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1 Tribunal administratif N° 35490 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2014 I re chambre Audience publique du 23 septembre 2015 Recours formé par Monsieur ...et consorts, , contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006) ______________________________________________________________________________ JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 35490 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2014 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour g, au nom de Monsieur , né le à (Bosnie-Herzégovine) et de son épouse, Madame ..., née le à , agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs ..., né le à (Bosnie-Herzégovine) et , née le à , tous de nationalité bosnienne, demeurant actuellement ensemble à L-, tendant, d’une part, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 octobre 2014 refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ; Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2015 ; Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ; Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Catherine Wagener, en remplacement de Maître Frank Wies, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en leurs plaidoiries respectives. ______________________________________________________________________________ Le 10 décembre 2013, Monsieur ...et son épouse, Madame ..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs...et , ci-après désignés par les « consorts ...», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complém entaires de protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ». Les déclarations des consorts ...sur leurs identités respectives et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, du même jour.

Tribunal administratif du Grand-Duché de …part, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 octobre 2014 refusant de faire droit à leurs

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Tribunal administratif N° 35490 du rôle

du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 21 novembre 2014

Ire chambre

Audience publique du 23 septembre 2015

Recours formé par

Monsieur ...et consorts, …,

contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile

en matière de protection internationale (art. 19, L.5.5.2006)

______________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 35490 du rôle et déposée au greffe du tribunal

administratif le 21 novembre 2014 par Maître Frank Wies, avocat à la Cour, inscrit au tableau de

l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Bosnie-Herzégovine)

et de son épouse, Madame ..., née le … à …, agissant en leur nom propre et en qualité de

représentants légaux de leurs enfants mineurs ..., né le … à … (Bosnie-Herzégovine) et …, née le

… à …, tous de nationalité bosnienne, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant, d’une

part, à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 20 octobre 2014

refusant de faire droit à leurs demandes de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation

de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal

administratif le 16 janvier 2015 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Catherine Wagener, en

remplacement de Maître Frank Wies, et Madame le délégué du gouvernement Elisabeth Pesch en

leurs plaidoiries respectives.

______________________________________________________________________________

Le 10 décembre 2013, Monsieur ...et son épouse, Madame ..., agissant en leur nom propre

et en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs...et …, ci-après désignés par les

« consorts ...», introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et

européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la

loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de

protection, ci-après dénommée « la loi du 5 mai 2006 ».

Les déclarations des consorts ...sur leurs identités respectives et sur l’itinéraire suivi pour

venir au Luxembourg furent actées dans un rapport de la police grand-ducale, section police des

étrangers et des jeux, du même jour.

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Monsieur ...fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes,

direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande

de protection internationale en date des 13 et 28 février, 13 mars et 7 avril 2014, tandis que

Madame ... fut entendue pour les mêmes motifs en date des 13 et 28 février et 28 avril 2014.

Par décision du 20 octobre 2014, notifiée par lettre recommandée envoyée le 21 octobre

2014, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après dénommé « le ministre », informa les

consorts ...de ce que leurs demandes de protection internationale avaient été rejetées comme étant

non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Cette

décision est libellée dans les termes suivants :

« J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection

internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes

complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du

Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 10 décembre 2013.

Quant à vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire

En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 10 décembre 2013.

Monsieur, il ressort dudit rapport que vous auriez été policier et garde de corps de

profession lors du conflit. Par après vous auriez été considéré comme espion étant donné que

vous seriez au courant de beaucoup de secrets des politiciens que vous auriez protégés. Ainsi,

des personnes non autrement identifiées auraient ouvert le feu sur votre maison et auraient tenté

d'enlever vos enfants.

Vous avez déjà introduit une demande de protection internationale en Norvège en date du

17 octobre 2013. Après le refus de vos demandes, vous seriez retournés en Bosnie-Herzégovine,

où vous vous seriez cachés jusqu'à votre départ pour le Luxembourg en date du 3 décembre

2013. Le voyage en bus aurait couté 90.- euros par personne.

Vous présentez des passeports bosniens établis entre 18 février 2011 et le 11 septembre

2013. De plus, Monsieur, Madame, vous êtes en possession de cartes d'identité bosniennes

établies le 26 janvier 2006.

Quant à vos déclarations auprès du Service des Réfugiés

En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et

européennes des 13 février 2014, 28 février 2014, 13 mars 2014, 7 avril 2014 et 28 avril 2014,

sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale, ainsi que les documents

versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que vous auriez travaillé en tant que policier de

1992 à 2002. Durant ce temps vous auriez aussi travaillé pour un certain …, qui aurait été un

commandant de l'armée bosnienne durant le conflit. Cet homme serait un des leaders du parti

politique SDP (Socijaldemokratska Partija Bosne i Hercegovine), dont vous seriez également

membre. Monsieur … se serait rendu coupable de crimes commis pendant la guerre, tels que du

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trafic d'armes et d'essence, de la fraude fiscale, du blanchissement d'argent et de meurtres.

Il ressort de vos déclarations que Monsieur ... n'aurait jamais été condamné étant donné

qu'il n'y aurait jamais eu de preuves contre lui. Ainsi, seulement « les personnes concernées » (p.

5/19) auraient été devant le tribunal. Vous auriez même été convoqué par la police afin de

déposer un témoignage sur son dépôt d'armes.

En 1997 il aurait été candidat pour le poste de bourgmestre à ….

2002

En 2002, vous auriez travaillé pour trois ou quatre entreprises à …, bien que vous auriez

continué à travailler pour ... en tant que garde de corps. De plus, vous auriez espionné ses

concurrents politiques.

2006

En 2006, vous auriez travaillé dans une station d'essence pour .... Un soir, accompagné

par le cousin de ..., vous auriez fait des transports, sans que vous ayez été au courant du contenu

de votre camion. Ce n'est que plus tard que vous auriez appris que vous auriez fait ce transport

de substances illégales pour un criminel bosnien.

2008

En janvier 2008, vous auriez été le garant d'un prêt qui aurait été fait par l'épouse du

directeur de la station d'essence où vous auriez travaillé. ... vous aurait promis « plein de choses

» (p. 14/19) et vous auriez signé par peur que ce dernier vous causerait des problèmes. Or, votre

directeur n'aurait pas pu repayer son prêt et vous auriez été obligé de rembourser la banque.

Etant donné que vous n'auriez pas eu assez de moyens de payer la dette on aurait voulu vous

prendre votre propriété étant donné que votre maison aurait été mise sous hypothèque. Encore

aujourd'hui vous auriez une dette de 240.000.euros à payer.

Toujours en début de l'année vous seriez entré en conflit avec ... qui vous aurait demandé

à mettre le feu dans la maison du chef du parti politique SDA (Stranka Demokratske Akcije) et

que vous fassiez exploser sa voiture — ce que vous auriez refusé. Par la suite, vous auriez

remarqué que ... et ces complices prépareraient un « attentat » sur vous à cause de votre refus.

Ainsi, vous auriez quitté le SDP, pour adhérer au parti politique SDA. Vous auriez informé le

chef du parti en février 2008 sur les intentions criminelles de ... qui le visant, ainsi que des délits

dont ce dernier se serait rendu coupable au fil des années.

Le leader du SDA aurait contacté la police à laquelle vous auriez non seulement révélé

des détails de votre vécu, mais également des informations inventées. (p. 3/19). Suite à cette

révélation auprès de la police, vous auriez été menacé de mort par un acolyte de .... Etant donné

que ... aurait été au courant de vos déclarations vraies et inventées auprès de la police, vous ne

pourriez plus faire confiance aux institutions bosniennes.

Le 5 mars 2008, un criminel connu de votre village aurait tenté d'écraser votre fils avec

sa voiture. Vous auriez signalé cet incident à la police qui n'aurait jamais retrouvé le coupable.

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Vous seriez persuadé que cette personne aurait été envoyée par ... après que vous auriez entendu

la description de sa voiture.

