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20 Vol. 24 No. 4 2013 Formation continue Résumé Les troubles du métabolisme lipidique sont un groupe hétérogène de maladies généra- lement héréditaires, diagnostiquées souvent déjà chez l’enfant en raison d’une anamnèse familiale positive. Il s’agit d’une tâche pédia- trique de prévention secondaire importante; le diagnostic et le traitement précoces de certaines dyslipidémies conditionnent en effet de façon décisive la santé à l’âge adulte. Dans cet article nous souhaitons aborder surtout les aspects pratiques, à partir de questions souvent posées sur les dyslipidémies, dont nous décrivons en bref les plus fréquentes, ainsi que leur diagnostic et traitement. Certains troubles du métabo- lisme plus rares sont spécifiquement men- tionnés, en renonçant néanmoins à les traiter tous systématiquement. Les auteurs de cet article estiment important pour la pratique de ne pas se concentrer unique- ment sur l’abaissement du taux de cholesté- rol plasmatique mais de prendre en considé- ration tous les facteurs de risque connus, comme l’alimentation, l’activité physique, le poids et le tabagisme. Pour le diagnostic primaire autant que pour l’appréciation de la situation globale la connaissance exacte de l’anamnèse familiale est d’une importance primordiale. Le traitement des dyslipidémies est complexe et inclut la stimulation de l’activité physique et l’évitement de facteurs de risque tout autant que le régime et les médicaments. Introduction Les troubles du métabolisme lipidique sont parmi les maladies héréditaires les plus fré- quemment rencontrées en pédiatrie et sont d’une grande importance pour la santé à l’âge adulte. En même temps ils ne provoquent généralement pas de symptômes chez l’en- fant, un fait qui ne doit en aucun cas inciter à l’abstinence diagnostique et thérapeutique. Bien au contraire, la pédiatrie joue un rôle important en aiguillant sur une prise en charge à vie adaptée et, si nécessaire, stricte des troubles du métabolisme lipidique. Vu sous cet angle, ce sujet est un parfait exemple d’une des tâches les plus impor- tantes en pédiatrie, la prévention secondaire. Dans cette contribution l’accent est mis sur les aspects pratiques, avec l’objectif d’en faci- liter l’approche par le pédiatre praticien. Nous répondons aux questions suivantes, posées par un collègue praticien: • Quand le pédiatre (praticien) doit-il envisa- ger de contrôler le taux sanguin des lipides? • Comment prendre en compte l’âge, la cli- nique, l’anamnèse familiale et les facteurs de risque? • Quels paramètres contrôler et comment les apprécier? • Existent-ils des valeurs de référence et comment les apprécier? • Comment procéder lorsqu’on constate des valeurs pathologiques? Quand les contrôler et quand introduire un régime ou un traite- ment médicamenteux? L’article se concentre sur les situations fré- quentes; les maladies plus rares ne sont pas énumérées systématiquement et de manière exhaustive, mais servent à illustrer certaines situations cliniques ou biochimiques. Définition Les troubles du métabolisme lipidique (syno- nyme: dyslipidémie) sont un groupe hétéro- gène de maladies caractérisées par une ano- malie des taux des lipides plasmatiques, surtout du cholestérol et/ou des triglycérides. Il peut s’agir d’une anomalie primaire en pré- sence d’une dyslipidémie héréditaire ou se- condaire dans le cadre d’une autre maladie affectant le métabolisme hormonal (p.ex. diabète, hypothyroïdie, syndrome de Cu- shing), le rein (syndrome néphrotique ou une autre maladie chronique du rein) ou le foie (stéatose hépatique) ou d’une anorexie men- tale. La plupart des dyslipidémies repré- sentent un facteur de risque significatif pour l’apparition d’une artériosclérose et doivent donc être prises aux sérieux aussi chez l’en- fant, bien que pour ainsi dire toujours asymp- tomatique 1)–3) . Épidémiologie La dyslipidémie la plus fréquente est due à un défaut hétérozygote du récepteur LDL 4) , dont l’incidence est estimée à 1:500. Dans le même ordre de grandeur se situe l’incidence du déficit en apolipoprotéine B 100 (1:200– 1:700)qui engendre une affinité diminuée au récepteur LDL 5) . Le défaut homozygote du récepteur LDL, avec pour conséquence une défaillance de facto de la fonction du récep- teur LDL est par contre très rare (de l’ordre de 1:1’000’000). Il faut préciser qu’il n’existe pas de chiffres fiables concernant ces mala- dies pour la Suisse. C’est le cas aussi pour tous les autres troubles du métabolisme lipi- dique, qu’il faut considérer rares ou très rares. Cela signifie que pour la plupart de ces mala- dies (exception faite pour les deux premières mentionnées) on ne trouve en Suisse que très peu de patients, parfois un seul voire aucun. Biochimie et physiopathologie En raison de leurs propriétés hydrophobes, les lipides ne peuvent être transportés dans le sang que s’ils sont fixés à une protéine (apolipoprotéine). Dans la lipoprotéine qui en résulte les lipides hydrophobes sont «cachés» dans le noyau et entourés d’apolipoprotéines. D’après leur densité on divise les lipopro- téines en 5 classes, dont la composition ca- ractéristique conditionne les propriétés bio- chimiques 6) : • Lipoprotéines high-density (HDL) • Lipoprotéines low-density (LDL) • Lipoprotéines intermediate-density (IDL) • Lipoprotéines very low-density (VLDL) • Chylomicrons Ont une importance clinique surtout les LDL, responsables du transport des lipides, surtout du cholestérol, dans les organes périphé- riques 7) . Une augmentation du taux plasma- tique de LDL résulte d’un défaut du récepteur LDL, comme c’est le cas dans l’hypercholes- térolémie familiale. Outre le cholestérol, les Troubles du métabolisme lipidique de l’enfant Johannes Häberle 1) , Alexander Lämmle 1) , Matthias R. Baumgartner 1) Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds 1) Abteilung für Stoffwechselkrankheiten Forschungszentrum für das Kind Universitäts-Kinderspital Zürich Steinwiesstrasse 75 CH-8032 Zürich

