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ÉTUDE DE L’INTERACTION ENTRE LE GRAND DAUPHIN ET LA PÊCHE Á LA SENNE COULISSANTE EN MÉDITERRANÉE MAROCAINE réalisée par : ZAHRI Yassine, ABID Noureddine, ELOUAMARI Najib et ABDELLAOUI Benyounes. avec la contribution de: NAJIH Mohamed & SROUR Abdellah Février 2004 www.megaptera-oi.org

Étude de l'intéraction entre le grand dauphin et la pêche ...webco.faocopemed.org/old_copemed/vldocs/0000991/... · RESUME Le présent travail porte sur la mise en expérimentation

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ÉTUDE DE L’INTERACTION ENTRE LE GRAND DAUPHIN ET LA PÊCHE Á LA SENNE COULISSANTE EN

MÉDITERRANÉE MAROCAINE

réalisée par :

ZAHRI Yassine, ABID Noureddine, ELOUAMARI Najib et ABDELLAOUI Benyounes.

avec la contribution de:

NAJIH Mohamed & SROUR Abdellah

Février 2004

www.megaptera-oi.org

AVANT PROPOS

La présente étude entre dans le cadre du programme de « limitation des interactions filets de pêche-dauphins », entamé par le Centre Régional de l’Institut National de Recherche Halieutique à Nador. Elle a bénéficié de l’appui financier du projet FAO/COPEMED et de l’expérience tunisienne en matière d’utilisation de l’appareil acoustique répulsif « Tube Dauphin ».

D’autres compétences ont participé à la réalisation de cette étude. Il s’agit de:

- BEN NACEUR Lotfi (technologiste des pêches ; INSTM – Tunisie) - BENYACINE Mouâd-houcine (technologiste des pêches ; CTVPP –INRH/Agadir) - ZIANI Abid (échantillonneur ; INRH-Nador) - ESSEKELLI Dounia (biostatisticienne ; INRH-Nador) - LAMTAI Aziz (statisticien ; INRH-Tanger) - KADA Omar (biologiste ; INRH-Nador)

RESUME

Le présent travail porte sur la mise en expérimentation d’un appareil répulsif dans l’objectif de limiter l’interaction entre la pêche à la senne coulissante et le Grand Dauphin en Méditerranée marocaine. Au préalable, une étude économique a été réalisée afin d’évaluer les effets négatifs qui résultent de cette interaction.

Pour cela, nous avons procédé en première étape à l’évaluation de l’intensité de ce phénomène, à l’identification et au calcul des niveaux des différents types de pertes, et à l’estimation des répercussions financières sur les différents acteurs au niveau du secteur de la pêche sardinière. Après, nous avons effectué une évaluation technique et économique de l’utilisation d’un appareil acoustique répulsif des dauphins, dit « Tube Dauphin ».

Les principaux résultats obtenus, montrent que la totalité des senneurs actifs au niveau de la bande côtière de la Méditerranée marocaine, est touché par ce problème. La fréquence moyenne des sorties de pêche attaquées durant l’année 2002 est de l’ordre de 16 % ; elle augmente, d’une part au fur et à mesure que l’on se dirige vers l’Ouest de la zone d’étude, et d’autre part durant la période hivernale.

Différents types de pertes et dégâts résultent de cette interaction. Ils se résument en la perte partielle de la capture, en la réduction de l’activité de pêche et en l’endommagement des filets. Les pertes globales en Valeur Ajoutée sont estimées à près de 23 millions de Dirhams ; elles se répercutent négativement sur les revenus et recettes des armateurs, des pêcheurs et des organismes de gestion et de service, avec des réductions qui peuvent arriver à 36%.

L’utilisation du dispositif acoustique pour limiter ce problème, a donné des résultats encourageants, avec une réduction moyenne des attaques, de près de 21%. Toutefois, nous avons enregistré une chute rapide de l’efficacité de l’appareil répulsif, après les deux premiers mois de sa mise en expérimentation, ce qui laisse envisager une adaptation du mammifère à la répulsion acoustique.

Mots clé : Interaction – Grand Dauphin – Pêche sardinière – senne tournante – Méditerranée marocaine – pertes économiques – répulsion acoustique.

SOMMAIRE

I. INTRODUCTION

1

II. APERÇU GÉNÉRAL SUR L’IMPACT DES CÉTACÉS SUR LA PÊCHE EN MÉDITERRANÉE

3

1. Historique 32. Effets négatifs de l’interaction sur les pêcheries 33. Importance de préservation des cétacés 44. Techniques utilisées pour limiter l’interaction 45. Cas du Maroc

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III. LA PÊCHE À LA SENNE COULISSANTE EN MÉDITERRANÉE MAROCAINE

6

1. Caractéristiques de la flottille de pêche 62. Engin utilisé 73. Captures réalisées

7

IV. MÉTHODOLOGIE

9

1. Collecte des données 92. Evaluation économique de l’impact négatif des mammifères marins sur la pêche à la senne coulissante 10 2.1. Evaluation des fréquences des attaques 10 2.2. Identification et évaluation des pertes et dégâts 11 2.3. Répercussion du phénomène sur les niveaux financiers et économiques 123. Evaluation technique et économique de l’utilisation du «Tube Dauphin» 13 3.1. Description de l’appareil et du mode de son fonctionnement 14 3.2. Evaluation technique de l’utilisation du Tube Dauphin 14 3.3. Justification économique de l’utilisation du tube répulsif des dauphins

15

V. RESULTATS ET DISCUSSION

17

1. Activité des sardiniers durant la période d’étude 17 1.1. Zone de pêche 17 1.2. Effort de pêche 18 1.3. Captures réalisées 202. Intensité de l’interaction entre la pêche sardinière et le dauphin en Méditerranée marocaine 213. Types de pertes et dégâts 234. Acteurs subissant les effets de l’interaction 26

4.1. Armateurs 26 4.2. Membres de l’équipage 26 4.3. Institutions de gestion, de services, de prestations sociales et d’assurance 265. Evaluation économique de l’effet de l’interaction sur l’activité sardinière 28 5.1. Niveau des pertes et dégâts 29 5.2. Répercussions économiques sur la pêche sardinière 31 5.2.1. Revenus des acteurs dans la situation actuelle 31 5.2.2. Revenus des acteurs dans l’hypothèse d’inexistence des attaques 32 5.2.3. Répercussion sur les revenus des acteurs de la pêche sardinière 336. Résultats de la mise en expérimentation du «Tube Dauphin» 35 6.1. Efficacité technique 35 6.2. Evaluation économique de l’utilisation du « Tube Dauphin »

36

VI. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

38

RÉFÉRENCES BILBLIOGRAPHIQUES ANNEXES

1

I. INTRODUCTION

La pêche aux petits pélagiques constitue l’une des principales activités littorales en Méditerranée marocaine. Elle emploi directement plus de 4000 pêcheurs, et réalise près de 48% du chiffre d’affaire de l’activité de pêche côtière au niveau de la même région, soit une moyenne annuelle d’environs 100 millions de Dirhams1, avec une tendance stable au cours de la période allant de 1992 à 2001 (MPM, 2001).

Durant les années 80, ce sous secteur avait commencé à subir les effets négatifs des attaques de certains mammifères marins sur les filets des sennes coulissantes, au moment de l’encerclement des bancs de poissons. Ce problème se traduit par des dégâts et des pertes dus principalement à la détérioration de l’engin de pêche et à la perte partielle des captures.

La fréquence de ces attaques n’a cessé alors d’augmenter au cours des dernières années, ce qui pousse actuellement les professionnels de ce sous secteur, à se plaindre auprès des gestionnaires du secteur de pêche, afin de limiter les dégâts que leur cause le mammifère, identifié récemment comme étant le Grand Dauphin (Tursiops truncatus). (Abid et al, 2002)

Par ailleurs, les répercussions économiques de ce problème, ne s’arrêtent pas à ce niveau de la filière ; la perte partielle de la capture, et par conséquent la baisse du volume débarqué par les sardiniers, cause en considération des prix stables au débarquement, la baisse de la marge commerciale des mareyeurs, des usines de transformation et de conditionnement, et des autres intervenants de la filière.

Mais dans la réalité, les prix sont influencés par la loi de l’offre et de la demande, et les pertes dues à la baisse des quantités produites, peuvent êtres compensées par une augmentation des prix du produit. Cette relation offre-prix, reste difficile à cerner du fait que les prix dépendent entre autres, de l’offre au niveau des autres ports, de la nature des captures (sardine, bogue, chinchard et autres), et de l’heure de vente.

Pour remédier à ce problème, les gestionnaires ont besoin d’informations suffisantes sur les effets négatifs de ce phénomène sur la pêcherie en question. Ils devront agir dans le cadre du respect des conventions régionales et internationales de conservation des cétacés ; le Maroc, étant un pays qui a ratifié certaines de ces conventions, s’engage alors à éviter tout comportement qui risque de nuire à ces mammifères.

1 Dirhams (Dhs) ≈ 0,09 Euros

2

Dans ce sens, la présente étude porte dans une première étape sur l’évaluation économique de l’impact négatif des mammifères marins sur la pêcherie en question. Cette évaluation va se limiter au « niveau de production » de la filière d’exploitation des petits pélagiques, situé entre la pêche du poisson et la vente des débarquements. Elle portera sur :

- L’évaluation du niveau du phénomène d’attaque du Grand Dauphin sur les filets de pêche.

- L’identification et l’estimation des pertes et dégâts causés à la pêche aux petits pélagiques par le mammifère.

- Et l’évaluation des répercussions de ces pertes et dégâts sur les niveaux financiers et économiques.

Dans une deuxième étape, le travail va cerner l’évaluation technique et économique de la mise en expérimentation d’un appareil acoustique dit «Tube Dauphin», conçu pour éloigner les dauphins des filets, lors des opérations de pêche.

3

II. APERÇU GÉNÉRAL SUR L’IMPACT DES CÉTACÉS SUR LA PÊCHE EN MÉDITERRANÉE

1. Historique

Les interactions entre les cétacés et les pêcheries dans la mer Méditerranée, seraient apparues depuis que l’Homme a introduit les filets dans ces techniques de pêche. Elles étaient au début bénéfiques pour les deux, mais avec le développement de la pêche les choses ont changé ; en 1587, les effets du dauphin sur les pêcheries ont commencé à être considérés comme nuisibles. (Bearzi, 2002)

Au dix-huitième siècle, les pêcheurs avaient essayé d’éloigner le dauphin de leurs filets de pêche. Pour cela, ils ont procédé à plusieurs méthodes, à savoir la génération de sons bruyants, et l’utilisation de la dynamite, des armes et de nouvelles techniques de pêche (Smith, 1995).