Toujours en 2008, sans indication d'une date précise, un homme armé aurait tenté de

kidnapper votre fils de l'école. L'institutrice aurait pu le sauver et le ramener chez vous. Le même

jour vous auriez retrouvé le coupable et vous lui auriez confisqué son pistolet avant d'appeler la

police. L'homme aurait été accusé de détention d'armes illégales et vous auriez été accusé de

l'avoir blessé en le poussant. Vous auriez été convoqué au tribunal. Vous soupçonnez ... derrière

cet incident. Personne n'aurait été condamné et l'affaire n'aurait plus été suivie. Un policier vous

aurait aidé à faire continuer le procès mais un soir, quelqu'un aurait fait exploser sa voiture

devant le poste de police. Après cet incident, la situation se serait calmée comme vous n'auriez

plus insisté. Vous auriez trouvé un nouvel emploi dans une station d'essence en 2008 et vous

auriez déménagé avec votre famille chez vos parents à ….

2009

En 2009, ... aurait fait du racket d'un magasin, mais le propriétaire aurait arrêté de

payer. Par conséquent, en tant que bourgmestre, ... aurait ordonné la démolition de l'immeuble.

En revanche, le commerçant aurait tiré sur ... et l'aurait blessé gravement. Suite à cet incident, ...

vous aurait contacté afin de vous demander de redevenir son garde du corps. Vous auriez refusé.

Peu de temps après, le bourgmestre vous aurait offert une opportunité d'ouvrir votre

propre commerce en achetant deux maisons pour ouvrir un restaurant. Vous auriez payé en

avance mais après dix jours, le propriétaire vous aurait dit que ... n'aurait plus voulu que vous

seriez le nouveau propriétaire. Selon vos dires, l'autre acheteur aurait corrompu le bourgmestre

pour acquérir la propriété. En mars 2010 l'affaire aurait passé devant le tribunal, qui aurait pris

un jugement en votre défaveur en septembre 2012.

2010

En 2010, vous auriez perdu votre emploi en tant que manager d'une station d'essence

après que ... aurait demandé des renseignements sur vous auprès de votre patron. ... aurait à

plusieurs reprises empêché que vous soyez embauché par la suite. Vous indiquez également qu'en

juillet 2010, le criminel pour lequel vous auriez transporté involontairement de l'acide en 2006

aurait été assassiné. Vous pensez que ... serait derrière cet attentat et vous auriez eu peur pour

votre vie.

2011

En 2011, vous auriez travaillé pour une entreprise au Kuwait pendant neuf mois. Vous

seriez retourné dans votre pays d'origine en date du 21 décembre 2011.

2012

Le 3 ou le 4 janvier 2012, pendant votre absence, une personne inconnue et armée se

serait introduite dans votre domicile. L'intrus se serait échappé après avoir entendu votre fils qui

aurait été seul à la maison. Vous pensez que cette personne aurait été envoyée par ... car le

procureur aurait fait un procès concernant son dépôt d'armes. Selon vos dires, vous auriez été en

possession de documents importants concernant ce dépôt. Vous auriez fait appel à la police qui

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serait venue sur place pour prendre les empreintes, mais rien ne se serait passé par après.

Le 22 mai 2012, votre fils aurait été impliqué dans une bagarre à l'école avec le fils de ....

Après cet incident une personne non identifiée aurait tenté de l'écraser avec sa voiture. Cet

incident aurait été déclaré à la police. En été 2012, une personne inconnue aurait coupé vos

freins, ce que vous auriez remarqué avant de prendre la voiture. Vous n'auriez rien déclaré à la

police.

En 2012, vous auriez visité un ami en Allemagne pendant quelques jours.

2013

Vous ajoutez que vous auriez parfois travaillé en tant que guide pour des promenades en

montagne. En juin 2013, vous auriez trouvé un explosif dans un chalet que vous auriez

régulièrement utilisé et vous auriez fait appel à la police qui serait venue avec le service de

désamorçage. La nuit du 10 juin 2013, cette maison de rencontre aurait explosé. La police serait

venue sur place mais elle n'aurait pas fait de photos des preuves des traces d'explosifs que vous

auriez vues. De plus, vous pensez que ... aurait envoyé des employés afin d'effacer les traces

comme vous auriez vu une jeep passer dans la rue sur une vidéo de surveillance de la fabrique se

trouvant à côté du chalet. Vous auriez envoyé cette vidéo à la police, mais sans succès. Vous

auriez eu une copie d'un rapport d'un ami travaillant à la police. Ce rapport mentionne que la

maison n'aurait pas explosé mais qu'elle aurait brûlé. Vous ajoutez que vous n'auriez jamais reçu

de rapports officiels comme le cousin de ... aurait travaillé pour le service de la police qui se

serait occupé de cet incident.

Fin août 2013, une personne non autrement identifiée aurait ouvert le feu sur vous près

de votre maison. Vous auriez pu vous retrancher derrière un mur et vous n'auriez pas été blessé.

Vous pensez que cette attaque serait en relation avec vos recherches des coupables concernant

l'explosion du chalet et vos preuves que vous auriez collectées. Vous auriez appelé la police qui

ne serait jamais venue sur place. Vous auriez écrit des lettres afin d'avoir des rapports mais rien

ne se serait passé.

Suite à vos problèmes, vous auriez déposé une demande de protection internationale en

Norvège avec votre famille. Vous y seriez restés du 15 septembre 2013 au 15 novembre 2013.

Selon vos dires, les autorités norvégiennes auraient vérifié vos informations auprès de la police

bosnienne et que ... aurait ainsi appris que vous auriez déposé une demande de protection

internationale. Un de ses employés vous aurait envoyé un sms pour que vous ne parliez pas de

lui. Vous auriez aussi eu des appels menaçants. Après que vous avez reçu une réponse négative,

vous seriez retournés en Bosnie-Herzégovine.

Madame, vous confirmez les dires de votre époux. Vous ajoutez que vous auriez eu des

menaces par voie téléphonique quand votre époux aurait travaillé au Kuwait.

De plus, votre fils … aurait été extorqué en 2012 ou 2013. Votre époux aurait contacté la

police qui aurait envoyé deux inspecteurs. Ainsi, les coupables auraient été arrêtés le lendemain

et incarcéré pendant une journée. Après tous les incidents qui se seraient produits à l'école, vous

auriez été obligé d'inscrire … dans une autre école. Or, après quelques journées, il aurait été

menacé par les mêmes personnes qu'auparavant.

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Après votre séjour en Norvège, vous auriez vécu pendant 10 ou 15 jours à … avant de

repartir en direction du Luxembourg.

Relevons ensuite Madame, Monsieur que vous avez déposé les documents suivants au

Ministère des Affaires étrangères et européennes :

1. Trois photos sur lesquelles on peut discerner Monsieur ... et Monsieur ...ensemble en

uniforme.

2. Une carte d'identification de Monsieur … de la police militaire (N° …)

3. Un document d'un notaire concernant la lecture d'un Contrat de constitution d'une

hypothèque daté au 30 janvier 2008.

4. Une attestation d'expédition d'un original datée au 30 janvier 2008.

5. Les résultats d'une radiographie du pied gauche de Monsieur...datés au 5 mars 2008.

6. Les résultats d'une radiographie de la hanche gauche de Monsieur...datés au 5 mars 2008.

7. Les résultats d'une radiographie du thorax de Monsieur...datés au 5 mars 2008.

8. Un procès-verbal de l'administration de la police de … daté au 14 octobre 2008, selon

lequel Monsieur ...aurait remis volontairement des armes.

9. Une demande d'engagement d'une procédure par le tribunal de police adressée au Tribunal

Communal de … datée au 10 mars 2009.

10. Une assignation à comparaître datée au 9 juillet 2009.

11. Une demande de communication d'information datée au 16 novembre 2009.

12. Un accord de l'utilisation de l'espace public du lac de Basigovic par le Conseil Municipal

de Basigovic daté au 25 mars 2010

13. Un document de la part du Conseil Municipal de Basigovic daté au 23 avril 2010, déclarant

nul l'accord de louer l'espace municipal.

