partielle prévue par ces dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'instruction 5 B-24-77 du 26 juillet 1977, dont M. X... s'est prévalu devant les juges du fond, a été rapportée par la note 5 B-11-91 du 23 mai 1991, publiée au Bulletin officiel de la direction générale des impôts, et ayant pris effet à la date du fait générateur des impositions contestées ; que le requérant n'est en tout état de cause pas recevable à soutenir pour la première fois devant le juge de cassation que la note du 23 mai 1991 restreindrait illégalement le champ d'application de l'article 81 A-III du code général des impôts ; que le commentaire 13 V-5-92 du 22 avril 1992 et l'instruction 13 K-2-93 du 2 juin 1993, étant des documents internes à l'administration qui n'ont pas fait, de la part de celle-ci, l'objet d'une diffusion destinée aux contribuables, ne peuvent être utilement invoqués sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que, par suite, la cour administrative d'appel a pu juger sans erreur de droit, que M. X... ne pouvait bénéficier, sur le fondement de la doctrine administrative qu'il invoquait, de l'exonération partielle prévue à l'article 81 A-III du code général des impôts ;

Considérant enfin que le requérant n'est en tout état de cause pas recevable, pour la première fois en cassation, à critiquer la régularité de la procédure d'imposition, ni à présenter des moyens tirés de ce que la cour administrative d'appel a donné une interprétation de la loi fiscale contraire à celle résultant d'une note d'information des services fiscaux de Monaco en date du 19 décembre 1985, et que cette interprétation porterait atteinte à un "principe d'égalité entre Etats" ainsi qu'à la "souveraineté de la Principauté de Monaco" ;

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CE, 30 mars 2007, req. n° 287600, Ministre du budget c/ GFA Domaine du Font Mars

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le GFA Domaine de Font Mars, qui exerce une activité agricole, a sollicité le 23 mars 2001 un remboursement de crédit de TVA afférent notamment à la taxe ayant grevé l'acquisition d'un véhicule Kangoo Express à cabine approfondie de la marque Renault ; que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 septembre 2005 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'il a ordonné au bénéfice du GFA Domaine de Font Mars le remboursement de la TVA afférente à l'acquisition dudit véhicule au motif que le GFA Domaine de Font Mars entrait dans les prévisions de l'instruction 3 A-10-87 du 23 juillet 1987, dont il revendiquait le bénéfice sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du LPF ; Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie : Considérant que l'instruction 3 A-10-87 du 23 juillet 1987 sur l'invocation de laquelle la cour administrative d'appel a accordé au GFA Domaine de Font Mars le remboursement du crédit de TVA litigieux énonce que les véhicules utilitaires comportant une cabine approfondie ouvrent droit à déduction lorsqu'ils sont exclusivement utilisés pour les besoins de l'exploitation ; que les véhicules concernés sont définis par une circulaire n° 13299 du 30 décembre 1986 émanant de la direction de la sécurité et de la circulation routière dont le contenu est annexé à l'instruction du 23 juillet 1987 ; que pour faire droit à la requête du GFA Domaine de Font Mars sur le fondement de l'article L 80 A du LPF, la cour a jugé que le véhicule en cause satisfaisait aux conditions tenant à la longueur de chargement au regard de la formule de calcul résultant de la note du 7 juin 1994 émanant de la direction de la sécurité et de la circulation routière modifiant les énonciations de la circulaire du 30 décembre 1986 ; qu'en se référant, pour admettre que le GFA Domaine de Font Mars était en droit de se prévaloir de l'instruction du 23 juillet 1987 sur le fondement de l'article L 80 A du LPF, à une note émanant d'une autorité non fiscale dont le contenu n'avait pas été annexé à l'instruction fiscale invoquée, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est fondé à demander l'annulation des articles 2 et 3 de l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L 821-2 du C. just. adm., le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ; Sur l'application de la loi fiscale : Considérant qu'aux termes de l'article 271 du CGI : « I.1. La TVA qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la TVA applicable à cette opération (...) » ; qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II audit Code : « Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction... » ; que pour apprécier si un véhicule ou un engin a été conçu pour le transport des personnes ou pour un usage mixte au sens de ces dispositions, il y a lieu non pas de se référer aux conditions d'utilisation du véhicule mais de rechercher, compte tenu de ses caractéristiques lors de l'acquisition, l'usage auquel il est normalement destiné ; Considérant qu'il résulte de l'instruction que le véhicule Renault Kangoo grand volume de type fourgon, acquis par le GFA Domaine de Font Mars pour les besoins de son activité agricole, présente la nature d'un véhicule utilitaire à cabine approfondie et dispose de deux places assises à l'avant et d'une banquette de trois places à l'arrière pour le transport temporaire de personnes ; qu'ainsi, eu égard à ses caractéristiques, ce véhicule doit être regardé comme conçu pour un usage mixte au sens des dispositions précitées et, par suite, n'ouvre pas droit à la déduction de la TVA ayant grevé son prix d'acquisition ; Sur l'application de l'article L 80 A du LPF : Considérant que le GFA Domaine de Font Mars demande, sur le fondement de l'article L 80 A du LPF, le bénéfice de l'instruction ministérielle 3 A-10-87 du 23 juillet 1987 selon laquelle les véhicules utilitaires comportant une cabine approfondie ouvrent droit à déduction lorsqu'ils sont exclusivement utilisés pour les besoins de l'exploitation ; Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le GFA Domaine de Font Mars, en portant dans sa déclaration le montant de la TVA

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ayant grevé l'acquisition du véhicule, doit être regardé comme s'étant prévalu de la déductibilité de cette même taxe par application de l'instruction invoquée du 23 juillet 1987 ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le ministre en appel, le GFA Domaine de Font Mars peut invoquer cette instruction, sur le fondement du second alinéa de l'article L 80 A du LPF, dans le cadre d'une demande de remboursement du crédit de taxe résultant de l'absence d'imputation de la taxe ; Considérant, toutefois, en second lieu, que le véhicule du groupement requérant n'entre pas, eu égard à sa longueur de chargement, dans les prévisions de cette instruction et de son annexe qui définit les véhicules utilitaires en reprenant les

termes d'une circulaire du 30 décembre 1986 de la direction de la sécurité et de la circulation routière ; qu'est à cet égard sans influence la circonstance que ce véhicule était en revanche conforme à la définition issue de la modification de la circulaire du 30 décembre 1986 par le seul directeur de la sécurité et de la circulation routière, émanant d'une autorité non fiscale, ainsi qu'il a été dit, et par suite non opposable sur le fondement de l'article L 80 A du LPF ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de remboursement du crédit de TVA présentée par le GFA Domaine de Font Mars doit être rejetée ;

CAA Lyon, 21 février 2008, n°05LY01348, Mme Favre

Considérant que suite à la vérification de comptabilité dont elle a fait l’objet pour la période du 1er octobre 1996 au 31 décembre 2001, Mme Favre, qui exploite un bar-restaurant à Val d’Isère à l’enseigne « Le Tropic », a notamment été déclarée redevable de rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997 selon la procédure de taxation d’office pour dépôt de déclaration hors délai et au titre de la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1998 selon la procédure de redressement contradictoire ; qu’elle a sollicité la réduction de ces rappels de taxe à hauteur de 15 230,87 euros en droits et pénalités correspondant à la remise en cause par le vérificateur de l’application du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée pour 30 % de ses ventes qu’elle a regardées comme étant des ventes à emporter ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 256 du code général des impôts : […] ; qu’aux termes de l’article 278 dudit code, dans sa rédaction alors applicable : Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 20,60 % ; qu’aux termes de l’article 278 bis du même code : […] ; qu’ainsi les ventes à emporter de produits alimentaires bénéficient du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée alors que, ne figurant pas dans l’énumération de l’article 278 bis du code général des impôts, les ventes de produits destinés à être consommés sur place présentent le caractère d’une prestation de services passible du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée ; […]

Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions

antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. » ; que Mme Favre invoque le II du A de l’instruction 3 C-1-94 du 22 décembre 1993 intégré aux § 12 à 16 de la documentation administrative de base 3 C-3424, relatif à certains établissements de restauration rapide vendant exclusivement des produits servis dans des emballages et récipients non restituables que les clients ont le choix de consommer sur place ou à emporter, qui admettait, à titre de règles pratiques, pour les établissements du secteur « Hamburger », de considérer que les ventes à emporter de ces produits solides représentaient 30 % du chiffre d’affaires de produits solides lorsque la superficie mise à la disposition de la clientèle n’excède pas 200 m² et 20 % lorsque cette superficie est supérieure à 200 m² et d’appliquer ces règles de répartition pour les boissons non alcoolisées ; que si, pour la période litigieuse, la requérante peut opposer à l’administration, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, cette doctrine dont elle a fait application avant son annulation par une décision du Conseil d’Etat du 17 mai 2000, Mme Favre ne peut cependant pas en solliciter le bénéfice dès lors que les achats effectués ne comprenaient pas l’acquisition d’emballage jetable et

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qu’elle ne peut donc prétendre entrer dans le champ d’application de cette instruction ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme Favre n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que

par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

CE, 26 mars 2008, no278858, Assoc iat ion Pro Musica

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en réponse à une demande que lui a présentée l'ASSOCIATION PRO-MUSICA, association régie par la loi du 1er juillet 1901 à laquelle ses statuts donnent pour objet la formation des jeunes artistes, l'insertion professionnelle des musiciens et la création de spectacles dans un but d'insertion sociale, l'administration fiscale lui a indiqué, dans une lettre en date du 29 août 2000, dont les termes ont été confirmés par une lettre en date du 23 novembre 2000, que son activité se situait dans un champ concurrentiel et relevait donc des impôts commerciaux mais que, toutefois, elle était exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application du 4° du 4 de l'article 261 du code général des impôts ; que les lettres mentionnées ci-dessus précisent que cette analyse engage l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ; que les conclusions de l'ASSOCIATION PRO-MUSICA tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision qui serait contenue dans ces lettres ont été rejetées comme entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte en cours d'instance par ordonnance de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Marseille ; que l'association se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, devant laquelle elle avait interjeté appel de l'ordonnance, a rejeté sa requête ;

Considérant que, par les lettres mentionnées ci-dessus des 29 août et 23 novembre 2000, l'administration a indiqué à l'ASSOCIATION PRO-MUSICA, à sa demande et au vu des éléments de fait qu'elle lui avait soumis, ce que lui paraissait être sa

situation fiscale ; que ces lettres n'emportent par elles-mêmes aucun effet de droit sur cette situation régie par les dispositions législatives et réglementaires en vigueur ; que si ces lettres peuvent être regardées comme comportant néanmoins une décision faisant grief à l'association eu égard aux sujétions, notamment comptables, qu'elle supporterait en se conformant aux conclusions de l'administration fiscale relatives à son assujettissement aux impôts commerciaux, une telle décision ne présente pas le caractère d'un acte détachable de la procédure d'imposition et n'est donc pas susceptible d'être attaquée par la voie du recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, et bien que, par un motif surabondant, la cour administrative d'appel ait qualifié de façon erronée l'analyse de la situation fiscale de l'ASSOCIATION PRO-MUSICA par l'administration de prise de position formelle au regard de l'impôt sur les sociétés et de la taxe professionnelle au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, alors que l'association ne pourrait s'en prévaloir pour contester son assujettissement à l'impôt sur les sociétés et à la taxe professionnelle puisque l'analyse de l'administration conduit cette dernière à conclure à un tel assujettissement et que, en tout état de cause, un contribuable n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 B à l'appui de conclusions dirigées contre des impositions primitives, la cour n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit en jugeant que la conclusion de cette analyse ne peut être regardée comme une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que, dès lors, la requête de l'ASSOCIATION PRO-MUSICA doit être rejetée ;

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SÉANCE 3 Les conventions fiscales

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 96-109.

CASTAGNÈDE (B.), Précis de fiscalité internationale, Paris, PUF, 2ème éd., 2006

COLLET (M.), Droit fiscal, Paris, PUF, Coll. Thémis droit, 2ème édition, 2009, pp. 75-82.

II. Documents

Documents :

o BERGERÈS (M.-C.), « Le principe de subsidiarité des conventions internationales », DF 2005, n°36, étude n° 20, p.1328.

Jurisprudence :

o Cass. ch. Mixte, 24 mai 1975, n°73-13556, Société des cafés Jacques Vabre ;

o CE, Ass., 20 octobre 1989, n°108243, Nicolo ;

o CE, Ass., 28 juin 2002, n°232276, SA Schneider ;

o CE, 26 juillet 2006, n° 284930, Sté Natexis Banques Populaires : Dr. fisc. 2006, n° 50, comm. 791, concl. P. Collin.

o CE, Ass., 6 juin 1997, n°148683, Aquarone.

III. Exercices

1. Pour chaque décision, établissez les faits, la procédure, le problème juridique et la solution de la juridiction.

2. Commentaire sur le principe de subsidiarité : CE, Ass., 28 juin 2002, n°232276, SA Schneider (introduction et plan détaillé).

3. Cas pratique l’application du droit international en droit fiscal français : M. Eli Coptaire est un diamantaire parisien. L’administration fiscale souhaite imposer en France à la TVA les diamants qu’il importe, conformément à la loi française. M. Eli Coptaire entend bien opposer au fisc français une pratique communément admise par les Etats exportateurs de gemmes selon laquelle, aucune autre taxation que celle du lieu d’extraction ne doit être pratiquée. Que pensez-vous de cet argumentaire ?

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BERGERÈS (M.-C.), « Le principe de subsidiarité des conventions internationales »

1. - Selon l'article 55 de la Constitution : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Ce principe consacre donc la supériorité des normes conventionnelles sur les lois internes. A priori, celle-ci apparaît incontestée dans toutes les hypothèses et résulte purement et simplement de la confrontation de deux normes de valeur juridique inégale.

L'arrêt d'assemblée du Conseil d'État en date du 28 juin 20021 a, pour ainsi dire, conduit à nuancer cette affirmation de principe en rappelant que, pour disposer d'une valeur juridique supérieure à celle des lois, les conventions, dans le droit français, n'ont pas pour effet de substituer aux dispositifs fiscaux nationaux un quelconque système fiscal supranational. « Elles interviennent pour corriger les dispositions des lois fiscales internes, là où leur application simultanée aurait pour effet d'engendrer une double imposition »2. C'est le principe dit de subsidiarité des conventions fiscales qui a été pleinement explicité par l'arrêt précité.

2. - La subsidiarité des conventions fiscales internationales a été reconnue par un arrêt de plénière du Conseil d'État du 19 décembre 19753. Il n'était toutefois que rarement mentionné dans les arrêts4 ou dans les conclusions des commissaires du gouvernement.

Ce phénomène doit être, à ce stade de l'analyse, souligné. A priori, à partir du moment où il y a application d'une convention fiscale internationale, il existe nécessairement une confrontation de deux normes (il ne semble exister que relativement peu de cas où la convention fiscale internationale serait appliquée ut singuli ou de manière intrinsèque).

1 CE, ass., 28 juin 2002, n° 232276, Sté Schneider Electric : Juris-Data n° 2002-080182 ; Dr. fisc. 2002, comm. 657, chron. P. Dibout, ét. 28. 2 B. Castagnède, Précis de fiscalité internationale : PUF, 2002, n° 222. 3 CE, plén., 19 déc. 1975, n° 84774 et nº 91895 : Dr. fisc. 1976, nº 27, comm. 925, concl. D. Fabre ; RJF 2/76, n° 77, chron. B. Martin Laprade, p. 41 à 44. Eric Meier et Bernard Boutemy, dans « Conventions fiscales bilatérales au sein de l'Union Européenne ou l'histoire d'une passation de pouvoir » ? (BF Lefebvre 1/05, p. 21 s.), considèrent que le premier arrêt de principe est l'arrêt Memmi (CE, 17 mars 1993, n° 85894 : RJF 5/93, n° 612, concl. J. Arrighi de Casanova ; Dr. fisc. 1993, comm. 1293). 4 CE, sect., 13 mai 1983, n° 28831 : Dr. fisc. 1983, n° 29-30, comm. 1568, concl. Ph. Bissara ; RJF 7/83, nº 848, chron. P-.F. Racine, p. 379 à 381. - CE, 17 mars 1993, n° 85894, M. Memmi, préc.

Le principe de subsidiarité devrait être ainsi quasi systématiquement mis en œuvre. Or, tel n'est pas le cas. Il y a sur ce point une singularité assez remarquable.

D'une manière générale, la subsidiarité peut être définie comme « le caractère de ce qui est subsidiaire », ce qui « a vocation à venir en second lieu (à titre de remède, de garantie, de suppléance, de consolation) pour le cas où ce qui est principal, primordial, viendrait à faire défaut » (R. Capitant, Vocabulaire juridique).

3. - Ce principe, qui est reconnu en droit administratif et en droit privé, connaît une application privilégiée en droit communautaire.

Le principe de subsidiarité a pour objectif de limiter l'extension des compétences communautaires et de protéger l'autonomie législative et réglementaire des États membres. Plus concrètement, ce principe oblige les institutions habilitées à adopter des dispositions de droit dérivé (Commission, Conseil, Parlement) à s'interroger à titre préalable sur le fait de savoir s'il est utile que la mesure envisagée soit adoptée au niveau communautaire et si les États membres ne seraient pas mieux placés pour légiférer ou réglementer cette matière5. À l'évidence, la question ne se pose que pour les matières de compétence partagée et non pour les matières de compétence exclusive. Ce principe, initialement mentionné par l'Acte unique dans le domaine de la protection de l'environnement (alors article 174 CE), a été introduit dans les traités par le Traité de Maastricht. L'article 5, deuxième alinéa, dispose en effet : « Dans les domaines qui ne relèvent que de sa compétence exclusive, la Communauté n'intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions envisagées, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

4. - Avant l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, le Conseil et le Parlement ont conclu le 25 octobre 1993 un accord interne constitutionnel sur l'application de ce principe. Celui-ci est repris dans

5 Ph. Manin, Droit constitutionnel de l'Union européenne : éd. Pedone, 2004, nº 178. Il existe sur ce principe une abondante littérature. On retiendra les plus significatifs : V. Constantinesco, Le principe de subsidiarité : un passage obligé vers l'Union européenne ? : Mélanges Boulouis, 1991 ; Dalloz, 1991, p. 35 ; Subsidiarité, vous avez dit subsidiarité ? : RMUE 1992, p. 227. - L. Idot, La qualité du principe de subsidiarité en droit de la concurrence : D. 1994, p. 37 s.

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le projet de traité constitutionnel à l'article 1-11 et fait l'objet du protocole nº 2. Il faut noter que l'article 5 du protocole prévoit que « Les projets d'actes législatifs européens sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Tout projet d'actes législatifs européens devrait comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant d'apprécier le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité (...) Les raisons permettant de conclure qu'un objectif de l'Union peut être mieux atteint au niveau de celle-ci s'appuient sur des indicateurs qualitatifs et, chaque fois que c'est possible, quantitatifs (...) ». Dans cette optique, le principe de subsidiarité ne traduit pas véritablement la confrontation entre deux normes et la supériorité de l'une d'entre elles. Il s'agit plutôt de l'établissement d'une préséance dans l'exercice des compétences. Cette préséance, qui intervient dans les domaines de compétences partagées, est dictée par des critères essentiellement pragmatiques dont le contenu repose sur l'efficacité.

5. - A priori, le principe de subsidiarité tel qu'il est retenu en droit fiscal ne s'inscrit pas totalement dans un schéma identique. En effet, ce principe édicte un mode de raisonnement en quelque sorte définitif et intangible. Face à un litige concernant l'application d'une convention fiscale internationale, le juge doit d'abord s'interroger sur le fait de savoir si une solution peut être trouvée dans le droit interne. À défaut, il va appliquer la convention internationale.

Est-ce à dire alors que la terminologie retenue en droit fiscal soit satisfaisante ? Il ne le semble pas véritablement. En effet, la notion de subsidiarité repose fondamentalement sur une hiérarchie de normes : « La subsidiarité est d'abord un instrument d'une certaine hiérarchie dans le droit ; entre deux règles ou concepts, elle distingue l'essentiel qui vient en premier du subsidiaire qui ne saurait primer le précédent : sous cet angle, la subsidiarité assure la primauté de l'essentiel. Mais la subsidiarité assure encore une efficacité certaine de la règle de droit en ce qu'elle supplée à la carence de la norme essentielle, précisément en rendant efficace celle qui est subsidiaire : à ce titre, la subsidiarité assume la défaillance de l'essentiel (...) La subsidiarité surmonte donc la concurrence de deux règles à raison de la hiérarchie qu'elle établit entre elles6 ».

6. - En droit fiscal, cette suprématie normative joue paradoxalement en sens inverse. C'est en effet la norme subsidiaire (c'est-à-dire la convention fiscale internationale) qui est dotée d'une valeur supérieure à celle que l'on doit considérer comme la norme principale (c'est-à-dire la règle de droit nationale). Or, rappelons-le, dans le cadre du principe de subsidiarité retenu dans cette branche du droit, le 6 J. Raynard, À propos de la subsidiarité en droit privé : Mélanges Mouly, Litec, 1998, p. 131 s.

juge, lors de la mise en oeuvre de ce principe, consacre simplement la logique d'un mode de raisonnement. Si la norme nationale ne règle pas la situation, alors il convient de s'attacher à la convention internationale. Compte tenu de ces éléments, il serait plus logique de parler de «supplétivité»7 de la norme fiscale internationale. Si cette terminologie est retenue, l'avantage est qu'elle est vidée de toute référence à une hiérarchie normative.

Les conventions fiscales internationales reposent donc sur une logique : il s'agit de textes supplétifs (1). Que reste-t-il alors de la primauté des conventions fiscales internationales (2) ?

1. La logique : les conventions fiscales internationales sont des textes supplétifs

7. - La substitution de la « supplétivité » à la subsidiarité paraît s'imposer d'autant plus que ce dernier principe paraît extrêmement isolé dans son expression jurisprudentielle. Il ne rend absolument pas compte de la pratique prétorienne. La quête du principe apparaît en effet pour le moins incertaine (A). Il faut cependant en apprécier les postulats dérivés (B)

A. - La quête incertaine du principe de subsidiarité

8. - Comme il l'a été précédemment relevé, très peu d'arrêts sont cités à l'appui de la consécration du principe de subsidiarité. Il est même possible d'aller plus loin. Le premier arrêt, et le seul qui consacre véritablement ce principe, est l'arrêt d'assemblée précité Sté Schneider Electric du Conseil d'État du 28 juin 2002. En effet, il est pour le moins difficile d'admettre que dans les arrêts antérieurs ce principe ait même été évoqué.

1° Des références problématiques

9. - Outre l'arrêt du Conseil d'État en date du 19 décembre 1975 précité, deux autres arrêts sont classiquement invoqués comme consacrant le principe de subsidiarité. Après une analyse approfondie de ces décisions juridictionnelles, il est possible de conclure qu'il n'en est rien.

7 « En revanche, une acception plus large qui associerait l'adjectif supplétif à "une règle applicable à défaut d'autres dispositions" empiéterait sans doute sur les terres de la subsidiarité » : J. Raynard, art. préc.

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L'arrêt de section précité du 13 mai 1983 s'appuie sur une démarche totalement classique qui n'emporte aucune référence au principe examiné. Il s'agissait de la possibilité pour l'Administration de taxer un contribuable au titre « des dépenses personnelles, ostensibles et notoires ». Tout contribuable ayant en France une résidence habituelle au sens de l'article 4 du CGI et qui, en vertu dudit article, est imposable en France à l'impôt sur le revenu sur la totalité de ses revenus est justiciable de ce régime particulier d'imposition s'il en remplit les conditions. Le problème était passablement compliqué car le contribuable avait, pour les années 1968 à 1971, déclaré en France uniquement des revenus de source française mais il soutenait qu'il n'était pas imposable en France notamment en application de l'article 180 du CGI car :

-- du 1er janvier 1968 au 31 mai 1970, il devait être regardé comme résident des États-Unis ;

-- du 1er juin 1970 au 31 décembre 1972, il devait être regardé comme résident suisse.

10. - À l'évidence, le fait que le contribuable avait déclaré des revenus de source française et qu'il contestait la taxation d'office de l'article 180 du CGI devait conduire les juges à raisonner, de prime abord, sur la possibilité de l'application en l'espèce de l'article 4, 1 du CGI. Est-ce à dire que ce nécessaire raisonnement impliquait la consécration du principe de subsidiarité ? Il ne le semble pas et il n'en a pas été ainsi. L'examen successif des textes relevait de la simple logique : « Considérant que la circonstance qu'un contribuable ayant en France une résidence habituelle au sens de l'article 4 du CGI dispose de revenus dont l'imposition est attribuée à un État étranger en vertu d'une convention conclue entre la France et cet État ne suffit pas à faire échapper, le cas échéant, ce contribuable à la taxation d'office prévue à l'article 180 du même code ; qu'il en va différemment si cette convention ne permet pas de regarder ce contribuable comme résident de France ; qu'il suit de là que M. X. se prévalant, en ce qui concerne la période du 1er janvier 1968 au 31 mai 1970, des stipulations de la convention fiscale entre la France et les États-Unis d'Amérique et, en ce qui concerne la période du 1er juin 1970 au 31 décembre 1972, des stipulations de la convention fiscale entre la France et la Suisse, il y a lieu de rechercher si, au regard de ces conventions, il était au cours de chacune des deux périodes susmentionnées, résident de France ou, respectivement des États-Unis ou de Suisse ». L'argumentation est pour le moins limpide, elle ne

nécessite pas la mise en évidence d'un principe qui serait, au demeurant, largement superfétatoire8.

11. - Quant à l'arrêt Memmi du Conseil d'État en date du 17 mars 1993, la problématique était largement identique9. Le contribuable, de nationalité tunisienne, avait fait l'objet d'une VASFE portant sur les années 1976 à 1979, puis d'une taxation d'office pour défaut de réponse à une demande de justification. L'applicabilité de cette procédure à un contribuable résident d'un autre État est admise par la jurisprudence, dès lors qu'il est astreint au dépôt d'une déclaration en France, à condition que l'Administration dispose d'indices sérieux permettant d'estimer que l'intéressé a des revenus imposables plus importants que ceux déclarés10.

À l'évidence, avant de mettre en œuvre la procédure, il convenait de s'attacher au fait de savoir si le contribuable était résident français. Cette logique était renforcée par l'article 3 de la convention conclue le 28 mai 1973 entre la France et la Tunisie en vue d'éliminer les doubles impositions : « 1. Au sens de la présente convention, l'expression « résident d'un État contractant » désigne toute

8 Le renvoi de l'affaire devant la section du contentieux du Conseil d'État a été justifié par l'existence d'un « accord amiable » conclu entre les représentants des administrations fiscales des deux pays qui se sont réunis les 21 et 22 mai 1974, postérieurement à la mise en recouvrement des impositions litigieuses et à l'initiative des autorités américaines. Le problème était d'autant plus complexe que l'appréciation de la situation de droit découlant de la constatation des faits, telle qu'elle résulte de l'accord, était manifestement erronée. Quelle valeur pouvait-on accorder à cet « accord » ? Pour le commissaire du gouvernement Philippe Bissara, suivi en l'espèce par le Conseil d'État, il ne saurait faire de doute que l'accord était dépourvu de valeur juridique. « Quant au juge de l'impôt, il ne peut que constater l'absence de fondement légal de l'imposition en France d'un revenu qui y est exonéré par une convention dûment ratifiée et publiée dont les dispositions prévalent sur celles de la loi nationale. L'attribution ou la réattribution à la France de la matière imposable ne peuvent résulter que d'une convention comme en dispose d'ailleurs, lorsqu'il s'agit de revenus, l'article 3, III de la loi nº 59-472 du 28 décembre 1959 modifié à l'article 4 bis, 2° du CGI. La circonstance qu'un État étranger, aurait, par un accord qui n'est pas incorporé à l'ordre juridique interne, accepté qu'un contribuable soit imposé en France, ne pourrait suffire à conférer un fondement légal à l'imposition frappant un revenu exonéré ; une décision fondée sur un accord non publié et méconnaissant les règles de droit applicables en France est évidemment irrégulière (...) ». 9 Le principe de subsidiarité a été, semble-t-il, pour la première fois, à cette occasion, évoqué par le commissaire du gouvernement Jacques Arrighi de Casanova (CE, 17 mars 1993, n° 85894, M. Memmi, préc.). L'engagement international que constitue la convention fiscale « ne peut jouer que pour autant que la loi est d'abord susceptible de trouver application (...) En effet, s'agissant de deux règles de droit concurrentes, nous pensons que le juge fiscal constatant que l'applicabilité de la convention est subordonnée, d'une manière qui n'est paradoxale qu'en apparence, à celle de la loi doit vérifier d'office si l'argumentation que lui soumet le contribuable ne conduit pas à lui donner satisfaction sur le terrain du droit interne ». 10 Commentaires de Droit fiscal sous l'arrêt Memmi précité.

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personne qui en vertu de la législation dudit État est assujettie, dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue. 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est considérée comme résident de chacun des États contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes (...) ».

Pour résoudre le problème, il n'était donc pas nécessaire de dégager un considérant de principe et cela d'autant plus que selon l'article 1er de la convention franco-tunisienne, conforme au modèle OCDE, cette convention s'applique aux résidents, définis à l'article 3 comme les personnes assujetties à l'impôt en vertu de la législation propre de chaque État.

2° L'arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 28 juin 2002 Sté Schneider Electric

12. - Cet arrêt est incontestablement un arrêt particulièrement important11. Le fait qu'il soit rendu par cette formation de jugement le démontre. Par ailleurs, c'est la première fois que le principe de subsidiarité des conventions fiscales internationales se trouve posé de manière explicite. Selon les juges du Palais-Royal, « si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut en vertu de l'article 55 de la Constitution conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; (...) par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; (...) il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ».

13. - Pour tenter d'apprécier le raisonnement du juge, il convient de rappeler (ils sont cependant largement connus des lecteurs de cette Revue) les

11 On s'attachera surtout aux commentaires de Patrick Dibout, L'inapplicabilité de l'article 209 B du CGI face à la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 (à propos de l'arrêt CE, ass., 28 juin 2002, Schneider Electric) : Dr. fisc. 2002, nº 36, ét. 28, préc. et de Laurent Olléon, Article 209 B et conventions fiscales internationales : « Après les ténèbres, la lumière » : RJF 10/02, p. 755 à 759.

éléments essentiels de l'affaire et le problème juridique posé.

À la date du redressement, la société Schneider Electric détenait à 100 % la société Paramer, société de droit suisse. Elle avait pour seul objet la détention de titres de participation et de placement. Relevant du régime des sociétés holdings du canton de Genève, elle supportait une charge fiscale relativement légère. L'administration française a cru devoir faire application des dispositions de l'article 209 B, 1 du CGI dans leur rédaction issue de l'article 70 de la loi de finances pour 1980 (L. fin. 1980, n° 80-30, 18 janv. 1980, art. 70 : Dr. fisc. 1980, comm. 263) : « Lorsqu'une société passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou des parts d'une société établie dans un État étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens de l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient ». Cet article consacre donc une dérogation évidente au principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés.

14. - Si l'on s'en remet au schéma traditionnel, il ne semblait pas nécessaire d'expliciter, voire de consacrer, le principe de « subsidiarité » des conventions fiscales internationales. En effet, le raisonnement est classique. On examine la disposition nationale (qui constitue pratiquement l'acte-condition au sens de la terminologie de l'école de Bordeaux), puis celle-ci est confrontée à la convention internationale.

Tel n'a pas été la position du juge. Est-il possible de fournir une explication relativement satisfaisante à cette nouveauté jurisprudentielle ? À notre avis, elle doit être recherchée dans la singularité de la logique de l'article 209 B.

En effet, dans la plupart des hypothèses, il existe une continuité entre les dispositions du droit national et les dispositions conventionnelles.

Ceci est particulièrement net dans le cadre de l'article 4 B du CGI qui définit la notion de domicile fiscal. Cette notion intègre en fait les dispositions de la convention type OCDE. Dès lors, dans cette hypothèse, il n'y a pas de rupture entre le contenu de la norme nationale et le contenu de la norme conventionnelle. Il n'est donc pas nécessaire de marquer une césure « quasi solennelle » entre les deux types de dispositions. Le cas est également vrai pour l'approche de l'établissement stable en dépit du fait que cette notion n'est pas véritablement définie en droit français. Toutefois, le droit conventionnel est particulièrement explicite sur la question.

15. - Dans le cas de l'article 209 B du CGI, cette continuité ou identité de notion n'existe pas. Les

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conséquences de cet article sont à la fois contestées sur le terrain du droit communautaire12 et sur le terrain du droit conventionnel13. Il convenait dès lors pour le Conseil d'État d'épuiser les notions et les mécanismes du droit interne avant de se placer au niveau de la convention franco-suisse. Or, l'appréhension de ces mécanismes n'était pas particulièrement évidente. « Ainsi que l'expliquait dans ses conclusions très fouillées le commissaire du gouvernement Stéphane Austry, si l'article 209 B était interprété comme taxant des revenus présumés distribués, l'article 7, 1 de la convention franco-suisse ne pourrait faire obstacle à son application... En pareille hypothèse, en raison de l'impossibilité de rattacher les revenus présumés distribués à un autre article de la convention, le partage de compétence fiscale entre la France et la Suisse serait régi par l'article 23 de la convention, dit « clause balai », aux termes duquel « les éléments du revenu d'un résident d'un État contractant qui ne sont pas expressément mentionnés dans les articles précédents (...) ne sont imposables que dans cet État ». Cet article, loin de s'opposer à l'application de l'article 209 B, conforterait la compétence de la France pour taxer les revenus litigieux.

En revanche, si l'article 209 B devait être lu comme taxant entre les mains de la mère française des bénéfices de la filiale suisse, il se heurterait à la règle de l'État source fixée à l'article 7, 1 de la convention. En l'absence d'établissement stable de la société Paramer en France, la taxation en France du résultat litigieux deviendrait impossible, en vertu des stipulations du paragraphe 1 du A de l'article 25 de la convention, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 199714.

16. - On sait que, après s'être livré à une lecture littérale de l'article 209 B du CGI, le Conseil d'État a jugé cet article inapplicable après avoir écarté les arguments tirés par le ministre de l'absence de 12 P. Dibout, L'article 209 B est-il compatible avec les conventions fiscales internationales et le droit communautaire ? : Dr. fisc. 1990, nº 44, p. 1485 à 1491. - A. de Wall, L'article 209 B : mythe ou réalité ? Dr. fisc. 1991, nº 30, p. 1149 à 1155. - P.-J. Douvier, L'article 209 B et ses limites d'application : BF Lefebvre 10/91, p. 627. 13 B. Arnold et P. Dibout, Limits on the use of low-tax regimes by multinational business : current measures and emerging trends : Cahiers de droit fiscal international, IFA San Francisco Congress, vol. 86 b. - B H. Bardet, Compatibilité de l'article 209 B avec les conventions fiscales : FR Lefebvre 38/99. - N. Chahid-Nouraï et P. Couturier, L'article 209 B est-il soluble dans le droit fiscal international ? : Dr. fisc. 2001, nº 8, p. 333 à 336 ; C. Badrone, L'article 209 B et les conventions fiscales internationales : FR Lefebvre 53/01, p. 23. - P. Dibout, La compatibilité de l'article 209 B du CGI avec les conventions fiscales internationales en question. Réflexions à propos d'une contrariété de jurisprudences : Dr. fisc. 1997, nº 18, p. 600 à 605. - D. Villemot, Qualité requise pour invoquer le bénéfice des conventions fiscales internationales à l'encontre de l'article 209 B du CGI : Dr. fisc. 2001, nº 47, p. 1641 à 1645. 14 L. Olléon, art. préc., p. 757.

double imposition et de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.

C'est cette interprétation littérale « renforcée » qui paraît devoir justifier la subsidiarité des conventions fiscales internationales. Une lecture attentive du considérant de principe permet de confirmer cette analyse. L'arrêt s'attache à analyser sur le « fondement de quelle qualification » l'imposition a été valablement établie en droit interne. Il appartient au juge ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention... de déterminer... si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

B. - Les postulats dérivés

1° La pseudo-découverte du principe

17. - Il est possible de formuler une critique essentielle à la démarche qui a consisté à dégager le principe de subsidiarité dans l'arrêt Sté Schneider Electric : il s'agit d'une pseudo-découverte. Pour utiliser une formule pour le moins imagée, le Conseil d'État ressemblait au Bourgeois Gentilhomme. Celui-ci faisait de la prose sans s'en rendre compte ; les juges du Palais-Royal mettaient en œuvre le principe de subsidiarité sans s'en prévaloir. Ce qu'il est possible d'appeler classiquement le principe de subsidiarité de la norme internationale est attestée par la structure même du raisonnement du juge administratif. L'examen des moyens fondés sur une méconnaissance du droit interne précède chronologiquement celui des moyens s'appuyant sur une violation du droit international15. Il est possible de s'appuyer notamment sur la jurisprudence qui concerne la Convention européenne des droits de l'homme16

18. - Cet examen hiérarchisé des normes ressort notamment d'un arrêt du Tribunal des conflits du 9 juin 198617 : « Considérant que la liberté fondamentale d'aller et de venir n'est pas limitée au territoire national, mais comporte également le droit de le quitter ; que ce droit est reconnu par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'il est confirmé tant par l'article 2, 2° du quatrième protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, publiée par le décret nº 74-360 du 3 mai 1974, que par l'article 12, 2° du Pacte international de New York relatif aux droits 15 J.-F. Flauss, Mise en oeuvre du droit international : J.-Cl. administratif, Fasc. 104-5, nº 30. 16 CE, ass., 8 avr. 1987, nº 55895, Peltier : AJDA 1987, p. 367. 17 T. confl., 9 juin 1986, n° 2434, M. Eucat : AJDA 1986, p. 456 et 428, Chronique générale de jurisprudence par Azibert et de Boisdeffre ; D. 1986, p. 493, note Gavalda ; JCP G 1987, II, 20 746, note B. Pacteau.

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civils et politiques publié par le décret nº 81-76 du 29 janvier 1981 ; qu'il ne peut être restreint que par la loi ».

Cette mise en oeuvre du principe de subsidiarité ne paraît indirectement remis en cause qu'en matière de statut des réfugiés. En effet, pour la première fois dans l'arrêt du 1er avril 1988 Bereciarta Echarri, le Conseil d'État a déduit très explicitement un principe général du droit d'une convention internationale, à savoir l'interdiction de livrer un réfugié à son pays d'origine tiré de la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut de réfugié. « Ce faisant, la Haute Juridiction amorce peut-être une évolution en rupture avec la traditionnelle réserve manifestée jusqu'alors à l'égard du droit conventionnel en tant que source d'inspiration. Encore faut-il relever qu'en l'espèce « le recours à la notion de principe général du droit lui a permis de faire prévaloir une application exclusive de l'article 33 de la convention de Genève en faisant l'économie d'un renvoi préjudiciel en interprétation au ministre des affaires étrangères18 ».

Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les commentateurs, le principe de subsidiarité n'est pas une découverte liée au droit fiscal. Le Conseil d'État n'a fait qu'appliquer un principe qu'il appliquait incontestablement mutatis mutandis dès qu'il existait un rapport entre la norme interne et la norme internationale.

2° La supériorité de la convention sur la norme nationale constitue un moyen d'ordre public

19. - Le propre du moyen d'ordre public est de pouvoir être relevé d'office par le juge. L'obligation qui incombe au juge administratif contribue à manifester le rôle actif qui lui revient dans le règlement des litiges. Et elle a d'autant plus de relief qu'elle s'impose à lui même dans le cas où les parties (ou une d'elles) ont entendu renoncer à se prévaloir d'un moyen d'ordre public.

Il faut noter que « les moyens d'ordre public - qui sont les seuls que le juge puisse et doive relever d'office - ne sont pas explicitement désignés comme tels dans les jugements et arrêts ; on les reconnaît au fait que le requérant a pu les invoquer après l'expiration du délai de recours, alors qu'ils étaient constitutifs d'une demande nouvelle ou bien (et c'est fréquent) au vu de la formule selon laquelle la juridiction a statué sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête19 ».

18 B. Genevois, De l'usage judicieux des principes généraux du droit : RFD adm. 1988, nº 3, p. 504. 19 R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 7e éd. : Montchrestien, 1998, nº 932.

Jusqu'à l'arrêt Sté Schneider Electric, il ne semble pas que le juge administratif ait relevé d'office20 une éventuelle inapplicabilité de la loi nationale découlant des stipulations d'une convention fiscale internationale.

20. - Cette possibilité, qui n'existe pas dans les rapports entre, d'une part, le droit interne et, d'autre part, le droit communautaire21 et la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales22 apparaît être dictée par des considérations pragmatiques. En effet, si le juge a la possibilité d'examiner sans trop de difficultés les rapports entre la loi nationale et la convention fiscale internationale, « il se trouve dans l'impossibilité pratique d'examiner de façon systématique la compatibilité des dispositions fiscales dont il est fait application avec des stipulations de la convention ou avec une législation communautaire touffue et en permanente évolution. Il lui est en revanche plus aisé de repérer, dans un litige fiscal, quelle convention de non double imposition est susceptible de s'appliquer et, à l'intérieur de celle-ci, quelles sont les stipulations pertinentes23 ».

Cette argumentation n'apparaît pas totalement pertinente en ce qui concerne la Convention EDH. Il s'agit d'un texte relativement concis et clair dont les dispositions pertinentes peuvent être aisément appréhendées et en tout cas aussi facilement que celles d'une convention fiscale bilatérale.

Enfin, dernière indication d'ordre méthodologique, le Conseil d'État invite le juge, lorsqu'il procède à

20 Un commentateur particulièrement autorisé de la jurisprudence du Conseil d'État (L. Olléon, art. préc.) considère toutefois que le Conseil d'État a confirmé une jurisprudence dont il avait fait implicitement application dans un arrêt du 19 décembre 1986 (CE, 19 déc. 1986, nº 54101, SARL Carbonine Europe : Dr. fisc. 1987, nº 17 comm. 852, note G. Tixier et X. Rohmmer ; RJF 2/87, n° 176). Cette affirmation est éclairée par les conclusions du commissaire du gouvernement Olivier Fouquet, publiées à la Revue des sociétés 1/87, p. 80. 21 CE, sect., 11 janv. 1991, nº 90995, SA Morgane : RJF 2/91, nº 219, concl. contraires Mme M.-D. Hagelsteen, p. 83 à 89 ; Dr. fisc. 1991, comm. 1576. - CE, 28 juill. 1993, n° 118717, M. Bach et a. : Dr. fisc. 1994, comm. 152. 22 CE, 16 janv. 1995, n° 112746, SARL « Constructions industrielles pour l'agriculture » (CIPA) : Dr. fisc. 1995, comm. 1187 ; RJF 3/95, nº 302. 23 L. Olléon, art. préc.

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l'examen conventionnel du litige, à « rapprocher » la qualification du revenu selon la loi fiscale des « stipulations de la convention »24.

2. La pratique : la confusion normative

21. - Cette confusion normative peut être appréciée par un double niveau. D'une part, la norme subsidiaire devient pratiquement dans les faits une norme secondaire ; d'autre part, ce qui ajoute incontestablement à la confusion, le principe apparaît être un principe à éclipse.

A. - La norme subsidiaire devient une norme secondaire (ou quand « l'erreur » terminologique est corrigée)

22. - Il a été toujours souligné par les commissaires du gouvernement que le fait que les conventions fiscales internationales soient qualifiées de normes subsidiaires n'entraînait aucune conséquence particulière quant à leur valeur juridique. De par les dispositions de l'article 55 de la Constitution, ces normes « subsidiaires » n'en auraient pas moins une valeur supérieure à celle des normes nationales. On touche là un paradoxe essentiel : comment une norme qualifiée de subsidiaire peut-elle avoir une valeur juridique supérieure ? Certes, le qualificatif subsidiaire est incontestablement mal choisi. Ceci étant, cette distorsion sémantique n'est peut-être pas totalement neutre.