Dans certaines régions de la Méditerranée, l’élimination du dauphin fut la première tentative pour résoudre le problème des pêcheurs. Cette stratégie a été encouragée par certains pays durant le siècle passé, ce qui a entraîné la mort de centaines de dauphins annuellement. (Holcer, 1994).

Selon Würsig et Galey (2001), l’ampleur qu’a prise l’interaction entre les mammifères marins et les filets de pêche, pourrait être en grande partie, causée par l’Homme qui est responsable de la réduction de la nourriture marine, envers laquelle existe actuellement une compétition entre lui et ces mammifères. Mais, une étude menée au nord-ouest de la Sardaigne, a révélé que cette limitation de la nourriture n’est pas certainement la cause de ce problème (Lauriano et al, 2001).

2. Effets négatifs de l’interaction sur les pêcheries

Actuellement, les effets nuisibles des Cétacés sur les pêcheries, se rencontrent dans la majorité des pays Méditerranéens, depuis le Détroit de Gibraltar jusqu’en Grèce, (Bearzi, 2002). Ces mammifères sont en conflit, principalement avec les pêcheries côtières utilisant le trémail, le filet maillant de fond et le chalut, et occasionnellement avec les petits senneurs. (Reeves et al, 2001).

Les mammifères qui présentent beaucoup d’impacts négatifs sur les pêcheries de la Méditerranée sont le Grand Dauphin (Tursiops truncatus) et le Dauphin Commun (Delphinus delphis), puisqu’ils sont les plus abondants sur les côtes méditerranéennes (Notarbartolo di Sciara et Demma, 1994). Selon Bearzi (2002), l’interaction de ces mammifères avec la pêche côtière peut affecter la situation financière des pêcheurs, à travers (Bearzi, 2002):

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• des dommages sur les engins de pêche ou leur perte,

• la réduction de la capture,

• la réduction de la taille et de la qualité des captures,

• et les pertes de temps et d’argent.

Cette interaction ne se limite pas seulement à la pêche, mais s’étend aussi à l’activité aquacole ; si ce n’est pas encore le cas au niveau de la Méditerranée, au Golfe du Maine (Amérique du Nord) cette interaction cause des pertes de l’ordre de 50 M$/an (Würsig et Galey, 2001).

3. Importance de la préservation des cétacés

Même s’ils causent dans certains cas des effets négatifs sur l’activité de pêche, les cétacés présentent aussi des effets bénéfiques pour l’Homme, puisqu’ils constituent une partie intégrante de l’écosystème marin, certaines espèces d’entre eux peuvent participer aux opérations de pêche en augmentant les chances de réaliser de bonnes captures (Pryor et al, 1990), et ils induisent une attraction touristique à l’échelle régionale ce qui crée un avantage économique ayant un impact positif sur la pêche, Vu l’importance que présente les cétacés et la nécessité de les protéger, le Maroc et la majorité des pays de la Méditerranée, ont signé plusieurs accords internationaux pour la conservation de ces mammifères, notamment l’Accord sur la Conservation des Cétacés de la Mer Noire, de la Méditerranée et de la Zone Atlantique Adjacente (ACCOBAMS).

4. Techniques utilisées pour limiter l’interaction

Dans le cadre de la conservation des populations de dauphins, et à fin d’éviter toute action qui risque de leur nuire, plusieurs méthodes ont été essayées pour limiter l’interaction, principalement les techniques de dissuasion et de tracassement, l’utilisation de nourritures répugnantes et dégoûtantes, le transfert des dauphins vers des régions éloignées, et le dressement de barrières physiques autours des cages d’élevage (Würsig et Galey, 2001).

Les techniques de tracassement et de dissuasion sont les plus utilisées, les plus récentes et sophistiquées d’entre elles sont celles basées sur la génération de sons sous-marins semblables à ceux de l’épaulard (Orcinus orca), et l’utilisation de vibreurs et émetteurs « Pingers » d’ondes acoustiques perturbatrices de la perception des objets sous-marins par les dauphins (Rindy, 2001). Un essai d’utilisation de l’acoustique réalisé à Paros en Grèce durant une période de deux mois, a permis de réduire les dommages de près de 76% (Northridge et al, 2003 ). Toutefois, certaines expériences ont montré que l’utilisation de ces techniques dépend de l’espèce prédatrice, et même quand le mammifère en cause est chassé, il retourne et s’y adapte malgré l’évidence de l’effet indésirable que les sons acoustiques générées ont sur cet animal ; par la suite, le dauphin conçoit que là où il y a des ondes déformées, il y a de la nourriture (Würsig et Galey, 2001).

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D’autres techniques de dissuasion et de tracassement ont été testées, mais elles ont aussi voué à l’échec ; Ce sont l’utilisation des pétards et des bateaux à grande vitesse aux alentours des engins de pêche (Würsig et Galey, 2001).

La méthode de préparation des proies dégoûtantes et répugnantes a été aussi testée, mais elle ne montre pas toujours de l’efficacité, puisque le dauphin est très qualifié dans la distinction des proies ; cette méthode peut être utilisée quand il y a un grand nombre de dauphins dans la région de conflit (Würsig et Galey, 2001).

Le déplacement des dauphins vers des régions éloignées des zones de pêche et des fermes aquacoles, est une possibilité, mais qui coûte chère. Cette méthode ne peut donc être utilisée que lorsqu’il y a un nombre réduit de dauphins, avec le risque de retour de l’animal à la zone d’où il a été déplacé (Würsig et Galey, 2001).

Dans la situation actuelle, les techniques de tracassement, notamment l’utilisation d’ondes acoustiques, restent les possibilités les plus envisagées si elles sont convenablement utilisées, afin d’éviter de porter atteinte aux mammifères marins et le non-respect des conventions sur leur conservation.

5. Cas du Maroc

Comme la plus part des pays méditerranéens, le Maroc connaît aussi le problème d’interaction entre les cétacés et les pêcheries utilisant les filets.

L’activité de pêche à la senne coulissante est la plus touchée par cette interaction ; les professionnels de ce sous-secteur déclarent que les attaques des mammifères marins sur leurs filets de pêche existaient bien avant les années 80, mais, au cours des dernières années le problème s’est accentué et il est devenu de plus en plus pesant sur leur situation financière.

Les pêcheurs considèrent que le Grand Dauphin (Tursiops truncatus) serait le seul animal qui attaque leurs filets de pêche (Abid et al, 2002). Des embarquements réalisés à bords de sardiniers par une équipe de chercheurs du Centre Régional de l’Institut National de Recherche Halieutique, n’ont révélé que des attaques faites par la même espèce Tursiops truncatus (Abid et al, 2002).

Les techniques utilisées par les pêcheurs pour réduire l’interaction, restent inefficaces. Elles se limitent au jet de pierres, au tapage sur la coque du senneur et des barques accompagnatrices, et au tracassement par la barque à lumière « Lamparos ». Parfois, quand ils sont présents dans les zones de pêche aux petits pélagiques, les barques exerçant les métiers à hameçon aident les senneurs dans le tracassement des dauphins, en contre partie d’une quantité de capture qui leur servira comme appât.

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III. LA PÊCHE AUX PETITS PÉLAGIQUES EN MÉDITERRANÉE MAROCAINE

1. Caractéristiques de la flottille de pêche

Les senneurs actifs le long de la Méditerranée marocaine sont au nombre de 146. Ils sont rattachés au niveau de sept ports dont les principaux sont ceux de Nador, Al Hoceima, M’Diq et Tanger (Figure 1). Ces unités de pêche réalisent leurs opérations dans la bande côtière méditerranéenne à des profondeurs qui, généralement ne dépassent pas 100 mètres. Une partie de cette flottille migre parfois vers les ports de l’océan Atlantique quand elle juge que les captures y sont plus intéressantes que celles réalisées en Méditerranée.

Figure 1 : Carte de situation des ports de pêche aux petits pélagiques en Méditerranée marocaine

Ces unités ont en moyenne une puissance de 247 Cv, un Tonnage de jauge brute de 36 Tjb et une longueur de 17 m. Ces caractéristiques varient d’un port à l’autre comme le montre le tableau 1 où l’on remarque que les senneurs d’Al Hoceima ont les capacités moyennes les plus élevées (Tableau 1). La taille de l’équipage varie entre 9 et 40 membres par bateau en fonction du tonnage de jauge brute de ce dernier. (Roullot et al, 1984)

N

EW

S

35° 35°

36° 36°

30 0 30 60 Kilometers

MÉDITERRANÉE

Détroit de Gibraltar

NadorAl HoceimaCala Iris

Jebha

M’DiqTanger

Ceuta

Saïdia

RasKebdana•

•••

MAROC

ESPAGNE

• Ports de pêche à la senne coulissante

7

Tableau1: Caractéristiques des senneurs par port de pêche en Méditerranée marocaine

Ports Tonnage jauge brute Puissance en Cv Nombre de sardiniers

Al Hoceima 59 370 28

Nador/Ras Kebdana 42 310 35

M'Diq 30 185 43

Tanger 33 230 28

Méditerranée 36 247 146

(Source : MPM, 2002)

Un autre type de flottille pratique aussi la pêche à la senne coulissante quant elle devient intéressante, mais leur niveau d’activité en tant que senneur reste relativement faible. Ce sont les palangriers-sardiniers, au nombre de 42 unités opérationnelles le long de la Méditerranée marocaine.

2. Engin utilisé

L’engin de pêche utilisé par la flottille est la senne coulissante, composée de filets d’un maillage de 9 et/ou 11 millimètres de côté. Selon le tonnage de jauge brute du bateau et/ou la profondeur de la zone de pêche, les dimensions de l’engin diffèrent. Généralement, sa longueur varie entre 300 m et 650 m, et sa largeur entre 50 m et 160 m. D’après Roullot (1984), la chute théorique au travail pour cet engin se situe entre 32 m et 70 m.

Les opérations de pêche se font dans la plus part des cas durant la nuit, en opérant avec le sondeur pour détecter le banc de poisson, la barque à lumières pour regrouper le banc, et une barque à rames pour aider à maintenir la forme adéquate de la senne lors de l’opération de pêche.

3. Captures réalisées

La capture est composée principalement de sardine avec plus de 68 % de l’ensemble des prises, d’où l’appellation des bateaux exerçant le métier par « sardiniers ». Le reste de la capture est composé en majorité de bogue, du maquereau, et du chinchard.

Le volume moyen annuel de petits pélagiques débarqués durant la période 1992-2001 -sans tenir compte des débarquements de la flottille rattachée au port de Tanger- est de l’ordre de 22800 tonnes avec un coefficient de variation de 0,21. Pour le port de Tanger, presque la totalité des captures qui y est débarquées, est réalisée au niveau des zones de pêche de l’Atlantique.

