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http://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be Étude de la prise en charge des fratries au sein du service d'hémato-oncologie pédiatrique du CHC (Espérance) Auteur : Marquet, Marie Promoteur(s) : Scali, Thérèse Faculté : þÿFaculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l Education Diplôme : Master en sciences psychologiques, à finalité spécialisée en psychologie clinique Année académique : 2017-2018 URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/6041 Avertissement à l'attention des usagers : Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite. Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.

Étude de la prise en charge des fratries au sein du service d ......1 INTRODUCTION_____1 CONTEXTE ET PROJET _____ 1 2 PARTIE 2.1 La dynamique et les processus familiaux dans un contexte

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http://lib.uliege.be https://matheo.uliege.be

Étude de la prise en charge des fratries au sein du service d'hémato-oncologie

pédiatrique du CHC (Espérance)

Auteur : Marquet, Marie

Promoteur(s) : Scali, Thérèse

Faculté : þÿ�F�a�c�u�l�t�é� �d�e� �P�s�y�c�h�o�l�o�g�i�e�,� �L�o�g�o�p�é�d�i�e� �e�t� �S�c�i�e�n�c�e�s� �d�e� �l ��E�d�u�c�a�t�i�o�n

Diplôme : Master en sciences psychologiques, à finalité spécialisée en psychologie clinique

Année académique : 2017-2018

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/6041

Avertissement à l'attention des usagers :

Tous les documents placés en accès ouvert sur le site le site MatheO sont protégés par le droit d'auteur. Conformément

aux principes énoncés par la "Budapest Open Access Initiative"(BOAI, 2002), l'utilisateur du site peut lire, télécharger,

copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces documents, les disséquer pour les

indexer, s'en servir de données pour un logiciel, ou s'en servir à toute autre fin légale (ou prévue par la réglementation

relative au droit d'auteur). Toute utilisation du document à des fins commerciales est strictement interdite.

Par ailleurs, l'utilisateur s'engage à respecter les droits moraux de l'auteur, principalement le droit à l'intégrité de l'oeuvre

et le droit de paternité et ce dans toute utilisation que l'utilisateur entreprend. Ainsi, à titre d'exemple, lorsqu'il reproduira

un document par extrait ou dans son intégralité, l'utilisateur citera de manière complète les sources telles que

mentionnées ci-dessus. Toute utilisation non explicitement autorisée ci-avant (telle que par exemple, la modification du

document ou son résumé) nécessite l'autorisation préalable et expresse des auteurs ou de leurs ayants droit.

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Université de Liège

« ÉTUDE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRATRIES AU SEIN

DU SERVICE D’HÉMATO-ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE DU CHC

(ESPÉRANCE) »

MARQUET Marie

Promotrice : Thérèse SCALI

Lectrices : Jennifer MARINI, Charlotte GRÉGOIRE

Mémoire de fin d’études présenté en vue de l’obtention du diplôme de Master en

Sciences Psychologiques à finalité spécialisée en Psychologie Clinique

Année académique : 2017-2018

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Marquet Marie

REMERCIEMENTS

La rédaction de ce mémoire de fin d’études n’aurait pas été possible sans les

compétences, le soutien et le regard bienveillant de nombreuses personnes que je

souhaite remercier chaleureusement.

Tout d’abord, je tiens à adresser ma profonde gratitude à ma promotrice, Madame

Thérèse Scali, sans qui ce projet n’aurait peut-être jamais vu le jour. Je la remercie

pour sa confiance, son implication, le temps précieux qu’elle m’a accordé ainsi que

pour son oreille attentive et le soutien qu’elle m’a témoignés depuis l’esquisse de ce

projet.

Je remercie également mes deux lectrices, Madame Jennifer Marini et Madame

Charlotte Grégoire, pour l’intérêt qu’elles portent à ma thématique et le temps qu’elles

ont consacré à cette recherche.

Je souhaite également témoigner ma reconnaissance à l’ensemble de l’équipe du

service d’hémato-oncologie pédiatrique de la Clinique de l’Espérance (CHC) et plus

particulièrement au Professeur Christophe Chantrain pour son avis éclairé,

l’accompagnement des fratries étant pour lui une priorité. Je suis infiniment

reconnaissante envers l’équipe de psychologues, composée de Jennifer Marini, Marie

Lacasse et Maud Jaspard, pour leur présence rassurante, leur investissement et pour

tout ce qu’elles m’ont appris.

Un immense merci aux familles, enfants et parents, qui ont accepté de partager leur

histoire avec moi, de façon authentique. Toutes ces rencontres resteront à mes yeux une

véritable expérience de vie ainsi qu’une leçon de courage et d’espoir.

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Marquet Marie

Enfin, il est impossible pour moi de ne pas remercier ma famille pour son soutien sans

faille tout au long de la réalisation de ce travail, et même au-delà. Mes parents, mes

frères et mes grands-parents ont été une réelle ressource pour moi pendant ces années

à l’Université. Un merci tout particulier à mes amies, Catherine De Tender, Jessica

Lemaire et Clémence Aubinet, pour leurs relectures et la foi qu’elles ont gardée en moi

dans les moments les plus difficiles. Pour finir, une mention spéciale à mon compagnon,

Alexandre Livet, pour sa présence solide, son aide et sa confiance en la vie.

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Marquet Marie

TABLE DES MATIÈRES

1 INTRODUCTION_______________________________________________________________________1CONTEXTEETPROJET_________________________________________________________________________1

2 PARTIETHÉORIQUE:REVUEDELALITTÉRATURE_____________________________4

2.1 Ladynamiqueetlesprocessusfamiliauxdansuncontextedemaladie____42.1.1 L’impactdelamaladiesurleparententantqu’individu_______________________________52.1.2 L’impactdelamaladiesurlecoupleconjugal___________________________________________62.1.3 L’impactdelamaladiesurlecoupleparental___________________________________________72.1.4 L’impactdelamaladiesurlafratrie____________________________________________________102.1.5 L’impactdelamaladiesurlafamille___________________________________________________142.1.6 Lesdifficultésrencontrées______________________________________________________________16

2.2 Lesinformationsobjectivessurlamaladieetlacommunicationautourde

lamaladie____________________________________________________________________________________19

2.3 Lesreprésentationsetlevécudusystèmefamilialparrapportau

diagnostic,àlamaladie____________________________________________________________________22

2.4 Lesressourcesdelafamille______________________________________________________24

2.5 L’accompagnementdesfamillesetdesfratries_______________________________262.5.1 Lapriseenchargedesfratries__________________________________________________________272.5.2 Lapriseenchargedesparents _________________________________________________________302.5.3 Lapriseenchargedesfamilles_________________________________________________________312.5.3.1 L’hypnose__________________________________________________________________________322.5.3.2 Lapleineconscience______________________________________________________________32

3 PARTIEMÉTHODOLOGIQUE:CONCEPTIONDELARECHERCHE____________33

3.1 Objectifetquestionsderecherche______________________________________________33

3.2 Descriptionduservice____________________________________________________________34

3.3 Population___________________________________________________________________________35

3.4 Outilsutilisés_______________________________________________________________________363.4.1 L’entretiensemi-structuré______________________________________________________________373.4.2 Leblason_________________________________________________________________________________39

3.5 Procéduredétaillée________________________________________________________________40

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Marquet Marie

3.5.1 Recrutement_____________________________________________________________________________403.5.2 Contexteetlieudepassation___________________________________________________________41

3.6 Méthoded’analyse_________________________________________________________________42

4 PARTIEPRATIQUE:ANALYSEDESRÉSULTATSPARTHÉMATIQUE________43

4.1 Ladynamiqueetlesprocessusfamiliauxdansuncontextedemaladie__434.1.1 L’impactdelamaladiesurleparententantqu’individu______________________________434.1.2 L’impactdelamaladiesurlecoupleconjugal__________________________________________464.1.3 L’impactdelamaladiesurlecoupleparental__________________________________________474.1.4 L’impactdelamaladiesurlafratrie____________________________________________________484.1.5 L’impactdelamaladiesurlafamille___________________________________________________514.1.6 Lesdifficultésrencontrées______________________________________________________________544.1.6.1 L’universmédical_________________________________________________________________544.1.6.2 Lagestionduquotidien___________________________________________________________58

4.1.7 Laplacedelafratrie_____________________________________________________________________594.1.7.1 L’isolementsocial_________________________________________________________________614.1.7.2 Lesproblèmesfinanciers_________________________________________________________62

4.2 Lesinformationsobjectivessurlamaladieetlacommunicationautourde

lamaladie.____________________________________________________________________________________634.2.1 Lesinformationsobjectives:«Quesaventlesfrèresetsœursquantàl’étatdesanté

deX?»________________________________________________________________________________________________644.2.2 Lacommunicationautourdelamaladie:«Quileuradonnécesinformations?»___67

4.3 Levécudusystèmefamilialparrapportaudiagnostic,àlamaladie._____694.3.1 Levécudesparents_____________________________________________________________________704.3.2 Levécudesfratries______________________________________________________________________714.3.3 Etàl’hôpital?____________________________________________________________________________744.3.4 Etaujourd’hui?__________________________________________________________________________75

4.4 Lesreprésentationsdusystèmefamilialparrapportaudiagnostic,àla

maladie_______________________________________________________________________________________764.4.1 Ledessindelafamille___________________________________________________________________764.4.2 Lespertesetlesgains___________________________________________________________________774.4.3 Ladevise_________________________________________________________________________________784.4.4 Lareprésentationdelamaladie________________________________________________________79

4.5 Lesressourcesdelafamille______________________________________________________81

4.6 L’accompagnementdesfamillesetdesfratries_______________________________84

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Marquet Marie

4.6.1 Lapriseenchargedesfratries__________________________________________________________844.6.2 Lapriseenchargedesparents _________________________________________________________864.6.3 Lesconseilsdonnésàl’équipesoignante ______________________________________________874.6.4 Lesconseilsdonnésauxfratries________________________________________________________89

5 DISCUSSION_________________________________________________________________________90

6 LIMITES______________________________________________________________________________99

7 PERSPECTIVESDERECHERCHE_________________________________________________101

8 CONCLUSION_______________________________________________________________________103

9 BIBLIOGRAPHIE___________________________________________________________________105

11 ANNEXESGÉNÉRALES__________________________________________________________110

11.1 Lettredeprésentationdelarecherche(Parents)__________________________110

11.2 Lettredeprésentationdelarecherche(Fratries)__________________________112

11.3 Formulairedeconsentement(Adultes)______________________________________114

11.4 Formulairedeconsentement(Parents)______________________________________115

11.5 Formulairedeconsentement(Fratries)______________________________________116

11.6 Guidesd’entretiens______________________________________________________________117PARENTS:___________________________________________________________________________________ 117FRATRIES:___________________________________________________________________________________ 118

11.7 Blason______________________________________________________________________________120

11.8 Lexiquemédical__________________________________________________________________121

11.9 Priseenchargedesfratries____________________________________________________122

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Marquet Marie 1

1 INTRODUCTION

CONTEXTE ET PROJET

Le cancer… Cet unique mot fait résonner chez chacun d’entre nous des

souvenirs, des émotions, des pertes, des combats, ... Si on ajoute la notion de « cancer

pédiatrique », un sentiment d’injustice, d’incompréhension s’éveille en nous.

Effectivement, on peut se demander comment un si petit être, qui débute à peine sur le

chemin de la vie, peut-il être condamné à vivre de telles épreuves alors qu’il est encore

peu armé pour se développer ?

Depuis quelques années, les médias parlent de plus en plus du cancer. Il fait

partie des nombreux sujets d’actualité, dramatiques, qui posent question au sein de notre

société, d’autant plus lorsqu’il touche les enfants. Toutefois, les progrès médicaux

permettent d’en guérir la majorité. Malgré cela, la maladie et son traitement restent une

épreuve longue et difficile pour l’enfant et son entourage proche. Effectivement, dès

l’annonce du diagnostic, certains chercheurs (Mathé, Pagnat, & Flahault, 2015) et

professionnels rencontrés sur le terrain (Jennifer Marini, psychologue à la Clinique de

l’Espérance) font le constat que c’est toute la dynamique familiale qui se voit bousculée

et doit se réadapter au contexte particulier de la maladie.

Ainsi, de plus en plus de chercheurs et de professionnels (Mathé et al., 2015

; Santos, Crespo, Canavarro & Kazak, 2015; Scaon & Leblanc, 2011) se questionnent

quant à la mise en place d’une prise en charge globale : l’enfant malade bien sûr, mais

également les différents sous-systèmes de la famille (le couple parental et conjugal,

ainsi que la fratrie). Alors que nous observons dans notre pratique clinique l’impact de

la maladie sur la fratrie, ce sous-système est encore peu exploré dans la littérature

scientifique. A l’heure actuelle, il n’existe pas de consensus concernant l’impact de la

maladie sur la fratrie. Effectivement, une étude récente (Mathé et al., 2015) relate que

durant la période de maladie, les frères et sœurs sont les plus négligés émotionnellement

et les moins heureux de tous les membres de la famille. En revanche, d’autres auteurs

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Marquet Marie 2

(Havermans, De Croock, Goethals, & Van Diest, 2013) concluent que la qualité de vie

des fratries ne serait pas affectée.

La présente recherche se centrera principalement sur la prise en charge des

fratries : quelles difficultés rencontrent-elles ? Quel type d’accompagnement leur est-il

proposé ? Quels effets sont constatés ? Comment améliorer la prise en charge ? Pour

répondre à ces questions, une étroite collaboration est établie avec les professionnels du

service d’hémato-oncologie pédiatrique de la Clinique de l’Espérance de Liège

(Professeur Christophe Chantrain, pédiatre hémato-oncologue et Jennifer Marini,

psychologue).

Dans ce travail de recherche, nous débuterons par une partie théorique. Pour

cela, nous parcourrons la littérature existant à ce sujet afin de recenser les hypothèses et

constatations qui ont déjà pu être émises concernant l’impact de la maladie sur la

famille et, plus particulièrement, sur la fratrie. Nous développerons cette partie en

différents chapitres reprenant les différentes questions de recherche qui nous concernent

dans le cadre de ce mémoire. Ainsi, nous évoquerons tout d’abord la dynamique et les

processus familiaux dans un contexte de maladie : quel impact la maladie a-t-elle sur les

différents sous-systèmes que comporte une famille ? Ensuite, nous nous interrogerons

sur la communication qui existe autour de la maladie : quelles sont les informations

objectives que les fratries possèdent vis-à-vis de la maladie de leur frère ou de leur

sœur ? Le vécu et les représentations des fratries seront également investigués : que

nous dit la littérature quant au ressenti de ces enfants par rapport au diagnostic et à ce

qu’il implique ? Quelles sont les représentations de cette maladie qui s’invite dans leur

famille malgré eux ? Enfin, nous ciblerons un des chapitres sur les ressources de ces

familles : par quel moyen peuvent-elles faire face ? Quelles sont les clés pour qu’une

certaine forme d’adaptation soit possible ? Nous terminerons par faire un état des lieux

des prises en charge existant pour accompagner et encadrer les familles et les fratries.

Au vu de tous ces éléments, cette recherche a sa raison d’être. Avant tout, il

est question d’un intérêt personnel. En outre, un intérêt sociétal se trouve également

derrière cela. Nous avons comme objectif principal d’aller au-delà de l’étude de la

qualité de vie des fratries, déjà bien documentée, en étudiant l’efficacité des pistes

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Marquet Marie 3

fournies pour l’améliorer. Et plus spécifiquement, en évaluant la prise en charge mise en

place à la clinique de l’Espérance de Liège.

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Marquet Marie 4

2 PARTIE THÉORIQUE : REVUE DE

LA LITTÉRATURE

2.1 La dynamique et les processus familiaux

dans un contexte de maladie

Comme le soulignent Mathé et al. (2015), il est capital d’intégrer la question

de la dynamique familiale lorsque l’on s’interroge sur le cancer pédiatrique. De fait, la

maladie va menacer la vie de l’enfant principalement mais elle va aussi influencer les

émotions, les comportements, les habitudes de chacun, éléments qui vont impacter la

cohésion familiale, entre autres. La maladie de l’enfant va demander de nombreux

ajustement et chaque membre de la famille va donc s’adapter à la demande de l’enfant

malade. Par conséquent, « on ne peut imaginer soigner un enfant sans tenir compte de

sa famille » (Oppenheim, Dauchy, & Hartmann, 2006). Dans cette recherche, nous

allons notamment nous attarder sur l’adaptation des sous-systèmes principaux : la fratrie

dite « saine » et le couple (parental et conjugal).

Pour analyser l’impact qu’a la maladie sur le fonctionnement familial, nous

pouvons nous appuyer sur la théorie générale des systèmes de Von Bertalanffy. Comme

nous l’avons vu à de nombreuses reprises, au cours de psychologie systémique donné

par le professeur D’Amore (2011) notamment, la famille représente un « système

d’éléments en interaction » où chaque membre agit sur l’autre et est agi par cet autre. Le

système familial peut être défini par différentes propriétés : la totalité (tout changement

d’un élément retentit sur l’ensemble du système et affecte les autres éléments), la non-

sommativité (le système familial est bien plus que la somme de ses membres),

l’équifinalité (dans une famille, le même état final peut être atteint par des itinéraires

différents), l’homéostasie (capacité du système familial à maintenir son équilibre de

fonctionnement malgré les changements et modifications de cet équilibre). Ce premier

chapitre va donc nous permettre de constater le degré auquel un changement – ici, la

maladie chez un enfant – retentit sur tout le système et comment il affecte le parent en

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Marquet Marie 5

tant qu’individu (en tant qu’homme, en tant que femme), le couple (conjugal et

parental) et la fratrie.

2.1.1 L’impact de la maladie sur le parent en tant qu’individu

Ces personnes, touchées en plein cœur par la maladie qui atteint leur enfant,

sont des individus uniques ayant une personnalité et un tempérament qui leur sont

propres avant d’être parents. Ainsi, en tant qu'homme et en tant que femme, quel impact

la maladie a-t-elle sur eux ? Réagissent-ils différemment ou de façon plutôt similaire ?

Selon la littérature, ces parents pourraient se sentir en détresse, chacun

individuellement. Cette détresse peut s’exprimer par de l’anxiété, de la dépression, ou

encore un stress traumatique. Cependant, certains facteurs sont déterminants pour

favoriser une meilleure adaptation chez l’adulte : la présence d’un soutien social solide,

l’absence de facteurs de stress supplémentaires à la maladie, une communication

ouverte, l’attribution de la maladie à des éléments externes plutôt que de la

culpabilisation. Toutes ces stratégies pourraient permettre aux parents de s’ajuster à la

situation de façon moins brutale (Alderfer et al., 2010).

Ensuite, certains chercheurs (Louchamp & Sabatier, 2018) font état d’une

différence entre les sexes. Effectivement, si nous prenons en compte la variable de la

cohésion existant entre les membres d’une même famille, il semble que le contexte de

maladie favorise l’augmentation de la cohésion entre la mère et l’enfant malade. La

relation affective unissant le père et l’enfant malade ne serait quant à elle pas affectée.

Cela peut s’expliquer par l’aménagement du quotidien que nécessite la prise en charge

médicale de l’enfant. De fait, les nombreuses hospitalisations, parfois de longue durée,

demandent une implication permanente des personnes responsables de l’enfant. Ainsi,

nous constatons que la mère occupe le plus souvent ce rôle de parent accompagnant

avec, comme conséquence, la mise entre parenthèse de son activité professionnelle.

Partageant la majorité de son temps avec son enfant, la façon dont la mère va s’adapter

au contexte de maladie – son état psychologique – a toute son importance et représente

un facteur déterminant dans la façon dont l’enfant lui-même va faire face à ce qu’il

traverse. Bouteyre (2017) stipule que l’annonce du cancer chez leur enfant bouleverse

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Marquet Marie 6

tout le système de croyances (valeurs, objectifs, vision de la vie) que les mères

appliquaient jusqu’alors.

Concernant les pères, Louchamp et Sabatier (2018) mettent en évidence leur

capacité à rebondir plus rapidement vis-à-vis du combat que leur famille doit mener. De

fait, il semble que leur niveau de détresse diminuerait plus vite que chez les mères.

2.1.2 L’impact de la maladie sur le couple conjugal

Ce sous-système se forme « quand deux adultes de sexe opposé s’unissent

avec le but déclaré de former une famille ». Certains savoir-faire lui sont nécessaires

pour réaliser les tâches qui lui sont attribuées afin que la famille fonctionne pour le

mieux : la complémentarité, l’adaptation, la réciproque. Ainsi, « le mari et la femme

doivent tous deux céder une partie de leur indépendance pour gagner en

appartenance ». De plus, ce sous-système va permettre aux conjoints de se réfugier en

cas de stress externes via le soutien qu’ils s’apportent mutuellement et va également

favoriser chez chacun l’apprentissage, la créativité et l’épanouissement. Pour en

ressentir les bénéfices, une frontière doit cependant exister entre eux et les autres sous-

systèmes afin d’avoir un espace qui leur est entièrement destiné (Minuchin, 1998).

Pour développer ce sous-système, nous pouvons évoquer la notion

d’attachement théorisée par Bowlby. Ce concept est souvent mis en parallèle avec le

développement de l’enfant. Cependant la théorie de l’attachement stipule également que

lorsqu’un système est menacé, le système comportemental d’attachement s’active

(Bowlby, 1982, cité par Santos et al., 2016). Dans la situation qui nous concerne

aujourd’hui, le cancer chez l’enfant, tout le monde ne réagit pas de la même façon :

lorsque le diagnostic chez l’enfant est posé, beaucoup de parents vont aller chercher

protection, soutien et sécurité chez leur partenaire. D’autres vont repousser leur conjoint

et faire preuve d’une certaine distance émotionnelle et d’indépendance. Certains, par

contre, vont tout faire pour se sentir le plus proche possible de l’autre pour combler

leurs inquiétudes. Santos et al. (2016) ont montré que la façon dont le couple réagit peut

avoir des répercussions sur le fonctionnement de l’ensemble de la famille. Ils montrent

également que l’attachement dit « évitant », présent chez les couples, semble être

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Marquet Marie 7

l’unique facteur ayant un impact négatif sur la cohésion familiale. Nous voyons donc ici

les conséquences que le style d’attachement romantique peut avoir sur l’ajustement

familial en général. Ce style, en plus d’avoir un impact sur la façon dont le couple voit

sa famille, impacterait aussi le regard des enfants sur cette dernière.

Enfin, nous pouvons nous demander si la maladie de l’enfant peut impacter

la relation de couple de façon sévère. A ce sujet, la littérature scientifique évoque la

possibilité d’une crise conjugale causée par le cancer de l’enfant (Oppenheim et al.,

2006). Dans tout le processus de la maladie, il semble que l’année suivant le diagnostic

soit la plus critique pour le couple, les conflits conjugaux apparaissant principalement

durant cette période (Alderfer et al., 2010).

A long terme, nous pouvons également constater l’impact que la maladie a

eu sur la relation. De fait, même si certains parents ont formé une équipe solide pendant

tout leur combat face au cancer, il arrive qu’ils constatent après coup qu’ils ont « été

chacun un père ou une mère pour leur enfant le temps des soins » mais que leur relation

conjugale en a souffert. Leur vécu à chacun n’a pas pu se rencontrer et tout un travail

est parfois nécessaire pour renouer certains liens qui ont été rompus (Bouthier, Colmon-

Demol, & Joron-Lezmi, 2017). Il semble que ces difficultés conjugales parfois

présentes ne soient pas perçues par l’enfant malade qui, lui, considère ses parents

comme étant plus proches depuis le diagnostic. Contrairement à ce que nous trouvons

dans la littérature, la vision de l’enfant serait donc protégée des conflits existants

puisque, au lieu de les séparer, la maladie aurait tendance à les rassembler selon lui

(Louchamp & Sabatier, 2018).

2.1.3 L’impact de la maladie sur le couple parental

Ce sous-système émerge lors de la naissance du premier enfant. Le sous-

système conjugal doit à présent prendre en charge la socialisation de son enfant tout en

préservant le soutien mutuel existant. Ainsi, la frontière présente devra permettre à

l’enfant d’avoir accès à ses deux parents tout en l’excluant de la relation conjugale. La

mission principale de ce sous-système sera de s’adapter aux nouveaux facteurs qui

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Marquet Marie 8

influeront sur les tâches de socialisation de leurs enfants et ce, tout au long de la vie

(Minuchin, 1998).

Avant tout, il est important de garder en tête l’hétérogénéité des parents que

nous pouvons rencontrer sur le terrain. Chaque couple parental est unique et vient avec

ses qualités, ses faiblesses et ses ressources ; ressources qu’il est essentiel de valoriser

autant que possible. Ils viennent également avec toute leur histoire familiale et leur

culture qu’il est indispensable de connaitre afin de mieux comprendre leur vision de la

maladie, leur façon d’entrer en relation avec l’autre (Oppenheim et al., 2006).

Lorsque l’un des enfants du couple est touché par cet immense et difficile

défi, des répercussions au sein du couple parental sont également constatées. L’annonce

de la maladie de leur enfant est considérée comme « une effraction, une désorganisation

de leur psychisme » (Bouthier et al., 2017), ce qui va compromettre un temps leur

aptitude à penser, à réfléchir, à se comporter de façon cohérente telle qu’ils le faisaient

avant cette nouvelle. Par la suite, un seul mot semble caractériser le quotidien de ces

parents : l’attente. L’attente des différents examens et leurs résultats, l’attente des

rendez-vous avec les médecins, l’attente des bonnes nouvelles – et parfois des moins

bonnes.

Ensuite, le profil des parents étant varié, nous pouvons donc observer

différents styles concernant leur relation vis-à-vis de l’enfant malade : la surprotection,

un réel soutien qui laisse toutefois place à l’autonomie de l’enfant ou un manque de

contrôle des émotions (Oppenheim et al., 2006). Toutefois, quel que soit le style

parental adopté par ces parents, il sera considéré comme leur façon à eux de faire face et

de se mobiliser pour leur enfant qui a besoin d’eux et de leur présence rassurante. Bien

que la stabilité du couple puisse être mise à mal, l’enfant, lui, ne le perçoit pas. Ce qu’il

voit, c’est que ses parents forment une équipe soutenante (Louchamp & Sabatier, 2018).

Ici, lorsque nous parlons de couple, nous évoquons bien le couple parental. Or, dans la

littérature, la limite entre parental et conjugal est parfois floue et peu précisée. La

maladie semble engendrer une confusion des rôles et une moins nette distinction entre le

versant conjugal et parental.

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Marquet Marie 9

Au niveau pratique et organisationnel vis-à-vis de leur quotidien, les parents

sont soumis à de nombreuses et lourdes responsabilités comme l’accompagnement de

l’enfant malade à l’hôpital, la prise en charge des effets secondaires, mais aussi des

tâches nécessaires pour maintenir la maison debout (ménage, travail), ainsi que la

gestion de leur propre sentiment de détresse. On peut dire qu’ils sont en conflit entre

leurs responsabilités envers l’enfant malade et celles envers les autres enfants. De fait,

tout ce stress fait qu’ils sont moins disponibles physiquement et émotionnellement pour

ces derniers (Alderfer et al., 2010). Par la suite, et malgré l’augmentation de la cohésion

familiale que le contexte de maladie peut provoquer, on retrouve régulièrement chez les

parents un sentiment de culpabilité dû à cette impression de négliger les membres de la

fratrie dits « sains ». Cette culpabilité peut également se résumer en une question :

« Qu’avons-nous fait de mal ? ».

Comme nous l’avons déjà mentionné, leur quotidien devient difficilement

contrôlable et ces parents vont combattre sur tous les fronts afin que la vie de famille

s’ajuste le mieux possible à ce contexte instable. Des difficultés financières peuvent

représenter un stresseur supplémentaire qu’il va falloir apprendre à gérer. De plus, nous

allons observer un changement concernant les règles et les priorités (Mathé et al.,

2015) : souvent, plus de règles vont être mises en place. Pourquoi ? Puisque le cancer

est quelque chose qui leur échappe, une chose sur laquelle ils n’ont aucun pouvoir, les

parents vont donc tenter de garder le contrôle sur la seule chose à propos de laquelle ils

ont encore un minimum de pouvoir : leur vie de famille.

Enfin, pour clôturer l’aperçu de ce sous-système, Kaplan, Kaal, Bradley et

Alderfer (2013) révèlent les résultats d’études ayant montré que les parents d’enfants

atteints du cancer peuvent, à long terme, présenter des taux élevés de stress post-

traumatique lié au cancer. Ces taux sont comparables à ceux trouvés dans la population

générale chez les adultes ayant vécu un événement traumatique (20% chez les femmes

et 8% chez les hommes). Pour faire face au traumatisme, Bouthier et al. (2017) citent le

déni comme principale défense utilisée par les parents. En d’autres termes, le déni peut

s’exprimer par un certain détachement de la situation, une mise à distance des émotions.

D’autres solutions peuvent être trouvées inconsciemment par les parents pour affronter

ce qu’ils traversent comme une implication excessive dans l’univers médical et des

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soins, ou encore dans l’univers religieux. Leur but étant de se défendre comme ils

peuvent contre la souffrance, l’anxiété, la culpabilité et la dépression qui peuvent les

gagner.

A long terme également, la maladie peut impacter la relation existant entre

les parents et leurs enfants. Le retour à la maison de l’enfant malade fait partie des

périodes critiques. Il peut être source d’angoisses pour les parents qui vont continuer à

surprotéger l’enfant, parfois encore plus que lors des allers-retours fréquents à l’hôpital.

La culpabilité et l’incertitude vis-à-vis de l’avenir continuent à faire partie des ressentis

de ces parents qui constatent parfois les conséquences physiques et psychiques que la

maladie peut avoir à long terme et qu’ils n’ont pas su empêcher. Ils se demandent

également quelle vie leur enfant aura et si un avenir paisible est envisageable. En lien

avec ces inquiétudes et suite aux traitements lourds parfois reçus par l’enfant, certains

chercheurs (Oppenheim et al., 2006) pointent surtout les préoccupations de certaines

mères concernant la possibilité pour leur fille d’avoir des enfants à l’avenir.

2.1.4 L’impact de la maladie sur la fratrie

Avant de parler des épreuves rencontrées par les fratries lorsqu’un de leurs

frères et sœurs est atteint du cancer, il est important de savoir à quoi fait référence ce

sous-système de façon théorique. Minuchin (1998) définit la fratrie comme un

« premier laboratoire de vie sociale dans lequel les enfants peuvent faire l’expérience

des relations avec leurs pairs ». Les frères et sœurs apprennent comment négocier,

coopérer, rivaliser.

Face à l’épreuve que représente le cancer chez l’un des frères et sœurs, le

sous-système et ses fonctions ainsi que ses caractéristiques s’en trouvent entièrement

bouleversés. Effectivement, les répercussions du diagnostic sur les frères et sœurs

s’observent tant au niveau émotionnel, qu’au niveau comportemental et social (Prchal,

Graf, Bergstraesser, Landolt, 2012). Par exemple, certains auteurs (Alderfer et al., 2010)

Mathé et al., 2015) constatent que la fratrie saine peut faire face à un ensemble

d’émotions auxquelles elle n’était pas préparée, comme au stress – voire même à la

détresse –, à l’anxiété, aux réactions de stress post-traumatique, mais aussi à la peur et à

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la tristesse ainsi qu’aux sentiments de solitude, de jalousie, de colère, de culpabilité…

Tout ce tourbillon émotionnel peut s’expliquer par leurs inquiétudes vis-à-vis de cette

maladie qui atteint leur frère ou leur sœur. Ces émotions naissent également de leur

quotidien entièrement bouleversé puisque, dès le diagnostic, la disponibilité des parents

envers la fratrie saine se réduit, tant physiquement qu’émotionnellement, comme nous

l’avons souligné précédemment (Prchal et al., 2012). En vis-à-vis, d’autres auteurs

(Oppenheim et al., 2006) évoquent dans certains cas le surinvestissement des frères et

sœurs, avec l’objectif que ces autres enfants répondront aux attentes inconscientes des

parents. Les modifications du rythme familial peuvent altérer la définition des rôles de

chacun, les fratries endossant plus de responsabilités à la maison (Alderfer et al., 2010).

