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Fait clinique Trois observations de tumeurs stromales de l’intestin grêle à fibres en écheveau Small intestinal stromal tumors with skenoid fibers. Clinicopathological study of three cases M.-P. Algros a, *, F. Ringenbach a , G. Viennet a , P.-O. Denue b , B. Kantelip a , G. Mantion b a Service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre hospitalier universitaire Jean-Minjoz, 25000 Besançon, France b Service de chirurgie vasculaire et digestive, centre hospitalier universitaire Jean-Minjoz, 25000 Besançon, France Reçu le 11 mars 2002 ; accepté le 13 février 2003 Résumé Les tumeurs stromales digestives (Gist) sont des tumeurs conjonctives de pronostic incertain, développées dans la paroi du tube digestif. Elles posent un double problème : affirmer le diagnostic et apprécier leur potentiel évolutif afin d’adapter la prise en charge thérapeutique. L’identification des tumeurs stromales digestives est facilitée par un marqueur relativement spécifique, le c-KIT. Un inhibiteur de ce récepteur ouvre en outre des perspectives thérapeutiques. Il est souvent difficile de préciser formellement leur bénignité ou leur malignité. En l’absence de métastases, les principaux facteurs pronostiques sont la taille, l’index mitotique et la localisation. Les tumeurs de l’intestin grêle ayant un pronostic péjoratif, la présence de « fibres en écheveau » (skenoid fibers) serait, pour certains auteurs, un facteur de bon pronostic. Nous rapportons trois observations de tumeurs stromales de l’intestin grêle avec « fibres en écheveau » et discutons la signification de cet aspect morphologique particulier. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Gastrointestinal stromal tumours (Gist) are mesenchymal tumour with uncertain prognosis occurring in the gastrointestinal tract wall. For clinicians, these tumours raise two problems: to establish the diagnosis and to determinate the future behaviour for the choice officient therapeutics. For the diagnosis the new marker c-KIT is useful. A new treatment with an inhibitor of c-KIT has given encouraging results. currently there is no consensus on specific cut-points to distinguish as low or high risk (i.e., malignant) Gist. For metastases-free Gist, the prominent histopronostic markers are size, mitotic index and localization of the tumour. The small intestine Gist have the reputation to be more aggressive than in other localization. Skenoid fibers in small intestine Gist could be a marker of good prognostic. The authors reported three cases of small intestine Gist with skenoid fibers. The discussion point out the significance of this particular morphological aspect. © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Tumeurs stromales digestives ; Intestin grêle ; Fibres en écheveau ; C-KIT ; Ultrastructure Keywords: Gist; Small intestine; Skenoid fibers; C-KIT; Ultrastructural study Abréviations : GIST,Tumeurs stromales digestives ou Gastrointestinal stromal tumor ; GANT, Gastrointestinal autonomic nerve tumor. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M.-P. Algros). Annales de chirurgie 128 (2003) 397–401 www.elsevier.com/locate/annchi © 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/S0003-3944(03)00119-6

Trois observations de tumeurs stromales de l’intestin grêle à fibres en écheveau

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Fait clinique

Trois observations de tumeurs stromales de l’intestingrêle à fibres en écheveau

Small intestinal stromal tumors with skenoid fibers.Clinicopathological study of three cases

M.-P. Algrosa,*, F. Ringenbacha, G. Vienneta, P.-O. Denueb, B. Kantelipa, G. Mantionb

a Service d’anatomie et cytologie pathologiques, centre hospitalier universitaire Jean-Minjoz, 25000 Besançon, Franceb Service de chirurgie vasculaire et digestive, centre hospitalier universitaire Jean-Minjoz, 25000 Besançon, France

