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Troubles cardiovasculaires d’origine thyroïdienne Thyroid dysfunction and cardiovascular disease Y. Lorcy (Praticien hospitalier) a, *, M. Klein (Professeur des Universités, praticien hospitalier) b a Département de médecine de l’adulte, centre hospitalier universitaire de Rennes, hôpital Sud, 16, boulevard de Bulgarie, 35203 Rennes cedex, France b Clinique médicale et endocrinologique, centre hospitalier universitaire de Nancy, Hôpitaux de Brabois, 54500 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France MOTS CLÉS Thyroïde ; Hormones thyroïdiennes ; Contractilité ; Résistance vasculaire ; Récepteurs adrénergiques ; Hyperthyroïdie ; Fibrillation auriculaire ; Myocardiopathie ; Hypothyroïdie ; Insuffisance coronarienne KEYWORDS Thyroid; Thyroid hormones; Triiodothyronine; Heart; Résumé Les hormones thyroïdiennes agissent directement sur le cœur et le système circulatoire, ceci par une majoration de l’effet inotrope myocardique, du rythme cardia- que et une vasodilatation périphérique entraînant une augmentation du débit cardiaque. La triiodothyronine (T 3 ) traverse la membrane myocardiocytaire pour se lier à des récepteurs nucléaires. Le complexe, ainsi formé, intervient dans la régulation de la transcription des gènes dont ceux de la Ca 2+ adénosine triphosphatase (ATPase) et du phospholamban dans le réticulum endoplasmique, de la myosine, des récepteurs b-adrénergiques, de l’adénylcyclase, des protéines régulatrices de type guanine- nucleotide regulatory proteins, de l’échangeur Na + /Ca ++ et des canaux potassiques voltage-dépendants. Les effets extranucléaires de la T 3 sur les canaux sodiques, potassi- ques et calciques représentent une voie alternative de l’action des hormones thyroïdien- nes. De nombreuses anomalies électriques ont été rapportées dans l’hyperthyroïdie englobant une tachycardie sinusale ou atriale, des extrasystoles ventriculaires et des anomalies de la repolarisation ventriculaire. La fibrillation auriculaire est fréquente dans l’hyperthyroïdie prédisposant à un risque emboligène. Dans l’hyperthyroïdie infraclini- que, il est retrouvé une accélération du rythme cardiaque, des arythmies supraventricu- laires, une augmentation de l’index de masse ventriculaire gauche, une altération du temps de relaxation ventriculaire et de la performance à l’effort. L’hypothyroïdie déclarée est susceptible d’entraîner une insuffisance coronarienne, un épanchement péricardique, une hypertension artérielle diastolique, une myocardiopathie et une insuf- fisance cardiaque. L’hypothyroïdie infraclinique peut être associée à une dysfonction ventriculaire gauche diastolique au repos et systolique à l’effort. Le risque d’athérosclé- rose et d’infarctus du myocarde est majoré. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Thyroid hormone directly affects the heart and the peripheral vascular system. It increases myocardial inotropy and heart rate and dilate peripheral arteries to increase cardiac output. Triiodothyronine (T 3 ) enters the cardiac monocytes, and binds to nuclear T 3 receptors. The complex then binds to thyroid hormone response elements of the genes for several cell constituents and regulates transcription of these genes, including those for Ca 2+ -ATPase and phospholamban in the sarcoplasmic reticulum, myosin, b-adrenergic * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Lorcy). EMC-Cardiologie Angéiologie 2 (2005) 127–135 www.elsevier.com/locate/emcaa 1762-6137/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcaa.2005.01.001

Troubles cardiovasculaires d'origine thyroïdienne

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Page 1: Troubles cardiovasculaires d'origine thyroïdienne

Troubles cardiovasculaires d’origine thyroïdienne

Thyroid dysfunction and cardiovascular diseaseY. Lorcy (Praticien hospitalier) a,*,M. Klein (Professeur des Universités, praticien hospitalier) b

a Département de médecine de l’adulte, centre hospitalier universitaire de Rennes, hôpital Sud,16, boulevard de Bulgarie, 35203 Rennes cedex, Franceb Clinique médicale et endocrinologique, centre hospitalier universitaire de Nancy, Hôpitaux de Brabois,54500 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France

MOTS CLÉSThyroïde ;Hormonesthyroïdiennes ;Contractilité ;Résistance vasculaire ;Récepteursadrénergiques ;Hyperthyroïdie ;Fibrillationauriculaire ;Myocardiopathie ;Hypothyroïdie ;Insuffisancecoronarienne

KEYWORDSThyroid;Thyroid hormones;Triiodothyronine;Heart;