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La figure 2 illustre l’évolution durant cette même période, du niveau des débarquements des petits pélagiques au niveau des ports de la Méditerranée (Port de Tanger non inclus). L’allure de cette évolution montre une remarquable tendance à la baisse des captures de la sardine et des petits pélagiques de manière générale.

Figure 2 : Evolution de la capture des petits pélagiques dans la Méditerranée marocaine durant la période 1992-2001 (Source : MPM)

Tonnes

05000

100001500020000250003000035000

92 93 94 95 96 97 98 99 00 01(Année)Petits pélagiques Sardine

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IV. MÉTHODOLOGIE

1. Collecte des données

La collecte des données a débuté en mars 2002 pour une durée de 10 mois. Elle a couvert les principaux ports de pêche situés dans la zone comprise entre Tanger et Saïdia.

Les premières sorties sur le terrain ont révélé que les attaques du Grand Dauphin sur les filets de la senne coulissante en Méditerranée marocaine, se limitent à la zone située entre les villes de Ceuta et Saïdia. De plus, les sardiniers rattachés au port de Tanger opèrent très rarement au niveau de cette zone, ce qui les a écartés de la population étudiée, puisqu’ils ne sont donc pas touchés par le phénomène d’interaction.

De même pour les unités de pêche mixtes (sardiniers-palangriers) ; elles n’ont pas été prises en considération lors de la collecte des données, puisque l’effort de pêche qu’elles réalisent en tant que sardinier, est relativement très faible. Toutefois, pour les calculs d’ordre local ou régional, leur effort de pêche aux petits pélagiques a été pris en compte.

Par conséquent, sur les 118 sardiniers rattachés à la zone d’interaction, 50 bateaux ont été choisis au niveau des ports les plus actifs, pour recueillir les informations nécessaires à la réalisation de cette étude. Le choix des effectifs échantillonnés a été basé plus sur le critère de collaboration des professionnels du secteur, que sur la taille de la flottille par port et par catégories de sardiniers ; Le tableau 2 montre le détail des échantillons choisis.

Tableau 2 : Tailles des échantillons de sardiniers par classe de Tjb

Tailles des échantillons par classe de Tjb Ports Effectif total des

sardiniers 0 – 45 Tjb + de 45 Tjb

Nador/Ras Kebdana 35 9 21

Al Hoceima 28 2 6

M’Diq 43 7 5

Cala Iris 6 0 0

Jebha 6 0 0

Total 118 18 32

Les données nécessaires pour mener à bien cette étude sont de plusieurs types, et sont collectées auprès de la profession (armateurs, patrons et pêcheurs), des Délégations des Pêches Maritimes (DPM), et des Délégations de l’Office National des Pêches (ONP). Le tableau 3 porte le type de ces données et leurs sources.

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Tableau 3 : Types et source des données collectées

Type de données Sources Périodes de collecteCaractéristiques de la flottille sardinière DPM mars 2002

Structures et niveaux des charges de production Profession

Effort de pêche et captures ONP+Profession

Nombre d’attaques des dauphins sur les filets de pêche

Nature et niveaux des pertes et dégâts occasionnés par le mammifère

Résultats techniques de l’utilisation du « Tube Dauphin »

Profession+Embarquement de l’équipe des chercheurs à bord des sardiniers

mars-décembre 2002

La collecte des données auprès des armateurs et patrons de pêche, a été effectuée selon le calendrier représenté par le tableau 4, moyennant des questionnaires testés sur le terrain à la fin du mois de mars 2002. Des embarquements à bord de sardiniers durant les mois de mars et octobre, pour un total de 45 jours, ont été réalisés au niveau des ports d’étude par 3 chercheurs, afin de vérifier les informations fournies par la profession et suivre de près le phénomène d’interaction.

Tableau 4 : Calendrier des enquêtes réalisées pour la collecte des données

Port mars avril mai juin Juil. août sept oct. Nov. déc.

Al Hoceima ++ + + + + +

M’diq ++ + + ++ +

Nador/Ras Kebdana ++ + + + + + + + + + ++ : embarquement. + : collecte des donnés par interview.

2. Evaluation économique de l’impact négatif des mammifères marins sur la pêche à la senne coulissante

2.1. Evaluation des fréquences des attaques

L’intensité de ce phénomène sera évaluée sur la base de la fréquence des sorties de pêche, qui ont fait l'objets d'attaques du Grand Dauphin, relativement à l'effort de pêche réalisé (nombre total de sortie de pêche).

Cette fréquence sera établie à l'échelle de chaque port pour permettre d'évaluer le niveau du phénomène à l'échelle spatiale. Alors qu'à l'échelle temporelle nous allons estimer la

11

fréquence moyenne mensuelle afin de suivre l'évolution du phénomène d’attaque au cours de l'année.

La formule de calcule est la suivante:

( ) 100/ ,,, ×= ipipip SPtSPattFréq

Fréqp,i : fréquence des attaques du Grand Dauphin au niveau du port p durant le mois i. SPatt : sorties de pêche attaquées par le Grand Dauphin. SPt : sorties de pêche totales réalisées.

2.2. Identification et évaluation des pertes et dégâts

Les attaques du Grand Dauphin sur le poisson encerclé par la senne coulissante, se traduisent par des déchirures sur les filets de pêche, ce qui génère la perte partielle de la capture encerclée et des charges supplémentaires pour la réparation des filets endommagés. Dès lors, l’activité des pêcheurs et leurs méthodes et techniques de travail, seront certainement entravées par ce phénomène, ce qui se traduira nécessairement par des frais en plus et des gains en moins. Ces pertes et dégâts seront identifiés d’une part à travers des interviews avec les patrons de pêche et les armateurs, et d’autre part à l’issu des embarquements à bord des sardiniers pour suivre de plus près comment se présente le phénomène.

Une fois identifiées, ces pertes économiques seront établies par bateau et par sortie attaquée, pour permettre après, leur calcul à l’échelle des ports et de toute la zone d’étude. Elles seront estimées dans la considération que les prix des captures ne sont pas influencés par la variation du volume en poids débarqué.

Les principaux types de pertes et dégât ressortis, comme l’on va voir en détail dans la partie «Résultats» de ce document, seront évalués comme suit :

- Les pertes dues à la fuite partielle de la capture encerclée par la senne coulissante (PPCE) :

( attaattaattan OPBOPBOPPCE ×−= ).

PBOn.atta : produit brut moyen par opération non attaquée, PBOatta : produit brut moyen par opération attaquée, Oatta : nombre d’opérations attaquées.

- Les pertes issues de l’annulation des opérations de pêche (PAOP):

attanannu PBOOPAOP .×=

PBOn.atta : produit brut moyen par opération non attaquée, Oannu : nombre d’opérations de pêche annulées suite au problème d’interaction.

12

- Les pertes issues de l’annulation des sorties de pêche (PASP) :

attanannu MBSSPPASP .×=

MBSn.atta : marge brute moyenne par sortie de pêche non attaquée, SPannu : nombre de sorties de pêche annulées suite au problème d’interaction.

- Les frais additifs de la réparation des filets endommagés (FRF) :

iattan

iFRFSFRF ⋅=∑= 1

iattaFRFS ⋅ : frais de réparation des filets par sortie attaquée i, n : nombre de sorties attaquées.

- Les dégâts annuels issus de l’augmentation des charges d’amortissement des filets suite à la réduction de leur durée de vie (FAF) :

)/1/1( .. attasattaa DVDVPPANPAFAF −××=

NPA : nombre de pièces de filet touchées par les attaques, PPA : prix de renouvellement d’une pièce de filet, DVa.atta : durée de vie en années d’une pièce de filet avec les attaques, DVs.atta : durée de vie en années d’une pièce de filet sans les attaques.

2.3. Répercussion du phénomène sur les niveaux financiers et économiques

Sur le plan financier, les pertes et dégâts engendrés par le phénomène d’interaction, se répercutent négativement sur les acteurs de la pêche sardinière, qui se voient leurs revenus baissés.

Le niveau de baisse des revenus sera calculé pour chaque type d’acteur, après avoir déterminer les parts de pertes et de dégâts supportés par chacun d’entre eux, afin de refléter les répercussions sur leurs situations financières. La formule de calcule utilisée pour se faire est la suivante :

100/)( ×−= RIARSARIARR

RR : réduction des revenus ou recettes en pourcentage, RIA : revenus dans l’hypothèse d’inexistences des attaques, RSA : revenus dans la situation actuelle correspondante à celle avec existence des attaques.

L’estimation des revenus dans l’hypothèse d’inexistence du phénomène d’interaction, sera établie en considérant les opérations de pêche ayant subit les attaques comme étant normales

13

et saines. De ce fait, les indicateurs nécessaires pour établir les revenus, seront calculés en annulant les frais de réparation et d’amortissement des filets dus aux attaques, et en extrapolant les données des seules sorties de pêche n’ayant pas subit d’attaques, sur le nombre total des sorties que les sardiniers auraient pu réaliser en cas d’absence de l’interaction.

Les indicateurs à calculer sont d’ordre économique, social et technique ; ce sont :

- L’effort de pêche, qui correspond au nombre de sorties de pêche des senneurs et des bateaux mixtes quant ils ciblent les petits pélagiques ; il sera calculé pour chaque mois et chaque port.

- La taille et la composition de l’équipage à bord des sardiniers. - La part des recettes allouée à chaque type d’acteur (armateur, patron de pêche et

matelots) après déduction des charges communes. - Les charges communes par sortie de pêche : ce sont des charges variables liées aux

frais du carburant, du lubrifiant, de la glace, des taxes au débarquement, etc. Ces charges sont supportées par le propriétaire et les membres de l’équipage.

- Les charges fixes : elles comprennent, en plus des taxes et assurances, les frais d’amortissement et d’entretien des unités flottantes (sardinier et barques accompagnatrices), des engins de pêche, du moteur et des appareils qui équipent le sardinier ; ces charges sont supportées par le propriétaire tout seul.

- Et la valeur des captures par sortie de pêche.

Sur le plan économique, le meilleur indicateur pour évaluer l’impact de cette interaction, est la Valeur Ajoutée. Ce dernier exprime les richesses globales produites par l’activité de pêche, puisqu’il englobe, en plus des revenus des acteurs de l’activité de pêche sardinière, les taxes, assurances et frais financiers payés par ces derniers.

Cet indicateur sera établi à l’échelle de chaque port pris dans l’étude, et à l’échelle de toute la zone comprise entre Ceuta et Saïdia. Pour cela, l’extrapolation des pertes globales en Valeur Ajoutée, sera effectuée sur la base de l’effort de pêche réalisé à chaque niveau, après établissement de la valeur ajoutée moyenne perdue par sortie de pêche.

