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Mission Décembre 2006 – Mai 2007 Étude de l’état des lieux de la partie nord du lac Tanganyika dans le cadre du Programme Pêche d’Action Contre la Faim en République Démocratique du Congo Par Yves FERMON

Étude de l’état des lieux de la partie nord du lac …...Suite aux problèmes de faibles captures observées, AAH a décidé d’effectuer une évaluation de l’état des lieux

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Page 1: Étude de l’état des lieux de la partie nord du lac …...Suite aux problèmes de faibles captures observées, AAH a décidé d’effectuer une évaluation de l’état des lieux

Mission Décembre 2006 – Mai 2007

Étude de l’état des lieux

de la partie nord du lac Tanganyika dans le cadre du Programme Pêche

d’Action Contre la Faim en République Démocratique du Congo

Par

Yves FERMON

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CE TRAVAIL EST ISSUS D’UNE COLLABORATION ENTRE : LE CENTRE DE RECHERCHE HYDROBIOLOGIQUE D’UVIRA LE MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT LE MINISTERE DE L’AGRICULTURE, DE L’ELEVAGE ET DE LAPECHE ACTION CONTRE LAFAIM – USA

CETTE ETUDE A ETE FINANCEE PAR ACTION CONTRE LA FAIM - USA

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Résumé Dans le cadre de ses activités en sécurité alimentaire, Action Contre la Faim – USA a mis en

place un programme de relance des activités de pêches sur le lac Tanganyika dans le Sud Kivu. Suite aux problèmes de faibles captures observées, AAH a décidé d’effectuer une évaluation de l’état des lieux. Ce rapport présente les résultats obtenus. Il se décompose en 3 parties :

Les objectifs ; Le contexte générale incluant les connaissances connues sur la région des Grands lacs et

plus particulièrement le lac Tanganyika ; L’état des lieux dans la partie Nord du lac Tanganyika.

En reprenant les principales caractéristiques de la région :

✓ La stabilité politique si elle semble s’améliorer, n’est pas encore établie. ✓ La zone des Grands Lacs est le réservoir des eaux douces pour une grande partie des pays africains ; c’est donc une zone extrêmement sensible qui joue un rôle majeur pour la situation de 300 millions d’habitants. Le lac Tanganyika est la réserve d’eau pour le fleuve Congo et fait vivre plus de 10 millions d’habitants. ✓ Les Grands Lacs sont riches d’une faune et flore très diversifiées, uniques au monde, qui font donc partie du patrimoine mondial et celle du lac Tanganyika est une des plus ancienne. ✓ L’augmentation croissante de la population humaine peut provoquer une pression sur les ressources naturelles d’une façon telle, qu’elle peut être irrémédiable. Donc, cette région a un intérêt mondial majeur et unique au niveau, politique, économique, humain et environnemental. Toutes perturbations ou actions non raisonnées dans cette région peuvent entraîner une succession de conséquences qui peuvent être particulièrement graves. En ce qui concerne les résultats pincipaux de l’évaluation, on peut retenir les points suivants :

✓ Il existe une grande hétérogénéité dans la répartition des pêcheurs le long du littoral ; ✓ Il existe une hétérogénéité de la distribution des engins de pêches selon la localisation et en

relation avec la quantité de pêcheurs et de la densité de population ; ✓ Plus la population est importante, plus la pêche individuelle est privilégiée ; ✓ On observe 4 techniques de pêches usuelles plus une (Tam-tam) occasionnelle en relation

avec le nombre d’habitants ; ✓ Un certain nombre de personnes sont venues récemment à la pêche et à la vente de

poissons ; ✓ La pression de pêche existe et varie en fonction de l’endroit, donc du type d’engins

principalement utilisé ; ✓ Les pêcheurs sont organisés sur chaque plage avec un comité de plage qui défend leurs

intérêts dans la mesure du possible ; ✓ Il existe une pression non négligeable de la part des autorités pour obtenir une part de la

production de pêche ; ✓ La législation est ancienne, n’est plus adaptée et non appliquée ; ✓ Les poissons sont commercialisés selon un circuit simple, mais il n’existe pas de

regroupement clair des vendeurs. L’ensemble permet de penser que la pression de pêche est actuellement hétérogène sur

l’ensemble de la zone d’action et que celle-ci ne permet pas forcément d’assurer une production de poissons suffisante d’un point de vue subsistance. Il faudra donc adapter selon l’endroit les engins de pêches à distribuer. La structuration également des pêches demande à être révisée pour un meilleur suivi des captures.

L’ensemble de ces informations a permis d’émettre certaines recommandations concernant la gestion durables des ressources de la zone considérée, dont la principale est une reconstruction de ces ressources.

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Abstract In the framework of the activities in food security in the South Kivu, Action Against Hunger

was conducted a program on the revival of fisheries on lake Tanganyika. But, because of the low fish catch, an evaluation on the actual statement of the lake has been settled. This report show the obtained results and is separated in 3 parts:

Main goals; The general context including the knowledge on the great African lakes region, mainly

Lake Tanganyika; The actual statement on the Northern part of Lake Tanganyika.

Regarding the main characteristics of the Great African lakes region:

✓ The politic stability is still not well established although it has improved. ✓ The Great African lakes region is the freshwater reservoir for a large number of African countries and play a major role for the life of 300 millions of people. The lake Tanganyika is the water reserve for the Congo river and make living more or less 10 millions of people. ✓ The Great African Lakes region is rich of unique diversified flora and fauna and, so, are part of the world inheritance and those of lake Tanganyika are the oldest one. ✓ The increase of human population may bring a high pressure on natural resources, which might be non-reversible. So, this region has a world major and unique interest for political, economical, human and environmental issues. Any changes or non-reasoned action plan may lead a succession of consequences which might be serious. Regarding the main results of this study, we may point out:

✓ A great heterogeneity on the distribution of the fishermen along the shore is observed. ✓ A great heterogeneity on the distribution of the fishing gears according the location related

to the amount of fishermen and the population density. ✓ More the population is large, more individual fishing is preferred. ✓ Four fishing gears are mainly used plus one occasionally used (Tam-tam) related to the

amount of population. ✓ Some people are recently started to fish and to sale fish. ✓ The fishing pressure is clear and changes in relation to the location, therefore on the kind of

fishing gear. ✓ The fishermen are organized in a beach committee, which defends their interests when

possible. ✓ The authority pressure is clear and non-neglectable to obtain a part of the fish caught. ✓ The law is old, non-adapted and not applied. ✓ The fishes are marketed according a simple way, but a proper group of salesmen is

unknown. All these observation may lead that the fishing pressure is heterogeneous on the all

sampled region and the fisheries production is not enough to insure a proper food security. Therefore, it will be necessary to adapt the distribution of the fishing gears regarding the location. The structuring of the fisheries has to be changed for a better catch survey.

All these information have lead to give some basic recommendations regarding the sustainable management of the natural resources, which begin by the rebuilding of these resources.

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Remerciements Toute ma gratitude va à l’ensemble de l’équipe d’ACF, nationaux et internationaux, sur

l’ensemble des bases, qui ont bien voulu supporter les désidérata parfois difficiles à concevoir, d’un chercheur sur le terrain. Merci particulièrement à Thilo, Innocent, Philémon qui ont du souvent me maudir. Que dire de Céline, de Christine, de Maureen, d’Olivier et de, bien sûr, Sophie, qui ont participé avec plaisir à la collecte des spécimens sous l’eau jusqu’à être promulgués « pêcheur principaux », d’Alfredo, Philippe, Hobi etc…pour toute leur aide. Merci à Marie-Sophie, Karine et Devrig pour leur soutien à partir du siège. Sans oublier Faustin, Pierre, Irenge et ceux qui ont supporté les nuits sur les plages faites de pêches entrecoupées de ronflements bien sonores. Merci à mesamis des autres ONG pour toutes les discussions enrichissantes et les bons moments passés ensembles, Laure, Rémi, Marie…

Il est particulièrement difficile de pouvoir remercier l’ensemble des personnes qui ont œuvré, parfois dans des conditions précaires, à la bonne marche de ce travail.

Toute ma gratitude va au Dr. Nshombo et à son équipe du CRH, Adolphe, Donatien, Gérard… pour leur travail, leur collaboration fructueuse et leur aide avec les spécimens vivants.

Au Dr. Asumani, Inspecteur provincial de l’IPAPEL et à son collègue de l’Environnement ainsi qu’à tous leurs agents agissant sur les plages, grand merci pour leur aide et leur soutien dans ce travail commun.

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SOMMAIRE Partie I — Les objectifs de l’étude.................................................................... 1

I-1.1. OBJECTIF PRINCIPAL 1 I-1.2. OBJECTIF SPECIFIQUES 1

I-1.2.1. La ressource ......................................................................................................................... 1 I-1.2.2. Les pratiques de la pêche..................................................................................................... 1 I-1.2.3. Le cadre législatif................................................................................................................. 1 I-1.2.4. La gestion des ressources .................................................................................................... 1

Partie II — Le contexte général ......................................................................... 2 II-1. LE PAYS EN QUELQUES CHIFFRES....................................................................................................... 2 II-2. LE CONTEXTE HISTORIQUE ET POLITIQUE........................................................................................ 3 II-3. LE CONTEXTE ENVIRONNEMENTAL - LA REGION DES GRANDS LACS .......................................... 3

II-3.1. L’HISTOIRE GEOLOGIQUE 4 II-3.2. CARACTERISTIQUES DES LACS AFRICAINS 4 II-3.3. LES CONSEQUENCES HISTORIQUES ET LA BIOGEOGRAPHIE 7 II-3.4. LA BIODIVERSITE AQUATIQUE DE LA REGION 9

II-4. LE LAC TANGANYIKA ET SON BASSIN VERSANT ............................................................................. 11 II-4.1. SON HISTOIRE GEOLOGIQUE 11 II-4.2. EN QUELQUES CHIFFRES… 13 II-4.3. LE CLIMAT 13 II-4.4. SA FAUNE ET SA FLORE 14 II-4.5. LA DIVERSITE DES HABITATS ET LES COMMUNAUTES DE POISSONS 14

II-4.5.1. La communauté pélagique (de pleine eau)....................................................................... 15 II-4.5.2. Les communautés littorales et sublittorales ..................................................................... 15 II-4.5.3. Les communautés benthiques ou d'eau profonde ............................................................ 18 II-4.5.4. La communauté bathypélagique ou d’eau de pleine eau profonde................................. 18 II-4.5.5. La communauté marécageuse ........................................................................................... 18

II-5. LA DEMOGRAPHIE .............................................................................................................................. 21 II-6. RECAPITULATIF .................................................................................................................................. 25

Partie III — L’état des lieux .............................................................................. 26 III-1. LA PROVINCE DU SUD KIVU ............................................................................................................. 26

III-1.1. LES GROUPES ETHNIQUES DANS LE SUD KIVU 26 III-1.2. LA SECURITE ALIMENTAIRE EN GENERAL DANS LE SUD KIVU 26 III-1.3. L’INTERVENTION D’ACTION CONTRE LA FAIM 27 III-1.4. LE PROGRAMME « PECHE » D’ACF 28

III-2. L’ETUDE BIOLOGIQUE ...................................................................................................................... 28 III-2.1. LOCALISATION GEOGRAPHIQUE 28 III-2.2. MATERIEL & METHODES 30

III-2.2.1. Échantillonnage .............................................................................................................. 30 III-2.2.2. Les données récoltées..................................................................................................... 30

III-2.3. RESULTATS 31 III-2.3.1. Le transect ....................................................................................................................... 31 III-2.3.2. Les espèces rencontrées ................................................................................................. 34 III-2.3.3. Richesse spécifique et captures ..................................................................................... 38

III-2.4. CONCLUSION 40 III-3. L’ETUDE DES PECHES........................................................................................................................ 40

III-3.1. LES PECHES 40 III-3.1.1. Généralités ...................................................................................................................... 40 III-3.1.2. Les caractéristiques des pêches ..................................................................................... 41

• La pêche industrielle ...................................................................................................... 41 • La pêche artisanale ......................................................................................................... 42 • La pêche traditionnelle ou coutumière ou de subsistance............................................ 42

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III-3.1.3. Les zones de pêches........................................................................................................42 • La pêche côtière ..............................................................................................................43 • La pêche pélagique .........................................................................................................43

III-3.1.4. Les techniques de pêche .................................................................................................43 III-3.1.5. Les principales espèces cibles........................................................................................ 44

• Stolothrissa tanganicae Regan, 1917 – Clupeidae – « Kalumba » ............................. 44 • Limnothrissa miodon (Boulenger, 1906) – Clupeidae – « Lumbu » ........................... 44 • Lates stappersii (Boulenger, 1914) – Latidae – « Mukeke ».......................................45

III-4. L’ETUDE D’ACF.................................................................................................................................46 III-4.1. RELATIONS AVEC LES INSTITUTIONS NATIONALES 47 III-4.2. MATERIEL & METHODE 47

III-4.2.1. Les fiches de recensement.............................................................................................. 47 III-4.2.2. Les fiches de suivi...........................................................................................................48 III-4.2.3. Sensibilisation des pêcheurs sur les plages. ..................................................................48

III-4.3. RESULTATS 48 III-4.3.1. Recensement ................................................................................................................... 48 III-4.3.2. Les communautés des pêcheurs ..................................................................................... 50 III-4.3.3. Les engins de pêches ......................................................................................................51 III-4.3.4. Les pirogues .................................................................................................................... 53 III-4.3.5. Suivi des captures ...........................................................................................................55 III-4.3.6. Fonctionnement des plages ............................................................................................ 58 III-4.3.7. La législation................................................................................................................... 59 III-4.3.8. La commercialisation .....................................................................................................59

III-4.4. CONCLUSION 61

Partie IV — Constat et recommandations ........................................................ 62

Partie V — Annexe 1 – Fiches de recensement ............................................... 65

Partie VI — Annexe 2 – Exemple de fiches techniques.................................... 68

Partie VII — Texte législatif.............................................................................. 71

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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Figure II 1. – La République Démocratique du Congo : carte administrative. .......................................................................4 Figure II 2. – Région des Grands lacs Africains (© Photo satellite – google). .......................................................................5 Figure II 3. - Topographie générale de l'Afrique montrant les principaux bassins hydrographiques, les zones d'altitude supérieure à 1000 m, et la division approximative entre l'Afrique "basse" et l'Afrique "haute" (Lemoalle, 1998, redessiné d'après Beadle, 1981). ......................................................................................................................................7 Figure II 4. – Les régions biogéographiques. ..........................................................................................................................10 Figure II 5. – L’actuelle région des Grands lacs et son hydrologie. ......................................................................................10 Figure II 6. - Proportion des différents groupes trophiques parmi les Cichlidae du lac Victoria et relations entre les type de régime alimentaire et de dentition (d’après Witte & van Oijen, 1990). ...................................................................11 Figure II 7. - Exemple de radiation adaptative (adaptation morphologique de la forme de la bouche) chez quelques Cichlidae du lac Malawi (redessiné d’après Fryer & Iles, 1972)...........................................................................................12 Figure II 8. – Type et évolution possible des systèmes de soins parentaux dans le lac Tanganyika. ..................................12 Figure II 9 - Le Tilapia du Nil, Oreochromis niloticus (© Y. Fermon - dessin d’après Boulenger, 1898).........................12 Figure II 10. – Le lac Tanganyika et son bassin versant. .......................................................................................................14 Figure II 11. – Variation du niveau de l’eau du lac Tanganyika (données Internet). ...........................................................14 Figure II 12. – Localisation des fosses les plus profondes du lac Tanganyika. ....................................................................15 Figure II 13. – Carte bathymétrique du lac Tanganyika d’après Verne, 2000 suivant Capart, 1949). ................................15 Figure II 14. – La communauté pélagique du lac Tanganyika (© www.destin-tanganyika.com, d’après Lévêque & Fermon, 1998). Les flèches représentent les liens trophiques (de nutrition).........................................................................17 Figure II 15. – La communauté rocheuse du lac Tanganyika (© www.destin-tanganyika.com, d’après Lévêque & Fermon, 1998). Ce schéma représente aussi la répartition selon la profondeur....................................................................19 Figure II 16. - La communauté sableuse du lac Tanganyika (© www.destin-tanga.com, d’après Lévêque & Fermon, 1998). Ce schéma représente aussi la répartition selon la profondeur...................................................................................19 Figure II 17. – Répartition connue de Tropheus sp ; « Kiriza » (© www.destin-tanganyika.com)....................................21 Figure II 18. – Répartition connue de Tropheus annectens (© www.destin-tanganyika.com). ...........................................21 Figure II 19. – Répartition connue de Tropheus sp ; « Bulu » (© www.destin-tanganyika.com). ......................................21 Figure II 20. – Répartition connue de Tropheus sp. « Ikola » (© www.destin-tanganyika.com). .......................................21 Figure II 21. – Répartition connue de Callochromis pleurospilus (© www.destin-tanganyika.com ; Verne, 2000). ........22 Figure II 22. – Répartition connue de Lestradea perspicax (à droite) et de L. stappersi (à gauche) (© www.destin-tanganyika.com ; Verne, 2000, photo H.-J. Hermann). ..........................................................................................................22 Figure II 23. – Répartition connue de Xenotilapia burtoni (à droite), X. longispinis (au centre) et X. ochrogenys (à gauche) (© www.destin-tanganyika.com ; Verne, 2000). ......................................................................................................22 Figure II 24. – Densité de population en 1960 (à droite) et en 2000 (à gauche) (© donnée Internet).................................23 Figure II 25. – Évolution de la densité de population de 1960 à 2000 sur le pourtour du lac Victoria (© donnée Internet)......................................................................................................................................................................................23 Figure II 26. – Estimation de l’utilisation de l’eau dans la région des Grands Lacs (© données Internet).........................24 Figure III 1. – Actuelle répartition des ethnies dans le Sud- Kivu (d’après Musato, 2007).................................................29 Figure III 2. – Activités d’Action Contre la Faim dans le Sud Kivu (d’après Gallagher, 2007). ........................................30 Figure III 3. – Localisation géographique des stations. En jaune, sites ACF ; en bleu, sites non ACF visités ; en rouge, base ACF........................................................................................................................................................................31 Figure III 4. – Carte bathymétrique du Nord du lac (d’après Genevelle suivant Cappart, 1949), à gauche ; Répartition des substrats (selon Poll, 1956), à droite, en bleu : zones rocheuses, en jaune (sable) et vert (vase), substrat meuble..........................................................................................................................................................................33 Figure III 5. – Visualisation du transect bathymétrique, partie Nord (© S. Piry & Y. Fermon, 2007, photo http://glcfapp.umiacs.umd.edu). ...............................................................................................................................................34 Figure III 6. – Visualisation du transect bathymétrique, partie Sud (© S. Piry & Y. Fermon, 2007, photo http://glcfapp.umiacs.umd.edu). ...............................................................................................................................................35 Figure III 7. – Dendrogramme sur les composantes principales de l’AFC sur le tableau présence/absence des espèces par localité. Carrés noirs = nuit ; carrés blancs= jour ; bleu = présence de roseaux ; rouge = gravier ; vert = sable. ........40 Figure III 8. – Richesse spécifique et nombre moyen de capture par localité.......................................................................41 Figure III 9. – Changements annuels des C.P.U.E. (tonnes par senne tournante) des Clupeidae dans le sous-bassin de Bujumbura (Uvira)(Mulimbwa, 2006). ...................................................................................................................................43 Figure III 10. – Zonation schématique du lac Tanganyika (modifié d’après ESPP, 2000)..................................................44

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Figure III 11. – Stolothrissa tanganicae. En haut, © L. Moeremans ; en bas, Poll, 1953. Vue latérale, tête en vue dorsale, alevins de 8, 15, 17 et 26 mm.....................................................................................................................................47 Figure III 12. – Limnothrissa miodon. En haut, © Mohammed, Fishbase ; en bas, Poll, 1953. Vue latérale, tête en vue dorsale, alevins de 10, 14, 17 et 23 mm. ..........................................................................................................................47 Figure III 13. – Variations de l’Indice Gonado-Somatique moyen (poids des gonades / poids du poisson) chez (A) Stolothrissa tanganicae et (B) Limnothrissa miodon, de juin à Décembre 1988. Les points solides sont les poissons capturés en zone pélagique, les points ouverts ceux qui sont capturés près de la côte (Mulimbwa & Manini, 1992).......47 Figure III 14. - Lates stappersii (© Y. Fermon, à droite ; © FAO, à gauche)......................................................................48 Figure III 15. – Courbe de croissance de (A) Stolothrissa tanganicae (courbe supérieure, cohorte d’août, courbe du bas, cohorte de janvier) ; de (B) Limnothrissa miodon et (C) Lates stappersii (Mulimbwa & Manini, 1992)...................48 Figure III 16. – Variations du nombre d’engins de pêche, de la population, du nombre de pêcheurs et le pourcentage en activités individuel et en équipe pour l’ensemble des plages............................................................................................54 Figure III 17. – Pêche « <tam-tam » (© Nshombo, CRH). ....................................................................................................55 Figure III 18. – Sennes (© Y. Fermon, 2007). ........................................................................................................................55 Figure III 19. – Lignes (© Y. Fermon, 2007)..........................................................................................................................55 Figure III 20. – Pirogues pour la pêche artisanale (© Y. fermon, 2007)...............................................................................56 Figure III 21. – Pirogue pour la pêche individuelle (© Y. fermon, 2007). ...........................................................................56 Figure III 22. Pirogue avec des portoirs pour les lampes (© Y. fermon, 2007)....................................................................56 Figure III 23. – Lampes (© Y. fermon, 2007).........................................................................................................................56 Figure III 24. – Schéma de fonctionnement général d’une plage. .........................................................................................60 Figure III 25. – Poissons frais sur un étal de marché..............................................................................................................62 Figure III 26-« Mukeke » séchés. ............................................................................................................................................62 Figure IV 1 – Schéma contextuel de la situation observée actuellement dans le Sud Kivu. ...............................................66

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TABLE DES TABLEAUX Tableau II 1. – Résumé des évènements géologiques en Afrique............................................................................................7 Tableau II 2. - Principaux lacs africains. ...................................................................................................................................9 Tableau II 3. – Caractéristiques physiques et nombre de Cichlidae dans les principaux lacs du Rift africain (d’après Snoeks, 1994 ; Turner et al., 2001). .........................................................................................................................................10 Tableau II 4. – Caractéristiques de certains grands fleuves (d’après Lemoalle, 1998). .......................................................10 Tableau II 5. – Division des eaux du lac Tanganyika par pays..............................................................................................14 Tableau II 6. – Les espèces vivantes observées dans le lac Tanganyika. ..............................................................................17 Tableau II 7. – Caractéristiques socio-économiques des pays riverains du lac Tanganyika (Odada et al., 2004 – Lake Tanganyika). ..............................................................................................................................................................................25 Tableau II 8. – Caractéristiques de certains pays des Grands Lacs (d’après Abutin & Choumaker, 2004). ......................26 Tableau III 1. – Liste des sites ACF et des stations non ACF visitées (en italique). ............................................................32 Tableau III 2. – Nombre de Cichlidae par type de milieu. Ont été comptés plusieurs fois les espèces présentes dans différents types de milieu..........................................................................................................................................................37 Tableau III 3. - Nombre d’espèces par famille........................................................................................................................38 Tableau III 4. – Liste des espèces non Cichlidae rencontrées (M = Marais ; P = Pélagique ; R = Roche ; S = Sable ; nc = non connu).........................................................................................................................................................................38 Tableau III 5. – Liste des espèces de Cichlidae du nord du lac Tanganyika (Notée lors de l’étude : 1 = Présente ; 0 = Absente. M = Marais ; P = Pélagique ; R = Roche ; S = Sable ; nc = non connu). ..............................................................39 Tableau III 6. – Résultats obtenus par SCUBA par l’équipe du CRH...................................................................................40 Tableau III 7. – Exemple de captures sur des sites avec présence ou absence de roseaux...................................................43 Tableau III 8. – Caractéristiques de la population des villages où ACF intervient pour la pêche. Population totale = nombre d’habitants ; Homme = nombre d’hommes. Ces données proviennent d’un recensement en cours et nous ont été données par les responsables des villages. Ils sont apparemment à prendre avec caution pour Ubwari. Pêcheurs = nombre de pêcheurs ; Déplacés, Réfugiés, Résidents = position des pêcheurs durant la guerre ; % Pop = % de pêcheurs dans la population totale ; % H = % de pêcheurs parmi les hommes ; PC = personnes à charge pour les pêcheurs. ....................................................................................................................................................................................52 Tableau III 9. Pourcentage par classe d’âge d’années d’expérience dans le domaine de la pêche, âge minimum et maximum par plage...................................................................................................................................................................52 Tableau III 10. – Autres activités des pêcheurs selon les plages. ..........................................................................................53 Tableau III 11. – Pourcentage de pêcheurs travaillant en équipe ou en individuel et nombre d’engins de pêches par plage. TT = Tam-tam ; FM = Filets maillants ; SP = Sennes de plage ; ST = Sennes tournantes. ......................................54 Tableau III 12. – Tableaux de corrélations entre le nombre des différents engins de pêches et le nombre de pêcheurs et d’habitants, ainsi que les pêches individuelles et collectives. Les chiffres en gras sont les corrélations significatives à p > 0,05. ...........................................................................................................................................................54 Tableau III 13. – Recensement des pirogues...........................................................................................................................58 Tableau III 14. – Caractéristiques des captures par espèces et engins. Taille en mm (LS) ; Moyenne = taille moyenne ; Nombre = nombre de spécimens ; Minimum = taille minimum ; Maximum = taille maximum ; FM = Filets maillants ; L = lignes ; SP = Sennes de plages ; ST = Sennes tournantes ; T =Total. .........................................................59 Tableau III 15. - (suite) Caractéristiques des captures par espèces et engins. Taille en mm (LS) ; Moyenne = taille moyenne ; Nombre = nombre de spécimens ; Minimum = taille minimum ; Maximum = taille maximum ; FM = Filets maillants ; L = lignes ; SP = Sennes de plages ; ST = Sennes tournantes ; T =Total. La colonne « Total » correspond aux valeurs des deux tableaux III-15 et III-16. ....................................................................................................60 Tableau III 16. – C.P.U.E. par engins et communauté. H = lignes ; SP = Senne de plage ; ST = Senne tournante ; FM = Filets maillants. ......................................................................................................................................................................61 Tableau III 17. – Caractéristiques des vendeurs de poissons. AE = années d’expérience ; V/P = vendeur/pêcheur. ........63

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Rapport ACF — Partie I _________________________________________________________________________________1

Partie I — Les objectifs de l’étude

I-1.1. Objectif principal Développer la connaissance des ressources halieutiques du lac Tanganyika et des techniques de pêches utilisées afin d’apporter des éléments pour proposer une stratégie d’action cohérente et raisonnée s’inscrivant dans la gestion durable des ressources naturelles.