Résumé Les hormones thyroïdiennes agissent directement sur le cœur et le systèmecirculatoire, ceci par une majoration de l’effet inotrope myocardique, du rythme cardia-que et une vasodilatation périphérique entraînant une augmentation du débit cardiaque.La triiodothyronine (T3) traverse la membrane myocardiocytaire pour se lier à desrécepteurs nucléaires. Le complexe, ainsi formé, intervient dans la régulation de latranscription des gènes dont ceux de la Ca2+ adénosine triphosphatase (ATPase) et duphospholamban dans le réticulum endoplasmique, de la myosine, des récepteursb-adrénergiques, de l’adénylcyclase, des protéines régulatrices de type guanine-nucleotide regulatory proteins, de l’échangeur Na+/Ca++ et des canaux potassiquesvoltage-dépendants. Les effets extranucléaires de la T3 sur les canaux sodiques, potassi-ques et calciques représentent une voie alternative de l’action des hormones thyroïdien-nes. De nombreuses anomalies électriques ont été rapportées dans l’hyperthyroïdieenglobant une tachycardie sinusale ou atriale, des extrasystoles ventriculaires et desanomalies de la repolarisation ventriculaire. La fibrillation auriculaire est fréquente dansl’hyperthyroïdie prédisposant à un risque emboligène. Dans l’hyperthyroïdie infraclini-que, il est retrouvé une accélération du rythme cardiaque, des arythmies supraventricu-laires, une augmentation de l’index de masse ventriculaire gauche, une altération dutemps de relaxation ventriculaire et de la performance à l’effort. L’hypothyroïdiedéclarée est susceptible d’entraîner une insuffisance coronarienne, un épanchementpéricardique, une hypertension artérielle diastolique, une myocardiopathie et une insuf-fisance cardiaque. L’hypothyroïdie infraclinique peut être associée à une dysfonctionventriculaire gauche diastolique au repos et systolique à l’effort. Le risque d’athérosclé-rose et d’infarctus du myocarde est majoré.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Thyroid hormone directly affects the heart and the peripheral vascular system.It increases myocardial inotropy and heart rate and dilate peripheral arteries to increasecardiac output. Triiodothyronine (T3) enters the cardiac monocytes, and binds to nuclearT3 receptors. The complex then binds to thyroid hormone response elements of the genesfor several cell constituents and regulates transcription of these genes, including thosefor Ca 2+ -ATPase and phospholamban in the sarcoplasmic reticulum, myosin, b-adrenergic

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (Y. Lorcy).

EMC-Cardiologie Angéiologie 2 (2005) 127–135

www.elsevier.com/locate/emcaa

1762-6137/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcaa.2005.01.001

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Myosin;Contractility;Vascular resistance;Adrenergic receptors;Hyperthyroidism;Atrial fibrillation;Cardiomyopathy;Hypothyroidism;Coronary arterydisease

receptors, adenylyl cyclase, guanine-nucleotide– binding proteins, Na+/Ca2+ exchanger,Na+/K+ – ATPase, and voltage-gated potassium channels. Non nuclear T3 actions on ionchannels for sodium (Na+), potassium (K+), and calcium (Ca2+) ions represent an alterna-tive way of action for thyroid hormone. Many electrocardiographic abnormalities havebeen described in hyperthyroidism including sinus tachycardia, atrial and ventricularextrasystoles, atrial fibrillation (AF), atrioventricular block and ventricular repolarisationabnormalities. AF is common in patients with hyperthyroidism, which predisposes toembolic events. Subclinical hyperthyroidism is associated with increased heart rate atrialarrhythmias, increased left ventricular mass impaired ventricular relaxation and reducedexercise performance. Overt hypothyroidism increases of coronary disease, pericardialeffusion, systolic hypertension, myocardiopathy and congestive heart failure. Subclinicalhypothyroidism is associated with impaired left ventricular diastolic dysfunction at rest,with systolic dysfunction in case of stress; the risk for atherosclerosis and myocardialinfarction is increased.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction

Dès 1785, C. Parry décrivait l’association goitre ettachycardie. La relation hyperthyroïdie-arythmieet insuffisance cardiaque était reprise en 1825, puiscorroborée au XIXe siècle par Graves et vonBasedow. Au début du XXe siècle, l’association hy-pothyroïdie et cardiomyopathie était publiée parZondek. Les hormones thyroïdiennes peuvent agirdirectement sur les cardiomyocytes, ou indirecte-ment via le système adrénergique ou encore enagissant sur le système circulatoire, entraînant desmodifications de la pré- et de la postcharge.

Interactions entre hormonesthyroïdiennes et myocarde

Effets directs des hormones thyroïdiennessur le cœur

L’hormone active est la triiodothyronine ou T3.Dans les cellules myocardiques, il n’a pas été mis enévidence de désiodation de thyroxine (T4) en T3. LaT3 agit après fixation sur son récepteur nucléairespécifique en augmentant la transcription de cer-tains gènes. Un effet extranucléaire a égalementété rapporté.