Troubles du métabolisme lipidique de l'enfant

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Vol. 24 No. 4 2013Formation continue

Résumé

Les troubles du métabolisme lipidique sont un groupe hétérogène de maladies généra-lement héréditaires, diagnostiquées souvent déjà chez l’enfant en raison d’une anamnèse familiale positive. Il s’agit d’une tâche pédia-trique de prévention secondaire importante; le diagnostic et le traitement précoces de certaines dyslipidémies conditionnent en effet de façon décisive la santé à l’âge adulte. Dans cet article nous souhaitons aborder surtout les aspects pratiques, à partir de questions souvent posées sur les dyslipidémies, dont nous décrivons en bref les plus fréquentes, ainsi que leur diagnostic et traitement. Certains troubles du métabo-lisme plus rares sont spécifiquement men-tionnés, en renonçant néanmoins à les traiter tous systématiquement. Les auteurs de cet article estiment important pour la pratique de ne pas se concentrer unique-ment sur l’abaissement du taux de cholesté-rol plasmatique mais de prendre en considé-ration tous les facteurs de risque connus, comme l’alimentation, l’activité physique, le poids et le tabagisme. Pour le diagnostic primaire autant que pour l’appréciation de la situation globale la connaissance exacte de l’anamnèse familiale est d’une importance primordiale. Le traitement des dyslipidémies est complexe et inclut la stimulation de l’activité physique et l’évitement de facteurs de risque tout autant que le régime et les médicaments.

Introduction

Les troubles du métabolisme lipidique sont parmi les maladies héréditaires les plus fré-quemment rencontrées en pédiatrie et sont d’une grande importance pour la santé à l’âge adulte. En même temps ils ne provoquent

généralement pas de symptômes chez l’en-fant, un fait qui ne doit en aucun cas inciter à l’abstinence diagnostique et thérapeutique. Bien au contraire, la pédiatrie joue un rôle important en aiguillant sur une prise en charge à vie adaptée et, si nécessaire, stricte des troubles du métabolisme lipidique.Vu sous cet angle, ce sujet est un parfait exemple d’une des tâches les plus impor-tantes en pédiatrie, la prévention secondaire. Dans cette contribution l’accent est mis sur les aspects pratiques, avec l’objectif d’en faci-liter l’approche par le pédiatre praticien. Nous répondons aux questions suivantes, posées par un collègue praticien:

• Quand le pédiatre (praticien) doit-il envisa-ger de contrôler le taux sanguin des lipides?

