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Françoise MATHIEU* Plus de trois millions de personnes en France métropolitaine bénéficient d'un revenu minimum. La répartition géographique des bénéficiaires dessine une carte de la pauvreté. Le sud de la ligne Calvados-Alpes-Maritimes révèle une pauvreté surtout rurale et masculine de personnes âgées et de handicapés. Par contre, l'isolement se rencontre dans le pourtour médite"anéen et dans le nord de la France, et les faibles ressources dans les régions fortement marquées par le chômage. Depuis la création en 1930 de la pension d'invalidité, jusqu'au revenu minimum d'insertion institué en 1988, de nombreux dispositifs assurant des ressources minimales à des populations spécifiques ont été mis en place. Ces diverses prestations sont connues sous le nom de "minima sociaux". En métropole, le nombre de personnes titulaires d'un de ces revenus-minimum est évalué à 3,4 millions (1). Ces allocataires perçoivent une ou deux prestations dites "minima sociaux" qui comprennent: le revenu minimum d'insertion (Rmi), l'allocation de parent isolé (Api) l'allocation aux adultes handicapés (Aah) l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité (Fns) plus connue sous le nom de minimum vieillesse ou minimum invalidité. Le nombre de 3,4 millions est sans doute sous-évalué car il ne comprend pas les bénéficiaires de deux prestations, l'allocation d'insertion (Ai) et l'allocation de solidarité spécifique (Ass), qui constituent le volet solidarité des prestations de chômage et jouent un rôle de quasi revenu-minimum. S'ils ne constituent pas la totalité des personnes ou des familles que l'on peut qualifier de pauvres,les bénéficiaires de ces minima-sociaux en constituent le "noyau RECHERCHES ET PREVISIONS n• 29130 dur". Ils ont en effet les revenus par unité de consommation parmi les plus bas et dépendent en grande partie pour leur subsistance de la solidarité nationale (2). - On appelle "minima sociaux" des prestations sociales non contributives, c'est- à-dire sans contrepartie de cotisation, attribuées sous conditions de ressources en vue d'assurer à l'individu ou plutôt à sa famille un revenu minimum: • L'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité est la plus ancienne de ces prestations. Le minimum invalidité est accordé à des personnes invalides, à hautew' de 3 035 F. Le minimum vieillesse, qui comprend plusieurs prestations, complétant éventuellement une pension contributive ou accordé aux personnesn'ayantjamaistravaillé,aboutità fournir un revenu de 3 035 Faux personnes de plus de 65 ans ou de plus de 60 ans, si elles sont déclarées inaptes au travail; 57 Cnaf - bureau des statistiques. (1) B. Fragonard, "Rapport sur les min1ma sociaux", Cmrumssariat général au plan, Rapport prov1soue, Janvier 1992. (2) M. Villac, "Le Rmi, denùer maillon dans la lune contre la pauvrelé", Economie et !itatlsdques, Insee, n" 252, man 1992.

trois millions de personnes en France …...L'allocation de parent isolé (Api) est une allocation différentielle visant à fournir à tout parent isolé un revenu égal à 2 909

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Page 1: trois millions de personnes en France …...L'allocation de parent isolé (Api) est une allocation différentielle visant à fournir à tout parent isolé un revenu égal à 2 909

Françoise MATHIEU*

Plus de trois millions de personnes en France métropolitaine bénéficient d'un revenu minimum. La répartition géographique des bénéficiaires dessine une carte de la pauvreté. Le sud de la ligne Calvados-Alpes-Maritimes révèle une pauvreté surtout rurale et masculine de personnes âgées et de handicapés. Par contre, l'isolement se rencontre dans le pourtour médite"anéen et dans le nord de la France, et les faibles ressources dans les régions fortement marquées par le chômage.

Depuis la création en 1930 de la pension d'invalidité, jusqu'au revenu minimum d'insertion institué en 1988, de nombreux dispositifs assurant des ressources minimales à des populations spécifiques ont été mis en place. Ces diverses prestations sont connues sous le nom de "minima sociaux".

En métropole, le nombre de personnes titulaires d'un de ces revenus-minimum est évalué à 3,4 millions (1). Ces allocataires perçoivent une ou deux prestations dites "minima sociaux" qui comprennent: le revenu minimum d'insertion (Rmi), l'allocation de parent isolé (Api) l'allocation aux adultes handicapés (Aah) l'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité (Fns) plus connue sous le nom de minimum vieillesse ou minimum invalidité.

Le nombre de 3,4 millions est sans doute sous-évalué car il ne comprend pas les bénéficiaires de deux prestations, l'allocation d'insertion (Ai) et l'allocation de solidarité spécifique (Ass), qui constituent le volet solidarité des prestations de chômage et jouent un rôle de quasi revenu-minimum.