Actions des hormones thyroïdiennes médiéespar un récepteur nucléaire1

La T3 traverse la membrane cardiomyocytaire parun transport actif, traverse la cellule et la mem-brane nucléaire pour se lier à des récepteurs nu-cléaires. Ces récepteurs appartiennent à la super-famille à laquelle appartiennent également les

récepteurs des hormones stéroïdes, des vitamines Aet D et de leurs dérivés. Quatre récepteurs de la T3ont été décrits : a1, b1, b2 et b3 codés par les gènesTRa et TRb, respectivement. Les différentes varié-tés de récepteurs sont retrouvées dans le cœur, àl’exception du type b2 spécifiquement hypothala-mohypophysaire. Le récepteur TRa est prédomi-nant dans le cœur chez l’homme comme chez lasouris. Chez la souris, l’isoforme TRa1 représente70 % des récepteurs, TRb1 et TRb3 seulement 30 %.

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TRb1 est le plus abondant des récepteurs TRb tandisque l’isoforme TRb3 est exprimé en faibles propor-tions dans le myocarde. Des souris transgéniquesn’exprimant pas TRa1 ont une fréquence cardiaquespontanée et après administration d’hormones thy-roïdiennes, réduite de 20 %, et un allongement descomplexes QRS et de l’intervalle QT sur l’électro-cardiogramme (ECG).3 Chaque récepteur possèdeun site de fixation du ligand et un site de liaisonavec l’acide désoxyribonucléique (ADN). La fixationde la T3 sur son récepteur modifie la structuretridimensionnelle de ce dernier qui va se lier àl’ADN à hauteur des éléments de réponse aux hor-mones thyroïdiennes des gènes cibles. Le récepteuractivé par la T3 peut ainsi se fixer aux hormonesthyroïdiennes sous la forme de monomères, d’ho-modimères ou d’hétérodimères entre récepteur dela T3 et récepteur des rétinoïdes.

4 Ces hormonesthyroïdiennes s’étendent sur dix à 20 nucléotideslocalisés au voisinage du site d’initiation de latranscription du gène cible de la T3. L’occupationdes récepteurs par la T3 suscite le recrutement decoactivateurs qui se lient au récepteur à hauteurd’une séquence spécifique de la région C-ter-minale. Parallèlement, une acétylation des histo-nes entraîne un relâchement de la structure de lachromatine optimisant la transcription. Les gènescibles sont ainsi dans un état réprimé en l’absencede T3, et s’expriment après fixation de l’hormone

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sur ses récepteurs. L’activation des gènes cibles parla T3 est à l’origine d’une production majoréed’acide ribonucléique messager (ARNm) transcritsqui eux-mêmes vont être traduits en protéines. Lescardiomyocytes qui ne représentent que le tiers descellules cardiaques renferment 70 à 80 % des pro-téines cardiaques. L’effet nucléaire des hormonesthyroïdiennes est observé après un délai nécessaireà la fixation de la T3 sur son récepteur et à l’initia-tion de la synthèse protéique. Ce délai peut varierde 30 minutes à quelques jours.1

Répercussion sur la synthèse de quelquesprotéines cardiaques sécifiques

La T3 stimule les synthèses protéiques des cardio-myocytes. L’hyperthyroïdie suscite ainsi une hyper-trophie cardiaque qui peut majorer le poids ducœur de 30 à 50 %. Cette hypertrophie est réversi-ble avec le retour à l’euthyroïdie. Les hormonesthyroïdiennes induisent également des modifica-tions qualitatives de ces protéines. Ainsi, l’hyper-trophie cardiaque s’associe à des modifications despropriétés contractiles des fibres musculaires myo-cardiques au cours de l’hyperthyroïdie.4 La T3 accé-lère la vitesse de contraction du myocarde en modi-fiant le profil de synthèse et de répartition desisoformes de la myosine, protéine myofibrillaireconstitutive des filaments épais de l’appareilcontractile des cardiomyocytes. Chez l’animal, laT3 active la transcription des isoformes a des chaî-nes lourdes de la myosine tandis qu’elle réprimecelle des isoformes b. Ainsi, chez l’animal renduhypothyroïdien, du fait de l’expression prépondé-rante de l’isoforme b de la myosine couplée à uneadénosine triphosphatase (ATPase) d’activitélente, la vitesse de contraction des muscles papil-laires cardiaques est lente. Inversement, chezl’animal hyperthyroïdien, la myosine est presqueexclusivement de type V1 rendant compte d’unevitesse de contraction beaucoup plus rapide. Chezl’homme, l’isoforme b prédomine. Le contrôle de laT3 sur l’expression relative des isoformes de lamyosine est beaucoup moins bien connu. Toutefois,un patient myxœdémateux a vu sa fraction d’éjec-tion ventriculaire s’améliorer de 14 à 44 % après9 mois de traitement par T4. Parallèlement, l’ARNmde l’isoforme a de la chaîne lourde de myosineaugmentait de 11 fois.