1° Une renaissance d'un principe qui s'inscrit dans le cadre du déclin du contrôle de conventionalité

23. - Il semblerait, selon certains commentateurs, que le contrôle de conventionnalité, s'il n'est pas à proprement parler remis en cause, subit une inflexion dans le sens d'une plus grande souplesse : « L'involution des potentialités offertes par la jurisprudence Nicolo se manifeste par une attitude

24 P. Dibout, art. préc. Plus particulièrement, le Conseil d'État a précisé : « Il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ».

tantôt protectrice, tantôt excessivement prudente du juge administratif envers le législateur dans l'application de la supériorité des normes internationales sur les lois, telle qu'elle est définie à l'article 55 de la Constitution. Cette attitude donne lieu à des restrictions difficilement justifiables au principe de conventionalité et engendre une certaine autolimitation du juge dans la mise en œuvre et l'étendue de son contrôle en la matière... Les restrictions au principe de conventionalité tel qu'il découle de l'article 55 de la Constitution, sont tout d'abord le fruit d'attitudes significatives par lesquelles le Conseil d'État paraît ne pas vouloir tirer pleinement les conséquences de la supériorité des traités et accords internationaux sur la loi25. C'est notamment le cas dans l'hypothèse d'un changement de circonstances entachant au susceptible d'entacher la loi d'inconventionalité ; c'est également le cas, dans une moindre mesure, lorsque l'acte international en question ne lui paraît pas, au regard de son objet, de nature à fonder directement la décision administrative contestée et doit en conséquence être regardé comme subsidiaire par rapport à la loi »26.

C'est dans ce déclin que s'inscrirait la redécouverte du principe de subsidiarité. Un auteur avoue même avoir « tenté d'inverser l'énoncé du principe » et considéré qu'en matière d'élimination de la double imposition, le droit international est simplement complémentaire du droit interne, et ceci dans l'unique mesure où la règle internationale permet seule d'éliminer la double imposition27.

Cette thèse se heurte, à l'évidence, aux dispositions de l'article 55 de la Constitution, qui ne distinguent pas pour son application selon l'objet du traité ou de la convention internationale dont il s'agit de faire prévaloir les dispositions.

Ce « particularisme » dans l'interprétation des conventions fiscales est régulièrement soutenu par le ministère des Finances. Ainsi, si on se replace dans le cadre de l'arrêt Sté Schneider Electric, le ministre soutenait initialement que le litige se situait dans le cadre de la lutte contre la concurrence fiscale dommageable. Par ailleurs, à titre d'argumentation complémentaire, il était soutenu qu'un article conventionnel ne pouvait être lu indépendamment de la convention et des autres articles avec lesquels il 25 Il serait également nécessaire de soulever le problème de l'effet direct des engagements internationaux. On sait que le juge administratif retient comme critère de l'effet direct le caractère complet de la norme. Il s'attache également à une condition supplémentaire. Les particuliers ne peuvent tirer profit que des seules conventions qui les visent directement (H. Tigroudja, Le juge administratif et l'effet direct des engagements internationaux : RFD adm. janv.-févr. 2003, p. 155). 26 D. Bailleul, Le juge administratif et la conventionalité de la loi. Vers une remise en question de la jurisprudence Nicolo ? : RFD adm. sept.-oct. 2003, p. 876 s. 27 G. Tournié, Conventions fiscales et droit interne : RF fin. publ. 1995, p. 199.

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était lié. Cette argumentation, rejetée en l'espèce par le Conseil d'État, pouvait être particulièrement dangereuse dans la mesure où elle aboutissait à gauchir systématiquement l'application des dispositions conventionnelles, fussent-elles claires28.

2° Une subsidiarité confortée par la logique prétorienne

24. - L'arrêt Sté Schneider Electric a posé incontestablement les bases d'une démarche qui devrait en principe être intangible. Face à la confrontation d'une norme nationale et d'une convention fiscale internationale, le juge se doit « d'épuiser » l'application des dispositions nationales. Ce n'est qu'en cas d'échec qu'il doit se tourner vers l'application de la convention.

Si l'on en croit cette méthodologie juridique, il va sans dire que le juge pourrait être tenté d'épuiser totalement, éventuellement par le biais d'une sollicitation plus ou moins forte, les dispositions nationales. Dans ce cas, les dispositions conventionnelles seraient « infiniment » subsidiaires ou secondaires.

Cette analyse est tentante de par sa simplicité mais elle ne permet pas de rendre totalement compte de la complexité de la démarche juridictionnelle.

Il y a de moins en moins, compte tenu de la montée du droit communautaire, une simple dualité dans la confrontation des normes. La compatibilité de l'application de la norme conventionnelle avec le droit interne peut être « médiatisée » par le biais du droit communautaire. Ainsi, dans un arrêt du 15 décembre 2004 Sté Denkavit International et SARL Denkavit France29, le juge se pose la question de savoir si la compatibilité de la loi fiscale française avec le droit communautaire pouvait être appréciée compte tenu de l'application d'une convention fiscale bilatérale. Cette interrogation présentait une difficulté sérieuse justifiant un renvoi préjudiciel à la Cour de justice des communautés européennes. On pourrait être tenté d'adopter une démarche relativement pragmatique en admettant qu'une éventuelle incompatibilité entre le droit interne et le droit communautaire pourrait être neutralisée, dans certains cas, par l'intervention d'une troisième norme, en l'espèce, une norme conventionnelle.

B. - Un principe à éclipse

28 Cette position apparaît directement contraire à l'article 31 de la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969. Selon cet article : « Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but du traité ». 29 CE, 15 déc. 2004, n° 235069 : Juris-Data n° 2004-080618 ; Dr. fisc. 2005, nº 10, comm. 274, concl. F. Donnat.

25. - Il a été démontré que l'application du principe qui serait lié à une spécificité des rapports entre les lois internes qui fondent l'imposition et les conventions fiscales internationales ne fait pas l'objet d'un véritable particularisme. Le principe est appliqué mutatis mutandis dans les autres branches du droit.

Par ailleurs, ce principe n'a pas été appliqué de manière linéaire. Il a été consacré implicitement, puis explicitement, oublié et enfin redécouvert. S'il était érigé en principe de méthodologie juridictionnelle, il devrait être quasi systématiquement invoqué dans les litiges qui mettent en oeuvre une convention fiscale.

Or, tel n'est pas le cas. Il suffit pour en être convaincu de s'attacher à certaines solutions de la jurisprudence.

Après sa consécration solennelle par l'arrêt Sté Schneider Electric, on pouvait espérer de nouveau une application systématique. Il n'en est rien. Moins d'un an après, le Conseil d'État, dans l'affaire Sté Interhome AG30, pourtant tout aussi favorable que l'affaire Sté Schneider Electric pour une application de ce principe, a fait l'économie de son examen.

26. - L'arrêt Sté Interhome AG - Il convient de rappeler les faits de l'espèce. La société Interhome AG a créé en France des filiales contrôlées par elle à 98 %. L'une a le statut d'agent de voyages, l'autre a, pour sa part, le statut d'agent immobilier. Elle est chargée de veiller à la bonne exécution de la prestation rendue aux locataires. Elle dispose d'une trentaine de bureaux situés dans les principales régions touristiques françaises. Elle y assure les formalités administratives et juridiques relatives aux contrats de location. Elle assure en outre des prestations annexes telles que l'entretien et le nettoyage des propriétés, etc. Cette dernière société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. Le service a considéré qu'il y avait lieu de rectifier les résultats de la société en application de l'article 57 du CGI. Le service soutenait qu'il y avait un transfert de bénéfices au profit de la société Interhome AG. Il a demandé à cette dernière de désigner un représentant

30 CE, sect., 20 juin 2003, n° 224407 : Juris-Data nº 2003-080370 ; Dr. fisc. 2004, nº 30-36, comm. 657, concl. S. Austry ; RJF 10/03, nº 1147 ; BDCF 10/03, concl. S. Austry, p. 52 à 59. - P. Dibout et J.-P. Le Gall, Un hybride atypique : la filiale française établissement stable de la société mère étrangère (à propos de l'arrêt du Conseil d'État, « Sté Interhome AG » du 20 juin 2003) : Dr. fisc. 2004, nº 47, ét. 44 (1re partie) et Dr. fisc. 2004, nº 48, ét. 46 (2e partie). - L. Olléon, Une filiale peut cacher un établissement stable : RJF 10/03, p. 751 à 754 . - P. Donsimoni, Comment évaluer le risque de qualification d'une filiale en établissement stable ? : JCP E 2004, nº 11, p. 405. - S. Gelin et A. Le Boulanger, Établissement stable et prix de transfert : deux faces d'un même miroir : BF Lefebvre 10/04, p. 661.

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fiscal en France et a déposé une déclaration d'impôt sur les sociétés avant de lui notifier des redressements établis par le biais de la taxation d'office.

En cours de procédure, l'Administration a décidé unilatéralement d'abandonner les redressements notifiés à la société Interhome AG sur le fondement de l'article 57 du CGI. Renonçant à l'article 6 de la convention fiscale franco-suisse, elle s'est appuyée sur l'article 7 de la même convention pour affirmer que les propriétés proposées à la location en France constituaient autant d'établissements stables de la société Interhome AG en France.

27. - Compte tenu des problèmes posés, il était parfaitement possible de poser le problème en termes d'application du principe de subsidiarité. Il y avait en effet une disposition de droit national sur la portée de laquelle on pouvait s'interroger (l'article 209, 1 du CGI qui définit les règles de territorialité applicables à l'impôt sur les sociétés), confrontée ou juxtaposée à une convention fiscale internationale (les articles 7 et 5 de la convention fiscale franco-suisse).

Il était parfaitement concevable d'admettre que le juge allait s'efforcer d'épuiser les concepts du droit interne et cela d'autant plus que l'article 9, I du CGI pose explicitement la référence à une dualité de normes successives. Cet article précise que sont passibles de l'impôt sur les sociétés « uniquement les bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, ainsi que ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».

Le commissaire du gouvernement Stéphane Austry a, en l'espèce, fait complètement litière du principe de spécialité. La démarche a suscité les interrogations du professeur Dibout : « Selon Stéphane Austry, la situation d'espèce relève de ce second cas de figure dans lequel la convention fiscale "commande l'application de la loi interne", laquelle fonde en tant que telle l'imposition. Il n'y aurait donc pas lieu, en pareil cas, à une analyse autonome sur le terrain de la règle de territorialité interne, qui repose sur le critère déterminant des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France, et d'autant moins qu'une telle analyse aurait conduit, si l'on comprend bien le commissaire du gouvernement, à contester le défaut de fondement de l'imposition contestée : il est, en effet généralement considéré que des entreprises étrangères qui effectuent en France des opérations par l'entremise de représentants ayant une personnalité distincte de la leur ne peuvent être regardées comme exploitant en France une entreprise au sens de l'article 209, 1 ».

Le principe de subsidiarité n'apparaît certes pas véritablement écarté par l'arrêt car, si la convention commande l'application de la loi interne, celle-ci fonde l'imposition. Cependant, dans de telles

circonstances, le juge peut, semble-t-il, faire l'économie d'un examen premier du litige sur le terrain de la règle de territorialité de pur droit interne, alors même que cet examen conduirait à un résultat défavorable à l'Administration. L'attribution conventionnelle du droit d'imposer peut être examinée de façon immédiate et directe comme condition de l'applicabilité consécutive de la base légale interne de l'imposition.

Un tel raisonnement ne serait pourtant pleinement consacré au regard de la logique de la territorialité et du principe de subsidiarité31.

Sans entrer dans les détails de l'argumentation, il faut bien admettre que ce « revirement » quant à l'application du principe de subsidiarité n'est guère convaincant.

Si la consécration du principe de subsidiarité par l'arrêt Sté Schneider Electric n'est pas à l'abri de critiques notamment quant à la terminologie retenue, elle n'en obéit pas moins à une logique qui a le mérite d'une apparente rigueur. De plus, il est parfaitement concevable d'en faire une pétition de principe. En revanche, quand, moins d'un an après, le principe qui pouvait être appliqué de manière tout aussi solennelle est écarté, les commentateurs sont nécessairement conduits à s'interroger sur les contorsions du raisonnement juridique. Or, dans le cadre de l'arrêt Sté Interhome AG, ces dernières n'ont pas été négligeables.

28. - Ainsi, au total, la « consécration » de ce principe multiplie les difficultés. Certes, il a sa logique. Cependant, la terminologie est incontestablement discutable. On ne peut qualifier de subsidiaire une norme qui a une valeur juridique supérieure à la norme de référence. La contradiction est évidente.

En outre, pourquoi consacrer un principe qui est appliqué mutatis mutandis dans les autres branches du droit ? Certes, la spécificité des conventions fiscales contre les doubles impositions permet de l'appliquer avec une relative facilité. Cette analyse n'épuise cependant pas les difficultés. Après l'avoir oublié dans son expression, pourquoi le consacrer de manière solennelle puis l'écarter quelques mois après ? Si ce principe avait la valeur pédagogique qu'on lui prête, pourquoi ne pas le mettre en avant systématiquement ? Peut-être la jurisprudence s'efforcera-t-elle de réduire ces difficultés.

31 P. Dibout, art. préc.

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Cass. ch. Mixte, 24 mai 1975, n°73-13556, Socié té des cafés Jacques Vabre

Sur le premier moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt défère (paris, 7 juillet 1973) que, du 5 janvier 1967 au 5 juillet 1971, la société cafés jacques vabre (société vabre) a importe des Pays-Bas, état membre de la communauté économique européenne, certaines quantités de café soluble en vue de leur mise a la consommation en France; que le dédouanement de ces marchandises a été opère par la société j. Weigel et c. (société Weigel), commissionnaire en douane; qu'a l'occasion de chacune de ces importations, la société Weigel a paye a l'administration des douanes la taxe intérieure de consommation prévue, pour ces marchandises, par la position ex 21-02 du tableau a de l'article 265 du code des douanes; que, prétendant qu'en violation de l'article 95 du traite du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, lesdites marchandises avaient ainsi subi une imposition supérieure a celle qui était appliquée aux cafés solubles fabriques en France a partir du café vert en vue de leur consommation dans ce pays, les deux sociétés ont assigne l'administration en vue d'obtenir, pour la société Weigel, la restitution du montant des taxes perçues et, pour la société vabre, l'indemnisation du préjudice qu'elle prétendait avoir subi du fait de la privation des fonds verses au titre de ladite taxe;

Attendu qu'il est reproche a la cour d'appel d'avoir accueilli ces demandes en leur principe alors, selon le pourvoi, d'une part, que la compétence judiciaire en matière de droits de douanes est limitée aux litiges concernant l'existence légale, la détermination de l'assiette et le recouvrement de l'impôt; qu'elle ne peut être étendue aux contestations concernant le prétendu caractère protectionniste de l'impôt qui supposent une appréciation de l'imposition du point de vue de la réglementation du commerce extérieur, qui ressortit a la compétence exclusive du juge administratif; et alors, d'autre part, que l'article 95 du traite du 25 mars 1957, invoque par les demandeurs a l'action, ne vise pas une imposition déterminée, mais caractérise le régime discriminatoire en fonction de l'ensemble des "impositions intérieures de quelque nature qu'elles soient ", en postulant, par la même, une appréciation de l'incidence économique de la totalité des charges fiscales et parafiscales susceptibles de grever le produit litigieux, qui excède manifestement les limites du contentieux douanier et donc la compétence du juge civil;

Mais attendu que l'incompétence des tribunaux judiciaires, au profit du juge administratif, n'a pas été invoquée devant les juges du fond; qu'aux termes de

l'article 14 du décret du 20 juillet 1972, les parties ne peuvent soulever les exceptions d'incompétence qu'avant toutes autres exceptions et défenses; qu'il en est ainsi alors même que les règles de compétence seraient d'ordre public; d'ou il suit que le moyen est irrecevable en l'une et l'autre de ses branches;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est de plus fait grief a l'arrêt d'avoir déclare illégale la taxe intérieure de consommation prévue par l'article 265 du code des douanes par suite de son incompatibilité avec les dispositions de l'article 95 du traite du 24 mars 1957, au motif que celui-ci, en vertu de l'article 55 de la constitution, a une autorité supérieure a celle de la loi interne, même postérieure, alors, selon le pourvoi, que s'il appartient au juge fiscal. D’apprécier la légalité des textes réglementaires instituant un impôt litigieux, il ne saurait cependant, sans excéder ses pouvoirs, écarter l'application d'une loi interne sous prétexte qu'elle revêtirait un caractère inconstitutionnel; que l'ensemble des dispositions de l'article 265 du code des douanes a été édicte par la loi du 14 décembre 1966 qui leur a confère l'autorité absolue qui s'attache aux dispositions législatives et qui s'impose a toute juridiction française;

Mais attendu que le traite du 25 mars 1957, qui, en vertu de l'article susvisé de la constitution, a une autorité supérieure a celle des lois, institue un ordre juridique propre intègre a celui des états membres; qu'en raison de cette spécificité, l'ordre juridique qu'il a crée est directement applicable aux ressortissants de ces états et s'impose a leurs juridictions; que, des lors, c'est a bon droit, et sans excéder ses pouvoirs, que la cour d'appel a décide que l'article 95 du traite devait être applique en l'espèce, a l'exclusion de l'article 265 du code des douanes, bien que ce dernier texte fut postérieur; d'ou il suit que le moyen est mal fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est au surplus reproche a l'arrêt d'avoir fait application de l'article 95 du traite du 25 mars 1957, alors, selon le pourvoi, que l'article 55 de la constitution subordonne expressément l'autorité qu'il confère aux traites ratifies par la France a la condition exigeant leur application par l'autre partie; que le juge du fond n'a pu, des lors, valablement appliquer ce texte constitutionnel sans rechercher si l'état (Pays-Bas) d'ou a été importe le produit litigieux a satisfait a la condition de réciprocité;

Mais attendu que, dans l'ordre juridique communautaire, les manquements d'un état membre de la communauté économique européenne aux

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obligations qui lui incombent en vertu du traite du 25 mars 1957 étant soumis au recours prévu par l'article 170 dudit traite, l'exception tirée du défaut de réciprocité ne peut être invoquée devant les juridictions nationales; d'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est encore reproche a l'arrêt d'avoir déclare la taxe litigieuse entachée d'un caractère discriminatoire au regard de l'article 95 du traite du 25 mars 1957, alors, selon le pourvoi, que d'après la cour de justice des communautés européennes, le rapport de similitude exige par l'article 95 dudit traite n'existe qu'autant que les produits en question relèvent de la "même classification fiscale, douanière ou statistique" (arrêt du 4 avril 1968); que le produit fini importe (extraits solubles de café) et la matière première, retenue par l'arrêt a titre de référence (café vert), relèvent de deux positions tarifaires distinctes; que la proportion selon laquelle ces deux marchandises étaient respectivement taxées - qui a d'ailleurs été supprimée a une date (1964) antérieure a la période non couverte par la prescription (cf. jugement confirme) - n'implique nullement que les fabricants français d'extraits solubles emploieraient réellement 3,600 kilos de café vert pour préparer un kilo de café soluble, la teneur en café de cette préparation étant extrêmement variable, non seulement a l'intérieur du marche commun, mais, en outre, a l'intérieur du territoire français; qu'en outre, la réglementation nationale, issue du décret du 3 septembre 1965, impose aux fabricants français de nombreuses sujétions, concernant notamment la qualité du café vert, qui en diminuent sensiblement le rendement et, par conséquent, modifient la teneur des composantes du produit fini; d'ou il suit que l'arrêt attaque ne justifie pas valablement de la similitude entre les produits en question, dont la preuve incombait aux sociétés weigel et vabre;

Mais attendu que si l'arrêt invoque de la cour de justice des communautés européennes, rendu a titre préjudiciel par application de l'article 177 du traite, dispose que "le rapport de similitude vise a l'article 94, alinéa 1., existe lorsque les produits en question sont normalement a considérer comme tombant sous la même classification, fiscale, douanière ou statistique suivant le cas", il ajoute que "l'alinéa 2 de l'article 95 prohibe la perception de toute imposition intérieure qui... Frappe un produit importe plus lourdement qu'un produit national.qui, sans être similaire au sens de l'article 95, alinéa 1., se trouve cependant en concurrence avec lui..."; que c'est donc a juste titre qu'ayant constate que, bien que l'extrait de café importe des Pays-Bas et le café vert servant en France a la fabrication d'une telle marchandise ne figurent pas a la même classification douanière, ces produits se trouvent néanmoins en concurrence et qu'ayant, en retenant les éléments de fait par elle

estimes pertinents, apprécie souverainement la proportion de café vert nécessaire a la production d'une quantité donnée d'extrait soluble de café, la cour d'appel a fait application en la cause de l'article susvisé du traite; d'ou il suit que le moyen est mal fondé;

Sur le cinquième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est de plus reproche a la cour d'appel d'avoir retenu le caractère discriminatoire susvisé de la taxe en cause, alors, selon le pourvoi, qu'en vertu des dispositions de l'article 95 du traite du 25 mars 1957, le caractère discriminatoire d'un régime fiscal doit être apprécie en fonction de l'ensemble des impositions, de quelque nature qu'elles soient, susceptibles de grever directement ou indirectement le produit en question; qu'ainsi que l'administration l'a rappelé dans ses conclusions laissées sans réponse, le produit français supportait, outre la taxe a l'importation sur le café vert, la taxe sur la valeur ajoutée grevant le produit a tous les stades de sa fabrication et commercialisation; qu'en outre, les charges résultant de cette taxe interne sont d'autant plus lourdes que le cout de revient du produit est plus élevé, que le produit français est soumis a une réglementation particulièrement rigoureuse édictée par le décret du 3 septembre 1965, qui interdit notamment l'emploi, dans la fabrication du café soluble, de grains brises ou présentant une défectuosité quelconque; qu'en omettant d'examiner l'ensemble des impositions de toute nature ainsi que la réglementation interne ayant pour effet d'augmenter le montant des charges fiscales qui grevaient le produit national, et dont le produit importe était exempte, le juge du fond a manque de donner a sa décision une base légale;

Mais attendu qu'aux calculs effectues par le premier juge des charges fiscales auxquelles étaient soumis, d'un cote les extraits de café fabriques en France et d'un autre cote les extraits importes, l'administration des douanes s'est bornée, devant la cour d'appel, a opposer, de façon imprécise, que les composants des produits nationaux, "aux divers stades des opérations dont ils font l'objet sont soumis a la fiscalité interne, essentiellement représentée par la taxe sur la valeur ajoutée", sans faire valoir en quoi l'incidence de cette taxe pesait d'autant plus lourdement sur le prix de revient du produit français que la matière première d'ou il était issu, était soumise a de strictes règles de qualité et sans expliciter en quoi cette incidence pouvait amener une égalité fiscale entre les deux catégories de produits; qu'en s'appropriant, en cet état, les éléments de calcul du tribunal, la cour d'appel a répondu aux conclusions invoquées et donne ainsi une base légale a sa décision; d'ou il suit que le moyen n'est pas mieux fonde que les précédents;

Sur le sixième moyen :

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Attendu que l'arrêt est enfin attaque en ce qu'il a décide que les sommes perçues par l'administration des douanes devaient être restituées dans leur intégralité, au motif que l'article 369 du code des douanes interdit au juge de modérer les droits, alors, selon le pourvoi, que la répétition du montant de l'impôt ne peut être ordonnée que dans la mesure ou celui-ci revêtirait un caractère discriminatoire et non pas pour sa totalité, qu'en outre, l'article 369 du code des douanes défend au juge du fond de modérer les droits, les confiscations et amendes, ainsi que d'en ordonner l'emploi au préjudice de l'administration

des douanes; que l'arrêt méconnait ces dispositions en accordant au contribuable la restitution du montant de l'impôt qui était du des lors qu'il n'est pas établi par l'arrêt que la taxe litigieuse serait, pour la totalité de son montant, discriminatoire au regard des dispositions de l'article 95 du traite du 25 mars 1957;

Mais attendu que, nouveau et mélange de fait et de droit, le moyen est irrecevable;

Par ces motifs :

Rejette le pourvoi forme contre l'arrêt rendu le 7 juillet 1973 par la cour d'appel de paris

CE, Ass., 20 octobre 1989, n°108243, Nicolo

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Raoul Georges Z..., demeurant ..., et tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 18 juin 1989 en vue de l'élection des représentants au Parlement européen, Vu les autres pièces du dossier ; Vu la Constitution, notamment son article 55 ; Vu le Traité en date du 25 mars 1957, instituant la communauté économique européenne ; Vu la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 ; Vu le code électoral ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu : - le rapport de M. de Montgolfier, Auditeur, - les observations de la S.C.P. de Chaisemartin, avocat de M. Y..., - les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête de M. Z... :

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants à l'Assemblée des communautés européennes "le territoire de la République forme une circonscription unique" pour l'élection des représentants français au Parlement européen ; qu'en vertu de cette disposition législative, combinée avec celles des articles 2 et 72 de la Constitution du 4 octobre 1958, desquelles il résulte que les départements et territoires d'outre-mer font partie intégrante de la République française, lesdits départements et territoires sont nécessairement inclus dans la circonscription unique à l'intérieur de laquelle il est procédé à l'élection des représentants au Parlement européen ;

Considérant qu'aux termes de l'article 227-1 du traité en date du 25 mars 1957 instituant la Communauté Economique Européenne : "Le présent traité s'applique ... à la République française" ; que les règles ci-dessus rappelées, définies par la loi du 7 juillet 1977, ne sont pas incompatibles avec les stipulations claires de l'article 227-1 précité du traité de Rome ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les personnes ayant, en vertu des dispositions du chapitre 1er du titre 1er du livre 1er du code électoral, la qualité d'électeur dans les départements et territoires d'outre-mer ont aussi cette qualité pour l'élection des représentants au Parlement européen ; qu'elles sont également éligibles, en vertu des dispositions de l'article L.O. 127 du code électoral, rendu applicable à l'élection au Parlement européen par l'article 5 de la loi susvisée du 7 juillet 1977 ; que, par suite, M. Z... n'est fondé à soutenir ni que la participation des citoyens français des départements et territoires d'outre-mer à l'élection des représentants au Parlement européen, ni que la présence de certains d'entre-eux sur des listes de candidats auraient vicié ladite élection ; que, dès lors, sa requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions du ministre des départements et territoires d'outre-mer tendant à ce que le Conseil d'Etat inflige une amende pour recours abusif à M. Z... :

Considérant que des conclusions ayant un tel objet ne sont pas recevables ;

Article 1er : La requête de M. Z... et les conclusions du ministre des départements et des territoires d'outre-mer […] sont rejetées.

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CE, Ass., 28 juin 2002, n°232276, SA Schneider

Vu le recours du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, enregistré le 6 avril 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 janvier 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris, a déchargé la société Schneider, devenue depuis Schneider Electric, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ; (…)

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité la société Schneider, devenue depuis Schneider Electric, a été assujettie au titre de l'année 1986, en application des dispositions du I de l'article 209 B du code général des impôts, à un supplément d'impôt sur les sociétés à raison des résultats bénéficiaires de sa filiale suisse Paramer ; qu'après avoir annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt en date du 30 janvier 2001, déchargé la société Schneider Electric de cet impôt, au motif que les stipulations du 1° de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966, modifiée par l'avenant du 3 décembre 1969, font obstacle à l'application de l'article 209 B du code général des impôts ; que le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie se pourvoit en cassation contre cet arrêt ;

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

En ce qui concerne la loi fiscale nationale :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable

à l'imposition contestée : "Lorsqu'une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés détient directement ou indirectement 25 % au moins des actions ou parts d'une société établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France dont le régime fiscal est privilégié au sens mentionné à l'article 238 A, cette entreprise est soumise à l'impôt sur les sociétés sur les résultats bénéficiaires de la société étrangère dans la proportion des droits sociaux qu'elle y détient./ Ces bénéfices font l'objet d'une imposition séparée. Ils sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l'exercice de la société étrangère et sont déterminés selon les règles fixées par le présent code./ L'impôt acquitté localement par la société étrangère est imputable dans la proportion mentionnée au premier alinéa sur l'impôt établi en France à condition d'être comparable à l'impôt sur les sociétés" ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ont pour objet de permettre l'imposition en France des bénéfices résultant de l'exploitation d'une société établie à l'étranger et non, contrairement à ce que soutient le ministre, des distributions de bénéfices réputées opérées par cette société étrangère à son actionnaire résidant en France;

En ce qui concerne la portée de la convention fiscale franco-suisse pour l'application de l'article 209 B du code général des impôts :

Considérant qu'aux termes du 1° de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse : "Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé" ; que le terme "bénéfices" mentionné à l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse n'est pas défini par cette convention et doit, dès lors, être interprété selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l'article 3 de ladite convention, aux termes duquel : "Pour l'application de la convention par un Etat contractant, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation dudit Etat régissant les impôts faisant l'objet de la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente" ; qu'en l'absence d'élément exigeant une interprétation différente, les "bénéfices" auxquels fait référence l'article 7 de la convention sont ceux déterminés selon les règles fixées par le code général des impôts ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'il y a identité de nature entre les bénéfices d'exploitation de la société Paramer dont

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l'imposition est attribuée à la Suisse par le 1° de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse et les résultats bénéficiaires de la société Paramer imposés en France au nom de la société Schneider sur le fondement de l'article 209 B du code général des impôts ;

Considérant qu'en vertu du paragraphe 1 du A de l'article 25 de la convention fiscale franco-suisse, dans sa rédaction antérieure à l'avenant du 22 juillet 1997, les revenus visés au 1° de l'article 7 sont exonérés de l'impôt français sur les sociétés lorsqu'ils sont réalisés par une société qui, comme la société Paramer, a en Suisse le siège de sa direction effective et n'a pas d'établissement stable en France ; que l'objectif d'élimination des doubles impositions attribué à cette convention fiscale ne saurait justifier une méconnaissance des stipulations susmentionnées au seul motif que l'imposition par la France des bénéfices de la société Paramer n'est pas établie au nom de la société suisse mais à celui de sa société mère, qui est une entité juridique distincte et à laquelle lesdits bénéfices n'ont pas été effectivement distribués ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les stipulations de l'article 7 de la convention fiscale franco-suisse s'opposent à l'application des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts ;

Considérant qu'à supposer même qu'il soit établi qu'un objectif de lutte contre l'évasion et la fraude

fiscales ait été assigné à la convention franco-suisse, cet objectif ne permet pas, faute de stipulation expresse le prévoyant, de déroger aux règles énoncées par cette convention ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du 13 février 1996 du tribunal administratif de Paris et a déchargé la société Schneider Electric du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1986 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à payer à la société Schneider Electric une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est rejeté.

CE, 26 juillet 2006, n° 284930, Sté Natexis Banques Populaires :

Dr. fisc. 2006, n° 50, comm. 791, concl. P. Collin

Les intérêts de source brésilienne ne donnent droit à aucun crédit d'impôt

lorsqu'ils n'ont pas été imposés au Brésil

Le crédit d'impôt prévu par l'article 22, 2, c de la convention fiscale franco-brésilienne ne peut s'imputer sur l'impôt dû en

France que dans l'hypothèse où les revenus ont supporté l'impôt au Brésil. En revanche, ces stipulations font obstacle à ce que

soit octroyé au bénéficiaire des revenus résidant en France un crédit d'impôt d'égal montant en l'absence de tout prélèvement de

l'État de la source.

CE, 26 juill. 2006, n° 284930, Sté Natexis Banques Populaires :

o Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Natexis Banques Populaires a demandé le 11 octobre 2004 au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie d'abroger les dispositions du II de l'instruction 14-A-7-97 du 5 décembre 1997 publiée au Bulletin officiel des impôts du 15 décembre 1997 relatives aux modalités d'imputation des crédits d'impôts attachés aux intérêts de source brésilienne, visés à l'article 11 de la convention

fiscale franco-brésilienne, qu'elle estime illégales ; que la société Natexis Banques Populaires a demandé l'annulation pour excès de pouvoir tant des dispositions du II de ladite instruction que de la décision en date du 28 juillet 2005 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à leur abrogation ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

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o Considérant que l'interprétation que par voie, notamment, de circulaires ou d'instructions, l'autorité administrative donne des conventions internationales, lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque, étant dénuée de caractère impératif, elle ne peut, quel qu'en soit le bien-fondé, faire grief ; qu'en revanche, les dispositions impératives à caractère général d'une circulaire ou d'une instruction doivent être regardées comme faisant grief, tout comme le refus de les abroger ; que le recours formé à leur encontre doit être accueilli si ces dispositions fixent, dans le silence des textes, une règle nouvelle entachée d'incompétence ou si, alors même qu'elles ont été compétemment prises, il est soutenu à bon droit qu'elles sont illégales pour d'autres motifs ; qu'il en va de même s'il est soutenu à bon droit que l'interprétation qu'elles prescrivent d'adopter, soit méconnaît le sens et la portée des stipulations conventionnelles ou des dispositions législatives ou réglementaires qu'elle entendait expliciter, soit réitère une règle contraire à une norme juridique supérieure ;

o Considérant que le II de l'instruction du 5 décembre 1997 afférent aux intérêts de source brésilienne visés à l'article 11 de la convention entre la République française et la République fédérative du Brésil signée à Brasilia le 10 septembre 1971, ratifiée par la loi du 24 décembre 1971 et publiée au Journal officiel de la République française par le décret du 18 novembre 1972, énonce, d'une part, que l'instruction ministérielle du 8 décembre 1972 commentant le texte de la convention qui prévoyait dans son paragraphe 2352 que les intérêts de toute nature ouvrent droit pour le calcul de l'impôt français dans les bases duquel ils sont compris, et, en toute hypothèse, c'est-à-dire même en l'absence de tout prélèvement fiscal brésilien, à un crédit d'impôt équivalent à 20 % du montant brut des produits, était rapportée à compter du 1er janvier 1998 et indique, d'autre part, qu'aucun crédit d'impôt ne peut désormais être imputé sur l'impôt français lorsque aucun impôt n'a été acquitté au Brésil à raison de ces revenus ; que de telles dispositions ont un caractère général et impératif ; qu'elles font grief à la société Natexis Banques Populaires dont il est constant qu'elle est un établissement de crédit percevant des intérêts de source brésilienne ; que, dès lors, la société Natexis Banques Populaires est recevable, contrairement à ce que soutient le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à en demander l'annulation ;

Sur la légalité des dispositions du II de l'instruction attaquée :

o Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 11 de la convention fiscale franco-brésilienne : « 1. Les intérêts provenant d'un État

contractant et payés à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État. 2. Toutefois, ces intérêts peuvent être imposés dans l'État contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet État, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 p. 100 du montant brut des intérêts. 3. Par dérogation aux dispositions du paragraphe 2 :... c) Le taux de l'impôt ne peut excéder 10 p. 100 en ce qui concerne les intérêts des prêts et crédits consentis, pour une durée minimum de sept ans, par des établissements bancaires avec la participation d'un organisme public de financement spécialisé et liés à la vente de biens d'équipement ou à l'étude, à l'installation ou à la fourniture d'ensembles industriels ou scientifiques ainsi que d'ouvrages publics (...) ; qu'aux termes de l'article 22 de la même convention : la double imposition est évitée de la façon suivante... 2. Dans le cas de la France... c) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde aux résidents de France percevant de tels revenus de source brésilienne un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus, d) En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11 et au paragraphe 2 c de l'article 12, l'impôt brésilien est considéré comme ayant été perçu au taux minimum de 20 p. 100 » ;

o Considérant qu'il résulte de ces stipulations que le crédit d'impôt qu'elles prévoient, s'agissant notamment des intérêts qui sont visés à l'article 11, ne peut s'imputer sur l'impôt dû en France que dans l'hypothèse où ces intérêts ont supporté l'impôt au Brésil, lequel est considéré, en vertu du d) du 2 de l'article 22 précité de la convention fiscale franco-brésilienne, comme ayant été perçu au taux minimum de 20 % ; qu'en revanche, ces stipulations, dès lors qu'elles ne le prévoient pas de manière expresse, font obstacle à ce que soit octroyé au bénéficiaire d'un tel revenu qui réside en France un crédit d'impôt d'égal montant en l'absence de tout prélèvement de l'État de la source ;

o Considérant que, contrairement à ce que soutient la société Natexis Banques Populaires, le paragraphe II de l'instruction du 5 décembre 1997 ne donne pas des stipulations précitées une interprétation différente en ce qu'il précise qu'aucun crédit d'impôt ne peut être imputé sur l'impôt français lorsque aucun impôt n'a été acquitté au Brésil à raison de ces revenus ; que, par suite, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a pu compétemment et sans illégalité, ainsi qu'il l'a fait, rapporter le paragraphe 2352 de l'instruction 14 B-17-72 du 8 décembre 1972 qui, s'agissant des intérêts visés à l'article 11 de la convention fiscale franco-brésilienne, avait étendu le bénéfice du crédit d'impôt même en l'absence de tout prélèvement fiscal brésilien ;

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o Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Natexis Banques Populaires n'est fondée à demander l'annulation ni du paragraphe II de l'instruction du 5 décembre 1997 ni de la décision en date du 28 juillet 2005 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté sa demande tendant à son abrogation ;

CONCLUSIONS

1. - La plupart des conventions conclues par la France en vue d'éviter les doubles impositions prévoient en faveur des bénéficiaires de revenus de capitaux mobiliers perçus à l'étranger ayant en France leur domicile fiscal ou leur siège social, l'imputation sur l'impôt français exigible à raison de ces revenus d'un crédit d'impôt correspondant à l'impôt étranger perçu dans l'État de la source.

Si les modalités de calcul de ce crédit d'impôt sont évidemment propres à chaque convention, il est néanmoins possible de dégager des règles générales.

En principe, le crédit d'impôt est égal au montant de l'impôt que l'État étranger a effectivement prélevé, étant précisé que cet impôt effectivement prélevé ne doit pas lui-même excéder le montant du prélèvement que l'article de la convention visant la catégorie de revenus considérée autorise ledit État à opérer (OCDE, modèle de convention de 2003, art. 23 A, § 2).

Ce principe n'est cependant pas toujours respecté. Il arrive que le crédit d'impôt soit déterminé de manière forfaitaire, à un taux fixé par la convention et quel que soit le montant effectif de l'impôt étranger effectivement prélevé ou même en l'absence de tout prélèvement dans l'État d'où proviennent les revenus. Dans le premier cas, il s'agit de clauses de crédit d'impôt forfaitaire baptisées clauses de matching credit. Dans le second cas, le crédit d'impôt est fictif et on parle de tax sparing. Ces deux types de clauses sont fréquemment présents dans les accords conclus par la France avec les pays en voie de développement dès lors qu'elles constituent une puissante incitation pour les investisseurs français à placer leurs capitaux dans lesdits pays.

Tel est le cas de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971.

Dans son article 22, intitulé Dispositions pour éliminer les doubles impositions, la convention stipule : « 2. Dans le cas de la France : (...) c. En ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 17 qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux dispositions desdits articles, la France accorde aux résidents de France percevant de tels revenus de source brésilienne un crédit d'impôt correspondant à l'impôt perçu au Brésil et dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus. d. En ce qui concerne les revenus

visés aux articles 10, 11 et au paragraphe 2, c de l'article 12, l'impôt brésilien est considéré comme ayant été perçu au taux minimum de 20 % ».

L'article 10 est relatif aux dividendes, l'article 11 aux intérêts et l'article 12 aux redevances.

En particulier, l'article 11 stipule : « 1. Les intérêts provenant d'un État contractant et payés à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État. / 2. Toutefois, ces intérêts peuvent être imposés dans l'État contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet État, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 15 % du montant brut des intérêts ». Suit un paragraphe 3 qui énonce diverses dérogations au paragraphe 2 au bénéfice des prêts et crédits consentis par le gouvernement d'un État contractant, qui ne sont pas imposés dans l'État d'où ils proviennent, et des prêts et crédits consentis, pour une durée minimum de sept ans, par des établissements bancaires avec la participation d'un organisme public de financement spécialisé et liés à la vente de biens d'équipement ou à l'étude, l'installation ou la fourniture d'ensembles industriels ou scientifiques ainsi que d'ouvrages publics, dont les intérêts ne peuvent pas être taxés à plus de 10 %.

Ces stipulations ont été commentées par l'administration fiscale dans une instruction 14 A-7-97 (Instr. 5 déc. 1997 : BOI 14 A-7-97 ; Dr. fisc. 1997, n° 3, instr. 11904) qui, dans son paragraphe II, apporte les précisions suivantes : « L'instruction du 8 décembre 1972 (BOI 14 B-17-72), commentant le texte de cette convention, prévoit dans son § 2352 que les intérêts de toute nature ouvrent droit, pour le calcul de l'impôt français dans les bases duquel ils sont compris, et en toute hypothèse, c'est à dire même en l'absence de tout prélèvement fiscal brésilien, à un crédit équivalent à 20 % du montant brut des produits. Cette mesure est rapportée et il est précisé qu'aucun crédit d'impôt ne peut être imputé sur l'impôt français lorsque aucun impôt n'a été acquitté au Brésil à raison de ces revenus ».

La situation est donc la suivante. Une première instruction, parue sitôt après la publication du décret de ratification, interprétait les stipulations du d de l'article 22 comme une clause de tax sparing et une seconde instruction, parue 25 ans plus tard et qui rapporte la première, vient expliquer que lesdites stipulations n'ont en réalité que la portée d'une clause de matching credit.

On peut comprendre que ce changement de pied de l'administration n'ait pas été du goût de la société Natexis Banques Populaires, qui est un établissement de crédit indiquant sans être contredit percevoir des intérêts de source brésilienne. Cette banque a donc formé un recours pour excès de pouvoir contre le paragraphe II de la circulaire du 5 décembre 1997, doublé d'un recours pour excès de pouvoir dirigé

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contre le refus du ministre de le rapporter en date du 28 juillet 2005.

2. - Contrairement à ce que soutient le ministre dans une fin de non-recevoir, ce recours est recevable. L'instruction en cause comporte des énonciations impératives à caractère général. Elle satisfait donc aux critères posés par votre jurisprudence Duvignères (CE, sect., 18 déc. 2002 : Juris-Data n° 2002-064827 ; Dr. adm. 2003, comm. 73 ; Rec. CE 2002, p. 463), dont l'application à la matière fiscale est désormais pleine et entière. Vous avez en effet définitivement mis fin, par votre décision Syndicat national des enseignants et artistes (CE, 6 mars 2006, n° 262982 : Juris-Data n° 2006-069774 ; RJF 5/06, n° 573 ; BDCF 5/06, n° 66, concl. S. Verclytte), aux hésitations nées sur ce point de votre décision OPHLM de Seine-et-Marne (CE, 4 févr. 2004, n° 248647 : Juris-Data n° 2004-080526 ; Dr. fisc. 2004, n° 40, comm. 740 ; RJF 4/04, n° 405). Vous ne vous arrêterez pas au fait que le considérant central de votre décision de section ne mentionne que les « interprétations que par voie notamment de circulaires ou d'instructions l'autorité administrative donne des lois et règlements qu'elle a pour mission de mettre en oeuvre » sans citer les conventions internationales. Vous avez en effet déjà admis la recevabilité d'un recours pour excès de pouvoir contre une circulaire commentant des normes de droit international (CE, 27 mai 2002, n° 229133, Syndicat de l'industrie des techniques de l'informatique (2e esp.) : Juris-Data n° 2002-080156 ; Dr. fisc. 2002, n° 51, comm. 1018, concl. G. Goulard ; RJF 8-9/02, n° 925, conséquences de CJCE, 19 sept. 2000, aff. C-177/99, Ampafrance SA : Dr. fisc. 2000, n° 43, comm. 812, chron. J. Turot, p. 404). Vous vous saisirez au contraire de l'occasion pour compléter sur ce point votre rédaction de principe, qui n'a pas spontanément envisagé toutes les hypothèses.

La qualité pour agir, notamment sous l'angle de son intérêt, de la société requérante n'est pas discutable et n'est d'ailleurs pas contestée. Les requêtes ne sont pas tardives. La publication de l'instruction de 1997 au BOI n'a pas fait courir les délais de recours (CE, 4 mai 1990, n° 55124 et n° 55137, Assoc. freudienne e. a. et Robinet e. a. : Dr. fisc. 1990, n° 25, comm. 1272 ; RJF 6/90, n° 674) et le refus ministériel de l'abroger a été attaqué dans les deux mois de sa notification.

3. - La dense argumentation de la société requérante se ramène à un seul moyen, tiré de ce que l'interprétation des stipulations du d de l'article 22 de la convention contenue dans l'instruction restreindrait la portée réelle de ces stipulations de sorte que cette instruction est entachée tout à la fois d'erreur de droit et d'incompétence de son auteur.

C'est donc à une interprétation de la convention que vous invitent les requêtes.

Les règles d'interprétation des conventions internationales, qui ne sont pas fondamentalement différents des celles guidant l'interprétation de la loi, vous sont bien connues. Elles sont dominées par un principe d'interprétation stricte, dont il découle que l'interprétation littérale doit prévaloir sur les autres méthodes d'interprétation (par ex. CE 24 mai 2000, n° 209699 et n° 209891, Min. c/ CRCAM Normand : Dr. fisc. 2000, n° 48, comm. 943, concl. L. Touvet ; RJF 7-8/00, n° 974). Ces autres méthodes sont celles énoncées par la convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969 dont vous appliquez le contenu bien que la France ne l'ait pas ratifiée et qui stipule « qu'un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but » (art. 31). Si après cela le sens demeure ambigu ou obscur, il est possible de recourir aux travaux préparatoires et aux circonstances dans lesquelles le traité a été conclu (art. 32).