On peut également retrouver chez les frères et sœurs un retrait social, des difficultés à

l’école, de la parentification et une moins bonne qualité de vie. Des problèmes de

comportements externalisés et des problèmes émotionnels internalisés sont

fréquemment mis en évidence, mais aussi certaines préoccupations vis-à-vis du risque

de rechute ou de problèmes qui pourraient survenir de façon inattendue. Tout comme

pour le couple, les répercussions observées sur les fratries semblent être surtout

présentes les premiers mois suivant le diagnostic et se dissiper avec le temps (Alderfer

et al., 2010).

Avec tous ces éléments, et comme le mentionne Murray (2001), il semble

que la fratrie soit le sous-système familial dont les besoins psychosociaux sont les

moins pris en compte.

Beaucoup d’aspects négatifs sont mis en lumière. Toutefois, il est à noter

qu’il existe malgré tout des effets positifs chez les fratries : toutes ces épreuves qu’elles

rencontrent accroitraient leur sensibilité et leur capacité à être empathique. Elles

seraient donc plus aptes à faire attention aux autres. De plus, elles auraient tendance à

apprécier la vie de façon plus intense que les fratries non concernées par la maladie. On

observerait également chez ces fratries une plus grande maturité et de meilleures

capacités de résilience ; ce qui leur permettrait d’assumer plus de responsabilités. Enfin,

tout cela donnerait lieu à des relations familiales – et fraternelles – plus proches, à une

amélioration du sentiment de cohésion familiale (Alderfer et al., 2010 ; Barrera, Chung,

Greenberg, Fleming, 2002 ; Murray, 2001).

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Marquet Marie 12

Ensuite, si nous nous basons sur le concept de qualité de vie concernant

la fratrie, des différences peuvent être remarquées selon les études. De fait, à l’heure

actuelle, il ne semble pas qu’il existe un véritable consensus vis-à-vis de l’impact du

cancer sur la qualité de vie de l’enfant. Par exemple, contrairement aux attentes et à

d’autres recherches scientifiques, une étude belge récente montre que la qualité de vie

des frères et sœurs ne serait pas plus affectée que celle du groupe contrôle (Havermans

et al., 2013). Ces chercheurs font également ressortir un aspect positif de cette difficile

expérience de vie : au sein de ces familles concernées par la question du cancer, il

semblerait que les frères et sœurs perçoivent leurs sensations corporelles différemment

puisqu’ils rapportent moins de douleurs. Toutefois, ce fait pourrait également

s’expliquer autrement : il pourrait s’agir d’une volonté de ne pas angoisser leurs parents

qui le sont déjà bien assez. Enfin, plusieurs auteurs (Alderfer et al., 2010 ; Havermans et

al., 2013) mettent en avant le facteur déterminant lié à l’âge et au sexe. Il semble que les

difficultés observées soient plus présentes à l’adolescence. Parmi les frères et sœurs, ce

sont les filles plus âgées qui seraient le plus à risque de développer une plus faible

qualité de vie. Houtzager, Grootenhuis, Hoekstra-Weebers et Last (2004) expliquent

cela par le fait que les filles ont plutôt tendance à vouloir tout comprendre de la

maladie ; ce qui est associé à moins d’émotions positives. L’âge, le sexe, mais

également le moment depuis le diagnostic joueraient donc un rôle dans l’évaluation de

cette variable.

En effet, plus le temps s’est écoulé depuis le diagnostic, plus les fratries

semblent gagner en résilience et s’habituer à la maladie et à tout ce qui l’entoure. Bien

que peu d’études aient trouvé des taux significatifs de dépression ou d’anxiété, il est

évident que ces fratries font face à plus de difficultés générales et que leur qualité de vie

semble être plus faible lorsqu’elle est comparée à celle des autres enfants (Kobayashi,

Hayakawa, & Hohashi, 2015). Attention toutefois à ne pas oublier que la qualité de vie

dépend également de facteurs sociaux et culturels.

Nous pouvons finalement nous demander pourquoi certaines fratries

semblent fonctionner presque parfaitement malgré la maladie alors que d’autres sont

plus vulnérables et plus susceptibles de développer des problèmes d’adaptation. On

apprend au fil des lectures que « la maladie d’un membre ne cause pas de nouveaux

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problèmes de santé mais les problèmes d’ordre psychologique et social préexistants se

détériorent dans de nombreuses situations » (Houtzager et al., 2004). La qualité de la

relation parents-enfants avant la déclaration de la maladie jouerait aussi un rôle dans la

présence de problèmes psychosociaux après le diagnostic. Toutefois, plusieurs auteurs

(Alderfer et al., 2010 ; Prchal et al., 2012) rapportent que les fratries n’exprimeraient

pas de psychopathologies – telles que des troubles de l’anxiété, de la dépression – mais

seraient en revanche plus susceptibles de développer des troubles au niveau émotionnel,

comportemental et social. Selon eux également, la période la plus critique pour les

fratries serait les deux ans suivant l’annonce du diagnostic. La détresse diminuerait

progressivement après cette période. L’adaptation des fratries semble donc être

déterminée par plusieurs facteurs : l’âge et le sexe des membres de la fratrie au moment

du diagnostic comme nous l’avons dit précédemment, le temps écoulé depuis l’annonce

de la maladie, le type de cancer et son traitement, le décès ou non de l’enfant malade, la

situation socio-démographique et les relations intra-familiales (Buchbinder et al., 2010).

Pour conclure, comme Alderfer et al. (2010) en font le constat, la

maladie peut impacter la fratrie d’une façon imprévisible et dépendant de plusieurs

facteurs. Un même enfant pourra vivre différemment un même stress selon son âge et

l’étape de développement dans laquelle il se trouve. De façon globale, nous pouvons lire

dans la littérature que l’évolution psychologique des frères et sœurs est majoritairement

positive.

Effectivement, la majorité des fratries ne développent pas de

psychopathologie à long terme bien qu’il existe malgré tout certaines personnes plus à

risque de faire face à plus de difficultés (Buchbinder et al., 2010). Enfin, certains

éléments ressortent plus nettement et se retrouvent chez la majorité des familles lorsque

l’on porte un intérêt plus ciblé pour ces fratries : la vie de ces enfants est à tous les

coups bouleversée puisqu’ils vivent à la fois des modifications négatives de leur

quotidien (le manque de disponibilité des parents, le changement des rôles familiaux et

des responsabilités et une remise en question de soi) et à la fois des changements plus

positifs (un rapprochement et une proximité familiale plus présente, une augmentation

d’autonomie, d’empathie et de maturité). L’intensité des émotions – solitude, rejet,

culpabilité, anxiété, etc. – fait aussi partie des facteurs qui prédominent dans ces

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Marquet Marie 14

situations. Il en va de même pour la difficulté à prendre sérieusement en compte les

besoins de ces frères et sœurs, qui sont en demande de plus de communication : pouvoir

discuter librement de ce qu’ils vivent et ressentent, pouvoir poser leurs questions sans

crainte, recevoir plus d’informations concernant la maladie de leur frère ou de leur

sœur, pouvoir continuer à vivre comme avant en maintenant leur quotidien à eux (école,

activités, copains) (Alderfer et al., 2010).

2.1.5 L’impact de la maladie sur la famille

Après avoir longuement développé l’impact qu’une maladie comme le

cancer peut avoir sur le sous-système de la fratrie, nous allons élargir le champ

d’observation au système global de la famille. La famille peut être considérée comme

« un lieu privilégié de socialisation de l’enfant et elle est cruciale dans son

développement » (Louchamp & Sabatier, 2018) ; développement tant relationnel

qu’émotionnel et comportemental. La famille va jouer un rôle déterminant dans la

construction de la personnalité de l’enfant. Selon l’approche systémique, elle est

également vue comme un système ouvert et dynamique auquel l’enfant appartient ; ce

dernier participant à son évolution et à son équilibre.

Comme nous l’avons déjà mentionné, le cancer d’un enfant bouleverse toute

la dynamique familiale, ainsi que l’équilibre préexistant. Par conséquent, nous pouvons

dire que la maladie qui touche un enfant affecte l’intégralité de la famille ; l’intégration

de l’entourage proche dans la prise en charge, en plus d’être utile, se révèle nécessaire

(Louchamp & Sabatier, 2018).

De fait, de nombreuses familles mentionnent que le contexte de maladie

provoque une rupture donnant lieu à un avant et un après. Les conséquences psychiques

qu’il provoque peuvent perdurer dans le temps et ce, chez chaque membre de la famille.

La façon dont chacun va pouvoir faire face à la situation va dépendre de différents

facteurs comme le type de maladie, la partie du corps touchée, le pronostic établi

théoriquement par les médecins, et la phase du processus dans laquelle la famille se

trouve (le diagnostic et les rechutes étant des périodes sources de davantage de stress),

mais également l’âge de l’enfant malade, la présence d’une fratrie et la place qu’il

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occupe au sein de celle-ci ainsi que l’histoire familiale (Bouthier et al., 2017). Nous

allons voir que le sous-système susmentionné joue un rôle capital dans la façon dont la

famille va faire face à cette expérience. De manière générale, l’intensité d’une relation

fraternelle varie au cours du temps. Toutefois, ces liens forts qui unissent un frère et une

sœur ont également un impact sur l’ensemble de la famille : ce qui touche un membre

de la fratrie va avoir des répercussions sur les parents mais aussi sur les autres frères et

sœurs (Nolbris, Enskär, & Hellström, 2007). Ainsi, il semble que cette relation

détermine en grande partie l’ambiance familiale et son adaptation après l’annonce du

diagnostic. Plus globalement, chaque membre de la famille va construire sa propre idée

de la façon dont il envisage sa relation à l’autre, ses interactions avec sa famille. Cette

représentation sera influencée par les changements que la maladie a provoqués au sein

même des interactions entre les différents membres et des nouveaux rôles qui leur ont

été attribués, le plus souvent implicitement (Louchamp & Sabatier, 2018).

Il est important de souligner qu’une famille n’est pas l’autre et que son

adaptation dépend de plusieurs facteurs. Il semble que le degré de détresse dépende

notamment des ressources que le système possède, ainsi que de la présence ou non de

stresseurs extérieurs à la maladie. De fait, une famille ayant peu de ressources et

rencontrant des obstacles supplémentaires à la maladie aura plus de difficultés à faire

face à cette épreuve (Williams et al., 1999). L’adaptation d’une famille est également

liée à l’équilibre que cette famille a pu trouver pour vivre ensemble avant la maladie et

le nouvel équilibre qu’elle va pouvoir construire à la suite du diagnostic. Comme

mentionné ci-dessus, cette notion de stabilité est très importante puisque nous savons

qu’un déséquilibre provoqué chez un membre de la famille peut affecter l’ensemble du

système (Oppenheim et al., 2006). Quel que soit le nouvel équilibre que la famille

trouve, Louchamp et Sabatier (2018) mentionnent la modification de la hiérarchie

familiale puisque les rôles de chaque membre de la famille vont être différents.

Ayant interrogés les enfants malades, ceux-ci ressentent en effet ces

transformations et sont conscients de la plus grande liberté de décisions que leurs

parents leur laissent, contrairement à leurs frères et sœurs. Suite à cette constatation, ils

disent ressentir également la distance que la maladie a créée entre eux et le reste de la

fratrie, mais aussi entre les parents et celle-ci.

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Enfin, de nombreuses familles semblent retirer du positif de ce qu’elles ont

vécu, une fois la tempête passée. De fait, elles expriment la nouvelle intensité de leur

relation parents-enfants, les liens que la maladie et l’adversité ont créés malgré elles. Da

façon identique, bien que la maladie ait mis au défi la relation unissant les frères et

sœurs, celle-ci s’en trouve bien souvent renforcée à plus long terme. En vis-à-vis, nous

pouvons aussi observer une mise à distance des conflits et tensions familiales

antérieures chez d’autres familles ; tout le système se restructurant autour de l’enfant

malade qui attire la majorité des préoccupations (Bouthier et al., 2017). Comparé à ce

qui se passe lors de l’annonce d’un cancer chez un adulte, l’attention focalisée tout à

coup sur l’enfant malade peut s’expliquer par le caractère particulier qui englobe le

diagnostic d’un cancer chez l’enfant puisqu’il renvoie à un sentiment d’injustice, du fait

que la maladie frappe un enfant, une personne en développement. Cet enfant est

conscient du bouleversement qu’il provoque involontairement et des répercussions

produites par sa maladie sur toute sa famille. Tant bien que mal, il va tenter d’y donner

une explication, à son échelle. Il observe et est sensible aux angoisses que ses parents

cherchent à dissimuler devant lui. Cette observation peut être source de stress pour lui

également : la peur d’être moins aimé de ses parents pour tous les soucis qu’il leur

impose malgré lui (les dépenses, les soins, les hospitalisations, le stress…). Tout cela va

impacter la relation qui unit les parents à leurs enfants. Cette relation va sans cesse

évoluer, avec des périodes plus conflictuelles et des moments de proximité ; le début de

la maladie étant constitué d’un mélange d’émotions où chacun veut soulager l’enfant

malade de ce qu’il vit en passant des moments privilégiés avec lui (Louchamp &

Sabatier 2018).

2.1.6 Les difficultés rencontrées

En lien avec l’impact que le contexte de maladie peut avoir sur les différents

sous-systèmes familiaux, nous pouvons consacrer ce sous-point aux principales

difficultés que ces familles peuvent rencontrer dans leur quotidien.

Dès l’annonce de la maladie, la famille est confrontée à une réalité

inconcevable : la mort de leur enfant. Effectivement, l’annonce d’un cancer chez leur

enfant a l’effet d’un choc où le temps s’arrête et où toute rationalité s’envole. Cette

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image s’impose à eux malgré leurs espoirs et les progrès scientifiques de ces dernières

années. Ainsi, à partir de ce moment-là, il n’y aura plus ni passé ni avenir aux yeux de

la famille qui sera dorénavant dans une dynamique de temps présent (Zucker, 2007).

Avec l’enjeu vital qu’amène le diagnostic du cancer chez l’enfant, nous

constatons ici une autre difficulté : le changement de temporalité. Le temps présent,

cette façon de vivre au jour le jour … Ce nouveau mode de vie va être ponctué par

différents rythmes. Tout d’abord, ces familles vont naviguer entre les temps d’urgence,

synonymes des périodes d’hospitalisations et de traitements, et les temps d’attente. A

côté de ces différents moments en lien avec l’enfant malade, les parents essaient

également de ne pas oublier le temps d’avant, le rythme quotidien précédant le

diagnostic. De fait, la vie de ces familles ne peut pas s’arrêter car, le plus souvent, elles

ont d’autres responsabilités qui les attendent : leur maison, leur travail, leurs autres

enfants (Bouthier et al., 2017).

A long terme, l’univers hospitalier qui pouvait les effrayer au début va

faire partie intégrante de leur quotidien et va apporter une autre dimension, rassurante,

un endroit où ces familles sont sures d’être en sécurité et qui permet à leur enfant d’aller

mieux. Ainsi, le moment du retour à la maison par exemple est un instant

particulièrement sensible qu’il est nécessaire de préparer. De fait, il s’agit d’un moment

de rupture où est observé une certaine ambivalence des émotions : souvent, les familles

ressentent à la fois un grand soulagement et de nouvelles angoisses liées au départ de ce

service contenant, rassurant. Par conséquent, ce retour à domicile est un réel défi pour

tout le monde puisqu’il est question de renouer avec leur ancien quotidien tout en y

greffant leur nouvelle façon de vivre, de lâcher prise en quelque sorte vis-à-vis du

monde hospitalier tout en n’oubliant pas la maladie et en restant vigilant vis-à-vis des

signaux qui les obligeraient à retourner à l’hôpital (Bouthier et al., 2017 ; Oppenheim et

al., 2006).

Ce retour à la maison, représentant une difficulté lui-même, s’accompagne

d’un autre réel défi pour la famille – et les parents surtout – puisqu’il s’agit d’entamer

tout un travail de deuil. L’enfant malade étant pourtant bien présent, vivant et guéri ou

en tous cas, ayant quitté la tourmente des nombreuses hospitalisations angoissantes.

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Par conséquent, faire le deuil de quoi ? De qui ? De la perte de leur enfant

d’avant. Des parents qu’ils étaient avant. Effectivement, il est question d’entamer un

sérieux travail afin de se défaire progressivement de l’idéal familial que chacun s’était

construit et ce, afin d’élaborer leur nouvelle identité familiale en diminuant peu à peu

leur sentiment de déception, d’angoisse et d’impuissance. Avec le travail de perte vient

aussi le travail d’un nouvel investissement. L’investissement de leur enfant et de leur

famille, tous deux modifiés. Tous ces changements représentent un réel défi pour ces

parents. De fait, ce contexte de maladie a tendance à favoriser des processus de care et

de holding (Winnicott, 1970, cité par Bouthier et al., 2017) et donc de renouer avec la

relation qu’ils avaient pu établir avec leur nouveau-né. Pour rappel, le terme de holding

correspond à « l’ensemble des soins de la mère donnés à l’enfant pour répondre à ses

besoins physiologiques spécifiés selon ses propres sensibilités tactile, auditive, visuelle,

sa sensitivité à la chute et qui s’adaptent aux changements physiques et psychologiques

de l’enfant. L’aspect essentiel du maintien, est le fait de tenir physiquement l’enfant »

(Winnicott, cité par Boukobza, 2003). Le processus de care « met l’accent sur

l’attention portée à quelqu’un et sur l’intérêt qui est pris pour cette personne »

(Winnicott, cité par Lehman, 2005). Prendre soin de leur enfant occupait tout le temps

de ces mères, au détriment de tout le reste et de ce que nécessite parfois le réel stade de

développement dans lequel se trouve leur enfant. Le retour à la maison est bien souvent

problématique car les parents constatent l’importance de fournir de nouveau une

certaine structure, un certain cadre à leur enfant qui a vécu dans un univers où on ne lui

refusait que peu de choses. Fixer de nouvelles limites fait donc partie des défis que les

parents rencontrent à moyen et long terme (Bouthier et al., 2017).

Ensuite, comme nous l’avons développé précédemment, et comme cela est

l’objet de la présente recherche, une des principales difficultés de ces familles est de

« continuer à faire famille » de façon sensiblement identique avec chaque membre du

système (Bouthier et al., 2017). Ces mêmes auteurs constatent que l’investissement de

l’enfant malade diffère souvent de celui donné aux frères et sœurs. Les demandes

implicites qui pèsent sur leurs épaules, celles de s’adapter sans bruit notamment,

peuvent donner lieu à des problèmes difficilement gérables pour eux. Afin de rétablir un

certain équilibre identique pour chacun, il s’agira de redonner une place à ces frères et

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Marquet Marie 19

sœurs, de leur remettre en mains leur droit de ressentir des émotions, quelles qu’elles

soient, de vivre dans la maladie mais également en dehors de celle-ci.

Les difficultés mises en avant par les fratries elles-mêmes concernent le

manque d’informations concernant la situation. Elles expriment leur manque de

compréhension vis-à-vis des causes de la maladie (Pourquoi cette maladie ? Pourquoi

mon frère/ma sœur ?). Continuer à vivre leur quotidien à l’extérieur de l’hôpital

(l’école, les activités) semble également représenter un sérieux obstacle pour elles au

début. A plus long terme, les frères et sœurs éprouvent quelques difficultés à s’adapter

aux conséquences potentielles de la maladie et aux changements physiques pouvant être

engendrés (Freeman, O’Delle, & Meola, 2003).

2.2 Les informations objectives sur la maladie et

la communication autour de la maladie

La façon dont les informations concernant la maladie vont être transmises à

la famille, et plus spécifiquement à la fratrie, semble être déterminante pour l’adaptation

ou non des frères et sœurs à la situation que la famille traverse. Qui transmet les

informations ? Dans quelles conditions sont-elles transmises ? Quelles conséquences la

révélation a sur les enfants et le reste de la famille ? Autant de questions qui nécessitent

une attention toute particulière. Communiquer autour de la maladie ne se limite pas à

transmettre des informations aux familles. Il s’agit également de construire une relation

humaine de confiance entre médecins et familles, et ce, dès l’annonce de la maladie. Le

premier entretien a toute son importance car, le plus souvent, il reste gravé dans la

mémoire des personnes présentes. Il doit donc être réfléchi et préparé minutieusement.

Au niveau pratique, il importe de prévoir un endroit au calme, confortable et où le

médecin ne se fera pas déranger afin d’être entièrement disponible pour la famille. Cette

relation va se construire différemment selon le type de maladie, le stade dans lequel

l’enfant malade se trouve, l’âge de ce dernier, la culture familiale, les relations

qu’entretiennent les enfants avec leurs parents et les enfants entre eux. Tous ces

éléments vont déterminer le type de relation qui va pouvoir se développer entre le

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médecin référent et la famille, mais aussi entre l’ensemble de l’équipe soignante et

celle-ci (Zucker, 2007).

Bien que les médecins soient fréquemment confrontés à ce moment délicat

qu’est l’annonce d’un cancer chez l’enfant, ils n’y sont pas pour autant mieux préparés

avec l’expérience. Effectivement, chaque situation possède sa singularité, chaque

famille possède sa façon unique de réagir au stress et à l’imprévisibilité de la vie. Ainsi,

les médecins, avec tout le professionnalisme dont ils peuvent faire preuve, n’ont aucun

contrôle, aucune maitrise sur la manière dont vont réagir leurs interlocuteurs après la

révélation de cette réalité inconcevable, comparable à un choc, voire à un traumatisme.

Nous pouvons d’ailleurs constater que l’annonce d’un cancer chez l’enfant renvoie les

parents à une vision incontrôlable et inconsciente de la mort et de la souffrance, malgré

les avancées scientifiques et les progrès continus permettant un taux de guérison

grandissant (Bouthier et al., 2017 ; Zucker, 2007) ; élément que les chercheurs et

professionnels du terrain qualifient de nécessaire à répéter de nombreuses fois au cours

du long processus parcouru par les familles.

Zucker (2007) fournit un canevas contenant quelques indices utiles à

transmettre aux familles lors de l’annonce de la maladie : le nom de la maladie ainsi

qu’un schéma permettant de se représenter ce qui se passe dans le corps de l’enfant, les

solutions existantes actuellement et les traitements à envisager au niveau thérapeutique,

l’implication délicate du médecin qui se rendra disponible autant de fois que nécessaire

afin qu’une représentation proche de la réalité puisse se construire dans l’esprit des

familles. Ces rencontres avec le médecin permettent aux parents de baser leur idée de la

maladie sur des éléments objectifs et scientifiques et non pas sur des informations

parfois dramatiques récoltées sur divers sites Internet sans validité. Par conséquent, cela

les aide également à atténuer certaines de leurs angoisses irréalistes.

Après l’annonce de la maladie, d’autres informations doivent être

communiquées aux familles en gardant à l’esprit qu’on leur déclare que tout leur

quotidien va être bouleversé et qu’elles vont être forcées d’intégrer un univers inconnu

qui peut être source d’angoisses pour chacun. Ainsi, il est important de faire visiter le

service dans lequel elles vont vivre durant un temps indéterminé. En outre, des

documents écrits peuvent aussi s’avérer utiles pour répondre aux questions qui restent

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Marquet Marie 21

parfois en suspens. Ensuite, il est important de veiller à transmettre toutes ces

informations nouvelles de façon adaptée aux personnes qui se trouvent face à nous :

selon la culture de la famille, l’âge de l’enfant malade ainsi que celui de ses frères et

sœurs.

Concernant la communication autour de la maladie avec les fratries, toute

une réflexion a lieu au moment du diagnostic sur la manière dont les parents et les

médecins vont s’adresser à celles-ci. Certains chercheurs (Freeman et al., 2003 ; Nolbris

et al., 2007) ont pu déceler chez les frères et sœurs un manque d’informations

concernant la maladie et ce qu’elle implique. Cette impression de manque de

considération semble ressortir lors des entretiens menés avec les fratries. Or, ce sous-

système a besoin d’être pris en compte en tant que membre du système et de ce qu’il

traverse (Nolbris et al., 2007). Les préoccupations prédominantes des fratries

concernent les causes de la tumeur et les problèmes qu’elle suscite chez leur frère ou

leur sœur. Le manque d’informations sur la maladie et sur la suite des événements fait

partie des problèmes les plus fréquemment évoqués. Ils sont d’autant plus présents lors

des hospitalisations de l’enfant malade. Enfin, lorsque malheureusement la maladie

gagne la bataille, les fratries évoquent de nouveau le manque d’informations quant à la

fin de vie et à la préparation psychologique que ce décès nécessite.

Parfois les parents peuvent choisir d’exclure les enfants de cette situation

difficile. Ils vont donc se mettre d’accord afin que les frères et sœurs ignorent ce qu’il se

passe réellement et vont leur cacher l’état de santé du membre de la famille malade. Ce

choix, bien que compréhensible, ne reste pas sans répercussions sur la fratrie. Ces

enfants, exclus de la situation familiale, sentent bien une certaine anomalie dans

l’atmosphère. Ainsi, plusieurs études montrent que ce sentiment de malaise peut se

traduire chez eux par de la jalousie, de la culpabilité, un sentiment de solitude, mais

aussi par des troubles du sommeil et de l’alimentation et par une altération du

fonctionnement physique. Toutes ces perturbations semblent moins présentes chez les

fratries qui reçoivent un bon soutien social. Cependant, que les parents choisissent de

taire la maladie ou d’y inclure chacun des membres, il est évident que toute la famille

fait face à une rupture dans son quotidien. Ainsi, on remarque que les frères et sœurs

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Marquet Marie 22

éprouvent parfois des difficultés à communiquer avec les parents au sujet de ce qui les

tracasse vis-à-vis du cancer mais aussi de leurs émotions.

Dans d’autres cas, les fratries ne sont pas forcément mises à l’écart de la

maladie mais certains parents choisissent d’éviter une rencontre plus formelle entre le

médecin et leurs enfants, ou même une discussion claire entre parents et enfants. Les

raisons pour lesquelles une discussion autour des causes médicales n’a parfois pas eu

lieu entre les parents et la fratrie semblent liées à un désir de protection de la part de ces

premiers. Dû à ce manque de communication, certains auteurs ont remarqué que les

fratries avaient parfois des représentations erronées vis-à-vis de la maladie dont souffre

leur frère ou leur sœur (Freeman et al., 2003).

2.3 Les représentations et le vécu du système

familial par rapport au diagnostic, à la

maladie

Quelles représentations de la maladie et du diagnostic ces familles vont-

elles se forger? Ces représentations diffèrent-elles entre entre enfants et parents ?

Quelles émotions cela provoque-t-il chez chacun ?

Comme nous avons déjà pu l’évoquer, les parents semblent associer le

moment du diagnostic à un réel traumatisme, un choc, un jour dont ils se souviendront

toute leur vie avec une intensité émotionnelle extrême : d’une manière brutale et

totalement inattendue, leur vie change du tout au tout.

Effectivement, avec le sentiment d’attente (évoqué dans le point destiné à

l’impact de la maladie sur les parents), les chercheurs observent une intensité des

émotions ainsi que de l’hypervigilance, les parents étant sans cesse aux aguets.

Émotionnellement, les parents font face à un sentiment de dépossession et

d’impuissance difficile à gérer. De fait, dès l’annonce et aux yeux des parents, le

médecin va occuper la place de celui qui sait ce qu’il faut faire pour améliorer le bien-

être, et surtout la santé, de l’enfant. De plus, l’impuissance va de pair avec un sentiment

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de culpabilité : ils n’ont rien pu faire pour éviter à leur enfant de traverser cette épreuve.

Ce sentiment de dépossession va principalement être éprouvé par la mère. Par

conséquent, les chercheurs observent un maternage dit régressif de la part de celle-ci,

comme une tentative de reprendre un certain contrôle sur ce qui lui échappe (Bouthier et

al., 2017). Ces parents vont donc être confrontés à la détresse, aux doutes et à

l’incertitude de pouvoir sauver leur enfant, à la culpabilité face à l’inéluctable, à la

colère et au sentiment d’injustice. Et pourtant… De manière générale, nous allons

constater qu’à long terme, ces mêmes parents qui nous étaient apparus abattus, vont se

relever de façon admirable et faire preuve de capacités de résilience et de résistance au

stress étonnantes. La majorité d’entre eux montrent une adaptation plutôt correcte à ce

contexte instable. Contrairement à certaines idées préconçues, il semble que la présence

d’une pathologie soit plutôt rare chez ces adultes confrontés au cancer de leur enfant

(Bouteyre, 2017).

Le vécu des parents est également associé à un grand sentiment de

déception vis-à-vis du soutien social reçu à la suite de l’annonce de la maladie. Or,

comme dit ci-après, le soutien social joue un rôle très prépondérant dans la façon dont la

famille va pouvoir répondre à cette épreuve (Koivisto & Alto (2013), cités par

Bouteyre, 2017). Ces mêmes chercheurs identifient un pic de soutien au début de la

prise en charge, c’est-à-dire à l’arrivée de la famille au sein du service où sera soigné

l’enfant pendant une période indéterminée. Par la suite, la présence de l’entourage, que

les parents pensaient proche, s’estompe. Dans le cas de ces familles réalisant qu’elles

devront combattre seules la maladie, il peut être utile de rester vigilant à leur sentiment

de déception ; en effet, ce dernier pourrait aggraver leur détresse psychologique.

Cependant, en fin de compte, quelle que soit la façon dont le soutien social se

manifeste, il est important d’y prêter une attention particulière car, dans certaines

situations, il se peut que le soutien soit bien présent mais qu’il soit inadéquat. Par

conséquent, cela pourrait avoir des effets délétères sur la santé de l’enfant, son bien-être

et celui des autres membres de la famille (Bouteyre, 2017).

Le vécu des fratries est marqué par un mélange de sentiments

confus allant de la jalousie – l’attention étant majoritairement centrée sur le frère ou la

sœur malade – au sentiment d’abandon de la part de leurs parents. Par la suite, un

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Marquet Marie 24

sentiment de culpabilité peut émerger du fait d’oser assumer leurs émotions alors

qu’eux ne sont pas malades. Aux yeux des fratries, la maladie les éloigne tant de leurs

parents que de leur frère ou sœur, avec qui elles passaient beaucoup de temps à la

maison dans laquelle, du jour au lendemain, elles se sentent tout à coup très seules.

2.4 Les ressources de la famille

Après les représentations de la maladie par la famille, nous allons à présent

évoquer les ressources sur lesquelles ces familles peuvent s’appuyer. Quels moyens,

quelles solutions trouvent-elles pour faire face ? Y a-t-il un versant – émotionnel,

relationnel, financier, culturel et religieux – plus efficace qu’un autre pour les soutenir

au mieux ? Peut-on parler d’une certaine forme de résilience dans ces situations ? La

résilience familiale peut être définie comme « un potentiel d’adaptation positive à la

mesure des facteurs disponibles issus des différents modèles organisationnels et

communicationnels familiaux et de leur interaction avec les écosystèmes, lorsqu’un

risque familial perturbe profondément la dynamique familiale » (Henry, Sheffield-

Morris, & Harrist (2015), cités par Bouteyre, 2017). En tous cas, certains éléments

semblent jouer le rôle de facteurs de protection. Nous les citons ci-après.

D’abord, selon plusieurs auteurs (Freeman et al., 2003 ; Murray, 2001 ;

Nolbris et al., 2010), le soutien social représente une ressource plus que précieuse pour

ces familles, tant pour les parents que pour les fratries (enfant malade et enfants dit

« sains »). De manière générale, le soutien social peut émaner de plusieurs réseaux :

médical, familial, amical, professionnel. Afin d’être le plus efficace et soutenant

possible, il doit répondre un maximum aux besoins et attentes des familles, il n’y a pas

de règles à respecter, toujours proposé mais jamais imposé (Bouteyre, 2017).

Effectivement, le soutien social peut aider les fratries à affronter l’épreuve que

représente le cancer chez leur frère ou leur sœur. Quant à l’enfant malade, plus il

recevra de soutien social de la part de ses proches, plus ses stratégies pour faire face à la

maladie seront efficaces, d’après Mathé et al. (2015). Nous pouvons ainsi relever par

exemple le rôle important que peuvent jouer les interactions familiales dans la

perception de la maladie et dans la façon dont les symptômes de la maladie vont être

supportés. Meynckens-Fourez et Tilmans-Ostyn (2012) définissent une interaction

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Marquet Marie 25

comme un « comportement d’un membre de la famille qui devient un stimulus pour

d’autres, ce qui à son tour fait naître une réponse qui devient un stimulus ». Ainsi, le

comportement d’un membre de la famille aura des répercussions sur les autres

membres. L’importance de la relation fraternelle – considérée comme le lien familial le

plus puissant - doit également être mentionné. Meynckens-Fourez et Tilmans-Ostyn

(2012) ont investigué la ressource que peut représenter cette relation en mettant en

lumière les trois fonctions principales remplie par la fratrie : la fonction d’attachement,

de sécurisation, de ressource, la fonction de suppléance parentale et la fonction

d’apprentissage des rôles sociaux et cognitifs.