Les mouvements calciques intracytoplasmiquesconstituent le principal système de régulation del’amplitude des contractions myocardiques systoli-ques et de la relaxation diastolique.5 Les hormonesthyroïdiennes participent au contrôle positif de lafonction lusitrope (rapidité du relâchement myo-cardique). L’activation de la relaxation diastolique

passe par une majoration de la transcription dugène de la Ca2+ ATPase (SERCa2) du réticulum sar-coplasmique sous l’action de la T3.

4 Cette pompeionique provoque le transfert actif du calcium de-puis le cytoplasme des cardiomyocytes vers le réti-culum sarcoplasmique durant la diastole. Le niveaud’activité de la Ca2+ ATPase est lui-même contrôlépar une protéine inhibitrice dont l’expression estmodulée par les hormones thyroïdiennes : le phos-pholamban. L’activité de ce dernier diminue pro-portionnellement à son degré de phosphorylation.La T3, en inhibant la phosphorylation du phospho-lamban, renforce l’activité de la SERCa2 ATPase.

La T3 majore l’expression des récepteursb-adrénergiques myocardiques ou des protéines ré-gulatrices de type guanine nucleotide regulatoryproteins et réduit celle des adénylcyclases des ty-pes V et VI.4 Elle contrôle enfin l’expression desystèmes de transport transmembranaires, notam-ment ceux impliqués dans le maintien du gradientélectrochimique au sein dumyocarde (Na+/K+ – ATP-ase, échangeur Na+/Ca++, canaux potassiquesvoltage-dépendants [Kv1,5, Kv4,2 et Kv4,3]).

Effet extranucléaire ne passant paspar une étape de synthèse protéique

L’effet de la T3 s’observe en quelques minutes, cequi est trop rapide pour faire intervenir une étapede synthèse protéique. La preuve d’un tel effet estobtenue par des expérimentations sur des prépara-tions de membranes ou de myocytes dont la syn-thèse protéique a été inhibée. Ainsi, la T3 majore lacaptation cellulaire de glucose et d’acides aminés.6

Un impact direct de la T3 ou de la T4 sur l’ATPasecalcium-dépendante de la membrane plasmique oudu réticulum sarcoplasmique est également vrai-semblable. Il en résulte un efflux calcique du cyto-plasme myocytaire. Des modifications du courantsodium (Na+), à l’origine d’une plus grande concen-tration en sodium intracellulaire, et une stimula-tion d’un canal potassique relèveraient du mêmemécanisme. Ces fluctuations des courants ioniquespourraient être responsables d’effets inotrope etchronotrope positifs.7 Ces mécanismes de régula-tion feraient intervenir une phosphorylation T4 dé-pendante de résidus sérine du récepteur des hor-mones thyroïdiennes.

Autres points d’impact cardiaque des hormonesthyroïdiennes

Une action mitochondriale directe est possible. LaT3 stimule diverses enzymes mitochondriales myo-cardiques telles que la carnitine-acylcarnitinetranslocase et la cytochrome C oxydase. Les hormo-

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nes thyroïdiennes pourraient également exercerune action directe sur les canaux potassiques, la T3stimulant par exemple le canal IK1.

Interactions entre les hormonesthyroïdiennes et le système sympathique

La symptomatologie de l’hyperthyroïdie et de l’hy-peradrénergie des phéochromocytomes est trèsproche : tachycardie sinusale, tremblements, hy-persudations, amaigrissement... Par ailleurs lessympathicomimétiques et la T3 induisent des effetsdromotropes et inotropes positifs. À l’inverse, lesb-bloqueurs ont révolutionné le traitement sympto-matique des hyperthyroïdies. Au cours de l’hyper-thyroïdie, l’absence d’hyperadrénergie biologiqueoriente vers une hypersensibilité aux catécholami-nes.8 Cette hypertonie catécholaminergique résul-terait d’une augmentation de la densité en récep-teurs adrénergiques myocardiques.9 En effet, letissu cardiaque exprime des récepteurs b1 et b2adrénergiques. Les récepteurs b1 représentent plusdes deux tiers des récepteurs cardiomyocytaires etdes cellules nodales. La T3 entraîne un triplement,voire le quadruplement de l’ARNm des récepteursb1 adrénergiques chez le rat, mais pas des récep-teurs b2. Inversement, les hormones thyroïdiennesdiminuent l’expression des isoformes V et VI del’adénylate cyclase qui sont d’importants régula-teurs du système adrénergique. Néanmoins, au to-tal, la sensibilité cardiaque à des stimuli adrénergi-ques chez l’animal hyperthyroïdien est normale.

Hormones thyroïdiennes et résistancesvasculaires périphériques

Outre leurs répercussions sur le myocarde ou soninnervation, les hormones thyroïdiennes peuventaffecter le système circulatoire, en particulier laprécharge et la postcharge.