En l'espèce, il nous semble possible de s'en tenir à la lettre de l'article 22, qui nous paraît suffisamment claire pour éclairer le sens de la stipulation.

Le 2 de l'article 22 propose en effet une démarche en trois temps :

-- le c pose le principe de l'existence d'un crédit d'impôt pour les titulaires français de des revenus de source brésilienne visés aux articles 10 à 17, 15 exclu, qui ont supporté l'impôt brésilien conformément aux stipulations desdits articles ;

-- le même c définit ensuite ce que doit, en règle générale, être le montant de ce crédit d'impôt : il doit être égal à l'impôt perçu au Brésil, dans la limite de l'impôt français afférent à ces mêmes revenus. Le mécanisme ne saurait donc aboutir à un remboursement par l'État français ;

-- enfin, le d prévoit que, par exception à la règle générale posée par le c quant au montant du crédit d'impôt, pour ce qui concerne les revenus visés aux articles 10, 11 et au paragraphe 2, c de l'article 12, l'impôt brésilien est par convention considéré comme ayant été perçu au taux de 20 %. Ce taux de 20 % excède le taux maximum de 15 % prévu à l'article 11 pour les intérêts de sorte que le crédit d'impôt est bien, pour partie au moins, fictif.

Mais ces trois étapes de la démarche ne sont pas indépendantes les unes des autres. Pour atteindre la troisième, il faut nécessairement avoir franchi la première, qui détermine donc le champ d'application de l'ensemble. L'élément qui nous semble déterminant pour pouvoir affirmer cela est que les revenus visés par le d sont une partie des revenus

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visés par le c de sorte que la règle énoncée au c ne peut être regardée que comme une lex generalis à laquelle la lex specialis du d qui porte sur un champ plus restreint vient déroger.

Or dans le premier temps du raisonnement, il est précisé que le droit au crédit d'impôt n'est, dans son principe, ouvert qu'aux revenus « qui ont supporté l'impôt brésilien dans les conditions prévues » à l'article 11. La convention emploie cette expression et non celle de revenus « taxables au Brésil » et si l'on s'en tient à la règle d'interprétation littérale, et dès lors que les mots ont un sens, cette différence suffit à justifier la position du ministre. N'oublions pas que l'article 22 renvoie à l'article 11, lequel pose comme règle que les intérêts se source brésilienne perçus par un résident français sont en principe taxés en France, mais que le Brésil peut aussi les taxer sans que le taux excède 15 %. La taxation au Brésil est donc une exception à la règle dont la mise en oeuvre justifie celle de l'article 22 dont l'objet est, faut-il le rappeler, l'élimination des doubles impositions. Au stade de la première étape du raisonnement ternaire, c'est à dire de la première phrase du c de l'article 22, il n'est question que de mécanisme d'élimination de doubles impositions et non de d'aide aux investissements par octroi de crédit d'impôt fictif. L'entrée dans ce premier temps de la démarche suppose donc que le contribuable ait effectivement subi une double imposition.

La thèse de la société ne peut être suivie qu'au prix d'une lecture du d indépendante du c, mais seulement de sa seconde partie. Cette thèse suppose en effet de pouvoir se rattacher à la première partie du c faute de quoi il n'existe pas de crédit d'impôt du tout. Cette nécessité de découper en deux la même phrase d'un article de la convention pour pouvoir lui donner l'interprétation suggérée par la requérante nous paraît condamner sa position. Vous ne pourriez opérer un tel découpage qu'en présence d'une stipulation expresse.

En effet, il nous semble que les clauses de tax sparing ne se présument pas et que les rédacteurs des conventions prennent en général la peine de les rendre explicites. Tel est le cas de la convention franco-indonésienne du 14 septembre 1979 (art. 24-

2-d) qui précise que le crédit d'impôt est acquis « même si l'impôt indonésien n'est pas du tout perçu ou perçu à un taux inférieur à ceux prévus dans la convention ». De même, la convention franco-argentine du 4 avril 1979 (art. 24, § 2, c) prévoit un crédit d'impôt pour des intérêts qui « sont exonérés partiellement ou totalement par le gouvernement argentin, en application d'une disposition particulière ».

Le d de l'article 22 de la convention franco-brésilienne ne peut être interprété que comme prévoyant un mécanisme de matching credit et non un mécanisme de tax sparing.

Vous ne pourrez suivre la requérante quand elle vous suggère d'interpréter le traité à la lumière des travaux préparatoires de la loi de ratification et de l'instruction de 1972, supposée être plus proche de l'état d'esprit de l'époque. Outre que vous n'avez pas recours aux travaux préparatoires lorsque le texte du traité est clair, les travaux préparatoires de la loi et la circulaire n'en constituent pas. Il ne s'agit pas de relevés de conclusion au cours de la négociation mais de l'expression unilatérale de la lecture faite du traité par l'une seulement des parties. Ces éléments sont inopérants, de même que, symétriquement, ceux fournis par le ministre pour éclairer la position française au cours de la négociation.

N'ont pas davantage à être pris en compte les commentaires de la convention type OCDE de 1963. Le ministre indique que la partie brésilienne a expressément refusé de se référer à ladite convention pour le sujet qui nous occupe.

C'est donc l'instruction de 1972 qui a ajouté à la convention, et qui pouvait à ce titre être opposée par les contribuables à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du LPF (CE, 24 juill. 1981, n° 17341 : Dr. fisc. 1981, n° 45, comm. 1981, concl. P. Rivière ; RJF 10/81, p. 491), et non celle de 1997, qui est revenue dans le droit chemin.

Par ces motifs nous concluons au rejet de la requête.

Pierre Collin Commissaire du gouvernement

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CE, Ass., 6 juin 1997, n°148683, Aquarone

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 juin 1993 et 7 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Stanislas Aquarone demeurant Les Bruyères, Route de Goult à Gordes (84220) ; M. Aquarone demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 5 avril 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête à fin de décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1981 à 1986 ; (…)

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : "Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus" ; qu'aux termes de l'article 79 du même code : "Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu" ; que la cour administrative d'appel de Lyon n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que la pension de retraite versée à M. Aquarone, domicilié en France, par la caisse commune du personnel de l'ONU en sa qualité d'ancien greffier de la cour internationale de justice entrait dans le champ d'application de ces dispositions ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 32 du statut de la cour internationale de justice annexé à la Charte des Nations Unies publiée au Journal officiel le 13 janvier 1946 en application du décret de promulgation du 4 janvier 1946 et faisant partie intégrante de cette charte en vertu de son article 92 : "1- Les membres de la Cour reçoivent un traitement annuel ; 2- Le président reçoit une allocation annuelle spéciale ; 3- Le vice-président reçoit une allocation spéciale pour chaque jour où il remplit les fonctions de président ; 4- Les juges désignés par application de l'article 31, autres que les membres de la Cour, reçoivent une indemnité pour chaque jour où ils exercent leurs fonctions ; 5- Ces traitements, allocations et indemnités sont fixés par l'Assemblée générale. Ils ne peuvent être

diminués pendant la durée des fonctions. 6- Le traitement du greffier est fixé par l'Assemblée générale sur la proposition de la Cour. 7- Un règlement adopté par l'Assemblée générale fixe les conditions dans lesquelles des pensions sont allouées aux membres de la Cour et au greffier, ainsi que les conditions dans lesquelles les membres de la Cour et le greffier reçoivent le remboursement de leurs frais de voyage ; 8- Les traitements, allocations et indemnités sont exempts de tout impôt." ; qu'il ressort des termes mêmes du paragraphe 8 de cet article, auxquels ne peuvent s'opposer les déclarations de plusieurs présidents de la cour internationale de justice, que les pensions ne sont pas comprises parmi les sommes exemptées d'impôt ; qu'ainsi la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les stipulations du statut de la cour internationale de justice ne faisaient pas obstacle à l'imposition de la pension perçue par M. Aquarone ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ; que ni cet article ni aucune autre disposition de valeur constitutionnelle ne prescrit ni n'implique que le juge administratif fasse prévaloir la coutume internationale sur la loi en cas de conflit entre ces deux normes ; qu'ainsi, en écartant comme inopérant le moyen tiré par M. Aquarone de la contrariété entre la loi fiscale française et de telles règles coutumières, la cour administrative d'appel, qui a également relevé que la coutume invoquée n'existait pas, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Aquarone n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. Aquarone est rejetée.

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SÉANCE 4 La détermination de la matière imposable

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 119-127.

DAVID (C.), FOUQUET (O.), PLAGNET (B.), RACINE (P.-F.), Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, Coll. Grands arrêts, 5ème éd., 2009, pp.799-810

BERGERES (M.-C.), « La valeur juridique de la déclaration contrôlée », Gaz. Pal., 1984, 1, 247 (5 pages) ;

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L 55, L 66, L 67, L 68).

Documents :

o BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd. A paraître février 2010, n°125.

o COLLIN (P.), Concl. sur CE, Avis, 30 juillet 2003, n°254824, SCI Villa Arnaya (extraits) ;

o DE LA MARDIERE (C.), « La déclaration fiscale », RFFP, n°71, 2000, pp.113-145 (exttraits) ;

o NOËL (G.), « Vérification de comptabilité – Champ d’application », Jurisclasseur Procédure fiscale, fasc. 323-50, côte 05,2009 (extraits) ;

o [s.n.], Tableau : Classification des impôts.

Jurisprudence :

o CE, 22 mars 1985, nos48702 et 48703 ; Société civile Eurolangues-vacances studieuses ;

III. Exercices

1. Dissertation sur la déclaration contrôlée : Le principe de la déclaration contrôlée en droit fiscal

français ;

2. Question l’évaluation de la matière imposable : Expliquez le tableau sur la classification des impôts au regard de la détermination de la matière imposable ?

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Livre des procédures fiscales

Article L 55 : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A.

Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition ».

Article L 66 : « Sont taxés d'office :

1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus ou qui n'ont pas déclaré, en application des articles 150-0 E et 150 VG du code général des impôts, les gains nets et les plus-values imposables qu'ils ont réalisés, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ;

2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ;

3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ;

4° aux droits d'enregistrement et aux taxes assimilées, les personnes qui n'ont pas déposé une déclaration ou qui n'ont pas présenté un acte à la formalité de l'enregistrement dans le délai légal, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 67 ;

5° aux taxes assises sur les salaires ou les rémunérations les personnes assujetties à ces taxes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire, sous réserve de la procédure de régularisation prévue l'article L. 68 ».

Article L 67 : « La procédure de taxation d'office prévue aux 1° et 4° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. Toutefois, le délai de régularisation est fixé à quatre-vingt-dix jours pour la présentation à l'enregistrement de la déclaration mentionnée à l'article 641 du code général des impôts.

Il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment de lieu de séjour ou séjourne dans des locaux d'emprunt ou des locaux meublés, ou a transféré son domicile fiscal à l'étranger sans déposer sa déclaration de revenus, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ».

Article L 68 : « La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure.

Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure :

1° Si le contribuable change fréquemment son lieu de résidence ou de principal établissement ;

2° Si le contribuable a transféré son activité à l'étranger sans déposer la déclaration de ses résultats ou de ses revenus non commerciaux ;

3° Si le contribuable ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce ou s'il s'est livré à une activité illicite (1) ;

4° Si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers ;

5° Pour les fiducies, si les actes prévus à l'article 635 du code général des impôts n'ont pas été enregistrés ;

6° Lorsque l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, au titre de l'année ou de l'exercice au cours duquel le procès-verbal est établi ».

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BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit f i s ca l ,

Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd. A paraître février 2010

125 LA DECLARATION CONTROLEE. -- Cette technique consiste à obliger le contribuable à déclarer tous les éléments nécessaires à la détermination de la base d'imposition, l’administration fiscale disposant des moyens nécessaires pour vérifier son exactitude et éventuellement la redresser.

En droit français la déclaration est largement employée comme moyen d'évaluation des bases d'imposition: pour l'impôt sur le revenu, déclaration générale des revenus (art. 170 CGI) doublée de déclarations spéciales; pour l'impôt sur les sociétés, déclaration des résultats des sociétés et personnes morales assujetties (art. 229 CGI) pour la TVA, déclaration mensuelle ou trimestrielle du chiffre d'affaires (art. 270 CGI); pour les droits d'enregistrement, l'enregistrement de l'acte est assimilé à une déclaration sinon sont employées diverses déclarations estimatives (art. 638 et s. CGI). A cet égard, la déclaration joue comme moyen de preuve opposable à l'administration et au contribuable. Mais elle est souvent plus que cela, comme l'a montré un commissaire du gouvernement (concl. Lobry sur CE 22 oct. 1976, n° 92182, DF, 1977, 16-17, 677), elle est aussi un « acte initial par lequel le contribuable reconnaît entrer dans le champ d'application de l'une des dispositions du Code général des impôts ». Elle peut d'ailleurs contenir par le choix même de son mode de rédaction de véritables options fiscales.

Les conditions de souscription des déclarations sont particulièrement rigoureuses. Le dépôt d'une déclaration est obligatoire et doit être fait dans les délais à peine de sanctions et surtout de taxation d'office (CE 31 oct. 1984, n° 22299, RJF, 1985, 1, 30; 20 mars 1985, n° 45588, RJF, 1985, 5, 404) de la matière imposable non déclarée; cette procédure unilatérale pouvant même, dans ce cas, être utilisée sans qu'aucun texte ne l'ait prévu (CE 17 mars 1982, n° 23695, RJF, 1982, 5, 242; CE 2 mars 1983, n°

25054, RJF, 1983, 5, 322). Encourent les mêmes sanctions les erreurs sur le régime fiscal dont relève la déclaration (CE 7 févr. 1983, n° 28186, RJF, 1983, 4, 236), sur la qualification des revenus déclarés (CE 19 janv. 1983, n° 29466, RJF, 1983, 3, 177), sur le service destinataire (CE 3 oct. 1984, n° 42088, RJF, 1984, 12, 764). Le formalisme doit être respecté: une simple lettre qui contiendrait tous les renseignements exigés ne vaut pas déclaration (CE 17 mai 1982, 19338, RJF, 1982, 7, 350).En cas d’omission d’un revenu catégoriel dans la déclaration de revenu global, la souscription de la déclaration catégorielle ne constitue pas une mention expresse exonérant de l’intérêt de retard, en cas de redressement (CE 9 Déc. 1989, n° 5’ 128, DF, 1989, 15, comm. Concl. Martin). C'est toujours au contribuable de faire la preuve que la déclaration a été déposée dans les délais réglementaires et qu'elle est régulière (CE 21 nov. 1953, n° 15604, DF, 1954, 6, Doc., concl. Lasry, RSF, 1954, 982, chron. Chrétien; CE 5 nov. 1984, n° 36421, RJF, 1985, 1, 78).

La déclaration du contribuable doit être présumée exacte par l’administration jusqu'à la preuve contraire apportée par elle au moyen de la mise en _œuvre de ses compétences de contrôle et de rectification. Les règles générales de la procédure d'imposition imposent que la rectification d'une déclaration régulièrement souscrite soit effectuée selon la procédure contradictoire de redressement (CE 21 mars 1975, n° 87573, RJF, 1975, 5, 163, chron. Martin-Laprade). Les énonciations de la déclaration s'imposent au contribuable qui ne peut les rectifier qu'avant l'expiration du délai légal de dépôt. Au-delà, il devra les contester au moyen d'une procédure contentieuse à charge pour lui de faire la preuve des erreurs commises et de la véritable valeur de la matière imposable (CE 22 déc. 1922, n° 69641, DP, 1923, 3, 15, GD, p. 88; CE 19 févr. 1971, n° 79216, Rec., 147).

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COLLIN (P.), Concl. sur CE, Avis, 30 juillet 2003, n°254824, SCI Vil la Arnaya (extraits)

L'administration est-elle alors tenue de suivre la procédure contradictoire prévue à l'article L 17 ?

Après le rejet de sa réclamation, la société civile immobilière a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande en décharge. Elle faisait valoir qu'en vertu de la lettre même des articles 266, 2 b) du CGI et L 17 du LPF, l'administration ne pouvait régulièrement écarter le prix mentionné à l'acte de cession qu'en suivant une procédure de redressement contradictoire, ce qui n'avait pas été le cas en l'espèce. L'administration, en défense, soutenait à l'inverse que l'article L 17 du LPF ne visait que le cas des contribuables ayant régulièrement satisfait à leurs obligations déclaratives et ne dérogeait pas aux dispositions relatives à la taxation d'office.

Cette question n'est pas inédite mais la réponse positive apportée pas certains tribunaux...

La question n'est pas entièrement inédite en jurisprudence. Le tribunal administratif de Nantes a ainsi jugé que « dès lors que l'administration ne met pas en œuvre la procédure prévue à l'article L 17 du LPF, la TVA sur les ventes d'immeubles ne peut être assise sur la valeur vénale de ces immeubles, mais uniquement sur la contrepartie réellement reçue, déduction faite des remises accordées qui ne sont pas la contrepartie d'un service rendu par l'acquéreur » (TA Nantes 6 novembre 1998 n° 94-2612, 95-1325, 95-1326, 96-1584, SCI Résidence Saint-Jean : RJF 3/99 n° 299, conclusions J.-M. Perret BDCF 3/99 n° 27). Le tribunal administratif de Paris a précisé que l'administration était tenue de suivre une procédure de redressement contradictoire même dans l'hypothèse d'un contribuable n'ayant pas déposé ses déclarations de TVA dans les délais légaux (TA Paris 28 mai 2002 n° 96-13327/1, 96-13328/1, 97-4920/1, Sté financière Groupe Vignon : RJF 11/02 n° 1232).

Cette solution présente l'avantage de respecter la lettre des dispositions en cause et d'associer, en toutes circonstances, à la dérogation aux principes régissant la TVA que constitue la possibilité de retenir comme base la valeur vénale, la garantie d'une procédure contradictoire.

Elle présente cependant de sérieux inconvénients.

... se heurte à la jurisprudence dégagée sous l'empire des dispositions antérieurement applicables

Elle nous semble, tout d'abord, contraire à la jurisprudence que vous avez adoptée sous l'empire des dispositions antérieures à celles aujourd'hui applicables. L'article 266, 2-b) était alors rédigé dans les mêmes termes, à ceci près qu'il renvoyait, lorsque

l'administration s'écartait du prix réellement acquitté, non à la procédure de l'article L 17 du LPF, mais à celle de l'article 1651 du CGI relatif à la commission départementale des impôts direct et des taxes sur le chiffre d'affaires dont l'article 287, 3 prévoyait qu'elle pouvait être saisie en cas de désaccord entre l'administration et le contribuable sur la valeur vénale retenue pour l'assiette de la TVA. Vous aviez alors jugé que l'administration pouvait, lorsque le contribuable se trouvait en situation de taxation d'office, procéder à la détermination de la valeur vénale d'un bien sans consulter la commission départementale des impôts. Votre raisonnement s'appuyait, ainsi qu'il apparaît à la lecture de la décision, sur ce que l'article 287, 3 prévoyait la saisine de la commission départementale des impôts « dans les conditions fixées par l'article 1649 quinquies A », c'est-à-dire l'ancêtre de l'article L 55 relatif à la procédure de redressement contradictoire, article qui excluait son application en cas de taxation d'office (CE 22 octobre 1984 n° 37881 : RJF 12/84 n° 1421).

Or, l'architecture des textes n'a pas substantiellement changé

L'article 266, 2-b) renvoie à l'article L 17 du LPF qui exige le recours à la procédure de redressement contradictoire de l'article L 55 du même Livre et cet article prévoit lui même qu'il s'applique « sous réserve des dispositions de l'article L 56 », qui exclut du champ de la procédure contradictoire les cas de taxation ou évaluation d'office des bases d'imposition.

Sauf à revenir sur votre jurisprudence de 1984, vous ne pouvez que combiner les textes applicables en ce sens que le renvoi à l'article L 17 du LPF par l'article 266, 2-b) du CGI est fait sous réserve d'une situation de taxation d'office, de même que ledit article renvoyait antérieurement à l'article 1651 du CGI sous réserve d'une telle situation.

Un abandon de cette jurisprudence n'est pas justifié

Nous ne voyons par ailleurs pas de raisons de revenir sur cette jurisprudence. Elle trouve sa source dans une décision d'Assemblée du 11 mai 1973 (SA « La corniche sablaise » : Lebon p. 346) par laquelle vous avez jugé que l'administration pouvait, sans recourir à la procédure contradictoire, procéder à la rectification d'office du chiffre d'affaires imposable en l'absence de comptabilité régulière et probante, alors même que la procédure de rectification d'office n'avait pas été rendue applicable, à la différence de la taxation d'office pour défaut de déclaration, aux

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taxes sur le chiffre d'affaires. A la suite de cette décision, vous avez jugé que la procédure de taxation d'office pour défaut de déclaration était applicable en matière d'impôt sur les sociétés, à une époque où aucun texte ne le prévoyait (CE 22 mars 1985 n° 48702 et 48703, Sté civile « Eurolangues-Vacances studieuses » : RJF 6/85 n° 846). Dans ses conclusions sous cette dernière affaire, le président Fouquet estimait qu'en matière d'impôts déclaratifs, la taxation d'office en l'absence de déclaration constituait un principe général de procédure fiscale applicable même sans texte.

Dès lors que la combinaison des dispositions législatives applicables permet une lecture du droit compatible avec ce principe, nous ne voyons guère de motif d'imposer le respect d'une procédure contradictoire au bénéfice d'un contribuable qui n'a pas satisfait à ses obligations déclaratives.

Le juge judiciaire retient la même analyse

C'est au demeurant la position des juges judiciaires. La Cour de cassation distingue ainsi, en matière de droits d'enregistrement, les cas de dissimulation de prix de cession des cas d'insuffisance du prix déclaré. Elle juge que les règles applicables dans le second cas (art. L 17 et L 55 du LPF) ne sont pas applicables dans le premier (Cass. com. 1er juin 1993 n° 1007 P, Sté Marchal : RJF 8-9/93 n° 1238). Elle juge, plus explicitement, que « dans le cas où une mutation de clientèle à titre onéreux n'a pas été portée à la connaissance de l'administration fiscale, il revient à celle-ci d'en établir l'existence ainsi que l'imposition à partir de sa valeur apparente, sans être tenue, pour évaluer la mutation litigieuse, de procéder à une comparaison tirée de mutations intrinsèquement similaires à celle en cause à l'époque de sa réalisation, sauf à réviser son évaluation eu égard aux observations du contribuable en réponse au redressement » (Cass. com. 11 mars 2003 n° 482 FS-P, Sté Juris-pharma : RJF 6/03 n° 779). De même, en matière de droits de succession, la Cour de cassation juge que l'article L 17 du LPF n'est pas applicable en cas de réintégration dans l'actif successoral de biens dont la déclaration a été omise (Cass. com. 14 décembre 1999 n° 2005 D, Abella : RJF 4/00 n° 569).

Certes, l'exclusion de la procédure contradictoire semble affaiblir les garanties du contribuable...

La solution que nous vous proposons d'adopter pourrait, à première vue, présenter un inconvénient tant au regard des garanties du contribuable que du respect des exigences du droit communautaire. L'article L 17 du LPF ne se contente pas d'exiger de l'administration qu'elle passe par une procédure de redressement contradictoire pour écarter le prix acquitté au profit de la valeur vénale. Il dispose également que l'administration supporte la charge de la preuve « de l'insuffisance des prix exprimés et des

évaluations fournies dans les actes ou déclarations ». Juger que le renvoi à l'article L 17 est effectué par l'article 266, 2-b) sous réserve de situation de taxation d'office revient à transférer sur le contribuable la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition, puisque tel est le droit commun en matière de taxation d'office. Il en découle, en premier lieu, un affaiblissement des garanties offertes au contribuable. Celui-ci ne pourra en effet que très difficilement contredire l'administration qui bénéficie, par ses fichiers immobiliers, d'une confortable asymétrie d'information. Notons, pour mémoire puisque l'article 6 n'est pas applicable à l'espèce, que la Cour européenne des droits de l'Homme a, par un arrêt récent, jugé que cette asymétrie d'information constituait, devant le juge de l'expropriation, une rupture de l'égalité des armes contraire à l'article 6 § 1 de la convention (CEDH 24 avril 2003 aff. 44962/98, Yvon c/ France : RJF 8-9/03 n° 1074).

...et conférer à l'administration des prérogatives trop larges au regard des exigences du droit communautaire

En second lieu, l'inversion de la charge de la preuve pourrait être regardée comme conférant à l'administration une possibilité de s'écarter du prix réellement acquitté trop large au regard des principes communautaires en matière de TVA, dont les dérogations doivent être interprétées strictement.

Mais en réalité, la position que nous vous proposons d'adopter n'a pas pour conséquence un renversement de la charge de la preuve. A cet égard, deux raisonnements sont possibles.

Mais la situation de taxation d'office du contribuable ne modifie pas la charge de la preuve qui sera déterminée par application des règles de la dialectique de la preuve

Vous pouvez, tout d'abord, distinguer les deux membres de phrase du second alinéa de l'article L 17. Le premier, selon lequel « la rectification correspondante est effectuée suivant la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L 55 » s'efface, en vertu de la lettre même dudit article, en situation de taxation d'office. L'autre membre de phrase, selon lequel « l'administration est tenue d'apporter la preuve de l'insuffisance des prix exprimés et des évaluations fournies dans les actes ou déclaration » demeure applicable en situation de taxation d'office. Cette lecture est d'ailleurs la seule permettant de donner un effet utile au second membre de phrase. Si le législateur avait entendu exclure toute possibilité d'écarter le prix mentionné à l'acte hors procédure contradictoire, ce second membre n'aurait fait que rappeler les règles de droit commun de la preuve.

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Mais un tel découpage de la fin de l'article L 17 nous paraît, à la réflexion, excessivement sophistiqué, et pour tout dire artificiel. Il nous semble que cet effort n'est pas indispensable et que le même résultat peut être atteint par un autre raisonnement, qui se borne à faire application des règles générales d'attribution et de dévolution de la charge de la preuve. Lorsque l'administration découvre, à l'occasion d'un contrôle, une matière imposable qui n'a pas donné lieu à déclaration, elle n'a matériellement pas d'autre possibilité que d'établir l'imposition en fonction des renseignements dont elle dispose, c'est-à-dire, pour ce qui concerne la TVA immobilière, de la valeur

vénale apparente du bien. Le point de départ de la discussion est la position de l'administration et il revient mécaniquement au contribuable de la combattre. Si celui-ci produit alors un acte ayant date certaine qui mentionne un prix de transaction inférieur à la valeur vénale retenue par l'administration, il est réputé apporter la preuve de l'exagération de l'imposition. Il revient alors à l'administration, le cas échéant, de démontrer que les conditions de taxation sur la valeur vénale sont réunies. La mise en œuvre de la dialectique de la preuve aboutit au même résultat que le premier raisonnement esquissé plus haut.

DE LA MARDIERE (C.), « La déclaration fiscale », RFFP , n°71, 2000, pp.113-145

Dans quel système fiscal vivons-nous? A première vue la réponse à cette question ne saurait faire de doute, pour l'essentiel nos impôts sont soumis à un régime déclaratif. A l'analyse, bien des interrogations se présentent.

Ainsi l'impôt sur le revenu paraît le plus «déclaratif» de tous. Cela tient à une particularité française, l'utilisation du rôle, alors que les autres pays occidentaux pratiquent, en règle générale, le système de la retenue à la source. La singularité française autorise une forte personnalisation de l'impôt en même temps qu'elle provoque, chaque mois de février, de grands remous sociologiques. Pourtant l'impôt sur le revenu n'est pas seulement déclaratif, il recourt, le cas échéant, aux autres méthodes d'évaluation de la matière imposable. La taxation d'office, si la déclaration n'est pas déposée, le forfait, en matière agricole, et même le système indiciaire, pour l'imposition d'après les éléments du train de vie (article 168 du Code général des impôts). Cette variété de méthodes, à l'intérieur d'une même imposition, conduit à des conséquences graves. Car l'emploi de techniques distinctes d'évaluation aboutit nécessairement à des bases imposables différentes. D'où une inégalité devant l'impôt32.

Mais le doute le plus vif doit se porter sur la nature réellement déclarative de notre système fiscal. L'actualité présente une illustration de ce scepticisme. La loi de finances pour 1999 a autorisé l'usage, par les services fiscaux, du numéro d'identification des personnes physiques de l'INSEE. Cette innovation va permettre au fisc d'adresser aux salariés - soit la très grande majorité des redevables de l'impôt sur le revenu - une « déclaration expresse » sur laquelle seront« préimprimées» les rémunérations déclarées par l'employeur. Le 3232 L. Trotabas. Science et technique fiscales. 2' éd., Dalloz, 1960, n034.

contribuable n'aura qu'à vérifier la réalité des chiffres indiqués, signer la déclaration et la renvoyer à l'administration33. Dans cette procédure, on ne pourra prétendre que l'impôt résultera essentiellement d'une déclaration fruit de la volonté du contribuable, en réalité l'imposition sera fondée sur une décision du fisc, prise avec la collaboration de tiers à celui-ci.

A l'examen, ce constat semble s'imposer pour l'ensemble du système dit déclaratif. L'impôt réside moins dans la volonté du contribuable, exprimée par la déclaration, que dans l'acte d'imposition, décision administrative prise avec le concours de ce même contribuable ou de tierces personnes. Les liens entre la déclaration et J'évaluation directement faite par l'administration sont d'ailleurs bien étroits34. La valeur probante de la déclaration n'étant clairement établie qu'après un contrôle, celui-ci est le moyen pour le fisc d'apprécier directement les facultés du contribuable. A l'inverse, lorsque ce dernier réclame contre une évaluation administrative, comme par exemple une imposition d'office pour défaut de déclaration, on l'oblige alors à révéler les bases que précisément il n'avait pas déclarées.

La véritable nature de notre système fiscal en facilitera d'autant mieux l'évolution. La généralisation future et probable d'un porte-monnaie électronique permettra de redistribuer les rôles. L'évaluation de la matière imposable ne sera plus le fait du contribuable mais bien de l'administration. Si celle-ci pouvait accéder à un vaste « internet fiscal » où tous les flux financiers seraient reproduits, elle pourrait directement asseoir l'impôt. Ce système nécessitera toujours la collaboration du contribuable,

33 Communiqué du ministère des finances du 13 avril 1999, Le Monde, 15 avril 1999, p. 13. 34 P. Séligman. De la déclaration et de la présomption comme base de limpôt direct, th. Paris, Giard et Brière. 19 13, p. 8.

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lequel sera bien le seul, in fine. A pouvoir distinguer une somme imposable, une charge déductible, de celle qui ne l'est pas. Mais la tranquillité du citoyen y sera considérablement accrue. De nos jours, seul le contribuable est en mesure de disposer directement de l’information. Seul un avocat, un commerçant, peut déterminer le montant de son bénéfice imposable. Il en subit le coût, celui nécessaire à la confection de ses déclarations, et les risques: contrôle fiscal, sanctions. Si l'administration pouvait avoir un accès direct à l'information financière, que donc l'impôt résultât avant tout d'une évaluation administrative, le contribuable n'aurait plus à souffrir les inconvénients majeurs du système déclaratif.

Sans doute cette perspective n' est-elle encore qu'une chimère. Elle suppose une parfaite sécurité des réseaux informatiques, ne serait-ce que pour assurer le respect des libertés comme de la vie privée du citoyen. Même si les agents de J'administration pouvaient être enfermés dans le plus étroit des secrets professionnels, certains contribuables préféreront subir les défauts du système déclaratif que de supposer la présence d'un « Big Brother fiscal ».

Pour établir de bonnes conjectures il convient, avant toute chose, d'y voir clair dans le présent. L’interrogation mérite d'être répétée: dans quel système fiscal vivons-nous? L'histoire, peut-être davantage que le droit positif, apporte des premières réponses.

De Rome à la Révolution française (1°), la déclaration fiscale connut un sort bien tourmenté. Condamnée par les révolutionnaires, on réclama, jusqu'à la première guerre mondiale, sa réhabilitation (2°). Enfin, depuis 1914 (3°) le système déclaratif n'a cessé de s'étendre.

1. De Rome à la Révolution française

Très tôt le système déclaratif donna les leçons de son efficacité. A Rome, le premier régime fiscal connu, celui de Servius Tullius, était déclaratif; chaque citoyen devait faire une déclaration de sa fortune. Ce système fournit de bons résultats sous la République, où la cohésion de la Cité était la plus grande. Mais lorsque la ville s'étendit, la fraude devint si considérable que le législateur renonça à la déclaration pour une méthode indiciaire35. Par la suite l' histoire ne l'a pas démenti: le système déclaratif suppose une cohérence sociale, seul moyen de s'assurer le civisme des citoyens. A défaut, rien ne peut endiguer la fraude, les sanctions les plus sévères

35 Id., p.211.

resteront sans effet36. Ainsi, à Florence, au Moyen Age, les fraudeurs subissaient de lourdes peines. Leurs maisons étaient démolies jusqu'aux fondements, et les arbres de leurs jardins arrachés jusqu' aux racines. Les délateurs étaient récompensés, on avait placé dans divers quartiers de la ville des boîtes, appelées des tambours, dans lesquelles on pouvait jeter les dénonciations. Malgré ça, la fraude était énorme37.

Parmi les auteurs, la déclaration donna lieu à des positions passionnées. Bodin en fit un panégyrique assez naïf, voyant dans le système déclaratif la résolution de toutes les tromperies, duplicités et envies qui empoisonnent les mœurs38. A l'inverse, le duc de Saint-Simon dénonça, dans la déclaration, le désespoir des citoyens devant révéler l'état de leur fortune, l'atteinte au crédit et à la réputation qu'elle représenterait39. Le peintre de la cour de Louis XIV participa, ainsi, à l’ idée d'un échec du système déclaratif sous 1'Ancien Régime, qui expliqua son rejet par la Révolution. Or la détermination du régime fiscal de l'ancienne France présente des analogies avec les interrogations modernes qui sont les nôtres: derrière la déclaration se cache un système où l'impôt résulte bien davantage d'une décision administrative.

Le procédé déclaratif apparut en 1188 pour la perception de la dîme saladine, établie par Philippe-Auguste afin de financer une croisade pour reprendre Jérusalem à Saladin. L'évaluation résultait d'une déclaration du contribuable, sous la foi du serment. En réalité l'Eglise était seul juge de l'estimation des biens, celui qui faisait une fausse déclaration commettait donc un parjure, puni de l'anathème40. Au XIV° siècle de nouveaux impôts - a priori déclaratifs - sont recouvrés par des représentants élus des contribuables, assistés de collecteurs. Ceux-ci recevaient les déclarations, taxaient s'ils les estimaient sincères, à défaut renvoyaient le contribuable devant les élus, lesquels lui déféraient le serment. En cas de refus de prêter celui-ci. ils imposaient d'office41. Là encore le système n'était pas réellement déclaratif, car à défaut de s'être assuré de la sincérité du contribuable, les autorités décidaient de l'impôt sur la base d'une évaluation administrative. D' ailleurs c'est bien ce dernier procédé qui s'imposa, la déclaration ne réapparut qu'au XVIII° siècle.

Ce siècle se distingua par la plus nette dégradation du système fiscal. Dans L'Ancien Régime et la 36 P.M. Gaudemet, J. Molinier, Finances publiques, 1. Il , 5' éd .. Montchrestien, 1992, p. 170. 37 Séligman. op. cit., p. 214. 38 J. Bodin, La République, livre VI, chapitre Il. 39 Mémoires de Sain/-Simon, t. VII. p. 137. 40 G. Hugot, Le rôle de la déclaration en matière d'impôts directs, th. Paris, Gîard el Brière, 1910, p. 29. 41 Séligman, op. cit .. p. 221 .

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Révolution, Tocqueville n'a de cesse de dénoncer les ravages économiques et sociaux qu'il provoqua. La déclaration n'y a pas de réelle importance, dépourvue de toute valeur juridique elle n'est qu'une indication pour les collecteurs, l'impôt reposant sur l'évaluation arbitraire de ceux-ci. « La plupart du temps grossiers, illettrés, misérables»42, ces collecteurs épargnent les puissants pour faire supporter aux humbles tout le poids de l'imposition. « Du moment où ('impôt avait pour objet, non d'atteindre les plus capables de le payer, mais les plus incapables de s'en défendre, on devait être amené à celle conséquence monstrueuse de l'épargner au riche et d'en charger le pauvre »43.

La société d'Ancien Régime, tout entière, réclama une réforme fiscale. Dans cette colère collective, la déclaration fut condamnée avec l'ensemble du système, alors que l'application d'un véritable régime déclaratif aurait épargné bien des injustices. En réalité, en matière d'impôts directs, la déclaration n'avait joué qu'un rôle très modeste44. Mais, tout au long de l'histoire de France, ce furent les plus grands monarques et ministres eux-mêmes qui réprouvèrent leur propre système fiscal. Charles V, François lot, Henri IV, Colbert, Vauban s’insurgèrent contre la mauvaise répartition de l'impôt, les exactions commises pour son recouvrement, l'accablement des pauvres et le ménagement des riches45.

2. De la Révolution à la Première guerre mondiale

Dans de telles circonstances, la Révolution ne pouvait que rejeter en bloc les impôts d’Ancien Régime. La déclaration fut d'autant plus décriée qu'une expérience malheureuse ruina tout à fait son crédit. En 1789, Necker fit adopter par la Constituante une « contribution patriotique) destinée à combler le déficit budgétaire. Cet impôt était fondé sur la libre déclaration du contribuable, toute contrainte étant bannie, seul l'esprit patriotique se trouvait sollicité. Bien évidemment le produit de cette contribution fut très faible et l'on se résolut à sanctionner le défaut de déclaration par une taxation d'office. Le résultat ne fut guère meilleur, beaucoup de municipalités refusant même d’appliquer la loi. L'assemblée renonça à cette imposition, convaincue qu'on ne pouvait établir d’impôt totalement déclaratif sans recourir à l'inquisition46.

42 G. Jèze, Cours de finances publiques, LGDJ. 1936. p. 106. 43 A. de Tocqueville, L’Ancien Régime et la Révolution. Gallimard, coll . Folio. p. 182. 44 Hugot, op. cit., pp. 10s. A. Mihlau, De la déclaration du contribuable en matière d'impôt général sur le revenu et d’impôts cédulaires, th. Paris, Rousseau, 1923, p. 10. 45 Sdigman. op. cit., p. 223. 46 Hugot, op. cit., p. 40.

L'application du système fiscal révolutionnaire ne se fit pas sans heurts. Une longue période de tâtonnements fut J'occasion de modifications incessantes où la déclaration tint encore un rôle. Ainsi la contribution foncière, issue de la loi des 23 novembre et 1er décembre 1790, était à première vue déclarative. En réalité, une commission d'habitants avait seule le pouvoir d'établir l'impôt, pouvant même suppléer aux déclarations absentes ou incomplètes47. Comme sous l'Ancien Régime, le système de l'évaluation faite par des représentants des contribuables donna lieu à des abus. On se résolut donc à ne retenir que le système indiciaire. Cependant, le rétablissement, par Bonaparte, des contributions indirectes fit renaître la déclaration. Mais sous l'empire des quatre vieilles, celle-ci fut confinée dans le rôle le plus modeste qui soit. Elle se confondait alors largement avec la réclamation, son but principal étant d’obtenir une exemption ou une réduction de l'impôt. A partir de la seconde moitié du XIX" siècle, les critiques affluent à l'encontre du système d’impôts directs. On lui reproche d'être injuste et peu rentable. Effectivement les injustices sont criantes; des valeurs égales ne sont pas imposées au même taux, certains revenus échappent totalement à l’impôt, surtout on ne tient aucun compte de la personne du contribuable. Ainsi la contribution mobilière, assise sur le loyer, est beaucoup plus lourde à supporter pour les pauvres que les riches, car les dépenses de logement sont bien plus grandes pour les premiers. Il suffit qu'une garnison s’installe dans une ville pour que les loyers flambent, et la contribution mobilière de même48. Des quatre vieilles, celle sur les portes et fenêtres fait l'objet des railleries les plus vives. C'est un impôt sur l'air et la lumière. Un crime contre la santé publique puisqu'il contraint le contribuable à ne pas aérer ni éclairer son intérieur.

L'idée d'un impôt sur le revenu, réaliste et général, s'impose d'autant plus que la contribution mobilière, de longue date, en a pris les traits. Dans la plupart des communes, en effet, les répartiteurs ne considéraient pas la valeur locative des logements mais se fondaient sur J'aisance présumée des contribuables49. Par ailleurs le procédé déclaratif, dans nombre d'esprits, est perçu comme le seul moyen d'asseoir un impôt personnel, donc juste. Car mieux que quiconque le contribuable sait quels sont ses revenus comme ses charges.

Si les premiers projets de réforme datent de 1848, c'est à partir de la III" République que l'urgence d'un changement se fit la plus pressante. Car les impôts sur la consommation n'y cessèrent d'augmenter, pesant lourdement sur les plus pauvres. De 1871 à

47 Id., p. 46. 48 Séligman, op. cit., p. 33. 49 Milhau. op. cit., p. 235.

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1906, ce sont 217 projets et propositions de loi qui furent présentés au parlement en vue de réformer les impositions directes et d'établir un impôt sur le revenu50. Les plus grands noms de la politique se firent un devoir de concocter leur projet de réforme fiscale. Toutes ces entreprises échouèrent, essentiellement pour une raison: ce que tout le monde appelait, sans souci d'exagération, l'inquisition fiscale. On trouvait insupportable que, pour s'assurer de la sincérité des déclarations, le fisc pût s'ingérer dans les affaires privées des contribuables.

Jusqu'en 1914 un formidable débat déchaîna les passions sur la nécessité d'une réforme fiscale. Les opposants à la déclaration dénoncèrent les procédés vexatoires et inquisitoriaux que supposerait le contrôle fiscal, l'injustice et l'inefficacité du système déclaratif par le fait de la fraude : l'impôt déclaratif est une amende sur la bonne foi, car s' il n'est pas payé par ceux qui trichent, il pèsera nécessairement sur les citoyens honnêtes. On parla même d'incitation à la lutte des classes, de procédé bolchevique51. L'indispensable civisme du contribuable déclarant fit gloser sur J'esprit français. Les formules fleurirent, on cita à J'envi le mot de l'économiste Gide: « On arracherait plutôt à une honnête femme des aveux compromettants qu'à un Français bien élevé l'aveu du chiffre de ses revenus». Les partisans de la déclaration firent valoir combien devenaient insupportables les injustices du système indiciaire, d'autant plus grandes que la pression fiscale augmentait.

Si la France mit si longtemps à trancher ce débat, c'est que de plus les exemples étrangers d'impôt déclaratif sur le revenu n'étaient guère concluants. En Italie, l'impôt sur la richesse mobilière fut un échec retentissant. En principe déclaratif, le système, en réalité, permettait à l'administration de rectifier à sa guise les déclarations. Celles-ci n'étaient pas déposées car les sanctions, qui s'ajoutaient à un impôt déjà très lourd, n'étaient pas appliquées. En Angleterre, la réglementation de l'Income tax autorisait les collecteurs à vérifier, suppléer ou rectifier d'office les déclarations, sans prévenir le contribuable. Les réclamations étaient si nombreuses qu'on ne pouvait les examiner toutes sérieusement. La fraude fut massive. S'agissant de l'Einkommensteuer prussien, la déclaration n'y avait pas plus de valeur juridique; l'impôt était établi par une commission de taxation dont on élisait une partie des membres. Les fonctions n'étaient pas rémunérées et pourtant très recherchées. En effet, un commerçant pouvait, en tant que membre de la commission, connaître l'état de fortune de ses clients et

50 Id., p. 21. 51 Id., p. 214.

concurrents. Les contribuables se plaignaient que l'administration encourageât la délation52.

En France ce furent les contraintes budgétaires qui décidèrent le parlement à adopter l'impôt sur le revenu. Les quatre vieilles ne suffisaient plus à financer le budget de l'État53. En 1900 les impositions directes ne représentaient que 19 % des ressources fiscales54. Le nouvel impôt, pour être rentable, devait frapper l'ensemble des revenus. Sachant que seul le contribuable était en mesure de connaître toute l'étendue de ses ressources, la déclaration parut inévitable. Le projet finalement adopté, le second présenté par Joseph Caillaux, ministre des finances du cabinet Clemenceau, donna lieu à des discussions longues et houleuses. Le débat devant la Chambre des députés dura presque deux ans. Le Sénat était hostile au projet, il le fit traîner pendant cinq ans. Enfin, en 1914, le texte est adopté.