14. Une demande de renseignement du Maire de …,..., sur l'emploi de Monsieur ...dans la

station-service de …, datée au 18 juin 2010.

15. Un jugement daté au 27 septembre 2012, relative à l'affaire de l'achat d'immeubles de 2010.

16. Un document intitulé « Dettes de la personne physique» non-daté, dressant un constat sur

les dettes ouvertes de Monsieur ….

17. Une résiliation d'un contrat de prêt de la Hypo Alpe-Adria-Bank datée au 14 janvier 2011.

18. Un contrat de volontariat chez … daté au 14 mai 2012.

19. Un document de la clinique psychiatrique du Centre clinique universitaire de Tuzla relatif

aux événements du 22 mai 2012, daté au 22 mai 2012.

20. Une décision relative à la résiliation du contrat de volontariat chez … datée au 8 août 2012.

21. Un casier judiciaire de Monsieur ...daté au 20 septembre 2012.

22. Une décision de refus de candidature au poste de dactylographe du tribunal communal de

Tuzla de Monsieur ...datée au 17 octobre 2012.

23. Les résultats d'examen et opinions du médecin spécialiste concernant Monsieur...datés au

13 décembre 2012.

24. Un bilan de sortie du centre de clinique universitaire de Tuzla de Monsieur...daté au 25

décembre 2012.

25. Le diagnostic et l'avis d'un spécialiste illisible, daté au 26 février 2013.

26. Une décision relative à la rupture du statut d'élève régulier de M....établie le 24 mai 2013.

27. Une lettre d'information relative à un crime d'extorsion du Parquet Cantonal du Canton de

Tuzla datée au 10 juin 2013.

28. Deux assignations à comparaître adressée à un témoin (...et …) du Tribunal Communale de

Zivinice datées au 13 juin 2013.

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29. Une demande de délivrance du procès-verbal relatif à la descente sur les lieux effectuée

datée au 2 septembre 2013.

30. La réponse de la Direction de la Police à la demande de délivrance du procès-verbal datée

au 3 septembre 2013.

31. Un extrait du procès-verbal relatif à l'incendie du chalet daté au 3 septembre 2013.

32. Un document relatif à la radiographie du rachis lombo-sacré de Monsieur...daté au 13

décembre 2013.

33. Deux lettres de recommandation du généraliste vers un spécialiste non remplies.

Enfin, il ressort des rapports d'entretien qu'il n'y a plus d'autres faits à invoquer au sujet de

vos demandes de protection internationale et aux déclarations faites dans ce contexte.

Analyse ministérielle en matière de Protection internationale

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, vos demandes de protection internationale

sont évaluées par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention

du statut conféré par la protection subsidiaire.

1. Quant à la Convention de Genève

Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas

uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la

situation particulière du demandeur qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle

est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de

Genève de 1951 relative au statut des Réfugiés.

Rappelons à cet égard que l'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que

les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 c) de la loi

modifiée du 5 mai 2006, que ces actes sont d'une gravité suffisante au sens de l'article 31(1) de la

prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 28 de

la loi susmentionnée.

Selon l'article 1 A paragraphe 2 de ladite Convention, le terme de réfugié s'applique à

toute personne qui craigne avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa

nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, qui se

trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se

réclamer de la protection de ce pays; ou qui si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du

pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels évènements, ne peut ou, en

raison de ladite crainte, ne veut y retourner.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que les raisons qui vous ont amenées

à quitter votre pays d'origine pourraient à priori rentrer dans le champ d'application de ladite

Convention, toutefois elles ne sont pas suffisamment graves pour pouvoir retenir dans votre chef

l'existence d'une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi

modifiée du 5 mai 2006.

Madame, Monsieur, soulevons en premier lieu que dans l'entièreté de votre

documentation, vous n'avez versé que deux pièces démontrant un lien entre vous, Monsieur, et....

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Une photo (1A) sur laquelle vous avez posé en uniforme et un document selon lequel Monsieur ...

se serait renseigné sur votre emploi auprès de la station-service de …. Bien que ces documents

démontrent un lien entre vous et Monsieur ..., il y a lieu de préciser qu'il n'en ressort pas que

vous auriez eu de quelconques problèmes avec lui. En effet, vos craintes liées à Monsieur ... sont

purement hypothétiques. Ainsi, vous présumez seulement que ... serait derrière tous les incidents

susmentionnés, sans fournir une preuve de vos allégations. Or, de simples craintes hypothétiques,

qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne sauraient cependant constituer des motifs

visés par la Convention de Genève. Ce constat vaut d'autant plus que vous, Monsieur, auriez

visité l'Allemagne en 2012, sans y avoir recherché une forme quelconque de protection et que

vous seriez retourné volontairement en Bosnie-Herzégovine après quelques jours. Or, on peut

s'attendre à ce qu'une personne vraiment persécutée dans son pays d'origine dépose une

demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et ne rentrent pas après

quelques jours dans le pays qui serait à la base de ses problèmes. Ceci confirme le fait que les

ennuis que vous invoquez n'entrent pas dans le cadre de la Convention de Genève.

De plus, il s'agit de remarquer que vos récits ne coïncident pas avec les documents que

vous avez versés au Ministère des Affaires étrangères et européennes.

Ainsi, Monsieur, vous dites qu'un homme aurait tenté de kidnapper votre fils en 2008 de

l'école mais qu'il aurait pu être sauvé par son institutrice. Vous auriez retrouvé cet homme par la

suite en ville et vous lui auriez confisqué ses armes. Or, il ressort de la demande d'engagement

d'une procédure par le tribunal de police que le coupable en question n'aurait pas tenté de

kidnapper votre fils. Cette personne, dans un état d'ébriété, aurait sorti des armes de sa poche

sans les pointer sur quiconque. De plus, votre fils n'aurait pas été à l'école pendant ce temps

mais dans une rue avec des copains pour rentrer à la maison. L'homme armé aurait simplement

fait peur à votre fils sans tenter de le kidnapper.

Concernant l'affaire du restaurant que vous n'auriez pas pu ouvrir, vous dites qu'un

autre acheteur aurait corrompu Monsieur ... pour se procurer des bâtiments pour lesquelles

vous auriez déjà payé une avance. Or, il ressort du jugement que vous avez déposé au Ministère

que vos dépositions au sujet du payement sont contradictoires avec celles de votre cousin et de

vos témoins, menant le tribunal à constater que vos dires sont fabriqués. De plus, le tribunal a

considéré les dires du vendeur et de l'acheteur des bâtiments comme crédible étant donné qu'ils

étaient soutenus par des preuves matérielles. De plus, le tribunal constate qu'il n'est pas logique

que le vendeur aurait accepté de vous vendre les immeubles car la somme que vous lui auriez

proposée était nettement inférieure à leur valeur.

Il y a par la suite aussi lieu à soulever quelques incohérences dans vos dires. En effet,

Monsieur, vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire sont différentes de celles que

vous avez décrites lors de votre entretien avec l'agent du Ministère. Lors de l'entretien avec

l'agent du Service Réfugiés, vous avez principalement motivé votre demande de protection

internationale en indiquant que vous auriez depuis des années des problèmes avec un certain ...,

alors que vous avez déclaré auprès de Service de Police Judiciaire que vous auriez été perçu

comme espion en Bosnie-Herzégovine étant donné que vous auriez protégé des politiciens lors

du conflit et que vous auriez été au courant de leurs secrets. Or, il ne ressort pas de vos dires

lors de l'entretien que vous auriez été vu comme espion.

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Des doutes sont donc à formuler quant à vos motifs de fuite.

Madame, Monsieur, même à supposer les faits que vous alléguez comme établis, ceux-ci

ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne

peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays

d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à

un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2

de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée du 5 mai 2006. En

effet, vous faites état de menaces, d'agressions et d'un cambriolage par des personnes

inconnues.

