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BACTÉRIES DU RISQUE BIOLOGIQUE AGRESSIF REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2009 - N°415 // 57 Tularémie, guerre bactériologique et bioterrorisme a Laboratoire associé (2002-2006) du Centre national de référence Francisella (Dr Vaissaire) Service de biologie Centre hospitalier B.P. 50269 46005 Cahors cedex 5 b Laboratoire de bactériologie – Département de microbiologie Institut de recherches biomédicales des Armées Centre de recherches du Service de santé des Armées « Émile Pardé » 24, av. des Maquis-du-Grésivaudan 38702 La Tronche cedex * Correspondance [email protected] article reçu le 5 juillet, accepté le 22 juillet 2009. © 2009 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. RÉSUMÉ Il importe d’obtenir que les professionnels de santé se donnent les moyens de diagnostiquer la tularémie, cette infection largement méconnue, et trop souvent considérée comme une maladie rurale exclusivement inféodée aux lièvres et aux chasseurs. Pour répondre à une menace terroriste, les acteurs de santé, cliniciens, biologistes, anatomo-pathologistes et épidé- miologistes doivent se familiariser avec cette affection en dehors de toute crise épidémique, améliorer leurs outils diagnostics, déclarer sans délai les cas diagnostiqués, être capables d’isoler les souches afin de tester rapidement leurs sensibilités aux antibiotiques et de pouvoir les comparer sans délai. Cette veille sur la santé humaine doit être complétée et coor- donnée avec le maintien de la veille sur la santé de la faune sauvage et sur l’épidémiologie de la tularémie animale en France, en Europe et au-delà. Tularémie – Francisella tularensis – bioterrorisme. Ce travail est dédicacé aux Prs Hubert Mollaret, ancien chef du laboratoire des Pasteurella à l’Institut Pasteur et Yves Piémont, ancien chef du laboratoire de microbiologie du CHU de Strasbourg, en respectueux et amical souvenir et pour leur contribution à la connaissance de cette maladie. SUMMARY Tularaemia, bacteriological warefare and bioterrorism It is important to ensure that health professionals are able to diagnose tularaemia, little known infection, more often considered as an exclusively rural disease restricted to hares and hunters. In response to a terrorist threat healthcare stakeholders, clinicians, biologists, anatomo-pathologists and epidemiologists need to become familiar with the disease even in absence of any epidemic crisis, to improve their diagnostic tools, to declare immediately any diagnosed case, and to be able to isolate strains in order to quickly test their sensitivities to antibiotics. The surveillance on human health must be completed and coordinated with the maintenance of the watch on the health of wildlife and on the epidemiology of tularaemia in Animal Kingdom, in France, Europe and beyond. Tularaemia – Francisella tularensis – bioterrorism. Alain Le Coustumier a, *, François M. Thibault b 1. Introduction « Je ne connais aucune zoonose communicable à l’Homme qui peut être acquise de sources si diverses. En résumé, on peut considérer que le statut de la tularémie, à la fois comme maladie dans la nature et de l’Homme, est celui de la potentialité ». R.R. Parker 1934 La tularémie, une zoonose bactérienne, est présente en France sous une forme cliniquement relativement béni- gne, mais a également été vectorisée comme agent de guerre biologique et pourrait être utilisée lors d’actes de bioterrorisme. L’agent causal en est Francisella tularensis (Ft), dont les souches les plus virulentes sont parmi les bactéries pathogènes les plus infectieuses, ne nécessitant pas plus de 10 bactéries pour déterminer la maladie par voie pulmonaire ou parentérale. Il est donc indispensable que cette maladie soit nettement plus présente à l’esprit des cliniciens, des microbiologis- tes, des pathologistes et des épidémiologistes, tant pour la prise en charge des cas autochtones qu’en cas d’uti- lisation malveillante car elle est largement méconnue et sous diagnostiquée, probablement dans un ratio d’un sur dix. Cette méconnaissance constituerait entre autres une faiblesse dans la détection, le diagnostic et le traitement précoces d’épidémies naissant d’actes malveillants… 2. Répartition géographique de la maladie La tularémie est une zoonose répandue dans l’hémisphère nord dans les régions froides et tempérées : l’Amérique du Nord, l’Eurasie y compris l’Espagne (où les premiers cas

Tularémie, guerre bactériologique et bioterrorisme

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THÉMATIQUE À TAPERBACTÉRIES DU RISQUE BIOLOGIQUE AGRESSIF

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - SEPTEMBRE-OCTOBRE 2009 - N°415 // 57

Tularémie, guerre bactériologique et bioterrorisme

a Laboratoire associé (2002-2006) du Centre national de référence Francisella (Dr Vaissaire)Service de biologieCentre hospitalierB.P. 5026946005 Cahors cedex 5 b Laboratoire de bactériologie – Département de microbiologieInstitut de recherches biomédicales des ArméesCentre de recherches du Service de santé des Armées « Émile Pardé »24, av. des Maquis-du-Grésivaudan38702 La Tronche cedex

* [email protected]

article reçu le 5 juillet, accepté le 22 juillet 2009.