Volume sanguin

Le volume sanguin total est augmenté dans leshyperthyroïdies, du fait d’une augmentation desvolumes plasmatique et érythrocytaire, et abaissédans les hypothyroïdies.10

Résistances vasculaires périphériques

Un des effets les plus précoces de l’administrationd’hormones thyroïdiennes est la diminution des

résistances vasculaires périphériques.11 L’hyper-thyroïdie peut réduire les résistances vasculairessystémiques de 50 % et majorer le débit cardiaque.Un des mécanismes invoqués est la relaxation ra-pide du muscle lisse vasculaire, y compris en cul-ture, sous l’effet de la T3.

11 On évoque aussi le rôlepossible d’une libération de chaleur tissulaire oud’une hypoxie tissulaire par augmentation de l’ac-tivité métabolique à ce niveau. Au cours de l’hypo-thyroïdie, les résistances vasculaires périphériquesont tendance à augmenter et le débit cardiaque àbaisser. Outre un effet passant par le récepteurnucléaire et la synthèse protéique dans les cellulesmusculaires lisses vasculaires, un impact extranu-cléaire des hormones thyroïdiennes permet de ren-dre compte des modifications précoces induites parla T3. L’augmentation du débit cardiaque et duvolume sanguin d’une part, la diminution des résis-tances vasculaires de l’autre, font qu’en définitive,la pression artérielle moyenne n’est que peu modi-fiée au cours de l’hyperthyroïdie. En revanche, aucours de l’hypothyroïdie, la pression artérielle dias-tolique, reflet des résistances vasculaires, est fré-quemment augmentée.

Athérome

L’association d’une hypothyroïdie et d’une athéro-matose accélérée est connue depuis les premièresthyroïdectomies réalisées par Kocher à la fin duXIXe siècle. Des études autopsiques, puis cliniquescas-témoins sont venues conforter cette constata-tion. Trois facteurs de risque majeurs contribuent àla genèse de l’athérome coronarien au cours del’hypothyroïdie : l’hypertension artérielle (HTA),l’hypercholestérolémie (en particulier liée à lafraction low density lipoprotein [LDL]) et l’hyper-homocystéinémie.12 Une majoration de la cholesté-rolémie totale et LDL (due à un ralentissement deleur catabolisme) et de la triglycéridémie a étédécrite au cours de l’hypothyroïdie. Les répercus-sions sur le cholestérol high density lipoprotein(HDL) sont plus controversées. L’hypothyroïdiepourrait toutefois réduire ce paramètre. L’hypo-thyroïdie semble enfin être responsable d’un ralen-tissement de la clairance des chylomicrons rem-nants, autre facteur athérogène. La correction del’hypothyroïdie s’associe à une normalisation de laplupart des paramètres athérogènes.13 L’homocys-téinémie, facteur de risque indépendant des patho-logies cardiovasculaires occlusives, est majorée aucours de l’hypothyroïdie, mais se corrige sous trai-tement.14,15

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Page 5: Troubles cardiovasculaires d'origine thyroïdienne

Autres répercussions myocardiquesau cours des dysthyroïdies

Hormones thyroïdiennes et troublesdu rythme

Les hormones thyroïdiennes raccourcissent la duréedu potentiel d’action à la fois aux étages atrial etventriculaire. La période réfractaire postpotentielse raccourcit, suscitant le risque de courants deréentrée proarythmogènes.

Pathologies auto-immunes

La maladie de Basedow peut être associée à desdépôts de glycosaminoglycanes dans le myocarde àl’origine d’une cardiomyopathie restrictive. Excep-tionnellement, elle est à l’origine d’une authenti-que cardiomyopathie auto-immune.1

Conséquences thyroïdiennesd’un traitement par l’amiodarone

L’amiodarone est une molécule benzofuranique an-tiarythmique largement utilisée par les cardiolo-gues, mais fortement iodée : un comprimé de200 mg contient 74,46 mg d’iode. Or, les besoinsquotidiens en iode sont, en France, de 100 à 300lg/j. L’organisme va se protéger contre l’apportmassif d’iode en multipliant son élimination uri-naire par 40 et en freinant sa captation par lathyroïde. L’amiodarone inhibe aussi la conversionde T4 en T3 dans la plupart des tissus. Il en résultesous traitement un profil hormonal évocateur :diminution de la T3 de 20 à 25 %, majoration de la T4qui peut atteindre 40 % et dépasser légèrement lesvaleurs supérieures de la normale, majoration de lathyroid stimulating hormone (TSH). L’amiodaronepeut induire à la fois des hypo- et des hyperthyroï-dies. Dans les régions carencées en iode, elle induitplus volontiers des hyperthyroïdies ; dans les ré-gions à fort apport iodé quotidien, elle induit deshypothyroïdies. La pathogénie des hyperthyroïdiesinduites par l’amiodarone relève de deux mécanis-mes :7 la surcharge iodée qui apporte de la matièrepremière pour la synthèse des hormones thyroï-diennes (type 1), et la survenue de phénomènesinflammatoires occasionnant un relargage de T4 etT3 déjà présentes au sein de la thyroïde (type 2).