I-1.2. Objectif spécifiques ACF, dans le cadre de ses opérations en République Démocratique du Congo, désire

améliorer les conditions liées à l’approvisionnement en protéines animales des populations dans une optique d’adéquation avec les ressources naturelles et de durabilité dans la gestion. De ce fait, un certain nombre de questions se posent.

I-1.2.1. La ressource Identification des principales ressources du lac. Quelles sont les principales ressources

nutritionnelles (e.g. espèces exploitées) du lac dans la zone considérée? Quels sont les paramètres biologiques basaux des espèces les plus prisées ? (étude

bibliographique). Classification des poissons du lac des zones étudiées selon les critères suivants : espèces les

plus capturées, les plus appréciées, les plus menacées. I-1.2.2. Les pratiques de la pêche

Quelles sont les principales typologies de pêche ? Quelles sont les techniques de conservation et transformation des produits de la pêche ? Quelle est la destination des produits et sous-produits de la pêche ?

I-1.2.3. Le cadre législatif Existe-t-il un cadre législatif de la pêche sur le lac au niveau national et international pour la

gestion des ressources ? Existe-t-il un cadre législatif lié à la protection de l’environnement dans le milieu bien

particulier qu’est le lac Tanganyika ? Dans ce cas-là, y a-t-il un cadre de concertation entre pêcheurs, la division régionale de la

pêche et les autorités compétentes ? Comment les pêcheurs sont-ils structurés ? I-1.2.4. La gestion des ressources

Quels sont les possibles impacts des activités humaines non liés à la pêche sur les milieux ? Les techniques de pêches utilisées sont-elles adéquates dans la durée c’est-à-dire existe-t-il

une surexploitation des stocks liés à une mauvaise gestion des ressources ? Comment sensibiliser les pêcheurs à la gestion des ressources naturelles et à

l’environnement ? Quelles techniques sont-elles à mettre en place pour une pêche durable et soutenable ? Quel système de suivi et les types d’indicateurs (base sur les prises moyennes, les

performances) seraient adéquats à mettre en place ? Quelles sont les autres activités économiques sur la zone du lac (aquaculture lacustre,

ranaculture…) ? La partie II — Contexte général, reprend une synthèse des informations bibliographiques

récoltées depuis septembre 2006. Il est effectif qu’une étude de ce genre, pour être la plus pertinente possible, demande des années de travail. Il s’agissait donc, par un travail bibliographique augmenté d’une étude de terrain, d’apporter des éléments de réponses, au moins de base, à l’état actuel de la situation du Nord du lac Tanganyika.

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Partie II — Le contexte général

II-1. Le pays en quelques chiffres La République Démocratique du Congo (RDC), avec ses 2.345.000 km2 de territoire est le

3ème plus grand pays d’Afrique. De par sa position géographique (il est entouré de 9 pays, le Congo, la République de Centrafrique, le Soudan, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie, la Zambie et l’Angola) et ses ressources naturelles (cobalt, cuivre, pétrole, cassitérite, diamant, or, argent, zinc, manganèse, étain, germanium, uranium, coltan, bois, ressources hydrauliques et agricoles), la RDC a des atouts économiques majeurs.

Le pays est divisé en 11 provinces : le Bas-Congo, le Bandundu, l’Équateur, la Province orientale, le Nord Kivu, le Sud Kivu, le Maniema, le Katanga, le Kasaï occidental, le Kasaï oriental et Kinshasa (voir Figure II-1).

La population de la RDC est d’environ 55 millions avec une croissance estimée à 3,18% par an (Cros & Misser, 2006). On dénombre environ 200 ethnies, avec les Bantu comme peuple dominant. Les Mongo, Luba, Kongo et Mangbetu-Azande représentent 45 % de la population en RDC. A l’est de la RDC, il existe une minorité importante d’Hutus et Tutsis d’origine locale ou émigrés depuis le Rwanda et le Burundi au fil des siècles. On les nomme Banyarwanda ou Banyamulenge selon leur « ancienneté » en RDC. Les autres ethnies présentes dans l’est et plus particulièrement dans la région du Kivu sont les Nande, Nyanga, Bwisha, Hunde, Havu, Shi, Rega, Fuliiro, Rundi, Vira, Bembe, Bangilima, Batembo.

Figure II-1. – La République Démocratique du Congo : carte administrative.

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II-2. Le contexte historique et politique La RDC, et en particulier le Kivu a connu depuis les années 90 de nombreux mouvements de

population, avec l’arrivée de 1,2 million de réfugiés rwandais en 1994 lors du génocide au Rwanda, l’exil de 410 000 réfugiés Congolais vers les pays voisins et le déplacement interne de 3 millions de personnes. Ces divers mouvements de population ont déstabilisé, entre autres, le fragile équilibre ethnique au Kivu.

Le pays a vécu l’état de guerre de 1996 jusqu’en 2003, distingué en deux phases de conflit majeur, la guerre de 1996-1997 et celle de 1998-2003, qui ont coûté la vie à 4 millions de personnes (IRC, 2003). Bien que le conflit ait diminué d’intensité avec l’accord de cessez-le-feu de Lusaka (Zambie) en 1999, les affrontements ont fortement perduré dans l’est du pays entre certains belligérants (armée gouvernementale, combattants de la résistance populaire (Maï-Maï), groupes armés rebelles, groupes armés étrangers) jusqu’en 2003.

L’application de l’accord de Pretoria1 a permis d’amorcer une période de transition de deux ans nécessaires pour l’adoption d’une constitution par référendum et la mise en place des conditions pour des élections présidentielle et législatives dans un pays réunifié et défendu par une armée nationale intégrée, composée d’une sélection de militaires de l’ex-armée gouvernementale et de combattants des ex-groupes rebelles. Le processus a débouché, avec un peu de retard, à l’adoption de la nouvelle constitution, l’élection de Joseph Kabila au poste de président en octobre 2006 et des élections législatives.

Ce nouveau climat politique a permis aussi la mise en place du processus de « brassage » au sein de l’armée nationale et l’isolement de plus en plus important des groupes armés restants. Enfin, il a permis d’initier le rapatriement des réfugiés congolais et le retour de populations déplacées internes.

II-3. Le contexte environnemental - La région des Grands Lacs La région des Grands Lacs africains peut être délimitée par la zone regroupant les lacs, dans

l’ordre du Nord au Sud, Albert, Édouard, Kivu, Victoria, Tanganyika et Malawi (Figure II-2 p. 3).

Figure II-2. – Région des Grands lacs Africains (© Photo satellite – google).

1 L’accord de paix, global et inclusif, de Pretoria a été signé en Décembre 2002, le Dialogue Inter congolais est officiellement clôturé en Avril 2003.

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II-3.1. L’histoire géologique Il y a 12 millions d’années s’est produite une fracture tectonique au niveau du continent

africain qui a donné naissance à la mer Rouge et à une grande partie des lacs d’Afrique de l’Est. De cette fracture sont nées les lacs d’Afrique de l’Est, soit par un remplissage des failles créées (lacs Tanganyika, Malawi…), soit par remplissage des cuvettes créées par les formations des rifts Ouest et Est, comme c’est le cas du lac Victoria. Le Tableau II-1 p. 4 résume les évènements majeurs liés aux changements géologiques dans la région des Grands Lacs.

Tableau II-1. – Résumé des évènements géologiques en Afrique.

Ères Période Années (million = m) Évènements Protéozoïque Précambrien 3300 à 500 m. a. Pénéplaine traversée par les rivières ;

Effet de l'érosion (?) ; Rivières coulant vers l'ouest et l'est avec une ligne de partage située à l'est de l'actuel lac Victoria.

Prémiocène (Éocène et Oligocène)

70 m. a. Très long calme tectonique ; Contacts importants entre les rivières ; Distribution des organismes aquatiques à un niveau continental.

Miocène 25 m. a. Grands mouvements tectoniques : fracturation du continent et formation de la vallée du Grand Rift ; Rivières qui s’inversent : une partie coule vers l'Atlantique et forme les grands lacs du Rift ; Multiplication des habitats lacustres en Afrique

Pliocène 12 m. a. Vaste lac dans le bassin du RDC.

Tertiaire

Fin Pliocène 1,5 m. a. Développement définitif des graben avec formation de volcans sur leur bord ; Rivières originaires de la cuvette du lac Victoria coulent vers les lacs du graben occidental (Édouard et Mobutu) puis vers le Nil au Nord.

1 m. a. Mouvements tectoniques continuent. Le massif du Ruwenzori se forme (barrières de rapide sur la Semlicki entre les lacs Albert (Mobutu) et Édouard)

500 000 a. (150 000 a.)

Bord occidental de la cuvette du lac Victoria se soulève graduellement.

Quaternaire Pléistocène Holocène

20 000 a. à nos jours 14 500 a. 12 000 a. 7 000 a.

Période de stabilité tectonique Variations du niveau du lac : Période de sécheresse Changement de climat : remontée du niveau de l'eau Période de sécheresse Changement de climat : remontée du niveau de l'eau

II-3.2. Caractéristiques des lacs africains Qu’il s’agisse d’eaux courante ou stagnante, la situation géographique d’un système

gouverne, indirectement mais assez exactement, la qualité physico-chimique du milieu, par un ensemble complexe d’interrelations entre les différentes variables qui décrivent l’environnement. Les conditions abiotiques du milieu qui influent directement sur les communautés de poissons (saisonnalité et distribution de la turbulence, de l’oxygène et de la température, de la salinité et de la transparence) dépendent de deux contraintes : la géologie et les caractéristiques climatiques locales. Plus généralement, un système aquatique peut être perçu comme un élément du paysage, qui lui-même dépend des deux mêmes contraintes (Lemoalle, 1998).

Cinq grands bassins occupent le centre du continent (Figure II-3 p. 5). Le cheminement de la plupart des fleuves vers l’océan se fait à travers des gorges et par des cataractes qui ont une influence primordiale sur la distribution des espèces aquatiques dans les bassins du Congo, du Zambèze, du Nil ou du Niger (Lévêque, 1997).

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Figure II-3. - Topographie générale de l'Afrique montrant les principaux bassins hydrographiques, les zones d'altitude supérieure à 1000 m, et la division approximative entre l'Afrique "basse" et l'Afrique "haute" (Lemoalle, 1998, redessiné d'après Beadle, 1981).

Le continent africain se trouve donc schématiquement divisé en deux grandes régions : À l’Est, l’Afrique des hautes terres, d’une altitude généralement supérieure à 1000 m, avec

les vallées du Rift et les grands lacs ; À l’Ouest, l’Afrique des grands bassins sédimentaires, dont l’altitude moyenne est

inférieure à 500 m, ceinturés de plateaux érodés qui les isolent les uns des autres ainsi que de la mer.

On sépare généralement les lacs africains en différentes catégories dont, principalement, (i) les lacs peu profonds, (ii) les lacs profonds (Tableau II-2 p. 6) :

(i) les lacs peu profonds sont des milieux dont l'essentiel de la surface n'est pas colonisé par la végétation. La colonne d’eau est homogène presque tous les matins après le refroidissement nocturne. Suivant la saison et le régime des vents, ils sont susceptibles de se stratifier au cours de la journée. Cette fréquence élevée du cycle thermique assure en général une bonne oxygénation de toute la colonne d’eau ainsi qu’une régénération continue des nutriments, et donc un peuplement phytoplanctonique souvent abondant. Que la stratification dure plusieurs jours par manque de vent et de refroidissement nocturne, et l’anoxie se répand dans la masse d’eau, avec des mortalités massives de poissons. À l’inverse, de fortes tempêtes peuvent remettre en suspension des quantités inhabituelles de sédiments organiques et provoquer une anoxie équivalente.

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(ii) les lacs profonds, grands ou modestes, sont généralement caractérisés par une stratification au moins saisonnière et parfois permanente. Les eaux de la couche supérieure sont plus chaudes et moins denses que celles de la couche profonde. Le lac est ainsi constitué de deux couches superposées qui se mélangent peu ou pas du tout. Schématiquement, la couche supérieure est bien éclairée et bien oxygénée. À l’inverse, la zone profonde, généralement le siège de processus de décomposition, est dépourvue d’oxygène. Des variations climatiques, refroidissement ou vent, peuvent parfois causer un début de mélange dans la zone de transition entre eaux superficielles et eaux profondes. Ces mélanges permettent l’enrichissement des eaux de surface en éléments nutritifs. Ils sont évidemment moins fréquents que ceux que l’on observe dans les lacs peu profonds où cet enrichissement est quotidien.

Dans un lac stratifié, les poissons vivent essentiellement dans la couche superficielle. S’ils peuvent éventuellement faire de courtes incursions dans la couche profonde, les fonds correspondant ne leur sont accessibles ni pour se nourrir ni pour y déposer leurs œufs. D’où l’importance de la zone de rivage pour les espèces qui ne sont pas strictement pélagiques.

Les lacs africains possèdent également une grande diversité dans leur faciès et leur composition physico-chimique qui fait qu’un certain nombre est impropre pour une utilisation humaine directe de leurs eaux (Tableau II-3 p. 7).

Tableau II-2. - Principaux lacs africains.

Lacs Pays Superficie (km2) Prof. moyenne (m) Lacs peu profonds

Chilwa Malawi, Mozambique 750-1000 2 Guiers Sénégal 170-300 2.5 Naivasha Kenya 115-150 11 Bam Burkina Faso 12-20 0.8 Tchad " normal " Cameroun, Niger, Nigeria, Tchad 18000 3.9 Moéro RDC, Zambie 4650 3-10 Tana Éthiopie 3500 8 Rukwa Tanzanie 2300 < 6 Maji Ndombe RDC 2300 5 Kyoga Ouganda 1822 2.3 Bangwéolo Zambie 1721 4.1 Natron Kenya 900 0.5 Tumba RDC 765 2.4 Upemba RDC 530 1.7 Malombe Malawi 390 4 George Ouganda 250 2.4 Ngami Botswana 200 1 Chiuta Malawi, Mozambique 200 5 Baringo Kenya 130 5.6 Awasa Éthiopie 130 10.7 Magadi Kenya 108 0.6 Ihéma Rwanda 86 4.8 Nakuru Kenya 52 05-4,5 Léré Tchad 40.5 4.5 Nabugabo Ouganda 30 < 5

Lacs profonds Victoria Kenya, Tanzanie, Ouganda 68'800 40 Tanganiyka Burundi, Tanzanie, RDC, Zambie 32'600 700 Malawi Malawi, Mozambique, Tanzanie 30'800 426 Turkana Éthiopie, Kenya 7'570 29.7 Albert (Mobutu) Ouganda, RDC 5'270 25 Kivu Ruanda, RDC 2'370 240 Édouard Ouganda, RDC 2'300 34

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Tableau II-3. – Caractéristiques physiques et nombre de Cichlidae dans les principaux lacs du Rift africain (d’après Snoeks, 1994 ; Turner et al., 2001).

Lacs Malawi Victoria Tanganyika Édouard/George Kivu Albert Turkana

Nombre d'espèces de Cichlidae ≈700 ≈700 ≈250 ≈60 18 9 7

Altitude (m) 474 1240 773 912 1462 616 375

Surface (km2) 30800 68800 32600 2325 2370 5220 7 200

Volume (km3) 8400 2700 18800 90 583 140 237

Profondeur maximum (m) 700 79 1470 117 485E 58 120

Profondeur moyenne (m) 273 40 570 40 240 25 31

Température (°C) 23-28 23-26 23,2-27,3 25,2-27,2 23,0-24,5 27,4-29,0 29-30

pH 8,2-8,9 7,1-8,5 8,0-9,0 8,8-9,1 9,1-9,5 8,9-9,5 9,4-9,5

Transparence (disque de Secchi) 10-30 1,1-1,9 10-20 1,4-3,0 3,5-6,0 2-6 _

Profondeur maximale de la couche oxygénée (m) 250 fond

(saisonnalité) 100-200 80-117 (fond) 70 58 (fond) 120 (fond)

Conductivité (µS) 210 96 610 925 1240 735 2200-3300

Salinité (‰) 0,192 0,093 0,530 0,789 1,115 0?597 1,7-2,5

Na 21,0 10,4-13,5 57 110 129-130 91-97 770-810

K 6,4 3,7-4,2 35 9 85-100 65-66 21-23

Ca 15,1-20,2 5,0-7,0 9,3 12,4 5,0-21,2 9,8 5,0-5,7

Mg 4,7-6,9 2,3-3,5 43,3 47,3 84,0-100,0 31,5-32,1 3,0-4,0

HCO3 144 55-67 409 600 915-1000 445-476 1324-1495

Cl 4,3 3,9 26,5 36 31-35 31 429-475

SO4 5,0-5,5 0,8 5,0 31 15-30 25-32 56-64

II-3.3. Les conséquences historiques et la biogéographie Le continent africain peut être séparée en différentes zones biogéographiques en tenant

compte de la répartition de la faune aquatique et des similarités observées entre les différents bassins hydrologiques. La Figure II-4 p. 8 reprend ce découpage. Si un zoom est effectué sur la région des Grands lacs, il apparaît clairement que cette zone est une zone clé de séparations des eaux de différents bassins et est une véritable barrière biogéographique.

Actuellement, comme le montre la Figure II-5 p. 8 cette région est le point focal de répartition des eaux de 3 grands bassins : (i) le Nil avec une séparation entre les lacs Édouard et Kivu et, à l’Est, avec le lac Victoria, (ii) le Congo avec le lac Tanganyika, (iii) les bassins orientaux qui se déversent dans l’Océan Indien. (Tableau II-4 p. 7)

Quand on fait la somme des habitants de ces différents grands bassins, on arrive à un cumul de plus de 300 millions de personnes. De ce fait, toute perturbation liée à l’hydrologie de cette région peut avoir des conséquences parfois dramatiques pour tous les pays et leurs habitants que traversent ces grands fleuves.

Tableau II-4. – Caractéristiques de certains grands fleuves (d’après Lemoalle, 1998).

Rivières Longueur (km)

Surface du bassin versant (km2)

Débit moyen annuel (m3 s-1)

Zaïre 4 700 3 457 000 40 487 Nil 6 695 3 349 000 2 640 Zambèze 2 574 1 300 000 7 070 Niger 4 200 1 125 000 6 100

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Figure II-4. – Les régions biogéographiques.

Figure II-5. – L’actuelle région des Grands lacs et son hydrologie.

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Rapport ACF — Partie III ________________________________________________________________________________9

II-3.4. La biodiversité aquatique de la région La majeure partie des espèces de poissons appartient à une seule famille, celle des Cichlidae

dont le représentant le plus connu est le Tilapia du Nil (Oreochromis niloticus) (Figure II-9 p. 10). Ces essaims d’espèces issus souvent d’un très faible nombre d’espèces fondatrices et qui se sont diversifiées attirent l’attention des chercheurs depuis des décennies, car c’est l’exemple le plus remarquable de radiations spécifiques adaptatives chez les vertébrés, dépassant largement les pinsons des îles Galápagos de Charles Darwin. Ces Grands Lacs sont donc de véritables laboratoires naturels pour l’étude de la théorie de l’évolution et de nombreux articles scientifiques sont régulièrement publiés sur l’évolution des espèces de ces Grands Lacs Africains (Tableau II-3 p. 7).

Les espèces de Cichlidae se sont hautement diversifiées avec des adaptations morphologiques et comportementales principalement liées à la prise de nourriture. Ceci est observé partout avec des convergences de formes et des comportements similaires (Figure II-6 p. 9 et Figure II-7 p. 10).

Molluscivores (pharyngiaux)�

Molluscivores (buccaux)�

Phytoplanctonophages�

Carcinophages�

Brouteurs d'algues�

Insectivores�

Périphytonophages�

Mangeurs de parasites�

Zooplanctonophages�

Détritivores�

Inconnus�

Pédophages�

Mangeurs d'écailles�

Piscivores�

35,3

6,7

5,0

1,7

9,2

2,5

15,1

0,8

6,7

2,5

1,7

5,0

6,7

0,8

fig 11-02

Figure II-6. - Proportion des différents groupes trophiques parmi les Cichlidae du lac Victoria et relations entre les type de régime alimentaire et de dentition (d’après Witte & van Oijen, 1990).

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Figure II-7. - Exemple de radiation adaptative (adaptation morphologique de la forme de la bouche) chez quelques Cichlidae du lac Malawi (redessiné d’après Fryer & Iles, 1972).