• Comment prendre en compte l’âge, la cli-nique, l’anamnèse familiale et les facteurs de risque?

• Quels paramètres contrôler et comment les apprécier?

• Existent-ils des valeurs de référence et comment les apprécier?

• Comment procéder lorsqu’on constate des valeurs pathologiques? Quand les contrôler et quand introduire un régime ou un traite-ment médicamenteux?

L’article se concentre sur les situations fré-quentes; les maladies plus rares ne sont pas énumérées systématiquement et de manière exhaustive, mais servent à illustrer certaines situations cliniques ou biochimiques.

Définition

Les troubles du métabolisme lipidique (syno-nyme: dyslipidémie) sont un groupe hétéro-gène de maladies caractérisées par une ano-malie des taux des lipides plasmatiques, surtout du cholestérol et/ou des triglycérides. Il peut s’agir d’une anomalie primaire en pré-sence d’une dyslipidémie héréditaire ou se-condaire dans le cadre d’une autre maladie affectant le métabolisme hormonal (p.ex. diabète, hypothyroïdie, syndrome de Cu-

shing), le rein (syndrome néphrotique ou une autre maladie chronique du rein) ou le foie (stéatose hépatique) ou d’une anorexie men-tale. La plupart des dyslipidémies repré-sentent un facteur de risque significatif pour l’apparition d’une artériosclérose et doivent donc être prises aux sérieux aussi chez l’en-fant, bien que pour ainsi dire toujours asymp-tomatique1)–3).

Épidémiologie

La dyslipidémie la plus fréquente est due à un défaut hétérozygote du récepteur LDL4), dont l’incidence est estimée à 1:500. Dans le même ordre de grandeur se situe l’incidence du déficit en apolipoprotéine B 100 (1:200–1:700)qui engendre une affinité diminuée au récepteur LDL5). Le défaut homozygote du récepteur LDL, avec pour conséquence une défaillance de facto de la fonction du récep-teur LDL est par contre très rare (de l’ordre de 1:1’000’000). Il faut préciser qu’il n’existe pas de chiffres fiables concernant ces mala-dies pour la Suisse. C’est le cas aussi pour tous les autres troubles du métabolisme lipi-dique, qu’il faut considérer rares ou très rares. Cela signifie que pour la plupart de ces mala-dies (exception faite pour les deux premières mentionnées) on ne trouve en Suisse que très peu de patients, parfois un seul voire aucun.

Biochimie et physiopathologie

En raison de leurs propriétés hydrophobes, les lipides ne peuvent être transportés dans le sang que s’ils sont fixés à une protéine (apolipoprotéine). Dans la lipoprotéine qui en résulte les lipides hydrophobes sont «cachés» dans le noyau et entourés d’apolipoprotéines. D’après leur densité on divise les lipopro-téines en 5 classes, dont la composition ca-ractéristique conditionne les propriétés bio-chimiques6):

• Lipoprotéines high-density (HDL)• Lipoprotéines low-density (LDL)• Lipoprotéines intermediate-density (IDL)• Lipoprotéines very low-density (VLDL)• Chylomicrons

Ont une importance clinique surtout les LDL, responsables du transport des lipides, surtout du cholestérol, dans les organes périphé-riques7). Une augmentation du taux plasma-tique de LDL résulte d’un défaut du récepteur LDL, comme c’est le cas dans l’hypercholes-térolémie familiale. Outre le cholestérol, les

Troubles du métabolisme lipidique de l’enfantJohannes Häberle1), Alexander Lämmle1), Matthias R. Baumgartner1)

Traduction: Rudolf Schlaepfer, La Chaux-de-Fonds

1) Abteilung für Stoffwechselkrankheiten Forschungszentrum für das Kind Universitäts-Kinderspital Zürich Steinwiesstrasse 75 CH-8032 Zürich