Or, il y a d'abord lieu de noter que les incidents dont vous faites état constituent des

délits et crimes relevant du droit commun, punissables selon la loi bosnienne et qui ne sauraient

être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi

modifiée du 5 mai 2006. De plus, des personnes inconnues et des jeunes non autrement identifiés

sont à considérés comme des personnes privées. Or, s'agissant d'actes émanant de personnes

privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte

légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la

part des autorités politiques pour l'un des motifs énoncés par ladite Convention et dont

l'existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur de protection

internationale. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

En outre, en application de l'article 29 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit

d'asile et à des formes complémentaires de protection au cas de l'espèce, il ne ressort pas du

rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations étatiques présentes sur le territoire de

votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l'encontre des personnes

inconnues.

Madame, Monsieur, selon vos dires, la police serait venue à chaque fois que vous l'auriez

appelé en aide, à part une fois en 2013, après qu'une personne inconnue aurait ouvert le feu sur

vous Monsieur. Or, le simple fait que la police n'aurait pas réagi à un appel ne suffit pas à

démontrer qu'elle ne pourrait ou ne voudrait pas vous venir en aide, surtout en constatant qu'elle

aurait fait son travail de façon irréprochable comme on peut le constater dans vos dires ainsi que

dans votre documentation.

De plus, il n'est aucunement établi que vous n'auriez pas pu acquérir des rapports de la

police. En effet, vous avez reçu un extrait du procès-verbal concernant l'incendie au chalet du

11 juin 2013 qu'un jour après avoir adressé une demande à la direction de la police de …. Ainsi,

aucun reproche ne peut être formulé contre les forces de l'ordre bosniennes.

Selon vos dires la police bosnienne serait corrompue par Monsieur .... Or, en admettant

vrai que les agents de police n'auraient pas voulu vous aider et que le maire de … abuserait de

son pouvoir, vous auriez pu vous joindre à d'autres institutions pour vous défendre contre les

injustices dont vous vous estimez victime. En effet, vous auriez pu vous adresser à l'Ombudsman,

afin de vous permettre de vous défendre contre d'éventuelles injustices. Ainsi, l'Institution of

Human Rights Ombudsman for Bosnia and Herzegovina a été fondée dans le cadre des accords

de paix. La mission de l'Ombudsman est d'assurer le suivi de la situation des droits de l'homme

en Bosnie-Herzégovine, c'est-à-dire de veiller d'une part aux droits et aux libertés de tous les

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individus et des organisations légales, tels qu'ils sont garantis par la Constitution, et à une

bonne administration d'autre part. Conformément à la loi, sans faire aucune distinction parmi

les personnes, chaque individu ou personne morale qui dispose d'un intérêt légitime, a le droit

de déposer une plainte auprès de l'ombudsman. Pour l'année 2011: « Ombudsman Institution

received 3067 complaints, and with cases transferred from 2010 (1683 complaints), in 2011

there were total of 4750 cases. A number of complaints received in 2011 is approximately the

same as in 2010, when total number of complaints received was 3298. (...) In 2011 in handling

of complaints Ombudsman Institution undertook 9613 various activities related to its cases,

including investigations concerning complaints registered, issuance of recommendations,

organs explanation as to recommendations issued, monitoring of court or administrative

procedures, provision of information to complainant on explanation by responsible party,

urgencies to competent organs, requests for supplement to the complaint. Out of total number of

complaints received in 2011, 1259 complaints are still processed, which means that 1808, or

60%, of received complaints are closed during this reporting period. Further, out of total

number of cases that were processed, including those transferred from previous calendar years

(4750 complaints), 2889 complaints were resolved, which is 61%. ».

En plus, afin de pouvoir sanctionner efficacement les éventuels excès et les autres formes

de comportement non professionnel ou indécent des fonctionnaires de police et autres employés

du

ministère, l'on a créé la Section de contrôle interne et le Bureau public des plaintes ;. Il ressort

d'information obtenues auprès du CEDOCA (centre de recherche et de documentation du

Commissariat général aux réfugiés et apatrides — Belgique) que :

« Le Bureau public des plaintes est responsable des tâches suivantes: Le transfert des

plaintes à la Section de contrôle interne afin de lancer l'enquête concernant la plainte publique

contre le fonctionnaire de police ou autre employé du ministère; la supervision des enquêtes de

la Section de contrôle interne; l'ordre d'ouvrir une nouvelle enquête si le Bureau n'est pas

satisfait de l'enquête de la Section de contrôle interne; (...) La supervision du contenu de la

résolution informelle des plaintes des citoyens, pour supprimer la pression, de sorte que le cas

soit solutionné de cette façon; (...) L'information du plaignant par écrit quant à l'issue de

l'enquête et ce, au plus vite. ».

Quant à vos allégations de corruption des autorités bosniennes force est de constater

que: « (...) Police agencies in BiH have increased the crackdown on corruption against state

institutions and political officials in the post few months. In mid-April, the State investigation and

Protection Agency organised anti-corruption actions against 19 officials, including Federation of

BiH President Zivko Budimir. The officials are accused of taking bribes and abusing their power.

Days after Budimir's arrest, prosecutor filed criminal charges against FBiH Deputy Prime

Minister Jerka Ivankovic-Lijanovic and 57 others for corruption and organised crime. ».

« In the last decade, awareness of corruption has increased in Bosnia and Herzegovina

and it has become an important priority in the political agenda of the country. Successive

governments of Bosnia and Herzegovina have committed themselves to fighting corruption and

key steps have been taken to address the issue, in part because of commitments deriving from the

European Union accession process and the subsequent need to adapt national legislation to the

acquis communautaire. Important instruments in the upgrading of the legislative framework for

the fight against corruption are represented by the ratification of two Council of Europe

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conventions — the Criminal Law Convention against Corruption (2002) and the Civil Law

Convention against Corruption (2002). In 2006, Bosnia and Herzegovina also become party to

the United Nations Convention against Corruption (UNCAC), a consequence of which is the

Implementation Review Mechanism, established in 2009 to enable all parties to review their

implementation of UNCAC provisions through a peer review process. One of the objectives of

this mechanism is to encourage a participatory and nationally driven process towards

anticorruption reform and it is noteworthy that Bosnia and Herzegovina will be reviewed in the

fourth wave (2013-2014). Some of the more prominent existing legislative codes include the Law

on Conflict of Interest that has been passed on state and entity levels. (...) Bribery, extortion and

misuse of public ownership for private gain are criminalized in the Criminal Code of Bosnia and

Herzegovina. More recently, the Ministry of Security of Bosnia and Herzegovina has developed a

strategy for the fight against corruption in the period from 2009 to 2014. The main goals of this

strategy are to increase the effectiveness of the existing institutions and to establish an agency for

the prevention of corruption and the coordination of the fight against corruption, independent of

the State Investigation and Protection Agency (SIPA), the main anticorruption agency operating

at a national level. »s

Il convient de rappeler également dans ce contexte que la notion de protection de la part

du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la

commission d'actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en

vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante

pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la

commission matérielle d’un acte criminel, mais seulement dans l’hypothèse où les agressions

commises par un groupe de population seraient encouragées par les autorités en place, voire où

celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Or, tel n'est manifestement pas le

cas en l'espèce.

Ajoutons par la suite que des raisons économiques et matérielles sous-tendent vos

demandes de protection internationale. En effet, Monsieur, vous dites que vous auriez eu du mal

à trouver un travail après avoir travaillé à la station-service jusqu'en 2010. De plus, vous auriez

une dette de 240.000.- euros à rembourser pour un prêt duquel vous auriez été garant. Or, des

raisons économiques ne rentrent pas dans le champ d'application de la Convention de Genève.

Relevons qu'en vertu de l'article 30 (1) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit

d'asile et à des formes complémentaires de protection, le ministre peut estimer qu'un demandeur

n'a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d'origine, il n'y a

aucune raison de craindre d'être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et

qu'il est raisonnable d'estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.

Ainsi, la conséquence d'une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans

une autre partie de son pays d'origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les

lignes directrices de l'UNHCR, l'alternative de la fuite interne s'applique lorsque la zone de

réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu'en termes de

sécurité.