3. Evaluation technique et économique de l’utilisation du «Tube Dauphin»

Le «Tube Dauphin» est le fruit d’une coopération tuniso-japonaise en matière de pêche. Il a été mis au point en 1993 pour réduire les interactions entre le «Grand Dauphin» et les pêcheurs, à travers la répulsion de ce mammifère loin des filets au moment des opérations de pêche. Les résultats obtenus de l’utilisation de ce dispositif ont été très encourageants et approuvés par la profession tunisienne. (BENNACEUR, 1994)

14

3.1. Description de l’appareil et du mode de son fonctionnement

Ce dispositif se présente sous forme d’un tube en acier d’une longueur de 2,5 mètres et d’un diamètre de 4,3 cm, qui se termine à l’un de ces bouts par une tôle conique en fer, et à l’autre bout par une vis à tête ronde. A son intérieur, il est totalement rempli par une eau bouillante et salée, avant d’être fermer moyennant une soudure en argon. La figure 3 illustre les différentes parties qui composent cet appareil.

Figure 3 : Caractéristiques et composantes du Tube Dauphin

Une fois le dispositif est attelé sur la barque à lumières, et la tôle conique est immergée dans l’eau de mer à une profondeur d’environ 30 cm, l’engin est mis en fonction mécaniquement à travers le tapage au niveau de la vis à tête ronde, avec un marteau d’un poids de 1,5Kg.

Le tapage se fait d’une certaine cadence en variant la fréquence et la force de frappe, ce qui permet l’émission d’ondes acoustiques qui -selon Mr. BENNACEUR de l’INSTM/Tunisie- couvrent la gamme d’ondes d’écholocation et de communication du Grand Dauphin, et perturbent donc la perception de ce mammifère envers l’environnement qui l’entoure. La fréquence de ces ondes peut atteindre 300 KHz, avec une portée de 1000 mètres à la ronde.

3.2. Evaluation technique de l’utilisation du Tube Dauphin

Chacun des 50 senneurs qui ont été choisis dans l’échantillon, a bénéficié d’un Tube Dauphin. Des séances de formation et d’assistance des patrons des barques à lumières, sur le mode d’utilisation de l’engin, ont été réalisées au début et au cours de l’étude.

1. Tube : Dia. 43mm, 2. Vis à tête ronde, Zone d’impact : Dia. 50mm, 3. Bouchon d’étanchéité : Dia. 50mm, 4. Tôle conique en fer, e=4mm. 5. Goupille d’arrêt : Dia. 10-30mm,

2,5 m

Tube Dauphin

15

Pour évaluer son efficacité, le dispositif répulsif n’a été utilisé qu’une fois le Grand Dauphin est détecté visuellement par les pêcheurs, près des filets ou en direction vers ces engins. L’efficacité (Effi) a été estimée en pourcentage de réussite à travers la formule suivante :

100/ ×= BAEffi

A : nombre de fois que le dauphin a fuit le lieu de pêche sans endommager les filets, après utilisation du dispositif,

B : nombre de fois que le dispositif a été utilisé, une fois le dauphin est détecté. Les données nécessaires ont été recueillies à travers l’observation visuelle des pêcheurs. Elles portent sur les conditions de détection du mammifère (en direction des filets, rodant près des filets, en s'éloignant des filets), le comportement de ce dernier après utilisation de l’appareil répulsif (fuite, fuite puis retour, pas de fuite, aucune idée) et sur l’état des filets après interaction. Il faut noter que plusieurs observations ont été éliminées, notamment celles où le dauphin est détecté en s’éloignant des filets, et où sa présence n’a été révélée qu’à travers les déchirures.

3.3. Justification économique de l’utilisation du tube répulsif des dauphins

La mise en expérimentation du tube répulsif du dauphin, a pour objectif de réduire l’impact négatif du Grand Dauphin sur la pêche aux petits pélagiques. Toutefois, son éventuelle réussite technique ne peut refléter automatiquement la justification de son utilisation, puisque cette dernière demande nécessairement des coûts.

De ce fait, il sera procédé à l’étude de la justification économique du tube répulsif, à travers l’utilisation du plus adéquat outil de gestion et de raisonnement de toute décision économique. Il s’agit du tableau du Budget Partiel qui porte les éléments favorables à l’introduction de la nouvelle technologie, et les éléments « contre ». (voir tableau 5 )

Tableau 5 : Budget partiel pour l’utilisation du tube répulsif Eléments « pour »

l’utilisation de l’engin Eléments « contre »

l’utilisation de l’engin Gains en plus ………… Pertes en moins ………… Solde créditeur

Gains en moins ………… Pertes en plus ………… Solde débiteur

Total Total

16

Au niveau de la colonne « élément pour », les gains en plus correspondent à la valeur des captures récupérées soit par la réalisation des opérations et sorties de pêche annulées auparavent sous l’effet du phénomène d’interaction, soit par le déroulement de la pêche dans des conditions saines. Les pertes en moins, quant à elle, correspondent à la suppression des frais de réparation des dommages causés aux engins de pêche.

Pour les « éléments contre » l’utilisation de l’engin répulsif, elles seront composées uniquement des charges supplémentaires correspondantes aux frais d’utilisation du tube, à savoir le coût d’achat et les frais de mise en fonction.

Une fois tous ces éléments seront introduit dans le tableau du budget partiel, les soldes obtenus nous révéleront la justification économique de l’engin à travers l’éventuel manque à gagner que ce dernier permet de récupérer.

17

V. RESULTATS ET DISCUSSION

1. Activité des sardiniers durant la période d’étude

Selon l’Office National des Pêches, les débarquements en petits pélagiques réalisés en 2002 au niveau de Nador, Ras Kebdana, Al Hoceima, M'Diq, Jebha et Cala Iris, ont atteint près de 18 300 tonnes pour un effort total de près de 21 000 sorties de pêche, avec une variation selon les ports et au cours de l’année.

Dans ce chapitre nous allons donner un aperçu global sur l'activité des sardiniers durant la période de l’étude au niveau des principaux ports, à travers la caractérisation de la zone de pêche, de l'effort de pêche et des débarquements réalisés.

1.1. Zone de pêche

Les senneurs de la Méditerranée marocaine opèrent dans les zones de 30 à 120 m de profondeur. Les données collectées auprès des patrons de pêche, ont permis de délimiter les zones d’activité des senneurs pour chaque port (Figure 4 ).

Figure 4 : Carte de délimitation spatiale des zones de pêche par port d’attache

300

150

200

350

75

50

100

40

600

30

20

10

100

100

30

150

400

4030

300

350

75

500

250

300

300

150

50

75

200

300

20

200

200

250

250

35° 35°

36° 36°

N

EW

S

30 0 30 60 Km

ESPAGNE

MÉDITERRANÉE

Détroit de Gibraltar

MAROC

M’Diq

Al Hoceima NadorRasKebdana

18

La zone d’activité des senneurs de M’Diq est la plus réduite, d’une part, à cause de la géomorphologie du plateau continental caractérisé par une forte chute de profondeur, et d’autres part, du fait de la faible puissance motrice de leurs moteurs (moyenne de 185 CV) relativement à celles des autres ports. Alors que les senneurs rattachés au port d’Al Hoceima, avec leur puissance motrice de 370 CV en moyenne, opèrent dans une zone plus vaste qui s’étend plus loin vers l’Est jusqu’à chevaucher avec celle des senneurs de Nador.

1.2. Effort de pêche

Les sorties de pêche réalisées, durent généralement entre 9 et 13 heures chacune ; Elles commencent juste avant le couché du soleil et se terminent généralement au levé du jour.

Au cours de ces sorties, les pêcheurs réalisent en moyenne 2 à 3 opérations de pêche dont chacune est étalée sur 3 étapes. La première est celle de recherche du banc de poisson en utilisant le sondeur ; elle commence dès que les bateaux sortent du port. La deuxième étape a pour objectif le regroupement du banc de poisson et le faire remonter à la surface en utilisant la barque à lumières ; Cette étape peut durer jusqu'à 1 h 30 min, et quand le banc est détecté avant la fin ou au début du jour, les pêcheurs ne pratiquent pas cette technique puisque son effet sur le regroupement du poisson s'annule. La dernière étape consiste à encercler le banc de poisson groupé, par la senne coulissante ; elle dure 45 à 60 minutes, depuis la mise à eau du filet dans la mer jusqu'à la mise complète à bord du bateau de l'engin de pêche et de la capture.

Au niveau de l'ensemble de la Méditerranée marocaine, l'effort mensuel moyen pendant l'année 2002 a été de l'ordre de 1750 sorties de pêche, avec des niveaux relativement élevés durant la période estivale où les conditions climatiques sont plus favorables pour la navigation. Le niveau le plus bas a été enregistré en février (près de 1000 sorties), certainement à cause des mauvaises conditions climatiques qu'aurait connu ce mois. (Figure 5)

Figure 5 : Evolution de l’effort de pêche total dans la Méditerranée marocaine au cours de l’année 2002 (Source : ONP)

Nombre de sorties

0

500

1000

1500

2000

2500

janv févr mars avr mai juin juil août sept oct nov déc

19

A l'échelle spatiale, la figure 6 montre que le port de M’Diq enregistre l'effort de pêche le plus important puisqu'il regroupe le plus grand nombre de sardiniers (43 unités), alors qu'au lieu que le port de Nador se trouve en deuxième place (35 sardiniers), on trouve celui d'Al Hoceima qui ne lui est rattaché2 que 28 senneurs.

Figure 6 : Evolution au cours de l’année 2002 de l’effort de pêche par port (Source : ONP)

Cette contradiction est expliquée en grande partie par la figure 7 qui révèle que le nombre de bateaux actifs au niveau de Nador durant certains mois, est inférieur de plus de 50% par rapport au nombre de sardiniers rattachés à ce même port. Alors qu'au niveau du port d'Al Hoceima on remarque le contraire, puisque le nombre de senneurs qui y ont effectué des débarquements, dépasse largement le nombre de senneurs qui lui sont rattachés.

Figure 7 : Activité mensuelle des senneurs par port (Source : ONP)

2Les bateaux rattachés à un port : signifie dans ce document les bateaux ayant payé leurs licences de pêche au niveau de ce port

0100200300400500600700800900

1000

janv févr mars avr mai juin juil août sept oct nov déc

Nombre de sorties

Al Hoceima M'Diq Nador

10

20

30

40

50

janv févr mars avr mai juin juil août sept oct nov déc

Nombre d'unités

Bateaux actifs (Al Hoceima) Bateaux rattachés (Al Hoceima)Bateaux actifs (M'Diq) Bateaux rattachés (M'Diq)Bateaux actifs (Nador) Bateaux rattachés (Nador)

20

Ces résultats sont dus en partie à la migration des senneurs de Nador, quand les prises en valeur deviennent faibles dans leur zone d'activité, vers le port d'Al Hoceima. Certains sardiniers de Nador, effectuent carrément des migrations vers les ports de l'Atlantique (principalement vers le port de Larache) quand l'activité de pêche y est jugée plus rentable.