Répercussions des pathologies cardiaquessur la fonction thyroïdienne

Le métabolisme des hormones thyroïdiennes estinfluencé par les cardiopathies sévères à l’instar de

ce qui peut être observé dans d’autres circonstan-ces de maladies graves. Il peut ainsi être observé unsyndrome de basse T3 au décours d’un infarctus dumyocarde avec un nadir au 4e jour au cours duquella T3 libre peut être abaissée de 40 %.

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Aspects cliniques

Cœur et hyperthyroïdie

Les principales manifestations cardiovasculairesrencontrées au cours de l’hyperthyroïdie sont unediminution des résistances vasculaires périphéri-ques, une augmentation du volume sanguin, de lacontractilité myocardique, du débit et de la fré-quence cardiaques. Elles sont susceptibles d’en-gendrer des complications à type de troubles durythme et de l’excitation, d’insuffisance cardiaqueet d’angor. Habituellement rencontrées chezl’homme de plus de 60 ans, les cardiothyréosespeuvent être induites par l’hyperthyroïdie elle-même, ou, situation plus fréquente, traduire ladécompensation d’une cardiopathie sous-jacente.

Troubles de l’excitabilité et troublesdu rythme

Les accès de tachycardie sinusale et les extrasysto-les ventriculaires, fréquentes lors de la phase ac-tive de la maladie, sont réversibles sous traite-ment. Le flutter auriculaire est plus rare et latachycardie de Bouveret exceptionnelle. La fibrilla-tion auriculaire représente le trouble du rythme leplus fréquent. Parfois révélatrice de l’hyperthyroï-die, elle est présente dans 9 à 22 % des cas, com-parée à 0,4 % dans une population générale.17 Rareavant 40 ans, sa fréquence augmente avec l’âge,pouvant atteindre 25 % au-delà de 60 ans. Elle estégalement majorée en cas de cardiopathie préexis-tante et d’hypersécrétion préférentielle de T3. Leretour spontané en rythme sinusal lors de la correc-tion de l’hyperthyroïdie est habituel avant 60 anschez des patients sans cardiopathie sous-jacente etdont l’hyperthyroïdie a été de courte durée. Sapersistance au-delà de 3 mois doit inciter à recourirà une cardioversion électrique après échec du trai-tement pharmacologique. Le risque emboligène,cérébral en particulier, est important, de l’ordrede 15 %.18 Plusieurs facteurs expliquent la majora-tion de ce risque chez l’hyperthyroïdien : insuffi-sance cardiaque congestive, HTA préexistante,antécédents thromboemboliques, dilatation de

131Troubles cardiovasculaires d’origine thyroïdienne

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l’oreillette gauche, insuffisance ventriculaire gau-che. Ce risque semble important lors du retour enrythme sinusal, mais également ultérieurement,rendant nécessaire la poursuite du traitement anti-coagulant pendant plusieurs mois.

Troubles de conduction

Si les blocs auriculoventriculaires du premier degrésont présents dans 10 % des cas environ et réversi-bles lors du retour à l’euthyroïdie, les blocs dudeuxième et troisième degré sont exceptionnels.

Valvulopathie cardiaque

Au cours de la maladie de Basedow, la prévalencedu prolapsus valvulaire mitral (PVM) est significati-vement plus élevée que dans la population générale(16,5 % à 41 % versus 8 %).19 Elle est la conséquenced’une accumulation de dépôts de glycosaminogly-canes au niveau des valves cardiaques comme c’estle cas dans d’autres sites (région rétro-orbitaire etprétibiale). Il en résulte un prolapsus de la valvemitrale épaissie (> 5 mm) dans l’oreillette gauche.L’intervention d’un mécanisme auto-immun etl’absence de responsabilité directe des hormonesthyroïdiennes rendent compte de l’incidence éga-lement accrue du PVM dans les thyroïdites auto-immunes.

Insuffisance coronarienne

Si l’hyperthyroïdie ne crée pas de lésions des artè-res coronaires, elle peut démasquer une insuffi-sance coronarienne méconnue chez un sujet âgé,souvent en arythmie complète par fibrillation auri-culaire. Occasionnellement, un angor peut survenirchez des sujets à coronaires saines. L’infarctus dumyocarde est exceptionnel chez le sujet jeune,indemne de cardiopathie sous-jacente.