En l'espèce, il ressort à suffisance de vos dires, que vous auriez pu vivre à Zenica

pendant 15 jours après votre retour de Norvège sans faire état de quelconques problèmes. Vous

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ne soulevez également pas de raison valable qui puisse justifier l'impossibilité d'une fuite

interne.

Ajoutons à cet égard que les problèmes dont vous faites état n'ont qu'un caractère local,

ce que vous indiquez clairement dans vos déclarations, et que la situation dans laquelle vous ont

placé les mesures infligées n'a pas atteint une telle ampleur que vous ne pouviez vous y

soustraire qu'en fuyant à l'étranger.

Compte tenu des constatations qui précèdent concernant les conditions générales dans

cette partie du pays et votre situation personnelle, force est de retenir que les critères du

paragraphe 2 de article 30 de la loi modifiée du 5 mai 2006 sont clairement remplis.

En conclusion, les faits que vous alléguez ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef

une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre

religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions

politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que

les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

De tout ce qui précède, les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas

remplies.

2. Quant à la Protection subsidiaire

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes

invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d'application de l'article

37 précité de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir qu'ils répondent aux hypothèses envisagées

aux points a), b) et c) de l'article 37 de ladite loi, et que les auteurs de ces actes puissent être

qualifiés comme acteurs au sens de l'article 28 de cette même loi, étant relevé que les conditions

de la qualification d'acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la

protection subsidiaire.

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous basez vos demandes de

protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de vos demandes de

reconnaissance du statut du réfugié. En effet, vous indiquez que votre famille serait harcelée par

des employés de... parce que vous, Monsieur, auriez refusé de travailler pour lui.

Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que votre récit ne contient pas de motifs

sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes

graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des

formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes, ne

nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de

vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions

inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et

individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou

international.

De tout ce qui précède, les conditions permettant la reconnaissance du statut conféré par

la protection subsidiaire ne sont pas remplies.

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Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme

non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et

à des formes complémentaires de protection.

Votre séjour étant illégal, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un

délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive, à destination

de la Bosnie-Herzégovine, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. »

Par requête déposée le 21 novembre 2014 au greffe du tribunal administratif, les consorts

...ont fait introduire un recours tendant, d’une part, à la réformation de la décision ministérielle

précitée du 20 octobre 2014 portant refus de leurs demandes en obtention d’une protection

internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire, inscrit dans la

même décision.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d’une protection

internationale

Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation

en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, un recours en

réformation a valablement pu être introduit contre la décision ministérielle déférée. Le recours

en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, est recevable.

Quant aux faits, les consorts ...expliquent que Monsieur ...aurait été policier en Bosnie-

Herzégovine de 1992 à 2002 pour ensuite travailler en tant que garde de corps pour un

dénommé... qui serait actuellement à la tête du parti SDP et qui occuperait le poste de

bourgmestre de la commune de … (Bosnie-Herzégovine). Ils exposent que Monsieur ...aurait

été membre du parti SDP jusqu’en 2008, moment où il aurait quitté ce parti pour rejoindre le

parti SDA, alors qu’il aurait été témoin de nombreux délits orchestrés par... qui lui aurait

demandé de brûler la voiture et de faire exploser la maison d’un dénommé …, leader du parti

SDA. Le demandeur explique qu’il aurait averti … des intentions de..., ce qui aurait amené le

demandeur à contacter la police auprès de laquelle il aurait témoigné des infractions commises

par Monsieur .... La même nuit, un homme de mains de Monsieur ... l’aurait contacté en disant

« qu’il est au courant de tout ce qu’il avait dit à la police et qu’il était un homme mort ». Les

demandeurs exposent ensuite qu’en 2008, leur fils aîné se serait fait agresser et que Monsieur ...

aurait demandé à une personne de le renverser avec sa voiture. L’enfant aurait pu éviter la

collision mais aurait néanmoins été touché au pied et aux reins. Les demandeurs expliquent que

cette agression aurait été dénoncée à la police qui n’y aurait réservé aucune suite. Suite à cet

incident, leur fils cadet aurait fait l’objet d’une tentative de kidnapping, événement lors duquel

un homme aurait pointé un pistolet dans la direction de l’enfant. Les consorts ...reprochent aux

autorités bosniennes d’avoir engagé une procédure contre cet agresseur sans que ce dernier

n’aurait été poursuivi pour l’infraction de kidnapping, alors qu’ils avaient précisé les faits et

fourni le nom de l’institutrice qui en aurait été témoin. Ils précisent encore qu’un policier, qui a

voulu les aider dans cette affaire, avait vu exploser sa voiture devant son lieu de travail. Le

demandeur explique qu’il aurait par la suite trouvé un emploi dans une station à essence, poste

duquel il déclare avoir été licencié suite à des pressions exercées sur son employeur par

Monsieur .... Fin 2009 ce dernier aurait été victime d’une tentative de meurtre suite à laquelle il

aurait recontacté le demandeur afin de le convaincre de retravailler pour lui en tant que garde de

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corps, ce qu’il aurait cependant refusé. Quelques mois plus tard Monsieur ... aurait de nouveau

contacté le demandeur en lui proposant de racheter un restaurant se trouvant sur des terrains

appartenant à la commune. Monsieur ...explique que des pourparlers pour le rachat du restaurant

auraient alors été entamés avec le propriétaire qui aurait finalement refusé de vendre, car

Monsieur ... aurait changé d’avis. Suite à cet incident, le demandeur aurait introduit une

procédure judiciaire qui n’aurait pas conduit à la condamnation de Monsieur ..., alors que son

implication n’aurait pas pu être prouvée. Les demandeurs se réfèrent encore à un autre incident

qui aurait eu lieu au moment où Monsieur …, en sa qualité de président d’un groupe de

marcheurs, aurait voulu organiser une balade avec des enfants en montagne lors de laquelle il

aurait trouvé des explosifs placés dans la maison de rencontre des membres du groupe de

marcheurs. La police serait venue sur les lieux afin de désamorcer les engins explosifs ce qui

n’aurait cependant pas empêché l’explosion alors que de nouveaux explosifs y auraient été

installés, ce qui aurait entraîné la destruction de la maison quelques jours plus tard. La police

serait de nouveau intervenue, mais aurait conclu que la maison aurait simplement brûlé.

Monsieur ...explique, avec son expérience de policier, qu’il aurait pu voir des traces d’explosifs,

ce que les policiers intervenus n’auraient pas voulu entendre, ce qui l’aurait amené à mener sa

propre enquête en mettant la main sur une vidéo de surveillance d’une fabrique se trouvant à

proximité de la maison explosée. Sur cette vidéo, le demandeur aurait immédiatement reconnu

des personnes travaillant pour Monsieur ... envoyées sur place pour effacer les traces de

l’explosion. Les policiers n’auraient pas donné de suite après que Monsieur ...leur aurait fait

parvenir la vidéo. Les demandeurs exposent encore avoir été victimes de deux incidents à leur

domicile. Le premier aurait eu lieu en janvier 2012, lors duquel leur fils ainé seul à la maison

aurait été interpellé par le bruit d’une fenêtre brisée et aurait pu voir l’ombre d’une personne

tenant un fusil. Monsieur ...explique qu’il ne se serait pas agi d’un cambriolage banal, alors que

les bijoux de son épouse n’auraient pas été volés, mais d’un homme de mains de Monsieur ...

qui aurait été à la recherche de documents gardés dans une armoire et relatifs à des entrées et des

sorties d’armes concernant le trafic d’arme organisé par Monsieur ... pendant la guerre. La

police serait intervenue et aurait pris des empreintes, mais aucune suite n’aurait été réservée à

l’affaire. Le deuxième incident aurait eu lieu en août 2013, lorsque Monsieur …, averti par les

alarmes autour de la maison, aurait entendu des tirs en rafale directement dirigés contre lui. Les

demandeurs auraient immédiatement appelé la police qui se serait déplacée, mais leur aurait

reproché d’avoir inventé cette histoire. Face à cette réaction, le demandeur ajoute qu’il aurait

déposé plainte le lendemain, mais de nouveau, aucune suite n’aurait été réservée. Les consorts

...font encore valoir que leur voiture aurait été sabotée et les freins coupés. En mai 2012, leur

fils ainé aurait une nouvelle fois fait l’objet d’une agression lors de laquelle une personne aurait

tenté de l’écraser. En mars 2013, ce dernier aurait encore été tabassé à l’école et été victime

d’extorsion. Au regard de l’ensemble de ces événements, les demandeurs exposent qu’ils

n’auraient plus pu rester en Bosnie-Herzégovine et auraient pris la décision de quitter leur pays

d’origine. Ils relèvent finalement que Monsieur …, qui aurait été profondément affecté par les

événements, serait actuellement traité au Luxembourg pour un état de stress post traumatique.