Une des grandes potentialités des Cichlidae est liée aux soins parentaux que les parents prodigues à leurs jeunes. C’est une des clés d’explication de la raison d’une telle diversité dans un temps relativement court. C’est dans le lac Tanganyika que presque tous les types de soins ont été observés, de celui considéré comme le plus primitif vers le plus évolué (Figure II-8 p. 10).

garde biparentale

garde biparentale etincubation buccale maternelle

garde et incubationbuccale biparentale

incubation buccale biparentale

garde maternelle

garde et incubationbuccale maternelle

incubation buccale maternelle

fig 13-17

Figure II-8. – Type et évolution possible des systèmes de soins parentaux dans le lac Tanganyika.

Figure II-9 - Le Tilapia du Nil, Oreochromis niloticus (© Y. Fermon - dessin d’après Boulenger, 1898).

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Les peuplements de poissons dans les lacs profonds sont structurés par deux grandes catégories de contraintes : la profondeur et la nature des fonds. En effet, beaucoup d'espèces ont en général une préférence pour une plage de profondeurs qui leur est spécifique. Dans ces milieux stratifiés, la profondeur de la thermocline (température) et/ou de l'oxycline (oxygène) conditionne également l'extension des peuplements qu'ils soient pélagiques (pleine eau) ou benthiques (de fonds) ; de nombreuses espèces effectuent des migrations verticales en fonction du cycle nycthéméral.

Si chaque communauté a ses propres caractéristiques en ce qui concerne la nature et la proportion des espèces, elle est néanmoins en interaction avec ses voisines, et il existe de nombreuses zones de transition possédant des peuplements de type intermédiaire. Dans chaque communauté, il existe des espèces qui sont confinées à leur habitat spécifique, ainsi que des espèces qui ont une plasticité beaucoup plus grande en termes d'habitat et qui peuvent se déplacer d'un milieu à un autre. En outre, les activités de type cyclique spatiales ou temporelles, sont également des facteurs à prendre en compte dans l'étude des communautés de poissons (Lévêque & Fermon 1998).

II-4. Le lac Tanganyika et son bassin versant Une variété de facteurs fait ensemble, que le lac Tanganyika est un écosystème

exceptionnellement riche et intéressant. Il est estimé que plus de 10 millions d’habitants sont présents dans le bassin versant du lac, ceci en quatre pays riverains : la RDC, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie (voir Figure II-10 p. 12 et Tableau II-5 p. 11) .

Tableau II-5. – Division des eaux du lac Tanganyika par pays.

Surface Périmètre Pays Latitude Km2 % Km % Burundi 03°20’30”S - 04°26’40”S 2 600 8% 159 9% RDC 03°21’00”S - 08°13’40”S 14 800 45% 795 43% Tanzanie 04°26’00”S - 08°36’00”S 13 500 41% 669 36% Zambie 08°13’40”S – 08°48’30”S 2 000 6% 215 13% Total 03°20’30”S - 08°48’30”S 32 900 100% 1 850 100%

II-4.1. Son histoire géologique Sa formation date d’environ 12 millions d’années comme cela a été dit précédemment. Au

départ, différents auteurs pensent qu’il y avait deux, jusqu’à trois lacs. Ces protolacs correspondent aux zones de grandes profondeurs comme le montre la Figure II-12 et Figure II-13 p. 13. Puis, la cuvette s’est remplie et a permis la réunion de ces lacs. Avec l’apport d’eau du lac Kivu par la Ruzizi, le lac a peu à peu atteint son niveau actuel mais avec des variations assez importantes au cours des différents millénaires en fonction des variations climatiques.

La formation de la rivière Ruzizi et de sa plaine adjacente remonterait au Pliocène, âge plutôt récent si on considère celui du lac Tanganyika. C’est à cette époque que remontent les premiers sédiments lacustres et fluviatiles dans le fond de la plaine. Le lac occupait alors une superficie bien plus importante qu’aujourd’hui et son rivage Nord atteignait au moins le barrage volcanique situe au Sud du lac Kivu actuel. Les phénomènes d’effondrement du fond de la plaine qui ont continué au pléistocène et les variations des conditions climatiques seraient responsables de l’exondation progressive de la majeure partie de la plaine de la Ruzizi. Mais la rivière Ruzizi elle-même est le résultant des phénomènes qui se sont déroulés beaucoup plus au Nord. En effet, à une époque beaucoup plus récente, huit à douze mille ans, l’éruption de la chaîne des Virunga a eu pour effet de barrer l’écoulement vers le Nord d’un ensemble de cours d’eaux qui drainaient le bassin actuel du lac Kivu vers le lac Édouard. Les eaux se sont accumulées en amont du nouveau barrage formant ainsi le lac actuel. La hausse du niveau continuant, les eaux excédentaires ont fini par déborder vers le Sud, par-dessus un barrage volcanique plus ancien, dans la région de Bukavu Cyangugu; c’était la formation de la Ruzizi.

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Cette évolution a eu des conséquences non négligeables sur la séparation des espèces. On retrouve cette histoire à travers la répartition biogéographique actuelle de certaines espèces.

Les variations du niveau du lac peuvent être de plusieurs mètres en quelques années (Figure II-11 p. 12). Lorsque l’on connaît la superficie, il est certain que la variation de juste 1 m d’eau représente une quantité appréciable d’eau.

Le lac n’a que deux possibilités naturelles de sortie de l’eau : L’évaporation ; La rivière Lukuga où l’eau rejoint ainsi le bassin du Congo. Il est alimenté par : Les précipitations ; Les eaux du lac Kivu via la Ruzizi ; Les eaux des rivières de son bassin versant, en particuliers, la Malagarasi.

Figure II-10. – Le lac Tanganyika et son bassin versant.

Figure II-11. – Variation du niveau de l’eau du lac Tanganyika (données Internet).

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Figure II-12. – Localisation des fosses les plus profondes du lac Tanganyika.

Figure II-13. – Carte bathymétrique du lac Tanganyika d’après Verne, 2000 suivant Capart, 1949).

II-4.2. En quelques chiffres… Latitude 03°20’ - 08°48’ Sud -Longitude 29°03’ - 31°12’ Est ; Âge d’environ 12 million d’années, un des plus anciens lacs du monde ; Altitude de 773 m au-dessus du niveau de la mer ; Longueur de 673 Km, c’est le 7ème plus grand lac du monde ; Largeur de 12 à 90 Km, moyenne d’environ 50 Km ; Bassin versant de 220 000 km3 pour une superficie de 32 600 km2 ; Volume de 18 880 km3 ; Périmètre côtier de 1 838 Km ; Profondeur maximale de 1 320 m dans le bassin nord, 1 470 m dans le bassin sud,

moyenne 570 m, qui en font le 2ème plus profond lac du monde ; Stratification permanente des eaux ; Zone oxygénée de profondeur de - 70 m au nord, de - 200 m au sud ; Température de 23-27°C ; pH de 8,6 à 9,2 ; Salinité d’environ 460 mg/litre ; Temps de résilience (renouvellement) de 440 ans. II-4.3. Le climat

Il y a, globalement, deux saisons principales dans la région du lac Tanganyika. La saison des pluies s’étend d’octobre/novembre jusqu’en mai et est caractérisée par des

vents faibles, une haute humidité, des précipitations importantes et de fréquents orages. La saison sèche s’étend de juin à septembre/octobre avec des précipitations modérées

accompagnées de vents fort et réguliers du Sud .

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Le changement de saisons et de régime de vents résulte des alizés australs et boréals qui déterminent les dynamiques de la zone de convergence intertropicale (Huttula et al.,1996). Ces schémas climatiques majeurs et particulièrement les vents, régulent les régimes saisonniers thermiques du lac (Coulter, 1963 ; Coulter & Spiegel, 1991), l’évaporation (Coulter & Spiegel, 1991), les courants (Well & Chapman, 1976), et le mélange vertical et les mouvements des masses d’eau (Degens et al., 1971 ; Tietze, 1982). Ces phénomènes hydrophysiques sont les régulateurs premiers des schémas spatiaux et temporels de la productivité biologique.

II-4.4. Sa faune et sa flore Il a été recensé 2 156 espèces vivantes décrites dans le lac Tanganyika dont 27% soit 584 sont

endémiques du lac, c’est-à-dire qui n’ont été observées nulle part ailleurs que dans le lac (Tableau II-6 p. 14). On y observe des groupes rarement observés en milieu dulçaquicole comme les Spongiaires (éponges) et les Cnidaires (méduses). Parmi ces espèces, les deux groupes les plus remarquables sont les Mollusques Gastéropodes (escargots) et les poissons.

En ce qui concerne les poissons, comme c’est le cas également des autres Grands Lacs du Rift, on y observe un essaim d’espèces de la famille des Cichlidae, avec environ 250 espèces décrites.

Tableau II-6. – Les espèces vivantes observées dans le lac Tanganyika.

Taxon Nombre d’espèces % des endémiques Algues 759 Plantes aquatiques 81 Rotifères 70 7 Protozoaires 71 Cnidaires 2 Spongiaires 9 78 Bryozoaires 6 33 Vers plats 11 64 Ascarides 20 35 Vers segmentés 28 61 Vers en crin de cheval 9 Vers à tête épineuse 1 Pentastomids (petit groupe de parasites) 1 Mollusques Gastéropodes (escargots) 91 75 Mollusque Bivalves (palourdes ) 15 60 Arachnides (araignées, scorpions, mites, tiques) 46 37 Crustacées 219 58 Insectes 155 12 Poissons (famille Cichlidae) 250 98 Poissons (non-Cichlidae) 75 59 Amphibiens 34 Reptiles 29 7 Oiseaux (aquatiques) 171 Mammifères 3

Total : 2 156 Total d’espèces endémiques 584 27

II-4.5. La diversité des habitats et les communautés de poissons Sur la base de la distribution des espèces, on distingue, de manière schématique, un certain

nombre de communautés : Les communautés pélagiques, qui vivent en pleine eau, loin des côtes ; elles comprennent

parfois des espèces qui font des incursions temporaires en eau profonde à partir des communautés littorales ;

Les communautés littorales et sublittorales, qui vivent à proximité des côtes et à une profondeur n'excédant pas 30 à 40 m ; selon la nature des fonds, on parlera de communautés lithophiles (vivant sur les fonds rocheux), de communautés psammophiles (vivant sur les fonds sableux), etc. ;

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Les communautés benthiques ou d’eau profonde, qui vivent à proximité du fond et font suite en profondeur aux communautés littorales ;

Les communautés bathypélagiques qui vivent en profondeur mais en pleine eau. Les communautés marécageuses. Comme pour les autres grands lacs, le faciès géologique de la zone côtière du lac Tanganyika

n’est pas uniforme. Sur un périmètre de 1 838 Km, la côte comprend : 41% de substrats rocheux, 20% de substrats mixtes roche et sable, 31% de substrats sablonneux, 8% de substrats marécageux.

Il existe donc une variabilité des communautés qui est longitudinale (le long de la côte) et verticale (fonction de la profondeur). Les textes ci-après proviennent principalement de Lévêque & Fermon, 1998.

II-4.5.1. La communauté pélagique (de pleine eau)

Figure II-14. – La communauté pélagique du lac Tanganyika (© www.destin-tanganyika.com, d’après Lévêque & Fermon, 1998). Les flèches représentent les liens trophiques (de nutrition).

La communauté pélagique (Figure II-14 p. 15) est composée principalement de six espèces endémiques : deux Clupeidae (sardines) — Stolothrissa tanganicae et Limnothrissa miodon — occupent la zone pélagique où ils vivent en bancs et consomment le phytoplancton et le zooplancton. Ils servent de nourriture à des prédateurs du genre Lates, proche de la perche du Nil ou « Sangara ». Les jeunes de Lates mariae, L. microlepis et L. angustifrons vivent dans la végétation littorale où ils se nourrissent de crevettes et d'insectes, et gagnent le large à leur maturité. Lates stappersii, le « Mukeke », est complètement pélagique et passe toute sa vie dans les trente mètres supérieurs de la masse d'eau. C’est la communauté la plus importante en ce qui concerne la biomasse des captures pour les pêches et celle qui représente la véritable source de protéines en poissons du lac.

II-4.5.2. Les communautés littorales et sublittorales Les communautés littorales et sublittorales se trouvent le long des côtes et à une profondeur

ne dépassant pas 40 m, où les Cichlidae sont dominants. La majeure partie de la zone littorale est pentue et rocheuse, avec de place en place des plages de sable ou de gravier, et des embouchures

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de rivières qui peuvent jouer un rôle de barrière écologique pour les espèces. Par rapport à la zone pélagique, pauvre en espèces, les communautés de poissons littoraux sont beaucoup plus riches et de structure plus complexe.

La communauté des fonds rocheux (Figure II-15 p. 17) comprend beaucoup d'espèces fortement lithophiles c’est-à-dire fortement inféodées au milieu rocheux (on ne les trouve pas ailleurs) et qui ont des préférences marquées en ce qui concerne la profondeur et le substrat en termes de microhabitat.

On observe dans ces milieux côtiers des foules d'espèces de différentes familles de poissons. Les poissons-chats sont représentés par les Mochokidae (genre Synodontis), les Malapteruridae (ou poisson-chat électrique), les Clariidae (ou poisson-chat à respiration aérienne). Les Bagridae sont bien représentés par les Chrysichthys, les Bagrus et les genres endémiques Phyllonemus et Lophiobagrus représentés par des espèces de petite taille qui se cachent dans les crevasses. La plupart des Mastacembelus ou anguilles épineuses vivent dans les rochers, ainsi que certaines espèces de Cyprinidae (carpe – barbeau) comme Varicorhinus et les jeunes Labeo. Chez les Cichlidae, le groupe des Lamprologini, le taxon du lac Tanganyika qui contient le plus d'espèces, peut constituer plus de 50 % des espèces de la communauté littorale.

La guilde des consommateurs de la couverture biologique (périphyton) sur les rochers, est dominée par deux groupes d’espèces territoriales, Tropheus sp. et Petrochromis sp. et hautement spécialisées dans le « broutage », mais beaucoup d'autres espèces de Cichlidae utilisent la même ressource : Simochromis, Telmatochromis, Ophtalmotilapia, Asprotilapia (Takamura, 1984 ; Hori, 1987 ; Yuma, 1993). Le genre « Lamprologus » (pondeur sur substrat) comprend plusieurs espèces carnivores qui coexistent sur les berges rocheuses (Hori, 1983). Certaines sont des prédateurs benthiques, d'autres des piscivores, la forme du corps variant en fonction de leurs habitudes alimentaires.

Dans les anfractuosités offertes par le milieu rocheux, on trouve un autre vertébré, le Naja aquatique Boulengerina annulata stormsi, qui se nourrit de poissons et dont la morsure est mortelle pour l'homme.

La densité et la diversité des espèces dans ces milieux rocheux sont, en général, importantes. Dans un cadrat de 20 X 20 m sur la berge nord-ouest du lac, Hori et al. (1983) ont compté environ 7000 individus appartenant à 38 espèces, soit environ 18 individus par mètre carré. Le groupe des zooplanctophages (2 espèces) était le plus abondant avec plus de 50% des individus, suivi par la guilde des omnivores (7 espèces) et celle des mangeurs de périphyton (15 espèces), représentant respectivement 21% et 18% du nombre d'individus. Les zoobenthivores et les piscivores, bien que représentant 14 espèces, ne constituaient que 4% du nombre total d'individus.

Dans la zone influencée par le ressac, une autre guilde de Cichlidae ressemblant à des gobies s'est constituée, avec des espèces des genres Eretmodus, Spathodus et Tanganicodus adaptées à la vie dans les zones battues par les vagues (Yamahoka et al., 1986). C'est là que l'on rencontre également le Cyprinidae Varicorhinus et de jeunes perches (Lates).

Les communautés des plages sableuses et vaseuses sont moins bien connues. Sur les fonds sableux (Figure II-16 p. 17), on rencontre des espèces caractéristiques appartenant aux genres Callochromis, Xenotilapia, Trematocara et Cardiopharynx, qui peuvent vivre en bancs de plusieurs centaines d'individus.

Des microhabitats très particuliers sont constitués par des lits de coquilles de Gastéropodes (Neothauma, Pila ...) qui occupent de grandes surfaces entre 10 et 35 m de profondeur, là où la pente est faible, souvent la limite entre les substrats rocheux et sableux. Une guilde de Cichlidae (une dizaine d'espèces), principalement des Lamprologini, utilise ces coquilles comme refuge et lieu de reproduction (Ribbink, 1991).

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Figure II-15. – La communauté rocheuse du lac Tanganyika (© www.destin-tanganyika.com, d’après Lévêque & Fermon, 1998). Ce schéma représente aussi la répartition selon la profondeur.

Figure II-16. - La communauté sableuse du lac Tanganyika (© www.destin-tanga.com, d’après Lévêque & Fermon, 1998). Ce schéma représente aussi la répartition selon la profondeur.

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II-4.5.3. Les communautés benthiques ou d'eau profonde Les communautés de poissons benthiques d'eau profonde sont dominées elles aussi par les

Cichlidae. Au-delà de 20 m de profondeur, les surfaces rocheuses sont rares et le fond est généralement sableux ou vaseux. En dessous de 100 m, le fond est essentiellement vaseux. La teneur des eaux en oxygène est le principal facteur qui limite la distribution de la faune en profondeur : l'eau peut être oxygénée jusqu'à 200 m de profondeur dans le bassin sud, alors que dans le bassin nord la teneur en oxygène diminue rapidement en dessous de 70 m. Sur le plan écologique, ce milieu profond est l'habitat le plus stable du lac car il est peu influencé par la turbulence des eaux ou les variations du niveau, à l'inverse des systèmes littoraux.

Les communautés benthiques profondes sur les pentes rocheuses (Figure II-15 p. 17), par ailleurs peu nombreuses, sont une extension des communautés des zones littorales. On y trouve en particulier de nombreuses espèces appartenant au groupe des Lamprologini dont le genre « Lamprologus », et Cyphotilapia frontosa qui est une des espèces les plus grandes (250-300 mm). Les Cichlidae de petite taille sont nombreux. Ce sont pour une grande part des pondeurs sur substrat spécialisés dans la prédation de petits invertébrés.

Les zones de talus à fond vaseux couvrent des surfaces importantes. Les Cichlidae sont dominants en nombre d'espèces, mais la biomasse des poissons non-Cichlidae est plus élevée. Certaines espèces passent toute leur vie en eau profonde, alors que d'autres effectuent des migrations périodiques vers le littoral (Coulter, 1991) (Figure II-16 p. 17). La faune des Cichlidae comprend plusieurs espèces de Bathybates, piscivores de taille moyenne (20 à 30 cm), de nombreuses espèces de Trematocara, qui sont des poissons de petite taille (10 cm), se nourrissant de plancton et d'invertébrés, et qui effectuent des migrations nocturnes vers le littoral ; un ensemble de quatorze espèces du genre Xenotilapia, de petite taille, mangeurs d'invertébrés; des Perissodus mangeurs d'écailles ; le grand prédateur Boulengerochromis microlepis qui atteint 700 mm de long ; un ensemble d'espèces appartenant aux genres Limnochromis, Triglachromis, Haplotaxodon, etc. Parmi les espèces benthiques non-Cichlidae, on signalera les six espèces de Chrysichthys endémiques du lac, abondant entre 40 et 80 m dans le sud du lac, quelques espèces de Synodontis.

Quelques espèces ont été capturées dans les eaux profondes pauvrement oxygénées, à 120 m de profondeur : les Cichlidae Hemibates stenosoma, Bathybates ferox, Bathybates fasciatus, Xenochromis hecqui, Gnathochromis permaxillaris, deux Chrysichthys, le Clariidae Dinotopterus cuninngtoni qui effectue des migrations en surface la nuit pour consommer des Clupeidae, et Lates mariae (Coulter, 1966, 1991). Ces espèces pourraient s'être adaptées aux faibles concentrations en oxygène (entre 1 et 3 g/m3), et trois d'entre elles (Hemibates stenosoma, Chrysichthys stappersii et Lates mariae) qui ont été capturées en dessous de 200 m peuvent vraisemblablement survivre temporairement dans des eaux anoxiques (Coulter, 1991b).

II-4.5.4. La communauté bathypélagique ou d’eau de pleine eau profonde On a reconnu l'existence d'un groupe d'espèces bathypélagiques vivant au-dessus du fond

(Coulter, 1991b) et qui appartiennent toutes à la famille des Cichlidae : espèces des genres Trematocara, Greenwoodochromis, Haplotaxodon, Cyprichromis, Gnathochromis, Tangachromis. Elles sont de petite taille (moins de 200 mm) et zooplanctonivores. Elles présentent des spécialisations comme l'existence de gros yeux et des faibles épines, et toutes sont des incubateurs buccaux. Bathybates fasciatus et B. leo consomment surtout des Clupeidae et sont également présents dans la communauté bathypélagique.

II-4.5.5. La communauté marécageuse C'est dans les communautés ichtyologiques des tributaires du lac et des marécages qui leur

sont associés, que l'on rencontre 103 des 145 espèces de non-Cichlidae présentes dans le bassin du lac Tanganyika (De Vos & Snoeks, 1994). La plupart sont connues dans la rivière Malagarasi. La majorité des espèces est représentée par les Cyprinidae (Barbus, Raiamas), les Mormyridae (poisson-éléphants) (neuf espèces), les Alestiidae (Tétras) et les Mochokidae (poissons-chats).

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Certaines des espèces ont une répartition géographique extrêmement limitée, qui peut être, parfois, de l’ordre de quelques Km de côte. Par exemple, pour les poissons des zones rocheuses, chez le Tropheus, on ne connaît différentes espèces (ou morphes) que dans certaines zones, parfois même une seule localité géographique, comme c’est le cas de Tropheus sp. « black Pemba » ou Tropheus sp. « Kiriza » (Figure II-17, Figure II-18, Figure II-19, Figure II-20, p. 19). C’est également la même chose pour les espèces des zones sableuses, comme c’est le cas de Xenotilapia burtoni, connue seulement de la baie de Burton en RDC (Figure II-21, Figure II-22, Figure II-23 p. 20). Souvent, ce sont des poissons qui ne traversent pas une zone d’un autre type de substrat. Donc un autre type de milieu peut être une barrière géographique infranchissable. La répartition d’autres espèces est aussi liée à l’histoire du lac comme le montre le cas des deux espèces du genre Lestradea.

En d’autres mots, le lac n’est pas uniforme dans sa composition faunistique et ce qui est observé actuellement est la résultante de plusieurs facteurs historiques, géologiques et biologiques qui sont toujours en évolution continuelle.

Les zones les plus productives, en terme biologique, sont donc les zones côtières et littorales.

On a donc affaire à une très forte diversité d’habitats et de zones parfois très délimitées dans l’espace et qui ont entre elles des interrelations fréquentes dans le temps. Ceci implique que, quelle que soit la zone où une pression est exercée, cette pression se fait sentir sur l’ensemble des différents milieux du lac.

Figure II-17. – Répartition connue de Tropheus sp ; « Kiriza » (© www.destin-tanganyika.com).

Figure II-18. – Répartition connue de Tropheus annectens (© www.destin-tanganyika.com).

Figure II-19. – Répartition connue de Tropheus sp ; « Bulu » (© www.destin-tanganyika.com).

Figure II-20. – Répartition connue de Tropheus sp. « Ikola » (© www.destin-tanganyika.com).

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Figure II-21. – Répartition connue de Callochromis pleurospilus (© www.destin-tanganyika.com ; Verne, 2000).

Figure II-22. – Répartition connue de Lestradea perspicax (à droite) et de L. stappersi (à gauche) (© www.destin-tanganyika.com ; Verne, 2000, photo H.-J. Hermann).