1.3. Captures réalisées

Selon l’Office National des Pêches, les captures en petits pélagiques réalisées au cours de l'année 2002 sont estimées à près de 18 300 tonnes, avec une moyenne mensuelle de 1480 tonnes. Les débarquements les plus faibles ont été réalisés durant le mois de février (moins de 670 tonnes) suite à la réduction de l'effort de pêche. Ces captures sont constituées de petits pélagiques, et principalement de sardine qui représente 70% des débarquements totaux. Les 30% restantes sont composés en majeure partie de chinchard, de maquereaux et de bogue. (Figure 8)

Figure 8 : Evolution mensuelle des débarquements en petits pélagiques au niveau des ports de la Méditerranée marocaine (Source : ONP)

Cette composition varie d'un port à l'autre comme le montre la figure 9 ; En effet, si les débarquements réalisés au niveau de Nador et Al Hoceima sont constitués en grande partie par la sardine (plus de 70%), ceux réalisés à M'Diq sont plus diversifiés, avec 42% seulement de sardine, 23% de maquereau, 21% de chinchard et 13% de bogue.

0

500

1000

1500

2000

2500

jan fév mar avr mai juin juil août sept oct nov déc

Tonnes

Débarquement total Débarquement en sardine

21

Figure 9 : Composition des captures des sardiniers par port (Source : ONP)

2. Intensité de l’interaction entre la pêche sardinière et le dauphin en Méditerranée marocaine

Les résultats ont montré qu'au niveau de la Méditerranée marocaine, la fréquence moyenne des sorties de pêche attaquées par le Grand Dauphin, est de l'ordre de 16%. Elle varie significativement selon les zones de pêche et au cours de l'année. Parfois, une sortie de pêche peut faire l'objet de plusieurs attaques (1 à 2 attaques par sortie), sachant que les pêcheurs effectuent en moyenne 2 à 3 opérations de pêche durant la même sortie ; ce cas a été enregistré dans 18% des sorties attaquées.

Le port de M'Diq connaît la fréquence la plus élevée avec une moyenne de l'ordre de 19%, suivi en deuxième lieu par le port d'Al Hoceima avec près de 16%, alors que le port de Nador enregistre la fréquence la plus basse avec environ 9% (Figure 10). Ces résultats révèlent une augmentation de l'intensité du phénomène au fur et à mesure que l'on se dirige vers l'ouest des côtes marocaines de la Méditerranée.

0%

20%

40%

60%

80%

100%

M'Diq Al Hoceima Nador

sardine chinchard bogue maqueraux divers

22

%

916

19

0

5

10

15

20

M'Diq Al Hoceima Nador Ports

Figure 10 : Fréquence des attaques par port

A l'échelle temporelle, la figure 11 montre que la fréquence des attaques dans l'ensemble de la Méditerranée marocaine, varie énormément au cours des mois de l'année, avec une réduction importante de l'intensité durant la période estivale. En effet, durant les mois d'avril et mai, cette fréquence se situait aux alentours de 25%, puis elle a connu une chute très importante au mois de juin pour se maintenir en dessous de 12% jusqu'au mois d'octobre, ensuite nous avons enregistré une remonté de l'intensité qui a atteint une nouvelle fois les environ de 25%.

La variation relativement faible de l'effort de pêche mensuel durant la période d’étude (Coef.v.=0,19), et la corrélation très significative (0,99) entre la fréquence des attaques et le nombre d'attaques enregistrées (Figures 11 et 12), indiquent que l'intensité du phénomène est liée, non au niveau d'activité des sardiniers (effort de pêche), mais plutôt au comportement du mammifère, qui serait conditionné par l'environnement où il vit.

Figure 11 : Evolution des fréquences des attaques au cours de l'année

0

5

10

15

20

25

30

avr mai juin juil août sept oct nov déc

%

23

Figure 12 : Evolution du nombre de sorties attaquées au cours de l'année

Par ailleurs, plusieurs patrons et pêcheurs insistent sur le fait que la fréquence des attaques augmente lorsque les chalutiers sont très actifs près des zones de pêche des senneurs. Ils prétendent que les bruits des traits de chalut sur les fonds marins, attirent le Grand Dauphin vers les lieux de pêche.

3. Types de pertes et dégâts

Les investigations effectuées sur le terrain, ont révélé différents types de pertes et dégâts, occasionnés aux pêcheurs suite aux attaques du Grand Dauphin sur le banc de poisson encerclé par la senne coulissante.

Ces attaques se font au moment où le poisson se trouve groupé en masse contre une partie de la senne. Il en résulte des déchirures au niveau des parties du filet qui se trouvent prises entre les mâchoires de ce mammifère ; la majorité de ces déchirures se situe au niveau des dernières parties du filet soulevées de la mer, soit 100 à 200 mètres de longueur.

L’effet économique direct de ces attaques est la perte partielle de la capture encerclée, due à la fuite du poison à travers les déchirures occasionnées sur les filets. Ceci se traduit par une réduction du produit brut tout en engageant le même niveau de charges que celui nécessaire pour réaliser des opérations saines.

La réparation des déchirures nécessite des charges supplémentaires issues de l’emploi de ramendeurs le jour qui suit l’attaque. Dans certains cas, où les déchirures sont très importantes et les ramendeurs sont peu disponibles au niveau du port, les pêcheurs sont obligés d’immobiliser leurs filets endommagés de plus de 24 heures jusqu’à leur réparation totale. Dans ce cas, si ces pêcheurs disposent d’un autre filet (comme c’est souvent le cas à M’Diq), ils peuvent continuer leur activité les jours qui suivent, si non, soit ils travaillent avec le filet endommagé le jour d’avant sans qu’il soit entièrement réparé, ce qui entraîne la diminution du volume des captures, soit ils annulent les sorties de pêche afin de permettre la réparation complète de l’unique filet dont ils disposent.

0100200300400500600700

avr mai juin juil août sept oct nov déc

24

En plus, et vue qu’une sortie d’un sardinier à la mer, peut faire l’objet de plusieurs opérations de pêche (zéro à 4 opérations) , une attaque sévère du Grand Dauphin, qui survient lors des premières opérations, peut entraîner trois situations. La première se présente par le retour au port afin de changer la senne coulissante avant de ressortir une deuxième fois à la mer (cas de M’Diq) ; ce retour au port, engendre alors une perte de temps et du carburant. Dans la deuxième situation, le patron de pêche décide de ne pas retourner au port et préfère faire réparer le filet par les simples marins à bord du bateau ; ce cas impose au patron d’opérer avec un filet mal réparé, entraînant alors, en plus de la perte de temps, une capture relativement faible lors des opérations suivantes. Dans le dernier cas, le patron décide de retourner définitivement au port et annule les autres opérations possibles le même jour de pêche, ce qui se traduit par une réduction de la marge brute.

En outre, l’armateur se trouve contraint de remplacer précocement certain nombre de pièces du filet, soit parce que la senne perd la forme sous laquelle elle a été conçue, suite aux multiples réparations qu’elle a subit, soit parce que le coût de renouvellement de ces pièces est moins élevé que les frais de leur réparation. Ceci diminue la durée de vie de la senne coulissante ce qui se traduit par une augmentation des frais d’amortissement des engins de pêche.

Il arrive parfois que les patrons annulent des opérations de pêche dès qu’ils constatent que certains sardiniers opérant dans la même zone qu’eux, ont subit les attaques du Grand Dauphin. Là aussi, il y a une perte de la capture éventuelle des opérations annulées et perte du temps et du carburant suite à l’engagement de nouvelles recherches aux poissons dans des zones plus éloignées.

Un autre type de perte a été révélé par certains patrons des barques à lumière et patrons de pêche ; D’après leurs déclarations, il arrive que lors des opérations d’allumage des feux pour grouper le poisson et le faire remonter en surface, le dauphin pénètre au sein du banc et le fait disperser. Ceci entraîne l’annulation de l’opération de pêche, ce qui se traduit par la perte de la capture que les marins auraient pu réaliser. En résumé de ce chapitre, plusieurs types de pertes et dégâts résultant de l’interaction, ont été identifiés. Ils se résument, comme l’illustre la figure 13, en : - la perte partielle de la capture encerclée, - les charges supplémentaires de réparation des filets endommagés, - l’augmentation des frais d’amortissement des engins de pêche, - la perte du temps, - l’augmentation des frais de carburant, - la perte de la capture éventuelle des opérations annulées, - et une réduction des revenus, suite à l’annulation des sorties de pêche.

25

Figure 13 : Illustration des types de pertes et dégâts résultant des attaques du dauphin

sur les filets de pêche sardinière

Effets directs de la présence du dauphin dans les lieux de pêche

Conséquences sur l’activité de pêche

Répercussions économiques

Pas d’attaques du dauphin

Dispersion du banc de poisson groupé sous la

barque à lumières

Crainte du patron de pêche envers les

attaques du mammifère sur les filets

Annulation des opérations de

pêche

Déchirure des filets de pêche encerclant le

banc de poisson

Retour au port pour changer le

filet de pêche

Réparation des

filets

Perte de la capture

éventuelle des opérations annulées

Perte partielle de la capture

encerclée par le filet

Changement précoce des

filets

Perte de temps et augmentation

de la consommation du carburant

Augmentation des frais de

Réparation des filets

Augmentation des frais

d’amortissement des engins de pêche

Réduction du produit

brute

Recherche du poisson dans

des zones pluséloignées

Annulation des sorties de pêche

Réduction des

revenus

PPPrrréééssseeennnccceee ddduuu GGGrrraaannnddd DDDaaauuuppphhhiiinnn dddaaannnsss lllaaa zzzooonnneee dddeee pppêêêccchhheee

Opérations de pêche normales

26

4. Acteurs subissant les effets de l’interaction

Comme il a été mentionné dans la partie méthodologie, les répercussions économiques de l’interaction entre la pêche sardinière et le mammifère marin, seront estimées à l’échelle de production seulement. De ce fait, les acteurs pris en considération, sont ceux qui subissent directement les effets de l’interaction au niveau qui se limite entre l’opération de pêche et le débarquement au niveau du port ; ce sont les armateurs, les membres de l’équipage de pêche, et les institutions de gestion, de service et d’assurance intervenant à ce niveau. (voir schéma)

4.1. Armateurs

Ce sont les premiers touchés par ce phénomène d’interaction du fait qu’ils sont les propriétaires des bateaux et engins de pêche ; ils subissent tous les types de pertes et dégâts causés par le dauphin.