Reçu le 11 mars 2002 ; accepté le 13 février 2003

Résumé

Les tumeurs stromales digestives (Gist) sont des tumeurs conjonctives de pronostic incertain, développées dans la paroi du tube digestif.Elles posent un double problème : affirmer le diagnostic et apprécier leur potentiel évolutif afin d’adapter la prise en charge thérapeutique.L’identification des tumeurs stromales digestives est facilitée par un marqueur relativement spécifique, le c-KIT. Un inhibiteur de ce récepteurouvre en outre des perspectives thérapeutiques. Il est souvent difficile de préciser formellement leur bénignité ou leur malignité. En l’absencede métastases, les principaux facteurs pronostiques sont la taille, l’index mitotique et la localisation. Les tumeurs de l’intestin grêle ayant unpronostic péjoratif, la présence de « fibres en écheveau » (skenoid fibers) serait, pour certains auteurs, un facteur de bon pronostic. Nousrapportons trois observations de tumeurs stromales de l’intestin grêle avec « fibres en écheveau » et discutons la signification de cet aspectmorphologique particulier.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Gastrointestinal stromal tumours (Gist) are mesenchymal tumour with uncertain prognosis occurring in the gastrointestinal tract wall. Forclinicians, these tumours raise two problems: to establish the diagnosis and to determinate the future behaviour for the choice officienttherapeutics. For the diagnosis the new marker c-KIT is useful. A new treatment with an inhibitor of c-KIT has given encouraging results.currently there is no consensus on specific cut-points to distinguish as low or high risk (i.e., malignant) Gist. For metastases-free Gist, theprominent histopronostic markers are size, mitotic index and localization of the tumour. The small intestine Gist have the reputation to be moreaggressive than in other localization. Skenoid fibers in small intestine Gist could be a marker of good prognostic. The authors reported threecases of small intestine Gist with skenoid fibers. The discussion point out the significance of this particular morphological aspect.

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés :Tumeurs stromales digestives ; Intestin grêle ; Fibres en écheveau ; C-KIT ; Ultrastructure

Keywords:Gist; Small intestine; Skenoid fibers; C-KIT; Ultrastructural study

Abréviations :GIST, Tumeurs stromales digestives ou Gastrointestinal stromal tumor ; GANT, Gastrointestinal autonomic nerve tumor.* Auteur correspondant.Adresse e-mail :[email protected] (M.-P. Algros).

Annales de chirurgie 128 (2003) 397–401

www.elsevier.com/locate/annchi

© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/S0003-3944(03)00119-6

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1. Introduction

La classification de l’OMS des tumeurs digestives [1]individualise les tumeurs stromales digestives (GIST) au seindes tumeurs conjonctives et les caractérise par leur expres-sion de l’antigène c-KIT. Les Gist représentent 3/4 des tu-meurs conjonctives du tube digestif. Elles surviennent à toutâge, avec un pic de fréquence entre 50 et 60 ans [2]. De raresformes familiales ont été décrites [3,4]. Uniques ou multi-ples, les Gist sont initialement intramusculaires puis tendentà se développer dans la sous-séreuse et la séreuse. Les Gistmultiples peuvent entrer dans le cadre d’une triade de Carney(association de tumeurs stromales gastriques multiples, defaible malignité, avec un chondrome pulmonaire et un para-gangliome extrasurrénalien fonctionnel chez la femmejeune) [5] ou d’une maladie de Recklinghausen (neurofibro-matose faisant partie du groupe des phacomatoses caractéri-sée par l’apparition d’hamartomes et de tumeurs ubiquitairesavec une prédilection pour le système nerveux et la peau,héréditaire, de transmission autosomique dominante) [6].

La plupart se développe dans la paroi gastrique (70 %).Dans moins de 10 % des cas, elles sont observées dansl’œsophage, le rectum, le côlon ou le péritoine. Vingt à30 %des Gist siègent sur l’ intestin grêle. Dans cette dernièrelocalisation, elles offrent des caractéristiques particulières :évolutives pour certains auteurs qui décrivent un pronosticpéjoratif [7], morphologiques pour d’autres avec présencefréquente de fibres en écheveau dans les tumeurs béni-gnes [1].

2. Observations

2.1. Descriptions cliniques

2.1.1. Cas n ° 1En janvier 2000, un homme âgé de 34 ans était admis en

urgence pour une hémorragie digestive active avec mélénaresponsable d’une anémie à2,8 g l–1. Un scanner abdominalmontrait une tumeur de l’angle duodénojéjunal. À la laparo-tomie exploratrice, après restauration du taux d’hémoglo-bine, il existait une tumeur hémi-circonférentielle de 3,5 cmde grand axe, bourgeonnant dans la lumière, ulcérée, bilobée.