Figure II-23. – Répartition connue de Xenotilapia burtoni (à droite), X. longispinis (au centre) et X. ochrogenys (à gauche) (© www.destin-tanganyika.com ; Verne, 2000).

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II-5. La démographie Depuis les années 60, l’augmentation de la population dans la région des Grands Lacs est

particulièrement importante, comme le montre la Figure II-24 p. 21. En prenant l’exemple du bassin du lac Victoria (Figure II-25 p. 21), c’est d’autant plus marquant. Les raisons de cette démographie sont nombreuses outre la fertilité. Il existe, en effet, différentes autres causes possibles comme un exode accru en liaison avec des attraits économiques que peuvent représenter les grandes villes. Il est possible également que les difficultés de récolte en raison de changements climatiques, l’accès foncier etc… soient de plus en plus difficiles et apportent cet exode.

Figure II-24. – Densité de population en 1960 (à droite) et en 2000 (à gauche) (© donnée Internet).

Figure II-25. – Évolution de la densité de population de 1960 à 2000 sur le pourtour du lac Victoria (© donnée Internet).

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Tableau II-7. – Caractéristiques socio-économiques des pays riverains du lac Tanganyika (Odada et al., 2004 – Lake Tanganyika).

Variable Burundi RD Congo Tanzanie Zambie Population (2000) 6,1 M 51,9 M 30,5 M 9,6 M Superficie (km2) 27 800 2 345 000 940 000 753 000

Croissance 2,0 3,2 2,4 2,2 Densité (hab/km2) 250 21 36 13 PNG (US$) 120 120 240 320 % d’enfants scolarisables 51 78 67 89 Espérance de vie (années) 42 51 47 43 %de population sans accès à Eau potable 48 32 34 62 Santé 20 N/A 7 25 Sanitaire 49 N/A 14 29

Le Tableau II-7 p. 22 montre certaines caractéristiques des pays limitrophes du lac Tanganyika. Ces données datent de 2004 et il est certain que, pour la RDC les chiffres peuvent être remis en cause. Il est impressionnant de voir la densité de population au Burundi, ce qui implique, pour ce pays, une pression sur les ressources naturelles forte. Le Tableau II-8 p. 23 reprend certaines de ces données et les implémentent avec d’autres. Il est clair que pour la majorité des pays, outre les effets indéniables des conflits, il existe une augmentation substantielle des populations. Les taux de populations urbaines sont également très importants et montrent bien, dans la plupart des pays, l’augmentation des populations des villes, avec les conséquences que cela peut avoir.

Une estimation de l’utilisation de l’eau par l’homme dans la région des Grands lacs fait

apparaître une croissance importante pour une utilisation agricole dans les 25 ans à venir. Il est clair que l’augmentation de la population génère une demande de plus en plus forte d’eau disponible. Ceci risque de poser des problèmes majeurs pour les populations d’ordre autant de survie que politique puisque les territoires où sont les Grands Lacs, sont localisés dans différents pays. D’autant plus que ces régions sont l’objet d’une vaste déforestation qui entraîne, en partie, une baisse des précipitations.

Figure II-26. – Estimation de l’utilisation de l’eau dans la région des Grands Lacs (© données Internet).

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Tableau II-8. – Caractéristiques de certains pays des Grands Lacs (d’après Abutin & Choumaker, 2004).

Pays Burundi Kenya Ouganda RDC Rwanda Tanzanie Zambie Histoire Pays colonisateur Belgique GB GB Belgique Belgique GB GB Indépendance en 1962 1963 1962 1960 1962 1961 1964 Superficie (milliers de km2) (a) 28 581 241 2348 26 946 753 Densité (hab/km2) (2000) Brute (b) 225 53 100 21 293 37 14 Terres arables (c) 497 676 337 616 672 704 197 Effectifs de la population (milliers d'hab) (b) 1950 2456 6265 5210 12184 2162 7886 2440 1970 3514 11370 9428 20603 3776 13756 4228 1990 5609 23585 17359 37370 6775 26068 8200 2000 6267 30549 23487 48571 7724 34837 10419 2005 7319 32849 27623 56079 8607 38365 11043 2010 8631 34964 32996 64714 9559 41931 11768 2020 11072 38507 46634 84418 11557 49784 13558 2040 16546 42987 83344 129973 15310 63445 16899 Taux de natalité (‰) 1950-54 48,4 51,5 50,6 47,3 51,8 51,1 50,1 1960-64 45,3 51,7 49,5 48,3 52,8 51,1 49,4 1970-74 44,0 52,0 50,5 48,2 52,6 49,3 51,5 1980-1984 47,2 50,1 50,5 48,7 51,1 46,4 45,2 1990-1994 45,8 38,2 50,4 48,7 43,9 44,4 45,6 2000-2004 44,2 32,5 50,7 50,2 44,0 39,3 42,2 Taux de mortalité (‰) 1950-54 25,1 24,8 24,5 25,4 24,0 26,6 26,1 1960-64 22,0 20,4 20,6 22,2 21,6 22,4 21,4 1970-74 20,2 16,3 19,0 19,2 20,3 18,5 16,5 1980-1984 18,6 12,6 18,1 18,2 18,8 14,4 14,3 1990-1994 23,0 10,1 20,8 20,3 41,4 14,9 18,8 2000-2004 20,6 16,7 16,7 21,4 21,8 18,1 28,0 Taux d'accroissement naturel mensuel moyen (%) (d) 1950-54 2,3 2,7 2,6 2,2 2,8 2,5 2,4 1960-64 2,3 3,1 2,9 2,6 3,1 2,9 2,8 1970-74 2,4 3,6 3,2 2,9 3,2 3,1 3,5 1980-1984 2,9 3,8 3,2 3,1 3,2 3,2 3,1 1990-1994 2,3 2,8 3 2,8 0,3 3 2,7 2000-2004 2,4 1,6 3,4 2,9 2,2 2,1 1,4 Indices synthétiques de fécondité (e) 1950-54 6,8 7,5 6,9 6,0 7,8 6,7 6,6 1960-64 6,8 8,1 6,9 6,2 8,1 6,8 6,6 1970-74 6,8 8,1 7,1 6,5 8,3 6,8 7,8 1980-1984 6,8 7,5 7,1 6,7 8,1 6,7 6,8 1990-1994 6,8 5,4 7,1 6,7 6,7 6,1 6,3 2000-2004 6,8 4,0 7,1 6,7 5,7 5,1 5,6 Taux nets de reproduction (f) 1950-54 1,9 2,3 2,1 1,8 2,3 1,9 1,9 1960-64 2,2 2,8 2,3 2,0 2,6 2,1 2,1 1970-74 2,4 3,0 2,4 2,2 2,7 2,3 2,8 1980-1984 2,4 3,0 2,5 2,3 2,7 2,5 2,5 1990-1994 2,2 2,2 2,3 2,2 1,1 2,3 2,1 2000-2004 1,9 1,4 2,6 2,2 1,7 1,8 1,6

(a) Les superficies sont tirées de G. Pison (2003), « Tous les pays du monde », Population et sociétés, n° 392. (b) Les densités brutes ainsi que les effectifs de population (1950 à 2040) proviennent du World Population Prospects. The 2002 Revision, Population database on-line (www.unpopulation.org). Hypothèse moyenne des Nations unies pour les projections. (c) Les densités par km2 de terres arables ont été calculées à partir des superficies des terres arables et des cultures permanentes, issues de FAOSTAT 2000 (www.fao.org). (d) Les taux d’accroissement naturel ont été calculés à partir des taux de natalité et de mortalité issus de Nations unies (2003b, référence ci-dessous). Source : Nations unies (2003b), World Population Prospects. The 2002 Revision, Population database on-line (www.unpopulation.org). (e) Somme des taux de fécondité par âge observés à un moment donné. L’ISF peut être interprété comme le nombre moyen d’enfants que mettrait au monde une femme si elle connaissait, durant toute sa vie féconde, les conditions de fécondité du moment. Il ne tient pas compte de la mortalité. (f) Nombre moyen de filles que mettrait au monde une femme dans les conditions de fécondité du moment, en tenant compte de la mortalité jusqu’à la fin de la vie féconde. Source : Nations unies (2003b), World Population Prospects. The 2002 Revision, Population database on-line (www.unpopulation.org).

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Tableau 7 (suite). – Caractéristiques de certains pays des Grands Lacs (d’après Abutin & Choumaker, 2004).

Pays Burundi Kenya Ouganda RDC Rwanda Tanzanie Zambie Espérance de vie (années) (g) 1950-54 39,0 40,9 40,0 39,1 40,0 37,0 37,8 1960-64 42,0 45,9 44,0 42,1 43,0 41,7 42,8 1970-74 43,9 50,9 46,3 45,8 44,6 46,5 49,7 1980-1984 46,6 55,7 47,2 47,1 46,1 51,0 52,0 1990-1994 39,8 57,4 41,5 43,5 24,0 49,4 44,2 2000-2004 40,9 44,6 46,2 41,8 39,3 43,3 32,4 Taux de mortalité infantile (‰) (g) 1950-54 167 155 161 167 161 160 150 1960-64 149 127 138 149 143 143 130 1970-74 137 103 125 127 134 125 109 1980-1984 120 82 120 118 125 100 98 1990-1994 132 65 107 120 135 99 107 2000-2004 107 69 86 120 112 100 105 Taux de mortalité maternelle en 2000 (h) 1000 1000 880 990 1400 1500 750 Prévalence du VIH début 2002 (i) 8,3 15,0 5,0 4,9 8,9 7,8 21,5 % de la population de moins de 15 ans 1950 40,8 39,8 44,3 43,7 46,4 46,0 44,9 2000 48,0 43,3 49,9 46,8 45,4 45,8 46,2 2020 45,9 34,6 48,4 45,8 41,1 37,9 43,4 % de la population de plus de 60 ans 1950 5,2 6,3 4,8 5,6 3,8 3,8 4,3 2000 4,4 4,2 3,9 4,3 4,0 3,8 4,6 2020 4,2 5,8 3,3 3,9 4,6 4,4 4,3 Âge médian (en années) 1950 19,5 20 17,7 18,1 16,7 16,9 17,5 2000 15,8 17,7 15,1 16,5 17,0 16,8 16,7 2020 16,9 22,0 15,7 16,9 18,8 20,4 17,7 Rapports de dépendance en 2000 (%) (j) 110,1 90,5 116,5 104,5 97,6 98,4 103,3 Rapport de masculinité en 2000 (%) (k) 94,5 98,0 98,5 97,8 89,8 97,7 98,3 Stocks de migrants en 2000 (l) Nombre (milliers) 77 327 529 739 89 893 377 % population totale 1,2 1,1 2,3 1,5 1,2 2,5 3,6 Taux de migration nette en 2000 (m) -12.9 -0,1 -0,6 -7,1 62,8 -1,4 1,4 Nombre de réfugiés en 2002 (n) 40.5 233,7 317,3 333,0 30,9 689,4 246,8 Population sous statut HCR en 2002 (o) 202,6 236,1 218,1 355,9 71,1 689,6 247,7 % de population urbaine (p) 9 34 15 31 6 33 40 RNB/hab en 2002 (US$ PPA) (q) 990 1020 1250 _ 1000 540 790 % d’analphabète 52 18 33 39 33 25 22 Taux de scolarisation primaire 54 69 - 52 72 47 66 Indicateur de développement humain (r) 1980 0,312 0,487 - 0,426 0,394 - 0,47 2001 0,337 0,489 0,489 0,363 0,422 0,4 0,386 Rang mondial 2001 171 146 147 167 158 160 163 Indicateur de pauvreté humaine en 2000 (s) 46 38 37 43 45 36 50 Indicateur sexospécifique du développement humain 2001 (t) 0,331 0,488 0,483 0,353 0,416 0,396 0,376

(g) Source : Nations unies (2003b), World Population Prospects. The 2002 Revision, Population database on-line (www.unpopulation.org). (h) Défini comme le nombre de décès maternels pour 100000 naissances vivantes. (i) Hommes et femmes âgés de 15-49 ans. Le taux de prévalence du VIH mesure la proportion de personnes infectées par le VIH, qu’elles soient ou non malades du sida. Sources : Nations unies (2003b), voir le site web http//unstats. un. org/unsd/mi/mi_goals. asp; Onusida (2003), site web pour le sida (www.unaids.org). (j) Définis comme le rapport de la population de moins de 15 ans et de plus de 60 ans à la population des 15-59 ans. (k) Définis comme le rapport des effectifs masculins aux effectifs féminins. Source : d’après les données des Nations unies (2003b). (l) Défini comme le nombre de personnes nées à l’étranger. (m) Défini comme le nombre annuel d’immigrants moins le nombre annuel d’émigrants divisé par la population totale moyenne du pays en 2000. (n) Personnes ayant un statut de réfugié selon les diverses conventions internationales en vigueur. (o) Total des réfugiés étrangers, des demandeurs d’asile, des réfugiés de retour, des individus déplacés à l’intérieur du pays, sous protection ou assistance du HCR. Sources : Nations unies (2002b) pour le stock de migrants et les taux de migration; HCR (2004) pour les réfugiés et la population sous statut HCR. (p) Calculs des Nations unies basés sur les définitions nationales. (q) Revenu brut par habitant calculé par la Banque mondiale en termes de parités de pouvoir d’achat (PPA). (r) Indicateur synthétique de mesure du développement (IDH), intégrant l’espérance de vie, les taux d’alphabétisation adulte et de scolarisation et le PIB par habitant. Plus il est proche de l’unité, meilleure est la situation : il va dans le monde en 2001 de 0,944 (Norvège) à 0,275 (Sierra Leone). (s) Indicateur de synthèse de mesure (ISDH) des carences ou insuffisances en matière de santé (mortalité de 0 à 40 ans), d’éducation (analphabétisme des adultes) et de niveau de vie (disponibilité d’eau et malnutrition à moins de 5 ans). Plus il est proche de 0, meilleure est la situation : en 2001, il va dans le monde de 2,5 (Barbade) à 62 (Niger). (t) Indicateur basé sur les mêmes critères et type de mesure que l’IDH, mais intégrant les inégalités entre hommes et femmes. En 2001, il varie dans le monde de 0,941 (Norvège) à 0,279 (Niger).

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II-6. Récapitulatif En reprenant les principales caractéristiques de la région :

✓ La stabilité politique si elle semble s’améliorer, n’est pas encore établie.

✓ La zone des Grands Lacs est le réservoir des eaux douces pour une grande partie des pays africains ; c’est donc une zone extrêmement sensible qui joue un rôle majeur pour la situation de 300 millions d’habitants. Le lac Tanganyika est la réserve d’eau pour le fleuve Congo et fait vivre plus de 10 millions d’habitants.

✓ Les Grands Lacs sont riches d’une faune et flore très diversifiées, uniques au monde, qui font donc partie du patrimoine mondial et celle du lac Tanganyika est une des plus ancienne.

✓ L’augmentation croissante de la population humaine peut provoquer une pression sur les ressources naturelles d’une façon telle, qu’elle peut être irrémédiable.

Donc, cette région a un intérêt mondial majeur et unique au niveau, politique, économique, humain et environnemental. Toutes perturbations ou actions non raisonnées dans cette région peuvent entraîner une succession de conséquences qui peuvent être particulièrement graves.

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Partie III — L’état des lieux

Depuis 1998, Action Contre la Faim a des actions en sécurité alimentaire dans la province du Sud Kivu. Parmi ses activités, certaines ont eu pour but la production de protéines animales « poissons » avec la mise en place d’étangs piscicoles et la distribution d’intrants de pêche sur les plages du littoral du lac Tanganyika. Cependant, depuis 2006, il est clairement apparu que les captures relevées étaient insuffisantes. C’est dans ce cadre qu’a pris place cet état des lieux. Il est clair, cependant, qu’en un lapse de temps aussi court de quelques semaines, il était peu possible de pouvoir avoir l’ensemble des informations nécessaires tant au niveau biologique que socio-économique avec une équipe restreinte et les problèmes logistiques inhérents à ce type de travail. Cette étude reste donc l’acquisition d’informations de base et demanderait à être étendue avec les moyens adéquat et sur, au moins, un cycle annuel complet par des instituts de recherches dédiées à ce type de travail.

III-1. La province du Sud Kivu La région du Sud Kivu a été le théâtre de nombreux affrontements violents et était un lieu de

passage des troupes armées. Les deux guerres qu’a connues la RDC et qui ont fait 4 millions de victimes, ont provoqué le déplacement de milliers de personnes qui se sont réfugiées dans des pays voisins comme le Burundi et la Tanzanie. Ce n’est qu’avec le processus de désarmement en 2005 et les élections présidentielles en 2006 que la population a commencé à rentrer timidement.

Cette situation de retour des rapatriés, déplacés et réfugiés n’est pas restée sans impact sur la sécurité alimentaire des populations mais aussi sur les infrastructures disponibles. Parmi les difficultés causées par ce retour, nous avons : • Le fait que le milieu n’était pas préparé à accueillir les rapatriés (problème lié à la santé, à

l’hygiène), • L’insuffisance des ressources qui étaient déjà limitées et qui n’arrivaient pas à couvrir les

besoins de la population non déplacée, • L’accès limité aux intrants agricoles, à la nourriture et au revenu.

En un mot un décalage entre la vie de réfugié et celle au pays. III-1.1. Les groupes ethniques dans le Sud Kivu Alors que le Congo compte environ 200 ethnies, les zones dans lesquelles ACF intervient se

trouvent les bashi dans la plaine qui constituaient une main d’œuvre dans la sucrerie de Kiliba et de Walungu, les bafuliru et les bafira qui sont les tribus de la cité d’Uvira et de la plaine de la Ruzizi avec les barundi, les banyamulenge, les babembe qui sont localisés dans le territoire de Fizi, les babuari, les barega également qui étaient la main d’œuvre de la sucrerie, les bazoba, les banyindu, les bahemba et enfin les babuyu qui sont des tribus se trouvant sur la limite entre le Sud Kivu et le Maniema (Figure III-1 p. 27).

III-1.2. La sécurité alimentaire en général dans le Sud Kivu Avant les conflits, la région du Sud Kivu présentait une diversité consistant à la production

d’une gamme de produits variés agriculturaux et pastoraux. Le tout était redistribué dans la région grâce à des techniques de production traditionnelle et un réseau commercial solide. Cependant, les conflits ont largement affecté la sécurité alimentaire par la fragmentation du tissu social et la perte des intrants (terres, graines, matériels).

Malgré un accroissement significatif de la sécurité depuis 2005, la production n’a pas repris le niveau espéré pour différentes raisons :

Pillage des cultures et du bétail ; Destruction des champs ; Augmentation des maladies des plantes et des animaux ; Des changements climatiques avec une sécheresse persistante ;

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Une agriculture dépendante avec des aides non coordonnées proprement a priori de la part des organismes locaux, nationaux et internationaux ;

Des techniques de production non adaptées au contexte environnemental actuel ; Isolement de certains villages tant au niveau transport qu’administratif ; Peu ou pas d’unités de transformation des produits ; Actions des militaires, policiers…

Figure III-1. – Actuelle répartition des ethnies dans le Sud- Kivu (d’après Musato, 2007).

III-1.3. L’intervention d’Action Contre la Faim Les zones d’interventions d’ACF se situent dans les territoires de Fizi et d’Uvira (Figure III-2

p. 28) où se trouvent 3 bases opérationnelles. Les interventions comprennent des activités en nutrition : centres nutritionnels thérapeutiques

(CNT) et traitement à domicile, centres nutritionnels supplémentaires (CNS), éducation à la santé et à la nutrition, et surveillance nutritionnelle en collaboration avec les zones de santé.

Pour ce qui est de la sécurité alimentaire, ACF a un programme de relance agricole dont le but principal est d’avoir un impact durable sur l’agriculture pratiquée par les bénéficiaires pour les rendre autonomes. Ce programme comporte plusieurs volets : des distributions de semences et outils, des formations techniques et des micro-projets. Est associé à ce programme, un projet pêche sur le lac Tanganyika avec distributions de matériels.

ACF intervient également en eau et assainissement dans le territoire de Fizi, avec des activités en eau (accès a l’eau potable), assainissement (latrines) et promotion à l’hygiène

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Figure III-2. – Activités d’Action Contre la Faim dans le Sud Kivu (d’après Gallagher, 2007).

III-1.4. Le programme « Pêche » d’ACF Le principe du projet a été de permettre aux pêcheurs ayant perdu leur matériel durant le

conflit de reprendre une activité de pêche, tout en accompagnant les pêcheurs avec une sensibilisation aux problèmes environnementaux du lac.

Pour le projet actuel, 22 plages réparties sur les territoires de Fizi et d’Uvira ont été ciblées pour une intervention d’ACF. Ce sont ces sites qui ont été privilégiés pour l’échantillonnage de l’étude. Cependant, certains sites connus pour leur biodiversité et non ciblés par ACF ont fait l’objet de plusieurs visites, en particulier la zone de Pemba/Bemba.

III-2. L’étude biologique Cette étude n’a pu véritablement débuter qu’en fin décembre 2006 pour des raisons

principalement logistiques. La base principale utilisée a été Uvira en raison, entre autres de la proximité du Centre de Recherche Hydrobiologique, scientifiquement renommé pour ses travaux sur le lac Tanganyika.

III-2.1. Localisation géographique Plus d’une vingtaine de sites ont été visités, la plupart faisant partie des communautés où

ACF intervient (Figure III-3 p. 29 et Tableau III-1 p. 29). Cependant, les résultats ne sont pas uniformes pour l’ensemble des stations en raison de différents problèmes survenus. Ne sont traités ici que les résultats principaux, permettant d’apporter des éléments de réponses aux questions proposées. Au total, 21 stations ont été visitées dont 17 où ACF intervient dans son programme « pêche » sur les 22.

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Figure III-3. – Localisation géographique des stations. En jaune, sites ACF ; en bleu, sites non ACF visités ; en rouge, base ACF.

Tableau III-1. – Liste des sites ACF et des stations non ACF visitées (en italique).

Territoire Plage Territoire Plages Uvira 1 Kabimba Fizi 14 Ilila 2 Kashombe 15 Munguli Fizi 3 Makobola II-Kamba 16 Kabondozi 4 Kashekezi 17 Katungulu 5 Pemba/Bemba 18 Lusenda 6 Munene 19 Buko 7 Ilakala (Itabilo) 20 Tala (Mushimbakye) 8 Swima II 21 Sebele-Kindia 9 Swima I 22 Kisokwe 10 Ake – Lusambo 23 Karunga 11 Mukwezi II-Musenya 24 Mukindu 12 Mukwezi I 25 Lubomu/Lubomo 13 Eboko –kabumbe II 26 Kihimino

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III-2.2. Matériel & méthodes III-2.2.1. Échantillonnage

Les engins de pêches traditionnels ne permettent de se rendre compte que des espèces capturables en vue de consommation. De ce fait, l’ensemble des petites espèces présentes dans les milieux et jouant un rôle majeur dans la chaîne trophique n'est pas forcément représenté dans les captures des pêcheurs, sauf en cas de surexploitation. La connaissance de ces espèces et leur présence/absence s’avèrent souvent primordiales pour avoir une idée de la chaîne trophique et des impacts d’activités. La présence/absence de certaines espèces est indicatrice d’un déséquilibre écologique (par exemple, les Mormyres ou poissons-éléphants). Dans la présente mission, l’aspect qualitatif a été privilégié en raison du temps court. Cependant, une standardisation des captures peut aussi donner des indications quantitatives.