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LDL contiennent en abondance de l’apolipo-protéine B 100, dont la fonction peut être perturbée par des mutations génétiques (p.R3500Q étant la mutation la plus fré-quente)3), 5). Du point de vue clinique et théra-peutique la situation (hypercholestérolémie) qui en résulte est identique à celle d’un défaut du récepteur LDL. Des taux élevés surtout de cholestérol LDL peuvent engendrer des pa-thologies vasculaires sous forme d’athéros-clérose déjà pendant l’enfance.Les défauts de la lipoprotéine lipase, qui hydrolyse dans l’endothélium capillaire les triglycérides contenus dans les chylomicrons et les VLDL et permet ainsi leur absorption dans les cellules, mènent à une augmentation parfois massive des triglycérides (taux parfois > 50 mmol/l, norme < 2 mmol/l). Les défauts du cofacteur apolipoprotéine CII présentent un phénotype identique. Les taux élevés de triglycérides ne représentent pas un risque d’athérosclérose précoce.Lors de défauts du transporteur ABC G5 ou G8, l’élimination dans l’intestin grêle et les voies biliaires de graisses végétales est per-turbée, les phytostérols étant résorbés aupa-ravant. Il en résulte la très rare sitostéro- lémie qui représente, comme le défaut homo-zygote du récepteur LDL, un risque significatif d’infarctus cardiaques déjà pendant l’en-fance8).

Tableau clinique

La plupart des patients avec une dyslipidémie sont asymptomatiques durant l’enfance. Des dépôts graisseux dans la peau, les xanthé-lasmes, peuvent être les premiers symp-tômes de l’hypercholestérolémie familiale. Dans le cas d’un défaut homozygote du récep-teur LDL ils peuvent être visibles, déjà pen-dant la petite enfance, sous forme de nodules impressionnants le long des plis cutanés des mains et des pieds et sur les articulations,

alors que les premiers dépôts jaunâtres se trouvent généralement dans la paupière inférieure4), 9) (Fig. 1A). L’expérience clinique montre qu’ils corrèlent clairement avec le taux plasmatique du cholestérol et qu’ils ré-gressent, voire disparaissent, sous traite-ment.Certaines dyslipidémies (p.ex. sitostérolémie) se manifestent par des dépôts graisseux sous-cutanés plus profonds, les xanthomes. Les localisations de prédilection sont les faces d’extension du coude et du genou ainsi que le tendon d’Achille (Fig. 1B). Souvent la peau au-dessus des xanthomes présente une coloration bleuâtre, livide qui persiste après régression des xanthomes sous traitement.L’arc sénile (arcus corneae) ne s’observe qu’exceptionnellement pendant l’enfance, en cas d’hypercholestérolémie mal compensée (ou hypercholestérolémie homozygote).Chez un petit nombre de patients l’accumula-tion de graisse provoque une hépatomégalie et, par distension de la capsule de Glisson, des douleurs abdominales. Cette situation se rencontre p.ex. chez les patients avec une hypertriglycidémie familiale ou une chylomi-cronémie familiale. Le syndrome métabolique, actuellement en-core relativement rare chez l’enfant est carac-térisé par une obésité, une hyperuricémie, une hypertension artérielle, une résistance périphérique à l’insuline et un taux abaissé de cholestérol HDL.

Complications

Les taux plasmatiques élevés de cholestérol n’occasionnent pas de complications aiguës, mais sont un facteur de risque pour une athé-rosclérose précoce. Le poids de l’hypercho-lestérolémie dans le contexte d’autres fac-teurs de risque connus (surpoids, manque d’activité physique, hypertension artérielle, hyperhomocystinémie, taux élevé de lipopro-

téine [a], tabagisme) et inconnus est loin d’être clair1). Des cas, rencontrés aussi dans la pratique, d’hypercholestérolémie relative-ment discrète à évolution fatale précoce comme des familles à peine touchées par une hypercholestérolémie pourtant sévère sont décrits dans la littérature. On craint particu-lièrement les complications en cas d’hyper-cholestérolémie familiale homozygote et de sitostérolémie, maladies pour lesquelles ont été décrits des infarctus cardiaques aigus à l’issue fatale déjà pendant l’enfance3), 8).Des taux très élevés de triglycérides (>10 mmol/l) peuvent déclencher des symptômes aigus: douleurs abdominales aiguës, hémor-ragies gastro-intestinales et une pancréatite aiguë dont le pronostic peut être sévère. L’hypertriglycéridémie n’est par contre pas un facteur de risque pour une athérosclérose précoce.