4.2. Membres de l’équipage

Le système de rémunération à la part, qui règne dans le secteur de pêche, implique les membres de l’équipage à partager avec l’armateur aussi bien les charges communes (charges opérationnelles), que les captures réalisées, selon des parts bien déterminées prises par consentement entre les deux parties.

Ainsi, les membres de l’équipage, à savoir les patrons de pêche, les matelots et les mécaniciens, subissent eux aussi tous les types de pertes et dégâts causés par le phénomène d’interaction, mis à part l’augmentation des frais d’amortissement de la senne tournante, puisque le renouvellement des engins de pêche est en totalité à la charge de l’armateur.

4.3. Institutions de gestion, de service, de prestations sociales et d’assurance

Parmi les conséquences qui résultent de l’interaction en question, on trouve la perte partielle de la capture encerclée par la senne tournante et l’annulation des opérations et sorties de pêche, ce qui se traduit par une réduction des débarquements réalisés par les unités de pêche concernées.

De ce fait, les institutions qui bénéficient du prélèvement d’un pourcentage sur les débarquements réalisés, connaissent alors, une réduction de leurs recettes. Ces organismes sont :

- l’ONP qui bénéficie des taxes de l’ONP, de la hale et d’enregistrement des prix, - l’ODEP qui bénéficie de la taxe dite de l’ODEP, - le Ministère des Finances, à travers l’Impôt Général sur les Revenus calculé sur la

base du chiffre d’affaire réalisé par les armateurs, - la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, à travers les cotisations sociales,

27

- les associations professionnelles qui fonctionnent par des prélèvements en fonction de la valeur des débarquements réalisés,

- et certaines compagnies d’assurance qui sont payées proportionnellement à la valeur des débarquements ; ce cas est rencontré principalement au niveau du port de M’Diq.

La figure 14 suivant donne un récapitulatif sur les acteurs qui subissent chacun des types de pertes ou dégâts issus du phénomène d’interaction.

Figure 14 : Pertes et dégâts subits par acteur dans la pêche à la senne coulissante

Interaction entre la pêche aux petits pélagique et le

Grand Dauphin

Membres de l’équipage des

sardiniers Armateurs

ONP-ODEP Ministère des Finances - CNSS

Organismes d’assurance Associations professionnelles

Réparation des filets endommagés et augmentation

des frais de carburant

Changement précoce du

filet

Perte partielle de la capture encerclée et annulation des

opérations et sorties de pêche

Répercussions de l’interaction

Acteurs subissant les pertes et dégâts

28

5. Evaluation économique de l’effet de l’interaction sur l’activité sardinière

Introduction

Le chapitre précédent a permis de ressortir plusieurs types de pertes et dégâts résultants des attaques du dauphin sur les filets de pêche. Mais, le niveau de certains d’entre eux n’ont pas pu être évalués, vu que la collecte des données nécessaires, présente beaucoup de difficultés et demande des moyens énormes ; ces pertes non évaluées sont celles dues :

- Premièrement, à la réparation des filets dans la mer à bords des sardiniers, pour éviter le retour au port et donc, l’interruption de la sortie de pêche en cours, ce qui cause la perte du temps et la fuite du poisson encerclé lors des opérations suivantes, à travers les déchirures mal cousues. Toutefois, ce problème reste limité, puisque les pêcheurs réparent la grande majorité des déchirures avant que les patrons ne finissent la recherche et le regroupement d’un nouveau banc de poisson.

- Deuxièmement, à la réalisation des sorties de pêche avec des filets mal réparés par manque de temps et de ramendeurs au niveau du port d’attache, ce qui présente les mêmes effets que dans le cas précédent.

- Troisièmement, au retour au port pour changer le filet endommagé, se traduisant par la perte du temps et du carburant ; ce cas est rencontré uniquement au niveau de M’Diq, dont les sardiniers opèrent tout près de leur port d’attache.

De ce fait, même si les calculs des niveaux des pertes seront sous-estimés, ils seront significatifs, du fait que les pertes et dégâts écartés lors de l’estimation restent très limités.

Ainsi, les répercussions économiques du phénomène d’interaction, seront évalués sur la base des pertes et dégâts causés par :

- la fuite partielle du poisson encerclé par la senne tournante à travers les déchirures, au moment de l’attaque du dauphin,

- l’annulation des opérations de pêches, - l’annulation des sorties de pêche, - la réparation des filets endommagés par le mammifère, - et l’augmentation des frais d’amortissement des filets de pêche.

Il faut noter par ailleurs, qu’une Analyse en Composantes Principales a été réalisée sur plusieurs variables liées au niveau des pertes, au revenu et à la capacité (Tjb et puissance motrice) des sardiniers échantillonnés. Toutefois, cette analyse n’a pas révélé de groupes distincts.

29

5.1. Niveau des pertes et dégâts

Pour l’ensemble de la méditerranée, la perte de la capture en poids résultant de l’interaction entre les senneurs et les dauphins, est estimée aux environs de 7%. Mais à l’échelle économique, les réductions des marges sont beaucoup plus importantes puisqu’en plus de la perte en valeur de la capture, on trouve aussi des frais supplémentaires qui sont dues à la réparation des filets endommagés et à la réduction de la durée de vie de ces engins.

Le niveau des pertes et dégâts économiques, varie d’un port à l’autre. En effet, pour un sardinier actif durant tout le mois au niveau du port où il est rattaché, les pertes mensuelles moyennes en valeur ajoutée, varient entre un minimum de 12 700 Dhs enregistré au niveau du port de Nador, et un maximum de 35 200 Dhs au port de M’Diq ; le port d’Al Hoceima se situe dans une position intermédiaire avec des pertes mensuelles estimées à près de 26 300 Dhs par sardinier. Cette variation entre les ports est due principalement à la variation des fréquences des attaques qui, plus elles augmentent, plus le niveau des pertes et dégâts est important.

En moyenne, chaque sortie attaquée entraîne des pertes de l’ordre de 6 900 Dhs, dont 57% issues de la fuite du poisson à travers les déchirures occasionnées lors de l’incident, 22% suite à la réduction de l’activité de pêche (à savoir l’annulation des sorties et opérations de pêche), et 21% dus à l’endommagement des filets de pêche (frais additif de réparation et d’amortissement des filets).

L’ampleur de chacun de ces types de pertes, varie d’un port à l’autre. En effet, la figure 15 montre que les pertes les plus élevées par sortie attaquée se rencontrent à Al Hoceima, avec plus de 7 700 Dhs, alors que celles de M’Diq et Nador, se situent aux environs de 6 500 Dhs ; cette différence est due principalement à l’écart entre les niveaux de perte partielle de la capture encerclée.

Par ailleurs, les pertes dues à l’annulation des opérations de pêche au niveau d’Al Hoceima sont très faibles, du fait que les annulations, faisant suite à la décision du patron qui voit que les sardiniers opérant à côté de lui ont subi des attaques, sont presque inexistantes ; ceci peut être expliqué par le fait que la zone d’activité des sardiniers d’Al Hoceima, est plus étendue que celles des autres ports, et donc les bateaux opèrent dans des lieux relativement éloignés les uns des autres.

L’annulation des sorties de pêche n’a été enregistrée qu’au niveau des ports de M’Diq et Al Hoceima, durant la fin de la période d’étude (novembre et décembre) ; elles étaient la conséquence d’attaques plus sévères sur les filets, et de l’insuffisance des ramendeurs au niveau des ports, induisant alors l’immobilisation des bateaux de plus de 36 heures. Les sorties annulées ont été très peu enregistrées, induisant une réduction de l’effort de pêche de 1% seulement, toutefois, quant elles ont lieu, elles occasionnent des pertes énormes

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Figure 15 : Structure des pertes par sortie attaquée

D’une manière globale, les pertes annuelles en valeur ajoutée du secteur de pêche sardinière en Méditerranée marocaine, suite à ce phénomène d’interaction, se chiffrent à près de 23 millions de Dhs pour environ 3400 sorties de pêche attaquées. Le tableau 6 montre que les pertes varient d’un port à l’autre suite à la variation du nombre d’attaques enregistrées. Le port de M’Diq connaît le niveau des pertes le plus élevé avec près de 10 MDhs pour l’ensemble de la flottille, vient par la suite le port d’Al Hoceima avec environ 7,5 MDhs, alors que le port de Nador enregistre les pertes les moins élevées qui se situent aux alentours de 1.8 MDhs, du fait des niveaux relativement faibles de l’effort de pêche et des fréquences des attaques. Tableau 6 : Niveau des pertes en valeur ajoutée par port et pour l’ensemble de la Méditerranée

Région Effort

annuel de pêche

Fréquence des sorties attaquées

Nombre de sorties attaquées

par an

Pertes moyennes par attaque (Dhs)

Pertes totales en millions de

Dhs

Al Hoceima 6 800 16 % 1 100 7 700 8,2

M'Diq 8 300 19 % 1 600 6 550 10,3

Nador 3 000 9 % 300 6 450 1,8

Méditerranée 20 800 16 % 3 400 6 950 23,3

Dhs

5 324

3 205 3 236

1 595 1 237

469599

1 192878

1 077115

890271

637

0

1 000

2 000

3 000

4 000

5 000

6 000

7 000

8 000

Al Hoceima M'Diq Nador

Frais additifs del'amortissement desfilets

Frais additifs deréparation des filets

Pertes suite àl'annulation des sortiesde pêche

Pertes suite àl'annulation desopérations de pêche

Pertes en valeur de lacapture encerclée

31

5.2. Répercussions sur les revenus des acteurs de la pêche sardinière

Les répercussions financières de l’interaction seront évaluées en comparant la situation actuelle avec celle où l’on suppose que les attaques sont inexistantes. Les acteurs qui subissent ce phénomène sont les armateurs, les membres de l’équipage (patrons, matelots, mécaniciens), l’Etat, les compagnies d’assurance, et les associations professionnelles.

Avant cela, il est utile de donner un aperçu sur le système de rémunération des membres de l’équipage au niveau des ports d’étude, pour comprendre comment ils subissent de leur coté les effets négatifs de l’interaction.

Cette rémunération se fait par partage du produit brut après déduction des charges communes. Les parts généralement consenties sont de 50% pour le propriétaire et 50% pour l’ensemble de l’équipage, sauf pour le port d’Al Hoceima où les parts sont de 40% pour l’armateur et 60% pour l’équipage.

Mais, dans certains cas, l’armateur se charge tout seul des charges communes, et partage les recettes avec l’équipage sur la base de 70 à 75% des débarquements en valeur après déduction des taxes de débarquement. Ce dernier cas est suivi par 91% des armateurs à Al Hoceima, et 20% à Nador, alors qu’au niveau de M’Diq, nous n’avons pas rencontré ce système de partage.