Afin d’uniformiser la prise d’informations et, ainsi, de pouvoir comparer les différentes zones investiguées, des échantillonnages avec prélèvements de spécimens ont été menés à bien, à l’aide de plusieurs engins de pêche, la nuit et le jour, à savoir :

✓ Senne de plage de 10 m, maille 10 mm. Au total, plus d’une centaine de sennes ont été réalisées, avec, au minimum, deux sennes de jour et deux sennes de nuit par station. Cependant, cela a été parfois empêché soit par les conditions climatiques ou les vagues trop importantes. ✓ Filets maillants de 1,5 cm à 4,0 cm de maille, longueur 10 m. ✓ Trappes.

Le suivi de cycles nycthéméraux est particulièrement important en raison des rythmes d’activités différents des espèces du lac. En ne travaillant qu’une partie de la journée, il est effectif que l’échantillonnage devient tronqué par une perte importante d’informations. Ceci d’autant plus qu’il est connu que les périodes d’activités les plus marquées pour les poissons sont le début et la fin du jour. Il fallait donc adapter l’échantillonnage à ce problème en restant sur les plages la nuit. De même, les activités des pêcheurs, selon leurs cibles de captures, suivent celles des poissons et sont donc réparties sur 24 heures. Il est certain qu’en raison des règles de sécurité, des problèmes de logistique… Cela a posé certains problèmes spécifiques, mais qui ont pu, la plupart du temps, être résolus assez facilement.

De plus, suite à une convention entre le CRH et ACF, des échantillonnages en profondeur par SCUBA à l’aide des plongeurs du CRH ont pu être effectués. D’autres, simplement par apnée, ont permis de recenser également certaines espèces faiblement représentées et difficilement capturées.

III-2.2.2. Les données récoltées Différents paramètres ont pu être récoltés. Cependant, dans le cadre de cette étude les plus

pertinents pour répondre partiellement aux questions posées ont été : ✓ Le nombre de spécimens capturés dans les pêches standardisées. Ceci, principalement pour

les sennes de plage. La destruction des filets par certains grands spécimens n’a pu permettre de poursuivre l’échantillonnage par ce type d’engin et les premiers résultats sans aucune capture ne permettaient pas de vraiment uniformiser ce type d’échantillonnage. Les trappes ont été peu concluantes et ne sont arrivées, malheureusement, que très tard.

✓ La richesse spécifique c’est-à-dire le nombre d’espèces capturées. ✓ Les espèces présentes. En raison de la grande diversité biologique, la détermination n’a

parfois pas pu se faire au-delà du nom de genre. Et même quand l’espèce a pu être déterminée, les données concernant un genre ont été réunies ensemble, en raison de la similarité des modes de vie des espèces appartenant au même genre. La présence d’espèces non connues scientifiquement est probable dans les échantillons.

Les spécimens récoltés, après sacrifice par le froid, ont, la plupart du temps, et selon leur intérêt, été mis dans du formol 8% pour la fixation, pour être finalement préservés dans de l’éthanol 85%. Des échantillons ont été mis directement en alcool pour des études génétiques ultérieures. La plupart des spécimens iront rejoindre la collection du CRH, certains les musées

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internationaux comme le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et le Musée Royal de l’Afrique Centrale en Belgique grâce à l’aimable permission des autorités congolaises.

✓ Dans la mesure du possible, une iconographie importante a été prise en raison des variations de patron de coloration selon la localité géographique. Des photos ont été prises sur le vivant ou sur les spécimens conservés dans le froid.

Outre ces données biotiques, des mesures de la qualité de l’eau ont été effectuées, mais elles n’ont pas révélé de variations significatives selon les stations et sont de l’ordre de celles déjà connues (§II-4.2 p. 13). Ces paramètres basiques ont été :

✓ La température de surface (°C) ; ✓ Le pH ; ✓ La conductivité ; ✓ L’oxygène dissous. Un transect de l’extrémité de la presqu’île d’Ubwari à Kilomone, à la limite de la frontière du

Burundi, a pu être effectué grâce à un échosondeur couplé avec un GPS. Un film a également été tourné afin de visualiser l’état du littoral, en particuliers, des zones de roseaux. Malheureusement, le temps a manqué pour une analyse fine des informations récoltées. Cependant, des données sur le substrat et sa nature ont pu être récoltées de visu lors de la visite des sites. Tous les sites visités ont été localisés au GPS.

III-2.3. Résultats III-2.3.1. Le transect

Un transect bathymétrique a pu être effectué de l’extrémité de la presqu’île d’Ubwari jusqu’à proximité de la frontière Burundaise (Figure III-5 p. 32 et Figure III-6 p. 33). Nous n’avons pas pu l’atteindre pour des raisons de sécurité. En visionnant le film pris en même temps, on se rend compte, dans un premier temps, que le type de substrat est lié à la profondeur. En effet, la distance à la côte était entre 50 et 500 m car, dans le Sud de la baie de Burton, la profondeur n’excédait pas 1,20 m à 500 m. Globalement, les zones « bleues » correspondent à des zones de type rocheux, ce qui est plus précis que ce qui était connu auparavant (Figure III-4 p. 31).

Figure III-4. – Carte bathymétrique du Nord du lac (d’après Genevelle suivant Cappart, 1949), à gauche ; Répartition des substrats (selon Poll, 1956), à droite, en bleu : zones rocheuses, en jaune (sable) et vert (vase), substrat meuble.

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Figure III-5. – Visualisation du transect bathymétrique, partie Nord (© S. Piry & Y. Fermon, 2007, photo http://glcfapp.umiacs.umd.edu).

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Figure III-6. – Visualisation du transect bathymétrique, partie Sud (© S. Piry & Y. Fermon, 2007, photo http://glcfapp.umiacs.umd.edu).

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Ce travail a permis de se rendre compte de l’état global de la zone littorale. En visionnant le film, on se rend compte que, quasiment à partir de la zone de Baraka jusqu’à la frontière, on observe une croissance des zones où les roseaux sont absents. Les discussions avec les pêcheurs et les présidents des plages permettent de se rendre compte qu’il y a à peine une dizaine d’années, ces côtes étaient couvertes de roseaux, permettant donc une bonne production primaire de poissons. Outre l’utilisation des roseaux pour les habitations, la disparition est liée à une destruction de ces zones pour des raisons militaires, ces endroits pouvant permettre de se cacher aisément. L’augmentation de la population est également flagrante du sud vers le nord avec certaines zones intermédiaires plus fournies en maisons. À partir de Kalundu, les roseaux sont quasiment absents jusqu’à la limite du transect. La zone entre Munene et Kabimba est plutôt rocheuse et très profonde à proximité de la côte. Toutes les montagnes de cette zone sont particulièrement dénudées avec une densité des arbres qui se réduit du Sud vers le Nord. Par contre, tout le sud de la baie de Burton est couvert de marécages bordés de roseau, mais avec une très faible profondeur. La presqu’île d’Ubwari présente une densité de population moindre avec des côtes peu touchées et principalement rocheuses, entrecoupées de gravières où les roseaux sont encore très présents.

III-2.3.2. Les espèces rencontrées La richesse spécifique totale se monte à plus de 101 espèces dont 89 ont pu être déterminées

(3 non décrites scientifiquement mais connues), avec 69 Cichlidae (Tableau III-3 p. 35). On connaît (décrits ou non) plus de 220 Cichlidae dans le lac, dont plus de 118 sont connus de la zone Nord Congolaise du lac. Nous n’avons donc rencontré qu’environ 60% des espèces de Cichlidae connues (Tableau III-5 p. 36). Il est vrai que certaines ne sont connues que de zones très localisées et/ou en profondeur. En ce qui concerne les non-Cichlidae connus du lac lui-même, le nombre d’espèces rencontrées est similaire à ce qui était connu auparavant. Nous insisterons donc plus sur les Cichlidae.

On connaît 21 familles de poissons représentées dans le bassin du lac Tanganyika dont la majorité est peu présente dans le lac lui-même et certaines ne comprennent qu’un faible nombre d’espèces dans la zone. Nous avons capturé des représentants de 12 familles, ce qui correspond globalement au nombre connu (Tableau III-2 p. 35).

Si on regarde par type de milieu, les zones les plus pauvres sont les zones sableuses (Tableau III-2 p. 34). Par exemple, le genre Xenotilapia, typique des zones sableuses, comprend au total 13 espèces dans le Nord du lac. Seules 6 ont été rencontrées dont 1 indéterminée, soit moins de 50%. Les zones rocheuses et pélagiques comprennent globalement un nombre d’espèces acceptables comparativement à ce qui était connu et au type d’échantillonnage. Il est vrai que la zone pélagique est la plus pauvre en termes de richesse spécifique connue.

Les résultats en plongée montrent également une différence importante entre le site à fond sableux et les sites à fonds rocheux, nettement plus riches en espèces (8 contre un minimum de 15) (Tableau III-6 p. 37). On remarquera un nombre plus important d’espèces au niveau de la station d’Ubwari (Karunda). À noter également la présence d’espèces sabulicoles en zone rocheuse. Cela peut être le signe d’un refuge vers un milieu non favorable pour ces espèces, suite à une pression importante. Rien n’exclut un changement de comportement et de biologie de certaines espèces pour s’adapter aux pressions grandissantes de pêche donc de prédation.

Il est surprenant également de voir l’omniprésence du mangeur d’écaille Perissodus microlepis, également souvent observé dans les captures à la senne et en apnée.

Tableau III-2. – Nombre de Cichlidae par type de milieu. Ont été comptés plusieurs fois les espèces présentes dans différents types de milieu.

Connues Notées % Marais 3 1 33% Pélagique 20 10 50% Rocher 74 46 62% Sable 66 37 56% Total 122 73 60%

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Tableau III-3. - Nombre d’espèces par famille.

Famille Nombre d’espèces Protopteridae 1 Clupeidae 2 Cyprinidae 3 Bagridae 1 Claroteidae 7 Clariidae 2 Mochokidae 3 Malapteruridae 1 Cichlidae 74 Latidae 2 Poecilidae 1 Mastacembelidae 4 Total 101 Nombre de familles 12

Tableau III-4. – Liste des espèces non Cichlidae rencontrées (M = Marais ; P = Pélagique ; R = Roche ; S = Sable ; nc = non connu).

Ordre Nom commun Famille Espèce Milieu Lepidosireniformes (Poisson-poumon) Protopteridae Protopterus aethiopicus M

Clupeiformes (Sardines) Clupeidae Limnothrissa miodon P Clupeidae Stolothrissa tanganicae P

Cypriniformes (Barbus, carpe) Cyprinidae Acapoeta tanganicae nc Cyprinidae Barbus sp. nc Cyprinidae Raiamas moorii P

Siluriformes (Poisson-chats) Bagridae Bagrus docmak R/S Claroteidae Auchenoglanis occidentalis R/S Claroteidae Chrysichthys graueri S Claroteidae Chrysichthys siennenae S Claroteidae Chrysichthys sp. nc Claroteidae Lophiobagrus cyclurus R Claroteidae Lophiobagrus sp. R Claroteidae Phyllonemus typus R Clariidae Clarias sp. R/S/M Clariidae Dinotopterus cunningtoni R/S Mochokidae Synodontis grandiops R Mochokidae Synodontis petricola R Mochokidae Synodontis sp. R Malapteruridae Malapterurus sp. R/S Perciformes (Perches) Latidae Lates mariae P/R Latidae Lates stappersii P

Cyprinodontiformes (Killi, Guppy) Poecilidae Lamprichthys tanganicae R

Synbranchiformes (Anguilles) Mastacembelidae Mastacembelus cunningtoni S Mastacembelidae Mastacembelus ellipsifer R Mastacembelidae Mastacembelus plagiostomus R/S Mastacembelidae Mastacembelus sp. R/S

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Tableau III-5. – Liste des espèces de Cichlidae du nord du lac Tanganyika (Notée lors de l’étude : 1 = Présente ; 0 = Absente. M = Marais ; P = Pélagique ; R = Roche ; S = Sable ; nc = non connu).

Espèce Notée Milieu Espèce Notée Milieu Altolamprologus compressiceps 1 R Neolamprologus tretocephalus 1 R Aulonocranus dewindti 1 R/S Neolamprologus variostigma 1 R Bathybates fasciatus 1 P Ophthalmotilapia heterodonta 0 R/S Bathybates ferox 1 P Ophthalmotilapia nasuta 1 R/S Bathybates graueri 1 P Ophthalmotilapia sp. 1 R/S Bathybates hornii 1 P Oreochromis niloticus eduardianus 0 M Bathybates leo 0 P Oreochromis tanganicae 1 S Bathybates minor 0 P Paleolamprologus toae 1 R Bathybates sp. 0 P Paracyprichromis brieni 1 R Benthochromis tricoti 1 P/R/S Perissodus microlepis 1 R/S Boulengerochromis microlepis 1 P Petrochromis famula 1 R Callochromis macrops 1 S Petrochromis fasciolatus 0 R Callochromis melanostigma 1 S Petrochromis macrognathus 1 R Callochromis pleurospilus 1 S Petrochromis orthognathus 1 R Callochromis sp. 0 S Petrochromis polyodon 0 R Cardiopharynx schoutedeni 0 S Petrochromis trewavasae 1 R Chalinochromis brichardi 1 R Plecodus elaviae 0 R/S Ctenochromis horei 1 S Plecodus paradoxus 0 R/S Cyathopharynx furcifer 1 R/S Plecodus straeleni 0 R Cyphotilapia frontosa 1 R Reganochromis calliurus 0 S Cyprichromis microlepidotus 1 P Simochromis babaulti 1 R Ectodus sp. "Nord" 1 R Simochromis diagramma 1 R/S Eretmodus cyanostictus 1 R Simochromis marginatus 1 R Gnathochromis permaxillaris 0 R/S Spathodus erythrodon 1 R Gnathochromis pfefferi 1 R/S Spathodus marlieri 0 R Grammatotria lemairii 1 S Tangachromis dhanisi 0 S Haplochromis benthicola 0 R Tanganicodus irsacae 1 R Haplochromis burtoni 1 M Telmatochromis bifrenatus 1 R Haplotaxodon microlepis 0 R Telmatochromis dhonti 0 R Hemibates stenosoma 1 S Telmatochromis sp. « Congo » 1 R Julidochromis marlieri 1 R Telmatochromis temporalis 1 R Julidochromis ornatus 0 R Tilapia rendalli 0 M Julidochromis regani 0 R Trematocara caparti 0 P/R/S Julidochromis transcriptus 0 R Trematocara kufferathi 0 P/R/S Lepidiolamprologus attenuatus 0 R/S Trematocara marginatum 1 P/R/S Lepidiolamprologus cunningtoni 1 R/S Trematocara nigrifrons 0 P/R/S Lepidiolamprologus elongatus 1 R/S Trematocara stigmaticum 0 P/R/S Lepidiolamprologus lemairii 1 R/S Trematocara unimaculatum 0 P/R/S Lepidiolamprologus profundicola 1 R Trematocara variabile 0 P/R/S Lestradea perspicax 1 P/S Trematocara zebra 0 P/R/S Limnochromis auritus 1 S Trematocara sp. 1 P/R/S Limnotilapia dardennii 1 R/S Triglachromis otostigma 1 S Lobochilotes labiatus 1 R/S Tropheus duboisi 1 R Neolamprologus brevis 1 S Tropheus spp. 1 R Neolamprologus brichardi 1 R Tylochromis polylepis 1 S Neolamprologus callipterus 1 R/S Xenochromis hecqui 0 S Neolamprologus fasciatus 1 R Xenotilapia bathyphila 0 S Neolamprologus finalimus 0 R/S Xenotilapia boulengeri 0 S Neolamprologus furcifer 0 R Xenotilapia burtoni 1 S Neolamprologus kungweensis 0 S Xenotilapia caudafasciata 0 S Neolamprologus leleupi 0 R Xenotilapia flavipinnis 1 S Neolamprologus meeli 0 S Xenotilapia leptura 1 R Neolamprologus modestus 0 R Xenotilapia longispinis 0 S Neolamprologus mondabu 1 R/S Xenotilapia melanogenys 0 S Neolamprologus niger 0 R Xenotilapia nasus 1 S Neolamprologus ocellatus 0 S Xenotilapia nigrolabiata 0 S Neolamprologus ornatipinnis 1 S Xenotilapia ochrogenys 0 S Neolamprologus petricola 1 R Xenotilapia ornatipinnis 1 S Neolamprologus pleuromaculatus 1 S Xenotilapia sima 1 S Neolamprologus savoryi 1 R Xenotilapia tenuidentata 0 S Neolamprologus tetracanthus 0 R/S Xenotilapia sp. 1 S

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Tableau III-6. – Résultats obtenus par SCUBA par l’équipe du CRH.

Sites Site de Talla Site de Karunga Site de Pemba Site de Makobola II

Bangwe

Milieu

Substrat sableux nu au delà de 8,5 m, mais couvert d’une végétation abondante en bandes parallèle à la cote entre 8,5 et 2 m. La pente est très faible entre 6 et 4 m mais se relève très rapide à partir de 4 m.

Substrat rocheux à pente très forte.

Substrat rocheux avec une faible proportion de sable.

Substrat rocheux avec une faible proportion de sable.

Espèce

Hab

itat p

réfé

rent

iek

>8,5 m Dans la zone couverte d’une forte végétation

T 15 m 15 m 10 m 5 m T 15 m 10 m 5 m T

Synodontis petricola R 1 Synodontis sp. R 1 Aulonocranus dewindtii R/S 1 1 1 1 Callochromis melanostigma S 1 1 1 Chalinochromis brichardi R 1 Ctenochromis horei S 1 1 Cyathopharynx furcifer R/S 1 1 1 Cyphotilapia frontosa R 1 Cyprichromis microlepidotus P 1 Eretmodus cyanostictus R 1 1 Gnatochromis pfefferi R/S 1 1 Julidochromis marlieri R 1 1 1 1 1 1 1 Lepidiolamprologus elongatus R/S 1 1 1 1 1 1 1 Lepidiolamprologus lemairi R/S 1 1 1 1 Limnotilapia dardenii R/S 1 1 1 1 1 1 1 Lobochilotes labiatus R/S 1 1 1 1 1 1 Neolamprologus brevis S 1 Neolamprologus brichardi R 1 1 1 1 1 1 1 1 Neolamprologus callipterus R/S 1 1 1 1 1 Neolamprologus furcifer R 1 1 Neolamprologus mondabu R/S 1 1 1 1 1 1 Neolamprologus ornatipinnis S 1 1 Neolamprologus petricola R 1 Neolamprologus pleuromaculatus S 1 1 Neolamprologus savoryi R 1 1 1 1 1 1 Neolamprologus tretocephalus R 1 1 1 1 Ophtalmotilapia nasuta R/S 1 1 1 1 1 Paleolamprologus toae R 1 1 1 1 Perissodus microlepis R/S 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Petrochromis orthognathus R 1 1 1 1 1 1 1 Petrochromis trewavasae R 1 1 1 1 Simochromis diagramma R/S 1 1 1 1 1 Simochromis marginatus R 1 Telmatochromis bifrenatus R 1 1 1 Telmatochromis temporalis R 1 1 1 1 1 1 1 Triglachromis otostigma S 1 1 Tropheus duboisi R 1 1 1 1 Tropheus sp. R 1 1 1 1 Xenotilapia flavipinnis S 1 1 1 1 1 1 1 1 Xenotilapia ornatipinis S 1 1 1 Xenotilapia sima S 1 1 Lamprichthys tanganicanus S 1 1 Mastacembelus cunningtoni S 1 Mastacembellus plagiostomus R/S 1 Mastacembellus sp. R/S 1 1

Total 2 7 8 27 11 15 20 24 12 10 8 18

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III-2.3.3. Richesse spécifique et captures La richesse spécifique est dépendante du nombre de spécimens capturés. Plus on capture de

spécimens, plus le nombre d’espèces augmente. La richesse spécifique observée sur 11 stations montrent une variabilité de 2 à 8 espèces en utilisant la senne de plage, ce qui est faible quand on voit le nombre total d’espèces sabulicoles capturées (45) (Figure III-8 p. 39). De plus, elle n’est pas uniforme entre la nuit et le jour dans la plupart des cas. On note cependant, une diversité plus importante la nuit que le jour à partir de Swima dans la partie Nord. On a donc une hétérogénéité des captures en fonction de la localisation géographique. Il est vrai que le nombre de poissons capturés dans les stations du Sud est plus important, donc une richesse spécifique plus importante.

Afin de vérifier si le milieu (substrat), la localisation géographique et/ou le cycle nycthéméral avaient une influence sur les résultats observés, nous avons effectué une analyse factorielle des correspondances (AFC) sur la matrice de présence/absence des espèces par localité, milieu et moment de capture. Les 5 premiers axes expliquent 51% de la variabilité. Il apparaît qu’il n’existe pas de schéma bien établi avec une influence des 3 facteurs. Cependant, une régression multiple avec la richesse spécifique et les paramètres « substrat » et « cycle nycthéméral » est significative, principalement avec la variable « substrat » (r2 = 0,47 p = 0,001).

En regardant certaines stations, on remarque nettement l’influence de la présence de roseaux (Tableau III-7 p. 40) surtout le jour.

Figure III-7. – Dendrogramme sur les composantes principales de l’AFC sur le tableau présence/absence des espèces par localité. Carrés noirs = nuit ; carrés blancs= jour ; bleu = présence de roseaux ; rouge = gravier ; vert = sable.

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I-8.

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.

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Tableau III-7. – Exemple de captures sur des sites avec présence ou absence de roseaux.

Site Moment Roseaux Absence Présence Jour Nombre de sennes 5 3 Nombre de spécimens 6 19 Nombre par senne 1.2 6.3

Kabimba

Richesse spécifique 5 11 Jour Nombre de sennes 2 2 Nombre de spécimens 2 12 Nombre par senne 1.0 6.0 Richesse spécifique 2 6 Nuit Nombre de sennes 2 2 Nombre de spécimens 6 9 Nombre par senne 3.0 4.5

Swima II

Richesse spécifique 4 5

III-2.4. Conclusion Si on synthétise l’ensemble des informations : ✓ Environ 60% des espèces connues de la zone ont été capturées ou vues. ✓ Il existe une hétérogénéité dans les captures selon la localisation géographique. ✓ Le milieu rocheux semble plus stable que les autres milieux par rapport aux données

anciennes. ✓ Une influence majeure de variabilité dans les captures est la présence ou non de roseaux et,

à moindre effet, le moment de capture. ✓ Les captures sont meilleures la nuit que le jour dans la partie Nord de la zone investiguée.

L’ensemble permet de supposer qu’il existe des zones plus ou moins touchées par

différents facteurs externes qui ont vu leurs effectifs en espèces et en nombre par espèce diminuer.

III-3. L’étude des pêches III-3.1. Les pêches

III-3.1.1. Généralités Le lac Tanganyika était connu pour ses pêcheries productives basées sur l’exploitation de 6

espèces endémiques : les deux Clupeidae « sardines » de bancs (‘ndagala’ (Burundi et RDC), ‘dagaa’ (Tanzanie), ou ‘kapenta’ (Zambie)), Limnothrissa miodon et Stolothrissa tanganicae, et 4 prédateurs Latidae, Lates stappersii (ou ‘Mukeke’), L. angustifrons, L. mariae, et L. microlepis. Les 3 dernières sont devenues plutôt accidentelles. Les changements apparus dans les années 80 dans les captures des poissons pélagiques, a montré la dominance de l’espèce à croissance et production rapide, Lates stappersii, aux dépens des 3 autres espèces de Latidae, en relation avec la mécanisation et l’industrialisation de la pêche (Coulter, 1991). Fin des années 80, les pêches étaient basées donc sur 3 espèces pélagiques : 65% (poids) pour les Sardines et 30% pour le ‘Mukeke’. On estimait une production annuelle de 165 000 à 200 000 tonnes, ce qui se traduit par une somme de l’ordre de 10 millions d’US$. Cette capture était répartie en, environ, 50% pour la RDC (45% de la surface du lac), 31% pour la Tanzanie (41% de la surface du lac), 21% pour le Burundi (8% de la surface du lac) et 7% pour la Zambie (6% de la surface du lac).