On peut observer que les frères et sœurs sont souvent dépendants l’un de

l’autre puisqu’ils se soutiennent et se supportent, tout cela permettant l’installation

d’une certaine confiance entre eux. Ainsi, dans le cas du cancer pédiatrique, il peut être

intéressant de renforcer la complicité qui existe entre l’enfant malade et ses frères et

sœurs. Complicité qui sera une puissante ressource durant tout le parcours.

Lorsqu’une approche groupale est proposée comme accompagnement, ce

soutien social au sein d’un groupe de pairs leur permet de voir qu’ils ne sont pas seuls,

de partager leur vécu avec ces personnes vivant à peu près le même quotidien ou les

mêmes questionnements (Nolbris et al., 2010). Au-delà du soutien social et amical,

Freeman et al. (2003) mettent en avant l’importance du soutien et de l’harmonie

familiale pour ne pas affronter cette épreuve seul. Ces mêmes chercheurs évoquent

également la religion comme ressource. Croire en une force supérieure permettrait

également de se sentir soutenu et donnerait un certain aplomb à ces personnes.

Concernant les fratries et les différentes formes de soutien social existantes,

les droits de visite à l’hôpital semblent être également une ressource. De fait, être en

contact avec la réalité de la situation, avec le quotidien de leur frère ou leur sœur, les

aiderait à mieux faire face. Cela leur permet d’être dans un mécanisme d’observation et

d’intégration puisqu’ils sont présents et peuvent constater comment se déroule la

succession des événements à l’hôpital. Ils peuvent également mettre des visages sur des

noms parfois entendus à la maison : le nom d’un infirmier, d’un médecin ou même d’un

médicament. Via ces visites, les fratries peuvent interagir avec l’équipe soignante et

parfois en profiter pour obtenir des réponses à leurs questions ; questions qu’elles

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Marquet Marie 26

n’osent éventuellement pas toujours poser à leurs parents. Il semble également que cette

ressource favorise la cohésion familiale puisque les fratries se rendent souvent à

l’hôpital avec d’autres membres de la famille, des personnes de confiance comme les

grands-parents, les parrains, les marraines…) (Freeman et al., 2003).

Une autre ressource pour les fratries ressort dans la littérature. En 2001,

Murray a réalisé une étude cherchant à déterminer quel type de soutien est plus

favorable comme ressource, selon les fratries elles-mêmes. Les résultats montrent qu’il

s’agirait du soutien émotionnel. C’est-à-dire que ces frères et sœurs sont à la recherche

de personnes capables d’être attentives et à l’écoute de leur ressenti, leur vécu et de

pouvoir également y répondre de façon adaptée. Cette recherche sera plus longuement

développée dans le chapitre suivant.

Ensuite, la qualité des accompagnements proposés constituerait

également un autre type de ressources pour les familles, et principalement pour les

parents. Effectivement, les différents types de suivis proposés aux parents vont

permettre de tempérer le traumatisme que peut représenter l’annonce de la maladie et ce

qu’elle implique pour la suite (Bouteyre, 2017).

A l’égal de la recherche concernant le soutien social des fratries, les prises

en charge proposées pour les parents seront développées par la suite, dans le sixième

chapitre dédié justement à l’accompagnement des familles.

2.5 L’accompagnement des familles et des

fratries

Nous allons à présent aborder plus en détails les recommandations de la

littérature scientifique pour prendre en charge les familles confrontées à la maladie chez

un enfant. Actuellement, nous pouvons dire que de sérieux progrès sont observés

concernant la prise en charge purement médicale du cancer pédiatrique. Toutefois,

malgré ces avancées permettant un taux de survie grandissant, le cancer reste une

expérience difficile à vivre psychologiquement tant pour l’enfant que pour sa famille.

Effectivement, comme nous l’avons dit, il ne faut pas oublier qu’un diagnostic de

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Marquet Marie 27

cancer provoque bien souvent des émotions et pensées désagréables. Par conséquent, les

besoins des familles ont changé avec le temps : d’une demande axée plutôt sur le

versant médical, nous sommes passés à une volonté de prendre soin du versant

psychologique (Jalenques, Levallois, Geneste, & Demeocq, 2007).

Dans ce cadre-ci, lorsque le diagnostic vient bouleverser l’univers

familial et sa dynamique, il semble important que l’accompagnement soit simplement

proposé à la famille et non pas imposé. Ainsi, le choix d’accepter ou non l’intervention

de l’équipe soignante appartient à la famille ; de même pour l’implication de la fratrie.

Au sein de ces services, l’équipe médicale pointe l’importance de maintenir un lien avec

les parents et les frères et sœurs. Cela implique un certain aménagement au sein de

l’hôpital ou à proximité pour accueillir et héberger les familles. En plus d’être

accueillies, l’accompagnement des familles nécessite le droit à une information de

qualité et adaptée à chacun, parents et enfants. Effectivement, l’univers médical n’est

pas toujours connu de tous. Il est donc important de renseigner les familles et de mettre

en mots le diagnostic, ainsi que les différents traitements que l’enfant malade va

recevoir (Jalenques et al., 2007). Cette transmission d’informations peut se réaliser de

plusieurs façons : via un soutien social, via les médecins et infirmières et/ou via un

accompagnement psychologique. De plus, une bonne information peut avoir des effets

positifs pendant tout le processus de la maladie : cela va notamment valoriser les

parents qui, en se sentant dans une relation de confiance, vont se sentir compétents. Une

information de qualité évite également toute incompréhension ou quiproquo

(Oppenheim et al., 2006).

2.5.1 La prise en charge des fratries

La question qui nous intéresse principalement aujourd’hui est de savoir

comment aider au mieux ces familles, et en particulier les fratries. Avant de développer

plus rigoureusement les différents types d’accompagnement existants, quelques facteurs

peuvent être cités pour aider les fratries dès le début de la maladie : la liberté de rendre

visite à leur frère ou à leur sœur dès qu’ils le souhaitent, la possibilité de rencontrer un

psychologue sous forme d’entretien individuel ou de groupe, la possibilité également de

recevoir des réponses à leurs questions au sujet de la maladie en rencontrant un médecin

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du service. En d’autres termes, nous pouvons citer cette phrase qui nous dit si justement

comment aider les familles : « aider les parents et la fratrie c’est les aider d’abord à

accompagner l’enfant tout au long du traitement et à garder leur position parentale et

fraternelle » (Oppenheim et al., 2006).

Concernant les différents types d’accompagnement pour les frères et sœurs

mis en place, la littérature recense principalement les groupes d’intervention et de

parole. Le plus souvent, il s’agit d’une prise en charge divisée en plusieurs rencontres

organisées au sein de l’hôpital dans un intervalle de temps donné. Chaque séance

comporte une thématique spécifique et un média est souvent utilisé pour faciliter la

discussion ainsi que la cohésion du groupe. Les principaux éléments qui sont évoqués,

souvent spontanément, par les fratries sont la mort, les premiers moments de solitude,

l’ennui et le sentiment d’abandon que la maladie de leur frère ou sœur engendre, les

moments d’hospitalisation et les moments de retour à la maison, leur vie à l’école

depuis la maladie, la rivalité naissante avec le frère ou la sœur malade due à l’adaptation

de toute la famille à cet unique enfant. Ces enfants évoquent également leur vision de la

maladie, de l’hôpital, du physique changeant de leur frère ou de leur sœur (Bass,

Trocmé, & Leverger, 2005). Ce système de groupe de parole a su prouver son succès.

En effet, à long terme, les scientifiques observent « une diminution des symptômes

d’anxiété et de dépression, des problèmes de comportement, et de la peur liée au

cancer » (Barrera et al., 2002 ; Nolbris et al., 2010). Cette forme d’accompagnement

des fratries aurait donc des effets positifs sur les difficultés psychologiques que les

frères et sœurs peuvent rencontrer. De plus, les bénéfices de ces séances de groupe

semblent s’étendre à la famille entière puisqu’elles aideraient les fratries à oser

demander de l’aide, directement au sein de leur famille. Effectivement, la dynamique du

groupe permet la construction d’un petit microcosme au sein duquel les fratries

constatent progressivement le vécu commun partagé avec chacun. Par la suite, un

sentiment d’appartenance et de sécurité nait et autorise les fratries à mettre des mots sur

leurs ressentis, leurs peurs et craintes, d’abord entre eux et ensuite auprès de leurs

parents. Jusqu’alors, il semble que la communication ait été bloquée. Ce dénominateur

commun ressort chez de nombreux frères et sœurs : la peur de faire du mal aux parents

en leur rajoutant un souci supplémentaire. On voit alors s’installer dans les familles des

non-dits et du silence, donnant lieu à de l’anxiété chez les fratries (Bass et al., 2005). Un

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Marquet Marie 29

autre bénéfice de ces groupes a été leur effet de facteur déclencheur à des demandes

plus spécifiques dans certaines familles. De fait, dans certains cas, ces séances donnent

lieu à un désir de thérapie individuelle de la part d’un des membres de la famille, voire à

un désir d’entreprendre une thérapie familiale.

Malgré les nombreux bénéfices existant dans l’approche groupale,

plusieurs améliorations sont à réfléchir pour l’avenir. Par exemple, certains chercheurs

(Bass et al., 2005) ont perçu une demande implicite de la part de nombreux parents :

certes, les séances de groupe sont utiles à tous, mais ne serait-il pas possible d’envisager

cette prise en charge à l’extérieur de l’hôpital ? Cette question a du sens puisqu’il faut

garder à l’esprit que certaines familles peuvent associer l’hôpital au traumatisme qu’a

généré le moment du diagnostic, aux inquiétudes qu’il a provoquées chez chacun et au

bouleversement familial que cela a occasionné. Ainsi, ce type d’approche peut

également s’envisager sous un autre angle : la création et la mise en place de « camps

fratries ». Cet accompagnement en dehors du cadre hospitalier a ses avantages

puisqu’il permet de réunir autrement ces enfants d’âges différents qui partagent la

même expérience, celle d’avoir un frère ou une sœur malade. Tout comme lors des

groupes de parole, les chercheurs constatent qu’être en groupe avec des pairs autorise

les fratries à exprimer leurs ressentis, leurs émotions souvent gardées secrètes. En

d’autres termes, elles se sentent en sécurité et libres de poser toutes les questions qui les

préoccupent et ce, entourées de personnes qui vivent la même situation et qui, par

conséquent, risquent d’être moins confuses d’y répondre. De plus, le profil hétérogène

des participants offre à tous une large palette concernant la façon de répondre à la

situation. Un autre élément important ressort de ces camps : le droit au bonheur.

Effectivement, les frères et sœurs ont pointé l’importance « d’avoir le droit

d’être heureux même s’ils traversent une période difficile » (Nolbris et al., 2010).

En 2001, Murray mentionne l’importance de mettre en place des

interventions axées sur le soutien social des fratries. Effectivement, elles joueraient

un rôle dans la façon dont les frères et sœurs font face psychologiquement à la maladie.

Ils ont tenté d’évaluer quelle forme du soutien social (émotionnel, informationnel,

instrumental, lié à l’évaluation) il est important de mettre en évidence. Le versant

émotionnel reprend des éléments comme l’empathie, l’encouragement, la

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compréhension, l’amour et la confiance. Le soutien instrumental consiste à aider autrui

matériellement ou financièrement par exemple. Le côté informationnel se charge de la

transmission d’informations pour faciliter la compréhension de la situation. Enfin, le

côté lié à l’évaluation concerne l’auto-évaluation de nos propres représentations de la

situation. Cette recherche a pu mettre en lumière la contradiction existant entre les

perceptions des fratries elles-mêmes et celles de leurs parents envers elles. Il semble que

les fratries souhaiteraient que l’accompagnement soit orienté de façon à répondre à leurs

besoins émotionnels et instrumentaux. En d’autres termes, elles sont en demande de

personnes dans leur entourage prêtes à accueillir leurs préoccupations et auprès de qui

elles peuvent déposer leurs émotions. Les fratries souhaiteraient également pouvoir

compter sur quelqu’un pour les aider à un niveau plus matériel pour qu’elles puissent

maintenir leur rôle dans leur quotidien précédant l’annonce de la maladie : comme par

exemple conduire les enfants à leurs activités extra-scolaires, les aider à faire leurs

devoirs. Les parents, quant à eux, pensent que le soutien doit être émotionnel et

informationnel. C’est-à-dire que les fratries devraient recevoir plus d’informations

concernant la maladie qui touche leur frère ou leur sœur. Actuellement, les différents

types d’accompagnement proposés dans les services d’oncologie pédiatrique semblent

répondre en partie aux besoins émotionnels des fratries. Toutefois, il existe peu de

réflexions et donc de solutions concernant le maintien du rythme quotidien des fratries

préexistant à la maladie.

2.5.2 La prise en charge des parents

Bien que la présente étude se consacre principalement à la prise en charge

des fratries, nous pouvons également développer brièvement le soutien qui peut être mis

en place pour les parents. Nous allons donc nous intéresser à présent aux types

d’accompagnement qui peuvent leur être proposés afin de les aider au mieux dans leur

combat contre la maladie d’un des leurs. Bouteyre (2017) indique l’importance et

l’utilité de proposer une prise en charge à ces parents dès l’annonce de la maladie. Ce

soutien précoce peut faire office de prévention en ce sens qu’il permet à ces parents

d’éviter de se laisser envahir par leurs angoisses et leurs nombreux questionnements

émergeant à la suite du diagnostic. Cela va permettre de mettre des mots sur leur vécu et

de les aider à anticiper, à avoir une idée des risques d’évolution de la maladie de leur

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Marquet Marie 31

enfant. Les questionnements très souvent évoqués peuvent être synthétisés par ces

questions : « Suis-je le/la seul(e) à ressentir ça ? à m’inquiéter pour ça ? à me sentir

débordé(e) par l’évènement ? à craindre de ne pas pouvoir assumer le quotidien ? »

(Bouteyre, 2017). A plus long terme, cela permet d’atténuer le traumatisme et de rendre

aux parents la foi qu’ils avaient précédemment en la vie, en leur compétence parentale,

en leur capacité à affronter les épreuves dressées devant eux.

Ensuite, accompagner les parents ne se limite pas à avoir recourt à des

professionnels de la santé. Effectivement, cela peut aussi se matérialiser sous forme

d’un soutien apporté par les pairs. C’est-à-dire des parents partageant la même

expérience qu’eux mais étant dans une autre dynamique, dans un processus plus avancé

et non pas au stade de l’annonce de la maladie. Ayant un léger recul sur la situation, ces

« parents-experts » peuvent s’avérer être un réel soutien pour ces parents nouvellement

confrontés à l’univers difficile et instable de la maladie. D’égal à égal et avec des mots

simples, loin des termes scientifiques utilisés par les médecins et parfois incompris, ces

parents vont pouvoir tour à tour s’épauler, se conseiller et s’écouter de façon singulière

(Bouteyre, 2017).

2.5.3 La prise en charge des familles

Pour clôturer cette partie sur l’accompagnement, nous allons à présent

développer deux techniques de plus en plus en plus exploitées ces dernières années au

sein des services d’oncologie pédiatrique, que ce soit avec l’enfant malade, ses parents

ou sa fratrie. Il s’agit des thérapies dites « psychocorporelles ». Ces thérapies consistent

en « diverses techniques basées sur le travail et la relaxation du corps afin d’améliorer

la capacité de l’esprit à moduler les fonctions corporelles » (Traduction personnelle,

Kanitz, Moneta Camus, & Seifert, 2013). Autrement dit, il est question de travailler sur

l’interaction entre le corps et l’esprit, ce dernier pouvant influencer la santé de

l’individu en influençant le fonctionnement du corps (Brown, Rojas, & Gouda, 2017).

Elles peuvent être utilisées dans le domaine du soin, avec comme objectif d’apprendre à

mieux gérer la douleur et d’améliorer la qualité de vie notamment. Nos recherches dans

la littérature nous ont confrontés à la pauvreté du nombre d’articles. De fait, la majorité

des articles scientifiques concerne la prise en charge de l’enfant malade, basée sur des

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Marquet Marie 32

résultats obtenus auprès de ces enfants mais surtout d’adultes atteints d’un cancer.

Pourtant, dans la pratique, nous avons pu constater les effets bénéfiques que ces

pratiques peuvent avoir sur l’enfant malade ainsi que sur l’ensemble de sa famille. Nous

allons brièvement détailler deux de ces techniques qui semblent être bénéfiques

concernant la diminution de la douleur, des nausées, des troubles du sommeil et des

effets secondaires dus aux traitements (Kanitz et al., 2013).

2.5.3.1 L’hypnose

L’hypnose peut être définie comme une « altération de la conscience et de

la perception » (Traduction personnelle, Kanitz et al., 2013). Cet état de relaxation

intense permet l’utilisation de suggestions lorsque l’esprit est disposé à les recevoir. Les

essais scientifiques menés sur des enfants malades semblent conclure à une plus grande

réceptivité des enfants à cette technique, comparés aux adultes. Celle-ci s’avère

grandement utile dans les gestion de la douleur et des effets secondaires (Kanitz et al.,

2013). Ces auteurs mentionnent l’efficacité de cet outil qui devrait être utilisé

automatiquement dans les services d’oncologie pédiatrique ; outil qui se révèle être le

plus efficace des thérapies psychocorporelles dans ce secteur. Il peut se pratiquer par un

professionnel qui y est formé ou bien par le patient lui-même. L’autohypnose semble

également être utile lorsqu’elle a été apprise dans de bonnes conditions. Le patient peut

ainsi l’utiliser pour gérer ses symptômes aux moments les plus opportuns (Brown et al.,

2017).

2.5.3.2 La pleine conscience

La pleine conscience naît dans les années 1990. Il s’agit d’une association

entre deux autres pratiques connues : le yoga et la méditation. Elle peut être définie

comme « une pratique de méditation qui se centre sur l’expérience et l’attention portée

sur le moment présent, en accueillant les pensées et sensations quand elles

apparaissent, en vue d’améliorer le bien-être cognitif et émotionnel » (Traduction

personnelle, Brown et al., 2017). Cet outil encourage donc l’éveil de la conscience de

soi et a fait ses preuves auprès des adultes atteints d’un cancer : il semble que celui-ci

améliore les troubles de l’humeur et la qualité de vie mais aussi qu’il réduise le stress.

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Marquet Marie 33

3 PARTIE MÉTHODOLOGIQUE :

CONCEPTION DE LA RECHERCHE

Comme nous avons pu le développer précédemment, ce mémoire porte

principalement sur l’impact que peut avoir le cancer de l’enfant sur l’ensemble de la

dynamique familiale, et plus particulièrement sur la fratrie. La revue de la littérature

réalisée à cet effet nous a permis de mettre en lumière quelques recherches riches

démontrant l’intérêt naissant des scientifiques vis-à-vis de cette thématique. Du fait de

l’existence d’une base théorique, mais également d’un intérêt personnel à m’enrichir

d’un maximum de connaissances à ce sujet, cela fait donc plus d’un an que je me

propose d’étudier ce sujet avec tout le sérieux et le respect qu’il mérite. A présent, nous

allons entrer dans la partie destinée au développement de la méthodologie utilisée. Pour

cela, nous allons commencer par développer les objectifs et questions de recherche qui

ont guidé notre recherche sur le terrain. Ensuite, nous citerons le public-cible que nous

avons décidé de rencontrer et définirons les outils utilisés. Enfin, nous détaillerons la

procédure de l’étude et les conditions dans lesquelles elle s’est déroulée.

3.1 Objectif et questions de recherche

Cette recherche, envisagée sous forme d’étude exploratoire, a été élaborée

en collaboration avec les intervenants médico-sociaux (entre autre, le Professeur

Christophe Chantrain, pédiatre hémato-oncologue et Jennifer Marini, psychologue) du

service d’hémato-oncologie de l’Hôpital de l’Espérance à Liège, et répond entre autre à

une demande de leur part : évaluer si les interventions proposées par la Clinique de

l’Espérance répondent aux attentes des fratries et de leurs parents, et leur sont

bénéfiques. Ainsi, l’objectif est de rencontrer les principaux intéressés – les parents et

les fratries – afin de recueillir directement leur vécu concernant le contexte dans lequel

ils vivent, ainsi que leur ressenti vis-à-vis de la prise en charge proposée aux familles

par les professionnels de la Clinique de l’Espérance. Pour cela, différentes questions de

recherche seront explorées, à l’aide d’un guide d’entretien qui sera détaillé dans le point

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Marquet Marie 34

ci-après concernant la procédure. Voici les questions de recherche qui nous intéressent

aujourd’hui :

- La dynamique et les processus familiaux dans un contexte de maladie.

- Les informations objectives sur la maladie et la communication autour de la

maladie.

- Les représentations et le vécu du système familial par rapport au diagnostic,

à la maladie.

- Les ressources de la famille.

- L’accompagnement des familles et des fratries.

Ce mémoire étant une recherche systémique, nous avons choisi de consacrer

un premier volet à une réflexion plus circulaire où les interactions familiales seront

investiguées, ainsi que les représentations de chacun quant à la dynamique familiale, et

à l’impact que la maladie peut avoir sur les différents sous-systèmes. Le second volet

sera consacré à la prise en charge des fratries, à un questionnement concernant

l’efficacité de ce qui est mis en place actuellement à la Clinique de l’Espérance.

3.2 Description du service

Sur le site du CHC, nous pouvons lire que ce service est « spécialisé dans la

prise en charge des maladies du sang, des cancers, des déficits immunitaires et des

maladies rhumatologiques de l’enfant ». En collaboration avec le CHU et le CHR de

Liège, l’équipe a notamment comme but « d’optimaliser les soins aux enfants atteints de

cancer à Liège et en région wallonne ».

Les principales pathologies traitées dans ce service sont:

- Les maladies bénignes du sang (anémie par carence en fer, drépanocytose,

thalassémie, neutropénie, thrombopénie, …).

- Les maladies de la coagulation (hémophilie, maladie de Von Willebrand,

…).

- Les maladies malignes (leucémies et cancers de l’enfant).

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Marquet Marie 35

- Les déficits de l’immunité et le bilan d’infection ou de fièvre à répétition

(déficits héréditaires ou acquis).

- Les pathologies auto-immunes et rhumatologiques (polyarthrite, …)

La patientèle de ce service est en grande partie constituée de l’enfant malade

et son entourage proche (parents, fratrie). Le service accueille des enfants âgés de 0 à

18ans. La nature du suivi dans ce cadre-ci est principalement d’offrir un

accompagnement et un soutien psychologique dès le diagnostic, durant tout le

développement de la maladie, mais également après la fin des traitements.

Au sein de ce service, une attention toute particulière est donnée aux fratries

des enfants hospitalisés. Dès l’annonce du diagnostic, les frères et sœurs vont être inclus

dans la prise en charge si la famille le désire. Une rencontre peut s’organiser avec les

médecins et/ou les psychologues et infirmières afin de leur expliquer la maladie, et leur

offrir le soutien nécessaire à cette annonce. Ils sont les bienvenus pour accompagner

leur frère ou leur sœur à l’hôpital dès qu’ils le souhaitent et bénéficient également d’un

soutien et d’un accompagnement par les psychologues s’ils en ressentent le besoin. Des

« activités fratries » et des camps sont organisés durant les vacances.

Enfin, il nous semble important de mentionner la Maison de Julien,

véritable ressource pour certaines familles. Il s’agit de « la première maison d’accueil

en région liégeoise pour les parents d'enfants hospitalisés. Elle permet de maintenir le

lien entre l'enfant, ses parents et ses frères et sœurs » (Site Internet du CHC).

3.3 Population

Concernant la population, celle-ci ciblera des familles dont un enfant souffre

actuellement d’un cancer ou d’une maladie du sang. Elle sera composée des frères et

sœurs de cet enfant, ainsi que de ses parents. Au vu de la thématique spécifique qui

nous concerne aujourd’hui, un seul critère d’exclusion sera pris en compte : la prise en

charge de l’enfant et de sa famille devra avoir lieu au sein du service d’hémato-

oncologie de la Clinique de l’Espérance à Montegnée. Idéalement, nous souhaitons

rencontrer une dizaine de familles, c’est-à-dire environ trente personnes si nous

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Marquet Marie 36

imaginons rencontrer à chaque fois les deux parents et un frère ou une sœur. Concernant

l’âge des enfants, nous définissons un intervalle d’âge compris entre 3 et 20ans.

Au total, nous avons rencontré huit familles. Les entretiens ont débuté en

avril 2018 et se sont clôturés début juillet 2018. Un descriptif de chaque système

familial est accessible dans les annexes générales.

Lors de nos entretiens avec les fratries, nous avons rencontré cinq fois un

seul enfant, la Famille 5 et la Famille 7 étant les deux seules familles où nous avons

rencontré plusieurs frères et sœurs ensemble.

3.4 Outils utilisés

Initialement, l’objectif de la présente recherche était de se questionner sur

l’impact que le cancer de l’enfant peut avoir sur la qualité de vie de l’enfant lui-même et

sur celle de sa famille (le sous-système parental, le sous-système conjugal, le sous-

système fraternel). Après de nombreux questionnement personnels, ainsi qu’une longue

réflexion partagée avec ma promotrice (Thérèse Scali) et les professionnels du service

d’hémato-oncologie pédiatrique (Jennifer Marini, psychologue, et le Professeur

Christophe Chantrain, pédiatre hémato-oncologue), une décision a été prise, celle

d’orienter ce mémoire sur une thématique plus ciblée : la prise en charge des fratries

dans un contexte de cancer chez un enfant. Ce choix est le résultat d’une interrogation

pouvant être résumée de la sorte : « Quelle utilité je souhaite donner à mon étude ? Qui

ai-je envie d’aider principalement ? ». A la suite de cela, le but a donc été de construire

ce mémoire avec, en toile de fond, le désir que cela puisse aider les parents et les

professionnels de la santé, au-delà des frères et sœurs. Effectivement, l’analyse du

contenu des entretiens pourrait fournir une aide précieuse aux professionnels pour la

construction future de groupes de paroles par exemple. Plus globalement, cela pourrait

leur permettre d’améliorer la prise en charge actuellement mise en place, après la

construction d’une liste reprenant les principales difficultés, ressources, et besoins

évoqués par les familles.

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Marquet Marie 37

L’intérêt pour les fratries ne signifie en rien le manque d’intérêt vis-à-vis

des autres membres de la famille, mais plutôt le constat que l’objectif initial était peut-

être légèrement trop conséquent pour un mémoire ; objectif qui pourrait éventuellement

faire l’objet d’une thèse à l’avenir. De plus, comme nous avons pu le constater lors de la

partie théorique, le sous-système fraternel est celui qui a bénéficié de moins d’intérêt de

la part des scientifiques, au cours des dernières années ; l’intérêt pour celui-ci étant

récent.

Dans ce point dédié à la méthodologie, nous allons donc définir les outils

utilisés ainsi que la procédure détaillée à laquelle nous avons eu recours pour mener à

bien cette recherche que nous pouvons qualifier de recherche exploratoire qualitative.

Une recherche exploratoire peut être définie comme une recherche « visant à clarifier

un problème qui a été plus ou moins défini. Elle peut aussi aider à déterminer le devis

de recherche adéquat, avant de mener une étude de plus grande envergure. La

recherche exploratoire viserait alors à combler un vide, pour reprendre les termes de

Van der Maren (1995). Elle peut être aussi un préalable à des recherches qui, pour se

déployer, s’appuient sur un minimum de connaissances. La recherche exploratoire

permettrait ainsi de baliser une réalité à étudier ou de choisir les méthodes de collecte

des données les plus appropriées pour documenter les aspects de cette réalité ou encore

de sélectionner des informateurs ou des sources de données capables d’informer sur ces

aspects » (Trudel, Simard, & Vonarx, 2007). Effectivement, le contenu scientifique lié à

notre thématique étant encore actuellement peu documenté, ce type de recherche s’avère

être le plus adéquat, selon nous. A terme, cette étude qualitative va donc nous permettre

de comprendre les différents processus qui appartiennent à un phénomène donné, ici le

vécu et la prise en charge des fratries concernées par la maladie chez un de leur frères et

sœurs, et de les mettre en lien.

3.4.1 L’entretien semi-structuré

Un entretien semi-structuré peut être défini comme « une conversation ou

un dialogue qui a lieu généralement entre deux personnes. Il s’agit d’un moment

privilégié d’écoute, d’empathie, de partage, de reconnaissance de l’expertise du

profane et du chercheur. Ce dernier ayant établi une relation de confiance avec son

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Marquet Marie 38

informateur va recueillir un récit en s’appuyant sur un guide préalablement testé et

construit à l’issue de travaux de recherche » (Imbert, 2010). Le choix de cet outil a été

déterminé par divers constats. D’un point de vue théorique, nous avons remarqué

l’intérêt et le besoin des familles de pouvoir s’exprimer. Aussi, ce même désir a pu être

observé sur mon lieu de stage, durant les quatre mois passés auprès de ces familles. Par

conséquent, il nous a semblé évident que cet outil était le plus approprié pour nous

permettre de rencontrer ces parents et fratries tout en répondant à leur envie de

s’exprimer.

Ensuite, nous pensons qu’il est possible que le contenu de ces entretiens

diffère grandement selon certaines variables importantes à garder à l’esprit durant les

rencontres. Effectivement, le stade d’avancement de la maladie, le temps écoulé depuis

le diagnostic, l’âge et le sexe des enfants, le nombre d’enfants composant la fratrie, sont

autant de facteurs qui vont faire varier le contenu de nos entrevues. Théoriquement,

nous avons également pu constater l’impact de ces variables sur la façon dont les

membres de la famille vont s’adapter au contexte de maladie. Afin d’avoir ces

informations en notre possession, une petite fiche sera réalisée au début de chaque

entretien avec les parents, et ce, afin d’avoir une idée du profil des familles rencontrées.

Cette fiche reprend le nom et le prénom de l’enfant soigné à la Clinique de l’Espérance,

son âge, le type de maladie et la date du diagnostic. Elle comprend également la

composition familiale, ainsi que l’âge et la profession des parents.

Nous avons choisi d’utiliser cet outil pour les parents et les fratries, reçus

séparément. Avec ce choix de ne pas recevoir toute la famille ensemble, nous faisons

l’hypothèse que cela permettra aux parents, et aux enfants, de se sentir libres de déposer

leur vécu sans la crainte de blesser l’un ou l’autre. Effectivement, comme nous avons pu

le découvrir en parcourant la littérature, il est fréquent que les frères et sœurs n’osent

pas partager leur ressenti avec leurs parents, par peur de leur rajouter un souci

supplémentaire. Vous trouverez dans les annexes générales les deux guides d’entretien

destinés aux parents et aux fratries. Nous avons tenté d’interroger les enfants et leurs

parents avec des questions plus ou moins similaires afin de recouper les informations et

observer s’il y a concordance ou non entre leur vécu respectif.

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Marquet Marie 39

3.4.2 Le blason

Le blason est un outil appartenant aux objets flottants créés par Philippe

Caillé, Yveline Rey et Philippe Taufour. Cette méthode d’entretien systémique peut être

définie comme un outil qui « a pour objectif d’étudier le groupe et sa culture

d’appartenance. Ce médiateur de communication offre un espace/temps où peut se

projeter un ensemble d’émotions » (Duret & Brancart, 2012). Nous avons choisi

d’utiliser un média avec les fratries afin de faciliter la discussion avec ces enfants. Nous

l’avons adapté de façon à ce qu’il corresponde un maximum à la thématique qui nous

rassemble aujourd’hui. Voici une représentation schématique du blason donné aux

frères et sœurs :

Pour introduire cet outil, l’exemple des différents blasons des maisons

d’Harry Potter était donné. Lorsque cela n’évoquait rien aux enfants, l’image des

drapeaux des chevaliers et de leur famille pouvait également être utilisée avec l’idée de

construire ensemble le drapeau de leur famille. Vous trouverez un exemplaire vierge du

blason ainsi que les consignes complètes de chacune des cases dans les annexes

générales.