2.1.2. Cas n ° 2Une femme âgée de 43 ans, sans antécédent particulier,

consultait en octobre 2000 pour une masse para-ombilicaledroite découverte à l’autopalpation, douloureuse, mobile,sans symptomatologie associée. L’état général étaitconservé. Le scanner abdominopelvien confirmait la pré-sence d’une tumeur hétérogène, mi-solide, mi-liquidienne,partiellement calcifiée. La laparotomie exploratrice retrou-vait une masse intrapéritonéale mobile adhérente au grandépiploon, à la deuxième anse jéjunale et à une anse iléale à80 cm de la valvule de Bauhin. La tumeur de 6,5 cm de grandaxe se développait aux dépens de la musculeuse de l’une desanses et adhérait à l’autre segment sans l’envahir.

2.1.3. Cas n ° 3Une femme âgée de 51 ans était adressée en juin 2001

pour des douleurs dorsales et une masse du flanc gaucheévoluant depuis 2 mois. Les antécédents de la patiente com-portaient une maladie de Recklinghausen et un cancer dusein droit traité en 1995 par mastectomie. Au scanner abdo-minopelvien, il existait deux masses tissulaires bien limitées,hétérogènes, développées aux dépens des anses grêles. Lalaparotomie exploratrice confirmait la présence de deux no-dules tumoraux sous-séreux, de 3 et 4 cm de diamètre.

2.2. Prise en charge thérapeutique

Dans chacun des trois cas, les anses intestinales et lemésentère correspondant étaient réséqués, emportant la tu-meur, avec rétablissement immédiat de la continuité. Lessuites opératoires étaient simples.

2.3. Suivi et évolution

Le suivi (clinique et scannographique) avec 36, 25 et16 mois de recul ne retrouvait pas de récidive locale nid’évolution métastatique.

3. Anatomie pathologique

3.1. Matériel et méthodes

Les tumeurs étaient adressées fraîches et immédiatementfixées dans le formol (solution de formaldéhyde à4 %). Ellesétaient incluses en paraffine et étudiées sur des coupes colo-rées par l’hémalun-éosine-safran (HES), l’acide périodiquede Schiff (PAS), le trichrome de Masson au vert lumière, lacoloration de Gomori et l’ imprégnation argentique selonWilder.

Une étude immunohistochimique sur des coupes déparaf-finées était réalisée selon la technique avidine-biotine-peroxidase (Coffret Lab Vision) avec des anticorps antivi-mentine, antidesmine, antiprotéine S100, anti-actine, anti-CD34, anti-CD117 (c-KIT), anti-Ki67 (Tableau 1).

Une étude ultrastructurale était réalisée sur les tumeursn° 2 et 3 après fixation dans le glutaraldhéhyde 4 %/cacodylate 0,2 M (volume à volume), suivie d’un lavagedans une solution de saccharose 0,4 M/cacodylate 0,2 M(volume à volume) et d’une postfixation dans l’acide osmi-que 1 %/cacodylate 0,3 M (volume à volume). Les prélève-ments ont ensuite subi une déshydratation dans des solutionsd’alcool éthylique de concentrations croissantes. L’ inclusionétait réalisée sur une résine époxie (EPON).

3.2. Résultats

3.2.1. MacroscopieCes nodules duodénaux, jéjunaux ou iléaux mesuraient de

3 à6,5 cm de diamètre. Ils se composaient d’un tissu beigeâ-tre assez homogène, avec pour les cas n° 2 et 3, des remanie-

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ments kystiques et pour le cas n° 2, des zones hémorragiques.Leur consistance était souple. Dans les trois cas, les tumeursétaient développées aux dépens de la musculeuse et refou-laient la muqueuse sans l’envahir. Dans le cas n° 3, les deuxnodules étaient encapsulés.