3. Depuis 1914

La grande timidité de celui-ci ne manque pas de surprendre. Le seuil en dessous duquel le revenu est épargné atteint cinq mille francs, alors que le tarif ne dépasse pas 2 %. La déclaration est en fait facultative. La seule sanction qu'encourt le contribuable défaillant est une taxation d'office où l’administration est dépourvue de tout pouvoir discrétionnaire, elle doit en effet se fonder strictement sur les éléments en sa possession (baux, actes de vente, déclarations de succession, etc.). Mais le contribuable est encouragé à déposer sa déclaration: si celle-ci est souscrite spontanément elle lui permet de déduire ses charges ~ de plus elle peut n'indiquer que le total des revenus, sans en fournir le détail, ce qui rend tout contrôle impossible55. On tient tellement à ménager le contribuable que les personnes de plus de trente ans sont dispensées de faire connaître leur âge56. S'agissant des revenus cédulaires, la déclaration n'est exigée que pour les bénéfices non commerciaux57.

Malgré les précautions ainsi prises par Caillaux, le procédé déclaratif provoqua une émotion publique considérable58. Sans doute le contribuable comprit-il

52 Hugol, op. cit., pp. 82s. 53 En 1913 elles rapportèrent 500 millions de francs, en 1921, l'impôt sur le revenu permit de collecter 4,2 milliards (G. Boulanger. La déclaration contrôlée dans le nouveau système d'impôt direct français, th. Lille, Robbe. 1923, p. 94). 54 Séligman. op. cit., p. 58. 55 E. Allix. M. Lecerclé, L'impôt sur le revenu, .t.1, Rousseau, 1926, pp. 153s. 56 Milhau, op. cit., p. !35. 57 Boulanger, op. cil., p. 30. 58 Alors même que la régie de l'enregistrement, avant 1914, disposait déjà de prérogatives «vexatoires et inquisitoriales» (Cf. E. AlIix, Traité élémentaire de science des finances et de

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qu'une nouvelle ère fiscale s'ouvrait. Sous le régime des quatre vieilles, il n'avait quasiment aucun contact avec l'administration. « Tout se passe en dehors de lui, (...) Il sait seulement que le travail nécessaire s'accomplit dans l'ombre des bureaux, et qu'avec le printemps les feuilles d'impôt apparaîtront »59. Les choses allaient changer, Caillaux n'en avait pas fait mystère: « Je vous défie d'édifier un impôt sur le revenu qui n'implique pas un échange presque continuel de renseignements entre le contribuable et l'Administration »60. Parce qu'il est facile d'amuser en raillant les tracasseries administratives, les humoristes n'ont pas manqué de traduire le sentiment public face à l'obligation déclarative. Ainsi la chanson de Gilles, « Qu'avez-vous à déclarer ? »61, si elle fut postérieure à cette époque, eut la singularité de réduire tout le phénomène bureaucratique à la déclaration.

Le second projet Caillaux, tel qu'il avait été adopté en 1914, ne fut appliqué qu'un an, en 1916. On réalisa alors qu'on avait fait preuve de naïveté. Le contribuable comprit bien vite qu' il n'avait aucun intérêt à déposer une déclaration. Car il était lié par le chiffre que celle-ci comportait. Mieux valait attendre la taxation d'office, en espérant que celle-ci fût plus clémente que l'imposition qui aurait découlé des gains réellement perçus. La loi de finances pour 1917 mit fin à cet Eldorado. La déclaration devint obligatoire. elle devait être détaillée, la taxation d'office s'accompagnait d' une majoration de JO %. Par la sui te les sanctions devinrent de plus en plus sévères, les moyens du contrôle fiscal considérablement augmentés, enfin le procédé déclaratif étendu, jusqu'à l'état du droit que nous connaissons aujourd'hui.

De l'histoire on pourra retenir qu'à aucun moment de celle-ci il n'exista, à notre connaissance, de système fiscal réellement et durablement déclaratif. La déclaration ne fut qu'un élément, souvent méconnu, permettant d'éclairer le fisc pour la détermination d'un impôt résultant principalement d'une évaluation administrative.

C'est bien cette constance historique qui permet de douter que notre époque soit celle d'un système véritablement déclaratif, où l'impôt serait essentiellement la conséquence d'une déclaration. Il ne s'agit pas ici de nier la réalité: celui qui souscrira

législation financière française, 5ème éd., Rousseau, 1927, p. 472) mais la déclaration ne portait alors que sur des opérations isolées et non sur l'ensemble des revenus. 59 H. Truchy. « Le système des impôts directs d'État en France », Revue d'économie politique, 1901. p. 280. 60 Dêc1aration à la Chambre des députés Je 4 juillet 1904, cité par Boulanger, op. cit., p. 52. 61 Extrait : « Déclarez en confiance tous vos moyens d’existence. Détaillez vos assurances, honoraires, profits er gains, la fortune de votre grand-père, vos affaires immobilières. Avez-vous des vaches laitières ou un oncle américain? ».

la déclaration la plus fantaisiste fera l'objet d'une imposition correspondant au chiffre déclaré. Mais il serait bien naïf de penser que cet impôt restera définitif. Plus la ficelle est grosse plus les risques du contrôle fiscal sont grands. Certes les chiffres de la fraude montrent que l'administration laisse passer bien des déclarations mensongères. Mais, d'un autre côté, les résultats du contrôle fiscal établissent qu'elle en sanctionne beaucoup. Il est difficile de tenir des statistiques, car la fraude est par nature cachée. Surtout ça n'est pas notre propos. Il s'agît ici de mener un raisonnement en droit. Dans l'absolu, sans considérer le caractère d'exactitude de la déclaration, il faut déterminer si celle-ci dispose des attributs juridiques lui permettant d'être la source essentielle de la dette fiscale.

La portée de ce débat est ambitieuse, car il s'agit non moins de savoir qui de l'administration ou du contribuable assoit l'impôt. Dès lors qu'une déclaration reste passible d' un contrôle, on ne peut dire que cette prérogative n'appartienne qu'au contribuable. Pourtant, le même acte produit des effets de droit importants qui découlent de la volonté de son auteur. Il faudra donc déterminer la mesure de cette volonté. La loi lui permet-elle d'être suffisamment autonome pour que le contribuable maîtrise le sort de l'impôt? On soutient que la déclaration serait l'apanage du citoyen libre et responsable, mais le droit fiscal le reconnaît-il comme tel ? Est-il possible de parler de volonté du contribuable quand celle-ci est si bien encadrée par la loi qu'il ne peut rien vouloir en dehors d'elle ?

Si l'on ne saurait douter que la déclaration soit un acte juridique, puisqu'en découlent des effets de droit, toute la problématique repose sur la portée de cet acte. Beaucoup d'auteurs soutiennent que la déclaration profite d'une présomption d'exactitude. Qu'il appartiendrait donc à l'administration de prouver son irrégularité. Pourtant le droit positif contient nombre d'aspects permettant de discuter cette opinion. En droit, les débats les plus vifs sont souvent affaire de conventions. On s'oppose d'autant plus qu'on ne s'entend pas sur les termes. Or la doctrine ne s'est pas suffisamment attachée à définir ce qu'est une déclaration fiscale. Cette question doit en conséquence former un préalable d'autant plus nécessaire qu'il conditionne tout l'ensemble. Voici donc les trois interrogations auxquelles on tentera de répondre : qu'est-ce qu'une déclaration fiscale (1), est-elle un acte de volonté (Il), jouit-elle d'une présomption d'exactitude (III) ?

1. - QU'EST-CE QU'UNE DÉCLARATION FISCALE?

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L'identification de l'institution conduit déjà à remarquer sa singularité (1), laquelle est accrue par l’opposabilité toute relative de la déclaration fiscale. La variété des actes déclaratifs (2) ne doit pas faire obstacle à leur qualification (3).

[…]

3. Qualification

A raison des sanctions qu'il comporte, le droit fiscal est souvent comparé, voire assimilé, au droit pénal. Il n'est donc pas étonnant que certains auteurs voient dans la déclaration une confession, un aveu. Or cette qualification ne peut être retenue. Car l'impôt n'est pas une punition, déclarer une base imposable n'est pas une faute, tout au contraire, c'est bien le fait de ne pas déposer une déclaration qui est fautif62. En revanche, l'aveu civil présente des analogies avec l'acte déclaratif fiscal, car il consiste dans la reconnaissance d'un fait. Il y a aveu « toutes les fois que l'une des parties reconnaît elle-même comme exacte l'allégation dirigée contre elle par son adversaire »63. Cependant l'aveu civil suppose un litige64. Or la déclaration fiscale ne peut être la manifestation d'un contentieux. Elle forme en effet un acte initial à l'origine duquel aucune querelle n'a pu encore prendre naissance65. D'ailleurs, on a vu que dans un procès civil où l'évaluation du préjudice suppose d'apprécier les revenus de la victime, la déclaration fiscale de celui-ci ne saurait constituer un aveu66.

Pas plus qu'un aveu, la déclaration fiscale ne peut être une pollicitation, une offre que le contribuable ferait au fisc quant au montant de la base imposable. En mettant en recouvrement l'impôt tel qu'il résulte de la déclaration, J'administration ne peut en rien « accepter » celle-ci puisqu'elle se réserve un droit de contrôle. Surtout, les principes de légalité et d'égalité devant l'impôt interdisent que celui-ci fasse l'objet d'un accord entre le fisc et le contribuable67. Il doit résulter de la loi et non d'un contrat, source de subjectivité et donc d'inégalité entre les contribuables. Seule la transaction fait exception à la

62 F. Deruel, La preuve en matière fiscal, th. Paris, 1962, p. 209. 63 M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. II, 4ème éd., LGDJ, 1907. N°22. 64 Deruel, op. cit., p. 210. 65 Il arrive cependant qu'à la demande de l'administration, ou à l'approche d'un contrôle fiscal, le contribuable défaillant dépose une déclaration, faisant ainsi l'aveu qu'il entre dans le champ d'application de l'impôt. 66 Lalou, op. cit., p. 6l. 67 Cass. civ., 13 mars 1895, Dreyfus frères c/ Enregistrement, S. 1895 I p. 465, note Wahl.

règle68. Certes le système déclaratif suppose nécessairement la collaboration du contribuable, mais sans qu'en aucune manière cela puisse déboucher sur une relation contractuelle69.

Cela fait bien longtemps que le juge a condamné cette vision des choses. L'épouse d'un officier de marine, en l'absence de celui-ci, avait souscrit une déclaration au titre des revenus de 1917. Or le mari voulut obtenir une réduction de l'impôt qui en résulta, considérant que la base déclarée était trop élevée. A l'époque les textes étaient muets quant à la possibilité pour le contribuable de contester sa propre déclaration. Selon le fisc, dans les circonstances de l'espèce, le parallélisme des formes s'imposait : seul un acte rectificatif, déposé dans le délai de souscription, pouvait modifier l'acte initial. Une fois le délai expiré, l'administration considérait que la déclaration était devenue définitive car « acceptée» par le service. En somme, le fisc entendait faire prévaloir une vision presque contractuelle de la relation entretenue avec le contribuable, sous réserve d'une condition résolutoire: le déclenchement d'un contrôle70. Le Conseil d'État condamna cette opinion en reconnaissant au contribuable le droit de contester sa propre déclaration, à la condition d'apporter la preuve de son inexactitude71.

Dès lors que l'établissement de l'impôt ne saurait résulter de la volonté du contribuable, du moins dans un rapport contractuel, le rôle de la déclaration, dans la procédure d'assiette, ne peut qu'être modeste. Même si elle a pour objet de révéler le fait générateur, seul celui-ci fait naître la delle fiscale. Elle ne peut constituer non plus l'acte d'imposition, l'arrêt de 1922 précité le démontre: il aurait été inconcevable que le contribuable attaque au contentieux sa propre déclaration, en revanche il pouvait contester le rôle sachant que celui-ci n'était pas respectueux des règles légales d'imposition. Même dans le régime du paiement spontané la déclaration ne peut constituer J'acte d'imposition. Pourtant, faute de rôle, elle y remplit une fonction importante. Outre J'assiette de l'impôt, elle en assure la liquidation et permet au comptable public de procéder à son recouvrement. Malgré ça, il existe toujours un acte administratif, au besoin implicite, autorisant la mise en recouvrement72. Les règles du contentieux le démontrent: celui-ci doit nécessairement être lié par un tel acte, avis d'imposition ou avis de mise en recouvrement.

68 Cf.. Ch. de la Mardière, Réflexions sur le caractère objectif du contentieux administratif de l'impôt, th. Paris II, 1996, pp. 205s. 69 V. contra E. Kornprobst, La notion de bonne foi, application au droit fiscal français, LGDJ, 1980, n°152. 70 C. Gour, J. Molinier, G. Toumié. Les grandes décisions de la jurisprudence, droit fiscal, PUF, coll. Thémis, 1977, p. 90. 71 CE, 22 décembre 1922, req. 69641, DP 1923 III, p. 15. 72 La Mardière, op. cit., p. 508.

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Dans le processus d'établissement de l'impôt, ne présentent donc de réelle importance juridique que le fait générateur et l'acte d'imposition. La déclaration se réduirait quant à elle à une simple obligation d'information, normalisée et intégrée à la procédure administrative conduisant à la mise en recouvrement73.Néanmoins cette même déclaration est douée d'une incontestable valeur juridique. Ainsi lorsque le contribuable, en la souscrivant, ne commet pas une simple erreur, comme dans l'affaire de 1922, mais opère un choix délibéré, celui-ci est opposable tant à l'administration qu'à l'intéressé. Or, un tel état du droit peut avoir des conséquences décisives.

Un contribuable s'était déclaré à l'administration fiscale comme l'exploitant d'une entreprise individuelle. Il avait déposé les déclarations de celle-ci en son nom. Puis il reçut un avis de mise de recouvrement pour des rappels de TVA. Afin de contester cette imposition, le contribuable fit valoir qu'il n'était qu'un prête-nom, qu'en réalité la maîtrise de l'affaire appartenait à un salarié de celle-ci. L'enjeu était d'importance car si cette réalité avait été reconnue, l'entreprise, eu égard au nombre de ses salariés, aurait été artisanale et comme telle non passible de la TVA. Or le juge a considéré que le contribuable avait fait un choix librement exercé et qu'en conséquence la situation déclarée lui était opposable74. Cette jurisprudence ne se réduit pas à l'hypothèse d'une décision de gestion, elle s'applique à toute position délibérée que le contribuable prend dans sa déclaration75.

En conséquence, il n'est pas douteux que la déclaration fiscale soit un acte juridique dont les effets sont loin d'être négligeables. Pourtant, dans le processus d'établissement de l'impôt, elle ne constitue qu'une simple obligation d'information. Comment expliquer cette contradiction? On ne pourra nier que la volonté du contribuable, exprimée unilatéralement, produise des conséquences. Mais il faut déterminer jusqu'où il peut vouloir. Si cette volonté est d'une ampleur suffisante, alors l'impôt résultera essentiellement de la déclaration et le système sera véritablement déclaratif. Si, à l'inverse, ce que peut vouloir le contribuable est enfermé par la loi dans la procédure administrative d'imposition, alors la déclaration ne saurait être la source essentielle de celle-ci. Elle ne pourra constituer qu'un « vecteur informationnel », selon l'expression de la DGI, conçu pour aider à la détermination, principalement administrative, de l'imposition. Il faut donc poser la question sui vante.

73 Deruel, op. cit., p. 212. 74 CE sect., 20 février 1974, req. 83270. Lemarchand, DF 1974.30.958, concl. Mandclkern. 75 Cf. C. David et alli. Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, 2ème éd., Sirey, 1991. p. 103.

II. - LA DÉCLARATION FISCALE EST-ELLE UN ACTE DE VOLONTÉ ?

[…]

III. - LA DÉCLARATION JOUIT-ELLE D'UNE PRÉSOMPTIOND'EXACTITUDE?

Dès l'origine de l'impôt sur le revenu, le législateur a voulu que la déclaration profite d'une présomption d'exactitude. Il résultait de l'article 17 de la loi du 15 juillet 1914 qu'en cas de litige, la charge de la preuve incombait à l'administration. Bien entendu il s'agissait d'une présomption simple, la déclaration est supposée sincère jusqu'à ce que le fisc établisse son inexactitude. Mais il ne suffit pas que la loi décide d'une règle pour que celle-ci soit juridiquement cohérente. Or, pas plus hier qu'aujourd'hui, on ne trouve de fondement à cette présomption d'exactitude (l°). Elle est de plus déniée dans les conséquences qu'elle produit (2°) et enfin contredite par le droit positif (3°).

1. Fondement

Jèze a tenté d'expliquer la présomption d'exactitude par le caractère obligatoire de la déclaration76. Mais on ne voit pas le lien réciproque entre cette obligation, condition de forme, et la présomption, règle de fond. Il est exact que si la première n'est pas respectée, si le contribuable n'honore pas son devoir de collaboration avec le fisc, la présomption est renversée : dans la procédure d'imposition d'office, la preuve lui incombe. Mais le lien de causalité est à sens unique: cela n'explique pas que celui qui dépose ses déclarations puisse profiter d'une présomption d'exactitude. En somme, on comprend pourquoi le contribuable défaillant perd le bénéfice de celle-ci, c'est une façon de le punir de sa négligence, mais cela n'éclaire en rien sur la nature et le fondement de cette même présomption.

L'explication de Jèze pourrait mieux convaincre si la déclaration était souscrite sous la foi du serment77, car l'obligation de la déposer s'accompagnerait d'un engagement du contribuable quant à sa sincérité. Or le législateur de 1914 n'a pas prévu de procédure de serment. Il faudra attendre la loi du 4 avril 1926 pour que cette formalité vienne accompagner le dépôt de

76 G. Jèze, Cours élémentaire de science des finances et de législation financière française, 2ème éd., Giard et Brière, 1909, p. 695. 77 G. Imbert, Le contrôle de la déclaration relative de l'impôt général sur le revenu, th. Lyon, Deprelle. 1924, p.30.

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la déclaration d'ensemble des revenus78. En faisant prêter serment au contribuable, on a voulu attirer solennellement son attention sur la gravité de la fraude qu'il pourrait commettre. Mais le texte fut abrogé ... à raison du nombre de parjures. De plus la démarche était maladroite, car si réellement le contribuable n'avait pas à faire la preuve de sa sincérité pourquoi fallait-il l’obliger à un engagement solennel en ce sens ?

La présomption d'exactitude posée par la loi de 1914 a, de plus, rapidement connu des exceptions. Ainsi en matière de bénéfices non commerciaux, à raison des difficultés pour l'administration de prouver l'inexactitude des déclarations, aucune règle ne fut établie par la loi du 31 juillet 1917 quant à la charge de la preuve; il appartenait au juge de former sa conviction. Pire, s'agissant des revenus de capitaux mobiliers, où la fraude était considérable79, le contribuable supportait, dans certaines hypothèses, la charge de la preuve80.

Par ailleurs on a tenté de trouver un fondement à la présomption d'exactitude en recourant au droit civil, plus particulièrement au travers des relations entre le créancier et le débiteur. Reconnaître à la déclaration du contribuable, créancier du Trésor, une présomption de sincérité, c'est admettre que sa volonté puisse s'imposer à l'administration81. Or, en droit civil, le débiteur ne peut fixer seul la quotité de son dû, la dette doit résulter de l'échange de volontés qui forme le contrat. Mais le droit fiscal interdit que l'impôt fasse l'objet d'un contrat.

Faute d'une explication générale, pouvant fonder dans l'absolu la présomption d'exactitude, on a même pensé que celle-ci serait attachée au seul régime établi par la loi de 1914. On a vu en effet comment le législateur a incité le contribuable à déposer une déclaration en fait facultative. Or, parmi les avantages accordés, on compterait la présomption d'exactitude. Celle-ci aurait alors constitué une mesure de persuasion du contribuable: en déposant sa déclaration il aurait bénéficié d'un a priori de sincérité82. Malgré la disparition du régime de l'impôt sur le revenu établi par la loi de 1914, on a continué de conférer à la déclaration une présomption d'exactitude. Pourtant celle-ci est déniée par les conséquences mêmes qu'elle produit.

2. Conséquences

78 R. Champion, Le contrôle en matière de contributions directes en France, th. Paris, Rivière, 1926, n°58. 79 Pour l'année 1921 les comptes de la dette publique révélèrent que 21 milliards de francs d'intérêts avaient été versés, or seuls 3 milliards furent déclarés (Boulanger, op. cit., p. 65). 80 Champion, op. cit., pp. 315 et 316. 81 Imbert, op. cit., p. 29. 82 Id., pp. 31 et 32.

Il faut bien reconnaître que la déclaration ne peut revêtir sa pleine valeur juridique qu'une fois la certitude de sa sincérité acquise. En conséquence la présomption peut être remise en cause par un événement futur: le contrôle fiscal. Pour M. Bergerès, la valeur probante de la déclaration est donc affectée d'une condition83. En réalité il s'agit bien plus d 'une condition, car seul le contrôle fiscal est en mesure de conférer à la déclaration un caractère de sincérité. Soit il s'avère que les chiffres déclarés ne sont pas exacts, et l'imposition résultera d'une évaluation administrative. Soit la déclaration est sincère, mais sa valeur probante sera attestée par le contrôle et non issue de la volonté du contribuable.

Pourtant M. Bergerès voit un lien nécessaire entre la présomption d'exactitude et la procédure contradictoire de redressement84. Parce que la déclaration est douée d'une valeur probante a priori, l'administration ne peut la contester que dans le respect des garanties du contribuable. Il suffit donc que celui-ci dépose régulièrement sa déclaration pour que sa volonté soit respectée, ou du moins ménagée, lorsque le fisc entend la remettre en cause. Preuve en est, ajoute l'auteur, s'agissant des impositions non déclaratives, comme les impôts locaux, il n'existe pas de procédure contradictoire de redressement.

Or, là encore, l'effet est pris pour la cause. Pour M. Bergerès la déclaration est douée d'une valeur juridique, on la présume exacte puisqu'elle ne peut être contestée que contradictoirement, dans le respect des garanties du contribuable. Mais c'est bien la procédure contradictoire qui confère une certaine valeur à la déclaration, et non l'inverse, cela ne dit pas quel serait le fondement de cette valeur. M. Bergerès explique la notion par le régime: la déclaration est présumée exacte puisque sa remise en cause doit suivre certaines règles; or on aimerait savoir en quoi ces règles s'attacheraient à une nature particulière de la déclaration. En tant qu'impôt local, la taxe professionnelle ne serait pas un impôt déclaratif, pourtant on exige du contribuable qu'il produise une déclaration annuelle. Lorsque les bases ainsi déclarées sont remises en cause, on ne suit pas la procédure contradictoire car l'impôt est censé être assis par J'administration et non le contribuable85. Pourtant, pour une grande part, c'est bien à partir de la déclaration qu'on établit l'impôt, elle conduit aux mêmes conséquences que s'agissant des impositions déclaratives. En quoi dès lors la déclaration de taxe

83 M.C. Bergerès, Le principe des droits de la défense en droit fiscal, th. Bordeaux, 1975, p. 58. 84 M.C. Bergerès, La valeur juridique de la déclaration contrôlée, GP 1984, doct. p. 246. 85 CE avis, 4 novembre 1992, req. 138380, Sté Lorenzy-Palanca, RJF 1993.1.103, concl. Gaercmynck.

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professionnelle serait-elle dénuée de valeur juridique ? A l'inverse, le juge a reconnu que si la procédure contradictoire était applicable à la taxe locale d'équipement, ça n'était pas à raison de son caractère déclaratif86.

Toujours selon M. Bergerès, parmi les garanties dont profite le contribuable respectueux de ses obligations déclaratives, figure la dévolution de la preuve, laquelle doit être apportée par l'administration. Cette règle d'attribution de la preuve étant la conséquence de la présomption d'exactitude dont profite la déclaration; présomption elle-même inséparable du système déclaratif. Or on voit là une contradiction fondamentale. La méthode déclarative exige du contribuable qu'il fournisse l'information devant servir à asseoir l'impôt. Celui-ci va donc être établi essentiellement à partir des renseignements issus de son débiteur. Comment dans ces conditions exiger de l'administration qu'elle supporte la preuve, donc qu'elle fournisse des informations qu'elle ne peut posséder puisque, à la base, c'est le contribuable qui les détient? Il est en conséquence illusoire, dans un système déclaratif, de prétendre faire supporter la preuve à l'administration, car la vérité ne peut être révélée que par le contribuable.

Cette contradiction se vérifie par l'étude du contentieux administratif87. Dans le contentieux général le juge, en matière de preuve, se montre très exigeant envers l'administration: il lui impose de fournir les éléments propres à faire connaître la vérité. En matière de contentieux fiscal cette exigence s'exerce aux dépens du contribuable: le juge de l'impôt semble ménager le fisc tandis qu'il enjoint sévèrement le contribuable de lui présenter des justifications. Pourquoi cette attitude étrange lorsque l'on sait que le juge administratif, qu'il s'agisse de contentieux général ou fiscal, est le même? Tout simplement parce qu'une juridiction n'a d'autre choix que de solliciter la partie qui détient l'information propre à faire éclater la vérité. Dans le contentieux général c'est le plus souvent l'administration qui possède le plus d'éléments de preuve. En matière fiscale, à l'inverse, le contribuable se trouve le mieux placé pour révéler la vérité, car personne mieux que lui ne connait l'étendue de ses ressources.

La présomption d'exactitude est donc contredite dans la conséquence essentielle qu'elle devrait produire: déterminer la charge de la preuve. Non seulement c'est au contribuable de fournir les éléments essentiels à la manifestation de la vérité, mais de plus la confiance qu'on place en lui, à cette occasion, est fort relative.

86 CE, 12 février 1986, req. 53064, RJF 1986.4.386, concl. Mme Latournerie. 87 Cf. Ch. de la Mardière, Réflexions sur le caractère objectif du contentieux administratif de l'impôt, th. Paris II, 1996. pp. 7015

A défaut d'explication juridique, la plupart des auteurs modernes donnent un fondement logique à la présomption d'exactitude88 : du moment qu'on sollicite le contribuable, il n'est pas d'autre choix que de lui faire confiance, d'autant plus que lui seul connaît la réalité de ses richesses. A cette logique s'ajoute le souci que la volonté du citoyen se fasse entendre aussi en matière d'impôts, volonté qu'on ne peut, dans la perspective d'une« démocratie fiscale », que présumer sincère.

Or, le succès que rencontre de nos jours le système déclaratif tient bien plus aux nécessités budgétaires qu'à une volonté politique de faire participer un contribuable, supposé honnête, à la vie financière et publique. Parce que la pression fiscale est grande l'impôt se doit d'être juste, sinon il serait source d'inégalités insupportables. D'où l'exigence d'impositions personnelles89. Personnalisation que seul peut assurer le système déclaratif. Mais surtout les impôts modernes ont la nécessité d'être rentables, donc généraux. En conséquence ils frappent tous les gains composant une catégorie de richesse, qu'il s'agisse du revenu (IR), de la dépense (TVA), ou du capital (ISF). Dans ces conditions, il est vrai que personne d'autre que le contribuable ne peut mieux connaître toute l'étendue de ses gains, charges et fortune. Sauf à développer des moyens considérables et parfaitement inquisitoriaux, l'État serait bien incapable d'asseoir un impôt général aussi bien que peut le faire le premier intéressé. Est-ce que pour autant la déclaration est considérée comme revêtue de sincérité, le fisc en fait-il un traitement adapté à cette nature? On en doutera d'autant plus que bien des aspects du droit positif démontrent le contraire.

3. Contradictions

Plusieurs procédures de contrôle exigent en effet du contribuable qu'il fournisse la preuve de la sincérité de ses déclarations alors même que celles-ci ont été régulièrement déposées. Historiquement on trouve tout d'abord la demande d'éclaircissements ou de justifications, qu'on appellera plus brièvement par son numéro d'imprimé: 2172. L'article 5 de la loi du 30 décembre 1916 permettait à l'administration de solliciter du contribuable des éclaircissements et non des justifications90. Car fournir des explications constitue le prolongement de l'obligation déclarative,

88 M.C. Bergerès, Le principe des droits de la défense en droit fiscal, th. Bordeaux, 1975. p. 49. Komprobst, op. cit., n°456. J.P. Casimir, Les signes extérieurs de revenus. Le contrôle et la reconstitution du revenu global par l'Administration fiscale, LGDJ, 1979. p. 123. 89. A défaut d'être personnel un impôt sera néanmoins rentable s'il est« indolore » ainsi la TVA ou les « impôts sociaux sur le revenu » que sont la CSG et la CRDS. 90 Imbert, op. cit., p.26.

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à l'inverse présenter des justifications, c'est-à-dire un écrit préconstitué, reviendrait à exiger du contribuable une preuve, donc à contredire la présomption d'exactitude. Les débats parlementaires ont démontré que cette distinction fut clairement entendue et soulignée : demander des éclaircissements tend à lever une équivoque, exiger des justifications serait contraindre le contribuable à faire la démonstration qu'il n'a pas entendu échapper à l'impôt91.

Pourtant, dès la création de l'impôt général sur le revenu, la justification de la situation de famille et des charges déductibles fut exigée du contribuable. Ensuite la demande de justification a été étendue à l'ensemble de la déclara· lion dès lors que l'administration pouvait établir que les revenus réellement perçus étaient supérieurs à ceux déclarés92. 11 n'est pas contestable que par l'envoi d'une 2172 on exige du contribuable de fournir un élément de preuve, le terme même est utilisé par l'article L 16 LPF ; donc la présomption d'exactitude est renversée alors que la déclaration a été régulièrement déposée. Néanmoins certains auteurs voient dans la 2172 une modalité du devoir de collaboration du contribuable envers le fisc93 (94), la présomption ne serait donc pas atteinte « dans la mesure où elle est soumise à la volonté du contribuable qui devra se plier aux demandes du service »94. Or, précisément, on comprend mal comment la volonté du débiteur de l'impôt pourrait ici se manifester car, si le destinataire d'une 2172 n'y répond pas, ou fournit une réponse insuffisante, il subira la redoutable taxation d'office. Le contribuable aura certes la volonté de subir des sanctions ... Il apparaît donc que la demande de justifications constitue une contradiction à la présomption d'exactitude.

La taxation d'office est également la conclusion malheureuse, pour le contribuable, d'un examen de situation fiscale personnelle (ESFP). Or toute l'économie de cette procédure consiste à contraindre l'intéressé à faire la preuve de la sincérité de sa déclaration, combien même celle-ci aurait été régulièrement déposée, Tout crédit apparaissant sur les relevés bancaires doit être justifié dès lors qu'il n'a pas été déclaré, il appartient donc au contribuable de prouver le caractère non imposable des sommes en cause. De même l'évaluation du train de vie suppose, pour l'intéressé, de justifier un écart éventuel entre les dépenses réalisées et les revenus déclarés. Le caractère non contraignant de l'ESFP n'est qu'une vue de l'esprit, car le défaut de

91 Kornprobsl, op. cit., n°482. 92 Casimir, op. cit., p. 131. 93. Id., p. 133. 94 Bergerès, op. cit. p. 57.

collaboration conduit à l'envoi d'une 2 172, et le cas échéant, à une taxation d'office.

Enfin la procédure d'imposition selon les éléments du train de vie, prévue à l'article 168 CGI, constitue la plus grande contradiction à la présomption d'exactitude car, longtemps, elle a nécessairement supposé que la déclaration du contribuable fût déposée. Dans cette procédure, l'administration considère que les revenus déclarés sont inexacts et leur substitue une base formée par les éléments du train de vie du contribuable. La loi présume que la propriété d'une résidence, d'une voiture, d'un bateau de plaisance, etc., correspond à un montant prédéterminé de revenus. Pour combattre cette imposition indiciaire, le contribuable doit apporter la preuve de la sincérité de sa déclaration, Le Conseil d'État a considéré que cette procédure n'était pas une taxation d'office car les termes mêmes de l'article 168 supposaient que le contribuable eût déposé sa déclaration95. C'est seulement depuis la loi du 30 décembre 1986 que l'article 168 trouve aussi à s'appliquer en cas d'absence de déclaration, sans pour autant constituer une procédure de taxation d'office puisqu'elle peut toujours être utilisée à l'encontre du contribuable respectueux de ses obligations déclaratives.

Toutes ces procédures, demandes d'éclaircissements ou de justifications. ESFP, article 168, sont donc la démonstration qu'une déclaration peut être présumée inexacte puisqu' il appartient au contribuable de faire la preuve de sa sincérité. Cependant, elles ne sont utilisées en pratique que lorsque de graves soupçons de fraude pèsent sur l'intéressé. En ce sens, leur simple mise en œuvre constitue déjà une sanction, car la lutte contre la fraude consiste avant tout à faire supporter la preuve au contribuable96. Dès lors elles pourraient constituer des exceptions au principe d'une présomption, générale, d'exactitude. Cette idée rejoindrait le principe selon lequel celui qui ne « joue pas le jeu fiscal », soit en ne déposant pas ses déclarations, soit en révélant des faits inexacts, se trouve puni par le fardeau de la preuve. Il nous faut donc sortir de l'hypothèse où la déclaration est suspecte, où l'administration dispose d'éléments permettant de douter de sa sincérité.

Lorsque rien n'autorise le fisc à penser qu'elle serait inexacte, la déclaration ne semble pas pour autant douée d'une valeur probante, sauf à ce qu'un contrôle fiscal puisse l'attester.

Cette triste réalité se vérifie tout d'abord pour une catégorie de déclarations, celles faisant état d'une valeur vénale. Elles se rapportent le plus souvent à J'évaluation d' un immeuble, soit que celui-ci ait fait 95 CE sect., 21 mars 1975, req. 85496. DF 1975.23.775, concl. Fabre. 96 M.C. Bergerès, Quelques aspects dufardeau de la preuve en droit fiscal. GP, 1983, p. 149.

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l'objet d'une mutation, soumise aux droits d'enregistrement ou source d'une plus-value, soit qu'il s'agisse de J'évaluer pour le faire entrer dans la base de l'impôt de solidarité sur la fortune. Pour ces déclarations de valeur vénale, l'administration et le contribuable se livrent au jeu du chat et de la souris; c'est à celui qui attrapera l'autre. Pour tenter sa chance, il est fréquent que le contribuable déclare une somme qu'il sait inférieure à la valeur réelle de l'immeuble, dans l'espoir que le fisc n'y trouve rien à redire. Mais en réalité le contrôle est quasiment systématique, l'inspecteur de fiscalité immobilière n'accordant qu'un crédit limité aux déclarations. Surtout cet agent n'a d'autre solution que de retenir des critères objectifs d'évaluation. il lui faut donc prendre en considération les prix du marché, en particulier condamne le chiffre déclaré en le comparant aux autres mutations intervenues à propos d'un bien similaire à celui en cause. Dans ces conditions, l'imposition qui sera finalement retenue ne peut être qu'étrangère à la volonté du contribuable. Peu importe que celui-ci, en toute bonne foi, ait déclaré un montant qu'il estime sincère, car ce sont les prix du marché qui s'imposeront. On ne peut donc dire que la déclaration de valeur vénale soit douée d'une valeur probante.

Considérée de façon générale, la déclaration peut perdre toute valeur juridique, et donc toute force probante, lorsqu'elle est affectée d'irrégularités. C'est le cas, lorsque par exemple, un élément essentiel de la base imposable fait défaut, comme le montant des recettes réalisées. De même la volonté du contribuable est privée d'effets, et la déclaration de valeur juridique, en cas d'erreur de qualification des sommes imposables ; ainsi un revenu déclaré dans la catégorie des bénéfices non commerciaux alors que ceux-ci, en réalité, sont industriels et commerciaux97. Dans ces diverses situations, J'anomalie est considérée comme suffisamment grave pour que la déclaration soit réputée inexistante98. S'applique alors une procédure d'imposition d'office. La sanction est sévère lorsque l'on sait la complexité des imprimés fiscaux comme du droit fiscal en général. Ainsi une erreur de ligne est vite arrivée, de même la frontière entre BNC et BIC est parfois très difficile à tracer. En pratique, il suffit donc de peu de chose pour que la valeur de la déclaration soit niée à un point tel qu'on la considère comme inexistante. On voit mal, dans ces conditions, comment elle serait douée, a priori, d'une force probante.

Le traitement administratif que la déclaration reçoit laisse peu de doute sur la valeur que les services fiscaux lui accordent. Si elle profitait réellement d'une présomption d'exactitude, la volonté du contribuable devrait suffire à lui conférer cette

97 CE, 23 janvier 1974, req . 84802, Dupont, p. 156 98 Gour, Molinier, Tournié, op. cit., p. 37.

qualité. Or, dès l'étape de la souscription d'une 2042, on oblige son auteur à fournir une liste impressionnante de justificatifs. Autrement dit à faire la preuve de la réalité des chiffres déclarés. Il s'agit par exemple de factures pour les gros travaux, d'imprimés bancaires, une attestation de l'URSSAF pour l'emploi d'un salarié à domicile, une autre en tant que membre d'une association ou d'un centre de gestion agréé, etc. La plupart de ces justificatifs ont pour objet d'aider l'administration lors d'un contrôle ultérieur. Mais certains ont une conséquence directe sur l'établissement de l'impôt. Ainsi les reçus des dons faits aux œuvres, ou les certificats de scolarité, doivent impérativement être joints à la déclaration pour ouvrir droit aux réductions d'impôts; leur absence interdira au contribuable de profiter de l'avantage offert. Or, si la déclaration é tait douée d'une présomption d'exactitude, la bonne foi de son auteur devrait conduire à la conséquence logique que toute somme déclarée serait considérée comme exacte, sans devoir faire la preuve de sa sincérité.

Fraus omnia corrumpit. Comme cet adage mériterait d'être fiscal99. Car c'est la fraude qui corrompt l'ensemble du système déclaratif. Tous les avantages que celui-ci présente, simplicité, souplesse, réalisme, rentabilité, justice, disparaissent si la déclaration n'est pas sincère100 Or le tableau qu'on vient de peindre semble bien traduire ce vice considérable qui ruine toute l'économie du procédé déclaratif. Pas plus aujourd'hui qu' hier on ne fait confiance au contribuable. Dès lors sa volonté est réduite dans ses effets, contrainte par la loi, soit que celle-ci lui dicte sa conduite, soit quelle punisse ses débordements. La sévérité du régime de la déclaration tient sans doute à la nécessité impérieuse de lever l'impôt, mais elle traduit également le peu de crédit qu'on lui accorde. D'où l'absence de fondement d'une présomption d'exactitude qui, par ailleurs, s'oppose à trop de réalités du droit positif. La déclaration ne faisant pas foi, le système ne peut être véritablement déclaratif. L'impôt résulte avant tout d'une décision administrative, explicite ou seulement implicite, qui sanctionne ou valide la volonté du contribuable.

Si la nature même de notre système fiscal ne correspond pas au nom qu'il se donne, en revanche sa structure est conforme à cette idée. Or l'immense défaut du procédé déclaratif est d'accabler le contribuable. Outre le paiement de l’impôt, l’assiette et, de plus en plus, la liquidation de la dette fiscale, pèsent sur son débiteur. Débarrassé du travail d'établissement des impositions, le fisc trouve J'essentiel de sa mission dans le contrôle de celles-ci. Or, à cette occasion, il n'a d'autre choix que de 99 Sans doute le fut-il à son origine, mais celle-ci est douteuse. Cf. H. Roland. L. Boyer, Adages du droit français, 3ème éd., Litec, 1992, p. 288. 100 J. Laferrière, M. Waline, Traité élémentaire de science et de législation financières, LGDJ, 1952, p. 306.

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solliciter celui qui détient la base de l'information fiscale, le contribuable, lequel plie alors sous un autre poids: celui de la preuve. Cette charge est d'au tant plus lourde que la fraude limite le crédit du débiteur de l'impôt. C'est là où semble reposer la clé du problème: tant que le contribuable sera seul à détenir l'essentiel de la vérité fiscale, on ne pourra faire autrement que de le mettre durement à contribution.

Le développement des technologies de l'information devrait autoriser un meilleur partage de la charge fiscale. L'administration reprendra son travail d'établissement de l'impôt, sur la base des renseignements fournis par le porte-monnaie électronique. Par ce moyen le contribuable demeurera certes à l'origine de l'information, mais l'exploitation de celle-ci, au travers d'un vaste réseau, permettra à l'administration de la recouper, donc de s'assurer de son exactitude. Le contrôle fiscal ne pourra disparaître, cependant il sera bien mieux

ciblé, donc moins dangereux pour le contribuable de bonne foi. A cette occasion la collaboration du citoyen restera indispensable, mais il ne sera plus seul à détenir la vérité, donc on accordera plus de crédit à sa parole. La charge de la preuve pourra réellement peser sur l'administration.

On a conscience des dangers que présenterait un tel système pour la liberté du contribuable, par J'accès qu'aurait le fisc à chaque transaction. Mais cela semble moins grave que les conséquences produites par le régime actuel. Il n'est pas sain d'entretenir une suspicion constante envers le citoyen, ni surtout de lui faire entendre qu'il serait digne de confiance alors que les règles de l'impôt démontrent le contraire. On voudrait espérer qu'à J'avenir les obligations du contribuable seront réellement justes et honorables, donc consenties. Parce qu'au final il ne fait de doute que le rendement de l'impôt dépend de la volonté de celui qui le paye.

NOËL (G.), « Vérification de comptabilité – Champ d’application », Jurisc lasseur Procédure f i s ca le , fasc. 323-50, côte 05,2009 (extraits)

Points-clés

- La loi fiscale définit très laconiquement et de manière très parcellaire le champ d'application de la vérification de comptabilité (LPF, art. L. 13, al. 1 et al. 2) (V. n° 1).

- Les dispositions réglementaires (LPF, art. R. 13-1) ne sont guère plus prolixes : elles témoignent tout au plus de la prédominance des éléments matériels sur les éléments personnels dans la délimitation de ce champ d'application (V. n° 2 à 4).

- C'est donc le juge qui a dû cerner avec précision les "éléments vérifiables" dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité. Il l'a fait en fonction d'une double préoccupation : son souci de la protection des contribuables et de l'efficacité de l'action administrative (V. n° 5 à 11).

- Seuls les impôts déclaratifs sont concernés (V. n° 14 à 19).

- Et parmi eux seuls les impôts imposant le respect d'une obligation légale fiscale de tenue de documents comptables (V. n° 20 à 24 et n° 45 à 48), qui n'a pas à être effectivement respectée (V. n° 25 à 27) et qui peut être des plus limitées (V. n° 28 à 32).

[…]

II. - Impôts visés

A. - Principes directeurs

13. - La vérification de comptabilité correspond (CE, plén., 13 mars 1967, n° 62338, Assoc. Football-Club de Strasbourg : Rec. CE 1967, p. 119 ; Dr. fisc. 1967, n° 16, comm. 471 ; Dr. fisc. 1967, n° 45, doctr., concl. F. Lavondès ; BOCD 1967-II-2759) "au contrôle de l'exactitude et de la sincérité des déclarations souscrites, à partir d'une comparaison avec les écritures comptables, ce qui implique un examen critique et donc actif de la comptabilité" (Dr. fisc. 1995, n° 17, comm. 993).

Deux éléments complémentaires sont donc essentiels : seuls les impôts déclaratifs sont concernés ; et parmi eux, seuls les impôts imposant le respect d'une obligation de tenue de documents comptables.

C'est pour cette raison qu'il ne peut y avoir de vérification de comptabilité que lorsque le contribuable est assujetti à la fois à la déclaration des bases d'imposition et à la tenue de documents comptables (CE, plén., 9 janv. 1981, n° 19229 : Dr. fisc. 1981, n° 23, comm. 1227, concl. J.F. Verny ; RJF 1981, p. 136).

1° Seuls les impôts déclaratifs sont concernés

a) Nécessité d'une obligation légale de déclaration fiscale

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14. - La vérification de comptabilité est limitée aux impositions relevant du système de la déclaration contrôlée. C'est assez logique, puisqu'elle a pour objet de s'assurer de la sincérité de ces déclarations (rappr. LPF, art. R. 13-1, a).

Le juge en fait d'ailleurs une exigence absolue : pour lui une vérification de comptabilité est une procédure destinée à comparer et à confronter les documents comptables avec les déclarations (en ce sens V. concl. Gaeremynck sur CE, 6 janv. 1993, n° 64209, M. Perera : Dr. fisc. 1994, n° 14, comm. 690 ; chron. M. Liébert-Champagne, RJF 1987, p. 384).