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Marquet Marie 40

3.5 Procédure détaillée

3.5.1 Recrutement

Le recrutement des fratries et parents d’un enfant atteint d’un cancer ou

d’une maladie du sang a eu lieu au sein du service d’hémato-oncologie pédiatrique du

Centre Hospitalier Chrétien de l’Espérance. Pour pouvoir contacter cette population, les

psychologues du service se sont chargées d’informer les familles de l’existence d’une

recherche en cours sur le bien-être des fratries à l’hôpital.

Par la suite, elles ont communiqué les coordonnées des familles intéressées

par ce projet à la mémorante qui, elle, s’est occupée de prendre contact avec celles-ci et

de fixer les rendez-vous.

Au total, huit familles ont pu être rencontrées. Six de ces familles étant

concernées encore actuellement par le cancer chez leur enfant. La septième famille

rencontrée est présente au sein du service car leur enfant est atteint d’une maladie du

sang auto-immune. Bien que l’enfant de la dernière famille soit décédé, cela avait du

sens de les rencontrer, le frère de celui-ci étant très impliqué à l’hôpital.

Finalement, le recrutement s’est réalisé de façon assez naturelle. Nous

pensons que le rôle de stagiaire, antérieur au rôle de chercheur, a permis d’installer une

certaine relation de confiance entre les familles, celles-ci étant plus facilement enclines

à accepter de participer. Effectivement, sans cela, nous faisons l’hypothèse que parler de

ce sujet sensible avec une inconnue aurait été un obstacle au recrutement. Les familles

acceptant de participer l’ont fait avec un profond désir de donner une place unique à

leurs autres enfants, qui, souvent, ont souffert de l’absence du parent prenant en charge

l’enfant malade. Par contre, peu de parents ont ouvertement refusé. D’autres familles

auraient pu être rencontrées. Cela a été compromis par d’autres préoccupations, telles

qu’un moment plus difficile pour l’enfant malade par exemple (traitement difficile,

période plus instable).

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Marquet Marie 41

3.5.2 Contexte et lieu de passation

Après avoir expliqué, lu, et signé les formulaires de consentement ci-joints

dans les annexes, les participants et la mémorante vont pouvoir se rencontrer à l’hôpital,

dans une pièce calme, où ils ne seront pas dérangés. Certaines familles ont exprimé leur

difficulté à se rendre à l’hôpital. Dans ces cas-là, la rencontre a eu lieu au domicile de

celles-ci. Avant de débuter, la mémorante demande l’accord des parents et des enfants

concernant l’enregistrement des entrevues. Elle en explique la nécessité en leur

témoignant sa volonté de retranscrire leurs propos le plus fidèlement possible, afin de

rester au plus près de la réalité. Un premier entretien est consacré uniquement aux

parents. Au cours de celui-ci, l’objectif de la recherche et sa procédure sont réexpliqués

brièvement. Après avoir laissé un temps pour les éventuelles questions des participants,

nous débutons alors l’entretien semi-structuré au cours duquel nous interrogeons

d’abord les parents sur l’âge de leur enfant malade et des autres enfants, le type de

maladie, la date du diagnostic, la composition familiale, la profession et l’âge des

parents. Enfin, à l’aide de notre guide d’entretien – détaillé ci-dessus dans le point dédié

aux outils utilisés – nous les questionnons quant à leur vécu concernant le bien-être des

frères et sœurs depuis le diagnostic ainsi que leurs attentes pour éventuellement

améliorer l’accompagnement. En moyenne, chaque entretien réalisé avec les parents a

duré entre 1h15 et 1h45.

Une seconde séance a eu lieu avec les frères et sœurs. De même qu’avec

leurs parents, nous leur expliquons l’objectif du mémoire et la façon dont notre

rencontre va se dérouler. Après un petit moment dédié aux questions, des questions

similaires à celles posées aux parents vont leur être posées, et ce, avec comme objectif

de croiser les informations obtenues des deux côtés. De manière générale, les entretiens

avec les fratries ont duré environ une heure.

Initialement, une dernière séance devait être organisée sous forme de

« groupe fratries ». Durant celle-ci, nous faisions l’hypothèse que la dynamique de

groupe aurait pu favoriser l’échange entre les différentes fratries par rapport à leur

ressenti vis-à-vis de ce qu’ils partagent comme expérience. Nous nous serions basés sur

le contenu des entretiens des fratries et parents reçus individuellement pour construire le

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Marquet Marie 42

guide d’entretien du groupe fratries et nous leur aurions demandé quels conseils ils

auraient pu donner à d’autres fratries qui, comme eux, ont un frère ou une sœur malade.

Toutefois, bien que ce projet ait tout son sens, il n’a malheureusement pas pu se

concrétiser. Effectivement, plusieurs limites sont à mettre en évidence quant à la

réalisation de ce dispositif groupal : premièrement, l’obstacle principal fut la distance

géographique reliant l’hôpital au domicile des familles. Deuxièmement, revenir à

l’hôpital représentait un effort émotionnel trop intense pour certains participants.

Pour ces mêmes raisons, plusieurs entretiens n’ont pas pu avoir lieu à

l’hôpital. Par conséquent, réunir tous les enfants rencontrés dans un endroit commun

s’est avéré plus compliqué que prévu et cette rencontre n’a pas pu avoir lieu.

Les participants seront chaleureusement remerciés et pourront rester en

contact avec une des psychologues du service après nos rencontres s’ils ressentent le

besoin de venir déposer leurs ressentis et émotions.

3.6 Méthode d’analyse

Afin d’examiner les données récoltées dans l’ensemble des entretiens, nous

avons choisi d’utiliser une analyse thématique du discours. Pour chaque question de

recherche, nous avons tenté de quantifier le nombre de familles ayant mentionné les

divers éléments de réponses dans leur discours. Pour les thématiques principales, nous

avons schématisé les résultats sous forme d’histogramme dans le but d’obtenir une

vision plus claire des réponses obtenues par les familles.

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Marquet Marie 43

4 PARTIE PRATIQUE : ANALYSE

DES RÉSULTATS PAR

THÉMATIQUE

4.1 La dynamique et les processus familiaux

dans un contexte de maladie

4.1.1 L’impact de la maladie sur le parent en tant qu’individu

Dans ce premier sous-point, nous allons analyser ce que les parents nous ont

livrés à propos des changements observés chez chacun individuellement depuis

l’annonce du diagnostic. Nous voyons que nombre d’entre eux considèrent que c’est

toute leur vie qui est bouleversée ainsi que la vision qu’ils en avaient précédemment.

Nous pouvons illustrer cet impact général de la maladie sur l’individu par la réponse de

cette maman : « Ma vie simplement. Le sens de ma vie, j’vois plus du tout les choses de

la même façon, voilà. […] Tout a changé. Le cours de notre vie a changé. Ma vie est en

fonction d’elle […] Donc, je dirais, en un mot, ma vie tout simplement » (Famille 1).

Derrière ce sens de la vie qui change, nous avons pu entendre une prise de conscience

concernant la fragilité de celle-ci et l’urgence de la vivre pleinement en savourant

chaque jour qui passe. Après le choc vient donc cette envie de profiter des siens. A ce

constat s’ajoute également la volonté de remettre leurs valeurs et priorités dans un ordre

différent de celui mis en place inconsciemment avant l’annonce de la maladie, c’est-à-

dire ne plus s’inquiéter de choses à présent jugées insignifiantes, conserver des limites

mais les rendre moins rigides. Cet élément est évoqué par tous les parents rencontrés,

quelle que soit la façon dont ils ont choisi de le formuler. Ce papa, lui, a choisi de

s’exprimer ainsi : « Finalement, on ne voit que du positif. Je pense qu’on a appris à

aller de l’avant et à faire abstraction de beaucoup de petites bêtises qui nous

ennuyaient avant la maladie et qui, aujourd’hui, finalement, on trouve que c’est

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Marquet Marie 44

complètement ridicule de se tracasser pour des choses telles que l’argent, les biens

matériaux » (Famille 7).

Du côté des mères, nous avons constaté la prépondérance du rôle maternel

par rapport aux autres facettes qui constituent leur personne. Deux d’entre elles l’ont dit

explicitement, comme cette maman qui explique nos propos par cette phrase : « Ben moi

ce qui a changé en tant que moi c’est que je suis devenue plus que une maman on va

dire, que les autres rôles de ma vie ont été mis de côté. Le rôle boulot, le rôle femme,

enfin voilà je suis vraiment devenue maman, maman de Ra. et puis j’ai essayé de

récupérer aussi la maman de Ro. mais ça a été un peu plus long » (Famille 2). Bien que

la majorité des mères ne l’a pas exprimé clairement de cette manière, nous avons senti

que ce même message peut s’appliquer à toutes celles-ci, notamment lorsqu’elles nous

disent que leur vie est déterminée par celle de leur enfant (Famille 1), ou encore qu’il

est très compliqué de s’autoriser des moments de plaisir puisque cela signifie

« abandonner leur enfant » (Famille 4). Aussi, nous remarquons que ce sentiment de

n’être principalement qu’une maman est renforcé par la présence nécessaire d’un parent

au cours des hospitalisations. Majoritairement, les mères occupent ce rôle, le papa

poursuivant son activité professionnelle ou s’occupant de la fratrie à la maison.

Toutefois, nous avons également rencontrés des familles (3/7) où le relais s’effectue

assez facilement entre père et mère. En outre, une fois la période critique passée, c’est-

à-dire l’annonce du diagnostic et les premiers traitements, certaines mères témoignent

de leur envie, de leur besoin de renouer avec leur activité professionnelle (3/7).

Ensuite, nous notons que le psychisme de ces mères est mis à rude épreuve.

Le stress, l’angoisse, les inquiétudes permanentes font partie de leur quotidien. A ces

craintes s’ajoute une incertitude vis-à-vis du lendemain empêchant également de se

projeter dans l’avenir. Une maman l’explique très justement lorsqu’elle nous dit que

leur vie: « […] dépend aussi de pas trop prévoir non plus parce qu’on ne sait jamais…

un résultat pas attendu qui peut de nouveau tout changer quoi. […] Tous les jours, j’ai

peur que mon fils meurt» (Famille 4).

Du côté des pères, nous en avons rencontrés 4 sur 7 ainsi qu’un beau-père

(Famille 4), le père de cette famille n’ayant pas répondu à notre invitation. Toutefois,

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Marquet Marie 45

lorsqu’ils étaient absents, nous avons essayé de recueillir leur vécu à travers le regard de

leurs conjointes. Nous avons pu nous rendre compte que la maladie impacte autant les

pères que les mères et ce, même si la façon d’y réagir de ces premiers est différente.

Nous pouvons notamment pointer l’importance pour eux de recommencer à travailler.

Six d’entre eux ayant renoué avec leur activité professionnelle, le septième ayant

recommencé des études. Cette nécessité peut être expliquée par les paroles de ce papa,

par exemple lorsqu’il nous raconte qu’il a ce réel besoin « de prendre du recul par

rapport à ça et d’occuper mon esprit. Parce que si mon esprit n’est pas occupé, je ne

suis pas bien, du tout, je ne suis pas bien du tout. Donc aller travailler, pour moi, est

quelque chose de ressourçant. J’ai besoin que mon esprit soit occupé, tout le temps. S’il

n’est pas occupé, il va dans le côté sombre » (Famille 2). Seuls les parents de la

septième famille rencontrée ont évoqué la diminution de leur temps de travail à la suite

de la maladie et ce, avec le souhait de consacrer davantage de temps à leurs enfants. En

vis-à-vis, nous remarquons la même nécessité de prendre des vacances, de s’arrêter et

de profiter du moment présent que ce soit en couple ou en famille (3/7). Ce besoin de

reprendre son souffle est mis en lumière par cette épouse lorsque nous lui demandons

les changements qu’elle a pu observer chez son mari à la suite du diagnostic : « La seule

chose que j’ai remarquée vraiment, j’ai envie de dire, c’est le fait que depuis, il

continue à travailler énormément mais par contre on va prendre… Ca génère un stress

intense, et probablement le fait de se dire que ce truc est un enfer… On va prendre l’air

beaucoup plus souvent. Alors qu’avant, lui imposer plus qu’une semaine de vacances,

c’était pas possible, maintenant dès qu’on a trois jours d’ouverture, on prend les

valises et on s’en va. Partir 15jours n’est plus du tout un problème » (Famille 3). Ce

besoin de vacances va de pair avec une plus grande disponibilité envers leur famille,

comme ce papa qui nous dira qu’il ne ressent plus le besoin d’avoir des moments de

solitude ; moments qu’il appréciait et dont il était en demande précédemment (Famille

5).

Par ailleurs, nous pouvons constater l’impact tout aussi important qu’a la

maladie sur le psychisme de ces pères. Il semble que cette épreuve représente pour eux

une « perte de contrôle » due au fait qu’en tant que père avec cette image du « chef de

famille », « vous avez toujours l’impression que vous pouvez gérer même de loin […]

dans le sens où vous prenez soin de votre famille, vous lui apportez tout ce qu’il faut,

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Marquet Marie 46

vous avez certaines règles d’éducation et compagnie et puis du jour au lendemain votre

môme vous appartient plus » (Famille 3). Voici ce que nous exprime une maman

lorsqu’elle s’arrête sur le vécu du père de ses enfants. A côté de ce sentiment de

dépossession et de perte de contrôle, il semble que ce même homme ait pu faire preuve

d’un réel soutien pour sa femme lorsqu’elle-même a été dépassée émotionnellement. Il a

pu rester solide et poser les questions utiles pendant ces instants. Derrière l’angoisse que

certaines mères disent pouvoir ressentir, les pères vont plutôt dire qu’ils sont plus

« nerveux », « moins patients » (Famille 5). Un autre papa a pu nous faire part de son

sentiment d’avoir perdu une partie de lui-même, d’avoir perdu confiance mais aussi

d’avoir éprouvé certaines difficultés à faire sa place au sein d’un duo très fusionnel

formé par son épouse et son enfant malade. A côté de ces pertes, ce même homme a

construit un parallèle avec ce que la maladie lui a fait gagner. Il nous dit ceci : « Mais

j’ai gagné d’autres choses, j’ai gagné le regard sur l’enfant qui est différent, j’ai gagné

le regard sur la découverte de mon fils autrement, et de ma fille autrement » (Famille

2).

4.1.2 L’impact de la maladie sur le couple conjugal

L’impact du cancer chez l’enfant sur le couple conjugal a pu être investigué

à l’aide de la question suivante : « Qu’est-ce qui a changé pour votre couple depuis

l’annonce du diagnostic ? »

D’une part cette question a pu mettre en évidence la fragilité du couple

conjugal, principalement l’année suivant le diagnostic. Effectivement, la majorité des

couples (6/7) a exprimé sa difficulté à s’accorder du temps en passant des moments à

deux, leur relation conjugale n’étant pas une priorité pour eux à ce moment-là. Ce

manque d’espace psychique pour nourrir un couple autre que parental est décrit par

cette maman (Famille 1) lorsqu’elle nous raconte ceci : « J’vais dire… pendant un an, y

a jamais rien qui s’est passé entre nous parce qu’on était déconnectés et qu’on était

tous les deux à 100% sur la maladie de ma fille et sur nos autres enfants. Donc j’vais

dire que ça nous traversait pas l’esprit du tout. Donc ça non, on n’était plus un couple

pendant un an ». Cependant, sur les sept familles interrogées, il est important de

souligner qu’un seul couple n’a pas évoqué cette impression d’avoir perdu son conjoint

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Marquet Marie 47

à la suite du diagnostic. Cela peut éventuellement s’expliquer par le fait que toute la

famille a vécu ensemble à la Maison de Julien (dispositif décrit dans le chapitre dédié à

la méthodologie) durant les premiers mois de la prise en charge. Par conséquent, le

schéma habituellement détaillé par les familles, où la mère accompagne l’enfant malade

dans ces étapes et où le père retourne à la maison s’occuper de la fratrie, n’a pas été

vécu par cette famille. En outre, deux membres de cette fratrie étant adolescentes, elles

ont pu prendre le relais auprès de l’enfant ce qui a permis au couple conjugal de se

retrouver.

D’autre part, nous observons que cette relation, qui a été mise au défi à la

suite du diagnostic, semble se renforcer avec le temps. A long terme et avec un certain

recul, ces mêmes couples (5/7) nous confient leur impression que leur amour a redoublé

de puissance, qu’un certain rapprochement s’est effectué, comme le dit cette maman :

« Ca a été une grosse année où on ne s’est quasi pas vu… et où notre couple a été mis

entre parenthèses mais ça ne nous a pas éloignés, que du contraire… ça nous a

rapprochés » (Famille 7). C’est ainsi qu’une nouvelle relation unit ces deux personnes

après qu’un nouvel équilibre ait pu être trouvé.

4.1.3 L’impact de la maladie sur le couple parental

Concernant cette thématique, les parents l’évoquaient instantanément à la

question posée ci-dessus ; question globale puisqu’elle ne distinguait pas le versant

conjugal et parental du couple.

Comme nous l’avons évoqué dans le point destiné aux changements

individuels, nous pouvons voir que c’est le côté parental qui prédomine et ce,

particulièrement chez les mères. Comme le dit ce beau-père : « On est devenu une

famille plus qu’un couple » (Famille 4). La frontière visible précédemment entre les

deux versants du couple n’est parfois plus si évidente à fixer. Parvenir à trouver un

nouvel équilibre et à fonctionner avec ce dernier peut s’avérer être une difficulté au sein

de ces familles. Certains y parviennent avec le temps, comme cette maman lorsqu’elle

nous dit : « En tous cas on fonctionne bien, on est une bonne équipe autour des enfants,

on garde malgré tout un équilibre de couple dans le sens où… On est suffisamment

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Marquet Marie 48

entourés familialement pour dire ‘’On confie les enfants’’ » (Famille 3). Une autre

maman va évoquer l’existence de plus de communication au sein du couple en général.

Elle l’explique par la présence de son fils qui lui, était à la maison : « Il fallait quand

même se tenir au courant l’un l’autre donc on discutait beaucoup plus. Communiquer,

beaucoup plus. On discutait déjà beaucoup, on a toujours fonctionné comme ça mais

j’pense que ça a encore accentué » (Famille 6). D’autres éprouvent plus de difficultés à

jouer sur les deux tableaux mais se disent malgré tout former une « belle équipe »

puisque, au niveau parental, ils sont parvenus à rester soudés et à faire en sorte que les

rôles soient assez bien distribués. Comme souvent, la mère prend en charge le côté

médical et le père s’occupe du côté logistique à la maison, organisant ses journées entre

son travail, la fratrie et les visites à l’hôpital.

Ensuite, le désir de ces familles de remettre leurs priorités dans l’ordre, avec

la modifications des limites que ça implique, rejaillit également parfois sur la façon dont

certains envisagent leur façon d’être parent. Nous pouvons illustrer cela par les paroles

de cette maman lorsqu’elle parle de son mari : « Et sa réflexion à ce moment-là c’était

‘’Moi j’ai un enfant malade, je m’en fous ‘’. Et ça, ça reste quand même toujours en

arrière. De se dire… On a déplacé certaines limites, on est moins tolérants à des choses

qu’on considère comme des soucis inutiles et par contre beaucoup plus tolérants pour

d’autres choses » (Famille 3). Avec cette question de tolérance, une maman évoque une

nouvelle limite à sa patience envers ses enfants et son mari. De nouveau, il s’agit d’une

famille où les grandes sœurs sont adolescentes. Par conséquent, cette maman se dit en

demande de davantage d’autonomie venant de leur part et de davantage de moments

pour elle afin de pouvoir se rendre disponible pour eux. Au sein de cette famille, le papa

qui avait précédemment besoin de solitude, est plus présent pour épauler sa conjointe à

la maison depuis le retour de l’hôpital (Famille 5).

4.1.4 L’impact de la maladie sur la fratrie

Afin d’investiguer la dynamique familiale, et plus précisément le

fonctionnement de la fratrie après l’annonce du diagnostic, nous avons interrogé les

parents vis-à-vis des éventuels changements remarqués chez leurs autres enfants, c’est-

à-dire les frères et sœurs de l’enfant malade.

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Marquet Marie 49

D’abord, l’ensemble des parents semble se rejoindre sur l’impact

émotionnel et comportemental que la maladie de leur frère ou de leur sœur peut avoir

sur le reste de la fratrie. Cette maman l’a très bien perçu lorsqu’elle nous dit ceci : « Ca

a beaucoup bouleversé ma fille, donc du coup ma fille voilà son caractère a fort changé

[…] Qui est dû à cause qu’elle pense qu’elle est rejetée mais triste au fond d’elle j’suis

sûre.» (Famille 1). Une autre maman fait un lien entre le changement de caractère de sa

fille et le fait que celle-ci ait vécu quelques temps chez sa grand-mère maternelle, sans

sa maman et avec une vision de l’éducation différente (Famille 4). Ce papa aussi a vécu

les inquiétudes de sa fille et nous les raconte : « Y a eu des événements en tous cas qui

ont été traumatisants pour elle. Donc quand on a diagnostiqué, les premières nuits

qu’on a passées ici elle allait dormir chez tes parents mais sinon… très angoissée pour

s’endormir » (Famille 2). Nous nous apercevons ici que l’anxiété que peut ressentir un

enfant à la suite de l’annonce de la maladie peut ainsi prendre la forme de troubles du

sommeil.

La majorité des parents (6/7) nous a révélé qu’il pouvait arriver que certains

membres de la fratrie éprouvent également cette difficulté à gérer leurs émotions à

l’école. A travers leur témoignage, nous avons constaté que cette difficulté peut se

traduire par de l’agressivité envers autrui, de la tristesse et des pleurs, des notes

scolaires en baisse et par un sentiment de rejet de la part des camarades de classe, un

caractère changeant. Par exemple, une maman nous dit que la vie après le diagnostic n’a

vraiment pas été simple pour une de ses adolescentes : « Elle est devenue infernale, elle

nous en a fait voir de toutes les couleurs, elle a été renvoyée de trois écoles, ça a été

difficile » (Famille 5). Toutefois, elle ajoute que la maladie n’était pas la seule cause

puisque cette famille vivait également une période de deuil difficile à ce moment-là.

Une autre maman va nous confier cette impression qu’elle a eue de ne pas reconnaître

son enfant : « …Il y a eu un incident à l’école où il a réagi vraiment fort vis-à-vis d’un

enfant […] Un enfant était fâché sur lui, il a voulu le mettre par terre en tirant sur son

manteau et G. a réagi, il l’a frappé on se dit ouf… Là, il faut qu’on l’aide. […] On

disait aux parents de l’enfant qui avait été frappé… ‘’On ne le reconnait pas !’’. Et ça,

j’ai entendu une autre maman, même schéma, c’est la petite sœur qui est malade et c’est

le grand frère qui a commencé à mal se comporter à l’école, à son activité sportive et

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Marquet Marie 50

ça ne lui ressemblait pas. Et un moment donné, faut qu’ils puissent en parler à

quelqu’un » (Famille 3).

Ensuite, nous avons pu nous rendre compte au fil des entretiens que le

retour à la maison du parent absent et de l’enfant malade n’était pas non plus une

période évidente pour certaines fratries. Effectivement, certains parents mettent en avant

à ce moment-là, le sentiment d’abandon ou de rejet, ressenti par la fratrie restée parfois

longtemps à la maison sans son parent. Cette maman (Famille 7) pointe très justement

la colère qui éclate parfois à ce moment-là : « On l’a payé après… quand tout a été

terminé, qu’on est revenu à une vie un peu plus normale, malgré que tous les mois on

avait des examens… Mon ressenti à moi, c’est que je l’ai payé vis-à-vis des autres

enfants… [Mon fils] était hyper difficile, pendant plus d’un mois il a été vraiment

difficile. Je sentais une colère, il m’en voulait de les avoir laissé… ». Une autre maman

dit entendre régulièrement cette phrase : « Maman moi tu sais des fois je sais pas

comment je réagis mais des fois je suis fâchée, je pleure parce que je pense que t’aimes

mieux mon frère et ma sœur que moi » (Famille 1). Lorsque les parents perçoivent ces

émotions sous-jacentes ou bien lorsque les enfants eux-mêmes parviennent à mettre des

mots sur ce qu’ils ressentent, nous entendons la peine des parents, la culpabilité d’avoir

blessé leurs enfants et ce, sans le désirer. Comme cette maman l’exprime : « Ce qui me

culpabilise beaucoup. Parce que j’ai l’impression d’en faire moins pour ma fille »

(Famille 4).

Enfin, certains parents parviennent à saisir la façon positive dont la maladie

a pu impacter leurs enfants. Effectivement, le contexte de maladie qui a mis toute la

famille à rude épreuve, peut aussi l’avoir fait grandir à long terme. Lorsque l’on

interroge ces parents, la plupart d’entre eux vont nous dire que la fratrie a mûri, parfois

trop vite. Ainsi, on se rend compte de l’ambivalence de cet élément que nous pourrions

envisager uniquement positivement, notamment lorsque nous écoutons la réflexion de

ces parents ainsi que les propos énoncés par leur fille (Famille 2) : « La maladie de Ra.

ne nous a pas apporté que des soucis, on a aussi fait de belles rencontres comme

G.(l’animateur) ici à l’hôpital,… ». Et le papa de renchérir : « [Ma fille] a ouvert des

portes qu’elle ne soupçonnait même pas. Les portes des émotions, les portes de la

confiance en soi, les portes de son rapport à l’enfant malade ». Pourtant, nous

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Marquet Marie 51

constatons que cette même donnée semble parfois mal vécue par ces mêmes parents.

Effectivement, il peut à la fois être synonyme d’autonomie et à la fois représenter une

difficulté à trouver la juste distance envers autrui. Ce papa va nous exprimer ce

problème de juste distance avec ses propres mots : « Elle a fortement mûri, très vite,

peut-être trop vite et donc parfois elle prend un rôle qui n’est pas tout à fait le sien, une

place qui n’est pas tout à fait la sienne. Et c’est à nous un peu de nous adapter et à moi

particulièrement à m’adapter en étant moins rigide et en étant moins… moins dur peut-

être avec elle. Même si je pense que j’ai fait pas mal de pas, il reste encore des pas à

faire, voilà, pour obtenir chez elle une place qui est vraiment la sienne. […] Elle veut

parfois prendre des décisions, la manière dont elle répond… » (Famille 2). Ainsi, nous

nous sommes rendu compte que, dans plusieurs familles, retrouver un nouvel équilibre

où la place de chacun a été modifiée, n’est pas aisé. Un autre exemple qui peut illustrer

nos propos est celui de la famille 7. Au sein de celle-ci, les parents se relayaient auprès

de l’enfant malade pendant les hospitalisations, bien que ce soit la mère qui soit restée

le plus souvent auprès de lui. Le père ayant ses responsabilités professionnelles en plus

à gérer, le second de la fratrie, jeune adolescent de 12 ans à ce moment-là, a pris en

charge la maison et sa petite sœur, alors âgée de 6ans. Au retour de sa mère et de son

frère à la maison, il a éprouvé certaines difficultés à déterminer quelle était à présent sa

place. Quant à l’autonomie évoquée ci-dessus, celle-ci peut donner l’impression à

certains parents d’avoir raté une étape dans la vie de leur enfant, comme cette maman

qui nous dit ceci : « Elle a grandi d’un coup. Et ça… et j’suis là. Quand on a des

parents qui travaillent etc…, c’est normal d’être autonome mais elle a une maman qui

est tout le temps là. J’suis là… Mais oui, elle s’est un peu éloignée de moi ». En vis-à-

vis, nous observons que le beau-père considère cette prise d’autonomie autrement

puisqu’il va nous dire qu’il la trouve « plus épanouie », comme si elle avait su trouver

un nouvel équilibre (Famille 4).

4.1.5 L’impact de la maladie sur la famille

Au-delà des sous-systèmes pris séparément, nous avions également comme

objectif de nous questionner sur les changements observés par les adultes vis-à-vis de

leur famille. Derrière le terme « famille », nous incluons autant le noyau central,

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Marquet Marie 52

constitué du père, de la mère et de leurs enfants, que la famille élargie comprenant

différentes générations.

D’une part, nous constatons la présence d’une certaine déception de la part

de plusieurs parents (4/7) envers leur entourage familial qu’ils pensaient proche. Le plus

souvent, cette déception est due au caractère inattendu vis-à-vis du manque de soutien

reçu. Effectivement, ces adultes vont qualifier cette absence de « coup dur », d’un

manque autant pour l’enfant malade que pour le parent qui reste à ces côtés. C’est ainsi

que cette maman nous partage son ressenti : « Oui ! Je me serais attendue à plus ! Oui

j’aurais aimé qu’elle (ma sœur) consacre une fois par semaine un dimanche, une heure

de son temps, à venir nous voir : ‘’Oui mais les microbes, j’ai peur…’’ Oui mais si t’as

peur, tu laves bien tes mains, tu mets un masque… Je trouvais que pour le moral de ma

fille c’était important parce que […] voilà elle parlait plus, ça faisait des mois qu’elle

rigolait plus.[…] Donc dès qu’elle voyait quelqu’un elle s’illuminait. Donc voilà ça

aurait été positif. Et puis moi… Moi j’ai eu l’impression d’avoir été enfermée 7 mois en

prison, voilà » (Famille 1). D’autres ont ressenti cet éloignement comme un

« abandon », comme ces parents qui nous disent ceci : « Et puis, tous ceux qui nous ont

abandonnés. Je parle d’abandon parce qu’il y a pas d’autres mots. C’est l’abandon…

[…] Et carrément limite avoir peur. De venir. Et carrément le dire… » (Famille 2).

Nous avons senti chez ces deux familles l’incompréhension de ce sentiment de peur que

peut ressentir l’entourage vis-à-vis de la maladie de leur enfant. A long terme, cette

distance que la maladie a parfois installée très rapidement entre le noyau central et la

famille élargie reste un souvenir douloureux pour ces parents comme le dit ce papa :

« Ca c’est un coup auquel je ne m’attendais pas. Encore maintenant je ne le digère

toujours pas. Donc je reste en contact mais ce ne sera plus jamais comme avant. C’est

brutal » (Famille 2). En vis-à-vis, nous constatons que la maladie a pu avoir l’effet

inverse chez d’autres familles (3/7) où un rapprochement s’est effectué avec la famille

élargie qui s’est révélée être une réelle ressource pour le noyau central. Ce papa nous

relate l’impact que la maladie de sa fille a eu au-delà d’eux-mêmes : « Voilà maintenant

je crois que vraiment les parents, beaux-parents, frères et sœurs… Je pense qu’on l’a

tous vécu assez… très dur. Mais bon tout le monde a surmonté. […] Et pour la famille

élargie on a plus souvent des nouvelles qu’avant. Et puis, M. va tous les quinze jours à

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Marquet Marie 53

l’hôpital ben ils sonnent tous les quinze jours pour avoir des nouvelles » (Famille 6).

Dans certains cas, la famille élargie de l’un a pris ses distances alors que la famille de

l’autre a pris une place importante dans le processus et l’épreuve que la famille

nucléaire rencontrait. C’est la cas pour la Famille 1 notamment où la maman nous

raconte : « Ca n’a pas eu qu’un impact négatif parce que maintenant on est plus soudés

avec ma belle-famille. Parce que moi ma belle-sœur s’est occupée de mon fils. […] Je

vais pas dire que on est devenu soudés parce qu’on l’était mais on l’est devenu encore

plus. Maintenant c’est devenu comme si c’était mes sœurs. Quand j’ai quelque chose à

demander, je sonne à mes belles-sœurs, quand j’ai quelque chose à dire, je le dis à mes

belles-sœurs ». Nous pouvons donc observer deux scénarios distincts : le premier où un

éloignement, voire même parfois une rupture de liens avec certains membres de la

famille, a eu lieu. Nous pouvons dire qu’un tri s’est effectué et ce, de lui-même, sans

qu’il ne soit le résultat d’une quelconque décision prise par les parents. Le second où

un rapprochement s’opère et engendre la création d’une nouvelle relation où la

communication et le soutien semblent davantage présents.