Bien que sujet à des fluctuations importantes, il était dit que la production annuelle par unité de surface était largement supérieure à tous les autres lacs du monde (Coulter, 1981, 1991 ; Hecky et al., 1981 ; Lindqvist & Mikkola, 1989 ; Hecky, 1991 ; Roest, 1992). Les pêcheries pélagiques ont été estimées à 0,45% de la production primaire, proches de celles trouvées en milieu marin (Hecky et al., 1981 ; Hecky, 1984, 1991).

Comme beaucoup de systèmes marins, les herbivores/planctivores primaires sont des Copépodes Calanoïdes (petits Crustacés planctoniques) et, de même pour les piscivores, ces animaux appartiennent à des familles essentiellement marines. Les biomasses

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phytoplanctoniques et bactériennes sont faibles mais avec un haut taux de renouvellement. Le carbone organique n’est pas accumulé dans le plancton mais dans la biomasse des poissons et, donc, dans les pêches. La longue histoire géologique du lac, combiné avec les conditions écologiques spéciales de ces eaux profondes et chaudes, pourrait résulter de l’évolution d’une structure trophique composée d’espèces hautement efficaces (Hecky, 1984)(voir Partie II).

Si les captures sur l’ensemble du lac ont semblé augmenter sur le long terme (Hanek, 1994 ; Coenen, 1995), des signes de décroissance des captures par unité d’effort ont été repérés dans certaines localités, particulièrement au Burundi indiquant une possible surpêche (Roest, 1992 ; Coenen & Nikomeze, 1994 ; Coenen et al., 1998).

Les travaux récemment publiés de Mulimbwa (2006) montrent clairement la décroissance des Captures par Unité d’Effort (dans le cas présent, total des captures par nombre de sennes tournantes) dans la partie Nord du lac de 1978 à 2001 (Figure III-9 p. 41).

En d’autres termes, il existe une pression locale considérable pour augmenter l’effort de

pêche en vue d’acquérir plus de protéines de poisson pour la consommation humaine.

Figure III-9. – Changements annuels des C.P.U.E. (tonnes par senne tournante) des Clupeidae dans le sous-bassin de Bujumbura (Uvira)(Mulimbwa, 2006).

III-3.1.2. Les caractéristiques des pêches On sépare communément les pêches sur le lac Tanganyika en trois types :

1. La pêche industrielle ; 2. La pêche artisanale ; 3. La pêche traditionnelle, de subsistance, coutumière.

Dans la plupart des cas, la pêche est pratiquée généralement la nuit, souvent à l'aide des

techniques reposant sur l'attraction des poissons par la lumière artificielle. Les rythmes de pêches sont à cet effet fortement influencés par les cycles lunaires et des vents violents rendant ainsi des efforts de pêche et des productivités généralement faibles à certains moments. Cette pêche est axée principalement sur les poissons pélagiques. • La pêche industrielle

C'est une pêche qui se fait à l'aide d'une unité composée d'un senneur métallique d'environ 15 à 20 m de long tirant un porte-filet métallique de 8 à 10 m de long non-motorisé, de 3 à 5 petites embarcations porte-lampes de 2 à 3 m de long équipées chacune de 8 à 12 lampes Coleman Anchor ou Drums. Cette unité est munie d'un moteur diesel de 120 à 125 CV, utilise une senne tournante ou coulissante et comporte 20 à 30 pêcheurs. Ces unités de pêche opèrent en principe à au moins 5 km de la côte. Cette pratique est abandonnée dans le Nord du lac actuellement. Cependant, des bruits courent sur une reprise possible. C’est une pêche essentiellement à but économique.

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• La pêche artisanale Spécialisée dans l'exploitation des stocks pélagiques, elle est pratiquée plus souvent près de la

côte, spécialement par les catamarans et les trimarans (qui tendent à disparaître) et aussi un peu vers le large par les unités « Apollos ». L'unité se compose de 2 (catamaran) ou 3 (trimaran) pirogues en planche de 6 à 8 m de long reliées par des perches en bois, équipées de 4 à 12 lampes Coleman à pression, d'un filet carrelet de 60 à 80 m de circonférence ou 60 à 100 m s'il s'agit d'un Apollo, de 4 à 8 pêcheurs et propulsées, le cas échéant, par un moteur de 15 à 25 CV. C’est une pêche où les pêcheurs cherchent principalement à gagner de l’argent. • La pêche traditionnelle ou coutumière ou de subsistance

Elle s'effectue généralement le long de la côte et cela pendant la journée mais quelquefois la nuit et capture essentiellement des poissons côtiers et quelquefois des poissons pélagiques. Cette méthode de pêche qui est caractérisée par un investissement relativement moins coûteux, est constituée d'une pirogue en planche ou pirogue monoxyle non-motorisée d'environ 3 à 5 m de long et par 1 ou 2 pêcheurs, généralement. Elle utilise une variété d'engins : senne de plage, filet maillant (dormant ou encerclant), palangres, lignes à mains, épuisettes (lusenga), nasses et moustiquaires. C’est une pêche qui, principalement, a pour but de capturer une ration journalière destinée à la consommation.

III-3.1.3. Les zones de pêches Le milieu du lac Tanganyika peut se découper en plusieurs zones, en relation avec la

profondeur (Figure III-10 p. 42). Les activités de pêches dans ces différentes zones sont différentes.

Il y a, dans le lac, deux systèmes de pêche distincts, mais qui se recouvrent : les pêches près des côtes et au large, respectivement dans la zone littorale et la zone pélagique. Le recouvrement est à la fois écologique et économique.

Dans toute communauté vivant sur la côte, il peut toujours y avoir des groupes qui concentrent leurs activités de pêche dans la zone du large, pendant que d’autres groupes se concentrent sur la zone littorale pour les activités tant de subsistance que de commerce. Entre temps, les autres familles et les pêcheurs eux-mêmes sont habituellement aussi impliqués dans l’agriculture. L’équilibre entre ces activités dépend de la saison, de la variation des stocks de poissons, de la disponibilité des travailleurs et des changements dans les marchés.

Le développement d’une pêche durable concerne à la fois les pêches pélagiques et les pêches littorales, ainsi que les activités des communautés qui en dépendent.

Figure III-10. – Zonation schématique du lac Tanganyika (modifié d’après ESPP, 2000).

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• La pêche côtière Les pêches côtières sont complexes. Elles sont multi-espèces, multi-engins, et impliquent les

pêcheurs aussi bien artisanaux que ceux qui pratiquent la pêche de subsistance ou coutumière. La plupart des zones de pêche situées près de la côte (profondeur 0-40 m) et adjacentes aux secteurs de haute implantation humaine sont déjà sous la forte pression de toute une gamme d’engins (PASGDLT, 2000). • La pêche pélagique

Les pratiques les plus ‘visibles’ sont les sennes coulissantes ou tournantes, les sennes de plages à lampes ainsi que la flotte des carrelets. Cependant, la pêche des espèces pélagiques est également une importante ressource économique pour de nombreux petits pêcheurs artisanaux, qui pagaient jusqu’à quelque distance de la côte et utilisent les lignes ‘mitraillette’ pour viser la Perche Lates stappersi ou les sardines.

Bien que la zone pélagique soit moins riche en biodiversité que la zone littorale, tout effondrement des pêches pélagiques aura des répercussions dramatiques sur la zone littorale, par le biais de l’augmentation de la pression de pêche et indirectement par le biais de l’intensification des pratiques agricoles.

Il est important de noter que la pression de la pêche n’est pas le seul facteur influençant l’état des stocks commerciaux. Les modifications de l’environnement telles que les changements de température sont supposées contribuer à la modification de l’abondance relative des Clupeidae et des Latidae.

Le problème ne concerne pas un type particulier d’engin de pêche, mais bien la pression exercée par tous les engins combinés. Ceci est le cas pour la pêche littorale comme pour la pêche pélagique. Les deux systèmes de pêche sont liés aux communautés de la côte et ont des relations mutuelles avec leurs autres activités économiques.

III-3.1.4. Les techniques de pêche Plus de 50 différents engins de pêche ont été recensés lors des enquêtes sur les pêches du lac

(LSPP, 2000). Parmi eux, douze ont été jugés très significatifs, et il y a quelque chevauchement entre les engins pélagiques et les engins littoraux. Ces engins tels qu’ils ont été décrits en 2000 sont : 1. Senne coulissante industrielle – utilisée dans la pêcherie industrielle au large. 2. Senne de plage avec lumière – vise les sardines qui sont attirées par les lumières de nuit des

lampes à pression à Kérosène. Habituellement, elles ont 8 ou 10 mm de maille à travers. Cet engin peut être aussi utilisé le jour et peu de poissons y échappent à cause de la taille des mailles. Chaque senne de plage peut employer autour de 20 personnes incluant les équipages des bateaux à lumière et les senneurs.

3. Senne de plage - attrape et vise les poissons littoraux. Il peut être utilisé de jour comme de nuit. Généralement, c’est un filet de grandes mailles dans les ailes et petites dans la poche.

4. Filet tournant ou senne tournante - utilisée au large la nuit avec des lampes pour les sardines.

5. Filet maillant dormant - filet dormant, avec des tailles de mailles variées et différentes profondeurs. Partout et peu cher.

6. Filet maillant encerclant - M'timbo ou éclabousseur d’eau ou Tam-tam. - comme un filet maillant mais plus profond, utilisé en cercle avec des contours à partir d’un bateau. Attrape différents poissons à partir des filets maillants de fond. Différentes tailles de mailles pour la nuit et pour le jour.

7. Carrelets – utilise un, deux ou trois bateaux. Chaque bateau utilise à peu près 6 membres d’équipage. Un grand pourcentage de la capture du lac est effectué par ce type d’engin, ce qui lui confère une grande valeur dans la région. Les investissements nécessaires pour avoir un carrelet sont substantiels.

8. Lignes simples – qui incluent les lignes verticales à main. Utilisées partout autour du lac. Hameçons appâtés visant des espèces de fond ou près de ce dernier.

9. Lignes sans appâts ou Mitraillette – principalement pour les « Mukeke ». Avec 50 hameçons et plus. Utilisées pendant le jour dans les eaux très profondes, sans appât. Retrouvées autour du lac comme activité de subsistance.

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10. Lignes dormantes de fonds – ce sont des lignes avec des hameçons appâtés variant de 40 à 400 qui sont traînées sur le fond à partir d’un bateau. Utilisées partout là où il y a un substrat sans obstacle caché.

11. Cannes et lignes – utilisées généralement par les enfants sur les rives du lac. Très importantes en termes de contribution en protéines pour les ménages en période de soudure et parce qu’ils sont nombreux et visent spécialement les espèces littorales.

12. Pièges fixes – utilisés dans les mares et les lits des roseaux particulièrement dans les deltas et plaines humides. Très communs dans la Ruzizi au nord du lac. Fabriqués à partir des bambous, fils de fer et rainures en bois.

III-3.1.5. Les principales espèces cibles Nous ne parlerons ici que des espèces pélagiques, les plus importantes commercialement. Les

espèces côtières sont très nombreuses et peu présentent en tant que tel, un intérêt commercial sauf le « Kuwe » Boulengerochromis microlepis, les Tilapia Oreochromis tanganicae et O. niloticus eduardianus et certains poissons-chats du genre Clarias dans les zones marécageuses.

Parmi les espèces pélagiques, les Latidae, représentés par 4 espèces endémiques dans le lac, ne sont plus actuellement représentés dans les captures que par une seule, Lates stappersii. • Stolothrissa tanganicae Regan, 1917 – Clupeidae – « Kalumba »

Poisson pélagique d’une taille maximale de 10 cm longueur standard2 (LS), se trouvant à une profondeur comprise entre 8 et 60 m (Figure III-11 p. 45). On observe de grands bancs, les jeunes étant plus proches de la côte que les individus de plus de 5 cm LS. Cette espèce procède à des migrations nycthémérales et reste à une profondeur inférieure à 60 m durant le jour pour remonter entre 8 et 15 m la nuit, surtout lors des nuits sans lune. Cela suit globalement le rythme du phytoplancton dont cette espèce se nourrit.

Elle se reproduit à partir d’une taille d’environ 6 cm LS (Figure III-15 p. 46). On observe des individus matures tout au long de l’année, mais il existe deux pics de reproduction entre mai et juin et entre décembre et janvier (Figure III-13 p. 45). Les adultes migrent vers la zone côtière pour disperser les oeufs. Il existe une relation positive entre le nombre d’œufs pondus et la taille des individus (Peter, 2000). Les femelles sont capables de produire entre 7 000 et 38 000 œufs, principalement de petite taille (< 300 µm) mais qui peuvent aussi être plus gros (600 µm). Une femelle peut pondre plusieurs fois après avoir atteint la maturité. Le temps de doublement de la population est estimé à moins de 15 mois, avec un cycle de vie d’environ 1 an. • Limnothrissa miodon (Boulenger, 1906) – Clupeidae – « Lumbu »

Poisson pélagique d’une taille maximale de 17 cm LS (Figure III-12 p. 45), se trouvant à une profondeur comprise entre 20 et 40 m. Les femelles grossissent plus vite que les mâles. Poissons formant de larges bancs. Plutôt nocturne, cette espèce se nourrit de plancton (crevettes Atyidae, Copépodes), mais les plus grands individus peuvent se nourrir de larves de Stolothrissa tanganicae. Le cannibalisme peut exister. Les grands individus sont plutôt loin des côtes, alors que les plus petits sont proches du littoral.

Elle se reproduit près des côtes durant la saison des pluies à partir d’une taille d’environ 9,5 cm (mâles) et 10 cm (femelles) (Figure III-15 p. 46) mais avec des pics entre mai et juin et décembre à janvier (Figure III-13 p. 45). Il existe une relation positive entre le nombre d’œufs pondus et la taille des individus (Peter, 2000). En comparant avec l’autre sardine, le nombre d’œufs croit plus vite avec le poids chez Limnothrissa. Les femelles sont capables de produire entre 16 000 et 52 000 œufs, d’une taille d’environ 400 µm. Le temps de doublement de la population est estimé à moins de 15 mois, avec un cycle de vie d’environ 2,5 ans.

2 Longueur standard (LS) : longueur mesurée entre l’extrémité du museau et le début de la nageoire caudale.

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Figure III-11. – Stolothrissa tanganicae. En haut, © L. Moeremans ; en bas, Poll, 1953. Vue latérale, tête en vue dorsale, alevins de 8, 15, 17 et 26 mm.

Figure III-12. – Limnothrissa miodon. En haut, © Mohammed, Fishbase ; en bas, Poll, 1953. Vue latérale, tête en vue dorsale, alevins de 10, 14, 17 et 23 mm.

Figure III-13. – Variations de l’Indice Gonado-Somatique moyen (poids des gonades / poids du poisson) chez (A) Stolothrissa tanganicae et (B) Limnothrissa miodon, de juin à Décembre 1988. Les points solides sont les poissons capturés en zone pélagique, les points ouverts ceux qui sont capturés près de la côte (Mulimbwa & Manini, 1992).

• Lates stappersii (Boulenger, 1914) – Latidae – « Mukeke » Poisson pélagique d’une taille maximale de 45 cm LS (Figure III-14 p. 46). On trouve cette

espèce associée avec les sardines dont elle se nourrit. Ils vivent en grands bancs à une distance de 1 à 5 km de la côte. Les jeunes se nourrissent principalement de proies planctoniques de grosse taille (crevettes) avant de passer à un régime piscivore aux dépens des sardines vers une taille de 13 cm LS. Le cannibalisme peut être présent chez cette espèce. Il semble que les adultes fassent de grandes migrations dans le lac alors que les juvéniles suivent principalement le comportement des sardines.

Elle se reproduit apparemment de février à avril principalement, à partir d’une taille d’environ 26 cm LS, soit un âge estimé de 28 mois (Figure III-15 p. 46). Les zones de reproduction sont mal connues. Il est clair que cette espèce n’est trouvée principalement qu’en tant que juvéniles

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dans la zone nord du lac. Cela peut être dû à la pression de pêche et/ou les migrations de ces poissons. La fécondité est estimée à 550 œufs par g. Le temps de doublement de la population est estimé de 1,4 à 4,4 ans selon la zone, avec un cycle de vie de 7 ans.

Figure III-14. - Lates stappersii (© Y. Fermon, à droite ; © FAO, à gauche).

Figure III-15. – Courbe de croissance de (A) Stolothrissa tanganicae (courbe supérieure, cohorte d’août, courbe du bas, cohorte de janvier) ; de (B) Limnothrissa miodon et (C) Lates stappersii (Mulimbwa & Manini, 1992).

III-4. L’étude d’ACF Dans le cadre de ses activités dans le Sud Kivu, Action Contre la Faim a donc un programme

de relance de la pêche. Afin de s’assurer que les intrants proposés aux pêcheurs soient vraiment adéquats et adaptés à la situation sans provoquer de problèmes de surexploitation, il a été proposé de procéder à un travail de base sur les plages sur lesquelles les activités ont été prévues.

Pour cela nous avons effectué un recensement des pêcheurs, engins de pêches, bateaux, sur les plages d’intervention d’ACF.

Nous avons également établi une prise d’informations pour assurer un suivi correct des captures

La localisation des zones est présentée sur la Figure III-3 p. 29.

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III-4.1. Relations avec les institutions nationales Actuellement, trois Ministères agissent sur la gestion des ressources du lac Tanganyika :

1. Ministère de l’Agriculture, Élevage et Pêche ; 2. Ministère de l’Environnement et de la Protection de la Nature ; 3. Ministère de la Recherche scientifique et technologique.

Les deux premiers Ministères ont des représentants agissant sur les plages pour le suivi des captures, l’application de la réglementation en vigueur en ce qui concerne les pêches et la protection des ressources. Le troisième Ministère possède un Institut de Recherche connu internationalement, le Centre de Recherche Hydrobiologique, basé à Uvira, qui comprend plusieurs chercheurs et dont le travail principal est la connaissance des milieux aquatiques pour une utilisation des ressources naturelles.

Il n’était pas envisageable de travailler sur les plages du lac Tanganyika sans collaboration avec ces différentes institutions nationales. Une collaboration s’est donc établie avec la signature d’une convention entre les 3 Ministères représentés par les Inspecteurs provinciaux (IPAPEL & COOPROV), le Directeur Général du CRH et ACF.

Cette collaboration s’est traduite par un travail commun pour le recensement, pour les données scientifiques récoltées, pour la formation des agents agissant sur les plages, ainsi que la sensibilisation des pêcheurs aux problèmes du lac. ACF a assuré la logistique nécessaire à ce travail.

III-4.2. Matériel & méthode Les prises d’informations se sont faites en deux étapes. Il s’agissait de : 1. Établir un état actuel des pêcheries. En effet, pour asseoir une intervention appropriée sur

les plages tout en assurant une durabilité des ressources, il est nécessaire de savoir comment se présente actuellement l’état des pêcheries. Pour cela, il fallait effectuer un recensement des pêcheurs, engins de pêches, pirogues et vendeurs sur les plages où intervient ACF.

2. Assurer un suivi adéquat des captures. Pour cela, il s’agissait d’obtenir des informations sur les captures actuelles et de mettre en place un suivi de celles-ci.

III-4.2.1. Les fiches de recensement Des fiches permettant la prise d’informations ont été préparées et mises au point par les

agents d’ACF et les chercheurs du CRH : Fiche de recensement des pêcheurs ; Fiche de recensement des pirogues ; Fiche de recensement des vendeurs.

Ces fiches sont présentées en Annexe 1. L’ensemble des données récoltées a été entré dans des tableurs pour en permettre l’analyse. Le tout a été dupliqué avec une copie au CRH, chargé de la coordination entre les institutions nationales et une chez ACF.

Les 22 plages où ACF intervient ont été recensées. Afin de préparer ces fiches, un recensement a également été effectué sur d’autres plages.

Deux équipes ont été formées, chacune avec au moins un agent d’ACF et, la plupart du temps, les agents nationaux agissants sur les plages. Un chercheur du CRH a accompagné une des équipes sur le terrain.

Dans la mesure où la majorité des activités de pêches s’effectue le soir, la nuit et le matin tôt, les équipes étaient présentes sur le terrain dès la fin de l’après-midi et sont restées la nuit sur les plages.

À chaque fois, les communautés et les autorités locales étaient averties par un courrier de la venue de l’équipe d’ACF. Le travail a également été effectué grâce à l’aide du Comité des plages et de ses Présidents, qui ont également été formés et ont participé au recensement. Ceci va permettre, dans la mesure du possible, une continuation du travail effectué.

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III-4.2.2. Les fiches de suivi Pour assurer un suivi des captures, des fiches ont été mises en place :

Fiche de suivi global par pêcheur ; Fiche de suivi par espèce.

Ces fiches sont présentées en Annexe 1. Dans la mesure où la pression de pêche s’effectue sur différentes zones, il est important de connaître le plus précisément possible les captures actuellement. Ce type d’information peut permettre d’assurer un suivi annuel des stocks présents mais également, en fonction des espèces capturées, de savoir les zones de captures. En effet, plusieurs espèces étant inféodées à un type de milieu et une zone particulière, la connaissance des captures peut permettre d’aider à la mise en place d’une législation adaptée et à un suivi régulier. Les informations biologiques récoltées sont les poids totaux et individuels, ainsi que la taille (Longueur standard) de plusieurs spécimens par espèce. Les agents nationaux, d’ACF et les Comités des pêches ont été formés aux prises des données. Ces données ont été récoltées grâce à des ichtyomètres (longueur) et des pesons (poids). Ce type d’informations n’était malheureusement pas disponible auparavant en raison du manque de moyens.

Le problème qui se pose est la reconnaissance rapide des espèces, indispensable pour un suivi correct. Pour cela, des fiches de reconnaissance ont été mises en place et doivent être diffusées à titre gracieux si des fonds permettent de le faire. Un exemple de ces fiches est présenté dans l’Annexe 2. Chaque espèce ou groupe d’espèces proches possèdent un code facilement repérable permettant de remplir rapidement les fiches.

III-4.2.3. Sensibilisation des pêcheurs sur les plages. Un travail de recensement et de suivi ne pouvait se faire sans une sensibilisation adéquate des

pêcheurs à ce qu’est le lac et ses particularités. Pour un certain nombre de plages, la sensibilisation a consisté à diffuser un film du National Geographic, filmé en 1996 dans une réserve naturelle en Tanzanie. Ce film montre la diversité biologique du lac et les comportements de certaines espèces connues des pêcheurs. Ces connaissances manquaient manifestement à la plupart des auditeurs, comme, par exemple, les soins parentaux de la plupart des espèces du lac. Après le film, une présentation de l’état du lac et de ses problèmes a été faite.

Ces séances ont été suivies par des discussions parfois animées avec les pêcheurs. La plupart de cette sensibilisation a été effectuée grâce aux agents d’ACF et à l’agent du CRH.

III-4.3. Résultats III-4.3.1. Recensement

Lorsque l’on regarde les chiffres du Tableau III-8 p. 49, on remarque que le pourcentage total de la population qui pratique une activité de pêches est faible (3,2 % au total) et correspond à ce qui a été observé ailleurs (Plaza, 2007). Cependant, en regardant par village, on se rend compte d’une forte variabilité, allant jusqu’à 33% pour Mukindu, sur la presqu’île d’Ubwari. On peut mettre à caution les chiffres obtenus pour les villages de la presqu’île d’Ubwari. Ces chiffres ont été donnés par les responsables des villages qui sont en train de réaliser un recensement. Une autre possibilité est que le nombre de pêcheurs ne soit pas exact. Certaines personnes croyant pouvoir obtenir un gain, sont venues pour se faire recenser. Pour pallier à ce problème, une vérification est en cours avec l’aide des Présidents des plages et des Agents nationaux. Si on ajoute au nombre de pêcheurs, le nombre de personnes que chacun a à sa charge, c’est-à-dire le nombre de personnes subsistant par l’activité de pêche, les pourcentages augmentent fortement allant jusqu’à 87,5% pour Kashombe. Cela montre, malgré l’incertitude des données, l’importance de la pêche pour une bonne partie de la population.