Remarque : Les fonds communs de placement, n'étant astreints qu'à des obligations déclaratives particulières et étroitement limitées au contrôle des revenus de capitaux mobiliers versés aux porteurs de parts (CGI, ann. III, art. 41 sexdecies A à 41 sexdecies F), ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'une vérification de comptabilité (CE, 23 avr. 2008, n° 271853, SA Kraft Foods France : JurisData n° 2008-081326 ; Dr. fisc. 2008, n° 26, comm. 399, concl. P. Collin ; RJF 2008, n° 863 ; BDCF 2008, n° 97, concl. P. Collin).

b) Non-incidence du défaut de déclaration par le contribuable

15. - Problématique - Les investigations de l'administration fiscale doivent tendre à vérifier la sincérité des déclarations fiscales.

D'où l'interrogation : la souscription effective d'une déclaration fiscale est-elle indispensable pour qu'il y ait vérification de comptabilité ? La réponse n'apparaît pas flagrante et a fait l'objet d'une évolution jurisprudentielle (V. J. Meurant, chron. préc. : Rev. sociétés 1984, p. 495) et d'une dérogation légale limitée (LPF, art. L. 16 D).

16. - Solution jurisprudentielle restrictive à l'origine - M. Bruno Martin Laprade (chron. RJF 1976, p. 224), reprenant ce que le Conseil d'État avait admis dès 1974 (CE, 23 janv. 1974, n° 84802 et 84803 : Dr. fisc. 1974, comm. 478, concl. D. Mandelkern) indiquait alors que "la vérification s'exerce auprès du contribuable même dont l'Administration entend contrôler les déclarations" et que, dès lors, l'absence de déclaration devait entraîner l'inexistence d'une quelconque vérification.

C'était là aussi l'idée développée par M. Mandelkern (concl. sur CE, 23 janv. 1974, préc.) qui avait exposé que, si la communication et la vérification paraissent obéir à la même finalité (l'établissement de l'impôt sur des bases exactes), il n'y aurait cependant pas matière à vérification quand il n'y a pas déclaration. M. Mandelkern indiquait que le fait pour

l'Administration de s'emparer de documents comptables et d'opérer une reconstitution des bases imposables à partir des informations ainsi obtenues ne pouvait être qualifié de vérification. Le commissaire du gouvernement ajoutait que, dans ces circonstances, l'Administration n'avait fait que "rassembler les éléments de ses propres calculs". Cette formule, à la fois ambiguë et curieuse, a alors permis à M. Martin Laprade d'apprécier la notion de vérification de manière restrictive. Il note, en effet, que "l'examen de documents comptables dans le cadre d'une procédure d'évaluation ou de taxation d'office pour absence de déclaration ne saurait avoir le caractère d'une vérification".

17. - Solution restrictive discutable - Si cette conception restrictive de la vérification de comptabilité devait être admise, il faudrait donc admettre que la vérification n'est possible qu'en présence de déclarations et que, dans tous les autres cas, la procédure de contrôle serait à définir comme la communication. Il ne paraît guère possible (et souhaitable) d'admettre une telle conception : la vérification de comptabilité conduit en pratique à la vérification d'une comptabilité, même en l'absence de déclaration.

Il y a donc bien matière à vérifier, même lorsque le contribuable s'est abstenu de produire une déclaration. La vérification de comptabilité doit être à cet égard comprise comme la procédure qui permet, par l'examen d'une comptabilité, d'apprécier la base d'un ou plusieurs impôts donnés. On peut d'ailleurs soutenir que c'est en l'absence de déclarations que la vérification de comptabilité est des mieux justifiée et souvent indispensable. D'autant que fonder le critère de distinction (entre droit de communication et vérification) sur la présence ou l'absence de déclaration, c'est réduire à l'extrême la notion de vérification puisque droit de communication et vérification se présentent alors comme deux institutions de même nature, ayant le même objet et ne se différenciant qu'à l'examen de la situation (déclarative) du contribuable lui-même.

18. - Solution souple actuelle - La jurisprudence ultérieure (et actuelle) admet donc qu'il puisse y avoir vérification de comptabilité même en l'absence de déclarations régulièrement souscrites par le contribuable.

C'est ainsi qu'elle considère (V. chron. P. Philip : Dr. fisc 1998, n° 16, p. 533) que la taxation d'office qui sanctionne l'absence de déclaration d'ensemble, ou son dépôt hors délai, a pour conséquence de rendre sans effet une éventuelle irrégularité de la vérification de comptabilité (CE, plén., 21 juin 1989, n° 52385 : Dr. fisc. 1989, n° 50, comm. 2373, concl. Mme M. de Saint-Pulgent. - CE, plén., 22 déc. 1989, n° 45814-46114 : Dr. fisc. 1990, n° 43, comm. 2027, concl. Ph. Martin ; pour l'emport irrégulier de

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documents comptables, V. CE, 10 mai 1991, n° 68483 : RJF 1991, n° 989 ; pour le caractère inopiné d'une vérification, V. CE, plén., 9 avr. 1986, n° 22961 : Dr. fisc. 1987, n° 1, comm. 23 ; RJF 1986, concl. O. Fouquet). C'est donc bien reconnaître qu'une vérification de comptabilité peut parfaitement être entreprise même en l'absence de déclaration d'ensemble régulière du contribuable.

En outre, il faut noter que lorsque l'administration fiscale procède à une évaluation d'office (LPF, art. L. 73) parce que le contribuable n'a pas produit une déclaration catégorielle obligatoire pour un revenu catégoriel déterminé, l'irrégularité de la vérification de comptabilité est susceptible d'entraîner la nullité de l'imposition quand c'est cette vérification elle-même qui a seule permis à l'administration d'aboutir au constat du défaut de dépôt de la déclaration catégorielle. C'est en effet la vérification et elle seule, qui fait alors apparaître dans le cas visé, que le redevable devait produire une déclaration catégorielle déterminée ; dès lors, la vérification de comptabilité doit être régulière, malgré l'absence de cette déclaration (CE, 10 déc. 1980, n° 14877 et 14878 : Dr. fisc. 1981, comm. 1754). Là aussi, c'est bien la preuve que, pour le juge, une vérification de comptabilité peut parfaitement être entreprise même en l'absence de déclaration catégorielle régulière du contribuable.

D'autant que dans les nombreuses décisions rendues en la matière, la Haute juridiction utilise toujours la même formule pour affirmer sa solution : "Considérant qu'il est constant que M. X... a déposé tardivement la déclaration qu'il était tenu de souscrire (ou : n'a pas déposé la déclaration)... que l'Administration était en conséquence fondée à arrêter d'office les bases d'imposition ; que, dès lors si l'Administration a néanmoins procédé à une vérification de la comptabilité, comme elle en avait le droit, les irrégularités dont serait entachée cette vérification sont, en tout état de cause, sans

influence sur la régularité de la procédure d'imposition" (CE, 9 déc. 1981, n° 18737 : Dr. fisc. 1982, comm. 1072, concl. Rivière pour un dépôt hors délai. - CE, 15 janv. 1982, n° 19730 : RJF 1982, p. 148 pour une absence de dépôt).

La cause est donc entendue : l'absence de déclaration (d'ensemble ou catégorielle) n'est (plus) un obstacle à la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité ; et il peut donc bien y avoir vérification de comptabilité même en l'absence de cette déclaration.

19. - Dérogation légale limitée (LPF, art. L. 16 D) : possibilité légale d'une vérification de comptabilité au titre d'une année pour laquelle le délai de déclaration n'est pas encore expiré. - L'administration fiscale n'est plus dans l'obligation d'attendre la première déclaration annuelle pour contrôler les opérations réalisées ou facturées par les redevables de la TVA relevant du régime simplifié d'imposition. L'article L. 16 D du LPF (issu L. n° 2005-1720, 30 déc. 2005, art. 90, II. - Instr. 30 août 2006 : BOI 13 L-4-06 ; Dr. fisc. 2006, n° 37, instr. 13596) institue une dérogation légale à la règle jurisprudentielle suivant laquelle la procédure de vérification de comptabilité est irrégulière quand l'avis de vérification a été adressé au contribuable avant que n'expire le délai légal limite de dépôt de sa déclaration (V. Fasc. 337).

Les entreprises placées sous le régime simplifié d'imposition peuvent donc désormais faire l'objet d'une vérification de comptabilité à partir du deuxième mois suivant la réalisation ou la facturation des opérations. Toutes les garanties de la vérification de comptabilité doivent alors être respectées.

Il s'agit d'un élément du dispositif mis en place pour renforcer les moyens de lutte contre la fraude organisée en matière de TVA (fraude dite "carrousel") (Instr. 30 août 2006, préc.).

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Tableau : Classification des impôts

IR

TVA DE IS I Locaux Dts de

douane

Dts

indirects /

Accises

I Directs : x x x x x

I Indirects : x x

I Réels : x x (TF et TFNB)

x x

I Personnels : x x x x (TH)

I de répartition :

I de quotité : x x x x x x x

I spécifique : x

I ad valorem : x x x x x x

CE, 22 mars 1985, nos48702 et 48703 ; Socié té c iv i l e Eurolangues-vacances s tudieuses

Considérant que les requêtes susvisées émanent du même contribuable et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision ; Sur le principe de l'assujettissement de la société civile particulière X à l'impôt sur les sociétés, à la contribution exceptionnelle et à la taxe d'apprentissage :

Considérant qu'aux termes de l'article 206 du CGI : « 1... sont passibles de l'impôt sur les sociétés, quel que soit leur objet, les SA, les sociétés en commandite par actions, les SARL n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, les sociétés coopératives et leurs unions ainsi que... les établissements publics... et toutes autres personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif. 2... sous réserve des dispositions de l'article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt, même lorsqu'elles ne revêtent pas une des formes visées au 1, si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 » ; que, lorsqu'une société est passible de l'impôt sur les sociétés, elle se trouve de plein droit passible de la taxe d'apprentissage, en vertu des dispositions de

l'article 224 du CGI ; qu'elle entre également dans le champ d'application de la contribution exceptionnelle instituée au titre des années 1974 et 1976, si elle a réalisé des bénéfices en 1973 et 1975 ;

Considérant que la société civile particulière X a pour objet d'organiser des séjours linguistiques à l'étranger, comportant pour les élèves, l'accueil comme hôtes payants dans des familles et la participation à des cours dispensés par des enseignants étrangers ; qu'il résulte de l'instruction que les associés de cette société, d'ailleurs domiciliés hors de France, se bornaient à participer à sa gestion, sans contribuer personnellement à des activités d'enseignement ou de direction technique de ladite société, qu'en outre la société utilisait les services d'une vingtaine de personnes qui ne participaient pas à la gestion de l'entreprise et à la répartition des bénéfices sociaux, et se bornaient à préparer le matériel pédagogique, constitué par des livres et des bandes magnétiques, destiné à servir de support aux cours ; que, dans ces conditions, les bénéfices de cette société ne peuvent être regardés comme provenant principalement de l'activité d'enseignement de ses dirigeants et de la mise en oeuvre de leurs compétences propres en matière

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pédagogique ou technique ; que, dès lors, en admettant même que l'ensemble des services dispensés aux élèves soit regardé comme relevant d'une activité d'enseignement, c'est à bon droit que l'administration a regardé la société comme se livrant à une activité de nature commerciale au sens des dispositions de l'article 34 du CGI, et comme étant, par suite, en vertu des dispositions précitées de l'article 206 du même Code, passible de l'impôt sur les sociétés au titre des années 1973, 1974, 1975 et 1976, et, par voie de conséquence, de la taxe d'apprentissage, ainsi que, au titre des années 1974 et 1976, de la contribution exceptionnelle ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition et la charge de la preuve :

Considérant qu'il est constant que la société requérante n'a pas fait, au titre des années d'imposition concernées, les déclarations prévues aux articles 172 et 175 du Code ; que, à défaut de déclaration dans les délais, le bénéfice imposable est fixé d'office en vertu des dispositions combinées des articles 209 et 59 du même Code ; que le moyen tiré par la société de la circonstance qu'elle a souscrit chaque année la déclaration exigée des personnes qui réalisent des bénéfices non commerciaux est inopérant, dès lors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, son activité était de caractère commercial ; que, si la société soutient que l'application de la procédure d'office aurait dû, en vertu des dispositions de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, être précédée d'une mise en demeure, ce moyen doit en tout état de cause être écarté, dès lors que les dispositions dont s'agit ne visent pas l'imposition à l'impôt sur les sociétés et à la taxe d'apprentissage ;

Considérant qu'il est également constant que la société n'a pas fait la déclaration prévue à l'article 229 du Code indiquant le montant des salaires et autres rémunérations passibles de la taxe d'apprentissage ; que, dès lors, en vertu des dispositions dudit article 229 du Code,

l'administration a pu à bon droit l'assujettir d'office à cette taxe ; que la circonstance que la société requérante aurait commis de bonne foi cette omission est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition d'office ;

Considérant que, régulièrement soumise à une procédure d'évaluation d'office, la société requérante ne peut obtenir décharge ou réduction des impositions qu'elle conteste qu'en apportant la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;

Sur le montant des bases d'imposition :

Considérant que le contribuable soutient que le service aurait fait, pour le calcul des résultats de la société, imposables à l'impôt sur les sociétés et évalués d'office, une application erronée des règles comptables applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux et, notamment, qu'il aurait omis de tenir compte de charges se rattachant aux exercices clos pendant la période d'imposition concernée ; qu'il produit en ce sens un certain nombre de documents comptables ; que, de son côté, l'administration n'apporte pas d'éléments suffisamment précis pour justifier de la méthode selon laquelle elle a procédé aux redressements contestés, eu égard à la circonstance qu'il s'agissait de déterminer les bases d'imposition de la société, non plus selon les règles en vigueur en matière de bénéfices non commerciaux, mais selon celles applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner, sur ce point, un supplément d'instruction contradictoire ;

Considérant que la société requérante demande à être déchargée des majorations dont ont été assorties les impositions en litige ; qu'eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, il y a lieu de réserver ce point pour y être statué en fin d'instance ;

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SÉANCE 5 Les moyens d’investigations de

l’administration fiscale

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 143-159.

BELTRAME (P.), La fiscalité en France, Paris, Hachette Supérieur, coll. « Les fondamentaux », 13ème édition, 2007-2008, 160 p.

CASIMIR (J.-P.), Contrôle fiscal : contentieux – recouvrement, Paris, Groupe Revue Fiduciaire, Coll. Les codes RF, 11ème éd., 2010 (voir les notes sous les articles concernés).

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L 10, L 11, L 16, L 38, L 81).

Documents :

o COLLIN (P.), Concl. sur CE, 1er décembre 2004, n°258774, Jallet, BDCF, 2/05, n°108.

Jurisprudence :

o CE, 1er décembre 2004, n°258774, Jallet.

o CE, 1er juillet 1987, n°54222, Marcantetti, Concl. Fouquet ;

o CE, 10 janvier 2001, n°211967-212114, Loubet ;

o CE, 6 décembre 1995, n°126826, SA SAMEP ;

o CE, 5 mai 2008, n°291229, Barbonneau ;

III. Exercices

1. Pour chaque décision, établissez les faits, la procédure, le problème juridique et la solution de la juridiction

2. Commentaire sur le droit de communication : CE, 5 mai 2008, n°291229, Barbonneau.

3. Cas pratique sur les demandes de renseignements et de justification : Au mois de novembre 2009, M. CHEVAL, inspecteur des impôts, adresse à Mme BROCHANT, sans profession, un courrier lui demandant de lui préciser si M. LEBLANC, avec qui elle a une liaison, possède un appartement dans le centre ville de Paris. Dans son courrier M. CHEVAL lui demande également de prouver que les dîners organisés régulièrement par son mari, salarié dans une grande galerie d’art parisienne, et déclarés comme frais professionnels, sont bien de cette nature. Mme BROCHANT est-elle dans l’obligation de répondre ?

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Livre des procédures fiscales

Article L 10 : « L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances.

Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat.

A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés.

Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration ».

Article L 11 : « A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification ».

Article L 16 : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger.

L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts ainsi que des gains de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux tels qu'ils sont définis aux articles 150-0 A à 150-0 E du même code et des plus-values telles qu'elles sont définies aux articles 150 U à 150 VH du même code.

Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. En particulier, si le contribuable allègue la possession de bons ou de titres dont les intérêts ou arrérages sont exclus du décompte des revenus imposables en vertu de l'article 157 du même code, l'administration peut exiger la preuve de la possession de ces bons ou titres et celle de la date à laquelle ils sont entrés dans le patrimoine de l'intéressé. Le contribuable ne peut pas alléguer la vente ou le remboursement de bons mentionnés au 2° du III bis de l'article 125 A du code général des impôts, ou de titres de même nature, quelle que soit leur date d'émission, lorsqu'il n'avait pas communiqué son identité et son domicile fiscal à l'établissement payeur dans les conditions prévues au 4° et 6° du III bis du même article. Il en va de même pour les ventes d'or monnayé ou d'or en barres ou en lingots de poids et de titres admis par la Banque de France, lorsque l'identité et le domicile du vendeur n'ont pas été enregistrés par l'intermédiaire ou lorsqu'elles ne sont pas attestées par la comptabilité de l'intermédiaire.

Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ».

Article L 38 : 1. Pour la recherche et la constatation des infractions aux dispositions du titre III de la première partie du livre Ier du code général des impôts et aux législations édictant les mêmes règles en matière de procédure et de recouvrement, les agents habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes, peuvent effectuer des visites en tous lieux, même privés, où les pièces, documents, objets ou marchandises se rapportant à ces infractions sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. Ils sont accompagnés d'un officier de police judiciaire.

2. Hormis les cas de flagrance, chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter ».

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Article L 81 : « Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées.

Le droit prévu au premier alinéa s'exerce quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents.

Le droit de communication est étendu, en ce qui concerne les documents mentionnés aux articles L. 83 à L. 95, au profit des agents des administrations chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le code général des impôts ».

COLLIN (P.), Concl. sur CE, 1er décembre 2004, n°258774, Jal l e t , BDCF, 2/05, n°12

Conclusions du commissaire du gouvernement Pierre COLLIN.

Quelles sont les incidences des irrégularités entachant un ESFP lorsque les redressements procèdent exclusivement de l'exercice par l'administration de son droit de communication ?

CE 1er décembre 2004 n°258774, Jallet, RJF 2/05 n°108

Le contribuable avait détourné à son profit des bons anonymes appartenant à une personne dont il gérait la fortune

M. et Mme Jallet ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1991 à 1993 à l'issue duquel des redressements leur ont été notifiés dans la catégories des bénéfices non commerciaux pour les années 1991 et 1992 à raison de fonds issus du détournement de bons anonymes opérés par M. Jallet au détriment de tiers dont il gérait la fortune. Ces détournements de fonds avaient été révélés au cours d'une procédure pénale pour abus de confiance engagée parallèlement. Des procès-verbaux d'audition avaient été transmis par l'autorité judiciaire à l'administration fiscale à la suite de l'exercice par cette dernière de son droit de communication.

Informée par communication de pièces de la procédure judiciaire, l'administration avait taxé ces sommes dans la catégorie des BNC en même temps qu'elle opérait un ESFP

Des compléments d'impôt sur le revenu et de CSG ont en conséquence été mis en recouvrement le 30 septembre 1995, assortis de pénalités pour absence de bonne foi, pour un montant total d'un peu moins d'1 MF. Après le rejet de leur réclamation, les _poux Jallet ont saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande en décharge qui a été rejetée par un jugement du 24 septembre 1998.

La cour avait accordé la décharge des redressements au motif que l'ESFP s'était achevée sans dialogue contradictoire

Mais par un arrêt du 15 mai 2003, la cour administrative d'appel de Lyon a inversé_ la solution du litige et accordé la décharge sollicitée, motif pris de ce que l'examen de la situation fiscale personnelle s'était achevée sans que le vérificateur ait au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisageait de retenir.

Le ministre se pourvoit régulièrement en cassation contre cet arrêt.

Il soulève un unique moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que l'existence et les montants des détournements de fonds avaient été révélés par l'instance pénale et que l'administration fiscale avait régulièrement obtenu communication des procès-verbaux d'audition, que l'irrégularité de l'examen de la situation fiscale personnelle viciait les redressements. Le ministre soutient au contraire que lorsque les redressements procèdent exclusivement du droit de communication et non des constatations faites au cours de la procédure de vérification, l'éventuelle irrégularité de cette dernière est sans incidence sur la légalité de l'imposition.

Il est exact que l'administration doit engager un débat contradictoire avec le contribuable vérifié avant la notification des redressements

Le ministre a parfaitement raison. Il est certes exact, ainsi que l'a rappelé la cour, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement sans avoir au préalable engagé un débat contradictoire avec le contribuable sur les éléments qu'il envisage de retenir (CE 10 janvier 2001 n° 211967-212114, min c/ Loubet, Murgis et a. : RJF 4/01 n_ 436 avec chronique J. Maïa p. 295, conclusions S. Austry BDCF 4/01 n° 47). Mais vous avez toujours jugé, sous l'empire de

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la procédure de vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble qu'il y avait indépendance entre cette procédure et l'exercice par l'administration de son droit de communication (CE 17 novembre 1986 n° 52403 : RJF 1/87 n° 4) et que les irrégularités éventuelles entachant une vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble étaient sans influence sur la procédure d'imposition lorsque les redressements notifies _ l'issue de cette vérification trouvaient leur origine exclusive dans des informations communiquées à l'administration fiscale par une autre administration (CE 9 novembre 1990 n° 78795, Giral : RJF 1/91 n° 56). De manière plus générale, vous jugez que les moyens tirés de l'irrégularité de la vérification ne sont opérants que dans la mesure où les redressements notifiés à l'issue de celle-ci trouvent leur origine dans les constatations faites par l'inspecteur des impôts au cours de la vérification (CE 18 mai 1984 n_ 34234 : RJF 7/84 n_ 813).

Mais les irrégularités entachant l'ESFP sont sans conséquence sur les redressements lorsque ceux-ci procèdent exclusivement de l'exercice du droit de communication

Vous avez récemment confirmé cette jurisprudence sous le régime de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle (ESFP), dans un cas où comme dans la présente espèce, le redressement s'appuyait non pas sur des éléments obtenus dans le cadre de la procédure de vérification irrégulière mais sur des informations communiquées auparavant par l'autorité judiciaire sur demande de l'administration fiscale (cf. min c/ Loubet, Murgis et a. prec).

Dans ces conditions, vous ne pourrez que faire droit au moyen d'erreur de droit et casser l'arrêt.

Après cassation, le Conseil d'État devait examiner les nombreux moyens d'appel

Vous devrez régler l'affaire au fond par application de l'article L 821-2 du Code de justice administrative.

Une simple demande de renseignements, qui n'est ni une demande d'éclaircissements ni une demande de justifications, n'a pas à respecter le formalisme de l'article L 16 du LPF

Devant les juges du fond, il était d'abord soutenu que l'administration avait fait un usage irrégulier de l'article L 16 du LPF en omettant d'indiquer le délai de réponse dans la demande d'informations alors pourtant que cette disposition l'exige. Mais ainsi que nous l'avons indiqué, une telle irrégularité, à la supposer avérée, est sans incidence sur la légalité de la procédure d'imposition dès lors que le redressement ne procède pas des éléments obtenus par la voie de l'article L 16 mais uniquement de l'exercice du droit de communication (cf., précisément, la décision Loubet au sujet d'une

irrégularité dans l'utilisation de cette disposition). En tout état de cause, la demande adressée au contribuable le 20 septembre 1994 était une simple demande de renseignement visée à l'article L 10 du LPF, non contraignante à l'égard du contribuable, et non une demande d'éclaircissements ou de justifications au sens de l'article L 16.

Les époux Jallet soutenaient également que l'avis d'examen de la situation fiscale personnelle serait parvenu au contribuable après sa convocation à un premier entretien. Mais outre que ce moyen est inopérant pour être dirigé contre la régularité de l'examen de la situation fiscale personnelle, cette circonstance n'est pas de nature à vicier ce dernier. La seule chose qui importe c'est qu'un délai suffisant soit laissé au contribuable entre la réception de l'avis de vérification et le début des opérations correspondantes.

L'exercice du droit de communication n'était pas, en l'espèce, une vérification de comptabilité déguisée

Il est encore soutenu qu'il était nécessaire que l'administration engage une vérification de comptabilité. Il est exact que vous vérifiez si, sous couvert d'une mise en œuvre de son droit de communication, lequel peut s'exercer à l'égard du contribuable lui-même et porter sur des documents comptables, l'administration fiscale n'entame pas en réalité une vérification de comptabilité sans offrir au contribuable les garanties attachées à cette procédure (CE 6 octobre 2000 n_ 208765 sect., SARL Trace : RJF 12/00 n_ 1497, avec chronique J. Maïa p. 895, conclusions G. Bachelier BDCF 12/00 n_ 139). Mais en l'espèce, un tel détournement de procédure ne pouvait par construction se produire dans la mesure où les informations en cause avaient été obtenues du juge judiciaire et n'avaient rien à voir avec le type d'éléments recueillis et traités au cours d'une vérification de comptabilité_.

Si le contribuable doit être informé, avant la mise en recouvrement sur l'origine, la nature et le contenu des informations obtenues par le droit de communication et qui ont servi à établir les redressements, aucun débat contradictoire n'est exigé sur ce point

Il _tait également reproché à l'administration de ne pas avoir engagé de débat contradictoire sur les motifs du redressement. Ce moyen est celui qui avait à tort été accueilli par la cour. Ainsi que nous l'avons dit, il est inopérant en ce qu'il touche à la régularité de l'examen de la situation fiscale personnelle. Pour le reste, il est de jurisprudence constante que si l'exercice du droit de communication doit s'accompagner d'une information du contribuable, avant la mise en recouvrement des impositions, sur l'origine, la nature et le contenu des informations ainsi obtenues et qui ont servi à les établir (CE 23

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décembre 1990 n° 103101 SA Antipolia : RJF 2/91 n° 200, conclusions J. Arrighi de Casanova Dr. fisc. 7/91 c. 259 ; CE 13 octobre 1999, n° 181010 et 181209, min. c/ Blanc : RJF 12/99 n° 1582), il n'existe aucune obligation de débat contradictoire, oral ou écrit, sur ce point (CE 28 juillet 2004 n° 248542, Soligon : RJF 11/04 n° 1166).

Le droit de communication s'exerce à tout moment, indépendamment de l'ESFP

La requête d'appel articulait ensuite des moyens dirigés contre la régularité de la mise en œuvre du droit de communication. Mais dès lors que celui-ci peut s'exercer à tout moment, indépendamment de l'examen de la situation fiscale personnelle, la circonstance qu'il aurait été utilisé avant la notification de l'avis de vérification et avant le début de l'examen est sans incidence sur la légalité des impositions. Il en va de même de la circonstance que le vérificateur n'aurait pas fait _tat des informations ainsi obtenues au cours de l'examen de la situation fiscale personnelle dès lors qu'il n'est pas soutenu que l'information que l'administration est tenue de délivrer au contribuable ne l'aurait pas été avant la mise en recouvrement. Par ailleurs, rien n'obligeait l'administration à spontanément produire copie des documents obtenus du juge judiciaire. C'est en effet au contribuable, dûment informé de l'origine, la nature et le contenu des éléments obtenus de tiers par le droit de communication, d'en demander la production (SA Antipolia précité).

Le dernier moyen était tiré de la violation du secret bancaire

Pour finir, les époux Jallet reprochent à la procédure d'imposition d'être entachée d'une violation du secret bancaire.

Il est exact que si l'administration tient des articles L 83 et L 85 du LPF un droit de communication _ l'égard des entreprises bancaires, sa mise en œuvre ne supprime pas pour autant le secret bancaire. L'exercice du droit de communication auprès des établissements de crédit ne peut ainsi avoir pour résultat de faire échec à des dispositions législatives ou règlementaires s'appliquant notamment en matière d'anonymat de certaines institutions d'épargne comme les souscriptions de bons anonymes (D. adm. 13K-1232 n_ 4 du 1er juin 2001). La possibilité offerte au souscripteur de certains titres de s'opposer à ce que l'établissement qui assure le paiement des intérêts communique son identité et son domicile fiscal à l'administration fiscale, qui se traduit par une fiscalité alourdie instituée par les articles 990 A à C du CGI, ne saurait se trouver réduite à néant par le droit de communication.

Contrairement à ce qu'avait jugé le TA, la circonstance que les éléments incriminés avaient été obtenus de l'autorité judiciaire et non

directement des banques ne suffisait pas à écarter le moyen

Par ailleurs, la réponse apportée à ce moyen par le tribunal administratif et par l'administration en défense, qui consiste à regarder comme sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition une éventuelle violation du secret professionnel dès lors que les informations ont été obtenues du juge pénal et non de la banque, que seule la procédure pénale pourrait ainsi être entachée d'irrégularité et que cette irrégularité ne pourrait rejaillir sur la procédure d'imposition du fait de l'indépendance des procédures rappelées par la jurisprudence Samep (CE 6 décembre 1995 n° 126826 sect. : RJF 1/96 n° 62 avec chronique G. Goulard p. 2, conclusions G. Bachelier BDCF 1/96 p. 62), ne nous semble guère pertinente. Cette jurisprudence n'a en effet pas la portée que lui prête l'administration. S'il est exact que, dès lors que l'administration fiscale a obtenu régulièrement communication des pièces détenues par l'autorité judiciaire, la circonstance que certaines de ces pièces ont été ultérieurement déclarées nulles par le juge pénal est sans influence sur la régularité de l'exercice par l'administration de son droit de communication, cette jurisprudence ne vise que des causes d'irrégularité qui sont propres à la procédure judiciaire sans pouvoir s'étendre à la procédure fiscale. Il en va autrement lorsque la violation du secret tient à la simple obtention et au versement au dossier par l'administration fiscale de certaines informations, quelle qu'en soit l'origine. Vous jugez ainsi qu'un vérificateur ne peut utiliser, sans entacher la procédure d'imposition d'irrégularités, des documents qui lui ont été communiqués par l'autorité judiciaire sur le fondement de l'article L 101 du LPF et qui comportent des indications nominatives relatives aux patients d'un médecine, ce qui constitue une violation du secret médical (CE 17 juin 1998, n° 156532 min. c/ Chung : RJF 7/98 n° 827 avec chronique S. Verclytte p. 535, conclusions G. Goulard BDCF 4/98 n° 86).

Mais le requérant n'indiquait pas en quoi le fait pour l'administration de se fonder sur ce qu'il avait détourné à son profit des bons qui avaient été souscrits par un tiers violait le secret bancaire

Le moyen n'est pas absurde dans son principe. Mais il n'est qu'effleuré en une ligne et n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il n'est notamment pas exposé en quoi l'administration aurait violé le secret bancaire en se fondant sur ce que M. Jallet avait détourné à son profit des bons qui avaient été souscrits par un tiers. Au surplus, les requérants le soulèvent non directement à l’encontre des redressements prononcés à leur encontre mais exclusivement au soutien de leur contestation de la régularité de l'examen de la situation fiscale personnelle, qui est

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sans incidence sur les redressements qui n'en procèdent pas.

Les dispositions de l'article L 761-1 font obstacle à la condamnation de l'État, qui n'est pas la partie perdante.

Par ces motifs, nous concluons :

- à l'annulation de l'arrêt attaqué ;

- au rejet de l'appel des époux Jallet ;

- au rejet de leur demande de frais irrépétibles en cassation.

.

CE, 1er décembre 2004, n°258774, Jal l e t

Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle diligenté le 11 mai 1994, le vérificateur a, par une notification de redressement en date du 20 octobre 1994, informé M. et Mme X de son intention d'imposer, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 1991 et 1992, des détournements de fonds, dont l'existence et les montants avaient été révélés lors d'une instance pénale par des procès-verbaux d'audition datés des 17 septembre, 19 octobre, 6 et 7 décembre 1993, communiqués par l'autorité judiciaire, le 7 janvier 1994, à la demande de l'administration ; que, par un arrêt du 15 mai 2003, la cour administrative d'appel de Lyon a fait droit aux conclusions de M. et Mme X tendant à la décharge des impositions en litige et des pénalités y afférentes ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêt du 15 mai 2003 de la cour administrative d'appel de Lyon :

Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les éléments qu'il envisage de retenir ;

Considérant qu'après avoir souverainement estimé que le dialogue exigé par ces dispositions n'avait pas été proposé à M. et Mme X préalablement à l'envoi, le 20 octobre 1994, de la notification de redressement, la cour administrative d'appel de Lyon en a justement déduit que la procédure d'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle était entachée d'irrégularité ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des énonciations souveraines auxquelles s'est livrée la cour que l'imposition des fonds détournés par M. et Mme X dans la catégorie des bénéfices non commerciaux a exclusivement trouvé son origine dans les informations communiquées à l'administration

fiscale par l'autorité judiciaire le 7 janvier 1994 ; qu'elle n'a, par suite, pu être affectée par l'irrégularité susmentionnée ; que dès lors, en prononçant, sur le fondement de cette irrégularité, la décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes, la cour n'a pas tiré les conséquences légales qu'imposaient ses propres constatations, et a ainsi commis une erreur de droit ; que, par suite, l'arrêt du 15 mai 2003 de la cour administrative d'appel de Lyon doit être annulé ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;

Sur la régularité de la procédure :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la notification de redressement en date du 20 octobre 1994, que les suppléments de cotisations d'impôt sur le revenu mis à la charge de M. et Mme X et les pénalités y afférentes ont procédé, à titre exclusif, des procès-verbaux d'audition en date des 17 septembre, 19 octobre, 6 et 7 décembre 1993, communiqués par l'autorité judiciaire ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme X ne peuvent utilement se prévaloir, à l'appui de leurs conclusions, de l'irrégularité tenant, notamment, à la méconnaissance de l'obligation d'engager un dialogue contradictoire dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale, dès lors qu'à la supposer établie, celle-ci resterait sans incidence sur la régularité des rehaussements en litige, qui procèdent seulement de l'exercice par l'administration de son droit de communication ;

Considérant, d'autre part, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que la procédure serait entachée d'irrégularité pour n'avoir pas revêtu les formes d'une vérification de comptabilité, dès lors, en tout état de cause, qu'il résulte de l'instruction que les conditions pouvant justifier sa mise en oeuvre n'étaient pas réunies ; qu'ils ne peuvent davantage soutenir que le vérificateur, lors de l'expédition de sa demande de renseignements en date du 20 septembre 1994, était tenu de se conformer aux règles de forme et de procédure fixées par les dispositions de l'article

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L. 16 du livre des procédures fiscales et les prescriptions de la charte du contribuable vérifié, dès lors que ce courrier ne constituait pas une demande d'éclaircissements et de justifications au sens de ces dispositions et que l'administration n'était pas tenue de recourir à une telle demande dans le cadre du présent litige ;

Sur l'exercice par l'administration de son droit de communication :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 81 du livre des procédures fiscales : Le droit de communication permet aux agents de l'administration, pour l'établissement de l'assiette et le contrôle des impôts, d'avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées ; qu'aux termes de l'article L. 82 C du même livre : A l'occasion de toute instance devant les juridictions civiles ou criminelles, le ministère public peut communiquer les dossiers à l'administration des finances ;

Considérant, en premier lieu, que si M. et Mme X soutiennent qu'à la date de la notification des redressements envisagés, aucune décision pénale définitive n'était intervenue, de sorte que les faits sur lesquels a entendu s'appuyer l'administration n'étaient pas définitivement établis, cette circonstance est sans influence sur l'exercice par l'administration de son droit de communication, et ne fait pas obstacle à ce que les éléments ainsi recueillis soient utilisés, pour établir l'impôt ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance qu'un examen de la situation fiscale personnelle de contribuables ait été diligenté, n'empêche pas l'administration d'exercer son droit de communication auprès de tiers, avant, pendant ou après cet examen ; que, dès lors, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne pouvait valablement exercer ce droit sans leur avoir au préalable adressé un avis de vérification ;

Considérant, en troisième lieu, qu'est sans incidence sur la régularité de l'exercice du droit de communication la circonstance que le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable, à l'occasion de l'examen de sa situation fiscale personnelle, en vue de lui permettre de les discuter, des éléments d'information que, par ailleurs, il a pu recueillir auprès de tiers en vertu de ce droit ; que, dès lors, M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que l'administration était, à peine d'irrégularité, tenue à un dialogue contradictoire relatif à ces éléments avant la date de notification des redressements ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. et Mme X ne sauraient utilement soutenir que le droit de communication exercé par l'administration et portant sur l'origine et le montant des fonds perçus par M. X à la suite de la vente par ses soins de bons anonymes, violerait le secret bancaire ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il incombe à l'administration fiscale d'informer le contribuable de la teneur des renseignements qu'elle a pu recueillir dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, afin que l'intéressé ait la possibilité de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration a suffisamment informé M. et Mme X, à l'occasion de la notification de redressement du 20 octobre 1994, sur la nature et la teneur des renseignements recueillis auprès de l'autorité judiciaire ; qu'ils ne sont, ainsi, pas fondés à soutenir qu'ils n'auraient pas disposé de ces renseignements, ni que ces derniers auraient dû leur être communiqués avant la notification des redressements envisagés, dès lors que celle-ci leur a été notifiée le 27 octobre 1994, alors que les impositions en litige n'ont été mises en recouvrement que le 30 septembre 1995, et qu'ils ont ainsi disposé, avant cette date, de la possibilité de discuter les éléments retenus par l'administration et d'en demander communication ; qu'ils ne sont pas davantage fondés à soutenir qu'ils n'ont pas eu accès aux pièces transmises par l'autorité judiciaire, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'ils en aient fait la demande ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement en date du 24 septembre 1998, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1991 et 1992 ;

Sur les conclusions de M. et Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent M. et Mme X au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que, par suite, les conclusions présentées en ce sens devant la cour administrative d'appel de Lyon et devant le Conseil d'Etat ne peuvent qu'être rejetées.

CE, 1er juillet 1987, n°54222, Marcantet t i , Concl. Fouquet

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Considérant que si l'administration est en droit d'utiliser, pour les besoins de l'établissement de l'assiette et du contrôle des impositions de toute nature, tous les renseignements qu'elle a pu recueillir auprès des simples particuliers, elle ne peut pas, pour obtenir ces renseignements, se prévaloir auprès d'eux des dispositions du chapitre VII du livre II du code général des impôts, dont les dispositions ont été reprises au chapitre II du livre des procédures fiscales, relatives au droit de communication, qui ne leur sont pas applicables et risquent ainsi de les induire en erreur sur l'étendue de leurs obligations à son égard ;

Considérant que pour établir que M. X..., qui exerçait à Marseille la profession de conseiller juridique et fiscal, avait minoré le montant de ses recettes non commerciales, le vérificateur a envoyé à 300 clients de celui-ci un questionnaire se référant expressément aux articles 1987 et suivants du code général des impôts relatifs au droit de communication, alors qu'une moitié environ des destinataires du questionnaire n'étaient pas soumis à ce droit ; que ces derniers ont pu croire, à tort, qu'ils étaient obligés de fournir les renseignements qui leur

étaient demandés, sous peine d'encourir les pénalités prévues à l'article 1740 du code général des impôts ; qu'en induisant ainsi en erreur une grande partie des personnes questionnées sur l'étendue de leurs obligations à l'égard de l'administration, le vérificateur a entaché d'irrégularité l'enquête à laquelle il a procédé ; que la méthode utilisée par l'administration pour déterminer les minorations de recettes servant de base aux redressements contestés, telle qu'elle l'a exposée devant le juge de l'impôt, ne permet pas d'isoler une partie des redressements qui ne procéderait pas des renseinements recueillis auprès de clients de M. X... non soumis au droit de communication ; que dans ces conditions et compte tenu du nombre important des questionnaires irréguliers, l'irrégularité de l'enquête entraîne, en l'espèce, celle de la procédure d'imposition et la décharge des impositions contestées ; que, dès lors, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 4 juillet 1983 est annulé.

CE, 10 janvier 2001, n°211967-212114, Loubet

Considérant qu'il résulte du dossier soumis aux juges du fond que, sur la base des informations qu'elle avait obtenues par l'exercice de son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale a notifié le 29 novembre 1989 à M. X... un redressement de ses revenus imposables de 1986, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; qu'elle a par ailleurs, le 12 décembre 1989, avisé M. X... qu'elle entreprenait, au titre des années 1987 et 1988, l'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle prévu à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ; qu'ayant réuni des éléments établissant qu'il pouvait avoir perçu au cours de ces deux années des revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés, elle lui a alors adressé, le 11 avril 1990, des demandes de justification sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, puis lui a notifié, pour ces deux années, des redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ainsi que, pour l'année 1987, un redressement à raison de revenus d'origine indéterminée ; que dans son arrêt du 6 juillet 1999, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les conclusions en décharge de M. X... relatives à

l'année 1986, mais a en revanche prononcé la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années 1987 et 1988 ; que les héritiers de M. X... et le ministre des finances se sont pourvus en cassation contre cet arrêt ; qu'il y a lieu de joindre ces deux pourvois pour y statuer par une seule décision ;

Sur le recours du ministre :

Considérant que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans saversion remise à M. X..., la "charte des droits et obligations du contribuable vérifié", rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; que la méconnaissance de cette

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exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié ;

Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel a souverainement estimé que le dialogue exigé par les dispositions susmentionnées de la charte n'avait pas été proposé à M. X... avant qu'il ne reçoive les demandes du 11 avril 1990 ; qu'elle en a justement déduit que l'utilisation faite de l'article L. 16 avait été irrégulière ;

Considérant, toutefois, que l'irrégularité dont étaient ainsi entachées ces demandes de justifications faisait seulement obstacle à ce que le service puisse, en application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, taxer d'office les revenus de l'année 1987 dont l'origine était restée indéterminée après la réponse de M. X... ; qu'en revanche, ainsi que le précisait la notification de redressement, l'imposition, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, des distributions occultes effectuées par la société Promodis en 1987 et 1988 avait exclusivement pour origine les informations communiquées à l'administration fiscale par l'autorité judiciaire et n'était par suite pas affectée par

l'irrégularité susmentionnée ; que la Cour a donc commis une erreur de droit en prononçant, en raison de ladite irrégularité, la décharge totale des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. X... a été assujetti au titre des années 1987 et 1988 ; que les articles 1 et 2 de l'arrêt attaqué doivent dès lors être annulés dans la mesure où ils ont dégrevé M. X... à raison de l'imposition sur des distributions occultes pour ces deux années ;

Sur la requête des consorts X... :

Considérant que, devant la Cour, M. X... soutenait que l'administration ne pouvait, pour l'imposer sur des distributions occultes de la société Promodis, retenir les déclarations qu'il avait faites devant le juge d'instruction alors qu'il était revenu sur celles-ci devant le juge du fond ; que la Cour ne s'est pas prononcée sur ce moyen ; que par ailleurs la Cour a omis de se prononcer sur la demande d'attribution d'une somme de 15 000 F au titre des frais irrépétibles, dont les héritiers de M. X... l'avaient saisie en reprenant l'instance après le décès du requérant ; que cette double omission justifie l'annulation de l'article 3 de l'arrêt attaqué ;.