D’autre part, quel que soit le scénario constaté entre la famille nucléaire et

son entourage familial, nous notons un profond désir chez la majorité des parents

rencontrés de se retrouver « en famille » uniquement, c’est-à-dire la famille au sens

restreint du terme constituée du père, de la mère et des enfants. De même que la

prépondérance du rôle parental, le système familial prend le dessus sur la relation

conjugale, comme nous l’explique cette maman : « Je suis fort dans la famille, j’ai

envie qu’on fasse plutôt des activités à quatre. Je suis pas du tout dans le couple en tant

que tel, je saurais pas y être, je saurais pas laisser les enfants pour le moment dans

cette situation-là » (Famille 2). Ces moments partagés ensemble se montrent précieux et

semblent être considérés comme étant plus importants que précédemment. Ce papa

illustre très bien nos propos : « Oui on essaie de se retrouver plus souvent ensemble. On

passait des moments ensemble, on allait faire des balades, on appréciait le moment

mais je pense qu’on les apprécie encore plus. On les voit différemment, on apprécie

plus les petits choses du quotidien. Ca a un goût différent » (Famille 6).

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Marquet Marie 54

4.1.6 Les difficultés rencontrées

Afin de clôturer cette question de la dynamique familiale et des processus

familiaux qui s’opèrent dans un contexte de maladie chez l’enfant, nous avons tenté de

faire émerger les principales difficultés que ces familles rencontrent. Pour ce faire, nous

avons posé la question suivante : « A quelles difficultés avez-vous dû faire face ? ».

Avant de préciser et d’illustrer chaque difficulté, vous trouverez ci-dessous, un

histogramme vous permettant d’avoir une représentation imagée des principaux

obstacles évoqués au cours de nos entretiens avec les sept familles et développés ci-

après:

4.1.6.1 L’univers médical

Une première difficulté majeure qui est évoquée par ces parents est ce que

nous avons décidé d’appeler l’adaptation à l’« Univers médical ». La totalité des

familles évoque ce nouvel univers dans lequel ils atterrissent brusquement. Deux

éléments peuvent être mis en évidence au sein de cette catégorie : les étapes critiques du

processus de la maladie et la communication entre les parents et l’équipe médicale. Ces

deux points étant divisés en plusieurs thématiques, voici un second graphique mettant

l’objectif sur ce qui se cache derrière cette vaste classe de l’univers médical :

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Marquet Marie 55

La première thématique concerne les étapes jugées critiques. Les parents

soulignent trois moments éprouvants pour toute la famille. Il s’agit de l’annonce du

diagnostic (7/7), de l’isolement en chambre stérile (3/7) et du retour au domicile (1/7).

Effectivement, l’annonce du diagnostic représente un choc pour ces

parents ; choc qu’ils qualifient parfois même de « traumatisant » puisque cela a donné

lieu à de nombreux bouleversements inattendus tant pour eux que pour la fratrie

(enfants sains et enfant malade) comme nous l’indique ce papa : « Y a eu des

événements en tous cas qui ont été traumatisants pour elle donc quand on a

diagnostiqué, les premières nuits qu’on a passées ici elle allait dormir chez tes parents

mais sinon… très angoissée pour s’endormir » (Famille 2).

Ensuite, environ la moitié des parents rencontrés s’est rappelée de son

passage en chambre stérile, ce moment étant qualifié de difficile dû à l’isolement qu’il

nécessite comme nous le rappelle cette maman pour qui cet épisode a vraiment

représenté une épreuve : « Pour moi ça a été vraiment le plus dur. Et qu’ils pouvaient

pas être ensemble parce que ils ont toujours été ensemble ! » (Famille 5).

La phase du retour au domicile après les traitements a été mise en avant par

une seule famille. Le retour à une ancienne réalité, la tentative de retrouver un nouvel

équilibre, la peur de ne plus être entourés quotidiennement par une équipe de

professionnels, etc. Autant de défis auxquels la famille est confrontée durant cette

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Marquet Marie 56

phase. Cette maman va l’exprimer ainsi, à sa manière : « Moi je pense que, à ce

moment-là , je n’étais pas habilitée à gérer quoique ce soit … j’étais vraiment dans une

espèce de transition où on est loin de l’hôpital… où on a peur mais il faut retrouver une

vie normale ». Et le papa de renchérir : « On a vécu 8 mois à l’hôpital… C’est énorme…

Et quand on entame la dernière chimio, même le personnel à l’hôpital nous dit et ils le

savent ‘’Maintenant, il va falloir vous habituer à ne plus venir’’. Parce qu’on y allait

trois à quatre fois par semaine, on faisait la route quoi » (Famille 7).

Enfin, nous avons constaté l’intensité des émotions et des souvenirs liés à

ces périodes charnières du parcours de ces familles et ce, même à moyen et long terme.

Ce constat peut être illustré par les paroles de cette maman : « Moi hier j’étais dans ma

salle de bain, j’étais en train de me rappeler rentrer en chambre stérile. J’avais envie

de pleurer toute seule parce que je me rappelais ces moments-là. Et à chaque moment, y

a des moments comme ça qui me reviennent. Et le moment où on m’annonce le truc

aussi. Ouhlala y a pleins de moments comme ça qui me reviennent » (Famille 5).

La seconde thématique concerne la communication entre les parents et

l’équipe médicale. Nous avons constaté que la transmission des messages a

régulièrement posé problème et a parfois donné lieu à des désaccords entre les

principaux intéressés concernant la prise en charge médicale de l’enfant (4/7).

Effectivement, nous avons remarqué la frustration de certains parents vis-à-vis de leur

impression de ne pas être entendus et/ou compris, que ce soit au niveau médical,

pratique ou au niveau du respect de leur place de parent.

Concernant la dimension médicale, voici ce que nous dit cette maman :

« […] je dirais de ne pas oublier que nous sommes des patients et pas des clients…

Parce qu’un moment donné on ressent fort ce sentiment-là quand on reste longtemps.

[…] Parce que ils ne regardent plus les dossiers : ‘’Ah ben Az. c’est trois fois par jour

tel médicament’’ et puis ben non c’est pas ça, ‘’Allez revoir, le médecin est venu’’. […]

Puis bon ils vont revoir dans le dossier, puis ils reviennent ‘’Ah oui, désolée ça a

changé !’’ » (Famille 1). La notion de manque d’humanité que nous percevons dans les

propos de cette mère a été mise une deuxième fois en parallèle avec la dimension

médicale lors de notre rencontre avec les parents de la deuxième famille qui ont ressenti

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Marquet Marie 57

le même problème : « C’était tout le temps ‘’Vous êtes trop stressés’’ voilà. Oui, j’étais

stressée mais en fait j’ai trouvé que, au début, jamais des médecins et des personnes de

l’hôpital de jour ici, mais en chirurgie j’ai trouvé que ça manquait vraiment beaucoup

d’humanité quoi ».

Le niveau pratique mentionné ci-dessus comprend la difficulté à combiner

la vie à l’hôpital et la vie à l’extérieur qui continue malgré la maladie. C’est-à-dire que

certains parents ont recommencé à travailler et ont des obligations supplémentaires à

gérer qui peuvent être source de stress. La maladie étant imprévisible, tout ne peut pas

se calculer et par conséquent, les certitudes se font rares. Ainsi, quand un rendez-vous

prévu se voit reporté, c’est tout la dynamique extérieure qui se voit parfois chamboulée

comme nous l’expliquent ces parents : « On va dire que le pire ici c’est que les

médecins ne savent pas se mettre d’accord l’un et l’autre. » Le papa de poursuivre :

« Pour les traitements… On sait pas s’organiser parce qu’il y en a un qui va dire tel

jour, l’autre un autre jour » (Famille 5).

Le pôle concernant la place du parent nous permet de réaliser le sentiment

de dépossession parfois ressenti par les parents, principalement lors des hospitalisations.

Le parent, au plus près de son enfant, de ses peurs et de son vécu, a de temps en temps

la sensation de ne plus rien pouvoir contrôler. Ainsi, nous avons remarqué chez une

maman l’importance de pouvoir conserver un minimum son rôle de mère ainsi que son

mal-être dès que ce droit lui est enlevé un peu plus. Voici ce qu’elle nous dit : « […] y a

une infirmière qui lui crie dessus en disant qu’il ne peut pas faire ça à maman. Mais

c’est mon travail. […] On n’a plus le droit de leur faire à manger, on n’a plus le droit

de choisir l’heure à laquelle ils se lèvent parce qu’il y a les médicaments, on n’a plus le

droit de rien… Donc ‘’Au moins son éducation, laissez-la moi quoi…’’ » (Famille 4).

Une autre maman a pu verbaliser ce même désarroi lorsqu’elle nous a dit cette

phrase : « […] vous prenez soin de votre famille, vous lui apportez tout ce qui faut, vous

avez certaines règles d’éducation et compagnie et puis du jour au lendemain votre

môme vous appartient plus hein » (Famille 3).

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Marquet Marie 58

4.1.6.2 La gestion du quotidien

Le quatrième défi auquel les familles sont confrontées concerne la

« Gestion du quotidien ». L’ensemble des parents a mentionné cette difficulté liée

plutôt aux conséquences de la maladie sur le versant organisationnel et logistique de la

vie quotidienne. Dès l’annonce du diagnostic, la vie s’accélère et ce rythme

soudainement accéléré ne laisse souvent que peu de place à l’intégration de la situation

et à la réflexion pouvant se résumer de la sorte : « Et maintenant, comment s’organise-t-

on ? ». Effectivement, du jour au lendemain, toute la famille doit s’adapter aux besoins

de l’enfant malade comme le souligne cette maman : « La maladie a rendu beaucoup de

choses plus difficiles et donc on a dû s’adapter, être beaucoup plus flexibles » (Famille

1). De l’alimentation à l’arrêt de l’activité professionnelle des parents – momentané ou

non – en passant par l’aménagement de la maison, la famille subit un ensemble de

restrictions qui impacte tout le système familial. Ce qui peut sembler un détail pour

certains constitue un sérieux bouleversement pour d’autres au moment où il faut s’en

séparer, ce qu’illustrent les paroles de cette maman : « On a dû changer des divans qui

étaient en tissu, réaménager même ma chambre, je dormais plus dans la même

chambre, ça me rendait folle. […] Les animaux… Les animaux, ça a été très dur, pour

[mon fils] et pour moi parce que du coup j’étais toute seule. Je dormais avec mes deux

enfants, maintenant j’ai plus d’enfants dans mon lit et j’ai même plus le chat » (Famille

4). Dans la difficulté à gérer le quotidien, nous pouvons également classer la distance

reliant le domicile des familles et la Clinique de l’Espérance à Montegnée.

Effectivement, trois des familles rencontrées vivent à plus d’une heure de route de

l’hôpital où leur enfant est pris en charge. Ces longs trajets, bien qu’ils soient

nécessaires, peuvent représenter un facteur de stress supplémentaire. Effectivement, ces

familles semblent avoir fait face à la distance et à la séparation de façon plus intense

comme nous le confirme cette maman : « On habite quand même pas tout près. Et il

aurait fallu faire deux heures de route, on faisait deux heures de route mais

l’éloignement, la séparation quand il y avait hospitalisation, ça a été dur » (Famille 6).

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Marquet Marie 59

4.1.7 La place de la fratrie

Cette cinquième et dernière difficulté mise en avant par la totalité des

parents concerne la question de la place occupée par les frères et sœurs au sein d’un

système familial confronté à l’épreuve de la maladie. Quel est leur rôle ? Comment les

intégrer dans le processus ? Comment gérer leur détresse ? Nous notons que ces

questionnements ne font pas toujours partie des préoccupations initiales des parents. Par

exemple, à l’annonce du diagnostic, cette famille nous confie ne pas avoir su tout de

suite comment la fratrie avait vécu cette journée dont pourtant, chacun garde un

souvenir précis. Cette maman va nous exprimer avec ses mots, cette difficulté à faire

cas de sa fille dans les premiers instants : « Donc l’annonce de la maladie, c’est le 28

octobre. Et ben, c’est le 28 octobre 2017, donc un an après la maladie, que j’ai su ce

que [ma fille] avait vécu le 28 octobre 2016. Je lui avais jamais posé la question avant.

Donc y a eu des choses comme ça où je me suis rendu compte à quel point [ma fille],

même si on l’a dit ici, même si y a beaucoup de choses qui ont été faites au niveau de

l’hôpital et qu’on nous a rappelé qu’il y avait la grande sœur… On était tellement dans

la maladie que je pense [qu’elle] ‘fin je parle que pour moi, pour [mon mari] je sais pas

comment… Mais du coup [elle] a quand même été un peu délaissée au début et n’a pas

su trouver tout de suite une place, ‘fin moi je n’ai pas su trouver de suite une place pour

elle quoi. J’étais trop absorbée par [mon fils] » (Famille 2). D’autres (Famille 5) vont

choisir d’impliquer la fratrie dès le début : « Quand on a su le 29 juin que notre enfant

avait ça, on a directement eu la maison de Julien, on a appelé tout le monde et toute la

famille est venue habiter ici » (Famille 5). Nous allons voir que la place de la fratrie est

un élément qui pose question tout au long du processus, que ce soit à l’annonce du

diagnostic, comme nous venons de le mentionner, pendant les hospitalisations ou même

au retour à la maison.

Les fréquentes hospitalisations, parfois de longues durées, semblent mettre à

l’épreuve la relation unissant les parents et les frères et sœurs. La fragilisation de cette

relation concerne surtout le parent resté aux côtés de l’enfant malade. Ce sentiment

d’abandon évoqué précédemment lorsque nous interrogions l’impact de la maladie sur

la fratrie est partagé par de nombreux parents (5/7). Effectivement, ceux-ci nous parlent

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Marquet Marie 60

de leur impression d’avoir dû choisir entre leurs enfants : « C’est devoir choisir entre

ses enfants… Et l’enfant malade prime. En sachant que même l’enfant sain est quand

même en détresse. Mais… oui je devais choisir. Choisir entre ses deux enfants c’est pas

gai. C’est un choix impossible » (Famille 4). Une autre maman évoque explicitement

son sentiment d’avoir abandonné ses autres enfants lorsqu’elle dit ceci : « J’ai eu un

sentiment de les abandonner tous en fait. J’ai eu mon cœur qui a été divisé en trois et

c’était vraiment… ça a été difficile à vivre hein » (Famille 1).

Enfin, le retour à la maison semble être également un moment clé dans le

processus et ce, même pour la fratrie. Il arrive que le parent ayant quitté le nid familial,

parfois pendant quelques mois, retrouve ses enfants différents de ce qu’ils n’étaient

auparavant (4/7). Ce parent réalise alors que le monde a continué de tourner à

l’extérieur de l’hôpital là où le temps a été suspendu. Certaines mamans constatent un

changement de tempérament chez leurs enfants, caractérisé par davantage d’autonomie,

par des colères et des crises qui ne se produisaient pas auparavant. Un changement de

comportement peut également s’observer tant à la maison qu’à l’école. Comme en

témoigne l’illustration qui suit, ces modifications observées chez les fratries sont parfois

expliquées par les parents comme étant le résultat de l’éducation reçue par autrui

pendant l’absence momentanée des parents. Toutefois cette explication est mentionnée

en toute bienveillance et sans reproches envers les membres de la famille qui ont pris le

relais. « Au début, quand on a quitté l’hôpital, elle faisait beaucoup de bêtises. Elle

cherchait vraiment l’attention. Maintenant… Bon, y avait aussi un changement de

tempérament dû au fait qu’elle a vécu chez ma mère pendant longtemps. Et chez ma

mère ils sont plus speed, ils crient, niveau vocabulaire aussi c’est pas ça non plus.

Donc, quand je suis revenue, y avait quelques choses à rattraper » (Famille 4). A ses

débuts, le retour à la maison est donc une période fragile où il est question pour chacun

de refaire sa place en modifiant l’équilibre et la dynamique familiale qui régnaient avant

la maladie. Nous avons pu nous rendre compte de ce moment délicat du processus

lorsque cette maman nous a décrit la tension et la colère sous-jacente exprimées surtout

par son fils à son retour à la maison, lui qui avait pris son rôle pendant l’absence de sa

mère : « Tout le monde cherche sa place […] Pour ma part, j’ai eu beaucoup de mal à

retrouver mes marques, ma place […] et l’équilibre, il a mis du temps avant d’être

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Marquet Marie 61

retrouvé… et je pense que pour [mon fils] ça a été comme ça aussi … [ma fille] était

très …accaparante » (Famille 7).

4.1.7.1 L’isolement social

Dans ce troisième point, nous allons développer un des obstacles majeurs de

la maladie et très souvent mal vécu par les parents de ces familles : l’ « Isolement

social (famille/amis »). Nous avons déjà cité ce problème précédemment lorsque nous

avons développé l’impact que la maladie peut avoir sur la famille au sens large du

terme. Cet éloignement a été désigné par cinq familles comme étant une difficulté à

laquelle elles ont dû faire face. Au-delà de la famille, les répercussions de la maladie

peuvent également se faire ressentir sur le réseau amical précédemment construit. Cet

isolement est parfois décrit comme un « abandon » (Famille 2) ou comme un « tri qui

s’est installé » (Famille 1), c’est-à-dire que cela semble s’être mis en place

insidieusement. Comme nous le dit une autre maman, « il s’est fait tout seul » (Famille

7). Ce tri est déstabilisant puisqu’il confronte ces familles à une prise de conscience

concernant les personnes de confiance qu’elles pensaient être plus nombreuses. Voici le

vécu de cette maman quant à ce problème : « Maintenant déçue de certaines personnes,

je ne vois plus du tout les choses de la même façon, y a beaucoup de monde à qui je ne

parle plus. […] on se rend compte vraiment des personnes qui sont importantes et on se

rend compte des personnes qui sont vraiment là pour nous. C’est ça aussi… Des fois on

croit que les gens c’est nos amis puis il nous arrive un truc comme ça et voilà. Moi je ne

parle plus à mon amie que je, que ça faisait 15ans qu’on se parlait et qu’on avait

jamais eu de problème. Parce que toutes les semaines, elle me disait qu’elle allait venir

et elle est jamais venue. Moi j’avais besoin d’elle ! J’avais des moments de cafard où

j’étais toute seule ». Dans certains cas, nous observons une rupture assez brutale avec

l’entourage : « J’ai tellement été déçue par plein de monde qui n’était pas là que j’ai

plus envie. […] Et le jour où [mon fils] est tombé malade, je n’ai eu de soutien de

personne. On est jamais venu nous voir, plus de nouvelles, plus rien » (Famille 5).

Grâce aux témoignages de ces parents, nous avons le sentiment que cette

difficulté éveille un sentiment de déception chez bon nombre d’entre eux qui ne

s’attendaient pas à de telles conséquences. Lorsque nous l’avons fait remarquer à un

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Marquet Marie 62

papa, celui-ci nous a répondu : « Non, voyons les choses du bon côté. Aujourd’hui, les

choses sont claires. Avant, on aurait fait les faux jetons parce que c’était la famille,

aujourd’hui on ne fait plus les faux jetons. Dans le Petit Larousse, la famille c’est : ton

père, ta mère, tes frères, tes sœurs. Mais on a une deuxième famille, c’est des gens sur

qui on sait compter, des gens avec qui on se plait, avec qui on aime passer du temps,

avec qui on ne voit pas le temps passer … » (Famille 7). Avec ce sentiment de

déception exprimé dans certains cas et formulé autrement dans d’autres, nous sentons

une certaine résignation ainsi qu’une envie d’avancer avec des personnes solides et

capables de les accompagner sur le chemin de la vie. Les propos de cet autre père

semblent se diriger dans la même direction lorsqu’il nous dit ceci, en toute sérénité :

« L’entourage est vraiment un des plus gros problèmes depuis qu’on a la maladie. Avec

des gens qui se sont éloignés mais, avec des gens qui, comme tu viens de le dire, des

gens qui ont eu peur, des gens maladroits, des gens cons… Parce qu’il y a des gens

cons et y en a un paquet, qui sont maladroits mais vraiment maladroits. Y a la

maladresse puis il y a la connerie et là, là… on sait rien y faire pour ça. Et puis il y a

toutes ces nouvelles personnes qui sont arrivées, qui ont débarqué dans nos vies et qui

sont des personnes, pour la plupart, bienveillantes et chouettes » (Famille 2).

4.1.7.2 Les problèmes financiers

La seconde difficulté mise en évidence concerne le versant financier. Nous

nommerons cette catégorie « Problèmes financiers ». Celle-ci a été relevée par quatre

familles. Toutefois, toutes nous ont parlé de cette difficulté comme étant un obstacle à

court terme. En effet, des solutions ont pu être trouvées à chaque fois à l’aide des amis,

de la famille, des assurances et mutuelles. Il semble que sur l’échelle des difficultés, les

problèmes financiers ne soient pas prédominants comme le dit cette maman (Famille

1) : « On a arrêté de travailler, c’est vrai qu’on a eu plus dur mais on s’en est sorti.

Voilà donc [c’était plus au niveau] santé, relations, famille, oui ».

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Marquet Marie 63

4.2 Les informations objectives sur la maladie et

la communication autour de la maladie.

Notre deuxième question de recherche s’intéresse aux informations

objectives que les fratries possèdent sur la maladie de leur frère ou de leur sœur.

Contrairement à la première question centrée sur la dynamique familiale et questionnée

uniquement auprès des parents, nous avons tenté de répondre à cette seconde question

en interrogeant les parents et les fratries. Que savent les fratries sur la maladie qui

touche l’un des leurs ? Ont-ils été informés et sont-ils conscients de la situation ? Si

oui, qui leur a annoncé ? Pourquoi le dire ? Pourquoi ne pas le dire ? Afin de répondre à

ces questions et d’investiguer la communication autour de la maladie dans ces familles,

nous avons posé les deux questions suivantes aux parents :

- « Que savent les frères et sœurs quant à l’état de santé de X ? »

- « Qui leur a donné ces informations ? »

Avec le même objectif, voici les deux questions adressées aux fratries :

- « Que peux-tu me dire concernant l’état de santé de ton frère/ta

sœur ? »

- « Qui t’a donné toutes ces informations ? »

A l’aide de celles-ci, nous avons pu mettre en évidence les informations les

plus souvent transmises aux enfants rencontrés, la façon dont elles ont été

communiquées ainsi que les personnes impliquées dans la transmission de ces

informations. Voici les éléments clés relevés à la suite de nos rencontres avec les

familles :

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Marquet Marie 64

4.2.1 Les informations objectives : « Que savent les frères et

sœurs quant à l’état de santé de X ? »

Dans un premier temps, nous allons commencer par évoquer l’avis des

parents quant à cette question. La totalité des familles nous a répondu instinctivement

« Tout ». La volonté de « ne rien cacher » s’avère être importante lorsque nous

abordons cette question. Cependant certains soulignent la nuance entre ce qui a été dit et

ce qui a été compris par l’enfant, comme cette maman par exemple : « Je dirais qu’on

lui a dit tout. Mais je ne sais pas s’il a tout compris » (Famille 3). Malgré cela, ces

parents nous racontent avoir veillé à l’utilisation des mot adaptés à l’âge de chacun.

C’est-à-dire que ces fratries ont souvent connaissance d’éléments concrets tels que le

nom de la maladie, le mécanisme qui se déroule dans le corps et les conséquences dans

le quotidien (le port d’un masque, le lavage des mains, les changements d’alimentation,

etc.). Ce désir de communiquer peut s’expliquer par l’impossibilité de cacher la maladie

puisqu’elle nécessite de nombreux allers-retours à l’hôpital, certaines précautions

d’hygiène appliquées à tout le système familial ainsi qu’une rupture momentanée avec

le système scolaire ainsi que nous l’explique cette maman : « C’était difficile à cacher

quand même, parce que son frère a été opéré, qu’on venait tout le temps à l’hôpital,

qu’on le déposait tout le temps à la garderie donc c’était impossible à cacher »

(Famille 3).

A présent, nous pouvons nous demander quel est l’élément déclencheur à

cette conversation, ce besoin d’informer ces fratries. Quel est le bon moment ?

Comment initier la discussion ? Dans deux cas sur sept, nous avons remarqué la

présence de la fratrie le jour de l’annonce du diagnostic, les parents ne s’attendant pas à

recevoir une telle nouvelle. Dans ces cas-là, après avoir été confronté à l’inconcevable,

c’est naturellement que la communication s’est poursuivie au sein de ces familles

comme le mentionne cette maman : « Mais déjà, elle était là quand on a posé le

diagnostic. Puisque on nous a envoyés ici en urgence […] donc on est tous partis en se

disant, c’est une anémie, on va le transfuser et ça va aller. Et on nous l’a annoncé

donc… on s’est un peu effondrés devant elle. Ca n’a pas duré longtemps parce que

justement … on essaie de récupérer pour pas qu’elle panique. […] Après j’ai rebondi

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Marquet Marie 65

sur le dessin animé [La Vie] qu’on avait vu quelques jours auparavant sans savoir…

Elle a juste pleuré quand on lui a dit que si on était malade on pouvait plus lui faire des

bisous et des câlins » (Famille 4). Bien que l’annonce à la fratrie soit parfois précipité, il

semble que le souhait des parents soit avant tout de ne pas exclure celle-ci ainsi que le

décrit ce papa : « Oui et surtout ben de ne pas les mettre de côté non plus quoi. On a

plusieurs enfants donc il faut… Si on leur dit pas ben elles ont l’impression qu’on leur

cache des choses donc c’est un peu les mettre de côté » (Famille 5).

Néanmoins, même si la volonté de tout partager avec la fratrie est verbalisée

par la majorité des parents, nous avons pu relever quelques nuances. Il semble que l’âge

de la fratrie au moment du diagnostic influence la communication autour de la maladie.

Effectivement, au sein de la Famille 1, le plus jeune frère de la fratrie, âgé de quatre

mois au moment de l’annonce de la leucémie de sa grande sœur, ignore la situation. La

maman nous dit ceci : « A. il sait pas. Il ne sait pas, il est pas conscient du tout, il ne se

rend pas compte ». Ensuite, la famille 4 nous racontera avoir modifié la fin d’un livre

acheté à la grande sœur. La maman nous explique : « J’ai acheté un livre pour la

leucémie pour les enfants. C’est une petite fille, elle a la leucémie, elle est en chambre

stérile… Donc jusque-là, tout va bien. Elle se fait une copine sur place et à la fin elle

reçoit une lettre et sa copine est morte. Et le livre se termine comme ça. […] Oui, mais

le but n’est pas non plus de la faire vivre dans l’angoisse que son frère ne meure…[…]

Parce que moi je vis avec cette angoisse-là, mais je suis une adulte. C’est pas à elle à

porter ce fardeau-là. Et finalement voilà, elle est partie en vacances. Et c’est très bien,

tout le monde est heureux ». Nous constatons ici que le thème de la mort est un sujet

compliqué à aborder pour les parents, comme le confirme une autre maman : « Oui

tout, tant que les nouvelles sont bonnes mais maintenant voilà, je sais pas comment ce

serait si on nous annonçait que ce serait euh… ‘fin c’est du bois ça ? » (Famille 2).

Enfin, un dernier élément semble entrer en jeu lorsqu’il s’agit de dire ou de ne pas dire

aux enfants : la présence d’un soutien social pour intégrer l’information. Effectivement,

les parents de la famille 7 nous ont décrit la difficulté pour eux d’informer leur fils de la

situation, en direct, alors qu’ils n’étaient pas ensemble, ce fils vivant à l’internat. Dans

ce cas précis, l’information n’a pas été cachée mais le moment choisi pour la

transmettre a été différé. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que trois facteurs vont

compromettre la facilité avec laquelle les informations seront transmises : l’âge de la

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Marquet Marie 66

fratrie au moment du diagnostic, la thématique de la mort, et des mauvaises nouvelles

plus globalement, ainsi que la présence de l’entourage au moment de la transmission.

Dans un deuxième temps, nous pouvons nous focaliser sur ce que les

fratries elles-mêmes disent savoir de la maladie de leur frère ou de leur sœur. Nous

faisons ressortir l’aspect technique et médical dans les termes utilisés par ces enfants.

En effet, cinq fratries ont pu nous dire le nom de la maladie notamment : « Leucémie »,

« Cancer dans le cervelet », « Ostéosarcome ». Tous vont nous parler, avec leurs

propres mots, du mécanisme qui se produit à l’intérieur du corps. Ils vont notamment

nous parler des « globules blancs qui sont en train de combattre les microbes » (Famille

1), des globules « qui devenaient méchants » et des traitements qui aident à en

fabriquer de nouveaux (Famille 5). D’autres vont nous dire qu’on a « enlevé la

malléole » de leur petit frère et nous expliquer le contrôle qu’il devra subir à long terme

(Famille 7). Un autre élément se dégage des réponses des fratries : quatre d’entre elles

complètent leurs propos en nous racontant leurs souvenirs des premiers instants de la

maladie : à quel point la période en chambre stérile « c’était dur » (Famille 2),

l’émotion ressentie quand une des sœurs nous dit avoir « chialé » en l’apprenant

(Famille 5), ce qu’ils faisaient à ce moment-là : « …là-bas, je me suis amusé à faire des

calculs avec une infirmière » (Famille 6), les longs mois que l’enfant malade a passés à

l’hôpital, etc.

Pour conclure ce sous-point, nous pouvons dire qu’il existe une certaine

convergence entre les propos tenus par les parents et ceux des enfants. En effet, il est

vrai que les fratries ont en leur possession des informations assez précises sur l’état de

santé de leur frère ou de leur sœur. Sur les sept familles rencontrées, un seul frère m’a

dit « ne pas avoir envie de raconter ça » (Famille 6) même si par la suite, il a pu me

raconter son souvenir de la journée marquant l’annonce du diagnostic et les raisons

expliquant les visites fréquentes de sa sœur à l’hôpital. Nous avons remarqué de la

confusion dans l’explication d’un seul frère (Famille 3). Ce manque de clarté ne nous

permet pas de tirer une quelconque conclusion mais nous fait confirmer les propos de sa

maman qui se demandait précédemment si son fils avait tout compris des informations

qui lui avaient été transmises.

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Marquet Marie 67

4.2.2 La communication autour de la maladie : « Qui leur a

donné ces informations ? »

Après nous être interrogés sur le contenu des connaissances de la fratrie vis-

à-vis de la maladie, nous nous sommes demandés quelles personnes jouaient ce rôle de

soutien informationnel surtout mais aussi émotionnel. De même que pour la précédente

question, nous avons recueilli cette information tant auprès des parents qu’auprès de

leurs enfants.

Nous retrouvons les mêmes personnes dans le discours des parents et des

fratries. Les personnes qui se sont chargées de donner aux enfants des informations sur

la maladie sont : les parents, les médecins et les psychologues du service d’hémato-

oncologie pédiatrique de la Clinique de l’Espérance. Nous pouvons également constater

la présence d’un autre intervenant chez une des fratries. Celle-ci nous exprime avoir

demandé plusieurs fois des explications à son professeur de science au début de la

maladie (Famille 5). Dans deux situations (Famille 3 et Famille 6), la fratrie cite son

frère ou sa sœur dans la liste des personnes qui l’ont informée. En croisant les réponses

des parents et des fratries, une seule divergence majeure a été mise en évidence. En

effet, au sein de la famille 7, les parents nous disent regretter de ne pas avoir organisé

une rencontre entre l’équipe (médecins, psychologues) et la fratrie. Ils nous disent ceci :

« Les rythmes des chimios étaient tellement soutenus, […] c’est de notre faute, mais on

n’a pas pris le temps pour tout ça ». Pourtant, bien qu’une conversation officielle n’ait

pas été mise en place, nous constatons que la petite sœur de la fratrie cite ces

intervenants en réponse à cette question, mais également dans les personnes ressources.

Elle nous raconte : « Ah ben, [la psychologue] m’avait dit … Je ne sais plus si c’était

bien elle qui s’occupait des activités artistiques mais […] quand on a été chercher tout

ce qu’il fallait, elle m’avait bien expliqué la maladie ». Cette petite fille va également

évoquer une discussion avec les médecins : « Quand on était parti en camp Espérance,

je lui avais posé [des questions] et il avait bien répondu ». Dans ce cas précis, nous

nous rendons compte de la présence de conversations moins officielles dont les enfants

n’ont pas toujours parlé à leurs parents.