On ne pourra que noter l’hétérogénéité des résultats selon la localisation géographique puisqu’on passe de 12,1% à 0,8%, pour remonter à 17,1% et redescendre en allant vers le Sud. Il n’existe donc pas de gradiant ni Nord-Sud, ni Sud-Nord.

Il est également intéressant de voir que la plupart des pêcheurs du continent ne sont pas restés dans leur village lors de la guerre.

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Tableau III-8. – Caractéristiques de la population des villages où ACF intervient pour la pêche. Population totale = nombre d’habitants ; Homme = nombre d’hommes. Ces données proviennent d’un recensement en cours et nous ont été données par les responsables des villages. Ils sont apparemment à prendre avec caution pour Ubwari. Pêcheurs = nombre de pêcheurs ; Déplacés, Réfugiés, Résidents = position des pêcheurs durant la guerre ; % Pop = % de pêcheurs dans la population totale ; % H = % de pêcheurs parmi les hommes ; PC = personnes à charge pour les pêcheurs.

Lieu Communauté Population totale Homme Pêcheurs Déplacés Réfugiés Résidents % Pop %H Moyenne

PC Continent Kashombe 481 89 58 56 1 1 12,1 65,2 6,26

Makobola II-Kamba 5500 1800 86 72 12 2 1,6 4,8 8,57 Kashekezi 1366 490 87 68 16 3 6,4 17,8 7,39 Ilakala (Itabilo) 1143 375 56 47 8 1 4,9 14,9 5,54 Swima II 2818 704 40 35 4 1 1,4 5,7 8,43 Swima I 4028 1096 33 31 2 0 0,8 3,0 9,73 Ake – Lusambo 9361 1975 112 83 28 0 1,2 5,7 10,25 Mukwezi II-Musenya 370 200 64 48 13 2 17,3 32,0 5,91 Mukwezi I 2670 657 73 58 12 1 2,7 11,1 6,25 Eboko – Kabumbe II 1580 400 110 85 18 3 7,0 27,5 7,48 Ilila 640 120 55 34 15 2 8,6 45,8 9,18 Munguli 2102 400 59 39 13 5 2,8 14,8 10,12 Kabondozi 1362 - 36 20 11 5 2,6 - 9,36 Katungulu 1330 220 80 51 21 8 6,0 36,4 11,75 Lusenda 1624 360 64 49 12 3 3,9 17,8 10,66 Buko 691 190 39 24 14 1 5,6 20,5 7,59 Tala (Mushimbakye) 3000 - 69 47 21 0 2,3 - 8,71

Ubwari Kisokwe 400 - 52 25 19 5 13,0 - 7,40 Karunga 500 - 33 30 2 1 6,6 - 9,18 Mukindu 150 ? - 50 5 25 20 33,3 - 9,16 Lubomu/Lubomo 480 ? - 41 11 16 12 8,5 - 10,98 Kihimino 1055 63 21 24 17 6,0 - 11,38

Total 42651 1290 1360 939 307 93 3,2 - 8,67

Tableau III-9. Pourcentage par classe d’âge d’années d’expérience dans le domaine de la pêche, âge minimum et maximum par plage.

Communauté < 2 ans Entre 2 et 5 ans

Entre 5 et 10 ans

Entre 10 et 20 ans > 20 ans Âge

minimum Âge

Maximum Kashombe 3,6 21,8 29,1 29,1 16,4 16 50 Makobola II-Kamba 7,1 35,3 24,7 23,5 9,4 15 50 Kashekezi 4,6 25,3 24,1 24,1 21,8 18 50 Ilakala (Itabilo) 7,1 25,0 28,6 17,9 21,4 15 57 Swima II 7,5 10,0 27,5 25,0 30,0 18 60 Swima I 0,0 12,1 24,2 36,4 27,3 17 68 Ake – Lusambo 7,1 20,5 40,2 22,3 9,8 18 60 Mukwezi II-Musenya 3,1 26,6 37,5 25,0 7,8 16 40 Mukwezi I 2,7 12,3 30,1 39,7 15,1 17 58 Eboko – Kabumbe II 3,7 13,9 17,6 43,5 21,3 12 60 Ilila 20,8 24,5 18,9 20,8 15,1 15 50 Munguli 10,9 32,7 29,1 16,4 10,9 13 40 Kabondozi 0,0 16,7 22,2 44,4 16,7 22 40 Katungulu 10,1 21,5 26,6 20,3 21,5 18 45 Lusenda 4,8 20,6 36,5 33,3 4,8 18 60 Buko 0,0 5,3 23,7 44,7 26,3 17 38 Tala (Mushimbakye) 2,9 10,3 38,2 35,3 13,2 17 35 Kisokwe 2,0 18,4 34,7 30,6 14,3 10 60 Karunga 0,0 25,0 28,1 25,0 21,9 19 46 Mukindu 4,0 8,0 36,0 28,0 24,0 16 50 Lubomu/Lubomo 4,9 9,8 36,6 31,7 17,1 23 46 Kihimino 6,5 16,1 25,8 35,5 16,1 18 39

Total 5,5 19,5 29,2 29,3 16,5 10 68

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Tableau III-10. – Autres activités des pêcheurs selon les plages. Communauté Pêcheurs Agriculture Élevage Commerce Autres activités

Kashombe 58 48 (82,7%) 0 (0%) 2 (3,4%) 6 (10,3%) Makobola II-Kamba 86 68 (79,1%) 19 (22,1%) 4 (4,6%) 10 (11,6%) Kashekezi 87 76 (87,3%) 4 (4,6%) 7 (8,0%) 3 (3,4%) Ilakala (Itabilo) 56 37 (66,1%) 1 (1,8%) 2 (3,6%) 5 (8,9%) Swima II 40 26 (65,0%) 0 (0%) 5 (12,5%) 4 (10,0%) Swima I 33 31 (93,9%) 0 (0%) 0 (0,0%) 2 (6,1%) Ake – Lusambo 112 67 (59,8%) 14 (12,5%) 6 (5,4%) 2 (1,8%) Mukwezi II-Musenya 64 53 (82,8%) 3 (4,7%) 0 (0%) 5 (7,8%) Mukwezi I 73 58 (79,4%) 4 (5,5%) 2 (2,7%) 3 (4,1%) Eboko – Kabumbe II 110 85 (77,3%) 28 (25,4%) 1 (0,9%) 11 (10%) Ilila 55 49 (89,1%) 5 (9,1%) 3 (5,4%) 7 (12,7%) Munguli 59 30 (50,8%) 2 (3,4%) 11 (18,6%) 2 (3,4%) Kabondozi 36 24 (66,7%) 4 (11,1%) 3 (8,3%) 3 (8,3%) Katungulu 80 42 (52,5%) 14 (17,5%) 9 (11,25%) 3 (3,75%) Lusenda 64 37 (57,8%) 5 (7,8%) 11 (17,2%) 10 (15,6%) Buko 39 23 (58,9%) 12 (30,8%) 3 (7,7%) 8 (20,5%) Tala (Mushimbakye) 69 47 (68,1%) 8 (11,6%) 16 (23,2%) 5 (7,2%) Kisokwe 52 9 (17,3%) 0 (0%) 1 (1,9%) 4 (7,7%) Karunga 33 20 (60,6%) 0 (0%) 1 (3,0%) 0 (0%) Mukindu 50 45 (90%) 0 (0%) 6 (12%) 4 (8%) Lubomu/Lubomo 41 27 (65,8%) 0 (0%) 2 (4,9%) 2 (4,9%) Kihimino 63 54 (85,7%) 0 (0%) 2 (3,2%) 2 (3,2%)

Total 1360 956 (70,3%) 123 (9,0%) 97 (7,1%) 101 (7,4%) Si on regarde la répartition par classe d’années d’expérience, on se rend compte qu’on arrive à

des chiffres excédant 40% de pêcheurs qui ont commencé leur activité dans les 5 dernières années (Ilila, 20,8 + 24,5 = 45,3)(Tableau III-9 p. 49). Cela peut dénoter le fait qu’un certain nombre de personnes se sont mises à l’activité de pêche par manque d’autres activités. Les 3 stations de la côte Est d’Ubwari présentent des chiffres où près de 80% des pêcheurs ont cette activité depuis plus de 5 ans. À noter que les habitants d’Ubwari sont plutôt restés sur place lors des conflits armés au contraire de ceux du littoral.

Beaucoup ont, d’ailleurs, une ou plusieurs activités autres que la pêche pour subvenir aux besoins de leur famille (Tableau III-10 p. 50). La plupart sont aussi majoritairement agriculteurs (>70% au total) puis éleveurs (9%). Une partie s’adonne au commerce et, dans les autres activités, on observe surtout de l’artisanat (coiffeurs, constructeurs de pirogues, réparateurs de vélo, maçons, menuisiers…). Certains ont un rôle dans la communauté. Nous avons rencontré des enseignants, des étudiants, des pasteurs, des brigadiers.

III-4.3.2. Les communautés des pêcheurs Les pêcheurs peuvent être séparés en plusieurs catégories :

Capitaine : le responsable d’un bateau ; Propriétaire actif : pêcheur possédant son matériel et pêcheur actif ; Patrons pécheur : ils possèdent une ou plusieurs unités de pêche et sont souvent aussi

pêcheurs actifs ; Ouvriers : ils naviguent avec d’autres pêcheurs dans les unités de pêche et ne sont

pas propriétaires, sauf, parfois, de lampes. En général, au retour d’une pêche collective au lamparo (sennes tournantes ou carrelet), le

patron de pêche sépare la prise en fonction du coût du matériel (essence, pétrole) et divise le reste entre lui et les pêcheurs. Le partage n’est pas exactement le même en fonction des patrons de pêche. Par le passé, quand les prises étaient très importantes, les pêcheurs faisaient profiter une grande partie de la communauté.

Quand on regarde la répartition des pêcheurs en fonction d’une activité individuelle ou en équipe, on se rend compte d’une grande variabilité en fonction du lieu. On passe de 90,0% individuel (Eboko) à 1,7% (Tala) (

Tableau III-11 p. 51). On observe des corrélations significatives entre le type d’activité avec le nombre d’engins (senne tournante avec équipe : r = 0,71, par exemple) (Tableau III-12 p. 51).

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Tableau III-11. – Pourcentage de pêcheurs travaillant en équipe ou en individuel et nombre d’engins de pêches par plage. TT = Tam-tam ; FM = Filets maillants ; SP = Sennes de plage ; ST = Sennes tournantes.

Communauté Individuel Équipe TT FM SP ST Ligne Kashombe 75,4 24,6 2 12 2 42 Makobola II-Kamba 88,6 11,4 7 4 1 74 Kashekezi 70,6 29,4 15 17 1 31 Ilakala (Itabilo) 81,1 18,9 18 1 2 36 Swima II 71,4 28,6 6 17 5 24 Swima I 58,1 41,9 3 8 3 3 18 Ake – Lusambo 43,8 56,3 22 74 10 30 Mukwezi II-Musenya 87,3 12,7 25 3 40 Mukwezi I 90,0 10,0 1 21 2 4 54 Eboko - Kabumbe II 90,9 9,1 46 4 4 70 Ilila 66,7 33,3 1 38 1 1 20 Munguli 68,0 32,0 1 54 3 16 Kabondozi 31,3 68,8 1 5 2 20 7 Katungulu 37,2 62,8 2 15 8 34 24 Lusenda 42,2 57,8 17 5 23 20 Buko 21,1 78,9 6 1 26 13 Tala (Mushimbakye) 1,7 98,3 22 11 18 16 Kisokwe 51,0 49,0 6 25 5 Karunga 77,4 22,6 1 2 1 2 Mukindu 82,6 17,4 1 6 1 42 Lubomu/Lubomo 68,3 31,7 1 16 23 Kihimino 10,2 89,8 1 9 3 49 2

Total 61,1 38,9 60 397 114 225 593

Tableau III-12. – Tableaux de corrélations entre le nombre des différents engins de pêches et le nombre de pêcheurs et d’habitants, ainsi que les pêches individuelles et collectives. Les chiffres en gras sont les corrélations significatives à p > 0,05.

Variable Tam-tam

Filets maillants

Sennes de plage

Sennes tournantes Ligne Pêcheur Population Individuel Équipe

Tam-tam 1,00 Filets maillants 0,42 1,00 Sennes de plages 0,13 -0,31 1,00 Sennes tournantes 0,08 -0,16 -0,10 1,00 Ligne -0,22 0,21 -0,18 -0,42 1,00 Pêcheur 0,35 0,63 0,13 -0,01 0,56 1,00 Population 0,68 0,55 -0,17 -0,08 0,22 0,51 1,00 Individuel -0,25 0,35 -0,08 -0,54 0,92 0,65 0,19 1,00 Équipe 0,64 0,18 0,29 0,71 -0,48 0,32 0,32 -0,50 1,00

Plus il y a de population, plus il y a des pêcheurs (r = 0,51), plus la ligne est pratiquée (r = 0,56) sans qu’il y ait une augmentation du nombre de sennes (r entre ligne et senne = -0,42), la ligne impliquant par elle-même une pêche de type individuelle (r = 0,92).

En résumé, plus il y a d’habitants, plus il y a des pêcheurs et ils se tournent vers une pêche de type individuelle.

III-4.3.3. Les engins de pêches Globalement, 4 méthodes de pêche ont été rencontrées :

La pêche « Tam-tam », utilisant différents types de filets (Figure III-17 p. 53) ; La pêche aux filets maillants : de taille de maille de 0,25 à 5 pouces pour une

longueur de 100 à 9000 m ; La pêche à la senne de plage : de taille de maille de 2 à 9 mm pour une longueur qui

peut aller jusqu’à 600 m et une hauteur de 50 m (Figure III-18 p. 53) ; La pêche à la senne tournante, le plus souvent avec des lampes (lamparo) :de taille

de maille de 3 à 7 mm pour une longueur de 600 m et une hauteur de 100 m ; La ligne : avec une ligne de diamètre 0,15 à 0,9, d’une longueur de 50 à 2500 m des

hameçons de taille n°6 à n°25, comprenant de 4 à 650 hameçons, selon la longueur de la ligne (Figure III-19 p. Erreur ! Signet non défini.).

Souvent, les sennes de plage et tournantes sont effectuées par les mêmes filets. On remarquera une corrélation significative entre la pêche « Tam-tam » et le travail en équipe (r = 0,64).

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En résumé, plus la population augmente, plus le nombre de pêcheurs individuels et donc d’engins de pêche individuels (lignes et filets maillants) augmente. Par contre, l’augmentation de la pêche « Tam-tam », qui ratisse beaucoup de poissons et est destructrice, est peut-être liée à des gens étant venus récemment à la pêche par manque d’autres ressources

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Figure III-17. – Pêche « <tam-tam » (© Nshombo, CRH).

Figure III-18. – Sennes (© Y. Fermon, 2007). Figure III-19. – Lignes (© Y. Fermon, 2007

Quand on regarde la Figure III-16 p. 52, on remarque la grande variabilité de la répartition des

engins de pêche en fonction de la localisation géographique. Cependant, des tendances apparaissent. Par exemple, la pratique de la ligne décroit plus ou moins du Nord vers le Sud alors que celle de la senne tournante s’accroit. Pour les filets maillants, on trouve un pic entre Ake-Lusambo et Kabondosi. Il est possible que ce pic de filets maillants soit liés à des distributions d’ONG ou des UN.

III-4.3.4. Les pirogues Éléments indispensables pour la pratique de la pêche, le nombre de pirogues est un indicateur

du nombre de pêcheurs. Il existe plusieurs types de pirogues. Dans la majorité des cas, ce sont des pirogues construites à l’aide de planches avec du coton servant pour boucher les interstices. Il existe également des pirogues directement creusées dans un tronc.

La taille est variable de 2 à 3 m pour les petites pirogues individuelles (Figure III-20 p. 54) jusqu’à 6 à 8 m pour les embarcations destinées à la pêche collective artisanale (Figure III-21 p. 54). La moyenne observée pour l’ensemble des plages est de 0,8 pirogue par pêcheur avec un minimum de 0,3 à Ilila et un maximum de 1,2 pour les deux plages de Swima (Tableau III-13 p. 54).

Les pirogues présentent parfois des portoirs pour la pose des lampes destinées à la pêche au lamparo la nuit (Figure III-22 p. 54 et Figure III-23 p. 54).

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Figure III-20. – Pirogues pour la pêche artisanale (© Y. fermon, 2007).

Figure III-21. – Pirogue pour la pêche individuelle (© Y. fermon, 2007).

Figure III-22. Pirogue avec des portoirs pour les lampes (© Y. fermon, 2007).

Figure III-23. – Lampes (© Y. fermon, 2007).

Tableau III-13. – Recensement des pirogues

Communautés Pirogues Minimum de taille Maximum de taille Pêcheur Moyenne par pêcheur Kashombe 53 2 8 58 0,9 Makobola II-Kamba 70 2 6 86 0,8 Kashekezi 74 2 9 87 0,9 Ilakala (Itabilo) 46 2,5 6 56 0,8 Swima I & II 85 2,5 7 73 1,2 Ake – Lusambo 101 2,5 8 112 0,9 Mukwezi I & II-Musenya 123 2 8 137 0,9 Eboko –Kabumbe II 102 2 7 110 0,9 Ilila 17 3 7 55 0,3 Munguli 22 2 5,5 59 0,4 Kabondozi 31 2,8 9 36 0,9 Katungulu 73 2,5 9 80 0,9 Lusenda 43 3 8 64 0,7 Buko 35 3 7,5 39 0,9 Tala (Mushimbakye) 62 3 8 69 0,9 Kisokwe 39 3 8,2 52 0,8 Karunga 30 3 7 33 0,9 Mukindu 38 2 7,5 50 0,8 Lubomu/Lubomo 23 3 8 41 0,6 Kihimino 35 2,5 7,5 63 0,6

Total 1102 1360 0,8

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III-4.3.5. Suivi des captures Lors des visites sur les plages, un début de prise d’informations sur les captures a été effectué.

Les Captures par Unité d’Effort (C.P.U.E.) ont été calculées comme étant la capture en poids (g) par unité de pêche (Tableau III-14 p. 55). La capture moyenne par pêcheur pour la ligne en subsistance est de 736 g., ce qui est particulièrement faible si on considère que chaque personne a 8 à 9 personnes à charge, cela représente moins de 100 g par personne et par jour. Les autres engins semblent plus efficaces, mais si on considère un équipage de 6 à 8 personnes plus les personnes à charge, on arrive à des chiffres similaires à la ligne, mais avec une pression sur les poissons littoraux avec capture de très petites espèces.

Parmi les espèces capturées, on remarquera la prédominance des espèces pélagiques (Tableau III-15 p. 56 et Tableau III-16 p. 57). Cependant, en regardant la taille des poissons, on voit des captures avec un minimum de LS de 29 mm, c’est-à-dire des petites espèces ou bien des juvéniles d’espèces de taille plus importante. Il arrive d’observer certains grands spécimens puisqu’un Lates sp. de 60 cm LS a été capturé. Ces poissons sont connus pour être des poissons de profondeur lorsqu’ils atteignent une taille importante. Pour les poissons pélagiques, vu les tailles minimales des poissons capturés, une partie des captures n’est pas mature. On remarquera, également, la présence d’autres Cichlidae côtiers et des Siluriformes (poissons-chats), surtout par les filets maillants, ce qui indique une pêche côtière sur le fond, qui est loin d’être négligeable. Cependant, il est net que les espèces principalement ciblées sont les espèces pélagiques.

On a observé la présence, dans certaines pêches et zones, de poissons lithophiles, ce qui indique une pêche côtière dans les milieux rocheux. La plupart des espèces recensées capturées par les pêcheurs sont, cependant, des espèces sabulicoles. À noter la présence de certaines espèces comme Cyathopharynx furcifer ou Limnochromis auritus, qui ne sont trouvées qu’en profondeur (plus de 10 m) dans les sennes de plages. Cela implique que les filets des sennes sont capables de descendre à grande profondeur, et, dans la mesure où ce sont des engins non-sélectifs, ratissent tout ce qu’il y a au fond.

La répartition des espèces capturées est hétérogène le long du littoral, comme c’est le cas pour les engins de pêches.

Ceci confirme que la pression de pêche et les zones de pêches sont différentes selon la

localisation géographique et que les espèces côtières parfois de petites tailles sont aussi ciblées.

Tableau III-14. – C.P.U.E. par engins et communauté. H = lignes ; SP = Senne de plage ; ST = Senne tournante ; FM = Filets maillants.

Communauté H SP ST FM Kashombe 133 600 Makobola II-Kamba 840 Kashekezi 1'600 Ilakala (Itabilo) 1'200 2'167 Swima I & II 200 2'500 Ake – Lusambo 743 1'400 Mukwezi I & II-Musenya 617 Eboko – Kabumbe II 753 Ilila 400 800 Munguli 36'650 Kabondozi 9'000 Katungulu 32'500 8'750 Lusenda 1'400 Buko 600 Tala (Mushimbakye) 2'800 Karunga 500 Mukindu 360 1'057 Lubomu/Lubomo 693 Kihimino 44'167

Total 736 9'000 17'500 17'832

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Tableau III-15. – Caractéristiques des captures par espèces et engins. Taille en mm (LS) ; Moyenne = taille moyenne ; Nombre = nombre de spécimens ; Minimum = taille minimum ; Maximum = taille maximum ; FM = Filets maillants ; L = lignes ; SP = Sennes de plages ; ST = Sennes tournantes ; T =Total.