Il y a lieu de relever liminairement que la décision ministérielle litigieuse est d’abord

basée sur le constat d’un défaut de crédibilité et de cohérence entre le récit présenté par les

demandeurs et les documents remis à l’appui de leurs demandes respectivement les déclarations

faites à la police judiciaire, le ministre ayant fait état à cet égard de toute une série d’incohérences

et d’éléments mettant en doute la crédibilité des déclarations des demandeurs.

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Le ministre a plus précisément relevé que les demandeurs auraient exposé qu’en 2008 un

homme aurait tenté de kidnapper leur fils alors qu’il ressortirait de la demande d’engagement

d’une procédure par le tribunal de police qu’un homme aurait simplement fait peur aux enfants.

Quant au problème relatif à la vente d’immeubles prétendument orchestrée par Monsieur

..., le ministre précise que le jugement versé à ce titre retiendrait que le demandeur aurait fait des

dépositions contradictoires.

Le ministre remarque finalement que le demandeur aurait déclaré auprès du Service de

Police Judiciaire comme motif à la base de sa demande de protection internationale qu’il serait

perçu comme un espion en Bosnie-Herzégovine sans indiquer les incidents avec Monsieur ....

Les demandeurs rétorquent à ces incohérences soulevées par le ministre que, s’agissant

de la demande d’engagement d’une procédure par le tribunal de police, qu’il ressortirait

clairement du rapport d’audition que Monsieur ...aurait dénoncé la tentative d’enlèvement et

qu’il aurait donné le nom de l’institutrice mais que les juges n’auraient pas analysé ce point.

Ils répliquent encore que les déclarations faites au Service de Police Judiciaire n’auraient

pas pour but de déterminer si le demandeur remplit ou non les conditions pour pouvoir

bénéficier de la protection internationale et qu’il leur aurait été demandé de résumer très

brièvement les motifs de leur départ, ce qu’ils auraient fait en indiquant que Monsieur ...serait

au courant d’infractions commises par des politiciens.

S’agissant des incohérences entre le récit des demandeurs et la demande d’engagement

d’une procédure par le tribunal de police de 2008, le tribunal constate que ledit document est

établi sur base des dépositions, mentionnées comme pièces jointes, faites par les deux prévenus,

à savoir …, le prétendu kidnappeur, ainsi que le demandeur qui a blessé ce dernier en lui

enlevant l’arme à feu, de sorte à ce que le demandeur est malvenu de prétendre que les faits

relatés dans ce document ne correspondrait pas à la vérité. Le tribunal admet dès lors comme

avéré les faits tels qu’ils sont relatés dans le document établi par le commissariat de police de

….

Concernant les autres incohérences, force est de constater que le ministre n’en a tiré

aucune conséquence relative à la crédibilité générale du récit des demandeurs, n’ayant pas rejeté

leurs demandes de protection internationale au motif que leur récit n’aurait pas été crédible,

mais a procédé en revanche à une analyse du fond de la demande. Le tribunal est partant amené

à retenir au vu des explications des demandeurs que la crédibilité des déclarations des

demandeurs n’a pas été suffisamment mise en cause, de sorte que les faits invoqués sont à

considérer comme avérés, à part l’incident du prétendu kidnapping.

En droit, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir commis une erreur manifeste

d’appréciation, alors que ce serait à tort que ce dernier aurait conclu que les faits ne seraient pas

suffisamment graves pour pouvoir retenir dans leur chef une crainte fondée de persécution au

sens de la Convention de Genève et de la loi du 5 mai 2006. Ce serait également à tort que le

ministre soutient que leurs problèmes seraient purement hypothétiques. Ils insistent avoir

rapporté à suffisance de droit la preuve qu’à l’origine de leurs problèmes se trouve..., qui aurait

orchestré tous les incidents qu’ils auraient dû subir.

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Les demandeurs affirment que Monsieur ... devrait être considéré comme représentant de

l’Etat en sa qualité de bourgmestre de … et en tant que leader du parti SDP, de sorte que la

condition de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 serait donnée.

A titre subsidiaire, ils font valoir que les autorités bosniennes n’auraient pas été en

mesure de leur offrir une protection adéquate, dans le sens que les policiers auraient bâclé les

enquêtes, alors même qu’ils se sont déplacés chaque fois pour constater les infractions. Il serait

indéniable que Monsieur ... aurait influencé les forces de police. Ils reprochent au ministre

d’avoir « de manière extrêmement hâtive » conclu à une efficacité de la protection accordée par

les autorités bosniennes.

A ce titre, les demandeurs se réfèrent à des sources internationales qui constateraient un

niveau élevé de corruption dans toutes les sphères étatiques de la Bosnie-Herzégovine. Ils

versent à l’appui de leur demande un rapport de l’UNHCR intitulé « Country Reports on Human

Rights Practices – Bosnia Herzovina », publié en date du 27 février 2014.

Quant à l’argument du ministre d’après lequel il serait peu convainquant que les

incidents dont font état les consorts ...seraient d’une gravité suffisante, alors que Monsieur

...aurait été en Allemagne pendant une courte période sans déposer une demande de protection

internationale, les demandeurs rétorquent qu’aucune disposition de la Convention de Genève ou

de la loi du 5 mai 2006 n’imposerait à une personne victime de persécutions ou d’atteintes

graves dans son pays d’origine à déposer une demande de protection internationale dans le

premier pays sûr qu’elle visite.

Les consorts ...expliquent encore que leurs demandes de protection internationale ne

seraient pas motivées par des considérations économiques et matérielles, mais qu’ils auraient

invoqué les difficultés de Monsieur ...à retrouver un emploi et le problème du prêt pour lequel il

s’est porté garant uniquement pour souligner les conséquences des diverses manipulations de

Monsieur ....

Quant à une éventuelle possibilité de fuite interne, les demandeurs font valoir qu’ils ont

vécu cachés pendant 15 jours à Zenica après leur retour de Norvège, où ils avaient déposé une

demande de protection internationale en 2013. Ils ne seraient pratiquement pas sortis, de peur

que Monsieur ... n’apprenne leur retour et tente à nouveau de porter atteinte à leurs vies.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de

la situation des demandeurs et conclut au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de « protection

internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la

protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 d) de ladite loi comme étant « tout

ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa

race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un

certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de

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cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant

pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut

ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006 : « Les actes considérés

comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour

constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits

auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la

Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou

b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de

l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce

qui est indiqué au point a). (…) »

Finalement, aux termes de l’article 28 de la loi du 5 mai 2006 : « Les acteurs des

persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire

de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et

b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une

protection contre les persécutions ou atteintes graves. »,

et aux termes de l’article 29 de la même loi : «(1) La protection contre les persécutions ou

les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou

b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui

contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils

soient déposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le

faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non

temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au

paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution

ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif

permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou

une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. »

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie

importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le

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ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de

l’Union européenne en la matière.»