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Marquet Marie 68

Concernant les intervenant principaux cités dans le paragraphe précédent,

plusieurs parents (4/7) nous disent avoir demandé de l’aide aux psychologues quant à la

façon de formuler certaines informations : « … j’aurais pas trouvé les mots, j’aurais

pas su vraiment comment j’aurais dû expliquer pour bien le faire trop la traumatiser et

sans trop la frustrer quoi » (Famille 1). L’équipe de professionnels s’est avérée être une

réelle ressource pour ces parents, désemparés face à certaines questions. Un papa nous

parle de cela : « On ne peut pas rassurer un enfant sans même avoir une connaissance

globale des enfants. Pour prendre un exemple quand eux sont rassurants, eux ont la

visibilité globale sur le nombre d’enfants qui passent par ici, nous on a que l’autre. On

peut répondre ‘’Ca va aller’’ mais on sait pas si ça va aller, on sait pas ce que l’IRM va

donner. On a peur évidemment, on est angoissé. Mais eux, peut-être que par rapport au

protocole ben oui ok, ‘’On aura peut-être des solutions, on trouvera’’. Donc ils sont

avec l’ensemble, nous pas ». La maman de renchérir plus tard dans l’entretien : « Mais

moi c’est après, sur le moment même je ne sais pas, mais après [la psychologue] nous a

expliqué comment dire quand j’étais mal face à des questions de [mes enfants], c’était

de dire… ‘’C’est grave ?’’, ‘’Ben oui, ça peut être grave…’’, ‘’Et, est-ce qu’il pourrait

mourir ?’’ et de lui répondre, parce que est-ce qu’il pourrait mourir… ouhlala, un

parent […] il sait pas quoi dire à un truc comme ça. Et donc on nous a dit de dire ‘’On

fait tout ce qu’on peut pour que ça aille au mieux et on travaille dans le sens pour que

ça arrive pas’’. Ben voilà, cette phrase-là moi m’a sortie plusieurs fois de situations

compliquées où je dis pas ‘’Oui, il pourrait mourir’’ mais on peut dire cette phrase-là

qui dit ‘’Bien sûr c’est grave mais en tous cas on n’espère vraiment pas que ça va

arriver’’ » (Famille 2). Par cette illustration, nous constatons l’impact direct que le

soutien des professionnels de l’équipe peut avoir sur la communication autour de la

maladie. Ainsi que nous le raconte cette petite fille, il semble que l’équipe permette la

transmission d’une information plus claire auprès des fratries : « [La psychologue] elle a

dit directement les choses. Maman […] elle le disait pas tout de suite ce qu’elle voulait

dire » (Famille 2). A l’aide de ces témoignages, nous pouvons émettre l’hypothèse que

l’efficacité de la communication dépend d’un travail d’équipe où chacun des membres

de l’équation – le parent, le psychologue, le médecin – a son rôle à jouer.

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Marquet Marie 69

Enfin, pour clôturer cette question, nous souhaitons évoquer un dernier

élément : les divergences familiales existant parfois vis-à-vis de la communication

auprès des fratries. Effectivement, cette thématique fut évoquée à trois reprises. Nous

constatons donc une contradiction entre la volonté des parents de tout dire à leurs

enfants et celle de membres de la famille qui est de cacher certains éléments dans ce qui

semble être un désir de protection. Nous pouvons illustrer nos propos par les mots de

cette maman : « Nous dans sa famille on disait ‘’Ne leur dites pas tout, vaut mieux pas

tout dire’’. Mais si ! Moi je veux tout leur dire » (Famille 5). Les propos de ce papa

nous permettent d’encore mieux saisir les divergences d’opinions existant parfois entre

les générations : « […] je pense à tes parents qui auraient tendance à vouloir cacher des

choses, […] à se dire ‘’Faut pas que Ro. soit au courant quand même !’’ et nous

justement, toi surtout, ‘’Si, il faut que [ma fille] soit au courant ! Il faut qu’elle sache, il

faut qu’elle connaisse !’’, qu’elle soit intellectuellement capable de comprendre qu’il y

a peut-être un élément qui a provoqué ça, ça, et ça » (Famille 2).

4.3 Le vécu du système familial par rapport au

diagnostic, à la maladie.

Au-delà des informations objectives à propos de la maladie, il nous semblait

important de pouvoir recueillir le vécu de ces parents, de ces fratries et de pouvoir

également faire ressortir les émotions que la maladie provoque chez chacun. Le ressenti

du système familial est donc au cœur de cette troisième question de recherche. Dans un

premier temps, nous analyserons le vécu des parents après que la fratrie ait été informée

du diagnostic. Voici la question posée à cet effet :

- « Comment vous êtes-vous sentis après que vos enfants aient été mis

au courant de la maladie de leur frère/sœur ? »

Dans un second temps, nous décrirons le vécu des fratries elles-mêmes en

posant la question suivante, posée de façon similaire aux parents et aux enfants :

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Marquet Marie 70

PARENTS :

- « Et vos enfants, comment se sont-ils sentis après l’annonce du

diagnostic ? »

FRATRIES :

- « Comment t’es-tu senti après avoir su tout ça (= Les informations

objectives de la maladie) ? »

Dans un troisième temps, nous focaliserons notre attention sur le vécu des

fratries lors de leurs visites à l’hôpital ainsi que lorsqu’ils sont dans l’incapacité

d’accompagner leurs parents et leur frère ou leur sœur malade. Pour cela, nous poserons

les questions suivantes aux fratries :

- « Comment te sens-tu quand tu viens à l’hôpital avec ton frère/sœur

et papa et/ou maman ? »

- « Et quand tu ne viens pas, qu’est-ce que tu ressens ? »

Enfin, nous terminerons cette partie en axant notre réflexion sur le présent.

Depuis le diagnostic, pouvons-nous dire que les parents ont observé une évolution chez

leurs enfants ? Pour y répondre, nous avons posé la question qui suit aux parents :

- « Comment vont-ils aujourd’hui ? »

4.3.1 Le vécu des parents

Le soulagement. Voici le terme revenu le plus fréquemment dans les

réponses des parents et qui semble caractériser leur vécu. Effectivement, la moitié

d’entre eux dit s’être sentie soulagée comme nous le dit cette maman : « Ben pour moi

c’était vraiment important qu’il soit au courant et donc j’étais entre guillemets soulagée

de lui avoir dit parce que je voulais vraiment être honnête avec lui sur ce qui se passait.

Aussi pour lui donner une place de grand frère, de membre de la famille » (Famille 3).

Au-delà de ce sentiment de soulagement ressenti par certains, nous notons cette

évidence d’inclure la fratrie dans le processus pour ne faire qu’un. Effectivement, deux

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Marquet Marie 71

couples nous ont répondu ne pas s’être posé la question et l’avoir dit tout de suite. Nous

avons constaté que les paroles de tous les parents allaient dans la même direction :

l’importance d’être franc avec la fratrie. Cette maman nous rappelle cette importance :

« Pour moi c’est important qu’elle le sache, j’ai toujours été honnête avec mes

enfants » (Famille 4).

La surprise. Après ce sentiment de soulagement, une maman a complété son

témoignage en disant avoir été surprise de la réaction de son fils (Famille 3), celui-ci

ayant continué de jouer après que sa maman lui ait expliqué que son frère était malade

et qu’il devrait aller régulièrement à l’hôpital. Elle nous raconte son sentiment à ce

moment-là : « Parce qu’on dit ça à n’importe quel adulte, on a plusieurs réactions :

abasourdi euh, en larmes ou que sais-je … Mais lui il continue sa vie » (Famille 3).

La peur. La maman de la première famille rencontrée a également souligné

le soulagement ressenti après que sa fille ait été informée de la leucémie dont est

atteinte sa petite sœur. Elle a poursuivi en évoquant un sentiment de peur.

Effectivement, cette maman nous dit ceci : « J’avais juste peur un moment parce qu’elle

me dit ‘’Oui, tu crois que je vais l’attraper moi ?’’ Parce qu’elle était grande et qu’elle

se remet en question ». Cette peur semble avoir principalement été liée aux

questionnements qui ont émergé dans l’esprit de sa fille à la suite de l’annonce.

Ensuite, nous pouvons terminer par mettre en évidence la réponse de ces

parents qui nous disent dans un premier temps ne pas se souvenir de leur ressenti vis-à-

vis de l’annonce à la fratrie. La maman l’explique en ajoutant qu’elle est incapable de

nous dire comment s’est passée la journée de sa fille le jour du diagnostic et comment

elle a vécu celle-ci. Voici ses mots : « Pour ma part y a un trou noir. Je saurais plus

dire qui a dit quoi à [ma fille]. Ce que les médecins ont dit, moi par contre, je ne sais

plus rien » (Famille 2). Après ce choc, elle nous dira s’être sentie « rassurée » après

avoir reçu l’aide des psychologues concernant la façon de communiquer avec la fratrie.

4.3.2 Le vécu des fratries

Quel effet l’annonce du diagnostic a-t-elle eue sur les fratries ? Comment

l’ont-elles vécue ? De manière à rendre plus visible la diversité des émotions ressenties

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Marquet Marie 72

par les frères et sœurs, nous vous présentons ci-dessous les informations recueillies sur

le terrain. Ce graphique contient l’avis des parents vis-à-vis de cette question ainsi que

l’avis des fratries :

Sur base des 14 entretiens, nous avons pu établir huit classes de sentiments

distincts. La neuvième ayant été difficile à construire, nous la distinguons des autres

puisqu’elle reprend les propos des fratries qui, selon nous, ont leur propre vécu mais qui

ont éprouvé quelques difficultés à mettre en mots ce ressenti.

La tristesse est l’émotion dominante et s’exprime bien souvent par des

pleurs de la fratrie. Ce sentiment est davantage cité par les fratries (4/7) que par les

parents (3/7). Nous constatons la présence d’une relation entre la tristesse et le manque

du frère ou de la sœur malade, celui-ci étant bien souvent la cause des larmes de la

fratrie : « Une fois, j’ai carrément pleuré à l’école parce qu’elle me manquait »

(Famille 1).

Le stress fait partie des réponses les plus souvent mentionnées. Dans cette

catégorie, nous classons également les angoisses et les inquiétudes qui sont nées chez la

fratrie à la suite du diagnostic. Nous pouvons par conséquent dire que trois parents ont

mis ces émotions en évidence ainsi que deux fratries. Le stress de savoir « si [la

maladie] va partir » (Famille 1), l’angoisse de s’endormir (Famille 2), l’inquiétude vis-

à-vis de l’avenir, etc. Ce dernier point peut être illustré par les mots assez parlants de

cette petite fille : « Je me dis ‘’Je ne sais pas comment on va vivre ça !’’ Est-ce que il

n’y arrivera pas ? Il arrivera ? Je ne savais pas dire … » (Famille 7).

Sur le terrain, nous avons constaté la difficulté à saisir la nuance entre la

peur le stress, cité ci-avant, dans les propos des parents (4/7) et des fratries (2/7). Les

éléments que nous pouvons faire ressortir sont la peur d’attraper la même maladie, la

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Marquet Marie 73

peur de perdre son frère ou sa sœur, la peur que celui-ci souffre. Nous avons choisi de

vous proposer l’extrait suivant, celui-ci décrivant de façon très juste le premier élément

cité : « Tous les petits bobos deviennent des ‘’Je vais avoir un cancer…’’ […] Et un

jour, il avait de nouveau mal…c’est toi qui lui a posé la question hein ? ‘’Il faut aller

chez un médecin ?’’ et il t’a dit ‘’Oui, j’ai peur d’avoir un cancer’’ » (Famille 7).

L’impuissance et le déni ont été mis en avant par la même famille (Famille

5), la notion d’impuissance se retrouvant tant dans le discours des parents que dans celui

de la fratrie. Le déni quant à lui est évoqué par les parents vis-à-vis de l’une des sœurs.

Voici comment ils nous décrivent ce sentiment : « Au tout début, elle a renié, pour elle,

il était pas malade ». La jeune fille concernée va plutôt qualifier son ressenti comme

suit : « Au début je m’en foutais ». Concernant l’impuissance, voici comme

l’adolescente la décrit : « Moi je me suis sentie grave impuissante. J’avais l’impression

de pouvoir rien faire pour lui. […] Franchement j’aurais pas su faire tout ce qu’il a fait

hein ». Dans le discours des parents, ce même sentiment de se sentir désemparé n’est

pas mentionné explicitement mais est sous-jacent lorsqu’ils mentionnent la façon dont

leur fille a tenté de « gérer » la situation en prenant sur elle et en « faisant la forte »

pour son petit frère.

L’incompréhension a également été citée de la part de deux couples de

parents (Famille 3 et 7). Aucun enfant ne nous a donné d’éléments qui entreraient dans

cette catégorie. Ils relèvent cet élément en complément d’autres émotions ressenties

telles que la peur et l’inquiétude. Par exemple, la maman de la troisième famille

rencontrée nous dit ceci : « Mais c’est pas si facile de comprendre ce qu’ils

comprennent […] parce que bizarrement des fois il comprend les choses différemment.

Parfois il va aggraver une situation… On n’a pas voulu dire ça mais il a compris ça ».

Quant à la colère, elle a notamment été mentionnée par un couple de

parents, leur fille la citant également. Toutefois, dans ce cas-ci et dans le cas du second

couple citant cette émotion, la colère et l’agressivité sont expliquées en tant que

conséquence de contexte global de la maladie et non pas comme une réaction suivant

l’annonce du diagnostic. Voici ce que nous explique la grande sœur : « [Une fille] a dit

un jour du mal de [mon frère], genre qu’il savait pas lire, qu’il était nul et tout et alors

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Marquet Marie 74

là par exemple ben je me suis mise dans une colère et c’est à cause de ça que mes

émotions ben elles partent un peu plus vite que des personnes qui n’ont pas de frère

malade ou de sœur malade » (Famille 2). La seconde situation où la colère a été citée

par une fratrie concerne directement l’émotion ressentie vis-à-vis de la maladie comme

nous le dit cette autre grande sœur : « J’étais pas contente […] contre la maladie ! »

(Famille 1).

La neuvième et dernière catégorie comprend donc les situations où le vécu a

difficilement pu être verbalisé par les fratries. Nous pouvons évoquer le cas de deux

enfants sur l’ensemble des fratries qui ne sont pas parvenus à mettre des mots sur leur

vécu (Famille 6 et 7) et nous ont répondu qu’ils se sont sentis « mal », « pas bien »,

qu’il fallait bien « faire avec ».

Pour conclure, nous souhaitons souligner que sur les huit émotions

ressenties, nous observons qu’il n’y a pas toujours de convergence entre l’avis des

parents et celui des fratries par rapport au ressenti de ces dernières. Les émotions

prépondérantes selon les parents sont la tristesse, le stress et la peur (3/7). Chez les

fratries, la tristesse est la plus souvent citée (4/7).

4.3.3 Et à l’hôpital ?

En analysant les réponses des fratries à propos des visites à l’hôpital, nous

constatons la présence d’une connotation positive dans les propos tenus par l’ensemble

des fratries. Les enfants sont « contents », « heureux », « super bien », « soulagés »

lorsqu’ils se rendent auprès de leur frère ou de leur sœur. Ils nous expliquent cet état

positif par le fait qu’ils peuvent se revoir, jouer ensemble, s’amuser, rattraper le temps

perdu. En plus de la joie procurée par les retrouvailles avec leur frère ou leur sœur, une

fratrie (Famille 7) ajoute le parent resté à l’hôpital au sein de celles-ci. L’état de

soulagement a été mentionné par un frère (Famille 3) qui se dit « rassuré » de voir les

médecins s’occuper de son petit frère. Il nous dit ceci : « Je me dis il va pas mourir si on

le soigne tout le temps ». Toutefois, en plus des émotions positives, nous pouvons

relever la tristesse évoquée par une grande sœur lorsqu’elle réfléchit à la raison pour

laquelle sa famille se rend régulièrement à l’hôpital : « Je suis un peu triste quand même

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Marquet Marie 75

parce que on vient pas ici pour juste venir voir l’hôpital, on vient ici parce que [mon

frère] est malade » (Famille 2). Nous soulignons également un élément évoqué par une

seule fratrie (Famille 5): l’aspect routinier caractérisant ces visites au fil du temps. Voici

ce que les deux sœurs nous déclarent: « Ben on a tellement l’habitude que c’est comme

une journée normale en fait ».

Si ces frères et sœurs éprouvent autant de gaieté à se retrouver à l’hôpital,

que ressentent-il lorsqu’ils ne peuvent s’y rendre ? Les réponses obtenues à cette

question nous font relever le caractère négatif (5/7) de cette absence de moments

partagés ensemble. La tristesse, l’ennui, le manque et la « peur que ça se passe pas

bien » (Famille 2) ont été mentionnés. Nous soulignons néanmoins l’incroyable capacité

de ces enfants de toujours faire ressortir les éléments positifs comme cette grande sœur

qui malgré ses inquiétudes, choisit de nous parler des moments agréables qu’elle

partage en dehors de l’hôpital : « …je me sens bien parce que je reste avec mes amies »

(Famille 2). Deux fratries (Famille 5 et 7) ne nient pas le caractère « compliqué » d’être

séparés mais relèvent une intensité d’angoisse moindre lorsqu’ils sont tenus informés de

la situation grâce à des contacts téléphoniques quotidiens ou à une correspondance

fréquente via les réseaux sociaux.

4.3.4 Et aujourd’hui ?

Pour répondre à cette question, il nous semble important de préciser que le

temps écoulé depuis le diagnostic est de minimum un an chez l’ensemble des familles,

avec un maximum de trois ans.

Dans l’ensemble, quatre familles nous ont répondu en disant que leurs enfants

allaient « bien » ou en tous cas qu’ils allaient « mieux » (Famille 1, 2, 6, 7). Ainsi, il

semble que le temps ait parfois donné lieu à des choses positives comme par exemple la

présence d’une plus grande maturité, un bien-être général stable. Ces parents (3/7)

n’oublient toutefois pas l’impact que le contexte de maladie a toujours sur la fratrie,

certains mentionnant le changement de caractère, les inquiétudes permanentes, les

émotions « à fleur de peau », la frustration due au sentiment de privation, etc. Ce

dernier élément peut être illustré par les paroles de cette maman : « Y a quand même de

la frustration quoi. Toutes ces choses qu’elle peut pas faire à cause de son frère je vais

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dire…[…] On peut pas aller à Forestia… les animaux… ben c’est à cause de [son

frère]. Elle le dit pas pour l’attaquer ou quoi mais c’est à cause de [lui] » (Famille 4).

4.4 Les représentations du système familial par

rapport au diagnostic, à la maladie

Cette question a été investiguée auprès des fratries à l’aide d’un outil : le

blason. Vous trouverez quelques illustrations de celui-ci dans les points abordés ci-

dessous. Les blasons complets de chaque fratrie se trouvent dans les annexes

confidentielles, à la suite de la retranscription de l’entretien correspondant.

4.4.1 Le dessin de la famille

Nous observons souvent un réel investissement de la case dessin de la

famille dans le présent, les enfants utilisant (4/7) de nombreuses couleurs. Lorsque

plusieurs enfants étaient présents au moment de l’entretien (2/7), le dessin se réalise

dans le calme et la collaboration. Nous constatons que celui-ci se construit selon deux

façons différentes : soit par ordre de grandeur, soit selon les affinités régnant au sein de

la famille. Tous les enfants choisissent de représenter leur famille nucléaire. C’est-à-dire

que nous retrouvons automatiquement le père, la mère et la fratrie dans cette case.

Toutefois, deux fratries ont choisi d’y ajouter d’autres personnes : des amis considérés

comme appartenant à la famille. Une grande sœur (Famille 2) commencera d’ailleurs

son dessin en y représentant ses deux meilleures amies. Elle nous dit ceci : « Là c’est

mes amies, c’est elles qui m’ont soutenue pendant que [mon frère] était malade ». Deux

de ses cousines apparaissent également. Voici sa famille dans le présent :

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Marquet Marie 77

La case destinée à la représentation que les fratries se font de leur famille

dans le futur semble moins investie que la précédente. Quatre fratries ne vont d’ailleurs

rien y dessiner, et plutôt écrire le changement auquel elles pensent. Globalement, que la

fratrie ait dessiné ou non sa famille dans le futur, on retrouve la notion d’être devenu

« plus grand » dans la moitié des cas. Seules deux fratries vont faire référence à la

maladie de leur frère dans le futur. La fratrie de la Famille 5 mentionne la fin des

traitements de leur frère quand nous leur demandons à quoi correspond leur idée du

futur. Elle ajoute ceci : « Et le soleil c’est significatif pour moi aussi. Genre tout le

monde est moins énervé ». La seconde fratrie évoque l’idée des cheveux qui repoussent

et du bonnet qu’on peut ranger ; le bonnet étant un objet précieux pour certains enfants

après la perte des cheveux que les traitements provoquent. Elle nous dit : « Non il

mettra plus son bonnet, il laissera repousser ses cheveux. […] il viendra encore faire

des fois une IRM pour être sûr que tout soit bien parti » (Famille 2). Pour les deux

sœurs de la famille 5, les changements envisagés s’appliquent à toute la fratrie puisque

le projet de l’une est d’obtenir son CE1D (certificat d’études du premier degré de

l’enseignement secondaire) et celui de l’autre est de réussir son permis théorique.

4.4.2 Les pertes et les gains

Nous avons interrogé les enfants afin de prendre connaissance des pertes et

des gains que les fratries peuvent relever dans l’expérience qu’elles traversent, selon

leur propre vécu. « Qu’est-ce qui est mieux ? Quels sont les avantages, les points

positifs ? » et « Qu’est-ce qui est moins bien ? Quels sont les inconvénients, les points

négatifs ? »

Concernant les pertes que peuvent ressentir les frères et sœurs, trois fratries

font référence à la perte d’une personne : « J’ai perdu ma vraie sœur » (Famille 1),

« …ils étaient que tous les deux là-bas et j’avais l’impression qu’ils ne pensaient pas à

nous » (Famille 7). La troisième fait référence au tri amical qui a eu lieu. Toutefois, elle

mentionne également cela dans les gains puisque les « vrais amis » se sont révélés.

Deux fratries mentionnent aussi l’épreuve que cela a été pour eux émotionnellement :

« Moi ce qui m’a déplu c’était de le voir faible ». Son frère répond : « C’était

déprimant » (Famille 7).

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Marquet Marie 78

Concernant les gains, ce que le contexte de maladie peut apporter de positif

aux frères et sœurs, quatre fratries (Famille 1, 4, 5 et 7) parlent d’un rapprochement :

avec l’enfant malade, et la famille. L’évolution du réseau amical et les nouvelles

rencontres sont un deuxième élément à mettre en évidence : une grande sœur (Famille

2) nous dit avoir « gagné des amis » et avoir rencontré des personnes qu’elle apprécie à

l’hôpital. Les sœurs adolescentes disent avoir « vu qui étaient les vrais amis » (Famille

5).

Enfin, nous pouvons regroupé les trois plus jeunes fratries (Famille 3, 4 et

6) qui ont rempli cette case en faisant références à des éléments du quotidien.

Concernant les pertes : la suppression des plantes et fleurs à la maison, l’obligation

d’aller à l’école. Concernant les gains : les moments privilégiés avec le parent absent

habituellement, le fait de regarder la télé alors que le frère ou la sœur est malade.

4.4.3 La devise

Globalement, nous remarquons que cette case a été la plus difficile à

compléter par les fratries, surtout par les plus jeunes. La consigne ayant été développée

de plusieurs manières, toutes ont finalement écrit une « définition » de leur famille, une

« phrase » qui leur correspond. Nous retrouvons une connotation positive dans les mots

utilisés par tous ces frères et sœurs :

Famille 1 : « Ils sont gentil(le) »

Cette grande sœur parle de l’amour qu’elle ressent pour ses parents, son frère et sa sœur

et ce même lorsqu’il y a des désaccords entre eux.

Famille 2 : « L’amour gagne toujours ! »

Pour cette petite fille, l’amour semble être l’élément le plus important dans sa famille et

dans ses relations amicales. L’amour va permettre de pardonner autrui en cas de

conflits.

Famille 3 : « Elle mesde elle mancourage et quan je me fait mal elle mesde toujour !!! »

Ce garçon explique son choix par l’attention que sa famille lui porte et évoque

également les bons moments passés avec son petit frère.

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Famille 4 : « La famille Gryffondor »

Pour cette grande sœur, expliquer le rapprochement qu’elle établit entre sa famille et

cette maison du film « Harry Potter » a été compliqué. Nous n’avons pas d’informations

supplémentaires excepté l’apprentissage rapide des sortilèges.

Famille 5 : « Ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort »

La fratrie justifie cette phrase par l’enjeu vital de la maladie mais aussi par les

conséquences de celle-ci : l’enfant malade peut devenir plus « fort », plus solide et son

entourage aussi. Le contexte de maladie semble leur fournir des armes supplémentaires

pour affronter les épreuves de la vie.

Famille 6 : « La vie est belle »

Tout comme pour la famille 4, expliquer cette phrase a été compliqué pour ce grand

frère. Nous n’avons pas d’information supplémentaire.

Famille 7 : « Tous pour 1 et un pour tous »

Dans cette fratrie, c’est la notion d’entraide qui ressort très nettement. Lorsque le

second de la famille propose cette idée, tous sont d’accord. Le plus âgé de dire : « On a

tous fait quelque chose pour aider [notre frère] mais peut-être plus papa et maman. Et

[notre frère] essaye de nous aider aussi […] souvent il était toujours content alors qu’il

aurait pu être triste ». Le second poursuit : « Il nous remontait le moral comme nous on

lui remontait le moral ».

Nous pouvons relever l’amour et l’entraide comme étant des valeurs

importantes aux yeux de ces fratries.

4.4.4 La représentation de la maladie

Enfin, nous avons demandé aux fratries de représenter la maladie de leur

frère ou de leur sœur sous forme d’animal ou d’objet. Dans la moitié des cas, les enfants

ont choisi de dessiner un animal. Deux enfants (Famille 4 et 6) ont choisi de dessiner

une puce. Selon un d’entre eux, il s’agissait de représenter un élément qui montre qu’on

est malade : « Quand y a des puces ça veut dire qu’on attrape un truc dans notre corps.

[…] ça se cache dans les poils ou dans les cheveux ». On peut donc faire l’hypothèse

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Marquet Marie 80

que l’enfant souhaite mettre en parallèle l’imperceptibilité de la maladie – qui se cache

à l’intérieur du corps – avec la perception des symptômes – visibles à l’extérieur.

Trois fratries ont choisi d’inclure une émotion négative pour représenter le

caractère négatif de la maladie. La première (Famille 2) l’a représenté sous forme de

« Monsieur colère ». La seconde (Famille 1), n’ayant pas su comment dessiner l’idée

d’une maladie « méchante », a dessiné un animal – un cochon – ayant la maladie de sa

petite sœur et a ajouté sa propre émotion : la tristesse. La troisième fratrie (Famille 7) a

dessiné une tête de mort en formes d’os : à la fois pour l’aspect « toxique » et

« mauvais » de la maladie et à la fois en référence au cancer des os de leur frère. Voici

leurs dessins :

Pour terminer, un seul enfant (Famille 3) a créé un monstre mon représenter

la maladie de son frère. Il a dessiné ce monstre très coloré à l’intérieur du corps de son

frère en nous expliquant comment il imaginait que la maladie fonctionnait :

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Marquet Marie 81

La dernière fratrie (Famille 5) a choisi le lion – « le roi de la jungle » – pour

caractériser la maladie de leur petit frère avec l’idée de donner forme au contrôle qu’a la

maladie sur tout l’environnement : « Ben la maladie tu sais pas ce qu’elle va faire donc

c’est le roi aussi. […] c’est la maladie qui choisit la loi dans le corps de [mon frère] ».

4.5 Les ressources de la famille

Nous avons investigué cette thématique en posant directement la question

aux parents. De plus, nous avons récolté l’avis des fratries en laissant une case du

blason prévue à cet effet. Voici un histogramme nous donnant une vue d’ensemble sur

les ressources évoquées par les familles :

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Le soutien social est prépondérant lorsqu’il est question des ressources et

sera développé plus en détails ci-dessous. Les visites à l’hôpital ont été mentionnées par

trois familles. Cela semble apaiser les fratries et diminuer l’intensité de leurs

inquiétudes comme nous le raconte cette maman : « Quand il vient il est rassuré de voir

où va [sa soeur]. Même si c’est quelque chose de connu pour lui, il est rassuré de voir

qu’il reste avec sa petite sœur » (Famille 6). Une famille a mentionné le lâcher prise que

permet l’éloignement de l’hôpital : « Et pour les enfants, quand [mon fils] part… Et moi

aussi j’en ai besoin. […] Et je sais que si j’ai pas ça, je tombe. C’est ça qui me fait

tenir » (Famille 5). Enfin, une famille a évoqué la religion, le fait de croire en une force

supérieure comme étant un source de courage : « Ca c’est parce qu’on est croyant, c’est

parce qu’on a la foi. C’est bizarre hein mais je suis certaine que ça nous a aidés à

traverser ça. Je suis certaine. C’est parce que nous […] on s’est dit que c’était une

épreuve à traverser » (Famille 2).

Comme susmentionné, le soutien social ressort très nettement des propos

des parents et des fratries. Ce soutien semble émaner de quatre sources : le réseau

familial, le réseau amical, médical et professionnel.

Même si chez la majorité des familles nous retrouvons un grand sentiment

de déception vis-à-vis de la réaction des membres de la famille, celle-ci est pourtant

présente dans le discours de l’ensemble des personnes rencontrées, parents et enfants

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Marquet Marie 83

confondus. Le soutien social apporté par l’entourage familial est bien souvent de nature

émotionnelle et instrumentale. C’est-à-dire qu’il sera présent notamment pour préparer

des repas pour la famille et prendre le relais concernant l’éducation des frères et sœurs

comme en témoigne cette maman par exemple: « J’avais mon autre belle-sœur qui

s’occupait de mon fils. J’avais mon autre belle-sœur, quand elle avait congé au travail

qui nous appelait à chacun notre tour, mon mari et moi, pour qu’on aille manger là,

pour qu’on prenne l’air » (Famille 1). Le versant instrumental et matériel peut

également se matérialiser par un soutien financier ou par des trajets effectués au

quotidien : « Y a les grands-parents, il est quand même content quand sa grand-mère

vient le chercher à l’école » (Famille 3). Il semble que le réseau amical occupe des

fonctions similaires à celles de la famille : un soutien émotionnel auprès des parents,

mais aussi des fratries qui ont leur propre cercle d’amis auprès de qui ils peuvent se

confier/jouer/se distraire. Nous retrouvons également la présence de ressources

matérielles provenant des amis des parents.

La catégorie du soutien « médical » comprend le soutien reçu de la part de

l’équipe de professionnels présente à l’hôpital, c’est-à-dire les médecins, infirmières,

psychologues, etc. Dans trois situations, les parents ont cité les médecins et

psychologues en tant que ressources. Comme par exemple les parents de la Famille 2 :

« Mais alors il y a le cercle ici à l’hôpital, y a [l’animateur], [la psychologue]. Ce sont

des anges gardiens pour elle, des personnes de confiance mais de totale confiance.

Vraiment. Où elle peut à la fois s’ouvrir, ouvrir son esprit, son côté un peu artistique et

partir dans des délires complètement fous. Et à la fois se confier à et dire des choses,

mettre des mots sur des émotions ». Le soutien ici est plus émotionnel. Alors que celui-

ci sera plutôt d’ordre informationnel lorsque les médecins sont cités. En effet, leur

soutien s’avère important lorsqu’il s’agit de fournir des informations concernant le

contexte de maladie : « Et les médecins expliquent bien aussi » (Famille 5). Deux

fratries ont mentionné ces mêmes intervenants, les infirmières ayant également été

citées : « Mais eux, ils ont la pêche, ils remontent le moral aux gens. […] Un truc qui ne

serait, par exemple, pas arrivé à Bruxelles, ils ont fait une bataille de seringues le

dernier jour avec [mon frère] ». Sa petite sœur de poursuivre : « Les infirmières elles

ont pris du rouge à lèvres et elles ont été lui faire des bisous partout » (Famille 7).

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Toutefois, le terme « médical » ne répond peut-être pas tout à fait à toutes

ces ressources citées puisque l’animateur joue un rôle important. De même, d’autres

familles ont évoqué les personnes ressources extérieures comme le suivi psychologique

du grand frère de la Famille 3 ou encore la psychomotricienne qui s’occupe du grand

frère de la Famille 6. Enfin, le père de la Famille 7 a tenu à mettre en lumière les

personnes qui travaillent dans l’ombre à l’hôpital mais dont la rôle est tout aussi

indispensable comme la femme de ménage par exemple. Il nous raconte : « … quand

elle rentrait dans la chambre, on se réveille, on sort d’une sale nuit, elle rentre dans la

chambre … elle a vraiment le sourire … C’est con, mais elle vient nettoyer la chambre

la dame, nous on a du respect envers cette femme-là ».