Transition et perspectives pour l’adulte

Les troubles du métabolisme lipidique restent un domaine de la médecine adulte, pratique-ment toutes les complications n’apparaissant qu’à l’âge adulte. Idéalement les pédiatres et médecins d’adultes maintiennent des contacts étroits afin de garantir une transition optimale et éviter ainsi des angoisses chez les patients et les pertes d’informations par les médecins. Mais, comme nous l’avons expli-cité, la prise en charge pédiatrique compé-tente et conséquente permet pour le moins de retarder l’apparition de complications.

Anamnèse familiale

Sans doute une anamnèse familiale minu-tieuse et complète joue un rôle primordial lorsqu’on évalue la situation d’un patient avec une dyslipidémie. Tous les parents au premier degré sont au moins à inclure. Une anamnèse

Figure 1: altérations cutanées lors de troubles du métabolisme lipidique. A: patiente de 9 ans avec des xanthélasmes que l’on reconnaît par la présence de colorations jaunâtres sous les deux paupières inférieures. B: patient de 12 ans avec un xanthome sur le genou, apparaissant comme une tuméfaction visible et palpable avec couleur bleuâtre de la pau.

A B

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ciblée avec des questions fermées est indis-pensable («est-ce que vos parents ont subi un infarctus précoce?», «… et leurs frères et sœurs?» etc), des données importantes pou-vant sinon se perdre. Ainsi infarctus, attaque cardiaque, pontage p.ex. devraient être des mot-clé10). Lorsque l’anamnèse familiale s’avère positive, une analyse ciblée du profil des lipides plasmatiques est indiquée déjà chez l’enfant.

Examens de laboratoire

Lors de l’évaluation initiale d’une dyslipidémie on dose les paramètres plasmatiques suivants chez le patient à jeun3):

• Profil lipidique (cholestérol total, HDL, LDL et triglycérides)

• Lipoprotéine (a) (la valeur est déterminée génétiquement et ne nécessite donc pas de contrôles, sauf lors d’un essai de traitement avec la niacine)11)

• Homocystéine

Pour apprécier les taux des lipides il faut des valeurs de référence en fonction de l’âge, puisque notamment le taux de cholestérol augmente pendant l’enfance et après la pu-berté, alors que les valeurs peuvent sponta-nément diminuer avant et pendant la puber-té3).Dans des situations particulières il peut s’avé-rer raisonnable de procéder à des examens spéciaux, telle l’électrophorèse des lipides ou le profil des stérols; dans ces situations il est conseillé de contacter un centre du métabo-lisme.Afin d’exclure un trouble secondaire du méta-bolisme lipidique on dose, une seule fois, les paramètre suivants:

• TSH, fT4• Créatinine• Cortisol• Status urinaire

Traitement – considérations générales

En principe presque tous les enfants avec une dyslipidémie ont besoin d’un régime et/ou d’un traitement médicamenteux. Il est par contre difficile de décider à partir de quelle modification des valeurs de laboratoire un régime seul ne suffit plus et la prescription de médicaments devient nécessaire. Cela ne peut se décider qu’en tenant compte de la situation

globale, de l’âge, de la clinique (est-ce qu’il y a d’autres facteurs de risque?) et de l’anam-nèse familiale et ne se base jamais simple-ment sur des paramètres biochimiques. En principe la simple augmentation de l’activité physique, à moins qu’elle ne soit déjà adé-quate, peut améliorer le profil lipidique3), 4),

12)–14).