Une fois ils reçoivent leur part, les membres de l’équipage se la partagent entre eux avec des taux qui varient selon la tache occupée par chacun d’entre eux. Sur la base des taux appliqués nous avons retenu 3 catégories. Se sont le patron de pêche dont la part est toujours la plus élevée (2 à 3 parts parmi l’équipage, plus un même équivalent à la charge de l’armateur), le mécanicien qui en plus de sa part parmi l’équipage, perçoit un salaire fixe (2 parts parmi les membres de l’équipage, plus 800 Dhs par mois en moyenne à la charge de l’armateur), et les matelots dont les parts au sein de l’équipage restent très proches les unes des autres (une moyenne de 1,5 parts par matelot).

Par ailleurs, Il faut noter que les volumes des débarquements par sortie de pêche, enregistrés au niveau de l’ONP, représentaient parfois moins de 60% des captures déclarées par les professionnels. Nos observations sur le terrain ont révélé que les déclarations des pêcheurs étaient les plus proches de la réalité, ce qui nous a incités à les maintenir dans notre étude.

5.2.1. Revenus des acteurs dans la situation actuelle

Les revenus et recettes mensuels dégagés par les différents acteurs (pour les organismes de gestion et de services, les revenus sont établis par mois et par sardinier actif), sont plus importants au niveau du port de M’Diq, ceci est principalement dû à la capture en valeur qui est intéressante, aux faibles charges variables suite à la proximité des lieux de pêche, et aux faibles charges fixes qui profitent surtout pour le propriétaire.

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Le port de Nador montre les revenus les plus faibles pour l’ensemble des acteurs. Cela est dû aux faibles captures réalisées au niveau de leur zone d’activité, ce qui explique les migrations effectuées par les sardiniers vers d’autres ports, principalement vers celui de Larache en Atlantique, où les captures sont plus intéressantes. (Figure 16)

Figure 16 : Revenus des acteurs par port dans la situation actuelle

5.2.2. Revenus des acteurs dans l’hypothèse d’inexistence des attaques

Plusieurs considérations ont été prises pour estimer les revenus et les recettes des différents acteurs dans l’hypothèse d’inexistence des attaques. En effet, nous avons considéré que l’activité de pêche se déroule normalement, et que toutes les opérations qui ont subi des attaques étaient aussi saines et normales.

Ainsi, tous les types de pertes et dégâts ont été annulés, à savoir que les captures par opération attaquée sont considérées identiques à celles des opérations non attaquées, que les déchirures sont inexistantes, que la durée de vie des parties des filets déchirés reste égale à celle des parties non touchées, et que les opérations et sorties de pêche annulées suite au phénomène, ont été réalisées.

Les résultats sont présentés dans la figure 17 qui montre que dans le cas d’inexistence du phénomène d’interaction, les résultats auraient la même tendance que la situation actuelle, avec le port de M’Diq qui enregistrerait les meilleurs résultats économiques, et le port de Nador avec les résultats les plus faibles. La même tendance est remarquée entre les différents acteurs concernés.

Milliers de Dhs

01020304050607080

Al Hoceima M'Diq Nador

Marin Mécanicien Patron PropriétaireTaxes de débarquement par bateau actif

33

Figure 17 : Revenus des acteurs dans l’hypothèse d’inexistence des attaques

5.2.3. Répercussion sur les revenus des acteurs de la pêche sardinière

Les répercussions du phénomène sur les revenus de chaque acteur ont été établies en rapportant la différence entre les revenus réalisés dans chaque cas, sur les revenus réalisés dans l’hypothèse d’inexistence des attaques. Tableau 7 : Réductions estimées des revenus suite aux attaques des dauphins

Le tableau 7 montre que les armateurs sont ceux qui subissent la baisse de revenu la plus importante parmi tous les acteurs, puisqu’ils supportent seuls, les frais additifs de la diminution de la durée de vie des filets, en plus des autres types de pertes qu’ils partagent avec les autres acteurs. Ces baisses de revenus sont plus remarquées au niveau de Nador avec 36 %, vient par la suite le port d’Al Hoceima avec une baisse de 27%, et en dernier lieu les armateurs de M’Diq avec seulement 16%.

Port Patron et Matelots Mécanicien Armateur Organismes de gestion et de services

Al Hoceima 8 % 6 % 27 % 7 %

M'Diq 12 % 10 % 16 % 9 %

Nador 9 % 7 % 36 % 6 %

Milliers de Dhs

0

10

2030

4050

6070

80

90

Al Hoceima M'Diq Nador

Marin Mécanicien Patron PropriétaireTaxes de débarquement par bateau actif

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Les patrons de pêche et les matelots connaissent un même niveau de réduction du revenu, du fait qu’ils se partagent à la part les mêmes bénéfices et les types de charges et pertes. Ils subissent un peu plus le phénomène que les mécaniciens, lesquels, en plus de leur rémunération à la part sur la base de la part réservée à l’équipage, ils bénéficient d’une rémunération fixe, à la charge de l’armateur, quels que soient les résultats de l’activité.

Les organismes de gestion et de service subissent le moins le phénomène d’interaction, avec une réduction moyenne allant de 6% à 9% selon les ports, du fait qu’ils subissent seulement les pertes issues de la perte de la capture encerclée et de la réduction du niveau de l’activité, sans qu’ils supportent les frais additifs de réparation des filets endommagés.

D’une manière globale les réductions de revenus sont plus marquées au niveau du port de M’Diq du fait de la fréquence des attaques qui y est plus élevée. Exception faites pour les armateurs, lesquels leurs revenus sont énormes et les pertes restent proportionnellement faibles.

Par ailleurs, au niveau du port d’Al Hoceima, les armateurs profitent d’un soutien de la part des mareyeurs afin de les aider à surmonter le problème de l’interaction. Cette aide est équivalente à 5% de la valeur des ventes effectuées par l’armateur, ce qui augmente la part du propriétaire. Ainsi, en considérant d’une part, une situation actuelle avec les 5% dont profite l’armateur de la part des mareyeurs, et d’autre part une situation d’inexistence des attaques, où la part de l’équipage est égale à 50% au lieu de 60%, et les marins partagent toutes les charges communes avec l’armateur, on remarque que les répercussions économiques sur les revenus des membres de l’équipage sont presque nulles, et que les répercussions sur les revenus du propriétaire se voient abaissée de 27% à 17% seulement. (voir tableau 13)

Ce système qui existe au niveau d’Al Hoceima, encourage les armateurs à rester actifs dans les zones de pêche de leur port d’attache. Alors que pour éviter que les matelots ne fuient la pêche à la senne coulissante au niveau de ce port, les propriétaires concèdent une part de 60% pour l’équipage au lieu de 50%.

Tableau 13 : Variation des revenus des acteurs d’Al Hoceima en prenant en considération la contribution des mareyeurs et le changement du système de partage entre pêcheurs et armateur

Situation de calcul Matelots Mécanicien Patron Propriétaire

Cas d’inexistence des attaques avec le système de partage commun et sans le soutien des mareyeurs aux armateurs

2 870 3 670 12 090 57 810

Situation actuelle 2 930 3 730 12 330 48 020

Variation relative des revenus +2 % +2 % +2 % -17 %

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6. Résultats de l’utilisation du «Tube Dauphin»

6.1. Efficacité technique

Rappelons encore une fois, que L’efficacité du « Tube Dauphin » a été mesurée en rapportant le nombre de fois où les mammifères ont fuit, sur le nombre total de fois que l’engin a été utilisé. Les déclarations retenues sont celles où les pêcheurs sont certains d’une part, de l’apparition du dauphin près des filets, et d’autre part, de la fuite de ce mammifère.

Sur cette base, et pour l’ensemble des ports et la durée de l’étude, le « Tube Dauphin » a montré une efficacité moyenne d’environs 21%. Cette efficacité varie au cours des mois et d’un port à l’autre. (voir figure 18)

Lors des deux premiers mois d’utilisation du dispositif acoustique, l’efficacité de cet appareil se situait aux alentours de 50 %. Juste après, elle a connu une chute rapide pour arriver à moins de 11 %, avant de s’annuler complètement à partir du 8ème mois d’utilisation.

La diminution de l’efficacité du tube est certainement due à la détérioration de l’engin à force de frappe à coût de marteau, et à son exposition fréquente à l’eau de mer (durée de vie est d’environs 6 mois selon Mr. Lotfi Ben Naceur de l’INSTM de Tunisie). Toutefois, la chute brutale de l’efficacité après les deux premiers mois, pourrait être due à l’adaptation du dauphin à l’engin répulsif, mais des études scientifiques restent à faire pour approuver ou rejeter cette hypothèse.

Dans le même sens, les patrons de pêche ont remarqué une rapide réduction de l’efficacité du tube, et que les dauphins ne fuyaient durant les derniers mois d’étude, que lorsque le nombre de ces mammifères lors des attaques était faible (deux au plus).

Figure 18 : Evolution de l’efficacité du Tube Dauphin au cours de la période d’utilisation

%

0

1020

3040

50

avr mai juin juil août sept oct nov déc

36

En considérant la période de 7 mois (avril-octobre) durant laquelle le tube était actif, le port d’Al Hoceima a montré la plus grande efficacité d’utilisation du tube avec environ 36%, vient après le port de Nador avec 22% et en dernier lieu le port de M’Diq avec seulement 11%. Cette différence pourrait être due aux variations des conditions environnementales et biologique entre les différentes zones de pêche. Mais ce qui est sûr, c’est que l’efficacité est liée principalement à la bonne utilisation de l’engin par les pêcheurs ; ceci a été remarqué chez les pêcheurs d’Al Hoceima qui utilisaient le tube de façon correcte, contrairement à ceux de M’Diq.

Il faut noter que l’utilisation du tube en pleine mer durant la période d’étude, était difficile et demandait un grand effort physique de la part du pêcheur qui doit taper sur le tube tout au long de l’opération de pêche (60 minutes), dès que le mammifère est détecté près de la senne coulissante ou venant vers sa direction. De plus, les mouvements des vagues qui font bouger la barque porte lumière sur laquelle l’engin répulsif est monté, ne permettent pas toujours au pêcheur de suivre correctement la manière de tapage sur l’engin répulsif, telle qu’il leur a été démontré.

6.2. Evaluation économique de l’utilisation du Tube Dauphin

La justification économique du Tube Dauphin tient compte des éléments « pour » et ceux « contre » son utilisation. Les éléments économiques « pour » sont dans ce cas les pertes et dégâts récupérés après son utilisation, et les éléments « contre » se limitent au seul prix d’acquisition de l’engin répulsif (1000 Dhs par tube).