CE, 6 décembre 1995, n°126826, SA SAMEP

En ce qui concerne le déroulement de la procédure jusqu'à la notification des bases d'imposition :

Considérant, en premier lieu, que la SOCIETE ANONYME SAMEP soutient que la perquisition opérée le 30 septembre 1982 par la brigade nationale d'enquêtes économiques sur le fondement des ordonnances susvisées du 30 juin 1945 alors en vigueur aurait été entreprise pour des raisons exclusivement fiscales et constituerait par suite un détournement de procédure ; qu'en déduisant de la circonstance que cette perquisition avait été entreprise en vue de rechercher des infractions aux dispositions des ordonnances précitées du 30 juin 1945, que le détournement de procédure allégué n'était pas établi, sans pour autant exiger de la requérante, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle en apporte la preuve, la cour administrative d'appel de Paris n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les faits de l'espèce ;

Considérant, en deuxième lieu, que, si l'avis de vérification adressé le 3 février 1983 à la société indiquait que les opérations de contrôle devaient débuter le 16 février 1982, antérieurement à la date d'émission de l'avis, l'erreur purement matérielle qui entache cette mention est sans incidence sur la régularité de celui-ci ; qu'en estimant que ce dernier,

qui n'avait pas, en tout état de cause, à être motivé, respectait les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, la Cour n'a donc, en tout état de cause, commis aucune erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, que si, au cours d'une vérification de comptabilité, il doit être offert au contribuable d'avoir, avec l'agent vérificateur, un débat oral et contradictoire relatif aux constatations auxquelles donne lieu ce contrôle, il est, en revanche, sans incidence sur la régularité de la vérification que le vérificateur s'abstienne de faire part au contribuable à cette occasion, en vue de lui permettre d'en discuter, des éléments d'information que, par ailleurs, le cas échéant, il a pu recueillir auprès de tiers, en vertu du droit de communication de l'administration ; que si la société n'est donc pas fondée à se prévaloir de ce que la Cour aurait dû prendre en compte le fait que ces éléments n'étaient plus en sa possession pour apprécier si elle avait disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil conformément aux dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales : "L'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des impôts toute indication qu'elle

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peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt, qu'il s'agisse d'une instance civile ou commerciale ou d'une information criminelle ou correctionnelle même terminée par un non-lieu" ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que des pièces saisies et des procès-verbaux dressés à la suite de l'intervention de la brigade nationale d'enquêtes économiques dans les locaux de la SOCIETE ANONYME SAMEP ont été communiqués à l'administration fiscale par l'autorité judiciaire en application des dispositions précitées de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales ; que si, postérieurement à cette communication, certaines de ces pièces ont été déclarées nulles par un arrêt en date du 30 octobre 1987 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que cette circonstance ne pouvait être utilement invoquée pour critiquer l'exercice par l'administration de son droit de communication ;

Considérant, en dernier lieu, que les moyens tirés que ce que la perquisition susmentionnée aurait été effectuée en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme, dès lors que les dispositions de l'ordonnance du 30 juin 1945 qui autorisent les perquisitions domiciliaires à l'initiative d'une autorité administrative sans les placer sous le contrôle de l'autorité judiciaire ne seraient pas conformes auxdites stipulations, de ce que le vérificateur n'aurait pas été compétent pour opérer la vérification de comptabilité à laquelle la SOCIETE ANONYME SAMEP a été soumise et de ce que cette vérification aurait été opérée en méconnaissance des stipulations de la convention européenne des droits de l'homme, qui ont été présentés pour la première fois devant le juge de cassation et qui ne sont pas d'ordre public, ne sont, par suite et en tout état de cause, pas recevables ;

En ce qui concerne la mise en oeuvre de la procédure de rectification d'office :

Considérant, en premier lieu, qu'aucune disposition ni aucun principe général n'exige que les notifications de redressement comportent la mention des textes sur le fondement desquels elles sont établies ; que, par suite, la Cour n'a commis aucune erreur de droit en estimant que la notification adressée, le 14 décembre 1983, à la SOCIETE ANONYME SAMEP n'avait pas, pour être conforme aux dispositions de l'article L.76 du livre des procédures fiscales, à mentionner les textes sur le fondement desquels elle est intervenue ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en jugeant que ladite notification comportait, conformément aux

prescriptions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, un exposé suffisamment précis des modalités de détermination des bases d'imposition rectifiées d'office, la Cour a, sans les dénaturer, porté sur les mentions de cette notification une appréciation souveraine qu'il n'appartient pas au juge de cassation de contrôler ;

Considérant, en troisième lieu, que la même notification contenant, sur l'origine et la teneur des informations recueillies par le vérificateur dans l'exercice de son droit de communication, des indications suffisantes, la cour administrative d'appel a, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les observations de la société en estimant que cette dernière ne contestait pas "avoir procédé à des achats fictifs", jugé que l'administration, qui n'était pas tenue de communiquer spontanément, en vue d'un débat contradictoire, lesdits documents, avait régulièrement mis en oeuvre la procédure de rectification d'office ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que la mise en oeuvre de cette procédure méconnaîtrait les stipulations de la convention européenne des droits de l'homme, qui a été présentée pour la première fois devant le juge de cassation et qui n'est pas d'ordre public, n'est, par suite et en tout état de cause, pas recevable ;

En ce qui concerne les actes subséquents de la procédure d'imposition :

Considérant que les moyens tirés de l'irrégularité de l'avis de mise en recouvrement adressé à la société le 9 mars 1984 et de la décision de rejet des réclamations du 9 septembre 1985, qui ont été présentés pour la première fois devant le juge de cassation et qui ne sont pas d'ordre public, ne sont, par suite et en tout état de cause, pas recevables ;

Sur les moyens ayant trait au bien-fondé des impositions :

Considérant, en premier lieu, que le moyen tiré de ce que les redressements notifiés au titre de l'année 1978 porteraient sur une année prescrite, qui a été présenté pour la première fois devant le juge de cassation et qui n'est pas d'ordre public, n'est, par suite et en tout état de cause, pas recevable ;

Considérant, en second lieu, d'une part, que la société n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'ancien article 173 du code de procédure pénale, qui ne sont pas applicables devant le juge de l'impôt ; que, d'autre part, dès lors que l'administration fiscale a obtenu régulièrement communication de pièces détenues par l'autorité judiciaire, la circonstance que ces pièces auraient été ultérieurement annulées par le juge pénal n'a pas pour effet de priver l'administration du droit de s'en prévaloir pour établir les impositions ; que, par suite, en regardant comme inopérant le moyen tiré par la

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société de l'annulation, par l'arrêt précité de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Paris, de certaines des pièces saisies et des procèsverbaux dressés à la suite de l'intervention de la brigade nationale d'enquêtes économiques dans les locaux de la société, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur les pénalités :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête :

Considérant qu'en estimant que, compte tenu du montant des factures fictives et du caractère répété de cette infraction, l'administration justifiait du bien-fondé des pénalités pour absence de bonne foi qui

ont assorti les compléments de taxes sur le chiffre d'affaires rappelés, alors que le service a appliqué l'amende prévue à l'article 1731 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable au motif que la société s'était rendue coupable de manoeuvres frauduleuses, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ANONYME SAMEP n'est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant que ce dernier statue sur les pénalités ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour administrative d'appel de Paris.

CE, 5 mai 2008, n°291229, Barbonneau

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a acquis, en 1992, un immeuble composé de trois corps de bâtiments à rénover, situé à Tréguier (Côtes d'Armor), sur lequel il a effectué des travaux d'un montant de 883 722 F en 1992 et 1 476 982 F en 1993 ; que, dans le cadre d'un contrôle sur pièces des revenus déclarés par M. et Mme A au titre de ces deux années, l'administration fiscale a remis en cause la déduction de ces travaux des revenus fonciers de l'intéressé ; que le tribunal administratif de Nantes, par un jugement du 21 décembre 2001, puis la cour administrative d'appel de Nantes, par l'arrêt attaqué du 28 décembre 2005, ont rejeté les requêtes de M. A tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1992 et 1993 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 86 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration ont un droit de communication à l'égard des membres des professions non commerciales définies ci-après : / (...) b. Les professions consistant à titre principal en la prestation de services à caractère décoratif ou architectural ou en la création et la vente de biens ayant le même caractère. / Le droit prévu au premier alinéa ne porte que sur l'identité du client, le montant, la date et la forme du versement ainsi que les pièces annexes de ce versement (...) ; que, pour l'application de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, les pièces annexes au

versement comprennent non seulement les documents comptables et financiers établis à l'occasion du versement mais aussi les documents de toute nature pouvant justifier le montant des travaux effectués ou des dépenses totales exposées par le contribuable, tels que les devis, mémoires ou factures ;

Considérant qu'en jugeant que l'administration n'avait pas fait un usage irrégulier de son droit de communication de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition, en obtenant, auprès du maître d'oeuvre responsable de la conception et de la surveillance des travaux réalisés par le requérant, les plans de l'immeuble, alors que ces documents, à la différence du devis descriptif des travaux, ne sont pas en principe au nombre des pièces annexes du versement au sens des dispositions précitées de l'article L. 86, les juges d'appel ont commis une erreur de droit ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond et de statuer sur l'appel de M. A ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements. / A

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cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés (...) ; qu'aux termes de l'article L. 12 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : L'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues au présent livre. / A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part, les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal (...) ; qu'aux termes de l'article L. 47 du même livre, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix (...) ;

Considérant que, si M. A soutient que, par leur ampleur, les contrôles effectués par l'administration doivent être regardés comme manifestant l'engagement d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, il résulte de l'instruction que ces contrôles ont porté uniquement sur les

travaux réalisés sur l'immeuble situé à Tréguier, et non sur l'ensemble des revenus déclarés par M. et Mme A, leur situation de trésorerie, leur situation patrimoniale ou leur train de vie ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les garanties de procédure applicables à l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle n'auraient pas été respectées ne peut être accueilli ;

Considérant, en deuxième lieu, que, comme il a été dit ci-dessus, l'administration ne pouvait, sur le fondement de l'article L. 86 du livre des procédures fiscales, obtenir auprès du maître d'oeuvre des travaux la communication des plans de l'immeuble, qui ne présentent pas le caractère de pièces annexes au versement au sens de cet article ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration se serait fondée sur les plans de l'immeuble pour procéder aux redressements en litige ; que dès lors, l'irrégularité alléguée est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Considérant, en troisième lieu, que l'administration a annexé à la notification de redressements du 2 août 1995 le devis descriptif des travaux établi par le maître d'oeuvre, portant le nom de son auteur et sur lequel elle déclarait se fonder à titre principal pour remettre en cause la déduction des travaux ; qu'eu égard aux mentions figurant dans la notification, le contribuable a été mis à même de connaître l'origine des renseignements obtenus auprès de tiers ; que, par suite, le moyen tiré d'une information insuffisante du contribuable sur l'origine du devis en cause doit être écarté.

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SÉANCE 6 Le contrôle fiscal

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 159-170.

CASIMIR (J.-P.), Contrôle fiscal : contentieux – recouvrement, Paris, Groupe Revue Fiduciaire, Coll. Les codes RF, 11ème éd., 2010.

II. Documents

Textes fondamentaux :

o Livre des procédures fiscales (art. L12, L 13, L 47, L 52, L 55).

Jurisprudence :

o CE, 8 avril 1998, n°157508, Renucci ;

o CE, 10 novembre 2000, n°204805, Milhau ;

o CE, 18 janvier 2008, n°280573, Davy ;

o CE, 7 mai 1982, n°18920, Rollet ;

o CE, 26 février 2003, n°232841, Morena ;

o CE, 21 mai 1976, n°94052.

III. Exercices

1. Pour chaque décision, établissez les faits, la procédure, le problème juridique et la solution de la juridiction

2. Commentaire sur la procédure de contrôle d’arrêt groupé sur le thème de la procédure de contrôle fiscal.

3. Question sur l’emport des documents lors d’un contrôle fiscal : Après avoir exposé brièvement le régime de l’emport des documents lors d’un contrôle, vous expliquerez en quoi ce régime contraignant constitue une garantie pour le contribuable.

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Livre des procédures fiscales

Article L12 : « Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu, qu'elles aient ou non leur domicile fiscal en France, lorsqu'elles y ont des obligations au titre de cet impôt.

A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal.

Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification.

Lorsqu'un contrat de fiducie ou les actes le modifiant n'ont pas été enregistrés dans les conditions prévues à l'article 2019 du code civil, ou révélés à l'administration fiscale avant l'engagement de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable qui y est partie ou en tient des droits, la période prévue au troisième alinéa est prorogée du délai écoulé entre la date de réception de l'avis de vérification et l'enregistrement ou la révélation de l'information.

Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L. 16 A.

Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L. 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger.

La période mentionnée au troisième alinéa est portée à deux ans en cas de découverte, en cours de contrôle, d'une activité occulte. Il en est de même lorsque, dans le délai initial d'un an, les articles L. 82 C ou L. 101 ont été mis en œuvre ».

Article L 13 : « Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables.

Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements.

Les fiducies, en la personne de leur fiduciaire, sont soumises à vérification de comptabilité dans les conditions prévues au présent article ».

Article L 47 : « Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification.

Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.

L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte.

En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité est remis au début des opérations de constatations matérielles. L'examen au fond des documents comptables ne peut commencer qu'à l'issue d'un délai raisonnable permettant au contribuable de se faire assister par un conseil ».

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Article L 52 : « I.-Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne :

1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts ;

2° Les contribuables se livrant à une activité agricole, lorsque le montant annuel des recettes brutes n'excède pas la limite prévue au b du II de l'article 69 du code général des impôts.

Les dispositions des trois premiers alinéas sont valables dans les cas où un même vérificateur contrôle à la fois l'assiette de plusieurs catégories différentes d'impôts ou de taxes.

II.-Par dérogation au I, l'expiration du délai de trois mois n'est pas opposable à l'administration :

1° Pour l'instruction des observations ou des requêtes présentées par le contribuable, après l'achèvement des opérations de vérification ;

2° Pour l'examen, en vertu de l'article L. 12, des comptes financiers utilisés à titre privé et professionnel ;

3° Pour la vérification, en vertu de l'article L. 13, des comptes utilisés pour l'exercice d'activités distinctes ;

4° En cas de graves irrégularités privant de valeur probante la comptabilité. Dans ce cas, la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à six mois.

5° Elle ne l'est pas non plus pour la vérification de comptabilité de l'année ou de l'exercice au cours duquel l'administration a dressé un procès-verbal de flagrance fiscale dans les conditions prévues à l'article L. 16-0 BA, ainsi que pour la vérification des années antérieures ;

6° Lorsqu'à la date d'expiration de ce délai, une enquête judiciaire ou une information ouverte par l'autorité judiciaire dans le cas mentionné à l'article L. 188 B est en cours.

III.-En cas de mise en oeuvre du II de l'article L. 47 A, la limitation à trois mois de la durée de la vérification sur place est prorogée de la durée comprise entre la date du choix du contribuable pour l'une des options prévues à cet article pour la réalisation du traitement et, respectivement selon l'option choisie, soit celle de la mise à disposition du matériel et des fichiers nécessaires par l'entreprise, soit celle de la remise des résultats des traitements réalisés par l'entreprise à l'administration, soit celle de la remise des copies de fichiers nécessaires à la réalisation des traitements par l'administration. Cette dernière date fait l'objet d'une consignation par écrit ».

Article L 55 : « Sous réserve des dispositions de l'article L. 56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts ou de l'article L. 2333-55-2 du code général des collectivités territoriales, les rectifications correspondantes sont effectuées suivant la procédure de rectification contradictoire définie aux articles L. 57 à L. 61 A.

Cette procédure s'applique également lorsque l'administration effectue la reconstitution du montant déclaré du bénéfice industriel ou commercial, du bénéfice non commercial, du bénéfice agricole ou du chiffre d'affaires déterminé selon un mode réel d'imposition ».

CE, 8 avril 1998, n°157508, Renucc i ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler, sur ce point, l'affaire au fond ;

Considérant qu'il est constant que l'avis de vérification mentionnant l'année 1985 a été adressé à M. X... le 24 avril 1986, avant que n'expire le délai limite de dépôt des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux réalisés en 1985, qui

avait été reporté au 2 juin 1986 ; que, pour ce motif, les impositions et pénalités mises à la charge de M. X... au titre de l'année 1985 doivent être regardées comme ayant été établies au terme d'une procédure irrégulière, en tant qu'elles procèdent de la reconstitution des bénéfices industriels et commerciaux de l'intéressé ; que M. X... est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 1er octobre 1992, le tribunal administratif de Nice a rejeté les conclusions de sa

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demande en décharge visant ces impositions et pénalités ;

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 2 février 1994 est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions de M. X... aux fins de décharge de l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1985, en tant qu'ils procèdent de la

reconstitution de ses bénéfices industriels et commerciaux.

Article 2 : M. X... est déchargé de l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1985, en tant qu'ils procèdent de la reconstitution de ses bénéfices industriels et commerciaux.

CE, 10 novembre 2000, n°204805, Milhau ;

Considérant que la S.A.R.L. Nouvelle d'équipement électrique Milhau (S.N.E.E.M.) et la S.A.R.L. d'équipement électrique Milhau (S.E.E.M.) ont fait l'objet en 1992 d'une vérification de comptabilité portant pour l'une sur la période du 1er janvier 1989 au 31 décembre 1989 et pour l'autre sur la période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991 ; qu'à la suite de ces vérifications, elles ont été assujetties à des redressements en matière de cotisations de taxe sur la valeur ajoutée, de taxe d'apprentissage et de participation à la formation professionnelle continue ; que la S.A.R.L. S.N.E.E.M. ayant été dissoute le 31 décembre 1989 et la S.A.R.L. S.E.E.M. mise en liquidation judiciaire le 30 juillet 1993, le receveur principal des impôts de Montpellier-Ouest a assigné devant le tribunal de grande instance de Montpellier M. Y..., gérant de ces deux sociétés pendant la période vérifiée, afin de le faire déclarer solidairement responsable en application des articles L. 266 et L. 267 du livre des procédures fiscales des impositions dues par celles-ci ; que M. Y... fait appel des deux jugements du 30 mai 1996 par lesquels le tribunal administratif de Montpellier, statuant sur renvoi du tribunal de grande instance, a jugé infondée l'exception d'irrégularité de la procédure de vérification de comptabilité que M. Y... avait soulevée pour contester les impositions mises à la charge de la S.N.E.E.M. et de la S.E.E.M. ; que le Conseil d'Etat est compétent, en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 susvisée, pour connaître en appel de ces requêtes, qu'il y a lieu de joindre et qui tendent à ce que la juridiction administrative se prononce sur la légalité des actes par lesquels les impositions contestées ont été mises à la charge de la S.N.E.E.M. et de la S.E.E.M. ;

Sur le moyen commun relatif à la régularité de la procédure de vérification de la S.N.E.E.M. et de la S.E.E.M. :

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : "Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts rend au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions

contenues dans la charte sont opposables à l'administration" ; qu'il résulte de cet alinéa que les agents de l'administration sont tenus, pour l'exécution d'une des vérifications qu'il vise, de respecter les règles qui, ne trouvant pas de fondement légal dans d'autres articles du code général des impôts ou du livre des procédures fiscales, figurent néanmoins dans la charte à la date où ce document est remis au contribuable, dès lors que ces règles ont pour objet de garantir les droits du contribuable vérifié ; qu'au cas où l'agent vérificateur méconnaîtrait ces règles, et notamment les formalités qu'elles comportent, il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur ce point, d'apprécier si cette méconnaissance a eu le caractère d'une irrégularité substantielle portant atteinte aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié ;

Considérant qu'aux termes de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans la version remise à M. Y... avant l'engagement des procédures de vérification de comptabilité de la S.N.E.E.M. et de la S.E.E.M. : "Le vérificateur signe l'avis de vérification. Son nom et sa qualité sont précisés sur le document. Il a au moins le grade de contrôleur" ; que si les avis de vérification adressés à M. Y... le 25 août 1992 étaient signés non de l'agent qui a conduit la vérification de comptabilité de la S.N.E.E.M. et de la S.E.E.M., mais de son supérieur hiérarchique, cette méconnaissance de la règle posée par la charte n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, porté atteinte de façon substantielle aux droits et garanties reconnus par la charte au contribuable vérifié ni, par suite, affecté la régularité de la procédure de vérification des sociétés dès lors que les avis de vérification étaient signés d'un agent ayant au moins le grade de contrôleur et que le nom du vérificateur chargé de la vérification y était clairement mentionné ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'agent chargé de la vérification n'a pas signé les avis de vérification envoyés à la S.N.E.E.M. et à la S.E.E.M. doit être écarté ;

Sur les autres moyens relatifs à la régularité de la procédure de vérification de la S.N.E.E.M. :

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Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL S.E.E.M. a succèdé à la SARL S.N.E.E.M. dans les mêmes locaux et avec le même dirigeant ; que, par suite, et eu égard à ces circonstances de fait, l'administration a pu régulièrement adresser l'avis de vérification de comptabilité de la SARL S.N.E.E.M. au siège de la SARL S.E.E.M. ; que postérieurement à la radiation de la SARL S.N.E.E.M. du registre du commerce à compter du 1er octobre 1990, M. Y... qui en avait été le dirigeant et l'associé prépondérant et qui avait à ce titre qualité pour recevoir l'avis de vérification de la société, avait également qualité pour demander au vérificateur que la vérification de la comptabilité de la SARL S.N.E.E.M. se déroulât au cabinet de son comptable dans les bureaux duquel les documents comptables étaient conservés ;

Sur les autres moyens relatifs à la régularité de la procédure de vérification de la S.E.E.M. :

Considérant, en premier lieu que, devant le Conseil d'Etat, M. Y... soutient que l'agent chargé de la vérification de la comptabilité de la S.E.E.M. a entamé cette vérification, non pas le 9 septembre 1992, comme indiqué dans l'avis du 25 août, mais le 18 septembre 1992 ; que toutefois, si le début des opérations matérielles de contrôle sur place a été reporté du 9 au 18 septembre 1992, cette circonstance n'obligeait pas l'administration à adresser à la société un nouvel avis de vérification ; que le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait pas reporter le début de la vérification sans en avertir la société par l'envoi d'un nouvel avis de vérification, doit donc être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que les avis de vérification envoyés le 25 août 1992 à M. Y... indiquaient que les opérations de vérification de comptabilité débuteraient le 8 septembre pour la S.N.E.E.M. et le 9 septembre pour la S.E.E.M. ; que M. Y... a remis sur place au vérificateur le 8 septembre une lettre relative à la vérificationde la comptabilité de la S.E.E.M. qui devait commencer le lendemain, et ainsi rédigée : "Suite à l'avis de vérification du 25 août, prévoyant une vérification pour le 9 septembre à 9 heures, je vous demanderai que cette intervention, ainsi que toutes les opérations de contrôle, se déroulent chez M. X..., mon comptable, pour des raisons de commodité de bureaux" ; que dans ces circonstances d'espèce, eu égard à la demande expresse ainsi formulée par M. Y... qui, d'ailleurs, s'était entretenu sur place avec le vérificateur le 8 septembre, l'intéressé ne saurait faire grief au vérificateur de ne pas être intervenu sur place dans les locaux de l'entreprise au cours de la vérification de comptabilité de la S.E.E.M. ; que, par suite, M. Y... ne peut être regardé comme établissant, par ce seul motif, que le vérificateur se serait refusé à un débat oral et contradictoire ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par les jugements attaqués, le tribunal administratif a déclaré régulières les procédures de vérification de comptabilité suivies à l'égard de la SARL S.N.E.E.M. et de la SARL S.E.E.M. ;

CE, 18 janvier 2008, n°280573, Davy ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A a fait l'objet en 1993 d'un examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle, qui a porté sur les années 1990, 1991 et 1992 ; que, dans le cadre de ce contrôle, l'administration fiscale a constaté d'importantes acquisitions immobilières, auxquelles M. A avait procédé à la suite d'une convention signée le 14 décembre 1989 avec la SARL ERIM Golf en vue de la réalisation d'un complexe de golf sur le territoire des communes de Landudec et de Plogastel-Saint-Germain (Finistère) ; que par lettre du 21 juin 1993, elle a demandé à M. A d'apporter toutes justifications sur l'origine et la nature de certaines opérations enregistrées au crédit de ses comptes bancaires ; que, par une réponse en date du 23 novembre 1993, M. A a indiqué au vérificateur que les sommes en cause, qui s'élevaient au total à 750 000 F pour 1990, correspondaient à des indemnités qui lui avaient été versées pour

compenser le préjudice lié, d'une part, à la dépréciation des terrains concernés par le projet de création d'un complexe de golf et, d'autre part, à la perte de ses quotas laitiers et à la cessation de son activité d'éleveur ; que ces explications ont conduit l'administration fiscale à inclure ces sommes dans le revenu imposable de M. A au titre de l'année 1990, d'abord dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, par une notification de redressements du 24 décembre 1993, puis dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, par une notification de redressements du 18 novembre 1994 ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 2 février 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 décembre 2001 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;

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Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : Un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu (...) ne peut être engagé sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte (...). ; que la cour a relevé, d'une part, que la seule circonstance que la notification de redressements envoyée à M. A le 18 novembre 1994 mentionnait que l'examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle avait commencé le 31 mars 1993 n'était pas, en elle-même, de nature à établir que, dès cette date, l'administration aurait procédé, pour les besoins de cet examen, à des démarches autres que celle consistant à demander à M. A de produire les extraits de ses comptes bancaires et, d'autre part, que la consultation, au sein du dossier fiscal du contribuable, des extraits d'actes relatifs aux acquisitions foncières réalisées par M. A en 1990 ne pouvait être rattachée aux opérations relatives à cet examen ; que par suite, en déduisant de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés, que les opérations de contrôle n'avaient pu débuter avant l'entretien du 24 mai 1993, au cours duquel le contribuable a remis au vérificateur les relevés de ses comptes bancaires, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier ;

Considérant, en deuxième lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressements qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les

éléments qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, dans sa version remise à M. A, la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du même livre ;

Considérant, d'une part, que la cour a relevé que le vérificateur a eu, le 13 octobre 1993, un entretien avec M. A, ayant trait aux renseignements recueillis et aux éléments faisant défaut, et qu'à la suite de cette rencontre, le contribuable a ensuite présenté divers documents et observations écrites, lesquels ont été examinés préalablement à la notification de redressements ; que c'est par une appréciation souveraine qu'elle en a alors déduit que le moyen tiré de l'absence de débat contradictoire entre le vérificateur et le contribuable vérifié manque en fait ;

Considérant, d'autre part, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'était sans incidence sur la régularité de la procédure la circonstance que le vérificateur se serait, en méconnaissance de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, refusé à tout débat contradictoire avant l'envoi de la demande de justifications en date du 21 juin 1993 adressée à M. A par l'administration sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dès lors que le redressement n'a pas été établi suivant la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales et applicable aux contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes de justifications formulées dans le cadre de l'article L. 16, mais suivant la procédure contradictoire, en se fondant sur les éléments fournis par le contribuable en réponse à la demande de justifications ;

Considérant, en troisième lieu, que, si M. A soutient que la cour aurait méconnu le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions en validant implicitement, en se fondant sur les dispositions de l'article L. 47 C du livre des procédures fiscales, les pénalités mises à sa charge, ce moyen manque en tout état de cause en fait, les droits rappelés étant seulement assortis d'intérêts de retard ;

CE, 7 mai 1982, n°18920, Rolle t ;

Considérant que, par le jugement dont le ministre du budget fait appel, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé M. X..., qui exerce à Sarlat la profession d'agent immobilier et celle de marchand

de biens, de la taxe sur les prestations de services et, à concurrence de 59 809,54 F sur un montant de 61 453,62 F, de la taxe sur la valeur ajoutée auxquelles l'intéressé avait été assujetti au titre de périodes

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allant respectivement du 1er janvier au 31 décembre 1967 et du 1er janvier 1968 au 31 décembre 1970 ; que le ministre du budget demande seulement le rétablissement de la taxe sur la valeur ajoutée à concurrence des droits primitivement assignés ; que, par la voie d'un recours incident, M. X... demande à être déchargé de la part de la même taxe laissée à sa charge par les premiers juges ;

Sur le recours du ministre : Cons. qu'aux termes de l'article 1649 septies du code général des impôts : " Les contribuables peuvent se faire assister, au cours des vérifications de comptabilité, d'un conseil de leur choix et doivent être avertis de cette faculté, à peine de nullité de la procédure " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration doit avertir en temps utile le contribuable pour que celui-ci soit en mesure de faire appel, s'il le souhaite, au conseil de son choix ;

Cons. qu'en l'espèce, il est constant que l'administration a averti le contribuable le 24 décembre 1971 de la vérification dont sa comptabilité allait être l'objet, a entrepris le jour même les opérations de vérification, les a ensuite interrompues durant la fin de l'année et le début de l'année suivante, enfin les a reprises et les a menées à leur terme en février 1972 ; que, si en ce qui concerne les opérations faites en 1972 M. X... peut être réputé avoir reçu en temps utile l'avertissement exigé à l'article 1649 septies précité, il n'en va pas de même des opérations de vérification menées, dans un premier temps, à partir du 24 décembre 1971, lesquelles doivent en conséquence être tenues pour

irrégulières ; que, si l'administration soutient que, dans ce premier temps, le vérificateur se serait consacré uniquement à l'examen des affaires faites par l'entreprise durant l'année 1967, lesquelles n'étaient passibles que de la taxe sur les prestations de services et ne sont plus en litige, elle n'établit pas que le vérificateur se soit abstenu de toute investigation portant sur la période commençant le 1er janvier 1968 et concernant par conséquent la taxe sur la valeur ajoutée ; que le ministre n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges, se fondant sur l'irrégularité de la procédure d'imposition, ont accueilli, dans la mesure où elles étaient recevables, les conclusions présentées par M. X... en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le recours incident de M. X... : Cons. qu'en vertu des dispositions combinées des articles 1931 et 1940-3 du code général des impôts, le contribuable ne peut demander au tribunal administratif une décharge ou une réduction d'un montant supérieur à celui qui avait fait l'objet de sa réclamation préalable au directeur ; qu'il résulte de l'instruction que M. X... avait demandé au directeur un dégrèvement de 59 809,54 F sur la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle il était assujetti ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé, que dans la mesure où les conclusions dont il était saisi excédaient ce montant, elles n'étaient pas recevables ; que dès lors le recours incident de M. X... doit être rejeté ; rejet du recours du ministre et du recours incident de M. X... .

CE, 26 février 2003, n°232841, Morena ;

Considérant que la SARL Compagnie des Graves, créée le 19 novembre 1986 par M. et Mme X et Mlle Isabelle Y leur fille, qui en détiennent respectivement 10 et 90 pour cent du capital, exerce une activité de lotisseur-marchand de biens, sous le régime fiscal des sociétés de personnes ouvert aux SARL de famille par les dispositions combinées des articles 8 et 239 bis AA du code général des impôts ; que, du 27 juin au 24 novembre 1989, la société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 19 novembre 1986 et le 31 décembre 1988 ; qu'à l'issue de ces opérations de contrôle, l'administration a notamment remis en cause le bénéfice du régime prévu en faveur des entreprises nouvelles par l'article 44 quater du code général des impôts, dont la société s'était prévalue ; que M. et Mme X se pourvoient contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux qui, confirmant le jugement du 23 octobre 1997 du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté leur

demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1988 ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales : Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables ; que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée, la vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux ; qu'il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette

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circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 12 juin 1989, la SARL Compagnie des Graves a été destinataire d'un avis de vérification dont elle a accusé réception le 20 juin ; que, par lettre du 22 juin 1989, le gérant de la société a demandé que la vérification se déroule au cabinet de son expert-comptable ; que, le 27 juin suivant, une première réunion s'y est tenue entre le vérificateur et le gérant, accompagné de son épouse ; qu'il suit de là qu'après avoir relevé ces faits, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que la vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la société s'était déroulée dans des conditions régulières et qu'il appartenait aux requérants d'apporter la preuve que la société avait été privée des garanties ayant pour objet d'assurer aux contribuables des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

Considérant, en second lieu, qu'en application des dispositions combinées des articles 44 quinquies et 53 A du code général des impôts, le bénéfice de l'exonération accordée aux entreprises nouvelles par l'article 44 quater du même code est subordonné au dépôt de la déclaration dans le délai légal ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les déclarations des résultats des exercices clos les 31 décembre 1987 et 1988 ont été déposées par la SARL Compagnie des Graves postérieurement à l'expiration du délai légal de déclaration imparti par l'article 175 du code général des impôts ; que si, pour échapper aux conséquences de ce retard, les requérants ont invoqué, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle faite le 7 août 1989 à M. Kert, député, aux termes de laquelle l'administration tiendra compte des circonstances particulières qui pourraient justifier des retards limités à quelques jours dans le dépôt des déclarations, ces recommandations ne précisent pas la nature des circonstances qu'elles mentionnent ; que, par suite, la cour n'a en tout état de cause pas commis d'erreur de droit en estimant que cette réponse ministérielle ne comportait aucune interprétation de la loi fiscale au sens et pour l'application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales et ne pouvait, en conséquence, être utilement invoquée sur le fondement de ses dispositions ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

CE, 21 mai 1976, n°94052.

Considérant que, devant le Tribunal administratif de Bordeaux, le sieur X a demandé la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu des personnes physiques auxquelles il a été assujetti au titre des années 1965, 1966, 1967 et 1968 à la suite de rehaussements portant aussi bien sur le montant des bénéfices non commerciaux qu'il retirait de son activité de sous-agent d'assurances que sur le montant net des revenus que lui procuraient les salaires perçus en qualité d'inspecteur général d'une compagnie d'assurance ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal a rejeté cette demande en tant qu'elle était fondée sur les irrégularités qui auraient entaché la procédure d'imposition et, en ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses, a ordonné avant-dire droit une expertise ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que le sieur X soutient que la procédure d'imposition est entachée de plusieurs irrégularités dont les unes, si elles sont reconnues fondées, doivent entraîner l'annulation de l'ensemble des redressements opérés par l'Administration, et dont les autres, qui ont trait aux opérations de vérification

et à l'intervention de la Commission départementale, ne peuvent affecter, si elles sont reconnues fondées, que les seuls redressements portant sur ses bénéfices non commerciaux ;

Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le sieur X, le vérificateur était en droit de procéder, comme il l'a fait, à des investigations auprès des employeurs, fournisseurs et clients du contribuable dès lors que, s'agissant d'admettre ou non la déduction de certains frais professionnels, de telles recherches pouvaient permettre d'apprécier la valeur des justifications apportées par le contribuable ; que, pour regrettable que soit la manière dont ces investigations ont été opérées en l'espèce, celles-ci n'ont pas entaché d'irrégularité la procédure d'imposition ; que la circonstance que le vérificateur se soit fait remettre la déclaration de revenus souscrite par le contribuable pour l'année 1968 et ne l'ait transmise que tardivement au service destinataire est sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition dès lors que ce retard n'a eu aucune conséquence sur l'imposition contestée ;

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Considérant, en second lieu, que l'article 1649 quinquies A-2 dispose que « l'inspecteur fait connaitre au redevable la nature et les motifs du redressement envisagé » ; que la notification de redressement qui a été adressée au sieur X indique clairement la nature des redressements envisagés ; qu'elle en donne le montant en distinguant par catégories de revenus et par chefs de redressement ; que la circonstance qu'à propos des motifs de ces redressements, l'Administration ait seulement énuméré les principaux d'entre eux, en indiquant par l'emploi de l'adverbe « notamment » qu'elle ne se livrait pas à une énumération exhaustive, n'est pas de nature à faire regarder cette notification comme insuffisamment motivée dès lors qu'elle comportait des indications qui, en l'espèce, suffisaient à permettre au requérant d'engager valablement une discussion contradictoire avec l'Administration ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le Tribunal administratif a rejeté les moyens ci-dessus examinés touchant à la régularité de la procédure d'imposition ;

Mais considérant que le sieur X soutient en outre que la vérification de sa comptabilité aurait été opérée dans des conditions irrégulières, en violation tant des dispositions de l'article 1649 septies du Code général des Impôts que de celles de l'article 1649 septies F du même code, et que la Commission départementale aurait méconnu les faits de la cause ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du Code général des Impôts relatives aux opérations de vérification que celles-ci se déroulent chez le contribuable ou au siège de l'entreprise vérifiée ; que toutefois, sur la demande écrite du contribuable, le vérificateur peut emporter

certains documents dans les bureaux de l'Administration qui en devient ainsi dépositaire ; qu'en ce cas, il doit remettre à l'intéressé un reçu détaillé des pièces qui lui sont remises ; qu'en outre cette pratique ne doit pas avoir pour effet de priver le contribuable des garanties qu'il tient des articles 1649 septies et 1649 septies F du Code précité et qui ont notamment pour objet de lui assurer sur place des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est, d'ailleurs, pas contesté qu'en cours de vérification l'agent vérificateur a, spontanément et sans délivrer de reçu, emporté certains documents ; que, de plus, il ne les a pas tous restitués avant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 1649 septies F-4° pour les contribuables dont le montant annuel des recettes brutes n'excède pas 250 000 F ; que, dans ces circonstances, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres irrégularités dont le requérant fait état, la vérification s'est trouvée entachée d'une irrégularité de nature à entraîner la nullité des redressements portant sur les bénéfices non commerciaux du contribuable ;

Considérant qu'il suit de là que l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif, en tant qu'elle porte, ainsi qu'il est dit à l'article 2-b) du jugement attaqué, sur la détermination des revenus du sieur X imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, est inutile et frustratoire : qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué sur ce point et de renvoyer le requérant devant le Tribunal administratif de Bordeaux pour être statué ce qu'il appartiendra sur les conclusions de la demande

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SÉANCE 7 Les sanctions fiscales

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 216-228

AUSTRY (S.), « Les sanctions administratives en matière fiscale », AJDA, 2001 (numéro spécial), p 51

LAMBERT (T.), Les sanctions administratives fiscales : aspects de droit comparé, Paris, L’Harmattan, 2006.

LAMBERT (T.), Les sanctions pénales fiscales, Paris, L’Harmattan, 2007.

II. Documents

Jurisprudence :

o Conseil constitutionnel, 30 décembre 1982, n°82-155 DC ;

o Cass. com., 6 octobre 1998, n°96-19.382, SNC Sofon ;

o CE, Avis, 31 mars 1995, n°164008, SARL Auto-industrie Méric ;

o Cass. crim., 29 avril 1997, n°95-20001, Ferreira ;

o CE, Avis, Ass., 12 avril 2002, n°239693, SA financière Labeyrie.

o CEDH, 8 juin 1976, n°5100/71, série A, n°22, Engel ;

o CEDH, 24 février 1994, n°12547/86, série A, n°284, Bendenoun c/ France.

III. Exercices

1. Pour chaque décision, établissez les faits, la procédure, le problème juridique et la solution de la juridiction

2. Questions :

a. Assimilation des sanctions fiscales et pénales : à la lumière de la jurisprudence, expliquez le principe de l’assimilation des sanctions fiscales aux sanctions pénales. Quelles sont les conséquences de l’application de ce principe ?

b. L’intérêt de retard : à la lumière de la jurisprudence, expliquez la distinction entre intérêts de retard et sanctions fiscales.

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Conseil constitutionnel, 30 décembre 1982, n°82-155 DC ;

Sur la validation prononcée par l'article 22 de la loi :

28. Considérant que l'article 22 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel est ainsi conçu : "I : Il est institué, à compter du 1er janvier 1982, dans le territoire de la Nouvelle-Calédonie et dépendances, un impôt annuel sur le revenu des personnes physiques dont le taux, l'assiette et les modalités de recouvrement sont fixés par délibération de l'assemblée territoriale.

II : La délibération de l'assemblée territoriale de la Nouvelle-Calédonie et dépendances n° 374 du 11 janvier 1982 est validée à l'exclusion des dispositions du 4 de l'article 78" ;

29. Considérant que les députés auteurs de la saisine soutiennent que la validation de la délibération de l'assemblée territoriale visée par le paragraphe II de l'article 22 précité est contraire à la Constitution ; qu'en effet elle tendrait, selon eux, à faire obstacle de manière directe à l'examen par le juge administratif des recours formés contre ladite délibération ; qu'en tout état de cause la validation ne saurait conférer un effet rétroactif aux dispositions pénales du texte validé ;

30. Considérant que l'article 7 de la loi n° 76-1221 du 28 décembre 1976 relative à l'organisation de la Nouvelle-Calédonie et dépendances ne place pas dans les compétences réservées à l'Etat et donc attribue au territoire la compétence en matière d'assiette, de taux et de modalités de recouvrement des impositions ;

31. Considérant cependant que le législateur peut toujours déroger à une loi ; que, par suite, il pouvait statuer directement sur tout ou partie des matières faisant l'objet de la délibération de l'assemblée territoriale visée par le paragraphe II de l'article 22 de la loi ; que, dès lors, la validation prononcée par

les dispositions de ce paragraphe qui a pour effet de reprendre le contenu de ladite délibération en lui conférant rétroactivement valeur législative ne saurait être regardée comme contraire à la Constitution ;

32. Considérant cependant que l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme de 1789 dispose : "La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée" ;

33. Considérant que le principe de non-rétroactivité ainsi formulé ne concerne pas seulement les peines appliquées par les juridictions répressives, mais s'étend nécessairement à toute sanction ayant le caractère d'une punition même si le législateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer à une autorité de nature non judiciaire ;

34. Considérant, dès lors, que la validation régulièrement opérée de la délibération susvisée par le paragraphe II de l'article 22 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel ne saurait avoir pour effet de soustraire au principe de non-rétroactivité les dispositions de ladite délibération édictant des sanctions, sans distinction entre celles dont l'application revient à une juridiction et celles dont l'application revient à l'administration ; que, toutefois, cette limitation des effets de la validation ne s'étend pas aux majorations de droits et aux intérêts de retard ayant le caractère d'une réparation pécuniaire ; qu'il appartiendra aux autorités chargées de l'application de la présente loi de veiller à ce qu'aucune amende ne soit prononcée sur le fondement de la validation législative en raison de faits antérieurs à la date de mise en vigueur de la loi validant la délibération susvisée ;

Cass. com., 6 octobre 1988, n°96-19.382, SNC Sofon ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Paris, 15 mai 1996) que la société Sofon, marchand de biens (la société), a acquis le 4 août 1987 des biens immobiliers en s'engageant à les revendre dans le délai de cinq ans, bénéficiant ainsi du régime fiscal prévu par l'article 1115 du Code général des impôts ; que, n'ayant pas tenu entièrement cet engagement le 4 août 1992, de sorte

qu'elle se trouvait déchue de cet avantage fiscal, elle a payé le 23 septembre 1992 les droits d'enregistrement différés et une amende fiscale de 6 % ; que l'administration fiscale lui a réclamé les intérêts de retard ayant couru depuis le 4 août 1987 jusqu'au 23 septembre 1992 ;

Attendu que la société reproche au jugement d'avoir rejeté sa demande de nullité de l'avis de mise en recouvrement de la somme correspondant à ces

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intérêts alors, selon le pourvoi, d'une part, que, lorsqu'une mutation est placée sous le régime de l'article 1115 du Code général des impôts, elle est exonérée de tous droits, hormis la taxe de publicité foncière ; que dans le cas où l'acquéreur n'a pas pu revendre les biens qui faisaient l'objet de l'acte dans le délai imparti, l'article 1840-G quinquiès du Code général des impôts prévoit qu'il est tenu d'acquitter le montant des impositions dont la perception a été différée et un droit supplémentaire de 6 % et que les sommes ainsi dues doivent être versées dans le mois suivant l'expiration dudit délai ; qu'il résulte de ces dispositions que l'imposition dont la perception avait été ainsi régulièrement différée en application de l'article 1115 du même Code doit être acquittée au plus tard à cette date ; que le défaut de paiement ou le versement tardif ne peut être constaté qu'à l'expiration du délai ainsi institué et que l'intérêt de retard prévu par l'article 1727 du Code ne court en conséquence qu'à compter de la fin du mois suivant l'expiration dudit délai imparti à l'acquéreur pour revendre et pendant lequel il a légalement bénéficié d'une exonération ; qu'en estimant néanmoins que l'application de l'article 1115 du Code général des impôts n'a pas pour effet de reporter le fait générateur de l'imposition, le Tribunal en a violé les dispositions, ainsi que celles des articles 1727 et 1840-G quinquiès du même Code ; alors, d'autre part, que lorsqu'un contribuable a bénéficié de l'exonération instituée à l'article 1115 et qu'il n'a pas revendu le bien qui faisait l'objet de l'acte ainsi exonéré dans le délai imparti, l'article 1840-G quinquiès du même Code lui impose d'acquitter le montant des impositions dont la perception a été différée ; que si l'article 1727 du Code sanctionne par l'application d'un intérêt de retard le défaut ou l'insuffisance de paiement, ainsi que le paiement tardif, il n'impose pas un tel intérêt en cas de paiement légalement différé ; que le paiement différé exigé en application des articles 1115 et 1840-G quinquiès susmentionnés ne peut être assimilé ni à un défaut ou une insuffisance de paiement ni à un paiement tardif, le contribuable n'étant tenu d'aucune obligation d'acquitter l'impôt avant l'expiration du

délai imparti pour revendre et aucun délai de paiement ne courant avant l'expiration de ce délai imparti pour revendre ; qu'en faisant cependant application de l'intérêt de retard, le Tribunal a violé par fausse application les dispositions de l'article 1727 du Code général des impôts ; et alors, enfin, que l'article 1840-G quinquiès du Code général des impôts sanctionne par un droit supplémentaire de 6 % le défaut de revente dans le délai institué par l'article 1115 du même Code ; que cette sanction est exclusive de toute autre sanction, pénalité ou intérêt ; qu'en décidant cependant que doit en outre s'appliquer en pareil cas l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du Code général des Impôts, le Tribunal a violé les dispositions de l'article 1840-G quinquiès de ce Code ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'intérêt de retard n'a pas le caractère d'une sanction ; qu'aux termes de l'article 1840-G quinquiès du Code général des impôts le défaut de revente dans les cinq ans entraîne l'exigibilité des droits qui auraient dus être payés lors de la formalité de l'enregistrement si, du fait de l'engagement de revente, le paiement de ces droits avait été différé ;

Attendu, en second lieu, que le jugement retient à bon droit que le fait générateur des droits d'enregistrement est l'acte de mutation ; qu'il en résulte que l'inobservation de l'engagement de revente, en considération duquel le paiement de ces droits a été différé, entraîne la déchéance du régime de faveur prévu par l'article 1115 du Code général des impôts et que cette déchéance rend exigibles les droits de mutation qui auraient été dus au jour de la présentation de l'acte à la formalité ; qu'ainsi les intérêts de retard afférents aux droits en principal sont dus à compter du premier jour suivant le mois au cours duquel ils auraient dû être acquittés, à savoir celui de l'enregistrement de l'acte de mutation ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

CE, Avis, 31 mars 1995, n°164008, SARL Auto- industr i e Méric ;

Aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal officiel par décret du 3 mai 1974 : « 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue... équitablement... par un tribunal qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation

en matière pénale dirigée contre elle... 2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. 3. Tout accusé a droit notamment : a) à être informé, dans le plus court délai ;... de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; b) de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense... » ;

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Il résulte du texte même de cet article que l'ensemble de ses stipulations n'est applicable qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale. Notamment, le § 2 dudit article qui, énonçant en matière pénale le principe de présomption d'innocence, concerne les règles d'instruction et de preuve applicables devant les juridictions, se borne à préciser les modalités de contestation, devant ces dernières, des accusations en matière pénale.