Il se dégage des articles précités de la loi du 5 mai 2006 que l’octroi du statut de réfugié

est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de

fond définis à l’article 2 d) de la loi du 5 mai 2006, à savoir la race, la religion, la nationalité, les

opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité

suffisante au sens de l’article 31 (1) de la loi du 5 mai 2006, et qu’ils émanent de personnes

qualifiées comme acteurs aux termes des articles 28 et 29 de la loi du 5 mai 2006, étant entendu

qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs

seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 28 de la loi du 5 mai

2006 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que

le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le

fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le

demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 d) de la loi

du 5 mai 2006 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée »,

de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur

ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été

le cas, l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006 établit une présomption simple que de telles

persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette

présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes

raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par

conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du

risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’espèce, à l’instar du ministre et du délégué du gouvernement, le tribunal constate

que les seuls documents figurant au dossier administratif susceptibles d’établir un lien entre

Monsieur ...et... sont une photo sur laquelle ils figurent en uniforme avec d’autres personnes et

un courrier officiel du bourgmestre de … dans lequel ce dernier se renseigne si le demandeur est

employé auprès de la station-service de ….

Or, ces documents ne sont pas susceptibles d’établir que tous les incidents qu’ont subis

les demandeurs ont été orchestrés par..., surtout qu’aucun autre document parmi les pièces

versées par les demandeurs et figurant au dossier administratif mentionne le nom de ... ou fait

état de ce que Monsieur ...aurait exprimé la crainte que le bourgmestre de … serait à l’origine de

ses problèmes. Ainsi, même le jugement du 27 septembre 2012, rendu après que le demandeur a

déposé comme témoin relatif à l’escroquerie prétendument dirigée par ..., reste muet sur une

quelconque ingérence de ce dernier. De même, le tribunal souligne que le fait pour un

bourgmestre de demander à une entreprise si elle emploie une personne peut avoir de multiples

causes, et, à supposer que, comme le prétendent les demandeurs, le bourgmestre l’aurait fait

dans le but de mettre la pression sur l’employeur, il ne l’aurait certes pas fait par un courrier

officiel.

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Force est ensuite au tribunal de constater qu’il ressort de l’audition du demandeur que le

prétendu acharnement de Monsieur ... sur sa personne trouve son origine dans le fait qu’il a

dénoncé les infractions par lui commises à la police et non dans son changement de parti

politique, de sorte à ce que les faits invoqués ne permettent pas d’établir dans le chef des

intéressés une crainte fondée de subir des persécutions pour l’un des motifs énoncés par la

Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés et repris par l’article 2 d)

précité de la loi du 5 mai 2006, d’autant plus que les craintes des demandeurs, qui ne font que

présumer que Monsieur ... serait derrière tous les incidents dont ils font état, sont purement

hypothétiques, de sorte qu’elles ne sauraient constituer des motifs visés par la Convention de

Genève.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé aux demandeurs le statut de réfugié

politique.

Quant au volet de la décision litigieuse portant refus de leur accorder le bénéfice du statut

conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 f) de la loi

du 5 mai 2006, peut bénéficier de la protection subsidiaire : « tout ressortissant d’un pays tiers ou

tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs

sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays

d’origine ou dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle,

courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 (…) ».

L’article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : « a) la peine de mort

ou l’exécution ; ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés

à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie

ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou

international. »

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double

condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ

d’application de l’article 37 précité de la loi du 5 mai 2006, à savoir qu’ils répondent aux

hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006, et

que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 28 et 29 de

cette même loi étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au

statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 f) de la loi du 5 mai 2006, définit la personne pouvant bénéficier de

la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire

que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine elle « courrait un risque réel de subir des

atteintes graves définies à l’article 37 », cette définition vise partant une personne risquant

d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur

ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que

tel avait été le cas, les atteintes graves d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable

que de telles persécutions se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de

l’article 26 (4) de la loi du 5 mai 2006, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au

ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ne se reproduiront

pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le

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demandeur avance, du risque d’être persécuté qu’il encourt en cas de retour dans son pays

d’origine.

Comme il n’y a pas de conflit armé en Bosnie-Herzégovine et que les demandeurs

n’allèguent pas risquer la peine de mort ou l’exécution dans leur pays d’origine, il y a seulement

lieu de vérifier si les difficultés dont ils font état peuvent être qualifiées de torture ou de

traitements, respectivement sanctions inhumains ou dégradants.

Le tribunal est amené à retenir que le fait d’avoir été prétendument victime d’une

escroquerie suite à l’achat d’un restaurant n’est pas d’une gravité suffisante pour être qualifié

d’atteinte grave, d’autant plus qu’il ressort du jugement du 27 septembre 2012 ayant acquitté le

prétendu auteur de l’infraction, que « l’action du Parquet est principalement basée sur les

dépositions respectives des témoins lésés … ...et ...(…), rejetées par le tribunal qui les a

qualifiées de non objectives, d’incohérentes, de contradictoires et de fabriquées (…) ».

Cependant, le fait d’avoir été menacé de mort, le fait qu’une voiture a tenté de renversé

délibérément le fils des demandeurs en 2008 et en 2012, le fait qu’un homme pointe une arme sur

l’enfant des demandeurs, l’explosion de la maison dans les montagnes, les tirs sur le demandeur

alors qu’il était à la maison, l’intrusion par une personne inconnue dans sa maison à deux

reprises, le sabotage de sa voiture ainsi que les violences et les extorsions perpétrées sur leur fils

ainsi que les multiples appels menaçants présentent, dans leur ensemble, une gravité suffisante

pour être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

Le tribunal constate néanmoins que les personnes par lesquelles les demandeurs déclarent

avoir été menacés respectivement brutalisés, sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat, de

sorte que la crainte de faire l’objet d’atteintes graves ne saurait être considérée comme fondée

que si les autorités ne veulent ou ne peuvent pas fournir une protection effective aux demandeurs

ou s’il n’y a pas d’Etat susceptible d’accorder une protection : c’est l’absence de protection qui

est décisive, quelle que soit la source des atteintes graves1.

Dès lors, l’essentiel est d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son

profil dans le contexte qu’elle décrit. A cet égard, il y a lieu de rappeler qu’une protection peut

être considérée comme suffisante si les autorités ont mis en place une structure policière et

judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une

persécution ou des atteintes graves et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la

disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de

l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une

plainte a pu être enregistrée. Cela inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des

tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui

sont à l’origine des atteintes graves.

En l’espèce, il ressort des termes de leurs auditions que les consorts ...ont choisi de ne pas

déposer plainte au sujet des menaces qu’ils ont reçus et du sabotage de la voiture de Monsieur ….

Les autres faits ont cependant été dénoncés à la police.

1 trib. adm. 13 juillet 2009, n° 25558, Pas. adm. 2015, V° Etrangers, n° 123.

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Ainsi, il ressort du rapport d’audition du demandeur que l’incident en 2008, lors duquel

son fils a failli être renversé délibérément par une voiture, a pu être déclaré à la police mais que

« la police n’a jamais retrouvé ou n’a jamais voulu retrouver le coupable »2.

S’agissant de l’incident où une personne a pointé une arme sur le fils des demandeurs qui

rentrait de l’école, le tribunal constate que cette infraction a pu être dénoncée à la police, l’arme à

feu a pu être saisie et la police a transmis une « demande d’engagement d’une procédure par le

tribunal de police » au tribunal de … avec la proposition « de déclarer les mis en examen

responsables des infractions commises et de les punir, plus précisément de prononcer une mesure

de protection conformément à la Loi ».

Concernant l’explosion, respectivement l’incendie dans la maison du club des marcheurs

duquel Monsieur ...était le président, il y a lieu de constater que la police est venue sur les lieux et

constaté les dégâts, même si les consorts ...reprochent dans ce contexte aux autorités de police

d’avoir conclu à un incendie, alors que le demandeur était certain, au vu de son expérience en tant

que policier, qu’il se serait agi d’une explosion et de n’avoir pas voulu prendre en considération

une vidéo de surveillance qu’il s’est procurée d’une fabrique non loin du lieu de l’infraction.

Concernant le soir lors duquel un inconnu a tiré sur le demandeur en sortant de la maison,

le tribunal constate qu’il ressort des déclarations des demandeurs qu’il aurait appelé la police qui

après une demi-heure n’était toujours pas sur les lieux. En rappelant, les policiers lui auraient dit

qu’ils étaient déjà passés sans avoir constaté quelque chose tout en lui reprochant d’avoir tout

inventé. Monsieur ...explique néanmoins avoir pu déposer une plainte à la police le lendemain.