Régime

La modification des habitudes alimentaires est la pierre angulaire du traitement de la plupart des dyslipidémies de l’enfant. Pour l’hypercholestérolémie familiale cela signifie une diminution des graisses animales satu-rées et l’évitement des aliments particulière-ment riches en cholestérol (surtout le jaune d’œuf, la viande avec graisse visible, le beurre). L’apport en lipides consistera de préférence en graisses mono-insaturées (p.ex. huile de noix, de colza ou d’olive) tout en limitant leur proportion à 30–35% de l’ap-port total en calories. En présence d’une si-tostérolémie par contre, on évitera les ali-ments riches en graisses végétales, alors que les graisses animales sont «autorisées». Pour certaines maladies, p.ex. l’hypertriglycidémie familiale, on obtient un effet thérapeutique suffisant en réduisant la proportion des graisses dans l’alimentation à < 25% et en évitant une consommation excessive de sucres. Le résultat du régime n’est par contre souvent pas satisfaisant pour l’hypercholes-térolémie familiale; même appliqué rigoureu-sement, il ne permet qu’une réduction de 10% jusqu’à un maximum de 20% du taux plasma-tique du cholestérol, ce qui est insuffisant pour de nombreux patients3). L’efficacité d’un régime pauvre en cholestérol est en partie déterminée génétiquement. Ce sont notamment les phénotypes de l’apolipo-protéine E qui servent de prédicteurs d’une bonne ou mauvaise réponse au régime15).

Médicaments

Plusieurs médicaments sont disponibles, aux mécanismes d’action différents. Pour plu-sieurs raisons le choix se réduit, dans la pra-tique, à un nombre restreint de substances actives. Le traitement médicamenteux se fait en principe toujours en poursuivant le ré-gime3).Les résines échangeuses d’ions (p.ex. co-lestyramine) sont de grandes molécules inso-lubles dans l’eau, non résorbées dans l’intes-tin et possédant une grande affinité pour les

acides biliaires, réduisant ainsi la résorption des lipides. Pratiquement cela ne marche que si le médicament est pris lors de chaque re-pas contenant des graisses. Ce fait et la sensation désagréable en l’ingérant ex-pliquent la mauvaise compliance (compréhen-sible), réduisant ultérieurement l’efficacité déjà limitée des résines échangeuses d’ions. Bien que des recommandations de consensus prévoient encore l’utilisation des résines échangeuses d’ions comme traitement médi-camenteux de première intention, dans leur pratique les auteurs de cet article ne les considèrent comme option acceptable que pour de rares patients.Les inhibiteurs de la HMG-CoA réductase (synonyme: statines) influencent la synthèse endogène du cholestérol à un stade très pré-coce et réduisent de ce fait la disponibilité intracellulaire du cholestérol. En même temps la sensibilité des récepteurs LDL est renfor-cée, ce qui augmente l’absorption de choles-térol-LDL par la cellule. Les statines repré-sentent donc un moyen efficace pour réduire le taux de cholestérol total et LDL, la diminu-tion pouvant atteindre, selon le médicament, jusqu’à 40%. Dans tous les cas la combinai-son avec un régime est indiquée, car on peut admettre un effet additif12)–14). La seule statine admise en Suisse dès l’âge de 8 ans est la pravastatine (Selipran®).L’ézétimibe est une substance active relative-ment récente, inhibant la résorption du cho-lestérol au niveau des microvillosités entéro-cytaires du grêle par blocage d’un transporteur de stérols (NPC1L1). La diminution du taux de cholestérol se situe autour de 25%. Son utili-sation peut donc se justifier lors d’une hyper-cholestérolémie familiale. En raison de l’ab-sence d’études à long terme et du peu d’expérience avec son utilisation chez l’enfant, l’ézétimibe ne peut actuellement être consi-déré que comme médicament de réserve.Le mode d’action des fibrates n’est actuelle-ment pas pleinement éclairci; on suppose qu’ils stimulent l’activité de la lipoprotéine li-pase et favorisent donc le passage intracellu-laire des triglycérides. Les fibrates ne jouent pas un rôle important dans le traitement des enfants.

LDL-aphérèse, plasmaphérèse

En dernier recours la LDL-aphérèse et la plas-maphérèse peuvent être effectuées déjà chez l’enfant lorsqu’on n’obtient, par les autres mesures, une stabilisation métabolique suffi-sante.Ces procédés doivent en tout cas rapi-

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dement être évoqués tôt en présence d’une hypercholestérolémie familiale homozygote.