3.2.2. MicroscopiePour les trois observations, l’aspect microscopique était

superposable. La tumeur développée dans la musculeuse,limitée par une capsule (Fig. 1a et 1b) était richement vascu-larisée. Les cellules tumorales apparaissaient tantôt globu-

leuses disposées en nappes (Fig. 2), tantôt fusiformes orga-nisées en faisceaux courts (Fig. 3). Les noyaux étaientréguliers, sans atypie, avec moins de 5 mitoses par 50 champsà fort grossissement. On observait de nombreuses fibres « enécheveau », extracellulaires, hyalines, acidophiles sur la co-loration standard, correspondant en ultrastructure, à un en-chevêtrement de fibres présentant une striation périodique de45 nm (Fig. 4). Des remaniements kystiques et hémorragi-

Tableau 1Anticorps primaires

Antigènes reconnus Types Clone Source Référence DilutionVimentine Mono V9 Immunotech (1919) 1/200Actine Mono 1A4 Immunotech (2111) 1/75Desmine Mono D33 Immunotech (2167) 1/50Protéine S100 Poly — Dako (Z 311) 1/500CD117 (c-KIT) Poly — Dako (A 4502) 1/50CD34 Mono QBEND10 Immunotech (786) 1/200Ki67 Mono 7B11 Zymed (18–0192) 1/50

Mono = monoclonal (Souris)Poly = polyclonal (Lapin)

Fig. 1. a. (cas n° 3) : L’examen macroscopique montre une tumeur nodu-laire, limitée par une fine capsule avec des remaniements hémorragiques etkystiques ; b. (cas n° 3) : La coupe histologique correspondante révèle que latumeur est développée aux dépens de la tunique musculeuse (grossissementoriginal : x 3,7 ; HES).

Fig. 2. (cas n° 1) : Nappe de cellules tumorales épithélioïdes au sein delaquelle on observe les fibres en écheveau sous forme de petits amasextracellulaires hyalins (#) (grossissement original : x 40 ; HES).

Fig. 3. (cas n° 3) : Présence de fibres en écheveau dans des faisceauxconstitués de cellules tumorales fusiformes (#) (grossissement originalx 40 ; HES).

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ques étaient observés (cas n° 2 et 3). Il n’y avait pas denécrose. Les cellules tumorales présentaient un phénotypeimmunohistochimique Vimentine+, CD34+, c-KIT+(Fig. 5), PS100-, actine-, desmine-. L’ immunomarquagepour le Ki67 montrait un indice de prolifération des cellulestumorales d’environ 2 % pour le cas n° 1, de 0,1 % pour le casn° 2 et de 0,2 % pour le cas n° 3.

4. Discussion

Parmi les Gist, celles qui siègent au niveau de l’ intestingrêle présentent quelques particularités. Environ 40 à 50 %d’entre elles seraient malignes [2] : récidives locales oulocorégionales, métastases ou décès imputables à la tumeur.Le « Gist Workshop » [8] établit que toutes localisationsconfondues, les tumeurs de petite taille (< 2 cm) sans mitoseont un très faible risque métastatique, alors que les tumeursde grande taille (> 5 cm) avec plus de 50 mitoses pour50 champs à fort grossissement métastasent le plus souvent.

En l’absence de métastases, les facteurs pronostiques princi-paux des Gist sont la taille, l’ index mitotique et la localisa-tion. Les tumeurs gastriques ont un meilleur pronostic que lestumeurs de l’ intestin grêle. Certains participants à l’atelierconsidèrent que les tumeurs siégeant dans l’ intestin grêle,même de petite taille, sont malignes quand elles comportentplus de 10 mitoses pour 50 champs àfort grossissement [8]. Iln’y a pas de consensus concernant les seuils permettant dedistinguer des tumeurs à risque évolutif faible, intermédiaireet élevé.