S'ils ne constituent pas la totalité des personnes ou des familles que l'on peut qualifier de pauvres,les bénéficiaires de ces minima-sociaux en constituent le "noyau

RECHERCHES ET PREVISIONS n• 29130

dur". Ils ont en effet les revenus par unité de consommation parmi les plus bas et dépendent en grande partie pour leur subsistance de la solidarité nationale (2).

-On appelle "minima sociaux" des

prestations sociales non contributives, c'est­à-dire sans contrepartie de cotisation, attribuées sous conditions de ressources en vue d'assurer à l'individu ou plutôt à sa famille un revenu minimum:

• L'allocation supplémentaire du Fonds national de solidarité est la plus ancienne de ces prestations. Le minimum invalidité est accordé à des personnes invalides, à hautew' de 3 035 F. Le minimum vieillesse, qui comprend plusieurs prestations, complétant éventuellement une pension contributive ou accordé aux personnesn'ayantjamaistravaillé,aboutità fournir un revenu de 3 035 Faux personnes de plus de 65 ans ou de plus de 60 ans, si elles sont déclarées inaptes au travail;

57

• Cnaf - bureau des statistiques. (1) B. Fragonard, "Rapport sur les min1ma sociaux", Cmrumssariat général au plan, Rapport prov1soue, Janvier 1992. (2) M. Villac, "Le Rmi, denùer maillon dans la lune contre la pauvrelé", Economie et !itatlsdques, Insee, n" 252, man 1992.

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- la loi d'orientation du 30 juin 1975 concernant les personnes handicapées leur reconnaît un droit personnel à la solidarité nationale. L'allocation aux adultes handicapés (Aah) est destinée à assurer à tous les handicapés un revenu minimum. En 1991, plus de 15 milliards de francs ont été versés à ce titre à 532 000 bénéficiaires. L'allocation pour adulte handicapé est accordée à toute personne de plus de 20 ans déclarée handicapée par une commission (COTOREP), c'est-à-dire soit invalide à plus de 80 % soit jugée dans l'impossibilité de se procurer un emploi compte tenu de son handicap (article 35-2). Le montant de l'allocation est égal au minimum vieillesse: 3 035 F pour une personne seule;

- l'allocation de parent isolé, créée en 1976, est perçue par 129 000 personnes seules, en grande majorité des femmes, qui ont en moyenne deux enfants à charge. Les sommes consacrées à cette prestation s'élèvent à 4 milliards. C'est une population plutôt jeune, deux sur cinq ont moins de 25 ans et presque toutes moins de 40 ans. L'allocation de parent isolé (Api) est une allocation différentielle visant à fournir à tout parent isolé un revenu égal à 2 909 F plus 970 F par enfant à charge. L'Api est versée pendant un an aux parents isolés et jusqu'au troisième anniversaire de l'enfant; elle est aussi versée aux femmes enceintes;

- le revenu minimum d'insertion, créé le 1er décembre 1988, est le dernier maillon du système de protection sociale français. Fin 1991, 582 000 personnes bénéficiaient du Rmi couvrant ainsi avec les ayants droit plus d'un million de personnes. Les crédits consacrés à l'allocation se sont élevés à 11,4 milliards de francs. Le revenu minimum d'insertion est attribué sous seule condition de ressources inférieures à son montant maximum (2 184 F pour un adulte x 1,5 pour un couple, plus 0,3 par enfant à charge et 0,4 pour le troisième enfant) à toute personne, françaiSe ou éttangère, résidant régulièrement en France depuis plus de trois ans.

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La répartition géographique des bénéficiaires de ces quatre minima sociaux est très contrastée. S'opposent en effet une précarité plutôt rurale d'une part, marquée par une forte proportion de bénéficiaires de minimum vieillesse, mais aussi de 1' allocation pour adultes handicapés, et une précarité plus urbaine d'autre part, dans laquelle on retrouve beaucoup de bénéficiaires du Rmi et de l'allocation pour parents isolés, mais aussi de chômeurs. Les premiers se retrouvent surtout au sud du Massif Central. Les seconds vivent surtout dans le Nord, sur le pourtour de la Méditerranée et en partie autour de Nantes et de Bordeaux.

Globalement, la France peut être séparée en deux par une ligne allant du Calvados auxAlpes-Maritimes(carte l).C'estausud de cette ligne que 1 'on trouve les plus fortes proportions de JX7SOnnes touchant un revenu minimum, les départements du sud-ouest du Massif Central sont les plus touchés puisque environ 10 % de leur population perçoit ces prestations. Le Fns qui est majoritaire parmi ces prestations "pèse" très fortement et dessine à lui seul cette représentation (carte 2) ; la pauvreté rurale (Fns) est plutôt âgée alors que la pauvreté jeune (Rmi) est urbaine.