Il suit de là que l'article 6 précité n'énonce, y compris dans son § 2, aucune règle ou aucun principe dont le champ d'application s'étendrait au-delà des procédures contentieuses suivies devant les juridictions, et qui gouvernerait l'élaboration ou le

prononcé de sanctions, quelle que soit la nature de celles-ci, par les autorités administratives qui en sont chargées par la loi.

Les principes que fixe ledit article 6 sont en revanche applicables à la contestation, devant les juridictions compétentes, des majorations d'impositions prévues à l'article 1729-1 du CGI en cas de manoeuvres frauduleuses qui, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent et n'ont pas pour objet la seule réparation pécuniaire d'un préjudice, constituent, même si le législateur a laissé le soin de les établir et de les prononcer à l'autorité administrative, des « accusations en matière pénale » au sens des stipulations de l'article 6 précité.

Cass. crim., 29 avril 1997, n°95-20.001, Ferre ira ;

Attendu, selon le jugement déféré (tribunal de grande instance de Béthune, 1er août 1995), que M. Ferreira, propriétaire d'un véhicule automobile d'une puissance fiscale de 23 chevaux, a, après le rejet de sa réclamation présentée le 11 mai 1994, assigné le directeur des services fiscaux devant le tribunal de grande instance pour obtenir la restitution de la taxe différentielle acquittée au titre de l'année 1993 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, M. Ferreira fait grief au jugement d'avoir rejeté sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que la Cour de justice des Communautés européennes ayant constaté, dans l'arrêt rendu le 17 septembre 1987, que le mode de détermination de la puissance fiscale des véhicules alors en vigueur avait un effet discriminatoire ou protecteur au sens de l'article 95 du Traité, le système de taxation comportant ce mode de détermination doit rester sans application ; que dès lors, le Tribunal, dont les constatations établissent que la puissance administrative du véhicule de M. Ferreira a été déterminée suivant ces mêmes modalités, a violé, par refus d'application, l'article 95 du traité de Rome, et alors, d'autre part, que la circulaire du 28 décembre 1956 prenait en compte un facteur K, dans des conditions que M. Ferreira critiquait dans ses mémoires ; qu'en affirmant le contraire, le tribunal de grande instance a violé ledit texte ; Mais attendu que, dans son arrêt du 17 septembre 1987 (Feldain), la Cour de Justice des Communautés européennes a seulement jugé incompatible la limitation du facteur K dans le mode de calcul de la puissance fiscale introduite par la circulaire du 23 décembre 1977 ; qu'il en résulte que la taxe perçue en 1993 sur des véhicules dont le mode de calcul de la puissance fiscale n'a pas subi cette limitation est

compatible avec l'article 95 du Traité ; que c'est donc à bon droit, que le Tribunal a jugé la taxe en cause compatible avec cette disposition ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. Ferreira fait encore grief au jugement d'avoir rejeté sa demande de restitution de la taxe différentielle acquittée au titre de l'année 1993, alors, selon le pourvoi, que comporte un effet discriminatoire ou protecteur prohibé par l'article 95 du traité de Rome, le système de taxation appliquant un coefficient multiplicateur dont la progression de tranche en tranche est plus forte à partir de celles qui correspondent à des véhicules d'importation que pour les tranches inférieures auxquelles correspond l'essentiel de la production nationale ; le tribunal, qui n'a pas déchargé le demandeur de la taxe établie par application de l'article 20-1 de la loi du 30 décembre 1987, qui établit un tel système, a violé ledit article du traité de Rome ;

Mais attendu que, dans un arrêt du 30 novembre 1995 (Casarin), la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que l'article 95 du Traité instituant la Communauté européenne ne s'oppose pas à l'application d'une réglementation nationale relative à la taxe sur les véhicules à moteur qui prévoit une augmentation du coefficient de progressivité au-delà du seuil de 18 chevaux, dès lors que cette augmentation n'a pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d'autres Etats membres ; qu'elle a constaté, dans le même arrêt, qu'il n'apparaît pas que, dans le système de la loi du 30 décembre 1987, l'augmentation du

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coefficient de progressivité puisse avoir pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale ; que, c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé le système de taxe issu de la loi du 30 décembre 1987 compatible avec l'article 95 du Traité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour écarter l'application de la disposition susvisée, le Tribunal retient que les pénalités prévues par l'article 1840 N quater du Code général des impôts résultent de la seule constatation matérielle par l'administration fiscale du non-paiement de la taxe, exclusive de toute appréciation du comportement du contribuable, et que la décision de l'Administration est susceptible de recours devant un tribunal ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qu'un système de majorations d'impôt ne se heurte pas à l'article 6 de la Convention pour autant

que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte ; que l'amende fiscale prévue par l'article 1840 N quater du Code général des impôts constitue une sanction ayant le caractère d'une punition et que cette disposition n'a pas institué à l'encontre de la décision de l'Administration un recours de pleine juridiction permettant au tribunal de se prononcer sur le principe et le montant de l'amende ; qu'il en résulte que l'application de l'article 1840 N quater doit être écartée dans cette mesure au regard de l'article 6-1 susvisé, le Tribunal a violé cette disposition ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. Ferreira au paiement des pénalités pour le non-paiement de la taxe différentielle due au titre de l'année 1993, le jugement rendu le 1er août 1995, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Béthune ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Lille.

CE, Avis, Ass., 12 avril 2002, n°239693, SA financière Labeyr ie .

REND L'AVIS SUIVANT 1. Dans sa rédaction en vigueur issue de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987, l'article 1727 du code général des impôts dispose : Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F./ Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. L'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat à raison du non respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales. Si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié.

2. Aux termes de l'article L. 207 du livre des procédures fiscales : Lorsqu'une réclamation contentieuse est admise en totalité ou en partie, le contribuable ne peut prétendre à des dommages-intérêts ou à des indemnités quelconques, à l'exception des intérêts moratoires prévus par l'article L. 208. ; qu'aux termes de l'article L. 208 du même code : Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. (...) / Aux termes de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des

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biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. Selon l'article 14 de la même convention : La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. Si les stipulations combinées des articles précités de la convention européenne de sauvegarde des droits

de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables, elles sont en revanche sans portée dans les rapports institués entre la puissance publique et un contribuable à l'occasion de l'établissement et du recouvrement de l'impôt. Dès lors, un moyen tiré de l'existence d'une différence de taux entre, d'une part, l'intérêt de retard institué par l'article 1727 du code général des impôts et, d'autre part, les intérêts moratoires mentionnés aux articles L. 207 et L. 208 du livre des procédures fiscales n'est pas susceptible d'être accueilli.

CEDH, 8 juin 1976, n°5100/71, série A, n°22, Engel ;

SUR LES VIOLATIONS ALLEGUEES DE L’ARTICLE 6 (art. 6)

A. Sur la violation alléguée de l’article 6 (art. 6) considéré isolément

78. Les cinq requérants allèguent des violations de l’article 6 (art. 6), aux termes duquel

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.

2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

3. Tout accusé a droit notamment à:

a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;

e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience. »

79. Pour le Gouvernement et la Commission, les procédures intentées contre MM. Engel, van der Wiel, de Wit, Dona et Schul n’avaient trait ni à des "contestations sur des droits et obligations de caractère civil", ni à des "accusations en matière pénale".

Amenée ainsi à s’interroger sur l’applicabilité de l’article 6 (art. 6) en l’espèce, la Cour examinera d’abord si lesdites procédures concernaient des "accusations en matière pénale" au sens de ce texte: quoique disciplinaires d’après la législation néerlandaise, elles tendaient à réprimer au moyen de sanctions des manquements reprochés aux requérants, objectif analogue au but général du droit pénal.

1. Sur l’applicabilité de l’article 6 (art. 6)

a) Sur l’existence d’"accusations en matière pénale"

80. Tous les États contractants distinguent de longue date, encore que sous des formes et à des degrés divers, entre poursuites disciplinaires et poursuites pénales. Pour les individus qu’elles visent, les premières offrent d’habitude sur les secondes des avantages substantiels, par exemple quant aux

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condamnations infligées: en général moins lourdes, celles-ci ne figurent pas au casier judiciaire et entraînent des conséquences plus limitées. Il peut cependant en aller autrement; en outre, les instances pénales s’entourent d’ordinaire de garanties supérieures.

Aussi faut-il se demander si la solution retenue en ce domaine à l’échelle nationale est ou non décisive au regard de la Convention: l’article 6 (art. 6) cesse-t-il de jouer pour peu que les organes compétents d’un État contractant qualifient de disciplinaires une action ou omission et les poursuites engagées par eux contre son auteur, ou s’applique-t-il au contraire dans certains cas nonobstant cette qualification? Le problème, soulevé à juste titre par la Commission et dont le Gouvernement reconnaît l’importance, surgit notamment quand une action ou omission s’analyse selon le droit interne de l’État défendeur en une infraction mixte, à la fois pénale et disciplinaire, et qu’il existe donc pour elle une possibilité d’option, voire de cumul, entre poursuites pénales et poursuites disciplinaires.

81. La Cour a prêté attention aux thèses respectives des requérants, du Gouvernement et de la Commission sur ce qu’ils ont dénommé l’"autonomie" de la notion d’"accusation en matière pénale", mais elle ne souscrit entièrement à aucune d’entre elles (rapport de la Commission, paragraphes 33-34, paragraphes 114-119 et opinion séparée de M. Welter; mémoire du Gouvernement, paragraphes 25-34; mémoire de la Commission, paragraphes 9-16, paragraphes 14-17 de l’annexe I et paragraphes 12-14 de l’annexe II; compte rendu des audiences des 28 et 29 octobre 1975).

Par son arrêt Neumeister du 27 juin 1968, la Cour a déjà jugé que le mot "accusation" doit se comprendre "au sens de la Convention" (série A no 8, p. 41, par. 18, à rapprocher du deuxième alinéa de la p. 28 et du premier alinéa de la p. 35; cf. aussi l’arrêt Wemhoff du 27 juin 1968, série A no 7, pp. 26-27, par. 19, et l’arrêt Ringeisen du 16 juillet 1971, série A no 13, p. 45, par. 110).

La question de l’"autonomie" de la notion de "matière pénale" n’appelle pas exactement la même réponse.

La Convention permet sans nul doute aux États, dans l’accomplissement de leur rôle de gardiens de l’intérêt public, de maintenir ou établir une distinction entre droit pénal et droit disciplinaire ainsi que d’en fixer le tracé, mais seulement sous certaines conditions. Elle les laisse libres d’ériger en infraction pénale une action ou omission ne constituant pas l’exercice normal de l’un des droits qu’elle protège; cela ressort, spécialement, de son article 7 (art. 7). Pareil choix, qui a pour effet de rendre applicables les articles 6 et 7 (art. 6, art. 7), échappe en principe au contrôle de la Cour.

Le choix inverse, lui, obéit à des règles plus strictes. Si les États contractants pouvaient à leur guise qualifier une infraction de disciplinaire plutôt que de pénale, ou poursuivre l’auteur d’une infraction "mixte" sur le plan disciplinaire de préférence à la voie pénale, le jeu des clauses fondamentales des articles 6 et 7 (art. 6, art. 7) se trouverait subordonné à leur volonté souveraine. Une latitude aussi étendue risquerait de conduire à des résultats incompatibles avec le but et l’objet de la Convention. La Cour a donc compétence pour s’assurer, sur le terrain de l’article 6 (art. 6) et en dehors même des articles 17 et 18 (art. 17, art. 18), que le disciplinaire n’empiète pas indûment sur le pénal.

En résumé, l’"autonomie" de la notion de "matière pénale" opère pour ainsi dire à sens unique.

82. Dès lors, la Cour doit préciser, en se limitant au domaine du service militaire, comment elle vérifiera si une "accusation" donnée, à laquelle l’État en cause attribue - comme en l’espèce - un caractère disciplinaire, relève néanmoins de la "matière pénale" telle que l’entend l’article 6 (art. 6).

A ce sujet, il importe d’abord de savoir si le ou les textes définissant l’infraction incriminée appartiennent, d’après la technique juridique de l’Etat défendeur, au droit pénal, au droit disciplinaire ou aux deux à la fois. Il s’agit cependant là d’un simple point de départ. L’indication qu’il fournit n’a qu’une valeur formelle et relative; il faut l’examiner à la lumière du dénominateur commun aux législations respectives des divers États contractants.

La nature même de l’infraction représente un élément d’appréciation d’un plus grand poids. Si un militaire se voit reprocher une action ou omission qui aurait transgressé une norme juridique régissant le fonctionnement des forces armées, l’État peut en principe utiliser contre lui le droit disciplinaire plutôt que le droit pénal. A cet égard, la Cour marque son accord avec le Gouvernement.

Là ne s’arrête pourtant pas le contrôle de la Cour. Il se révélerait en général illusoire s’il ne prenait pas également en considération le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé. Dans une société attachée à la prééminence du droit, ressortissent à la "matière pénale" les privations de liberté susceptibles d’être infligées à titre répressif, hormis celles qui par leur nature, leur durée ou leurs modalités d’exécution ne sauraient causer un préjudice important. Ainsi le veulent la gravité de l’enjeu, les traditions des États contractants et la valeur que la Convention attribue au respect de la liberté physique de la personne (cf., mutatis mutandis, l’arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, série A no 12, p. 36, dernier alinéa, et p. 42 in fine).

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83. C’est en se fondant sur ces critères que la Cour recherchera si les requérants, ou certains d’entre eux, ont fait l’objet d’une "accusation en matière pénale" au sens de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).

En l’occurrence, l’accusation pouvant entrer en ligne de compte résidait dans la décision du chef de corps telle que l’officier de recours l’avait confirmée ou atténuée. Comme le tribunal appelé à statuer, à savoir la Haute Cour militaire, n’avait pas compétence pour ordonner une sanction plus rigoureuse (paragraphe 31 ci-dessus), c’est bien cette décision qui fixait définitivement l’enjeu.

84. Les infractions reprochées à MM. Engel, van der Wiel, de Wit, Dona et Schul tombaient sous le coup de textes appartenant au droit disciplinaire d’après la législation néerlandaise (loi de 1903 et règlement de discipline militaire), encore que celles dont avaient à répondre MM. Dona et Schul (article 147 du code pénal militaire), voire MM. Engel et de Wit (articles 96 et 114 dudit code selon Me van der Schans, audience du 28 octobre 1975), se prêtassent aussi à des poursuites pénales. En outre, elles avaient toutes transgressé, aux yeux du commandement militaire, des normes juridiques régissant le fonctionnement des forces armées néerlandaises. Le choix de la voie disciplinaire se justifiait sous ce rapport.

85. Quant à la sanction maximale que pouvait prononcer la Haute Cour militaire, elle consistait en quatre jours d’arrêts simples pour M. van der Wiel, en deux jours d’arrêts de rigueur pour M. Engel (troisième peine) et en trois ou quatre mois

d’affectation à une unité disciplinaire pour MM. de Wit, Dona et Schul.

M. van der Wiel n’était donc passible que d’une peine légère et non privative de liberté (paragraphe 61 ci-dessus).

De son côté, la sanction privative de liberté dont M. Engel se voyait en théorie menacé était de trop courte durée pour ressortir à la "matière pénale"; il ne risquait du reste pas de devoir la subir à l’issue de l’instance engagée par lui devant la Haute Cour militaire le 7 avril 1971 puisqu’il l’avait déjà purgée du 20 au 22 mars (paragraphes 34-36, 63 et 66 ci-dessus).

En revanche, les "accusations" portées contre MM. de Wit, Dona et Schul relevaient bien de la "matière pénale" car elles tendaient à l’infliction de lourdes peines privatives de liberté (paragraphe 64 ci-dessus). Sans doute la Haute Cour militaire n’a-t-elle frappé M. de Wit que de douze jours d’arrêts aggravés, c’est-à-dire d’une sanction non privative de liberté (paragraphe 62 ci-dessus), mais le résultat final du recours ne saurait amoindrir l’enjeu initial.

La Convention n’astreignait certes pas les autorités compétentes à poursuivre MM. de Wit, Dona et Schul en vertu du code pénal militaire devant un conseil de guerre (paragraphe 14 ci-dessus), solution qui aurait pu se révéler moins avantageuse pour eux; elle les obligeait cependant à leur accorder les garanties de l’article 6 (art. 6).

CEDH, 24 février 1994, n°12547/86, série A, n°284, Bendenoun c/ France .

I. Sur la violation alléguée de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention :

43. M. Bendenoun se plaint de ne pas avoir bénéficié d'un procès équitable devant les juridictions administratives quant aux majorations d'impôt auxquelles le fisc l'a assujetti. Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ».

A. Sur l'applicabilité de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)

44. Requérant et Commission s'accordent à estimer ce texte applicable en l'espèce.

45. Le Gouvernement soutient la thèse contraire. Selon lui, la procédure litigieuse ne portait pas sur une « accusation en matière pénale » car les majorations d'impôt infligées à M. Bendenoun présentaient tous les traits d'une sanction administrative au sens de la jurisprudence de la Cour (arrêts Engel et autres c. Pays-Bas, du 8 juin 1976, et Öztürk c. Allemagne, du 21 février 1984, série A nos 22 et 73).

La remarque vaudrait d'abord pour la qualification donnée par le droit français: le code général des impôts classerait lesdites majorations parmi les "sanctions fiscales" et non parmi les « sanctions pénales » (paragraphes 33 et 34 ci-dessus). Il en irait de même de la nature de l'infraction: les faits reprochés au requérant se définiraient comme des "manœuvres frauduleuses" et non comme une « soustraction frauduleuse », le Conseil d'Etat attribuant un caractère fiscal aux premières et pénal à

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la seconde. La nature et le degré de sévérité de la sanction ne conduiraient pas à une conclusion différente : les majorations seraient infligées par le fisc, sous le contrôle des juridictions administratives, et non par le juge pénal; elles se calculeraient en fonction du redressement fiscal et seraient donc directement proportionnelles aux droits éludés au principal; elles ne se substitueraient pas à une mesure privative de liberté et n'entraîneraient jamais une déchéance de droits; elles demeureraient à la charge des héritiers en cas de décès du contribuable; elles échapperaient aux règles relatives à la récidive, à la complicité, au cumul des peines et à l'inscription au casier judiciaire.

46. En ce qui concerne les aspects généraux du système français de majorations d'impôt en cas d'absence de bonne foi, la Cour estime qu'eu égard au grand nombre des infractions du type visé à l'article 1729 par. 1 du code général des impôts (paragraphe 34 ci-dessus), un Etat contractant doit avoir la liberté de confier au fisc la tâche de les poursuivre et de les réprimer, même si la majoration encourue à titre de sanction peut être lourde. Pareil système ne se heurte pas à l'article 6 (art. 6) de la Convention pour autant que le contribuable puisse saisir de toute décision ainsi prise à son encontre un tribunal offrant les garanties de ce texte.

47. Quant au cas d'espèce, la Cour ne sous-estime pas l'importance de plusieurs des éléments avancés par le Gouvernement. Elle relève cependant, à la lumière de sa jurisprudence et notamment de l'arrêt Öztürk précité, que quatre facteurs jouent dans le sens opposé.

En premier lieu, les faits incriminés tombaient sous le coup de l'article 1729 par. 1 du code général des impôts (paragraphe 34 ci-dessus). Or, il concerne tous les citoyens en leur qualité de contribuables, et non un groupe déterminé doté d'un statut particulier; il leur prescrit un certain comportement et assortit cette exigence d'une sanction.

Deuxièmement, les majorations d'impôt ne tendent pas à la réparation pécuniaire d'un préjudice, mais visent pour l'essentiel à punir pour empêcher la réitération d'agissements semblables.

Troisièmement, elles se fondent sur une norme de caractère général dont le but est à la fois préventif et répressif.

Enfin, elles revêtaient en l'occurrence une ampleur considérable puisqu'elles s'élevaient à 422 534 F pour l'intéressé et 570 398 pour sa société (paragraphe 13 ci-dessus), et le défaut de paiement exposait M. Bendenoun à l'exercice, par les juridictions répressives, de la contrainte par corps (paragraphe 35 ci-dessus).

Ayant évalué le poids respectif des divers aspects de l'affaire, la Cour note la prédominance de ceux qui

présentent une coloration pénale. Aucun d'eux n'apparaît décisif à lui seul, mais additionnés et combinés ils conféraient à l'"accusation" litigieuse un "caractère pénal" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1), lequel trouvait donc à s'appliquer.

48. Pareille conclusion dispense la Cour de prendre en considération les compléments d'impôt (paragraphes 13 et 34 ci-dessus), sur lesquels les comparants n'ont d'ailleurs guère insisté devant elle.

B. Sur l'observation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)

49. Le requérant dénonce une atteinte au principe du contradictoire. Tandis que le fisc aurait choisi unilatéralement et avec soin, puis communiqué aux juridictions administratives, les pièces à conviction, lui-même n'aurait pas eu accès à la totalité du dossier constitué par les douanes, où figuraient non seulement les procès-verbaux mais aussi les données sur lesquelles ils se fondaient. Or la non délivrance d'une copie, pourtant maintes fois réclamée à l'administration des impôts et au tribunal administratif de Strasbourg (paragraphes 18-20 ci-dessus), l'aurait empêché de déceler des éléments à décharge, et en particulier de faire entendre et interroger l'informateur anonyme qui se trouvait à l'origine des poursuites.

50. La Commission arrive à la même conclusion. Certes, elle s'abstient de rechercher si les documents du dossier douanier pouvaient être de nature à confirmer ou infirmer la "culpabilité" de M. Bendenoun, tout comme elle se refuse à spéculer sur l'issue que la procédure litigieuse aurait connue si l'intéressé avait disposé de l'ensemble de ce dossier. Elle formule néanmoins un constat: le requérant pouvait, de manière plausible, avancer que les documents en question renfermaient des indications propres à étayer sa thèse, et notamment à contredire les déclarations relatées dans les procès-verbaux produits par le fisc. Elle relève en outre qu'à deux reprises, le président du tribunal administratif invita en vain le procureur de la République de Strasbourg à produire le dossier douanier (paragraphes 18 et 20 ci-dessus).

51. Pour le Gouvernement au contraire, ni en première instance ni en appel M. Bendenoun ne se trouva dans une situation désavantageuse par rapport à l'administration des impôts.

Le tribunal administratif de Strasbourg aurait statué sur le fond de l'affaire au vu des observations des parties et des pièces en sa possession. S'estimant suffisamment informé, il n'aurait rendu aucun jugement avant dire droit ordonnant le dépôt du dossier douanier. Toujours selon le Gouvernement, les démarches du président auprès du parquet ne pouvaient en tenir lieu, d'autant qu'elles n'émanaient pas de la formation de jugement et revenaient en

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somme à transmettre les demandes de l'avocat du requérant.

Le fisc aurait annexé à son mémoire devant le tribunal quatre procès-verbaux d'audition par les agents des douanes - deux de M. Bendenoun et deux d'anciennes salariées d'ARTSBY 1881, chargées de la facturation -, sur lesquels l'intéressé put s'expliquer. En revanche, il aurait évité de verser au débat dix procès-verbaux où figuraient des éléments à charge, sans compter sept autres qui ne fournissaient aucune information utile en matière fiscale. On ne saurait donc lui reprocher d'avoir procédé à un "tri" au détriment du requérant et des droits de la défense. Quant aux factures "occultes" saisies chez lui, M. Bendenoun les avait établies lui-même et en connaissait donc l'existence et la nature; de plus, il y aurait eu accès devant le juge pénal et aurait admis qu'elles correspondaient à la qualification donnée par le fisc, c'est-à-dire qu'elles représentaient des ventes de monnaies.

De son côté, le Conseil d'Etat aurait jugé régulière la procédure suivie en première instance. Lui non plus n'aurait pas estimé nécessaire de prescrire la communication du dossier douanier. Il aurait trouvé suffisants les éléments disponibles, que corroboraient les constatations matérielles opérées au pénal par la cour d'appel de Colmar, dans ses arrêts du 13 mai 1981 (paragraphe 30 ci-dessus), et revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée.

52. La Cour rappelle d'abord que les allégations du requérant ne sont pertinentes que dans la mesure où la procédure devant les juridictions administratives concernait le bien-fondé de l'accusation de fraude fiscale sur laquelle se fondaient les majorations d'impôt. Partant, il s'agit seulement de rechercher s'il y a eu atteinte à l'égalité des armes ou, plus généralement, aux droits de la défense quant à la détermination de la culpabilité de M. Bendenoun.

Il échet de constater ensuite que les documents dont l'intéressé se plaint d'avoir en vain réclamé la

communication ne figuraient point parmi ceux qu'invoquaient les autorités fiscales.

Pour établir la culpabilité de M. Bendenoun, elles se servirent uniquement de quatre procès-verbaux (paragraphe 17 ci-dessus) mentionnés par le Gouvernement contenant la reconnaissance, par l'intéressé, de ses infractions douanières. Le grief se rapporte donc à des pièces absentes du dossier soumis aux juridictions administratives et sur lesquelles l'adversaire du requérant ne s'appuya pas.

La Cour n'exclut pas que dans pareille situation la notion de procès équitable puisse quand même comporter l'obligation, pour le fisc, de consentir à fournir au justiciable certaines pièces, ou même l'intégralité, de son dossier. Encore faut-il, pour le moins, que l'intéressé ait accompagné sa demande, ne fût-ce que sommairement, d'une motivation spécifique.

M. Bendenoun sollicitait la communication intégrale d'un dossier assez volumineux. Or les données recueillies par la Cour ne montrent pas qu'il ait jamais avancé aucun argument précis à l'appui de sa thèse selon laquelle, nonobstant sa reconnaissance des infractions douanières et ses aveux pendant l'instruction pénale, il ne pouvait combattre l'accusation de fraude fiscale sans posséder une copie dudit dossier. Cette carence se révèle d'autant plus dirimante qu'il n'ignorait pas l'existence et la teneur de la plupart des documents et que lui-même et son conseil avaient eu accès au dossier complet, du moins durant l'instruction pénale (paragraphe 26 ci- dessus).

53. En conclusion, il ne ressort pas des éléments dont dispose la Cour que la non communication de pièces ait porté atteinte aux droits de la défense et à l'égalité des armes. Il n'y a donc pas eu violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1).

Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,

1. Dit que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention s'applique en l'espèce et qu'il n'a pas été violé.

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SÉANCE 8 Les caractères généraux de

l’impôt sur le revenu

I. Bibliographie

BIENVENU (J.-J.), LAMBERT (T.), Droit fiscal, Paris, PUF, Collection Droit fondamental, 4ème éd., 2010, pp. 231-359.

PRETOT (X.), « Le principe de la progressivité de l’impôt sur le revenu revêt-il un caractère constitutionnel ? », Dr. Soc., 1993, p. 787.

DAVID (C.), FOUQUET (O.), PLAGNET (B.), RACINE (P.-F.), Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale, Paris, Dalloz, Coll. Grands arrêts, 5ème éd., 2009, pp.370-383.

II. Documents

Textes fondamentaux

o Code général des impôts (art. 92 CGI).

Documents :

o GUEZ (J.), « Le principe de progressivité de l’impôt sur le revenu : un principe introuvable ? », DF, 2006, étude 24.

o OLLEON (L.) « La Bourse et l’avis », RJF, 12/2003, étude p.343.

Jurisprudence :

o CE, 18 janvier 2008, n°303823, Lagrange.

III. Exercices

1. Commentaire sur les catégories de revenu :CE, 18 janvier 2008, n°303823, Lagrange

2. Question sur la progressivité : En quoi la progressivité de l’IR est-elle un facteur d’égalité.

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Code général des impôts

Article L 92 : « 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.

2. Ces bénéfices comprennent notamment :

1° Les produits des opérations de bourse effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations ;

2° Les produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs et par leurs héritiers ou légataires ;

3° Les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication ;

4° Les remises allouées pour la vente de tabacs fabriqués ;

5° Les produits des opérations réalisées à titre habituel sur un marché à terme d'instruments financiers ou d'options négociables, sur des bons d'option ou sur le marché à terme de marchandises mentionné à l'article 150 octies, lorsque l'option prévue au 8° du I de l'article 35 n'était pas ouverte au contribuable ou lorsqu'il ne l'a pas exercée ;

6° Les sommes et indemnités perçues par les arbitres ou juges au titre de la mission arbitrale mentionnée à l'article L. 223-1 du code du sport ;

7° Les sommes perçues par les avocats en qualité de fiduciaire d'une opération de fiducie définie à l'article 2011 du code civil.

3. Les bénéfices réalisés par les greffiers titulaires de leur charge sont imposés, suivant les règles applicables aux bénéfices des charges et offices, d'après leur montant net déterminé sous déduction des traitements et indemnités alloués aux greffiers par l'Etat. Ces traitements et indemnités sont rangés dans la catégorie visée au V de la présente sous-section ».

GUEZ (J.), « Le principe de progressivité de l’impôt sur le revenu : un principe introuvable ? »

Le principe de progressivité fondé sur une interprétation

exégétique créatrice du Conseil constitutionnel risque fort

de ne jamais être appliqué dans un usage de censure du

législateur, comme en témoigne la réforme récente de

l'impôt sur le revenu et la position du juge

constitutionnel. Il en va ainsi d'un principe, davantage

politique que juridique dans sa définition pratique, qui

renvoie à la problématique générale de la difficulté de

mise en oeuvre du principe d'égalité notamment en

matière fiscale.

1. - Le principe de progressivité fondé sur une interprétation exégétique créatrice du Conseil constitutionnel risque fort de ne jamais être appliqué dans un usage de censure du législateur, comme en témoigne la réforme récente de l'impôt sur le revenu et la position du juge constitutionnel. Il est, en effet, de certains principes constitutionnels comme des

bulles économiques. Des climats favorables suscitent la formation de principes constitutionnels jusqu'au jour où l'écart entre la jurisprudence constitutionnelle et la réalité de principes, davantage politiques que juridiques dans leur définition pratique, provoque l'explosion.

2. - L'idée de progressivité naît à la fin du XIXe siècle à partir des travaux des théoriciens marginalistes. Selon eux, l'intensité d'un besoin décroît au fur et à mesure que la quantité consommée augmente, autrement dit la satisfaction éprouvée pour chaque unité supplémentaire est moins importante que pour la précédente (l'utilité marginale diminue). Est apparue l'idée que la charge de l'impôt devait reposer sur les parties du revenu les moins utiles, ce qui conduirait à taxer de manière progressive les revenus. Seule la progressivité des tarifs d'impôt permettrait de réaliser une véritable proportionnalité de l'impôt à la capacité contributive

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de chaque contribuable et une véritable égalité devant le sacrifice fiscal.

3. - Cette analyse microéconomique se traduit sur le plan fiscal par l'impôt progressif, c'est-à-dire construit à partir de plusieurs taux d'imposition de plus en plus élevés au fur et à mesure que s'accroît la base d'imposition. La définition est simple dans son principe. Les modalités de mise en oeuvre sont, en revanche, particulièrement complexes puisqu'il s'agit d'apprécier le nombre de tranches, le niveau des taux et l'importance des abattements. Doit-on également tenir compte des prestations pour évaluer la progressivité ? Puisque, en effet, la progressivité poursuit une finalité de redistribution, l'analyse est partielle si elle ne prend pas en compte l'ensemble des éléments concourant à cette redistribution. Ainsi, il apparaît juste, notamment dans une perspective de comparaisons internationales, de mettre en regard de l'analyse du système des prélèvements fiscaux et sociaux l'ensemble des prestations produites dans la sphère publique assurant une redistribution.

4. - L'enjeu de la progressivité renvoie aux différentes conceptions de l'impôt et de sa fonction sociale et économique. Le concept libéral de l'impôt-échange, rendant compte des rapports d'intérêt existant entre l'individu et la société, chacun acceptant l'ordre social en considération des avantages et des services rendus par l'État, exige que les contribuables bénéficiant de la même protection contribuent de manière identique, c'est-à-dire au prorata des services qui leur sont rendus. Une autre conception de l'impôt, celle qui inspire l'instauration d'une imposition progressive, fait de la contribution commune un moyen d'assurer une certaine solidarité en répartissant la charge fiscale en fonction des facultés contributives, de sorte que les contribuables ne paient la même somme que s'ils se trouvent dans une situation identique. Aussi, l'égalité fiscale signifie que les citoyens doivent supporter la même charge fiscale dès lors qu'ils se trouvent dans une situation identique au regard des services qui leur sont rendus, selon la première approche, ou au regard de leur situation financière et familiale, selon la seconde approche.

5. - Inversement, il pourrait y avoir une limite à la progressivité car un certain niveau des taux de prélèvement serait confiscatoire et porterait atteinte au droit de propriété. Sans énoncer explicitement l'existence de cette exigence constitutionnelle, le Conseil constitutionnel a pu considérer que les limites supérieures des taux d'imposition de la taxe sur les achats de viande n'ont pas un caractère confiscatoireNote 1 ; que les dispositions portant à 70 % le taux de la CSG applicable à la progression du chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques, dans le cas où la progression de ce chiffre d'affaires est supérieure à 4 %, n'ont pas de caractère confiscatoire dès lors que le taux de 70 % ne

s'applique qu'à la tranche du chiffre d'affaires global dépassant de 4 % le chiffre d'affaires de l'année antérieure et que le montant de la contribution est plafonné, pour chaque entreprise, à 10 % du chiffre d'affaires réalisé en France au titre des médicaments remboursablesNote 2. Le prélèvement de 5 milliards de francs au profit de l'État sur le fonds commun de réserve et de garantie et le fonds de solidarité et de modernisation des caisses d'épargne et de prévoyance ne revêt pas un caractère confiscatoire portant atteinte au droit de propriété, compte tenu du montant des fonds sur lesquels sera opéré ce prélèvementNote 3.

6. - La mise en oeuvre du principe de progressivité relève davantage de considérations politiques et des différentes conceptions de la justice fiscale plutôt qu'une application toute mécanique, stable et univoque d'une règle juridique. En énonçant l'existence d'un principe de progressivité de l'imposition globale du revenu, le Conseil constitutionnel s'est mis lui-même dans une situation où il risque fort de renoncer à censurer le législateur sur le fondement de ce principe et, par conséquent, d'avoir consacré un principe purement virtuel (1). Aussi, la prudence avec laquelle le Conseil constitutionnel a jugé la réforme récente de l'impôt sur le revenu est peut-être le prélude de la fin d'un principe qui ne constituerait qu'un référent abstrait et dont l'application aurait conduit à franchir allègrement la frontière incertaine séparant le droit et la politique (2).

1. L'émergence du principe de progressivité : quand le droit se répand dans le politique

7. - Le principe de progressivité est déduit du principe d'égalité devant les charges publiques et a pour fondement l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (A). En réalité, en permettant à ce principe d'accéder à la vie juridique positive, le Conseil constitutionnel s'est livré à une interprétation très créatrice de la Déclaration des droits de 1789 (B).

A. - Le péché originel

8. - Le Conseil constitutionnel avait été saisi à propos des dispositions de la loi de finances pour 1991 instituant la contribution sociale généralisée. Les auteurs de la saisine faisaient valoir qu'en instituant une imposition sur le revenu proportionnelle et non progressive le législateur aurait méconnu l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Le Conseil constitutionnel avait alors répondu que la

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contribution se substituait « à due concurrence des prélèvements affectés à la sécurité sociale ; que ces prélèvements se caractérisaient par une prépondérance de cotisations qui ne sont ni assises sur l'ensemble des revenus ni soumises à une règle de progressivité ; qu'en outre, à la différence des cotisations sociales, les contributions nouvelles n'étaient pas déductibles de l'impôt sur le revenu, dont les taux sont progressifs (...) Dans ces conditions (...) le choix par le législateur d'un taux unique applicable aux contributions sociales qu'il institue ne pouvait être regardée comme contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen »Note 4.

9. - Les auteurs de la saisine avaient clairement rattaché l'exigence de progressivité à l'article 13 de la Déclaration. La réponse du Conseil constitutionnel n'était pas dénuée de toute ambiguïté et demandait confirmation. L'argumentaire reposait bien sur le fait que la progressivité n'aurait pas été affectée : d'une part, les contributions sociales se substituaient à des cotisations sociales aux taux proportionnels et, d'autre part, les contributions n'étaient pas déductibles. Le lien logique établit à travers l'expression « dans ces conditions » tendait à démontrer que cette exigence de la progressivité était contenue dans l'article 13 selon l'interprétation du juge constitutionnel.

10. - L'énoncé explicite du principe de progressivité est intervenu au moment de la réforme de la contribution sociale généralisée instituant une déductibilité partielle de la contribution par rapport à l'impôt sur le revenu. Dans une décision du 21 juin 1993, à propos de la déductibilité du supplément de CSG, le Conseil constitutionnel a estimé que la disposition ne portait pas atteinte à l'égalité entre les contribuables dès lors que « la déduction opérée (...) ne remet(tait) pas en cause le caractère progressif du montant de l'imposition globale du revenu des personnes physiques » et qu'ainsi « elle ne saurait être regardée comme contraire à l'article 13 de la déclaration de 1789 »Note 5. En l'espèce, le Conseil constitutionnel avait admis la conformité à l'exigence de progressivité car la déductibilité revêtait un caractère partiel et était assortie d'un mécanisme de plafonnement.

11. - Le champ du principe de progressivité avait été circonscrit par le Conseil constitutionnel. Le principe de progressivité ne s'applique, en effet, qu'à l'imposition globale du revenu et le juge constitutionnel n'exerce qu'un contrôle restreint en ne censurant que les ruptures caractérisées de l'égalité entre les contribuables. Toutefois, le rattachement du principe de progressivité de l'imposition globale du revenu des personnes physiques à l'article 13 de la Déclaration des droits de 1789 repose sur une interprétation particulièrement audacieuseNote 6.

B. - Une exégèse infidèle

12. - L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la contribution commune nécessaire à l'entretien de la force publique et aux dépenses d'administration « doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». La progressivité est une forme d'imposition prenant en compte les facultés contributives des citoyens. Cette interprétation s'écarte, néanmoins, de la réalité historique et, d'un strict point de vue exégétique, du sens originel de la Déclaration.

Le système fiscal mis en place après la Révolution de 1789 et pendant tout le XIXe siècle reposait essentiellement sur des impôts indirects. À une fiscalité de privilèges s'était substituée une fiscalité bourgeoise. L'impôt direct ne représentait qu'une imposition de complément et, à certaines périodes, répondait à une finalité de conservation bourgeoise du pouvoir : le suffrage censitaire réservait la participation politique à ceux qui avaient des revenus suffisants pour payer l'impôt. Les contributions directes (contribution foncière sur les propriétés bâties et non bâties, la patente, la personnelle mobilière et l'impôt sur les portes et les fenêtres) se caractérisaient par des techniques fiscales particulièrement favorables à la bourgeoisie. Elles étaient établies à partir de taux proportionnels et non progressifs. Elles étaient construites à partir des signes extérieurs et non sur les revenus réels, protégeant ainsi les contribuables de toute ingérence du fisc dans leur vie professionnelle et privée.

13. - Il a fallu l'entrée en guerre en 1914 et l'élection d'une majorité de gauche à la Chambre des députés pour que la réforme de l'impôt sur le revenu s'imposât à la suite d'un compromis entre la gauche et la droite. La naissance de l'impôt sur le revenu s'était déroulée sur fond d'opposition entre un courant réformiste en faveur d'une rénovation profonde du système fiscal et des adversaires acharnés à l'impôt sur le revenu se présentant comme les héritiers du système issu de la RévolutionNote 7. Le débat était vif comme en témoignent les réquisitoires contre l'idée d'un impôt sur le revenu fondé sur une technique de progressivité : « l'histoire nous montre, dans tous les temps et dans tous les pays, partout où l'on a essayé de l'introduire en violentant à la fois la liberté des hommes et la nature des choses, l'impôt progressif de quelque nom qu'on l'ait décoré, produisant les effets les plus détestables : l'envie, la délation, l'inquisition, la spoliation, l'émigration, les haines, les discordes civiles, la ruine et finalement la servitude »Note 8.

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14. - Le principe d'égalité devant les charges publiques n'est pas simple à appréhender. Il renvoie à plusieurs formes et conceptions de l'égalité. Le principe, évident dans son énoncé, renferme un fort contenu idéologique. Comme l'évoque Thierry Lambert, montrant les difficultés d'un impôt qui serait équitable et qui respecterait le principe d'égalité : « Le législateur est confronté à une double difficulté. La première est d'élaborer, en équité, des politiques fiscales de telle sorte que les dispositions arrêtées ne soient pas perçues, par les uns ou par les autres, comme une injustice. La seconde est de faire que les textes adoptés, fruit d'un équilibre fragile et de compromis laborieux, ne soient pas censurés, notamment au nom du principe d'égalité, par le Conseil constitutionnel » ; à l'inverse, nous pouvons considérer que « l'application du principe d'égalité, satisfaisant au plan du droit, peut être source d'inéquité économique ou sociale. Le principe d'égalité voudrait que l'on traite, par exemple, toutes les entreprises implantées sur le territoire national de la même façon. Il n'est pas certain que l'application mécanique de ce principe soit juste, soit équitable »Note 9.

15. - Mais l'exigence de progressivité, qui renvoie à une certaine conception de l'égalité devant les charges publiques, n'est pas le fruit de 1789, mais une conquête du milieu de la IIIe République. Elle est liée aux évolutions de la société française et, en particulier, aux nouvelles aspirations sociales qui ont pu naître au XIXe siècle. C'est dire si l'interprétation du Conseil constitutionnel, liant l'exigence de progressivité de l'imposition globale du revenu à l'idée d'une contribution répartie en fonction des facultés des citoyens issue de la déclaration de 1789, constitue au mieux une actualisation, au pire un anachronisme.

16. - L'adaptation du droit au temps n'est pas en soi condamnable. Les normes rigidifient le droit alors que l'environnement politique, économique et social se transforme. Le droit doit s'adapter soit parce que conçu comme le produit de son temps, soit parce que lui-même appréhendé comme un acteur de la transformation sociale. Cette adaptation peut prendre deux formes. La première, combinant respect de la démocratie et celui de l'État de droit, correspond à un changement normatif. L'autorité habilitée à édicter la norme apparaît immédiatement comme le premier agent de la mutation normative. La seconde, plus souple, consiste à laisser l'interprète maître de l'évolution. La signification d'une norme, en l'espèce constitutionnelle, est modifiée soit parce qu'elle a fait elle-même l'objet d'une révision, soit parce que la norme ne fait pas l'objet de la même interprétation. Ces voies de réformation ne sont pas équivalentes. Elles impliquent de considérer le statut de l'interprète, les rapports du juge et de la norme.

17. - L'enjeu est ici les rapports entre le droit et la politique : ou bien le juge constitutionnel non seulement maintiendra son principe de progressivité, mais l'appliquera également et censurera le législateur sur ce fondement, auquel cas le juge aura adopté une certaine conception politique de l'égalité devant les charges publiques ; ou bien la prudence l'emportera, comme il apparaît, et le juge se refusera à appliquer un principe qu'il a lui-même fait exister.

2. L'avenir du principe de progressivité : quand la politique reprend ses droits

18. - La progressivité de l'imposition globale du revenu est incertaine et relative. Un principe constitutionnel à la signification instable et politique risque fort de voir son usage par le Conseil constitutionnel très hypothétique.