Insuffisance cardiaque

Elle survient chez environ 6 % des patients avant50 ans mais sa fréquence est majorée par l’âge, ladurée de l’hyperthyroïdie et l’existence d’une car-diopathie préexistante. Le tableau est celui d’uneinsuffisance cardiaque globale d’emblée ou à pré-dominance droite avec œdèmes des membres infé-rieurs qui peuvent masquer l’amaigrissement inhé-rent à l’hyperthyroïdie. Si sa pathogénie estincomplètement élucidée, elle semble résulter dela conjonction de plusieurs facteurs associant sur-

charge volémique, diminution de la durée de rem-plissage diastolique et de la réserve contractile dumyocarde.17 En dehors d’une insuffisance cardia-que à débit élevé, forme la plus commune, il a étérapporté des insuffisances cardiaques à bas débitliées à une myocardiopathie.20 Le traitement vise àcorriger prioritairement l’hyperthyroïdie. Parmi lesantithyroïdiens de synthèse, la préférence seradonnée au propylthiouracile qui, outre son actionintrathyroïdienne, bloque partiellement la conver-sion périphérique de T4 en T3. Le traitement symp-tomatique de l’insuffisance cardiaque vise à ré-duire l’hypervolémie par un diurétique de l’anse età contrôler le rythme cardiaque. En cas de fibrilla-tion auriculaire, les digitaliques sont indiqués enrappelant leur résistance classique mais non abso-lue. L’utilisation de bêtabloquants, propranolol enparticulier, fait toujours l’objet de nombreusesdiscussions.

Conséquences cardiaquesde l’hyperthyroïdie infraclinique21

Définie par des concentrations normales d’hormo-nes thyroïdiennes et un effondrement de la TSH,l’hyperthyroïdie infraclinique est susceptible d’en-traîner des troubles cardiovasculaires. Elle peutrévéler les mêmes causes que l’hyperthyroïdie af-firmée (hyperthyroïdie endogène) ou peut être laconséquence d’un surdosage en hormones thyroï-diennes d’une hypothyroïdie traitée ainsi que d’untraitement freinateur en cas de goitre nodulaire oudans les suites d’un carcinome thyroïdien.

Les effets de l’hyperthyroïdie infraclinique en-dogène sur le cœur ont été peu étudiés. Il a étémontré un rythme cardiaque plus élevé par rapportaux témoins. En revanche, la prévalence des aryth-mies ventriculaires ou supraventriculaires ne dif-fère pas dans les deux groupes. La fraction deraccourcissement et le pic volumétrique de débitaortique peuvent être majorés de 14 et 19 % res-pectivement.22 L’index de masse ventriculaire gau-che est significativement augmenté en raison del’épaisseur du septum interventriculaire et du murpostérieur. Toutes ces anomalies sont réversiblessous antithyroïdien de synthèse. Au cours de l’hy-perthyroïdie infraclinique exogène, l’échographieretrouve une augmentation de l’index de masseventriculaire gauche ainsi qu’une altération de lafonction systolique ventriculaire gauche comme entémoigne l’augmentation de la fraction de raccour-cissement. Les extrasystoles ventriculaires sontplus fréquentes et une fibrillation auriculaire n’estpas rare. L’amélioration ou la disparition de cesanomalies sous bêtabloquants est habituelle.

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Cœur et hypothyroïdie

Décrites initialement par Zondek en 1918 sous leterme de « cœur myxœdémateux », les manifesta-tions cardiovasculaires de l’hypothyroïdie sont dia-métralement opposées à celles observées dansl’hyperthyroïdie. Elles sont caractérisées par unediminution du débit cardiaque, une augmentationdes résistances vasculaires périphériques, unrythme cardiaque normal ou ralenti.

Épanchement péricardique

Dans les hypothyroïdies profondes, une échogra-phie cardiaque est nécessaire pour confirmerl’épanchement péricardique. Celui-ci, considérécomme très fréquent dans les publications ancien-nes (plus d’un tiers des cas), n’a pas été confirmédans des rapports plus récents puisqu’il n’est re-trouvé que dans 3 à 6 % des cas.23 Il est habituelle-ment bien toléré (la tamponnade est exception-nelle) en raison de sa constitution progressive. Sonimportance est corrélée avec la sévérité de l’hypo-thyroïdie. Sous opothérapie substitutive, il régressehabituellement sans séquelle en 2 à 15 mois. Sapathogénie, multifactorielle, résulte à la fois d’unerétention hydrosodée, d’une extravasation de l’al-bumine par augmentation de la perméabilité capil-laire et d’un ralentissement du drainage lymphati-que.

Hypertension artérielle

Contestée par certains auteurs, une prévalenceaccrue de l’HTA, entre 15 et 28 %, est retrouvéedans la majorité des études.24 L’HTA, à prédomi-nance diastolique, est plus fréquente chez les fem-mes de plus de 50 ans. Sous opothérapie substitu-tive, elle régresse dans 30 % des cas. Dans laconstitution de cette HTA, la diminution de l’acti-vité rénine-angiotensine, retrouvée de façon in-constante, semble jouer un rôle mineur. Il en est demême du facteur atrial natriurétique dont la syn-thèse est altérée dans l’hypothyroïdie. En revan-che, l’augmentation des résistances vasculaires pé-riphériques joue un rôle essentiel.