Des fibres en écheveau sont fréquemment observées dansles Gist de l’ intestin grêle en particulier dans les tumeursprésumées bénignes [1,9,10]. On les rencontre par ailleursdans les plexomes, plexosarcomes ou les Gastrointestinalautonomic nerve tumor (GANT) [9] et de rares tumeursnerveuses (schwannomes, neurofibromes). Min [10] fait étatd’une évolution plutôt favorable des Gist de l’ intestin grêle àfibres en écheveau ; huit des neuf tumeurs qu’ il étudie sontconsidérées comme bénignes (leur taille est comprise entre1,8 et 7,5 cm ; 3,5 cm en moyenne) ; une tumeur est maligne(taille de 13 cm, métastase hépatique). Les données cliniquesdisponibles sont toutefois restreintes. Une seconde étude[11] rapporte une série de 20 tumeurs stromales duodénales :10 tumeurs bénignes (< 4,5 cm, < 2 mitoses par 50 champs àfort grossissement) et 10 tumeurs malignes (> 4,5 cm, > 2mitoses par 50 champs à fort grossissement). Des fibres enécheveau sont observées dans les deux types de tumeur,toutefois en nombre beaucoup plus grand dans les tumeursconsidérées comme bénignes. Parmi ces dernières, neuf ontune évolution favorable (absence de récidive ou de métas-tase) avec un suivi moyen de 7 ans. Parmi les tumeursmalignes, huit patients sont décédés, la médiane de survieétant de 31 mois. Toutefois, la signification pronostique desfibres en écheveau n’est pas mentionnée dans le Gist Works-hop [8] et reste donc difficile à établir.

Les Gist sont des tumeurs souvent uniques, de rares cas detumeurs multiples ont étédécrites dans la littérature [4]. Ellessont alors, comme dans l’observation n° 3, le plus souvent, enrelation avec une maladie de Recklinghausen [6]. La symp-tomatologie inaugurale des Gist de l’ intestin grêle est peuspécifique [12] (douleurs, hémorragie digestive, anémie,syndrome obstructif), voire absente. Le diagnostic est établipar l’examen microscopique qui montre des cellules fusifor-mes ou épithélioïdes, parfois une population mixte. L’expres-sion de la protéine c-kit confirme le plus souvent le diagnos-tic. Le phénotype immunohistochimique : Vimentine+,CD34+, c-KIT+, PS100-, desmine- et actine-, commun àl’ensemble des Gist permet d’écarter les principaux diagnos-tics différentiels : léiomyome, schwannome et leurs équiva-lents malins.

Longtemps débattue, l’histogenèse des tumeurs stromalesdigestives a récemment été établie. Les Gist ont pour ligne dedifférenciation les cellules interstitielles de Cajal ou cellules« pacemaker » qui forment un réseau autour des plexusnerveux intrinsèques myentériques d’Auerbach. Celles-ciexpriment l’oncogène c-kit qui code pour le récepteur tyro-

Fig. 4. (cas n° 3) : Aspect ultrastructural. Fibres en écheveau curvilignes,enchevêtrées présentant une périodicité de 45 mm (x 80 000).

Fig. 5. (cas n° 1) : Les cellules tumorales présentent une immunoréactivitémembranaire de forte intensitéaprès application du sérum anti-c-KIT (gros-sissement original : x 40 ; Immunohistochimie (inclusion en paraffine) ;anticorps anti-c-KIT ; système de révélation par Dab).

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sine kinase c-kit dont le ligand est un facteur de croissance, leSCF (Stem Cell Factor). Les altérations génétiques les mieuxcaractérisées sont les mutations du proto-oncogène c-kit.Elles ont pour conséquence l’activation de la protéine codéepar ce gène qui stimule la prolifération [13,14].

Le fait le plus marquant, parmi les avancées dans laconnaissance des Gist, est incontestablement celui des pers-pectives thérapeutiques. Jusqu’à présent, le traitement de cestumeurs consistait en une résection complète et une sur-veillance à la recherche de métastases. Or, un inhibiteur durécepteur tyrosine kinase, le STI-571 est capable in vitro deréduire considérablement l’activité du récepteur [15]. Lesessais cliniques préliminaires apparaissent encourageants, ycompris chez des patients ayant des métastases [16–18].

5. Conclusion

Parmi les tumeurs mésenchymateuses du tube digestif, ilest aujourd’hui indispensable d’ individualiser, grâce àl’étude immunohistochimique en routine, les tumeurs stro-males et de les distinguer des tumeurs musculaires etschwanniennes puisque les patients sont susceptibles de bé-néficier d’un traitement complémentaire de la chirurgie. Ladécouverte de fibres en écheveau mérite d’être systématique-ment signalée dans le but de confirmer ou d’ infirmer le faiblepotentiel évolutif suggéré par de rares articles qui leur sontconsacrés.

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