A. - Une progressivité mythologique

19. - En France, la moitié des foyers fiscaux est imposable à l'impôt sur le revenu. Un quart des ménages paie plus de 80 % de l'impôt sur le revenu, alors qu'il ne dispose que de 57 % des revenus fiscaux. Le taux moyen ne dépasse 20 % que pour 1 % des contribuablesNote 10. Ces indicateurs pourraient démontrer une forte concentration de l'impôt sur le revenu si, dans le même temps, il n'était pas tenu compte de la CSG et de la CRDS qui apparaissent comme des prélèvements globalement proportionnelsNote 11. En outre, le niveau de rendement de l'impôt sur le revenu - là encore si l'on s'abstient d'adjoindre les contributions sociales - demeure faible en comparaison des autres pays développés. Au total, l'imposition globale du revenu (IR/CSG, CRDS) est duale avec un impôt progressif fortement concentré, personnalisé et à faible rendement et un prélèvement proportionnel, non personnalisé et à fort rendement. Il est d'ailleurs permis de s'interroger sur l'avenir de notre imposition des revenus et sur l'idée d'une fusion IR/CSG impliquant des transferts de charges et la prégnance inévitable d'une des deux formes d'imposition.

20. - Par-delà ces éléments, la progressivité de l'imposition globale du revenu est difficile à apprécier. Non seulement la progressivité est le produit de la combinaison de plusieurs critères (nombre de tranches, niveau des taux, montant des abattements), dont il est incertain d'établir une hiérarchie ou une pondération pour déterminer le niveau global de la progressivité, mais surtout il n'existe pas objectivement de niveau optimal de progressivité.

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21. - De manière globale, si on ne se limite pas à la seule imposition du revenu, notre système fiscal est très peu progressif. L'impôt sur le revenu ne représente que 17 % des recettes fiscales de l'État. Les recettes fiscales ne constituent elles-mêmes qu'une partie des prélèvements obligatoires. Dès lors, pourquoi limiter l'exigence de progressivité à la seule imposition du revenu ? Dans le cas d'une baisse de l'imposition du revenu par rapport à l'ensemble des prélèvements obligatoires voire, hypothèse d'école, d'une suppression de toute imposition du revenu, le système fiscal perd effectivement sa progressivité.

22. - La réforme prévue pour 2007 de l'impôt sur le revenuNote 12 réduit le niveau de progressivité de l'imposition du revenu. Elle prévoit de généraliser l'abattement de 20 % à l'ensemble des revenus et de supprimer son plafonnement. Il bénéficiait jusqu'à présent aux seuls salariés et aux commerçants, indépendants et professions libérales adhérents à un centre de gestion agréé. En 1994, le nombre de tranches d'imposition était passé de 12 à 7. La réforme réduit le nombre de tranches (en comptant la tranche à taux zéro) à 5. Le taux marginal d'imposition était de 52,75 % en 2002, il ne sera plus que de 40 %. Les taux d'imposition seront établis à 5,5 % pour les revenus compris entre 5 515 EUR à 10 846 EUR ; 14 % pour les revenus compris entre 10 847 EUR et 24 431 EUR ; 30 % pour les revenus compris entre 24 432 EUR et 65 558 EUR ; 40 % au-delà de 65 559 EUR . Un « bouclier fiscal » sera également établi à 60 % : aucun contribuable ne pourra payer des impôts directs (impôt sur le revenu, impôt sur la fortune, impôts locaux) totalisant plus de 60 % de ses revenusNote 13.

23. - Cette réforme de l'impôt sur le revenu s'inscrit dans une tendance généralisée dans les pays développés de simplification des barèmes et de réduction des tranches. Entre 2000 et 2003, sept pays membres de l'OCDE ont baissé le nombre de leurs tranches. Certains pays de l'Est ont instauré une taxe unique couvrant à la fois les revenus et les profits, parfois la TVA. Ce taux est de 26 % en Estonie, de 33 % en Lituanie, de 25 % en Lettonie, et de 19 % en Slovaquie. Ce mouvement des réformes est le produit de la concurrence fiscale. En Italie, l'impôt sur le revenu ne compte plus officiellement que trois tranches (quatre en réalité), contre cinq auparavant. La Grande-Bretagne a fixé trois taux (10, 22 et 40 %). Le système reste plus complexe en Allemagne, où neuf tranches et près de cinq cents « niches » fiscales et déductions diverses existent. Angela Merkel, nouveau chancelier, a proposé lors de la campagne électorale une simplification du barème et une réduction des taux d'imposition.

La perception du système fiscal optimal semble avoir changé. L'exigence de justice fiscale, au coeur de la notion de progressivité, tend à être concurrencée par les critères de la compétitivité et de la simplicité d'un

système d'imposition soumis aux contraintes d'une économie mondialisée. Dans cette perspective, le principe constitutionnel de progressivité de l'imposition globale du revenu pourrait s'avérer économiquement inadapté et politiquement contestable.

B. - Une notice nécrologique

24. - Au cours du contrôle de constitutionnalité de la loi de finances, quelle a été l'attitude du Conseil constitutionnel ? La réforme de l'impôt sur le revenu est assez substantielle et plusieurs mesures étaient susceptibles d'être considérées comme portant atteinte à la progressivité : évidemment l'instauration du « bouclier fiscal », à l'impact dégressif, mais aussi la réduction du nombre de tranches, la baisse des taux marginaux d'imposition et la généralisation de l'abattement. Curieusement, les auteurs de la saisine n'ont contesté que le « bouclier fiscal » et non pas sur le fondement du principe de progressivité mais, plus généralement, sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques de l'article 13 de la Déclaration de 1789.

Le Conseil constitutionnel s'est appuyé sur l'exigence du caractère non confiscatoire de l'impôt pour affirmer que, contrairement aux moyens développés par les auteurs de la saisine, l'instauration du bouclier fiscal, « loin de méconnaître l'égalité devant l'impôt, tend à éviter une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques »Note 14.

25. - L'article 13 peut ainsi conduire à des interprétations opposées liées au niveau de progressivité. D'une part, l'impôt pourrait être jugé comme portant atteinte à la progressivité de l'impôt sur le revenu. Inversement, d'autre part, sur le fondement du même article 13, l'impôt pourrait être considéré comme confiscatoire parce que trop progressif et justifiant une censure. Ici, parce que le bouclier fiscal constitue une sorte de protection contre des prélèvements confiscatoires, le juge constitutionnel reconnaît la disposition comme conforme à l'article 13 de la Déclaration de 1789. Il aurait pu apprécier, à l'inverse, que le bouclier fiscal ainsi que les autres dispositifs portaient une atteinte à la progressivité.

26. - Mais les moyens invoqués par les auteurs de la saisine n'invitaient pas le Conseil constitutionnel à se placer sur le terrain de la progressivité. Si ils s'étaient appuyés sur la non-conformité à l'exigence de progressivité et ne s'étaient pas limités au seul bouclier fiscal, la solution aurait-elle été différente ? Deux approches du juge constitutionnel auraient été, en définitive, possibles. Selon la première, le Conseil constitutionnel aurait considéré que le projet de loi de finances ne portait pas atteinte au principe

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constitutionnel de progressivité et faisait valoir son contrôle restreint : cela aurait été en réalité n'admettre l'application du principe que dans le cas limite de substitution des taux progressifs par un taux unique. Selon la seconde, le Conseil aurait censuré le texte et aurait pu se voir reprocher une immixtion politique.

27. - La problématique du principe de progressivité renvoie plus généralement aux incertitudes liées à la difficile mise en oeuvre du principe d'égalité et, plus particulièrement, en matière fiscale. Il faut distinguer deux types de rapport d'égalité. D'une part, l'égalité commutative ou l'égalité-uniformité renvoie à une égalité absolue entre tous les citoyens qui doivent être traités uniformément, conformément à l'article 6 de la Déclaration de 1789, « elle [la loi] doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ». D'autre part, l'égalité distributive ou l'égalité-proportionnalité correspond à une égalité qui tient compte de la situation du citoyen la mettant en rapport avec celle des autres citoyens, conception de l'égalité, également formulée à l'article 6, « tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités (...) selon leur mérite et sans autre distinction que leurs vertus et leurs talents ». Par-delà cette distinction entre l'idée d'égalité absolue et celle d'égalité relative, le juge introduit une autre notion : celle d'intérêt général. Il peut y avoir une dérogation au principe d'égalité dès lors que l'intérêt général l'exigeNote 15.

28. - À ces questions de philosophie politique se mêlent les objectifs de politique économique : des taux élevés favoriseraient les délocalisations ; aggraver la fiscalité, pour des raisons de justice fiscale, des revenus du capital par rapport aux revenus du travail pourrait freiner l'investissement, etc.

L'ambivalence fondamentale du rôle de l'impôt, à la fois destiné à donner à l'État les ressources nécessaires à son action et conçu comme un instrument de la justice sociale en permettant une redistribution de la richesse nationale, rend le concept de justice fiscale d'autant plus incertain. L'idée de justice fiscale est au coeur de la problématique du concept d'égalité : s'agit-il d'une égalité devant l'impôt ou d'une égalité par l'impôt ? La matière fiscale est ainsi un lieu d'affrontement entre un principe de justice fiscale déduit de l'article13 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 qui impose une modulation de la contribution en fonction des facultés contributives de chaque citoyen et un principe général d'égalité qui impose, au contraire, une non-discrimination. Il ne s'agit pas seulement de répartir la charge fiscale de manière égale mais aussi souvent, voire nécessairement, d'utiliser la fiscalité comme un instrument d'intervention sociale et économique. Or, cette intervention peut se faire au détriment de

l'universalité de l'impôt et même parfois de l'égalité elle-même. En conséquence, ces considérations pourraient nous obliger à donner un sens spécifique à l'égalité fiscale par rapport à l'égalité en général.

29. - Le principe d'égalité devant l'impôt peut impliquer une équitable répartition de l'impôt entre les contribuables en raison de leurs facultés contributives, relevant de l'égalité distributive. Ces traitements différents ou ces adaptations de la norme en fonction des « facultés contributives » des contribuables renvoient à l'idée de justice fiscale. Les avantages et les inconvénients respectifs des impôts progressifs et des impôts proportionnels dépendent largement des conceptions subjectives de la justice fiscale, de l'idée d'égalité des sacrifices entre les différents contribuables, d'une comparaison de l'utilité sociale et de l'utilité individuelle et, en définitive, ils renvoient au rôle que l'on assigne à l'État et à l'impôt.

Note 1 Cons. const., 28 déc. 2000, n° 2000-441 DC.

Note 2 Cons. const., 19 déc. 2000, n° 2000-437 DC.

Note 3 Cons. const., 29 déc. 1998, n° 98-405 DC. - cf. également

Cons. const., 30 déc. 1996, n° 96-385 DC : AJDA 1997, n° 2, note

O. Schrameck, p. 161 et s. et Cons. const., 29 déc. 1989, n° 89-268

DC : RFD const. 1990, n° 1, note L. Philip, p. 127 et s.

Note 4 Cons. const., 28 déc. 1990, n° 90-285 DC.

Note 5 Cons. const., 21 juin 1993, n° 93-320 DC.

Note 6 X. Prétot, Le principe de la progressivité de l'impôt revêt-il

un caractère constitutionnel ? : Dr. soc. 1993, n° 9-10, p. 787.

Note 7 V. à ce propos les études coordonnées par H. Isaia et J.

Spindler, Histoire du droit des Finances publiques : Economica,

1987.

Note 8 C. Benoist, Chambre des députés, séance 9 mars 1909 : JO

Débats 1909, p. 691.

Note 9 Th. Lambert, L'équité, supplétif de l'égalité en matière fiscale

in Égalité et équité. Antagonisme ou complémentarité : Economica,

1999, p. 122.

Note 10 Selon les chiffres issus de la Direction de la prévision

reproduits en 2003 par F. Adam, O. Ferrand et R. Rioux, Finances

publiques : Presses de Sciences-Po, Dalloz, 2003, p. 368.

Note 11 Ces contributions sont proportionnelles en dépit de

l'exonération de CSG en ce qui concerne les indemnités de chômage

et les pensions de retraite pour les revenus les plus modestes.

Note 12 Cette réforme est intégrée à la loi de finances pour 2006 (L.

n° 2005-1719, art. 75 : Dr. fisc. 2006, n° 1-2, comm. 5). Le nouveau

barème s'appliquera en 2007 pour les revenus de 2006.

Note 13 Les contribuables ayant payé en 2006 des impôts directs

totalisant plus de 60 % de leurs revenus de 2005 pourront demander

à être remboursés en 2007 (L. n° 2005-1719, 30 déc. 2005, art. 74 :

Dr. fisc. 2006, n° 1-2, comm. 2).

Note 14 Cons. const., 29 déc. 2005, n° 2005-530 DC.

Note 15 Cons. const., 16 janv. 1982, n° 81-132 DC.

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OLLEON (L.) « La Bourse et l’avis »

La Bourse et l'avis. par Laurent OLLEON, Maître des requêtes au Conseil d'Etat

CE 14 février 2001 n° 189572, Boniface : RJF 5/01 n° 614, concl. J. Courtial BDCF 5/01 n° 64

CE 3 février 2003 n° 232040, Roche : RJF 4/03 n° 432 , concl. F. Séners p. 307

CE 25 avril 2003 n° 231084, Melon : RJF 7/03 n° 836, concl. L. Vallée BDCF 7/03 n° 92

CE 5 novembre 2003 n° 241201, Riglet : texte à paraître à la RJF 1/04 n° 41

L'inflation normative est un facteur d'insécurité juridique. En outre, l'idée qu'une loi puisse être modifiée alors même que ses décrets d'application n'ont pas tous été pris choque le bon sens, d'autant plus que la modification en cause n'est pas toujours la conséquence d'une alternance politique.

Toutes les dispositions législatives ne sont, heureusement, pas soumises à cette instabilité chronique. Pour autant, il serait faux de croire que la pérennité constitue, à elle seule, une garantie de sécurité. En effet, une loi dont la rédaction traverse les époques, alors même que les matières dont elle traite ont subi d'importantes mutations, finit par s'avérer inadaptée.

Il a déjà été question, dans ces colonnes, de la difficulté que le juge éprouve parfois à combler le fossé qui se creuse alors entre la norme et la réalité. Lorsque ce fossé est immense, il lui arrive d'envoyer un signal au législateur ou au pouvoir réglementaire pour qu'ils interviennent enfin et changent la norme en cause. Ce signal peut prendre la forme de décisions inéquitables et choquantes, qui ont pour but de souligner la totale inadaptation de la règle de droit. Il arrive aussi que le juge parvienne à offrir à un texte une nouvelle jeunesse en modifiant en profondeur la lecture qu'il en donnait.

La jurisprudence du Conseil d'Etat relative à la notion d'opérations de bourse effectuées à titre habituel par des particuliers en fournit une illustration. L'article 92 du CGI assimile les produits de telles opérations à des bénéfices non commerciaux. Cette assimilation n'est pas neutre sur le plan fiscal : elle a pour conséquence la taxation au barème de gains qui, normalement, sont imposés selon un régime de plus-values beaucoup plus favorable, au taux de 16 % (auquel s'ajoutent les

prélèvements sociaux).

Le juge de l'impôt, pour déterminer s'il était en présence d'opérations boursières entrant dans le champ de l'article 92, s'est longtemps référé à la condition d'habitude, appréciée à partir d'un faisceau d'indices quantitatifs (I). Devant le développement très rapide des transactions réalisées par les particuliers grâce au Minitel, puis par l'Internet, il retient depuis 2001 une approche plus restrictive de la notion, qui vise à en limiter la portée aux seuls professionnels (II).

I. La jurisprudence du Conseil d'Etat a longtemps défini le champ d'application de l'article 92, 2 par référence au seul critère d'habitude

Pour déterminer si des opérations boursières effectuées par des particuliers s'inscrivaient dans une simple gestion du patrimoine ou présentaient un caractère habituel les faisant entrer dans le champ d'application de l'article 92, 2 du CGI, le Conseil d'Etat s'est longtemps fondé sur le critère d'habitude, apprécié par le biais d'une batterie d'indices quantitatifs.

En 1959, il a jugé qu'un contribuable qui, en quatre années, avait effectué chaque année plusieurs centaines d'achats et de ventes ayant porté sur plus de 130 000 titres et représentant jusqu'à 80 valeurs différentes ne s'était pas livré à une simple gestion d'un portefeuille, mais à des opérations revêtant un caractère habituel au sens de l'article 92, 2 du CGI (CE 8 juillet 1959 n° 37502 : RO p. 461). La grille d'analyse qu'il utilisait reposait donc sur le nombre de transactions, et sur le nombre et la diversité des titres concernés.

Par un arrêt du 13 juillet 1967 (n° 53504 : Dupont p. 499), il a jugé être en présence d'opérations revêtant un caractère habituel dans le cas d'un contribuable qui, en l'espace de six ans, avait acheté et vendu plus de 2 600 titres représentant 77 valeurs différentes, en passant plus de 300 ordres. Les critères mis en oeuvre étaient donc le nombre et l'échelonnement des achats et des ventes, la courte durée de conservation et le nombre et la diversité des titres négociés. Les ordres de grandeur retenus ici sont riches d'enseignements : en 1967, le juge de l'impôt considérait qu'un contribuable qui, dans les années 1950, passait en moyenne cinquante ordres par an, soit un ordre par semaine, se livrait à des opérations

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dont les gains devaient être imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Saisi en 1971 du cas d'un contribuable qui, au cours de l'année 1964, avait passé 89 ordres portant sur un nombre important de titres de diverses sociétés, le Conseil d'Etat a abouti à la même conclusion (CE 8 décembre 1971 n° 78566 : Dr. fisc. 31/72 c. 1226). Ont à nouveau été utilisés les critères du nombre des opérations et du nombre et de la diversité des titres.

Dans cette affaire, le contribuable cherchait à entrer dans le champ d'application de l'article 92 du CGI, pour obtenir, dans le régime antérieur à la loi du 19 juillet 1976 sur la taxation généralisée des plus-values, la déduction de son revenu global des pertes qu'il avait réalisées pendant l'année 1964. L'administration lui avait refusé cette déduction en estimant que l'intéressé s'était, au cours de cette période, limité à de simples opérations de gestion de son portefeuille. Pour donner raison au requérant, le Conseil d'Etat a écarté l'objection de l'administration, tirée de ce que les opérations que le contribuable avait effectuées au cours de l'année 1964 portaient sur un nombre de valeurs moins élevé qu'au cours des années antérieures, et qu'il avait conservé ces valeurs plus longtemps dans son patrimoine. Il a jugé que cette double circonstance ne suffisait pas à établir que le contribuable

s'était limité à une gestion de bon père de famille, en relevant au passage qu'elle coïncidait avec une phase de retournement du marché. On notera que l'administration, qui, dans l'affaire précédente, soutenait que cinquante transactions annuelles suffisaient à établir le caractère habituel des opérations boursières, affirmait dans celle-ci que 89 transactions annuelles n'y suffisaient pas.

En 1977, le Conseil d'Etat, bien que les motifs de sa décision se réfèrent « au nombre et la fréquence des opérations », s'est fondé uniquement sur leur fréquence (960 en une année) pour juger qu'un contribuable réalisait des opérations boursières à titre habituel (CE 14 octobre 1977 n° 5105 : RJF 11/77 n° 597). Le commentaire de pied d'arrêt insiste sur le caractère « isolé » des cas dans lesquels la jurisprudence fait jouer l'article 92, 2 du CGI. L'instruction fiscale 5 G-2-83 du 9 mars 1983 est puisée à la même inspiration, qui précise que cette imposition doit conserver un caractère tout à fait exceptionnel et être limitée aux contribuables dont les opérations dépassent la simple gestion d'un portefeuille.

Par un arrêt du 28 mars 1984 (n° 30371 : RJF 6/84 n° 731, concl. O. Fouquet Dr. fisc. 40/84 c. 1659), le Conseil d'Etat a fait pour la première fois application de l'article 92, 2 aux opérations réalisées non sur une bourse de valeurs, mais sur une bourse de commerce : en effet, comme l'indiquait le commissaire du gouvernement Olivier Fouquet, l'article 92, 2 se

contente de viser les opérations en bourse, sans préciser de quelle bourse il s'agit. Le contribuable, qui souhaitait cette fois échapper au champ de cet article, soutenait que les opérations d'achat et de vente à terme de fèves de cacao qu'il avait réalisées avaient un but essentiellement patrimonial et étaient étrangères à son activité professionnelle salariée. Le Conseil d'Etat n'a pas eu à répondre à cet argument inopérant, dans la mesure où, faisant application d'une jurisprudence que le commissaire du gouvernement qualifiait de « rigoureuse », il a jugé que le nombre et la fréquence des ordres passés (plusieurs centaines en trois ans) suffisaient à caractériser un comportement habituel.

En 1991, dans une affaire où se posait à nouveau la question de la qualification d'opérations boursières au regard de l'article 92, 2 (CE 6 novembre 1991 n° 76356, Mme Vangheluwe : RJF 12/91 n° 1525), la commissaire du gouvernement Marie-Dominique Hagelsteen (dont les conclusions ont été publiées à Dr. fisc. 21-22/92 c. 1046) s'était attachée à résumer l'état de la jurisprudence. Après avoir rappelé les critères déjà mis en oeuvre (nombre et fréquence des opérations, nombre et diversité des titres négociés, durée de détention des valeurs), elle avait estimé qu'il n'était pas possible de s'attacher à l'importance en valeur absolue des opérations de cession, au motif que celles-ci dépendaient « certainement plus de l'importance du portefeuille que du comportement de son propriétaire ». En d'autres termes, un petit porteur ne devait pas, par principe, être exclu d'une imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, dès lors que son comportement satisfaisait la condition d'habitude. A l'inverse, le détenteur d'un important portefeuille de titres ne devait pas être regardé comme satisfaisant cette condition au seul motif qu'il avait, quelques fois dans l'année, opéré des transactions portant sur des sommes très importantes.

En revanche, la commissaire du gouvernement indiquait que la très grande variété des titres traités était susceptible de caractériser un comportement plus professionnel que gestionnaire. Pourtant, la variété des titres détenus est un moyen classique d'abaisser la volatilité d'un portefeuille, et souvent le signe d'une gestion qui s'apparente plus à celle d'un bon père de famille qu'à celle d'un trader recherchant une forte plus-value dans des investissements d'autant plus risqués qu'ils sont ciblés sur quelques lignes.

Si l'arrêt du Conseil d'Etat est qualifié de « libéral » par la note de pied d'arrêt à la RJF, c'est parce qu'il retient, dans des circonstances pourtant très voisines, une solution différente de celle qui avait été adoptée en 1967. La requérante s'était livrée à 275 transactions sur cinq ans, soit environ une par semaine en moyenne. Au regard de la jurisprudence de 1967, ces opérations auraient dû être qualifiées

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d'habituelles au sens de l'article 92, 2 du CGI. Pourtant, à l'invitation de sa commissaire du gouvernement, le Conseil d'Etat s'est refusé à les qualifier ainsi, dans la mesure où, « compte tenu de l'ampleur du patrimoine de la requérante », elles présentaient le caractère de simples opérations de gestion de ce patrimoine.

Mme Hagelsteen avait également relevé dans ses conclusions que la durée moyenne de détention des titres était généralement supérieure à deux ans. Elle notait enfin que le nombre des achats était supérieur à celui des ventes, ce qui soulignait que le contribuable recherchait plus le placement que le profit spéculatif. Cette approche, que le Conseil d'Etat paraît reprendre à son compte en indiquant dans ses motifs le nombre des ventes et celui des achats, est sujette à discussion, dans la mesure où il est possible de vendre en une fois une catégorie de titres ayant fait l'objet de plusieurs achats successifs : en pareil cas, le nombre des achats est bien supérieur à celui des ventes, mais l'intention spéculative n'est pas exclue.

Cette jurisprudence a été quelque peu complétée par la suite. Le Conseil d'Etat a ainsi accepté, à l'invitation de son commissaire du gouvernement Olivier Fouquet - certainement soucieux d'atténuer la rigueur d'une jurisprudence qu'il avait dénoncée dans ses conclusions sous l'arrêt précité du 28 mars 1984 -, de prendre en considération, en marge du nombre et de la fréquence des opérations, la durée de la période pendant laquelle les opérations s'étaient déroulées. Il a ainsi été jugé que si un particulier avait réalisé 42 opérations d'achats ou de ventes de sucre et de café à la bourse de commerce de Paris pendant une période de six mois, cette circonstance ne suffisait pas à caractériser un comportement habituel au sens de l'article 92, 2 du CGI, dès lors que les opérations s'étaient déroulées sur une période limitée (CE 2 juin 1993 n° 81741, Fitussi : RJF 7/93 n° 987, concl. O. Fouquet BDCF 6/40/93 p. 56).

De nouveaux critères ont enfin été mis en oeuvre lorsque le Conseil d'Etat a jugé qu'un contribuable qui réalise de nombreuses opérations de bourse pour des montants élevés, en utilisant régulièrement des informations privilégiées et en recourant, pour leur financement, à des découverts importants, ne se borne pas à la simple gestion de son patrimoine et est imposable en application de l'article 92, 2 du CGI (CE 23 novembre 1998 n° 145635, Bodo : RJF 1/99 n° 33, concl. G. Goulard BDCF 1/99 n° 8).

II. Le juge de l'impôt restreint désormais le champ de l'article 92, 2 du CGI au comportement professionnel

A partir du milieu de la fin des années 1980, le

développement des courtiers en ligne, d'abord sur le Minitel, puis sur l'Internet, avait fait craindre une extension du nombre des contribuables entrant dans le champ d'application de l'article 92, 2 du CGI, au regard de la jurisprudence du Conseil d'Etat. L'administration s'était voulu rassurante, en réaffirmant à plusieurs reprises sa doctrine de 1983, consistant à conférer un caractère exceptionnel à ce mode de taxation (Rép. de Rostolan : AN 24 août 1987 p. 4690 n° 25775 ; D. adm. 5 G-1141 n° 1, 15 septembre 2000). Dans une réponse à M. Lengagne, député, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie avait ainsi affirmé que le développement d'Internet et du courtage en ligne, qui était de

nature à faciliter les transactions boursières, ne devait pas entraîner une augmentation du nombre d'opérateurs habituels, le nombre de transactions ne constituant qu'un critère parmi d'autres (AN 29 janvier 2001 p. 610 n° 43394).

Le développement très rapide du boursicotage n'en a pas moins rendu inévitable, selon le Conseil d'Etat, une évolution de sa jurisprudence, qu'il avait élaborée à une époque où les marchés financiers n'avaient rien de commun avec ce qu'ils sont devenus aujourd'hui. En effet, au regard des critères principaux dégagés par sa jurisprudence (nombre et fréquence des opérations), les particuliers qui passent au moins trois ou quatre ordres par semaine auraient très certainement été regardés comme satisfaisant la condition d'habitude, sans que puisse y faire obstacle la prise en compte de l'ampleur du patrimoine, inaugurée en 1991.

C'est à la faveur de l'affaire Boniface visée en objet, qui portait sur des opérations réalisées sur le marché à terme de la bourse de commerce de Paris, que cette évolution est intervenue. Un contribuable avait, au cours de l'année 1980, réalisé des opérations spéculatives sur le sucre. Les profits qu'il en avait tirés avaient été regardés par l'administration, à l'issue d'une vérification approfondie de sa situation fiscale d'ensemble, comme résultant d'opérations de bourse effectuées à titre habituel, au sens de l'article 92, 2 du CGI, à une époque pour laquelle la jurisprudence précitée du 26 mars 1984 s'appliquait encore, en l'absence de dispositions spécifiques prévoyant l'imposition des opérations réalisées sur les marchés à terme dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (dispositions qui figurent aujourd'hui au 5° de l'article 92, 2 et prévoient la possibilité, pour le contribuable, d'opter pour une imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux).

Le contribuable avait soutenu devant la cour administrative d'appel de Nantes que le redressement n'aurait pu être effectué qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité. La cour, par un arrêt rendu le 10 juin 1997, avait écarté ce moyen en application de la

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jurisprudence du Conseil d'Etat alors en vigueur (CE 22 mai 1992 n° 69904, Andréani : RJF 7/92 n° 939). A la date à laquelle il s'est prononcé sur le pourvoi, le Conseil d'Etat avait abandonné cette jurisprudence, par une décision Perlstein du 26 janvier 2000 n° 184529 (RJF 3/00 n° 382). La cassation de l'arrêt était donc certaine. Toutefois, ainsi que l'indiquait dans ses conclusions (publiées au BDCF 5/01 n° 64) le commissaire du gouvernement Jean Courtial, le Conseil d'Etat, réglant l'affaire au fond, se devait de faire application de l'article 86 de la loi de finances pour 1998, dont les dispositions valident rétroactivement les redressements en tant qu'il seraient contestés par le moyen tiré du défaut d'engagement d'une vérification de comptabilité. Il ne pouvait, par suite, qu'écarter le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition.

Pour opérer ce raisonnement, il lui avait fallu, en amont, juger que les profits ou pertes provenant d'opérations de bourse effectuées à titre habituel par les particuliers devaient donner lieu à la tenue d'une comptabilité, en application de l'article 99 du CGI. M. Courtial soulignait dans ses conclusions que cela n'avait rien d'évident, dans la mesure où « la comptabilité de trésorerie, limitée à l'enregistrement des flux de recettes et de dépenses, à laquelle sont astreints les titulaires de bénéfices non commerciaux soumis au régime de la déclaration contrôlée, ne paraît guère appropriée pour rendre compte de produits nets d'opérations spéculatives ». Le commissaire du gouvernement relevait au surplus que l'imprécision du critère d'habitude - sauf à ce que le Conseil d'Etat le clarifie et le fasse évoluer dans un sens plus restrictif - risquait de conférer un caractère assez aléatoire à l'obligation de tenir une comptabilité, laquelle risquait de se répandre de façon déraisonnable avec la faveur dont la bourse bénéficiait.

Le Conseil d'Etat, sensible à l'argument de M. Courtial selon lequel il était difficile de créer de façon prétorienne une exception à l'obligation de tenir une comptabilité imposée par la législation fiscale aux professionnels non commerçants, n'a pas voulu s'engager dans cette voie. En revanche, il a saisi la perche que le commissaire du gouvernement lui tendait et profité de l'affaire pour encadrer de façon beaucoup plus stricte le champ d'application du 1° de l'article 92, 2 du CGI, en cessant de faire de la condition d'habitude l'alpha et l'oméga de sa jurisprudence. Le Conseil d'Etat lui préfère un nouveau critère, selon lequel « les opérations de bourse effectuées à titre habituel par les particuliers s'entendent des opérations effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations ». Mais ce critère n'est pas totalement étranger au faisceau

d'indices utilisé jusqu'alors : on y reviendra.

Il est assez inhabituel que le Conseil d'Etat se livre ainsi à ce qui s'apparente à un coup d'accordéon jurisprudentiel, en édictant une règle nouvelle, indispensable à la solution du litige, tout en en réduisant immédiatement la portée par une évolution de sa jurisprudence sur une notion qui n'était pas en débat. En effet, en l'espèce, le contribuable ne contestait pas entrer dans le champ d'application de l'article 92, 2 du CGI : il n'y avait pas intérêt, dans la mesure où son moyen de procédure supposait qu'il soit regardé comme effectuant à titre habituel des opérations de bourse et devant, à ce titre, tenir une comptabilité. Cependant, attaché, ainsi qu'il a été dit, à combler le fossé entre la règle de droit et la réalité, le Conseil d'Etat n'avait guère d'autre choix, s'il voulait éviter que l'exigence de tenue d'une comptabilité de caisse s'applique à des cas dans lesquels elle n'a manifestement pas beaucoup de sens. A l'inverse, cette exigence se justifie mieux s'agissant de professionnels, dans la mesure, notamment, où les intéressés exposent des frais.

La décision Boniface du 14 février 2001 marque donc une rupture dans l'appréciation de la notion « d'opérations de bourse effectuées à titre habituel par des particuliers ». Pourtant, la volonté affirmée du Conseil d'Etat de cantonner cette notion au champ professionnel n'a pas pleinement rassuré les boursicoteurs sur Internet, si l'on en juge par les inquiétudes exprimées, aujourd'hui encore, sur de nombreux forums de discussion spécialisés dans les questions boursières.

Les hasards de l'introduction des pourvois en cassation auront permis au Conseil d'Etat de revenir par trois fois, au cours de l'année 2003, sur cette question et de préciser sa jurisprudence.

Dans l'affaire Roche visée en objet, un remisier en bourse auprès de deux charges d'agents de change avait hérité d'un important portefeuille de valeurs. A l'issue d'opérations de vérification portant sur les années 1981 à 1984, l'administration avait estimé que les opérations de bourse réalisées par l'intéressé sur ce portefeuille devaient être regardées comme effectuées à titre habituel, ce qui entraînait l'imposition des gains dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. La cour administrative d'appel de Paris, statuant sur cette affaire par un arrêt du 1

er

février 2001, ne pouvait connaître la jurisprudence Boniface, lue treize jours plus tard. Elle avait donc fait application des seuls anciens critères pour juger que les opérations effectuées par M. Roche, qui étaient nombreuses, portaient sur des valeurs très variées et révélaient une rotation élevée des titres détenus pour des durées souvent brèves, satisfaisaient le critère d'habitude et entraient, par suite, dans le champ d'application de l'article 92, 2 du CGI. Ce raisonnement ne pouvait qu'entraîner la

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cassation.

S'interrogeant sur les fondements de la jurisprudence Boniface, le commissaire du gouvernement François Séners (dont les conclusions ont été publiées à la RJF 4/03 p. 308) avait tenu devant les 3

e et 8

e sous-

sections réunies des propos qui sont de nature à apaiser les inquiétudes susmentionnées. M. Séners insistait sur le fait que le maintien de la condition d'habitude dans un contexte de développement rapide des transactions boursières par Internet risquait de rompre l'équilibre instauré par le législateur en faisant entrer de nombreux particuliers dans le champ de l'imposition des bénéfices non commerciaux. Ce risque était encore accentué par le développement d'un actionnariat de masse. Et le commissaire de conclure : « Pour éviter de faire du boursicoteur sur Internet la victime d'une rédaction de la loi devenue désuète, il a été jugé préférable, au prix d'une lecture très constructive de l'article 92, de limiter le champ des opérations « habituelles » à celles qui sont effectuées dans des conditions analogues à celles des professionnels ».

Réglant l'affaire au fond, il restait au Conseil d'Etat à faire application de la jurisprudence Boniface au cas de l'espèce. François Séners s'est attaché, à cette occasion, à cerner les contours de la notion d'opérations effectuées dans des conditions analogues à celles des professionnels.

Le nombre élevé d'opérations est certainement une condition nécessaire, mais cette condition n'est pas suffisante : ainsi le particulier qui passe ses journées à boursicoter sur Internet ne pourra, de ce seul fait, être regardé comme effectuant des opérations boursières dans des conditions analogues à celles d'un professionnel.

Le commissaire du gouvernement a écarté l'idée que puisse jouer un rôle, dans l'appréciation de la notion, le fait que les opérations aient un objet pécuniaire et un caractère spéculatif. Cette circonstance, s'agissant d'opérations portant sur des valeurs boursières, n'est en effet pas discriminante entre le professionnel et l'amateur, qui poursuivent l'un et l'autre le profit. S'il tenait en revanche pour pertinente la circonstance que les opérations soient effectuées à titre onéreux pour le compte de tiers, M. Séners soulignait la faible portée de ce critère, en raison du monopole dont jouissent les prestataires de services d'investissement en matière de gestion de portefeuille pour compte de tiers, en vertu de l'article L 531-10 du Code monétaire et financier. En définitive, le commissaire proposait de retenir le critère de la détention, de la maîtrise et de l'usage d'informations et de techniques d'intervention spécialisées, en soulignant que, nonobstant la banalisation des opérations boursières courantes, subsiste un champ d'interventions qui n'est accessible qu'aux agents bénéficiant d'un réel savoir-faire

professionnel.

Suivant son commissaire du gouvernement, le Conseil d'Etat a cerné la notion d'opérations boursières effectuées dans des conditions analogues à celles d'un professionnel en ajoutant un nouveau critère au faisceau d'indices constitué des « vieux critères », ce qui aboutit bien à restreindre le champ. Il relève ainsi dans les motifs de sa décision que le contribuable, remisier en bourse, avait conclu avec une banque, à laquelle il avait apporté son portefeuille d'actions personnelles, un contrat destiné à lui permettre de participer, aux côtés de cet établissement ayant des activités internationales, tant à l'élaboration qu'à l'exécution d'opérations financières. Il en déduit que M. Roche bénéficiait de l'ensemble des moyens et informations mis à la disposition d'un professionnel.

S'agissant des « anciens critères », le Conseil d'Etat relève que l'intéressé a effectué des opérations fréquentes (environ 500 et 300) au cours des deux années litigieuses, opérations caractérisées en outre par leur ampleur et leur diversité, « même rapportées à l'importance de son patrimoine » : on retrouve dans cette ultime précision le critère énoncé en 1991. Enfin, à l'objection soulevée par le contribuable, selon laquelle bon nombre des opérations en cause correspondaient non à des achats et ventes de titres, mais à des opérations de report des engagements d'achat ou de vente à terme, le Conseil d'Etat répond que l'utilisation régulière de la technique du report révèle que l'intéressé opérait à découvert de capitaux aux fins non pas de gérer un portefeuille, mais seulement d'encaisser le gain impliqué par l'écart entre des cours de transaction et de liquidation : on retrouve ici le critère énoncé dans la jurisprudence Bodo de 1998. C'est au regard de l'ensemble de ces éléments que le Conseil d'Etat juge que les transactions litigieuses présentent le caractère d'opérations de bourse effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à des opérations de bourse.

La mise en oeuvre de ces critères a été confirmée par l'affaire Riglet visée en objet. Cette affaire portait sur un commis principal d'agent de change qui avait réalisé des gains boursiers qu'il avait déclarés en tant que plus-values de cessions de valeurs mobilières, et que l'administration avait requalifiés en produits d'opérations de bourse effectuées à titre habituel. Pour valider la position de l'administration, le Conseil d'Etat relève que l'intéressé a utilisé, pour réaliser ses opérations, les moyens à sa disposition au sein de la charge d'agent de change : par cette formulation cursive, le juge entend signifier que l'intéressé bénéficiait de l'ensemble des moyens et informations mis à la disposition d'un professionnel, pour reprendre la formulation de la décision Roche. S'agissant des « vieux critères », le Conseil d'Etat

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relève, pour chacune des deux années en litige, que le contribuable a passé un nombre important d'opérations (plus de 2 200 la première année, et plus de 1 700 la seconde), que ces transactions ont porté sur un nombre important de titres (2, 2 millions la première année, 1, 5 millions la seconde), que les montants en jeu étaient importants (338 MF la première année, 382 MF la seconde) et que la durée de détention des titres a rarement dépassé une semaine. Ce faisceau d'indices, allié au constat opéré sur les moyens et informations dont disposait le contribuable, conduit le Conseil d'Etat à conclure que ce dernier devait être regardé comme effectuant des opérations de bourse à titre habituel.

La conclusion que l'on peut tirer de ces deux affaires est qu'il sera très difficile, pour un professionnel de la Bourse disposant d'un portefeuille privé, de ne pas satisfaire le critère relatif aux moyens et informations dont disposent les professionnels, pour peu qu'il gère lui-même son portefeuille. Si le

nombre des transactions passées est élevé et porte sur un nombre de titres significatif, échapper à la taxation des gains sur le fondement de l'article 92, 2 du CGI sera pratiquement impossible.

Le moyen de l'éviter sera de confier la gestion du portefeuille à un prestataire de services d'investissement. Il s'agit en effet d'un moyen sûr, dès lors que, par l'affaire Melon visée en objet, le Conseil d'Etat a jugé qu'un particulier qui se borne à confier la gestion de son portefeuille de valeurs mobilières à un mandataire professionnel ne saurait être regardé comme effectuant, lui-même, dans des conditions analogues à celles d'un professionnel, les opérations auxquelles cette gestion donne lieu. En précisant que cette jurisprudence vaut pour le particulier « qui se borne » à confier la gestion à un mandataire, le Conseil d'Etat fait référence à sa décision Roche précitée : il faudra en effet éviter que les termes du mandat de gestion ne ressemblent à ceux qui ont été analysés dans cette affaire...

CE, 18 janvier 2008, n°303823, Lagrange.

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a perçu des sommes versées par la Fédération française de football à raison de son activité d'arbitre ; qu'elle a fait l'objet en matière d'impôt sur le revenu d'un contrôle sur pièces qui a porté sur les années 1997, 1998 et 1999 ; que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été établies à l'issue de ce contrôle sur la base d'un bénéfice non commercial évalué à 86 820 F pour 1997, 96 100 F pour 1998 et 106 770 F pour 1999 ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 janvier 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, d'une part, jugé que les bases de l'impôt sur le revenu dont Mme A était redevable devaient être déterminées en imposant dans la catégorie des traitements et salaires les sommes perçues à raison de son activité d'arbitre, pour un montant net s'élevant à 61 520 F, 67 007 F et 73 643 F au titre respectivement de chacune des années 1997, 1998 et 1999, d'autre part, remis à la charge de l'intéressée les cotisations calculées sur cette base ainsi que les pénalités correspondantes et réformé le jugement du tribunal administratif de Dijon du 14 janvier 2003 prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles elle a été assujettie au titre de ces années ;

Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, dans

sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux et procéder aux sélections correspondantes. Cette fédération définit, dans le respect des règlements internationaux, les règles techniques propres à sa discipline. (...) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ;

Considérant que les arbitres de football sont titulaires d'une licence délivrée par la Fédération française de football, en vertu de la délégation que celle-ci a reçue du ministre chargé des sports en application de l'article 17 précité de la loi du 16 juillet 1984 ; que la Fédération les sollicite à son gré pour arbitrer certains matchs, selon des modalités qu'elle définit ; que les arbitres ont toujours la faculté de refuser de donner suite à une telle demande, sans que ce refus puisse être regardé comme un manquement à une

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obligation contractuelle prédéterminée ; que la Fédération française de football exerce le pouvoir disciplinaire à l'égard des arbitres au même titre qu'à l'égard de tous ses autres licenciés ; qu'enfin les arbitres disposent de l'indépendance nécessaire à l'exercice de leur mission d'arbitrage ; que, par suite, les arbitres ne sont pas liés à la Fédération française de football par un lien de subordination caractérisant l'exercice d'une activité salariée ; qu'il en résulte que la cour a inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant qu'il existait un lien de subordination de Mme A à l'égard de la Fédération française de football caractérisant l'exercice d'une activité salariée ; qu'il suit de là, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il limite, selon les modalités précisées ci-dessus, le rétablissement des cotisations d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes dont le tribunal administratif avait prononcé la décharge totale ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme A ne se trouve pas vis-à-vis de la Fédération française de football dans une situation de subordination caractérisant une activité salariée ; qu'eu égard à sa nature et à ses modalités, l'activité d'arbitre, exercée à titre indépendant par Mme A, présente un caractère non commercial ; que les revenus tirés de cette activité sont ainsi imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts ; que le ministre est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Dijon a jugé que les sommes perçues par Mme A

en rémunération de ses prestations d'arbitre devaient être soumises à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires et non dans celle des bénéfices non commerciaux ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le tribunal administratif ;

Considérant, d'une part, que Mme A ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la réponse ministérielle du 16 septembre 1996 à M. Warsmann, député, dès lors que celle-ci n'ajoute rien à la loi ;

Considérant, d'autre part, que Mme A ne peut se prévaloir, sur ce même fondement, d'un document du 13 mars 1998 qui n'émane pas de l'administration fiscale mais est établi sous le timbre de la Fédération française de football, et qui reconnaîtrait aux arbitres de football le statut de salarié ;

Considérant que, dans le dernier état de ses conclusions, le ministre indique que, dans le cas où l'affaire serait réglée au fond, il ne demande que le rétablissement de l'intégralité des droits mis à la charge de Mme A ainsi que des intérêts de retard correspondants et non celui de la majoration de 40 % pour mauvaise foi dont ils avaient été assortis au titre des années 1998 et 1999 ; qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué et le rétablissement de la différence entre les impositions mises en recouvrement et s'élevant respectivement en droits et en intérêts de retard à 22 548 F et 5 073 F en 1997, 24 962 F et 4 306 F en 1998 et 39 742 F et 3 875 F en 1999 et les impositions remises à la charge de Mme A par la cour administrative d'appel ;

Page 125: TRAVAUX DIRIGÉS D’INTRODUCTION AU DROIT …ddata.over-blog.com/.../59/TD/Plaquette-IDFAIX_2010-2011.pdfA la lumière de la jurisprudence, définissez la notion d’impositions de

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SÉANCE 9 Interrogation écrite

Sujet d’examen de la session de 2009 :

« Les sources constitutionnelles du droit fiscal »

Sujet d’examen de la session de 2010:

« Les articles L 80 A et L 80 B du Livre des procédures fiscales »