Le réseau professionnel a été cité par deux couples comme ayant été un

soutien. Lorsque nous le mentionnons dans la colonne des fratries, il s’agit de la Famille

7 où les enfants ont cité les collègues de leur mère dans la case des personnes

ressources. Ces collègues les ont aidés, soutenus. Le travail a pu être une ressource pour

certains parents, celui-ci leur permettant de ne pas se laisser emmener dans « la partie

sombre de [leur] cerveau ».

4.6 L’accompagnement des familles et des

fratries

Afin d’avoir un aperçu du style d’accompagnement appliqué par les

familles, vous trouverez dans les annexes générales (11.10) un tableau reprenant les

informations globales pour chaque fratrie. C’est-à-dire, la participation ou non aux

camps fratries et aux activités fratries ainsi que la présence ou non d’un suivi au sein de

l’hôpital et/ou à l’extérieur.

4.6.1 La prise en charge des fratries

La prise en charge des fratries est l’angle sur lequel nous souhaitions axer

notre recherche. Dans ce sous-point, nous allons vous exposer l’avis des parents et des

frères et sœurs à propos de cette question.

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Marquet Marie 85

Nous nous sommes d’abord demandés quelle place les parents considèrent

qu’il est important de donner aux fratries dans la prise en charge familiale ainsi que les

conditions optimales dans lesquelles l’accompagnement doit se dérouler afin de les

aider au mieux. Globalement, voici les éléments principaux qui ressortent des entretiens

avec les parents : la nécessité d’impliquer la fratrie et le caractère naturel de leur

intégration sont spontanément évoqués par l’ensemble des parents. La Famille 7 en fait

partie même si leurs enfants ne se sont pas entretenus officiellement avec l’équipe

médicale dans le but de recevoir des informations. La maman de la deuxième famille

nous dit ceci : « Oui, c’est important. Je vais pas dire que c’est la phase numéro un

mais c’est la phase numéro deux ». Cette place donnée à la fratrie est expliquée par la

moitié des parents par leur volonté de ne pas l’« exclure », de ne pas la « mettre de

côté » et de plutôt « consciente » de la situation. La prise en charge permettrait aux frère

et sœurs de rendre la maladie réelle, de la conscientiser et de mieux la comprendre.

Ensuite, deux parents (Famille 3 et 6) soulignent l’importance de respecter

le rythme des familles – et par conséquent des fratries – en leur laissant le choix, la

liberté de demander un accompagnement, quelle que soit la forme que celui-ci prend.

Voici ce qu’une maman indique : « C’est très simple et en même temps c’est pas une

réponse en soi mais c’est leur donner la place dont eux ont besoin ». Les parents de la

Famille 6 semblent rejoindre les propos précédents lorsqu’ils nous disent ceci : « Mais

c’est ça qui est bien aussi c’est qu’il y a jamais rien d’imposé. On n’impose pas aux

frères et sœurs de voir médecins et psychologues. C’est proposé ou, si la personne le

demande, c’est facilement accessible. Pas dans la journée qui suit mais dans la

semaine. C’est facilement possible pour le frère ou la sœur de rencontrer quelqu’un ».

Le papa de poursuivre : « Y a aucune obligation ».

Concernant les conditions favorables énoncées par les parents, la majorité

exprime le sens logique qu’a dans leur esprit le fait que l’accompagnement se déroule à

l’hôpital et non pas à l’extérieur comme le dit spontanément cette maman (Famille 2) :

« A fond parce que les psy extérieurs il faut leur expliquer avant. Ils sont pas habitués à

gérer des trucs comme ça. […] Oui, ici c’est rassurant… [La psychologue] par exemple,

sait ‘’Ben oui j’ai une autre petite fille qui a eu ça’’, ‘’Ah on a fait ça avec une autre

petite fille qui vit un peu la même chose que toi’’. Et c’est de rappeler qu’on n’est pas

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Marquet Marie 86

tout seuls, et c’est de rappeler à [ma fille] qu’elle n’est pas toute seule, qu’il y a

d’autres frères et sœurs qui vivent ça aussi ». Cet enthousiasme que l’on sent auprès des

parents semble dû aux observations qu’ils font de leurs enfants lorsqu’ils les

accompagnent à l’hôpital, parfois même « avec entrain ». Ils les voient « contents »,

« bienveillants », « apaisés ». Certains nous parlent de la fierté de l’enfant malade de

pouvoir montrer l’endroit où il passe tant de temps et de l’apaisement que cela provoque

chez les frères et sœurs. En vis-à-vis, les parents d’une famille soulignent la légitimité

pour la fratrie de conserver son espace : « Et donc parfois sa place à elle, elle est

parfois en dehors de l’hôpital » (Famille 2). En revanche, une autre maman a mis en

avant la pertinence d’avoir un suivi extérieur pour son fils tant pour elle que pour le

reste de la famille pour qui l’hôpital est un lieu à éviter même si le service dans lequel

ils sont pris en charge est adéquat et répond à leurs attentes. Elle nous raconte : « J’suis

sûre que j’aurais pu demander à [la psychologue] ça aurait posé aucun problème. Mais

dans mon idée aussi, Je suis sûre d’avoir choisi une bonne personne. Maintenant ça

aurait peut-être pu se faire ici mais le truc c’est que je peux plus voir l’hôpital »

(Famille 3).

4.6.2 La prise en charge des parents

Peu de parents ont pu mettre des mots sur leur opinion vis-à-vis

l’accompagnement les concernant, leurs enfants étant leur priorité. Toutefois, lorsque

cela a occupé une place au sein de l’entretien, les parents ont souligné la patience des

médecins et psychologues envers eux et les bienfaits que celle-ci suscite plus

largement : « Et ça a des répercussions sur nos enfants parce que… Si moi je ne suis

pas rassurée et que je ne comprends pas ce qui se passe et qu’en plus je suis un poids

quand je pose une question, je ne peux pas rassurer mes enfants. Et donc, je me sens

complètement mal et donc du coup mes enfants aussi. Et donc ça les médecins l’ont très

bien compris et ils répètent plusieurs fois ».

Un deuxième élément a été mentionné par ces mêmes parents (Famille 2) :

apprendre aux parents à soutenir leur enfant à l’aide du jeu, celui-ci se révélant être un

allié précieux dans la totalité du parcours. Nous trouvons les mots de ces parents

tellement justes que nous les utilisons comme explication : « Un peu comme dans le

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Marquet Marie 87

film ‘’La vita è bella’’, […] où l’enfant rentre dans une guerre contre son gré et que son

papa lui fait vivre ça comme un jeu. Et bien nous sommes vraiment là-dedans. […]

C’est rentrer dans quelque chose qui est atroce, violent, douloureux, y a pas d’autres

mots. Mais sous forme de jeu. […] Et la baguette magique sur ça : donner quelque

chose aux parents pour avoir ce lâcher prise des normes qui font une pression énorme

sur le côté. Pour partir dans ce délire, ce microcosme délirant ». La création d’un

univers parallèle à la maladie semble représenter une sérieuse aide, une « bouée

d’oxygène » pour l’enfant malade, ses parents ainsi que pour la fratrie lorsque chacun se

prête au jeu.

4.6.3 Les conseils donnés à l’équipe soignante

D’emblée, les parents et les fratries évoquent leur satisfaction par rapport à

l’accompagnement proposé par l’équipe dès leur arrivée dans le service. Ceux-ci le

qualifient de « super » et nous disent « de ne rien changer », de « rester comme ça ».

Malgré tout, un certain nombre d’éléments va être mentionné pour améliorer

l’accompagnement. Ces conseils vont souvent être évoqués en faisant des parallèles

avec leur vécu de la prise en charge. Les recommandations faites à l’équipe touchent

autant la sphère médicale que l’aménagement du territoire, en passant par la prise en

charge des fratries.

Concernant la sphère médicale, celle-ci a déjà été mentionnée ci-dessus

lorsqu’ont été mises en évidence les difficultés auxquelles les familles ont fait face. Il

est de nouveau question de l’aspect humain et relationnel qui est parfois mis au second

plan. Nous notons que cette remarque souligne la grande différence de façon d’être et de

façon de faire existant selon le couloir dans lequel la famille est prise en charge. Cette

réflexion des parents semble ne pas s’appliquer à l’ensemble de l’équipe soignante.

Ce que nous qualifions d’aménagement du territoire a été mentionné par six

familles. Derrière ce terme, nous retrouvons notamment une demande des parents de

pouvoir vivre ensemble le moment qui suit directement l’annonce du diagnostic.

Effectivement, bon nombre d’entre eux évoquent la vitesse à laquelle les événements

s’enchainent et la différence entre le rythme de l’hôpital et le rythme habituel auquel vit

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Marquet Marie 88

la famille. Par conséquent, une mère nous décrit l’absence d’un endroit prévu pour le

couple qui vient apprend la maladie de son enfant. Selon elle, une réflexion à ce sujet ne

serait pas inutile. Voici ce qu’elle nous dit : « … Je trouve que le premier jour où on

vient de l’apprendre, où on est un peu sous le choc, ben on ne devrait pas être séparé

comme ça quoi. Ils devraient avoir une chambre où il y a quand même deux lits pour les

parents qui viennent de le savoir. Parce que, on ne sait pas dormir. Je vous assure que

la première nuit quand on vient de vous annoncer ça on dort pas. On fait que penser à

ça et je trouve que ça aurait été bien qu’il y ait une chambre aménagée pour ça où y a

deux lits et où, exceptionnellement, c’est autorisé » (Famille 1). Dans le même ordre

d’idée, certains mentionnent la possibilité pour les frères et sœurs de pouvoir passer une

nuit ensemble lors des longues hospitalisations et ce, dans le but de maintenir le lien de

leur relation fraternelle. Enfin, d’autres parents évoquent l’idée d’aménager un espace

plus convivial uniquement destiné à la rencontre des familles et qui favoriserait la

rencontre entre les parents. Actuellement, le service possède un espace central commun.

Toutefois, celui-ci sert à la fois de salle d’attente pour les consultations, de salle de jeu

pour les enfants hospitalisés et à la fois d’espace de rencontre pour les parents. Les

diverses fonctions de cet endroit ne semblent pas remplir les conditions idéales pour

donner lieu à des discussions entre adultes partageant la même expérience comme en

témoigne cette maman : « Moi j’ai mis plus de six mois à parler à d’autres mamans ici.

Parce que rien ne se mettait pour qu’on se parle entre nous ».

L’accompagnement proposé actuellement aux fratries a été validé par

l’ensemble des familles : la possibilité que l’équipe se rende à l’école pour expliquer la

maladie aux professeurs et aux camarades de classe, les activités entres frères et sœurs

ainsi que la liberté pour eux de venir à l’hôpital dès qu’ils le souhaitent, etc. Le seul

élément évoqué comme obstacle à la prise en charge est la distance reliant le domicile et

l’hôpital ; élément cité sans aucun reproche étant donné la « mission impossible »

(Famille 3) de pouvoir contenter tout le monde. Seul un couple de parents (Famille 2)

nous a partagé une réflexion concrète d’amélioration : amplifier la fréquence des

activités fratries et les développer en établissant un parallèle entre le calendrier du

système scolaire classique (Carnaval, Halloween, fancy-fair) et la vie à l’hôpital pour

ainsi diminuer l’écart, le « décalage » entre le quotidien de l’enfant hospitalisé et

l’enfant sain. Voici comment l’illustre le papa : « Je vois bien une chasse aux œufs de

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Marquet Marie 89

Pâques ici par exemple. Même si on peut pas manger des œufs de Pâques, on peut très

bien imaginer des œufs de n’importe quoi, on s’en fout, c’est le jeu qui est intéressant.

C’est la chasse qui est intéressante, c’est le fait de jouer, de se rassembler ». Ce qui,

indirectement, donnerait également la possibilité aux parents de s’investir et de partager

des moments en dehors du cadre purement médical.

4.6.4 Les conseils donnés aux fratries

Nous avons interrogé les enfants afin de savoir ce qu’ils donneraient comme

conseils à des frères et sœurs qui vivent la même situation qu’eux. Chez toutes les

fratries rencontrées, la notion d’entraide et de « prendre soin » est évoquée. Pour cette

petite fille, « prendre soin » de l’autre c’est avant tout « …être bien avec lui, être gentil

avec lui, faire tout ce qu’on veut avec lui » (Famille 1). Cette idée de se « serrer les

coudes » (Famille 7) semble ne pas se limiter à l’enfant malade. En effet, les parents

font également partie de l’équation.

Un autre conseil partagé par trois fratries, est l’idée de ne pas rester seul à

l’annonce de la maladie, d’éviter de s’isoler et de justement continuer à vivre. Dans le

discours des enfants, ce point de vue va se formuler comme ceci par exemple : « …

Continuer sa vie comme avant, garder l’entourage ». La seconde sœur poursuit : « Pas

continuer sa vie en pensant ‘’Mon frère est malade je m’en fous’’. Moi j’ai fait comme

ça et ça m’a pas aidée quoi » (Famille 5). Une sœur va quant à elle évoquer les visites à

l’hôpital, la présence aux ateliers, les rencontres avec l’équipe comme étant sa façon à

elle de ne pas se renfermer.

Enfin, un frère fait ressortir la confiance que le frère ou la sœur qui

rencontre cette épreuve peut ressentir envers les médecins. Il lui dirait ceci : « Ne sois

pas triste qu’il soit malade. Le médecin guérit presque toujours les malades. Alors tu

peux compter sur eux » (Famille 3).

En écoutant les conseils mentionnés par ces fratries, nous constatons le recul

qu’elles parviennent à prendre sur la situation ainsi que l’empathie et la bienveillance

dont elles font preuve.

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Marquet Marie 90

5 DISCUSSION

Nous allons à présent tenter de répondre à nos questions de recherche en

mettant en lien nos résultats avec les éléments fournis par la littérature scientifique.

Toutefois, nous pensons qu’il est nécessaire de repréciser ici l’objectif de notre

recherche à caractère exploratoire. Effectivement, la présente discussion n’aura pas

comme but de généraliser des résultats mais bien de « baliser et clarifier une réalité à

étudier » (Trudel, Simard, & Vonarx, 2007). Notre réalité étant ici la prise en charge des

fratries dans un contexte de maladie chez l’enfant.

1) La dynamique et les processus familiaux dans un contexte de maladie :

Concernant l’impact que la maladie peut avoir sur le parent en tant

qu’individu, tous les adultes laissent entendre que cet impact est général puisqu’il se

répercute sur leur vie entière. Suite aux sérieux bouleversements que la famille a pu

rencontrer, ces parents laissent entendre une urgence de vivre et surtout, de vivre

entourés des leurs. Le sens qu’ils donnaient précédemment à leur vie a très souvent

basculé et les priorités de ces personnes en sont entièrement modifiées.

Tout comme dans la littérature, une différence entre les sexes a pu être

établie sur le terrain. Effectivement, les mères évoquent l’importance que le rôle

maternel va prendre. Bien souvent, ce rôle va occuper toute l’espace disponible au

détriment du rôle d’épouse, d’amie, etc. Leur vie est déterminée par celle de leur enfant

malade, d’autant plus lorsque c’est elle qui prend le rôle de rester auprès de son enfant à

l’hôpital. Ici, nous pouvons éventuellement faire l’hypothèse d’une relation plus intense

entre la mère et l’enfant malade. Les données provenant de la littérature scientifique

semblent converger dans ce sens. De fait, les scientifiques parlent d’une augmentation

de cohésion entre ces deux membres de la famille et de la mise entre paranthèses de

l’activité professionnelle de la mère (Louchamps & Sabatier, 2018). Toutefois, dans la

pratique, nous avons rencontré des parents qui semblent très bien fonctionner par un

système de relais et où les mères ont exprimé le désir de retravailler, une fois le choc

passé.

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Marquet Marie 91

Quant aux pères, le rôle professionnel semble prendre beaucoup de place ; le

travail leur permettant de garder une certaine distance face à la situation et de rester

lucide. Bien que l’axe professionnel soit mentionné comme étant nécessaire, le désir de

se rendre davantage disponible pour leur famille l’est tout autant. Enfin, tant le

psychisme du père que celui de la mère semblent être mis à l’épreuve : chez les mères,

nous pouvons noter la présence d’angoisses au quotidien mais également vis-à-vis de

l’avenir de leur enfant malade., Chez les pères, un sentiment de dépossession et une

perte de contrôle, parfois même une perte de soi, sont mentionnés. Notre hypothèse

serait de dire que les pères auraient plus de probabilités de retrouver une vie ordinaire et

de récupérer psychologiquement grâce à la répartition des rôles qui semble avoir lieu

naturellement. Dans la littérature, Louchamp et Sabatier (2018) vont dans la même

direction que nos propos puisqu’ils mettent en lumière un niveau de détresse qui

diminuerait de façon plus rapide chez les pères. Cependant, certains auteurs (Alderfer et

al., 2010) parlent d’anxiété, de dépression et de stress traumatique chez les parents. Sur

le terrain, nous avons entendu certains éléments pouvant aller dans ce sens mais à un

degré moindre qui ne nous permet pas de tirer une quelconque conclusion. Nous

pouvons simplement la sensibilité de certains parents à se sentir parfois angoissé,

déprimé et à avoir des flashbacks de moments qualifiés de traumatisants.

Concernant l’impact de la maladie sur le couple conjugal, nous notons sa

fragilisation l’année suivant le diagnostic principalement. Six couples mentionnent le

manque d’espace psychique disponible pour nourrir leur relation conjugale, celle-ci ne

faisant pas partie de leurs priorités à ce moment-là. La littérature scientifique suggère

également l’année suivant le diagnostic comme étant une période critique (Alderfer et

al. 2010). Un couple ne partage pas cette idée de fragilisation à court terme ; cela

pouvant s’expliquer par leur cohabitation à la Maison de Julien durant la maladie. A

long terme, la relation conjugale semble être renforcée, une fois le nouvel équilibre

trouvé. Cette information du terrain entre en contradiction avec les propos de Bouthier

et al. (2017). Ceux-ci nous disent former une équipe solide pendant la maladie de leur

enfant peut malgré tout impacter leur relation conjugale lorsqu’ils réalisent que l’équipe

était purement parentale. Un seul couple semble partager cet avis d’équipe parentale

solide. Toutefois, ils évoquent que la fragilité du couple conjugal était déjà présente

avant le diagnostic.

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Marquet Marie 92

Concernant l’impact de la maladie sur le couple parental, l’aspect parental

prend toute la place et ce, particulièrement chez les mères. Alors que la maladie favorise

la communication entre le couple parental et conjugal chez certains, d’autres ont plus de

mal à gérer les deux pans de leur relation. Ils restent cependant solides au niveau

parental ; ce niveau étant la priorité. Le plus souvent, les rôles se distribuent de la façon

qui suit : la mère prend en charge le côté médical et le père s’occupe de la maison, de la

fratrie et de son travail. Cette décision semble se prendre naturellement, sans réelle

discussion, le jeune âge de l’enfant et le besoin physique de sa mère pouvant

éventuellement expliquer cette répartition des rôles. Oppenheim et al. (2006) suggèrent

de prendre en compte l’aspect culturel afin de comprendre le regard que les parents

posent sur la maladie et l’impact que celle-ci peut avoir selon leur histoire de vie.

Concernant l’impact de la maladie sur la fratrie, il est principalement

émotionnel et comportemental : un sentiment d’abandon et de rejet peuvent être

ressentis, les parents peuvent observer le changement de caractère et/ou de

comportement à la maison ainsi qu’à l’école. Des angoisses (troubles du sommeil,

inquiétudes quant à l’avenir) sont également à noter. Prchal et al. (2012) font état des

mêmes aspects (émotionnel, comportementale) en évoquant aussi l’aspect social. Pour

la fratrie, le retour à la maison de l’enfant malade et du parant accompagnant n’est pas

une période facile, les enfants faisant ressentir au parent leur sentiment d’avoir été

abandonnés. Un impact positif est également observé puisque les parents disent que

leurs enfants ont mûri. Cette question de l’augmentation de maturité est mentionnée par

Alderfer et al. (2010) ainsi que par Barrera et al. (2001). Ces auteurs citent également la

présence d’une plus grande sensibilité et d’une plus grande capacité à être empathique.

Toutefois, ce point peut également poser problème lorsque la fratrie éprouve des

difficultés à trouver la juste plus qu’elle occupe dans la famille, les rôles et fonctions de

chacun ayant été perturbés un temps. Cette perturbation des rôles a également été

mentionnée dans la littérature par Aderfer et al. (2010).

Concernant les difficultés rencontrées, elles concernent surtout cinq classes :

l’univers médical, la gestion du quotidien, la place de la fratrie, l’isolement social et les

problèmes financiers. En plus de ces difficultés évoquées au cours des entretiens, la

littérature en cite davantage comme par exemple le travail de deuil de l’enfant d’avant,

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Marquet Marie 93

de l’idéal familial que les parents avaient inconsciemment imaginé (Bouthier et al.,

2017). Mais aussi le défi que représente le retour à la maison et la reconstruction d’un

cadre et de nouvelles limites.

2) Les informations objectives sur la maladie et la communication autour de la

maladie :

Concernant le contenu des informations en possession des fratries, la

volonté des parents de ne rien cacher aux frères et sœurs ressort distinctement et ce, en

essayant de communiquer les choses à l’échelle de l’enfant. Toutefois, il nous faut

souligner la nuance entendue sur le terrain concernant ce qui a été dit par les parents et

ce qui a été compris par l’enfant. Le plus souvent, nous notons effectivement que les

fratries possèdent des informations assez précises (nom de la maladie, mécanisme au

sein du corps, conséquences sur le quotidien). La littérature suggère également une

visite du service pour intégrer et comprendre davantage la situation. Lorsqu’il est

question de ce que savent les frères et sœurs, nous notons une concordance entre les

propos tenus par les parents et ceux tenus par les enfants. Il est fréquent que les parents

nous expliquent avoir informé la fratrie parce qu’il était tout simplement impossible de

cacher les conséquences que la maladie avait sur le quotidien de chacun. Cependant le

désir principal des parents reste la volonté de ne pas exclure les frères et sœurs. Dans

deux cas, la fratrie était présente le jour du diagnostic ; élément qui démontre

l’imprévisibilité de l’annonce que les parents entendent ce jour précis. Dans la

littérature, certains chercheurs (Zucker, 2007 ; Bouthier et al., 2017) conseillent de

rappeler régulièrement aux parents les progrès continus de la médecine et ce, afin de

relativiser la vision inconsciente de la mort qui s’impose à eux après le diagnostic.

Zucker propose également une ébauche de ce qui est utile à transmettre aux parents : le

nom de la maladie ainsi qu’une représentation schématique de son impact à l’intérieur

du corps et les solutions et traitements envisageables.

Concernant les sources des informations transmises ainsi que la

communication autour de la maladie, certains facteurs semblent influencer la facilité de

communiquer avec les frères et sœurs : l’âge de la fratrie au moment du diagnostic, les

questions relatives à la thématique de la mort et la présence d’un soutien social à

l’annonce des nouvelles importantes. Nous pouvons donc faire l’hypothèse que ces trois

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Marquet Marie 94

facteurs compromettent une communication en toute transparence. Les personnes qui

jouent ce rôle de soutien social informationnel – et émotionnel – sont les parents, les

médecins et les psychologues du service d’hémato-oncologie pédiatrique de la Clinique

de l’Espérance. Dans la littérature, Zucker (2007) mentionne l’importance de la relation

unissant les parents et l’équipe soignante au-delà d’une simple transmission

d’informations. Deux autres intervenants ont été mentionnés par trois fratries : le

professeur de science dans le premier cas et le frère ou la sœur malade dans les deux

autres cas. Nous notons avoir observé une divergence d’opinion à cette question chez

une famille. La communication de la maladie à la fratrie reste une question sensible à

propos de laquelle il est rare que tous les membres s’entendent. Enfin, dans la

littérature, Nolbris et al. (2007) décèlent un manque d’informations à propos de la

maladie chez les fratries. Nous n’avons pas retrouvé cet élément dans les entretiens

réalisés. Pour terminer, Freeman et al. (2003) évoquent les conséquences des situations

familiales où la fratrie est exclue du processus et ignore la situation. Aucune famille

rencontrée ne semble avoir songé à cacher la situation.

3) Le vécu du système familial par rapport au diagnostic, à la maladie :

Concernant le vécu des parents, le soulagement est le sentiment le plus

souvent cité par les parents après que la fratrie ait été informée de la maladie du frère ou

de la sœur. La surprise fait également partie des réponses ; ce sentiment étant lié à la

réaction parfois étonnante des fratries. Et enfin, la peur a été citée en lien avec les

questions que suscite l’annonce de la maladie. Dans une situation, les parents ne se

souviennent pas de leur ressenti car ils ne se rappellent pas comment la fratrie a vécu

cette journée. La littérature scientifique recense les émotions ressenties par les parents à

l’annonce du diagnostic en général mais elle ne liste cependant pas le ressenti de ceux-

ci vis-à-vis de la fratrie.

Concernant le vécu des fratries, il a été questionné directement auprès des

fratries mais aussi par le biais des parents. Les émotions citées par les uns et les autres

ne concordent pas toujours. Huit classes ont pu être mise en évidence : la tristesse

domine chez la fratrie et est souvent mise en avec le manque de l’enfant malade, le

stress, la peur (d’attraper la maladie, de perdre son frère/sœur), l’impuissance, le déni,

l’incompréhension et la colère. Une neuvième catégorie a été établie afin de ne pas

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Marquet Marie 95

laisser de côté les fratries ayant éprouvé des difficultés à mettre des mots sur leur vécu.

Nous notons que les émotions prépondérantes mentionnées par les parents à propos du

vécu de la fratrie sont la peur, la tristesse et le stress. Les fratries mentionnent la

tristesse en priorité. Dans la littérature, ces émotions sont également mises en évidence.

Toutefois, nous avons remarqué l’accent mis sur la confusion des sentiments chez les

fratries, ceux-ci allant de la jalousie au sentiment d’abandon, en passant par la

culpabilité d’éprouver les émotions qui précèdent. En lien avec ça, seul le sentiment

d’abandon et le manque correspondent aux vécus que les fratries nous ont partagés.

4) Les ressources de la famille :

Quatre types de ressources ressortent dans le discours des familles avec une

nette prépondérance de la première : le soutien social (7/7), les visites à l’hôpital (3/7),

les vacances (1/7) et la religion (1/7).

Concernant le soutien social, il a été cité par toutes les familles. Ce soutien

semble émaner de quatre sources principales : le réseau familial, amical, médical et

professionnel. La première mentionnée l’ayant également été par les sept familles. Bien

que le tri familial qui s’est produit après l’annonce de la maladie fasse parties des

difficultés rencontrées par les familles, l’entourage familial a cependant sa place dans

les ressources. Le soutien apporté par la famille est souvent un soutien que nous

pouvons qualifier d’émotionnel et d’instrumental. Il semble que le réseau amical

remplisse des fonctions sensiblement identiques à celles de la famille. Le soutien reçu

par le réseau médical comprend l’équipe de l’hôpital avec un soutien tantôt de nature

émotionnelle, tantôt de nature informationnelle. Enfin, le réseau professionnel a pu être

présent et soutenant (émotionnel et instrumental) chez deux familles. Ces quatre sources

sont évoquées dans la littérature par Bouteyre (2017), celui-ci mettant principalement

l’accent sur les trois premières. Un autre auteur s’est plutôt concentré sur les bienfaits

du soutien social sur la fratrie selon sa nature. Il s’avère que le soutien social de nature

émotionnelle serait celui dont les fratries sont le plus en demande (Murray, 2001).

Enfin, un autre aspect du soutien social a été mis en avant dans la littérature, il s’agit de

l’harmonie familiale (Freeman et al., 2003). Celui-ci n’a pas été évoqué clairement par

les familles puisque cette notion d’harmonie semble rarement présente et souvent

impliquée lorsqu’il est question des difficultés.

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Concernant les visites à l’hôpital, celles-ci ont été mentionnées par la moitié

des familles. Elles semblent avoir un effet apaisant sur la fratrie. Selon les parents, le

fait de savoir où se trouve le frère ou la sœur malade, de pouvoir se représenter l’endroit

et les personnes côtoyées aurait tendance à diminuer les angoisses des enfants sains.

L’adaptation des fratries dépendrait-il de cet aspect concret ? C’est une hypothèse que

nous pouvons envisager. Elle semble confirmée dans la littérature par Freeman et al.

(2003) qui mentionne le mécanisme d’intégration que ces visites permettent à la fratrie.

Ils ajoutent que celles-ci suscitent parfois des questions posées auprès de l’équipe ;

questions que les fratries n’oseraient pas toujours poser à leurs parents. Enfin, ils

terminent par dire que cette ressource favoriserait la cohésion familiale puisque la

fratrie est bien souvent accompagnée par d’autres membres de la famille lors de ses

déplacements à l’hôpital.

Concernant la catégorie « vacances », elle a été citée par une famille en tant

que réelle ressource pour tous les membres du système. Cet éloignement de l’hôpital

permet à chacun de reprendre son souffle. Il est question de profiter d’un moment

suspendu pour prendre courage pour plus facilement affronter la suite du parcours. Nous

ne possédons pas d’informations quant à cette ressource dans la littérature.

Concernant la ressource « Religion », celle-ci a été mise en avant par une

seule famille également. Croire en une force supérieure semble avoir été un facteur

important dans l’adaptation de cette famille à la situation. Nous ne possédons pas

énormément d’informations à propos de cette ressource dans la littérature. Toutefois,

elle a été mentionnée par Freeman et al. (2003) comme en étant une.

5) L’accompagnement des familles et des fratries :

Concernant la prise en charge des fratries, l’intégration des fratries dans

l’accompagnement familial est naturelle et nécessaire aux yeux de tous les parents. En

les intégrant, les parents ont comme désir d’éviter le sentiment d’exclusion de la part

des frères et sœurs mais aussi de les rendre conscients de la situation qui est en jeu.

Certains parents ont souligné la considération à avoir par rapport aux différences de

rythme existant selon la famille ; considération qui doit impliquer une proposition de

prise en charge et non pas un devoir. Nous faisons ici l’hypothèse que

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Marquet Marie 97

l’accompagnement aura une efficacité supérieure si le choix de celui-ci provient de la

famille elle-même. Dans la littérature, Jalenques et al. (2007) mentionnent cette même

idée de proposer l’accompagnement sans l’imposer mais ils ne confirment pas notre

hypothèse pour autant.

Ensuite, aux yeux des parents, il semble logique que la prise en charge de la

fratrie, si elle est demandée, ait lieu à l’hôpital et ce, grâce à l’expérience des

professionnels du terrain qui seraient les plus compétents pour répondre aux besoins des

familles : la liberté pour la fratrie d’accompagner les parents dans le service dès qu’elle

le souhaite, la possibilité de rencontrer les psychologues et médecins, la prise en charge

ayant lieu dans les écoles, les activités fratries, le groupe hypnose, etc. Voici les

éléments mentionnés par les familles par rapport aux avantages de l’accompagnement

proposé par l’hôpital. Nous constatons la convergence des éléments de prise en charge

cités avec ceux mentionnés dans la littérature par Oppenheim et al. (2006) ; ceux-ci ne

faisant cependant pas état d’une prise en charge élargie jusqu’à la sphère scolaire. Enfin,

nous n’oublions pas qu’une mère a également évoqué la pertinence d’avoir un espace de

parole à l’extérieur de l’hôpital suite à l’état de stress et de fatigue permanente que le

contexte hospitalier suscite. Cette même remarque a pu se retrouver dans une recherche

menée par Bass et al. (2015). Dans cette même idée, Nolbris et al. (2010) citent comme

alternative les « camps fratries ». Ces mêmes auteurs ainsi que Barrera et al. (2002),

mettent en avant les bénéfices des groupes d’intervention et de parole avec les fratries,

tels que l’apparition d’un sentiment d’appartenance, la diminution des symptômes

d’anxiété et des problèmes de comportement. A la Clinique de l’Espérance, ce type

d’accompagnement a été testé mais semble mieux fonctionner lorsqu’il est nommé

« Activités fratries ». Moins formel, il favorise malgré tout la discussion entre fratries et

le sentiment de cohésion.