Myocardiopathie et insuffisance cardiaque

L’hypothyroïdie est rarement responsable, en tantque cause unique de myocardiopathie. Aucun cri-tère ne la distingue des autres causes de myocar-diopathie en dehors de sa réversibilité sous traite-

ment substitutif. Exceptionnellement, elle peut secompliquer d’une insuffisance cardiaque qui ré-sulte d’une augmentation des besoins périphéri-ques non compensés par une adaptation du débitcardiaque altéré par différents mécanismes, brady-cardie, diminution de la contractilité myocardiquenotamment. Reconnaître l’origine thyroïdienne decette insuffisance cardiaque est essentiel car letraitement substitutif est capable d’améliorer,dans un délai souvent très court, les performancesmyocardiques.

Troubles du rythme et de la conduction

À l’inverse de l’hyperthyroïdie, les troubles de laconduction sont plus fréquents dans l’hypothyroï-die que les troubles du rythme. Il a été observé unallongement de l’espace PR et un bloc de branchedroit, mais exceptionnellement un bloc sinoauricu-laire, des torsades de pointe, une tachycardie oufibrillation auriculaire.

Insuffisance coronarienne

Les études cliniques et autopsiques ont montré laplus grande fréquence de l’athérome coronarienpar rapport à une population d’âge comparable etqui contraste avec la rareté de l’angine de poitrineet de l’infarctus du myocarde au cours de l’hypo-thyroïdie non compensée. Lorsqu’il survient, l’in-farctus est plus sévère. Deux facteurs de risquemajeurs contribuent au développement de l’athé-rosclérose : l’HTA et l’hypercholestérolémie, enparticulier sa fraction LDL. Les difficultés de lamise en œuvre du traitement substitutif sontconnues de longue date. Les effets chronotropes etinotropes des hormones thyroïdiennes, en augmen-tant la consommation en oxygène du myocarde,peuvent accélérer l’ischémie chez des patientsavec obstruction vasculaire. Sous réserve de pré-cautions élémentaires, devenues bien classiques(doses initiales faibles, 25 lg/j de L-thyroxine,augmentation posologique de 12,5 à 25 lg toutesles 4 à 6 semaines), le traitement hormonal est plussouvent favorable que nocif sur la coronaropathie.Dans plus de 80 % des cas d’hypothyroïdie compli-quée d’angor, il en résulte une amélioration. En casd’aggravation de l’ischémie myocardique, les dosesde L-thyroxine doivent être réduites, en associationavec l’administration de bêtabloquants.

Conséquences cardiaquesde l’hypothyroïdie infraclinique21

Une meilleure sensibilité du dosage de la TSH apermis de définir l’hypothyroïdie infraclinique, en-

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tité caractérisée par une augmentation isolée de laTSH au-dessus de la zone de normalité (4,5 ou5 mUI/l selon les laboratoires). Cette situation,devenue très fréquente en raison de la banalisationdu dosage de la TSH, n’est pas anodine sur le plancardiovasculaire.

Des études récentes ont confirmé que le déve-loppement de l’athérosclérose peut être accélérépar l’hypothyroïdie. Une large étude épidémiologi-que, la Rotterdam Study, a montré qu’il existaitune corrélation entre les taux de TSH, les signesECG évoquant un infarctus du myocarde et desstigmates radiologiques d’athérosclérose aorti-que.25 Cette étude retrouve un risque d’infarctusdu myocarde similaire à celui observé au cours dudiabète, de l’HTA, de l’hypercholestérolémie ou dutabagisme. De plus, une étude angiographique ca-nadienne a démontré que les sténoses coronarien-nes progressaient plus rapidement chez les patientshypothyroïdiens insuffisamment traités que chezceux bénéficiant d’un traitement adapté.26 Laconclusion de méta-analyses récentes est que l’hy-percholestérolémie est présente en cas d’hypothy-roïdie infraclinique. Une association entre hypothy-roïdie infraclinique et hyperhomocystéinémie,facteur de risque cardiovasculaire, a également étéétablie. Récemment, il a été montré qu’au cours del’hypothyroïdie infraclinique il existait un dysfonc-tionnement ventriculaire gauche de repos secon-daire à une augmentation du temps de relaxationisovolumétrique et un dysfonctionnement systoli-que à l’effort responsable d’une adaptation inadé-quate à l’effort physique.27 En revanche, l’atteintede la fonction systolique ventriculaire gauche restesujette à controverse. En conclusion, il semble quel’hypothyroïdie infraclinique doit être considéréecomme une forme d’hypothyroïdie débutante asso-ciée à des signes de dysfonctionnement cardiaque.

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