S’agissant de l’incident lors duquel le fils des demandeurs était seul à la maison où une

personne armée s’était introduite, le tribunal constate que la police est venue tout de suite après et

a pris des empreintes.

La police a également dressé un rapport suite à l’incident lors duquel le fils des

demandeurs a fait l’objet d’une deuxième tentative de renversement par une voiture en mai 2012.

S’agissant des coups et blessures volontaires portés au fils des demandeurs ainsi que les

extorsions, le tribunal constate qu’il ressort d’un courrier du Parquet cantonal du canton de Tuzla

que l’auteur de ces infractions était encore mineur au moment des faits, de sorte à ce que le

parquet avait pris la décision « de ne pas ordonner de procéder à une mise en état à l’encontre du

mineur (…) » et a informé les demandeurs que s’ils n’étaient pas satisfait de la décision du

Parquet, ils pourraient formuler une plainte auprès du Cabinet du procureur général de Tuzla, ce

qu’ils n’ont pas choisi de faire. L’auteur de l’infraction a néanmoins été cité devant le juge des

mineurs et le demandeur ainsi que son fils ont été cités en tant que témoins.

Le fait que la police ne donne pas de suivi après une plainte ne permet pas de conclure

ipso facto à une absence de protection, d’autant plus que les auteurs sont restés la plus part du

temps inconnus. A ce titre, il y a lieu de rappeler qu’une protection n’exige pas un taux de

résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100%, taux qui n’est pas non plus atteint

2 Cf. rapport d’audition du demandeur, p.5/19

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dans les pays dotés de structures policières et judiciaires les plus efficaces, ni qu’elle n’impose

nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux

des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas

une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, et

l’existence d’une persécution ou d’atteintes graves ne saurait être admise dès la commission

matérielle d’un acte criminel mais suppose une insuffisance de démarches de la part des autorités

en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité

suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Quant à l’absence de résultats obtenus par la police dont se plaignent les demandeurs, elle

ne signifie pas non plus que celle-ci est corrompue. De toute manière, si les consorts ...avaient eu

le sentiment que leurs doléances n’avaient pas été accueillies avec le sérieux nécessaire par les

policiers locaux, il leur aurait été possible de protester contre le comportement des policiers

auprès d’une autorité supérieure ou de porter leur plainte par-devant d’autres policiers, ce qu’ils

n’ont toutefois pas fait. Les demandeurs auraient également pu porter leurs doléances devant

l’Ombudsman qui, tel qu’il ressort des sources internationales citées par la partie étatique, a pour

mission d’enquêter sur tout reproche en matière de violations des droits de l’Homme, ou auprès

de la Section de contrôle interne ou au Bureau public des plaintes, notamment compétent pour

traiter les réclamations à propos de la mauvaise conduite d’officiers de police, ce qu’ils n’ont

également pas fait.

A cet égard, il aurait en tout état de cause appartenu aux demandeurs, avant de baisser

tout simplement les bras et de requérir la protection d’un Etat étranger, de rechercher plus

activement la protection offerte par leurs propres autorités et institutions nationales.

Même s’il subsiste, à partir d’une vue globale des documents émanant d’organisations

internationales versés en cause, certaines défaillances au niveau des systèmes judiciaire et

policier en Bosnie-Herzégovine, le tribunal ne saurait cependant admettre avec les demandeurs

que ce système soit défaillant à un point tel que porter plainte pour des méfaits tels que ceux mis

en avant par Monsieur …, d’un côté, ne revêtirait aucune chance de succès et, d’un autre côté,

présenterait un effet pervers de représailles de la part Monsieur .... A ce titre le tribunal constate

que les consorts ...admettent dans leurs déclarations que « le procureur a fait un procès

concernant les armes que ... tenait dans son dépôt (…)3 », de sorte qu’il ne pourra être admis que

ce dernier bénéficierait d’une impunité.

En résumé, au regard des éléments à la disposition du tribunal, il n’est pas établi que les

demandeurs ne puissent pas obtenir une protection suffisante dans leur pays d’origine. Plus

particulièrement, au vu des explications fournies par la partie étatique, sources internationales à

l’appui, quant à la disponibilité d’un système judiciaire et policier et à défaut pour les consorts

...d’avoir suffisamment recherché la protection des autorités de leur pays d’origine, la seule

affirmation non vérifiée des demandeurs qu’ils ne bénéficieraient d’aucune protection dans leur

pays d’origine et que Hasan ... aurait une influence sur la police est insuffisante pour emporter le

constat qu’aucune protection ne serait disponible en Bosnie-Herzégovine.

3 Cf. rapport d’audition du demandeur, p.9/19

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Il suit partant de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est également à bon

droit que le ministre a rejeté les demandes en obtention du statut conféré par la protection

subsidiaire présentées par les demandeurs comme étant non fondées. Le recours est par

conséquent à déclarer comme non fondé.

2. Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire

Etant donné que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation

contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu

dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse.

Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la

loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, « une décision négative du

ministre vaut décision de retour (…) ». En vertu de l’article 2 r) de la loi du 5 mai 2006, la

notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant

illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ».

Les demandeurs soutiennent en premier lieu que si la décision de refus d’octroi du statut

de protection internationale encourt la réformation, l’ordre de quitter devrait également être

annulé.

Il se dégage des conclusions ci-avant retenues par le tribunal que le ministre a refusé à

bon droit d’accorder aux demandeurs un statut de protection internationale, de sorte qu’il a

également pu valablement émettre l’ordre de quitter le territoire.

En ordre subsidiaire, les demandeurs concluent à l’annulation de l’ordre de quitter le

territoire, au motif qu’il violerait l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre

circulation des personnes et l’immigration dans la mesure où un retour en Bosnie-Herzégovine

les exposerait à des traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Aux termes de l’article 129 de la loi précitée du 29 août 2008 : « L’étranger ne peut être

éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement

menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre

1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre

la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ».

Il convient de relever que l’article 129, précité, renvoie à l’article 3 de la Convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après

dénommée « CEDH » aux termes duquel : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines

ou traitements inhumains ou dégradants. »

Quant à l’incidence de l’article 3 de la CEDH, si ledit article proscrit la torture et les peines

ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances

mentales ou physiques présente une certaine intensité.

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En effet, si une mesure d’éloignement - tel qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du

délai imposé aux demandeurs pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où

son exécution risquait de porter atteinte aux droits inscrits à son article 3, ce n’est cependant pas

la nature de la mesure d’éloignement qui pose problème de conformité à la Convention,

spécialement à l’article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de

porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la

protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la Convention d’accomplir un acte

qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il

n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à

la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit

à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une

peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme soumet à un

examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du

requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La Cour

européenne des droits de l’Homme recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du

requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque

notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des

informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en

Bosnie-Herzégovine, le tribunal administratif a conclu ci-avant à l’absence dans le chef des

demandeurs de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves au sens de l’article 37, point

b) de la loi modifiée du 5 mai 2006, à savoir la torture ou des traitements ou sanctions inhumains

ou dégradants, de sorte que le tribunal ne saurait actuellement pas se départir à ce niveau-ci de

son analyse de cette conclusion.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH 4, le

tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi des demandeurs

en Bosnie-Herzégovine soit dans ces circonstances incompatible avec l’article 3 de la CEDH.

Il s’ensuit que le recours en annulation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs,

le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du

20 octobre 2014 portant rejet d’un statut de protection internationale aux consorts ...;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

4 CedH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2004, § 59.

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reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 20

octobre 2014 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

Carlo Schockweiler, premier vice-président,

Olivier Poos, juge,

Michèle Stoffel, juge,

et lu à l’audience publique du 23 septembre 2015 par le premier vice-président, en

présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Carlo Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original

Luxembourg, le 23/09/2015

Le Greffier du Tribunal administratif