Concernant la prise en charge des parents, celle-ci semble passer au second

plan dans le discours des parents. Malgré cela, nous observons que bon nombre d’entre

eux ont régulièrement recours au soutien des psychologues en guise de demande

d’informations : comment répondre de la façon la plus adaptée aux questions de la

fratrie ? Voici un questionnement récurrent chez les parents. Dans la littérature,

Bouteyre (2017) met en avant l’importance de proposer un accompagnement dès

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Marquet Marie 98

l’annonce du diagnostic en guise de prévention aux angoisses des parents. Sur le terrain,

nous notons la mise en place de ce style d’intervention précoce puisque les

psychologues interviennent dès l’annonce de la maladie. Ce même auteur évoque un

second type d’accompagnement : le soutien par les pairs. Ce groupe de pairs se

constitue de « parents-experts » ayant du recul et pouvant être une réelle ressource pour

les parents nouvellement confronté à la maladie. Dans la pratique, cela n’est pas

officiellement mis en place. En revanche, nous ne pouvons pas affirmer que des

relations entre les parents ne se sont pas tissées à l’extérieur. Ce que nous savons, c’est

que le désir de certains parents serait d’aménager un espace qui favoriserait davantage

les rencontres et conversations entre parents. Au cours de nos entretiens, la prise en

charge des parents n’a été citée ouvertement qu’une seule fois : les parents ont souligné

l’importance des relations interpersonnelles avec l’équipe soignante. La littérature

confirme l’importance d’une information de qualité (Oppenheim et al., 2006). Celle-ci

peut affecter positivement le sentiment de compétence du parent lorsqu’il considère être

dans une relation de confiance avec l’équipe. Le deuxième élément concerne la prise en

charge des parents dans le but d’aider leurs enfants. Le jeu a été cité comme ressource :

comment aider les parents à aider leurs enfants ? Quels outils leur fournir pour faciliter

leur quotidien ?

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Marquet Marie 99

6 LIMITES

Notre recherche n’est pas l’unique recherche se penchant sur

l’accompagnement des fratries. Toutefois, elle a la particularité de s’être focalisée sur la

fratrie et non pas sur l’enfant malade. Nous avons essayé de donner la parole un

maximum aux premiers intéressés, c’est-à-dire les fratries et leurs parents. Nous

pensons donc qu’elle a du sens et qu’elle permet une avancée scientifique dans ce

domaine particulier. Toutefois, les résultats énoncés doivent être compris et envisagés

avec prudence en tenant compte des limites de notre travail énoncées ci-après.

La première est liée à la méthodologie de notre recherche qualifiée

d’exploratoire et qualitative. Effectivement, l’utilisation de l’entretien semi-structuré

comme outil est soumis à l’interprétation personnelle et subjective du chercheur, de

même que l’interprétation des blasons utilisés avec les fratries. L’utilisation de ces

outils implique également que nos résultats sont uniquement basés sur le discours et

l’avis des personnes interrogées ; ceux-ci étant influencés par leur ressenti et leur

système de croyance.

La seconde est liée à la diversité de profils composant notre échantillon.

Notre souhait était de comparer le vécu de profils différents, c’est-à-dire des familles

qui s’impliquent beaucoup dans l’accompagnement proposé par l’hôpital, des familles

qui ont recours à l’accompagnement proposé ponctuellement et des familles qui au

contraire, y recourent très peu. Au vu de l’hétérogénéité de la population, nous

suggérons une certaine vigilance vis-à-vis des comparaisons établies entre les

différentes familles, celles-ci n’étant pas entièrement le reflet de ce type de population.

La troisième limite provient de la difficulté de recevoir les deux parents.

Comme cela a pu être développé dans le corps de la recherche, le père travaille souvent

à temps plein pendant que la mère prend en charge l’enfant malade et les allers-retours à

l’hôpital. Lorsque nous n’avons pas eu l’occasion de nous entretenir avec le père, nous

sommes passés par le biais des mères en questionnant leur regard concernant le vécu de

leur conjoint. Par conséquent, nous gardons en tête que ces témoignages n’ont pas le

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Marquet Marie 100

même poids que les autres ou en tous cas que la réalité peut sensiblement être différente

que si le père avait été présent.

Enfin, la dernière limite est liée à notre difficulté à mettre en place le

dispositif groupal initialement prévu avec les fratries et ce, à notre plus grand regret. Le

temps a joué en notre défaveur. De même, nous n’avions pas envisagé l’effort

émotionnel que cela demandait à certaines familles de revenir à l'hôpital pour nous

rencontrer. Effectivement cela réveille chez certains énormément de souvenirs, souvent

très éprouvants. Par conséquent il a fallu que nous nous déplacions à domicile à

plusieurs reprises. En plus du temps limité dont nous avons disposé et du caractère

émotionnel, la distance géographique reliant parfois le domicile des familles à l’hôpital

a été la principale limite pour la bonne réalisation de cette partie de la recherche.

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Marquet Marie 101

7 PERSPECTIVES DE RECHERCHE

Malgré les limites énoncées ci-dessus, le caractère exploratoire de notre

recherche et l’utilisation de l’entretien semi-structuré ont permis de mettre en évidence

quelques éléments de réponses pour un meilleur accompagnement des familles faisant

face à un contexte de maladie chez l’enfant. Ces perspectives de recherche ont la

particularité d’être le fruit des réflexions directement énoncées par les parents.

Tout d’abord, nous pensons qu’il serait utile que les recherches futures

répliquent et viennent enrichir nos résultats en veillant à bien distinguer le type de prise

en charge mis en place par les familles. Malgré la population spécifique, une étude à

plus grande échelle pourrait s’envisager en contactant davantage de familles concernées

par la maladie chez l’enfant et en combinant les démarches qualitatives et quantitatives.

Effectivement, nous pensons que cette thématique ne peut se passer de l’aspect

qualitatif.

Ensuite, nous avons entendu le désir des parents d’apprendre à soutenir

l’enfant malade à l’aide du jeu, celui-ci se révélant être un allié précieux dans la totalité

du parcours. La création d’un univers parallèle à la maladie semble représenter une

sérieuse aide, une « bouée d’oxygène » pour l’enfant malade, ses parents ainsi que pour

la fratrie lorsque chacun se prête au jeu. Ainsi, il serait intéressant de s’interroger de

façon plus approfondie quant à la place du jeu au sein de la prise en charge de l’enfant

malade mais aussi de la fratrie.

Nous avons également rencontré des familles satisfaites de

l’accompagnement proposé par l’hôpital mais désireuses de trouver une alternative à

l’extérieur de l’hôpital. A l’avenir, la recherche pourrait éventuellement s’intéresser aux

différentes possibilités s’offrant à ces familles à l’extérieur de l’hôpital.

Au-delà des fratries, il serait opportun de se pencher plus spécifiquement sur

le vécu des parents concernant l’annonce de la maladie à la fratrie. Effectivement, la

richesse de la littérature manquant à ce sujet.

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Marquet Marie 102

Enfin, si nous retenons la ressource que le soutien social représente pour la

fratrie, nous notons que l’aspect émotionnel est relativement bien développé mais

qu’une réflexion sur l’aspect instrumental serait utile. Effectivement, celui-ci est évoqué

par la fratrie qui se sent parfois privée de certains éléments du quotidien.

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Marquet Marie 103

8 CONCLUSION

A l’heure actuelle, le cancer chez l’enfant fait toujours partie des sujets

d’actualité qui concernent l’ensemble de la société quelle que soit la configuration de la

famille concernée, son origine, son statut socio-économique et son système de valeurs et

de croyances. En parcourant la littérature, nous avons constaté la richesse des articles

concernant la prise en charge de l’enfant malade et de ses parents. En revanche, la

littérature à propos de l’accompagnement des fratries existe bel et bien mais sa quantité

est beaucoup moins abondante. A la suite de nos nombreuses lectures faisant état d’un

bien-être moindre chez ces fratries (Mathé et al., 2015), nous avons pris la décision de

focaliser notre attention sur ce sous-système. Ce choix fut également influencé par un

stage réalisé au sein du service d’hémato-oncologie pédiatrique de la Clinique de

l’Espérance à Montegnée au cours duquel nous avons constaté que le besoin

scientifique de nourrir la base de données concernant le sous-système fraternel était

partagé par les parents des familles prises en charge dans ce service.

La présente recherche avait comme objectif de recueillir le vécu des fratries

et de leurs parents en les interrogeant sur l’impact de la maladie sur la dynamique

familiale, sur le bien-être des frères et sœurs ainsi que sur leurs attentes concernant

l’accompagnement à mettre en place. Afin d’obtenir une ébauche de réponse aux

questions qui nous intéressaient aujourd’hui, nous avons eu recours à une méthode

qualitative basée sur la création d’entretiens semi-structurés et de l’utilisation d’un objet

flottant, le blason.

Nos résultats ont permis de mettre en évidence l’impact que la maladie

pouvait avoir sur la dynamique familiale : la remise en question du sens de la vie et des

priorités, le couple parental prenant le pas sur le couple conjugal, le caractère et les

émotions changeants de la fratrie, l’isolement social que la maladie provoque. L’impact

n’est cependant pas négatif uniquement puisque nous avons pu mettre en évidence la

volonté des parents de miser sur qualité des relations plutôt que sur la quantité. Le

renforcement de la relation conjugale peut également être relevé à long terme.

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Marquet Marie 104

Notre recherche souligne également l’importance pour les parents de tenir la

fratrie informée de la situation, de ne rien lui cacher. Les personnes ressources

fournissant ce soutien informationnel auprès des frères et sœurs sont avant tout les

parents ainsi que les médecins et les psychologues directement attachés au service.

Nos données indiquent que le vécu des fratries à la suite du diagnostic est le

plus souvent associé à un sentiment de tristesse dû au manque du frère ou de la sœur

malade notamment. La peur et le stress sont également des émotions qui sont citées

fréquemment.

Notre étude nous a également permis de mettre en lumière et les pertes et les

gains ressentis par les fratries vivant dans un contexte de maladie. Les pertes évoquées

par la fratrie font avant tout référence à la perte du frère ou de la sœur ainsi que des

parents. Elles se réfèrent également à l’épreuve que cela représente émotionnellement.

Concernant les gains, ceux évoqués sont ceux d’un rapprochement avec la famille, de

l’évolution du réseau amical.

Pour conclure, l’accompagnement des fratries reste une question vis-à-vis

de laquelle tous les parents se sentent concernés. De manière à l’améliorer, il semble

qu’il faille avant tout l’envisager au cas par cas et selon les besoins de chaque fratrie, en

respectant le rythme de chaque système familial. De plus, c’est en aidant les parents,

que nous pourrons aider au mieux les fratries.

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Marquet Marie 105

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Marquet Marie 110

11 ANNEXES GÉNÉRALES

11.1 Lettre de présentation de la recherche

(Parents)

Département de psychologie – Service de Clinique Systémique et Psychopathologie Relationnelle

Lettre d’information et de présentation de l’étude :

« ÉTUDE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRATRIES AU SEIN DU SERVICE D’HÉMATO-ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE DU CHC (ESPÉRANCE) »

Etudiante : Marie Marquet ([email protected], 0493/57.65.62)

Chercheur responsable : Thérèse Scali ([email protected], 04/366.23.21)

Chers parents,

Je suis étudiante en dernière année de Psychologie (orientation systémique) à l’Université de Liège. Dans le cadre de mon mémoire de fin d’études, je réalise une recherche dont le but est d’évaluer si les interventions proposées par la Clinique de l’Espérance répondent à vos attentes et à celles de vos enfants. Dans cette recherche, nous souhaitons donner la parole aux frères et sœurs, ainsi qu’aux parents. Cette lettre vise à vous informer des objectifs de l’étude et de sa procédure.

Votre participation à vous, enfants et parents, permettra d’améliorer la prise en charge des familles qui font face à cette épreuve que représente la maladie chez l’enfant. Nous aborderons ensemble certaines questions telles que : les informations objectives sur la maladie, les représentations quant à l’impact de la maladie sur le système familial, le vécu des fratries et parents par rapport au diagnostic et à la maladie, la dynamique et les processus familiaux, les améliorations de l’accompagnement des familles.

Pour ce faire, je souhaiterais vous rencontrer une fois seuls lors d’un entretien où nous aborderons les questions évoquées ci-dessus. Ensuite, je rencontrerai les frères et sœurs de votre enfant pour un entretien similaire. Chacun des entretiens durera environ une heure et demi. Ces séances auront pour but d’aller à la rencontre de votre vécu et de vos attentes concernant l’accompagnement de vos enfants. Enfin, avec votre accord, une rencontre sera organisée avec l’ensemble des fratries participantes. Celle-ci aura pour objectif d’offrir à vos enfants une place toute particulière afin d’obtenir leur ressenti concernant la prise en charge proposée et leurs idées pour l’améliorer.

J’aimerais préciser que vous êtes entièrement libres d’accepter ou de refuser de participer à cette recherche. Toutefois, si vous choisissez d’emprunter ce petit bout de chemin avec moi, soyez certains que tout ce que nous partagerons ensemble restera strictement confidentiel, et aucun lien entre votre participation et la prise en charge de votre enfant à l’hôpital ne pourra être fait, de sorte que votre participation restera anonyme et ne sera utilisée que par les chercheurs. Les médecins, infirmiers et autres professionnels prenant en charge votre famille ne seront pas informés du contenu de vos réponses – sauf si cela est demandé expressément par vous.

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Marquet Marie 111

Département de psychologie – Service de Clinique Systémique et Psychopathologie Relationnelle

Uniquement les résultats globaux de la recherche leur seront transmis, afin de leur permettre d’améliorer les prises en charge suivantes.

De plus, si lors de notre entretien, vous ne souhaitez pas répondre à l’une de mes questions, n’hésitez pas à me le faire savoir. Mon but n’est pas de vous mettre dans l’embarras. Enfin, chacun d’entre vous peut décider de mettre un terme à sa participation, et ce, sans aucune crainte. Pour toute question, n’hésitez pas à me contacter par e-mail et/ou par téléphone.

Marie MARQUET.

Sous la responsabilité académique du Dr T. Scali, promotrice de recherche

Sous la responsabilité clinique de Jennifer Marini, psychologue du service

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Marquet Marie 112

11.2 Lettre de présentation de la recherche

(Fratries)

Département de psychologie – Service de Clinique Systémique et Psychopathologie Relationnelle

Lettre d’information et de présentation de l’étude :

« ÉTUDE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRATRIES AU SEIN DU SERVICE D’HÉMATO-ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE DU CHC (ESPÉRANCE) »

Etudiante : Marie Marquet ([email protected], 0493/57.65.62)

Chercheur responsable : Thérèse Scali ([email protected], 04/366.23.21)

Tu as un frère ou une sœur qui est actuellement hospitalisé à l’hôpital de l’Espérance ? J’ai besoin de toi !

Je m’appelle Marie Marquet, je suis étudiante en psychologie, et je t’invite à participer à ma recherche qui consiste à évaluer si tu es content(e) de la façon dont on s’occupe de toi depuis que ton frère/ta sœur est malade (rencontres avec les médecins, infirmières, psychologues, activités à l’hôpital ou rencontres avec d’autres personnes à l’extérieur de l’hôpital). Cette recherche va te permettre de donner ton avis sur plusieurs thèmes : la vie de famille depuis la maladie, la vie à l’hôpital quand tu accompagnes ton frère ou ta sœur. Tes parents sont également invités à participer à ce projet, mais vos réponses seront reçues individuellement, pour vous permettre de dire tout ce que vous avez sur le cœur sans tabous.

Si tu acceptes de participer à la recherche que je mène, je t’inviterai à me rencontrer une fois à l’hôpital pendant environ une heure et demi. Pendant cet entretien, je te demanderai de répondre à quelques questions et je te demanderai aussi de dessiner un petit peu avec moi. Ensuite, lors d’une deuxième rencontre, tu auras l’occasion de rencontrer d’autres enfants (frères et sœurs) que tu connais peut-être déjà. Ensemble, vous pourrez m’expliquer comment vous vous sentez depuis l’annonce de la maladie, ce que vous changeriez si vous le pouviez.

Tes réponses pendant les entretiens seront confidentielles. C’est-à-dire que je serai la seule à les connaitre. C’est important que tu saches que tu n’es pas obligé de participer. Tu participes seulement si tu en as envie. A tout moment, tu as le droit de me dire que tu veux arrêter. Si tu trouves une question trop difficile ou que tu ne veux pas y répondre, n’hésite pas à me le dire. Si tu décides d’arrêter, cela ne changera rien pour toi, tu seras toujours entouré par les personnes de l’hôpital ou de l’extérieur.

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Marquet Marie 113

Département de psychologie – Service de Clinique Systémique et Psychopathologie Relationnelle

Si tu souhaites me poser quelques questions, tu peux me téléphoner au 0493/57.65.62 ou alors tu peux demander à tes parents de m’envoyer un e-mail ([email protected]).

J’espère que nous pourrons nous rencontrer bientôt !

Marie MARQUET,

et toute l’équipe de recherche (Dr T. Scali, Pr C. Chantrain, J. Marini)

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Marquet Marie 114

11.3 Formulaire de consentement (Adultes)

Département de psychologie – Service de Clinique Systémique et Psychopathologie Relationnelle

Formulaire de consentement éclairé

« ÉTUDE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRATRIES AU SEIN DU SERVICE D’HÉMATO-ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE DU CHC (ESPÉRANCE) »

Etudiante : Marie Marquet ([email protected], 0493/57.65.62)

Chercheur responsable : Thérèse Scali ([email protected], 04/366.23.21)

Je, soussigné(e) ………….…………………………………………………………… déclare :

- avoir reçu, lu et compris une présentation écrite de la recherche dont le titre et le chercheur responsable figurent ci-dessus ;

- avoir pu poser des questions sur cette recherche et reçu toutes les informations que je souhaitais.

Je sais que :

- je peux à tout moment mettre un terme à ma participation à cette recherche sans devoir motiver ma décision ni subir aucun préjudice que ce soit ;

- je peux contacter le chercheur pour toute question ou insatisfaction relative à ma participation à la recherche ;

- en vertu de la loi sur la protection de la vie privée du 08/12/1992, les données recueillies seront strictement confidentielles et il sera impossible à tout tiers non autorisé de m’identifier (pour ce faire, le chercheur responsable s’engage à n’utiliser que les prénoms des participants sans les noms de famille, à ne pas divulguer vos coordonnées personnelles à un quelconque tiers, à utiliser des codes chiffrés confidentiels lors du traitement des données afin qu’aucun lien entre le participant et les propos ne puisse être fait par un tiers) ;

- les rencontres seront enregistrées et archivées dans un endroit confidentiel (disque dur externe dans le bureau du chercheur responsable et de la mémorante), à des fins exclusivement de recherche, et ce, jusqu’à la fin de la recherche (suite à cela, elles seront détruites). Dans ces conditions, je donne mon accord pour l’enregistrement ;

- je peux demander à recevoir les résultats généraux de la recherche une fois celle-ci clôturée.

Je donne mon consentement libre et éclairé pour participer en tant que sujet à cette recherche.

Lu et approuvé,

Date et signature

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Marquet Marie 115

11.4 Formulaire de consentement (Parents)

Département de psychologie – Service de Clinique Systémique et Psychopathologie Relationnelle

Formulaire de consentement éclairé des parents

« ÉTUDE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRATRIES AU SEIN DU SERVICE D’HÉMATO-ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE DU CHC (ESPÉRANCE) »

Etudiante : Marie Marquet ([email protected], 0493/57.65.62)

Chercheur responsable : Thérèse Scali ([email protected], 04/366.23.21)

Je, soussigné.e, ……………….…………………………………………….……, en ma qualité de père, mère, tuteur ou tutrice de …………………………………………………………………………………………………………………, déclare :

- avoir reçu, lu et compris une présentation écrite de la recherche dont le titre et le chercheur responsable figurent ci-dessus ;

- avoir pu poser des questions sur cette recherche et reçu toutes les informations que je souhaitais.

Je sais que, en ce qui concerne ………………………………………………………………………………………. :

- je peux à tout moment mettre un terme à sa participation à cette recherche sans devoir motiver ma décision et sans que quiconque subisse aucun préjudice ;

- son avis sera sollicité et il pourra également mettre un terme à sa participation à cette recherche sans devoir motiver sa décision et sans que quiconque subisse aucun préjudice ;

- je peux contacter le chercheur pour toute question ou insatisfaction relative à sa participation à la recherche ;

- en vertu de la loi sur la protection de la vie privée du 08/12/1992, les données recueillies seront strictement confidentielles et il sera impossible à tout tiers non autorisé de l’identifier (pour ce faire, le chercheur responsable s’engage à n’utiliser que les prénoms des participants sans les noms de famille, à ne pas divulguer les coordonnées personnelles à un quelconque tiers, à utiliser des codes chiffrés confidentiels lors du traitement des données afin qu’aucun lien entre le participant et les propos ne puisse être fait par un tiers) ;

- les rencontres seront enregistrées et archivées dans un endroit confidentiel (disque dur externe dans le bureau du chercheur responsable et de la mémorante) à des fins exclusivement de recherche, et ce, jusqu’à la fin de la recherche (suite à cela, elles seront détruites). Dans ces conditions, je donne mon accord pour l’enregistrement;

- je peux demander à recevoir les résultats de sa participation à la recherche et à bénéficier d’un retour approprié de la part du chercheur.

Je donne mon consentement libre et éclairé pour que …………………………………………………………….participe en tant que sujet à cette recherche.

Lu et approuvé, Date et signature

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Marquet Marie 116

11.5 Formulaire de consentement (Fratries)

Formulaire de consentement éclairé

« ÉTUDE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRATRIES AU SEIN DU SERVICE D’HÉMATO-ONCOLOGIE PÉDIATRIQUE DU CHC (ESPÉRANCE) »

Etudiante : Marie Marquet ([email protected], 0493/57.65.62)

Chercheur responsable : Thérèse Scali ([email protected], 04/366.23.21)

Consentement (pour les plus de 8 ans)

Je, _______________________ reconnais avoir lu et compris le présent formulaire et accepte volontairement de participer à cette recherche. J’autorise que l’entretien individuel et l’entretien de groupe soient enregistrés pour que mes propos soit retranscrits fidèlement. Ceux-ci seront détruits à la fin de la recherche.

Je reconnais avoir eu suffisamment de temps pour réfléchir à ma décision et avoir pu poser des questions à l’expérimentateur et recevoir toutes les informations que je souhaitais. Je comprends que ma participation est totalement volontaire (personne ne m’y oblige) et que je peux y mettre fin à tout moment, sans punition, ni justification à donner. Il me suffit d’en informer la responsable du projet.

Ta signature: Date:

Vérification d’explications données par l’investigateur (pour les moins de 8 ans)

Je soussigné(e), MARQUET Marie (nom de l’investigateur), avoir expliqué le but et la nature de cette étude à ______________________________ (nom du participant) dans un langage approprié selon l’âge du participant. Il/Elle a eu l’opportunité de parler de l’étude avec moi de façon détaillée. J’ai répondu à toutes ses questions et il/elle a donné son assentiment à sa participation dans cette étude. J’ai également obtenu son accord, et celui de ses parents, pour l’enregistrement de l’entretien individuel et de groupe.

Signature de l’investigateur : Date :

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Marquet Marie 117

11.6 Guides d’entretiens

PARENTS :

Question de recherche : la dynamique et les processus familiaux

- « Qu’est-ce qui a changé depuis l’annonce du diagnostic ? Pour chacun d’entre

vous, pour votre couple, pour votre famille ? »

- « Avez-vous constaté des changements sur vos autres enfants ? »

- « A quelles difficultés avez-vous dû faire face ? »

Question de recherche : les informations objectives de la fratrie sur la maladie et la

communication autour de la maladie

- « Que savent les frères et sœurs quant à l’état de santé de leur frère/sœur ? »

- « Qui leur a donné ces informations ? »

Question de recherche : les représentations et le vécu des parents face à la

dynamique familiale et à leurs autres enfants ; les ressources dans la famille

- « Comment vous êtes-vous senti après que vos enfants aient été mis au courant

de la maladie de leur frère/sœur ? »

- « Et vos enfants, comment se sont-ils sentis après l’annonce du diagnostic ? »

- « Comment vont-ils aujourd’hui ? »

- « Sur quelles personnes peuvent-ils compter ? Quelles sont leurs ressources ? »

Question de recherche : les améliorations de l’accompagnement des familles et des

fratries

- « Quelle place est-il important de donner aux frères et sœurs dans la prise en

charge de votre famille selon vous ? »

- « Pour vous, où et dans quelles conditions cet accompagnement doit-il être mis

en place ? Comment les aider au mieux ? »

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Marquet Marie 118

- « Si vous avez opté pour l’implication de vos enfants à l’hôpital, comment vous

sentez-vous vis-à-vis de ce qui vous est proposé ici comme prise en charge et

accompagnement ? »

- « Pour quelles raisons avez-vous choisi d’impliquer/ou non l’ensemble de la

fratrie dans l’accompagnement de votre enfant qui est soigné ici ? »

- « Quelles observations faites-vous chez vos enfants lorsqu’ils viennent à

l’hôpital avec vous et quand ils ne viennent pas ? »

- « Que conseilleriez-vous aux personnes qui s’occupent de vos enfants ? »

FRATRIES :

Question de recherche : les informations objectives sur la maladie

- « Que peux-tu me dire concernant l’état de santé de ton frère/sœur ? »

- « Qui t’a donné toutes ces informations ? »

Question de recherche : le vécu des fratries par rapport au diagnostic, à la maladie

- « Comment t’es-tu senti après avoir su tout ça ? »

- « Comment te sens-tu quand tu viens à l’hôpital avec ton frère/sœur et avec

Papa et/ou Maman? »

- « Et quand tu ne viens pas, qu’est-ce que tu ressens? »

Question de recherche : les représentations quant à l’impact de la maladie sur le

système familial via l’utilisation de la métaphore

- « Si tu devais représenter avec un animal et/ou un objet la maladie de ton

frère/ta sœur, que dessinerais-tu ? »

- Blason adapté (Devise, dessin de la famille, personnes ressources, pertes et

gains suite au diagnostic, dessin de la famille dans le futur).

Question de recherche : les améliorations de l’accompagnement des familles et des

fratries

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Marquet Marie 119

- « Que conseillerais-tu aux soignants qui s'occupent de ton frère/sœur? De toi ?»

- « Que conseillerais-tu à un enfant qui, comme toi, a un frère ou une sœur

malade? »

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Marquet Marie 120

11.7 Blason

- Carré en haut à gauche : « Je vais te demander de dessiner ta famille actuelle,

ta famille dans le présent ».

- Carré en haut à droite : « Je vais te demander d’écrire tes personnes

ressources, c’est-à-dire les personnes qui t’aident toi, et ta famille. Les

personnes sur qui tu peux compter, en qui tu as confiance ».

- Carré en bas à gauche : « Je vais te demander de me citer les pertes et les

gains, pour toi, de la maladie de ton frère/ta sœur. C’est-à-dire ce qui est moins

bien depuis qu’il/elle est malade, et ce qui est mieux pour toi. Donc les

avantages et les inconvénients de la maladie, pour toi ».

- Carré en bas à droite : « Je vais te demander de dessiner ta famille dans le

futur, à l’avenir, comment tu vous imagines ».

- Rectangle en haut : « Je vais te demander de réfléchir à une devise. C’est-à-

dire une phrase qui caractérise ta famille, qui vous correspond, qui vous va

bien. Soit une phrase connue que tu as déjà entendue, soit une phrase que tu

inventes toi-même ».

- Triangle en bas : « Si tu devais représenter avec un animal et/ou un objet la

maladie de ton frère/ta sœur, que dessinerais-tu ? ».

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Marquet Marie 121

11.8 Lexique médical

Leucémie (Famille 1, 4, 5, 6) : maladie du système sanguin.

La leucémie est une forme courante du cancer chez l’enfant. 80 % des leucémies aiguës

de l'enfant sont lymphoblastiques (LAL). Le pronostic de ce type de maladie est bon.

Elle nait dans la moelle osseuse dont le rôle est la fabrication des globules blancs, des

globules rouges et des plaquettes. La leucémie provoque une perturbation de la

production des globules blancs. Elle entraine également la production de nombreuses

cellules anormales qui vont « envahir la moelle osseuse pour se répandre ensuite dans

la circulation sanguine et le système lymphatique. Elles peuvent aussi envahir des

organes vitaux ».

Médulloblastome (Famille 2) : tumeur cérébrale.

« Les tumeurs du système nerveux central sont les tumeurs solides de l’enfant les plus

fréquentes. Elles représentent près de 30% des tumeurs, juste avant les leucémies ».

Le taux de survie est environ de 70% mais varie d’un type de tumeur à l’autre.

Le médulloblastome se développe dans le cervelet. Il survient chez l’enfant avant l’âge

de 10ans. Ce type de tumeur est « invasif et peut métastaser dans la totalité du système

nerveux central ».

Histiocytose (Famille 3) : maladie rare, auto-immune. Elle est caractérisée par la

présence anormale dans certains tissus de cellules de Langerhans ; cellules qui

participent normalement à la défense de l'organisme. « Elle se présente le plus

couramment soula forme de lésions destructrices au niveau des os de la tête et du cou

chez les enfants ».

Ostéosarcome (Famille 7) : « cancer des os »

L’ostéosarcome est « la plus fréquente fréquente des tumeurs malignes » dont l’origine

se trouve dans les os. L’âge du diagnostic varie entre 10 et 20 ans. Le partie du corps la

plus souvent atteinte est le fémur. La présence de métastases au moment du diagnostic

est possible (10 à 20 %), le plus souvent dans les poumons. Lorsqu’il y a présence de

métastases, le pronostic est plus défavorable.

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Marquet Marie 122

11.9 Prise en charge des fratries

Activités

fratrie

Camp fratrie Suivi régulier

à l’hôpital

Suivi régulier

à l’extérieur

Fratrie 1 Oui Non Non Non

Fratrie 2 Oui Non Oui

(psychologue)

Non

Fratrie 3 Oui Non Non Oui

(psychologue)

Fratrie 4 Non Non Non Non

Fratrie 5 Non (distance) Non Oui

(psychologue)

Non

Fratrie 6 Non (distance) Non Non Oui

(psychomot.)

Fratrie 7 Non (distance) Oui Non Non

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Résumé de la recherche :

A l’heure actuelle, le cancer chez l’enfant fait toujours partie des sujets d’actualité

qui concernent l’ensemble de la société. En parcourant la littérature, nous constatons la

richesse des articles sur la prise en charge de l’enfant malade et de ses parents. En revanche,

même si nous remarquons l’existence d’une littérature sur l’accompagnement des fratries, son

abondance est moindre. Celle-ci faisant état d’un bien-être de faible qualité chez ces fratries

(Mathé et al., 2015), nous avons pris la décision de nous focaliser sur ce sous-système. Ce

choix fut également influencé par un stage réalisé au sein du service d’hémato-oncologie

pédiatrique de la Clinique de l’Espérance au cours duquel nous avons constaté que le besoin

scientifique de nourrir la base de données concernant le sous-système fraternel était partagé

par les parents des familles prises en charge dans ce service.

L’objectif de la recherche était de recueillir le vécu des fratries et de leurs parents

vis-à-vis de l’impact de la maladie sur la dynamique familiale, du bien-être des frères et sœurs

et des attentes concernant l’accompagnement. La méthodologie se constituait d’un entretien

pour les parents et d’un autre pour la fratrie. Le blason a également été utilisé avec la fratrie.

Nos résultats mettent en évidence l’impact de la maladie sur la dynamique

familiale. Celui-ci peut être tant positif (le changement du sens de la vie et des priorités, la

prépondérance de la qualité des relations sur la quantité, le renforcement de la relation

conjugale à long terme, etc.) que négatif (le caractère et les émotions changeants de la fratrie,

l’isolement social etc.) Concernant le diagnostic, l’importance pour les parents de ne rien

cacher à la fratrie via le soutien des médecins et psychologues, est souligné. La tristesse

caractérise l’émotion la plus souvent ressentie par les fratries après avoir été informées. Notre

étude nous a également permis de mettre en lumière les pertes et les gains ressentis par les

fratries ; ce résultat se référant tantôt à la perte du parent et de l’enfant malade, tantôt au

rapprochement familial que la maladie provoque à plus long terme.

Pour conclure, tous les parents rencontrés se sentent concernés par la question de

l’accompagnement des fratries. L’améliorer revient à l’envisager selon les besoins de chaque

fratrie, en respectant le rythme de chaque système familial. De plus, c’est en aidant les

parents, que nous pourrons aider au mieux les fratries.