La figure 19 illustre les pertes avec et sans utilisation du Tube Dauphin durant la période de 7 mois où le tube était actif (Avril-octobre). Les pertes récupérées sont plus intéressantes au niveau du port d’Al Hoceima avec près de 1,7 MDhs, suivi par M’Diq avec environs 0,7 MDhs, et en dernier lieu le port de Nador avec 0,2 MDhs. Pour l’ensemble de la Méditerranée, l’utilisation de l’engin a permis de récupérer près de 2,9 MDhs durant cette même période (7 mois), soit près de 5 Millions de Dhs si l’on considère une utilisation d’une année.

Figure 19 : Niveau des pertes en valeur ajoutée avec et sans utilisation du Tube Dauphin

Millions de Dhs

0123456

Al Hoceima M'Diq NadorNon utilisation du tube Utilisation du tube

37

Toutefois, l’utilisation des tubes demande des charges supplémentaires pour leur achat, à savoir 1000 Dhs par unité. De ce fait, pour l’ensemble des 118 sardiniers touchés par le phénomène, et eu égard à ce que la duré de vie de ces tubes est de 7 mois, l’utilisation de l’appareil répulsif, engage des charges annuelles de l’ordre de 202 300 Dhs ; ce chiffre reste très faible relativement aux pertes et dégâts éventuellement récupérés.

Ainsi, si l’on considère que le dauphin ne s’adapte pas aux ondes émises par le Tube Dauphin, l’utilisation de ce dernier permettrait la récupération d’une valeur ajoutée annuelle de près de 4,8 MDhs pour l’ensemble de l’activité de pêche aux petits pélagiques en Méditerranée marocaine.

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VI. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

La Méditerranée marocaine a connu durant ces dernières années une intensification de l’interaction entre la pêche sardinière et le Grand Dauphin (Tursiops truncatus). Les résultats de cette étude révèlent que 118 sardiniers sont touchés par ce problème, qui est localisé au niveau de la bande côtière comprise entre les villes de Ceuta et Saïdia. L’effet négatif du phénomène se présente sous forme d’attaques du dauphin sur le banc de poisson encerclé par la senne coulissante, ce qui se traduit par l’endommagement des filets de pêche et la réduction des captures de près de 7%.

La fréquence moyenne des sorties de pêche attaquées est de l’ordre de 16%. Elle augmente au fur et à mesure que l’on se dirige vers l’Ouest de la Méditerranée marocaine, alors qu’à l’échelle temporelle, nous avons enregistré une baisse de la fréquence des attaques durant la période estivale où la mer est généralement calme. La variation des fréquences des attaques serait due au comportement du mammifère, qui est conditionné par l’environnement qui l’entoure.

Le problème en question, cause pour l’ensemble du secteur de pêche sardinière de la zone d’étude, des pertes annuelles en valeur ajoutée de l’ordre de 23 millions de Dirhams, dont 56% sont dus à la perte partielle de la capture, 23% à la réduction de l’activité de pêche, et 21% à l’engagement de frais additifs de réparation et de renouvellement des filets endommagés.

Ces pertes se répercutent négativement sur la situation financière des acteurs de ce secteur, qui se voient leurs revenus baissés. Les plus touchés sont les armateurs, après on trouve les patrons de pêche et les matelots, ensuite les mécaniciens, et enfin les organismes de gestion et de service qui subissent le moins les effets négatifs de l’interaction. Ces répercussions peuvent expliquer en partie la migration des sardiniers de Nador vers les ports de l’Atlantique, alors qu’à Al Hoceima la profession bénéficie d’un support financier de la part des mareyeurs, afin d’aider à maintenir les pêcheurs dans l’activité de pêche en question.

La mise en expérimentation du « Tube Dauphin » pour réduire les interactions, a donné les résultats escomptés dans 50% des cas lors des premiers mois d’utilisation. Puis, nous avons remarqué une chute rapide de l’efficacité de cet appareil, qui pourrait être due à l’adaptation du mammifère. Toutefois des études scientifiques restent à faire pour approuver ou rejeter cette hypothèse. Il faut noter que la mise en fonction de l’appareil durant les opérations de pêche, reste difficile et demande un grand effort physique.

L’utilisation de cet appareil répulsif a permis de réduire les pertes de près de 21%, ce qui permettrait de récupérer une valeur ajoutée annuelle de près de 4,8 millions de Dhs pour l’ensemble du secteur de pêche sardinière en Méditerranée marocaine. Mais si l’hypothèse avancée sur l’adaptation du dauphin est vérifiée, il serait alors nécessaire de trouver une autre

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solution pour limiter l’interaction, dans le cadre du respect des accords internationaux sur la conservation des cétacés.

L’ampleur des pertes économiques issues de cette interaction, impose la mis à disposition des chercheurs, les moyens logistiques et matériels nécessaires pour suivre de très près l’évolution du phénomène et approfondir leurs études. Ceci, dans l’objectif de remédier aux répercussions négatives sur le secteur de la pêche, en évitant tout comportement qui risque de porter atteinte au dauphin.

Les méthodes de tracassement restent les possibilités les plus envisageables pour limiter les interactions. L’efficacité de l’appareil répulsif dans cette étude, a été encourageante, et devrait donc être améliorée, notamment par l’utilisation de dispositifs électroniques qui sont précis et plus faciles à mettre en fonction.

Par ailleurs, les pertes causées par le Grand Dauphin, peuvent être compensées par l’amélioration de la rentabilité de la pêche sardinière à travers des mesures de gestion adéquates, notamment par une mise à niveau des unités de production, dans le sens d’une réduction des charges d’activité et de structure (utilisation du sonar par exemple), et par une gestion rationnelle pour approcher le niveau d’exploitation optimal et durable des ressources commerciales.

D’un autre côté, l’état de connaissance des cétacés dans la Méditerranée marocaine, mérite d’être approfondi par la réalisation d’études portant sur leurs populations, leurs habitats et leur comportement.

Enfin, et dans le cadre de la gestion intégrée du littoral pour un développement rationnel et durable, la mise au point d’unités touristiques d’observation des cétacés en mer « Whale watching », devrait être étudier. Le développement de ce créneau aura des effets bénéfiques sur le secteur de pêche, à travers l’élévation des prix des produits de la mer suite à l’augmentation de l’attraction touristique dans la zone, et la création de l’emploi pour les communautés de pêcheurs. De plus, si ces unités touristiques qui profitent de la conservation des cétacés, sont justifiées sur les plans économique et environnemental, des prélèvements sur leurs résultats économiques d’exploitation peuvent être envisagés, au profit de la pêche sardinière qui subit les effets négatifs du Grand Dauphin.

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RÉFÉRENCES BILBLIOGRAPHIQUES

- Abid N., Ben Naceur L., Benyacine M. H., El Ouamari N., Zahri Y. 2002. Rapport de mission : Utilisation de l’acoustique pour la réduction des interactions entre les dauphins et les filets de pêche (du 13 au 29 mars 2002). INRH-Nador/CTPVPM-Agadir/INSTM-Tunisie/COPEMED-FAO.

- Abid N., Ben Naceur L., Benyacine M. H., El Ouamari N., Zahri Y. 2002. Compte rendu de la première phase relative à l’utilisation de l’acoustique pour la réduction des interactions entre les dauphins et les filets de pêche au niveau de la Méditerranée marocaine. INRH-Nador/CTPVPM-Agadir/INSTM-Tunisie/COPEMED-FAO.

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41

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Annexe 1 Dégâts occasionnés par les dauphins sur les filets de pêche

Photo 1 : Formes des déchirures

Photo 2 : Importance des déchirures sur une partie des filets

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Annexe 1 ( suite )

Photo 3 : Etat du filet après réparation des déchirures occasionnées

par les dauphins

Photo 4 : Etat du filet après réparation des déchirures occasionnées par accrochage aux objets durs

44

Annexe 2

Utilisation du "Tube Dauphin"

Photo 5 : Mode de montage du "Tube Dauphin" sur la barque à lumière

Photo 6 : Mise en fonctionnement du "Tube Dauphin" en pleine mer

45

Annexe 3

Fiches d’enquêtes

Questionnaire pour l’évaluation des pertes occasionnées à la pêche sardinière Date de l’enquête : … / … / 2002 ; Nom enquêteur : ……..……

Nom bateau enquêté : …………….… ; Port : ………………..

Principales charges variables en Dhs par semaine de travail : - Carburant : ….…...… ; - Glace: ……...…… ; - Taxes de débarquement en % : ……… - Lubrifiant : …….…….; - Ampoules : ….…….… ; - Nourriture: ……..….. - Autres : ……………… System de partages des parts : Charges communes : ………………………………………………….. Part du propriétaire : …………… Nombre de marins à bord y compris le patron, le gardien et le chargé des comptes: ………… Nombre de parts établies au sein de l’équipage : ……………………. Nombre de parts pour le patron au sein de l’équipage : …… et à la charge de l’armateur : …. Nombre de parts pour le patron attribué par le propriétaire : ………………... Salaire mensuel fixe du mécanicien : …………… Eléments des charges fixes

Filets de pêche Moyens de travail Bateau avec appareils nécessaires

Moteur grand filet Petit filet

Nombre ***************** ************* Age ************* ************* *************Date de l’achat ************* ************* *************Prix d’achat Durée de vie ***************** Valeur actuelle ************* ************ *************Valeur annuelle de l’entretien

Autres charges fixes Taxe annuelle de la licence de pêche : …………… ; Autres taxes : ……………….. Assurance sur le bateau : ……………… ; Assurance sur l’équipage : ……………. Frais financiers : ……………….

46

Evaluation des dégâts Mois en cours Mois précédent Zone de pêche et profondeur (m)

Nombre de sorties (en Méditerranée)

Nombre d’opérations par sortie

Nombre de caisses par sortie (sans attaques)

Prix moyen de la caisse Dhs

Nombre de sorties annulées par craintes des attaques

Nombre de sorties annulées pour réparer les filets endommagés

Nombre de sortie réalisée sans opération par crainte d’être attaquer par le dauphin

Nombre de sorties ayant subit des attaques

Nombre d’attaques

Captures en caisses pour chaque opération attaquée

Nombre d’opérations annulées après chaque opération attaquée

Frais mensuels engagés pour réparer les filets attaqués

Nombre de parties du filet touchées et leur prix de revient : …………………….. Leur durée de vie: …………………….. Durée de vie des parties du filet ne subissant pas d’attaque : ………………

47

Fiche de suivi du programme expérimental de l’utilisation de l’acoustique pour réduire les interactions filets de pêche-dauphin Jour de l’enquête : …./…./2002 Nom de l’enquêteur : ………….. Port : ……….. Nom du bateau : ………..

Condition de détection du dauphin : le dauphin

Comportement des dauphins après

tapage Date d’attaque en

direction du filet

rode à coté du

filet

s’éloigne du filet

Après observation

des déchirures

Non fuite

fuite Fuite puis

retour

Etat des filets

Autres remarques