Bathybates sp, Boulengerochromis microlepis Autres Cichlidae Mastacembelus sp, Siluriformes Plage Données FM L T FM L SP T FM L SP T FM L T FM L T Kashombe Moyenne Nombre Minimum Maximum Makobola Moyenne 60,0 60,0 Nombre 1 1 Minimum 60 60 Maximum 60 60 Kashekezi Moyenne 115,0 115,0 72,5 72,5 99,0 99,0 Nombre 1 1 2 2 3 3 Minimum 115 115 70 70 87 87 Maximum 115 115 75 75 110 110 Ilakala Moyenne Nombre Minimum Maximum Swima I Moyenne Nombre Minimum Maximum Swima I Moyenne Nombre Minimum Maximum Ake-Lusambo Moyenne 140,0 140,0 128,5 128,5 Nombre 2 2 20 20 Minimum 130 130 110 110 Maximum 150 150 160 160 Mukwezi I & II Moyenne 85,0 85,0 Nombre 23 23 Minimum 50 50 Maximum 115 115 Eboko Moyenne 144,4 153,3 146,8 143,5 143,5 127,0 127,0 Nombre 8 3 11 23 23 5 5 Minimum 120 140 120 65 65 70 70 Maximum 175 170 175 1300 130 185 185 Ilala Moyenne 153,1 148,9 151,4 149,0 190,0 155,8 109,3 112,5 109,7 395,0 395,0 121,3 123,3 121,6 Nombre 20 14 34 5 1 6 28 4 32 3 3 19 3 22 Minimum 120 120 120 120 190 120 65 105 65 390 390 100 95 95 Maximum 250 210 250 245 190 245 140 135 140 400 400 165 165 165 Munguli Moyenne 154,4 158,6 156,3 115,5 120,6 117,1 370,0 370,0 147,6 120,0 141,9 Nombre 9 7 16 39 18 57 2 2 19 5 24 Minimum 95 130 95 60 50 50 360 360 70 110 70 Maximum 220 180 220 180 230 230 380 380 230 130 230 Kabondozi Moyenne 122,5 122,5 390,0 390,0 Nombre 4 4 1 1 Minimum 75 75 390 390 Maximum 170 170 390 390 Katunguli Moyenne 160,0 183,8 179,0 120,0 120,0 430,0 430,0 Nombre 1 4 5 1 1 1 1 Minimum 160 125 125 120 120 430 430 Maximum 160 250 250 120 120 430 430 Lusenda Moyenne 128,3 128,3 Nombre 3 3 Minimum 125 125 Maximum 130 130 Buko Moyenne 134,3 144,5 138,0 122,0 93,5 107,8 114,3 114,3 Nombre 7 4 11 10 10 20 7 7 Minimum 120 133 120 100 83 83 85 85 Maximum 150 152 152 150 100 150 175 175 Tala Moyenne 105,0 105,0 110,7 110,7 83,0 83,0 78,7 78,7 Nombre 2 2 6 6 106 106 9 9 Minimum 90 90 80 80 30 30 65 65 Maximum 120 120 130 130 180 180 100 100 Karunga Moyenne 210,0 192,5 193,9 250,0 250,0 120,7 120,7 127,5 142,5 131,3 Nombre 1 11 12 1 1 15 15 6 2 8 Minimum 210 77 77 250 250 65 65 95 105 95 Maximum 210 130 130 250 250 157 157 185 180 185 Mukindu Moyenne Nombre Minimum Maximum Lubomo Moyenne Nombre Minimum Maximum Kihimono II Moyenne 50,0 50,0 96,8 96,8 Nombre 1 1 17 17 Minimum 50 50 50 50 Maximum 50 50 200 200

Total Moyenne 148,5 160,5 154,6 128,1 220,0 50,0 135,6 102,8 107,1 96,8 103,5 410,0 385,0 392,1 122,3 125,5 122,7 Nombre 48 49 97 11 2 1 14 228 76 17 321 2 5 7 68 10 78 Minimum 90 77 77 80 190 50 50 30 50 50 30 390 360 360 65 95 65 Maximum 250 250 130 245 250 50 250 180 230 200 230 430 400 430 230 180 230

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Tableau III-16. - (suite) Caractéristiques des captures par espèces et engins. Taille en mm (LS) ; Moyenne = taille moyenne ; Nombre = nombre de spécimens ; Minimum = taille minimum ; Maximum = taille maximum ; FM = Filets maillants ; L = lignes ; SP = Sennes de plages ; ST = Sennes tournantes ; T =Total. La colonne « Total » correspond aux valeurs des deux tableaux III-15 et III-16.

Lates sp. Lates stappersii Limnothrissa miodon Stolothrissa tanganicae Plages Données FM L T L ST T FM L ST T FM L SP ST T Total

Kashombe Moyenne 115,7 115,7 96,1 96,1 86,1 86,1 113,1 Nombre 203 203 15 15 10 10 228 Minimum 68 68 75 75 73 73 68 Maximum 385 385 115 115 100 100 385 Makobola Moyenne 200,9 200,9 107,9 107,9 83,9 83,9 159,3 Nombre 62 62 35 35 9 9 107 Minimum 70 70 85 85 80 80 60 Maximum 390 390 130 130 90 90 390 Kashekezi Moyenne 190,5 190,5 70,0 82,6 82,0 89,3 89,3 111,3 Nombre 10 10 1 20 21 3 3 40 Minimum 55 55 70 80 70 88 88 55 Maximum 325 325 70 86 86 90 90 325 Ilakala Moyenne 222,5 222,5 222,5 Nombre 55 55 55 Minimum 29 29 29 Maximum 395 395 395 Swima II Moyenne 600,0 600,0 410,0 410,0 95,3 95,3 158,3 Nombre 1 1 1 1 11 11 13 Minimum 600 600 410 410 80 80 80 Maximum 600 600 410 410 110 110 600 Swima I Moyenne 300,0 300,0 89,4 89,4 98,6 Nombre 1 1 22 22 23 Minimum 300 300 78 78 78 Maximum 300 300 110 110 300 Ake-Lusambo Moyenne 159,2 72,5 119,8 90,0 91,3 91,0 76,1 76,1 114,2 Nombre 12 10 22 1 4 5 9 9 58 Minimum 105 55 55 90 85 85 75 75 55 Maximum 325 85 325 90 100 100 85 85 325 Mukwezi I & II Moyenne 85,0 Nombre 23 Minimum 50 Maximum 115 Eboko Moyenne 204,6 204,6 83,5 160,0 73,6 73,6 135,9 Nombre 35 35 20 20 7 7 101 Minimum 80 80 80 80 65 65 65 Maximum 310 310 90 850 80 80 310 Ilala Moyenne 70,0 70,0 123,5 123,5 81,3 81,3 134,7 Nombre 1 1 10 10 4 4 112 Minimum 70 70 120 120 75 75 65 Maximum 70 70 130 130 85 85 400 Munguli Moyenne 142,5 142,5 71,1 71,1 114,4 Nombre 6 6 50 50 155 Minimum 120 120 65 65 50 Maximum 160 160 80 80 380 Kabondozi Moyenne 90,0 90,0 72,7 83,8 77,9 60,9 60,9 87,4 Nombre 1 1 10 9 19 10 10 35 Minimum 90 90 70 80 70 38 38 38 Maximum 90 90 79 90 90 75 75 390 Katungulu Moyenne 104,5 104,5 101,3 101,3 96,9 96,9 111,8 Nombre 10 10 15 15 29 29 61 Minimum 70 70 80 80 70 70 70 Maximum 320 320 130 130 130 130 430 Lusenda Moyenne 128,3 Nombre 3 Minimum 125 Maximum 130 Buko Moyenne 96,0 96,7 96,6 97,4 97,0 97,2 105,9 Nombre 2 30 32 8 9 17 87 Minimum 77 70 70 80 75 75 70 Maximum 115 120 120 120 130 130 175 Tala Moyenne 115,0 115,0 84,6 Nombre 1 1 124 Minimum 115 115 30 Maximum 115 115 180 Karunga Moyenne 200,0 200,0 320,0 320,0 77,4 82,0 81,3 72,7 72,7 97,4 Nombre 1 1 1 1 8 44 52 10 10 100 Minimum 200 200 320 320 74 72 72 65 65 65 Maximum 200 200 320 320 83 110 110 90 90 320 Mukindu Moyenne 306,0 306,0 306,0 Nombre 5 5 5 Minimum 280 280 280 Maximum 340 340 340 Lubomo Moyenne 273,5 273,5 273,5 Nombre 10 10 10 Minimum 230 230 230 Maximum 340 340 340 Kihimono II Moyenne 249,5 249,5 35,0 75,4 71,7 152,5 Nombre 20 20 1 10 11 49 Minimum 120 120 35 70 35 35 Maximum 305 305 35 85 85 305

Total Moyenne 146,3 345,0 186,0 161,5 190,5 163,5 76,6 94,8 91,3 93,5 97,4 85,1 35,0 75,7 84,0 122,7 Nombre 8 2 10 406 30 436 21 282 4 307 8 91 1 19 119 1389 Minimum 115 90 90 29 55 29 70 65 85 65 80 38 35 70 35 29 Maximum 200 600 600 410 305 410 115 130 100 115 120 130 35 85 130 600

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III-4.3.6. Fonctionnement des plages Suite aux discussions sur les plages, ainsi que d’autres informations apportées par différentes

sources, un schéma de fonctionnement des plages s’est fait jour. Cependant, ce schéma a plusieurs variantes, mais il reste globalement le même (Figure III-24 p. 58).

Figure III-24. – Schéma de fonctionnement général d’une plage.

Le notable : c’est l’autorité de la Communauté. Il reçoit tous les rapports. Les militaires (infanterie, marine, police) : Ils s’occupent de la sécurité tout au long

du lac. Cependant, ils ont l’habitude de ravir aux pêcheurs leur matériel et demandent souvent « la ration », même lorsque celle-ci fait défaut.

Les autorités de l’état : Ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. Ce sont des agents non payés qui sont censés assurer les démarches administratives le long du lac et de surveiller à la bonne application des lois. Ce sont eux qui décernent les permis de pêche. Ce sont, cependant, des fonctionnaires non payés qui vivent de la « ration ». Ils vont donc parfois accepter des rations de pêcheurs qui agissent dans le sens contraire des autres pêcheurs du village.

Le comité de pêche : Ce comité collabore étroitement avec les autorités de l’état. Il est élu par l’ensemble des pêcheurs de la Communauté. Ce comité est le lien avec les autorités militaires. Ce comité a une « présidence » qui fait le suivi de ses activités. Il semble exister un système d’entre aide au niveau du comité pour les plus démunis de la communauté. Lorsque les captures sont bonnes, elles sont partagées entre l’ensemble de la communauté et une partie est transformée en argent pour la cagnotte du comité, ce qui permet d’amasser une somme d’argent disponible pour le rachat du matériel ou les périodes de disette. Ce comité est élu par les pêcheurs.

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Le président de plage est le porte-parole des pêcheurs dans les cas de vol, insécurité, problème avec la ration des militaires. Parfois, il arrive qu’il ne soit pas originaire ou habitant du village mais que son charisme ou sa notoriété fasse qu’on l’appelle pour un autre village.

Les patrons pêcheurs rassemblent les personnes possédant des bateaux et unités de pêches et qui emploient des ouvriers pour aller à la pêche.

L’ouvrier pêcheur ne possède pas, la plupart du temps, de matériel propre. Il s’emploie auprès d’un patron pêcheur, va pêcher. La récolte est partagée entre l’amortissement du matériel (essence…), les ouvriers et le patron pêcheur.

Les vendeuses sont sur les plages pour acheter le poisson fraîchement débarqué. En général, elles s’entendent avec un ou plusieurs pêcheurs et leur achètent régulièrement leurs captures. Il semble qu’un droit de terre ou de mer existe, mais peu d’informations ont circulé là-dessus.

Les présidents de plages se sont mis en association dans chaque région administrative. Cependant, le rôle et les actions de ces associations est actuellement peu clairs, selon les informations obtenues.

III-4.3.7. La législation Le dernier texte de loi faisant foi actuellement sur le lac date de 1958 (voir Annexe 3). Cette

loi n’est pas vraiment appliquée et, dans le contexte actuel, demande à être révisée. Une demande de législation a souvent été une des demandes principales des pêcheurs rencontrés en raison des problèmes rencontrés ainsi que du comportement « non civil » d’un certain nombre de personnes s’adonnant à la pratique de la pêche.

Cependant, une surveillance des milieux et des pêches ne peut se faire sans l’appui des premiers concernés, c’est-à-dire les pêcheurs, ainsi qu’une réaction de la part des autorités nationales qui agissent sur les plages pour faire appliquer la loi.

Cela a été une des raisons qui ont amené à procéder à une sensibilisation sur les problèmes du lac lors des visites effectuées.

La plupart des pêcheurs sont conscients des problèmes et sont prêts à agir, mais demandent une aide de la part des autorités nationales.

III-4.3.8. La commercialisation À l’arrivée des pêcheurs, les vendeurs sillonnent les plages pour acheter les poissons aux

pêcheurs. Il n’existe que peu de plages où les pêcheurs sont regroupés pour une arrivée au même endroit. Les vendeurs sont, en général, des femmes. Certains sont venues récemment à ce type de travail (Tableau III-17 p. 60). Il est certain que certaines personnes recensées ne sont pas de vrais vendeurs et ont cherché à profiter d’une possible occasion d’obtenir quelque chose. Globalement, un vendeur a 2 ou 3 pêcheurs attitrés. La plupart sont aussi agriculteurs ou ont un conjoint qui l’est et ils travaillent généralement seuls.

En général, le poisson est vendu directement sur les marchés ou au bord de la route sans transformation. Cependant, un certain nombre est aussi séché pour les sardines et petits « Mukeke » ou fumé pour les grands « Mukeke » ou les poissons-chats près de la Ruzizi (Figure III-25 p. 60 et Figure III-26 p. 60).

Les poissons sont vendus en petits tas approximatifs car les vendeurs n’utilisent pas d’unité de mesure de poids. Globalement, on arrive à un prix correspondant à 1 Franc Congolais pour 1 g de poissons frais au marché. Il n’y a pas forcément de variations en fonction des espèces. Les fonds disponibles pour acheter le poisson sur les plages varie de 50 US$ à 300 US$ selon la personne et, souvent, ses années d’expériences.

Il apparaît cependant une forte concurrence entre les vendeurs en raison de la raréfaction des poissons. Ceci d’autant plus que les pêcheurs ont souvent à peine assez de poissons pour une consommation personnelle. Cependant, nous avons observé que, lorsque les captures sont vraiment faibles, les pêcheurs préfèrent vendre le peu de poissons qu’ils ont, afin de pouvoir acheter de la farine de manioc ou autres nourritures plus « substantielles » pour eux et les personnes qu’ils ont à charge.

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Figure III-25. – Poissons frais sur un étal de marché. Figure III-26-« Mukeke » séchés.

Tableau III-17. – Caractéristiques des vendeurs de poissons. AE = années d’expérience ; V/P = vendeur/pêcheur.

Communautés Pêcheurs Vendeurs AE moy Min AE Max AE Moy âge Min âge Max âge V/P Kashombe 58 15 8,1 2 20 33,3 18 60 0,3 Makobola II-Kamba 86 29 12,7 2 33 34,8 18 50 0,3 Kashekezi 87 44 8,9 1 37 34,5 20 60 0,5 Ilakala (Itabilo) 56 12 10,9 4 20 37,4 7 60 0,2 Swima II 40 4 12,3 4 20 52,0 40 66 0,1 Swima I 33 12 8,3 1 40 31,6 22 53 0,4 Ake – Lusambo 112 50 12,0 0,8 30 37,1 20 69 0,4 Mukwezi II-Musenya 64 36 10,8 2 40 38,0 19 80 0,6 Eboko – Kabumbe II 110 61 10,8 1 50 35,6 18 65 0,6 Ilila 55 29 8,5 0,5 40 33,9 12 67 0,5 Munguli 59 22 8,0 2 30 33,4 20 50 0,4 Kabondozi 36 14 10,1 1 29 33,9 20 46 0,4 Katungulu 80 49 9,6 1 28 33,5 20 50 0,6 Lusenda 64 15 10,8 3 25 40,6 21 56 0,2 Buko 39 27 10,7 2 27 37,9 20 60 0,7 Tala (Mushimbakye) 69 20 10,6 1 25 33,6 19 55 0,3 Kisokwe 52 34 6,1 0,4 23 32,2 20 60 0,7 Karunga 33 49 6,7 1 27 34,4 20 61 1,5 Mukindu 50 61 8,3 1 35 31,6 18 50 1,2 Lubomu/Lubomo 41 82 8,2 1 35 33,9 18 70 2,0 Kihimino 63 58 8,9 1 30 31,6 18 56 0,9

Total 1287 724 9,3 0,4 50 34,4 7 80 0,6

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III-4.4. Conclusion Si on synthétise l’ensemble des informations : ✓ Il existe une grande hétérogénéité dans la répartition des pêcheurs le long du littoral ; ✓ Il existe une hétérogénéité de la distribution des engins de pêches selon la localisation et en

relation avec la quantité de pêcheurs et de la densité de population ; ✓ Plus la population est importante, plus la pêche individuelle est privilégiée ; ✓ On observe 4 techniques de pêches usuelles plus une (Tam-tam) occasionnelle en relation

avec le nombre d’habitants ; ✓ Un certain nombre de personnes sont venues récemment à la pêche et à la vente de

poissons ; ✓ La pression de pêche existe et varie en fonction de l’endroit, donc du type d’engins

principalement utilisé ; ✓ Les pêcheurs sont organisés sur chaque plage avec un comité de plage qui défend leurs

intérêts dans la mesure du possible ; ✓ Il existe une pression non négligeable de la part des autorités pour obtenir une part de la

production de pêche ; ✓ La législation est ancienne, n’est plus adaptée et non appliquée ; ✓ Les poissons sont commercialisés selon un circuit simple, mais il n’existe pas de

regroupement clair des vendeurs. L’ensemble permet de penser que la pression de pêche est actuellement hétérogène

sur l’ensemble de la zone d’action et que celle-ci ne permet pas forcément d’assurer une production de poissons suffisante d’un point de vue subsistance. Il faudra donc adapter selon l’endroit les engins de pêches à distribuer. La structuration également des pêches demande à être révisée pour un meilleur suivi des captures.

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Partie IV — Constat et recommandations

On ne peut considérer l’état du lac Tanganyika dans la partie Nord sans considérer également ce qui se passe sur son bassin versant. Une bonne partie des problèmes rencontrés est externe au lac, qui n’est que le réceptacle de ce qu’il se passe autour.

L’ensemble des observations que nous avons pu effectuer peut se schématiser selon la Figure IV-1 p. 64.

Trois problèmes principaux sont mis à jour :

1. La déforestation qui amène tout un ensemble de conséquences parfois peu perçues. C’est la cause majeure des problèmes. En effet, en absence des structures forestières pour retenir l’eau, on se retrouve avec une série

de conséquences avec, en particulier, l’impossibilité de rétention d’eau utile pour l’agriculture et pour la boisson. De façon directe, les fortes pluies entraînent irrémédiablement le sol arable, d’autant plus qu’on a affaire à un relief particulièrement pentu. L’absence de la structure arborée a également un rôle important dans les précipitations. Moins il y a d’arbres, moins il y a de précipitations. Au niveau du lac, cela provoque un dépôt de sédiments au niveau des zones de production primaire.

Pour relancer la reconstruction des ressources naturelles actuellement manquantes, il est absolument nécessaire de commencer par agir sur le littoral, en particulier le reboisement. Sans cette étape, il est illusoire de vouloir recommencer une production des ressources à des fins de sécurité alimentaire.

En raison de la structure du paysage, il faut adapter les techniques agricoles avec des systèmes comme, par exemple, la structure en terrasse, permettant le ralentissement de la perte des eaux de pluies et, ainsi, un renouvellement plus conséquent de la nappe phréatique.

La gestion des eaux de pluies, soit par de l’irrigation et captages, mais aussi des techniques agricoles adaptées (plantation arbustive autour des champs), est une des clés du renouvellement des ressources naturelles.

2. Les comportements humains. Ils sont de plusieurs ordres :

A. Utilisation de matériaux comme les rochers et les roseaux pour la construction immobilière.

B. Utilisation non rationnelle de tous morceaux de bois pour le bois de chauffage. C. Utilisation d’engins de pêches non-sélectifs le long du littoral. D. Utilisation, dans certaines zones d’engrais ou de produits chimiques, rejets des

industries (peu présentes au Congo). E. Rejet de tous les déchets organiques domestiques dans les cours d’eau et le lac.

Dans un premier temps, il s’agit d’assurer le renouvellement des ressources halieutiques

du lac. Les zones côtières des roseaux et des rochers sont primordiales pour assurer une bonne

production primaire, donc, un renouvellement des stocks halieutiques. Il est donc nécessaire d’assurer :

✓ L’arrêt des prélèvements des rochers et des roseaux dans le lac est indispensable. ✓ La replantation des roseaux.

Comme palliatif à l’utilisation des roseaux, des plantations de bambous sont envisageables. C’est une plante qui pousse vite, qui est déjà présente dans certaines zones, et qui est souvent utilisée ailleurs comme matériel de construction.

✓ La promotion de la replantation des arbres.

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✓ L’utilisation de palliatifs au manque de bois . La promotion de foyers améliorés ou bien d’autres combustibles sont des alternatives

possibles. ✓ L’arrêt de certains engins de pêches destructeurs.

L’utilisation de la pêche « Tam-tam » et des sennes de plages est particulièrement destructrice. Les sennes de plage, parfois allant à plus de 20 m de profondeur, détruisent les herbiers et les zones de frayères des poissons sabulicoles. Cet arrêt ne peut se faire sans un échange des engins utilisés actuellement vers des engins sélectifs moins destructeurs.

✓ La mise en place de réserves naturelles protégées. Certaines zones, riches en biodiversité, comme les zones rocheuses, peuvent être des zones

refuges pour un certain nombre d’espèces actuellement menacées. Cela pourrait être le cas de la zone entre Kigongo et Munene, ainsi que le fond de la baie de Burton et le nord de la presqu’île d’Ubwari, dans la zone étudiée.

✓ L’interdiction de la pêche le long d’une bande côtière. La majorité des zones de frayères et de production du lac se situe dans la frange côtière.

L’interdiction de la pêche dans cette zone pourra permettre le renouvellement des ressources du lac, surtout en milieu pélagique, le plus productif. Il s’agit donc de promouvoir la pêche de subsistance, dans un premier temps, dans la zone sublittorale et pélagique. Cette bande pourrait avoir une taille de 300 m.

✓ Des systèmes palliatifs au manque de ressources du lac. Il n’existe que peu de systèmes possibles permettant la production de protéines poissons.

L’aquaculture est donc un palliatif possible. Cependant, il ne s’agit pas de promouvoir une aquaculture de production de type intensive dans un premier temps, les connaissances techniques présentes ne permettant pas de le faire et surtout, ce type de projet demande une appropriation de la part des villageois, parfois difficile et longue à obtenir. Les exemples des étangs réalisés auparavant et qui se sont révélés non productifs sont typiques de techniques non adaptées. Dans le cas présent, il est plutôt envisageable de promouvoir une aquaculture lacustre, soit avec des enclos pour le grossissement d’alevins prélevés dans le lac des espèces comme Boulengerochromis microlepis ou Oreochromis tanganicae, soit des systèmes d’acadjas, utilisés en Afrique de l’Ouest. Le principe est de planter des morceaux de bois dans le lac pour créer des récifs artificiels, permettant une augmentation de la production primaire dans ces zones. Il suffit alors d’entourer ces zones de filets à grosses mailles pour récolter les individus de grandes tailles régulièrement qui sont nés et ont grandi dans ces zones. Ces techniques doivent être testées en projet pilote.

✓ La mise en place d’Activités Génératrices de Revenus. Une des raisons de la recrudescence de personnes vers l’activité de pêche est l’absence

d’autres possibilités de revenus. Il s’agirait donc de promouvoir des activités secondaires, comme la transformation des produits agricoles et leur commercialisation ou bien l’artisanat.

3. L’absence de législation adaptée et de son application C’est un des problèmes souvent soulevés. Il n’est pas possible d’établir des interdictions et

des réglementations sans application possible. Dans le cas des pêches, il est clair qu’il faut un consensus entre les trois institutions nationales

agissant sur les ressources du lac suivi d’une législation adéquate qui soit appliquée par les autorités en place sans abus. Pour cela, il est nécessaire d’établir un suivi des captures et de structurer mieux l’arrivée des pêcheurs et la commercialisation du poisson. Cela peut passer par la création de criées et la mise en place de coopératives sur les plages, faisant intervenir tous les acteurs de la filière « poissons ».

Mais l’ensemble de ces activités ne peut se faire sans une sensibilisation de l’ensemble des intervenants sur l’état actuel de la zone. Il est clair qu’il faudra un temps de récupération de la ressource, de 2 à 5 ans avant de pouvoir passer à un système plus établi. Si cela n’est pas réalisé, la situation ne peut qu’empirer.

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Partie V — Annexe 1 – Fiches de recensement

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Partie VI — Annexe 2 – Exemple de fiches techniques

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Partie VII — Texte législatif

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