Le minimum vieillesse constitue le plus important de ces minima, mais 1' amélioration progressive des retraites verra ce nombre régresser. n est perçu par environ 1,4 million de personnes pour lDl montant de 22 milliards de francs. Les allocataires du Fns sont surreprésentés parmi la population âgée de plus de 65 ans dans les départements de l'Ouest, du Sud-Ouest et du Massif Central (carte 3). Ceue localisation des bénéficiaires du Fns s'explique en partie par les disparités en matière d'activité agricole. En effet, 36%

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d'entre eux sont d'anciens agriculteurs dont les retraites sont très modiques.

Toujours en liaison avec le caractère agricole, les régions qui comptent le plus grand nombre d'allocataires sont également celles où la population touchant le Fns est la moins féminisée et la moins isolée. A l'opposé,les départements situés à l'est de la ligne Le Havre-Marseille comptent peu d'allocataires. C'est en Ile-de-France que les retraités ont le moins recours à l'allocation du Fns.

La répartition géographique des bénéficiaires de l'Api est ttès proche de celle du Fns (carte 4), ce qui s'explique partiellement par le transfert de l' Aah vers le Fns à l'âge de 60 ans. La proportion de bénéficiaires de l' Aah par rapport à la population nationale varie de 0,3 %à 2,4 % selon les départements. Les plus fortes proportions se situent au sud-œest du Massif Central et en Corse.

Les proportions les plus importantes des bénéficiaires de l'Api se situent dans le nord de la France et sur le pomtour méditemuléen où plus de 1 % de la population perçoit la prestation. Cette répartition est à rapprocher de celle des familles monoparentales ayant un enfant de moins de 3 ans purni l'ensemble

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des familles ayant un enfant de moins de trois ans. Seule différence notable, la région parisienne, où les familles monoparentales ont des revenus supérieurs.

Enmétropole,leRmitouche 1,7 %dela population; mais comme l'indique la carte ci-après, cette répartition n'est pas homogène. Le Rmi est un phénomène essentiellement urbain : 54 % des allocataires sont concentrés dans les 389 premières villes. Par ailleurs, la répartition géographique des bénéficiaires est très corrélée à celle du chômage. Trois points séparent les départements présentant les plus forts taux de Rmi par rapport à la population française (3,4 %) et les plus faibles (0,4 %).Les zones les plus touchées sont le Nord, la façade méditerranéenne et les estuaires de la Garonne, de la Loire et de la Seine. Les régions les plus épargnées : le bassin parisien, l'Alsace et les Alpes.

Cene spacialisation va évoluer dans les années à venir. L'amélioration des rettaites enttaînera une diminution des bénéficiaires du minimum vieillesse. Par contre, la progression du chômage risque de provoquer une augmentation des bénéficiaires des autres minima sociaux ; la pauvreté se situerait plutôt dans les régions industrialisées.

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Les bénéficiaires des minima sociaux : Aah, Api, Fns, Rmi, rapportés à la population totale

en% 0 1,4à3,9 [3il 4,0à5,4 0 5,5à6,9 0 7,0à8,9 0 9,0à 13,3

en%

0 0,4 à 0,9 fJj 1,0 à 1,9 0 2,0à2,9 0 3,0à4,9 0 5,0à 9,7

Les bénéficiaires du Fns rapportés à la population totale

en%

0 0,3à0,5 0 0,6à0,8 [] 0,9 à 1,0 0 1,1 à1,3 0 1,4à2,4

Les bénéficiaires de l'Aah rapportés à la population totale

Les bénéficiaires du Fns rapportés à la population de 65 ans et +

en% 0 <à15 0 15à25 0 25 à35 0 35à39

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en% 0 0.4à 0,8 0 0,9à1 ,1 0 1,2 à 1,5 [] 1,6 à 1,9

2,1 à 3.4

Les bénéficiaires du Rmi

Les bénéficiaires de l'Api rapportés à la population totale

en% 0 0,2à0,3 [] 0,4 D o,5ào,s D o,7à 0,9

1,0à 1,4

en% 0 5,1 à 7,5 0 8,0 0 9,0 D 10.oà 11 .0

12,0 à 15,0

Taux de chômage

Familles monoparentales ayant 1 enfant de - de 3 ans rapportées à l'ensemble des familles ayant 1 enfant de - 3 ans

en% 0 1,0à4,9 0 5,0à6,4 D 6,5à7,4 D 7,5à8,9

9,0 à 15,0