Suivi

Au début du traitement, l’objectif du suivi clinique est d’améliorer la compréhension des parents et des patients, afin de renforcer la compliance. Les patients doivent être motivés à suivre autant que possible leur régime et, si nécessaire, régulièrement leur médication. Le défi est particulièrement grand lorsqu’il s’agit de décrire la nécessité d’un traitement consé-quent, sans éveiller des peurs exagérées, à un enfant ou à un adolescent.Il est indiqué d’effectuer les contrôles biochi-miques tous les 6 mois au début, puis tous les 12 mois dès que la situation métabolique est stabilisée. En cas de médication par des sta-tines, les transaminases et la créatine kinase plasmatiques doivent être contrôlés. Les prises de sang seront effectuées de préfé-rence à jeun, tout en sachant que le taux de cholestérol n’augmente, que peu après un repas contrairement à celui des triglycérides.L’utilité de la mesure échographique de l’épaisseur de l’intima carotidienne dépend fortement du matériel disponible (sondes li-néaires à très haute définition) ainsi que de l’expérience et de la disponibilité de l’exami-nateur. Les échographies qui ne sont pas ef-fectuées par la même personne expérimentée risquent d’être, dans la pratique clinique, plutôt source d’inquiétudes. En présence d’un taux de cholestérol très élevé et d’une anamnèse familiale très char-gée, des contrôles cardiologiques réguliers (échographie cardiaque et ECG d’effort) sont indiqués.

Pronostic

Comme nous l’avons exposé, le pronostic des dyslipidémies dépend de nombreux facteurs et n’est pas simplement fonction de l’amélio-ration ou de la normalisation des paramètres biochimiques. Il faut une fois de plus souligner que le pronostic est favorablement influencé par l’évitement de facteurs de risque supplé-mentaires et par l’optimisation des conditions de vie conjointement à l’amélioration des paramètres biochimiques1)–3).

Résumé

Les troubles du métabolisme lipidique repré-sentent un facteur de risque significatif pour le développement précoce de lésions artério-

sclérosiques et doivent donc être diagnosti-qués et traités aussi tôt que possible. Eu égard à l’étiologie multifactorielle de l’artério-sclérose, l’anamnèse familiale minutieuse est importante lorsqu’il s’agit d’évaluer les risques. En présence d’une anamnèse fami-liale positive, des investigations ciblées (para-mètres lipidiques) sont indiquées déjà pen-dant la petite enfance, et même en l’absence d’une anamnèse familiale positive un dosage unique du cholestérol à l’adolescence est raisonnable. Si les taux de cholestérol LDL sont élevés, un régime modifiant l’apport en graisses est indiqué déjà pendant la petite enfance, associé, selon l’évolution, à un trai-tement médicamenteux. En première inten-tion seront utilisées les statines, du moins dès l’âge de 8 ans. Les médicaments qui traitent une dyslipidémie ne remplacent pas mais accompagnent un régime.La prise en charge des enfants avec une dys-lipidémie devrait se faire en collaboration avec un centre spécialisé dans le traitement des maladies métaboliques, du moins lors de la phase diagnostique initiale et de mise en place du traitement.

Conclusions pour la pratique

Les auteurs de cet article estiment important de ne pas centrer l’attention des familles concernées uniquement sur le taux de choles-térol, mais de considérer celui-ci comme un facteur de risque parmi d’autres. Outre la ré-duction d’un taux élevé de cholestérol, la prise en compte des conditions de vie, de l’alimentation, de l’activité physique, du poids sont des défis tout aussi importants.L’anamnèse familiale est la pierre angulaire d’une évaluation globale. Lorsqu’elle est posi-tive, des dosages ciblés des lipides plasma-tiques sont indiqués déjà pendant la petite enfance.Le traitement des dyslipidémies est complexe et inclut une intensification de l’activité phy-sique et l’évitement de facteurs de risque supplémentaires tout autant que le régime et les médicaments.

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CorrespondanceProf. Johannes HäberleAbteilung für Stoffwechselkrankheiten Universitäts-Kinderspital ZürichSteinwiesstrasse 75 CH-8032 Zü[email protected]

Les auteurs certifient qu’aucun soutien fi-nancier ou autre conflit d’intérêt n’est lié à cet article.