© 2009 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.

RÉSUMÉ

Il importe d’obtenir que les professionnels de santé se donnent les moyens de diagnostiquer la tularémie, cette infection largement méconnue, et trop souvent considérée comme une maladie rurale exclusivement inféodée aux lièvres et aux chasseurs. Pour répondre à une menace terroriste, les acteurs de santé, cliniciens, biologistes, anatomo-pathologistes et épidé-miologistes doivent se familiariser avec cette affection en dehors de toute crise épidémique, améliorer leurs outils diagnostics, déclarer sans délai les cas diagnostiqués, être capables d’isoler les souches afin de tester rapidement leurs sensibilités aux antibiotiques et de pouvoir les comparer sans délai. Cette veille sur la santé humaine doit être complétée et coor-donnée avec le maintien de la veille sur la santé de la faune sauvage et sur l’épidémiologie de la tularémie animale en France, en Europe et au-delà.

Tularémie – Francisella tularensis – bioterrorisme.

Ce travail est dédicacé aux Prs Hubert Mollaret, ancien chef du laboratoire des Pasteurella à l’Institut Pasteur et Yves Piémont, ancien chef

du laboratoire de microbiologie du CHU de Strasbourg, en respectueux et amical souvenir et pour leur contribution à la connaissance de cette maladie.

SUMMARY

Tularaemia, bacteriological warefare and

bioterrorism

It is important to ensure that health professionals are able to diagnose tularaemia, little known infection, more often considered as an exclusively rural disease restricted to hares and hunters. In response to a terrorist threat healthcare stakeholders, clinicians, biologists, anatomo-pathologists and epidemiologists need to become familiar with the disease even in absence of any epidemic crisis, to improve their diagnostic tools, to declare immediately any diagnosed case, and to be able to isolate strains in order to quickly test their sensitivities to antibiotics. The surveillance on human health must be completed and coordinated with the maintenance of the watch on the health of wildlife and on the epidemiology of tularaemia in Animal Kingdom, in France, Europe and beyond.

Tularaemia – Francisella tularensis – bioterrorism.

Alain Le Coustumiera,*, François M. Thibaultb

1. Introduction

« Je ne connais aucune zoonose communicable à l’Homme qui peut être acquise de sources si diverses. En résumé, on peut considérer que le statut de la tularémie, à la fois comme maladie dans la nature et de l’Homme, est celui de la potentialité ».

R.R. Parker 1934

La tularémie, une zoonose bactérienne, est présente en France sous une forme cliniquement relativement béni-gne, mais a également été vectorisée comme agent de

guerre biologique et pourrait être utilisée lors d’actes de bioterrorisme. L’agent causal en est Francisella tularensis (Ft), dont les souches les plus virulentes sont parmi les bactéries pathogènes les plus infectieuses, ne nécessitant pas plus de 10 bactéries pour déterminer la maladie par voie pulmonaire ou parentérale.Il est donc indispensable que cette maladie soit nettement plus présente à l’esprit des cliniciens, des microbiologis-tes, des pathologistes et des épidémiologistes, tant pour la prise en charge des cas autochtones qu’en cas d’uti-lisation malveillante car elle est largement méconnue et sous diagnostiquée, probablement dans un ratio d’un sur dix. Cette méconnaissance constituerait entre autres une faiblesse dans la détection, le diagnostic et le traitement précoces d’épidémies naissant d’actes malveillants…

2. Répartition géographique

de la maladie

La tularémie est une zoonose répandue dans l’hémisphère nord dans les régions froides et tempérées : l’Amérique du Nord, l’Eurasie y compris l’Espagne (où les premiers cas

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n’y ont été découverts que voici dix ans), Kosovo et Japon. Elle n’a pas été détectée dans les Îles britanniques, ni de façon intrigante et inexpliquée dans l’hémisphère sud. En France, les cas humains se situent principalement dans les départements où sévit la maladie animale, à savoir un premier foyer comprenant le quart nord et nord est du pays (Nord, Champagne, Ardennes, Alsace, Lorraine, Bourgogne et Franche-Comté), se prolongeant vers la vallée du Rhône et les Alpes, avec un second foyer sur les Pays-de-Loire et la région Centre allant jusqu’au Massif central, avec une coulée passant par la Dordogne, le Lot et allant jusqu’au Gers et aux Pyrénées. Elle n’a jamais été détectée dans les Landes, en Languedoc-Roussillon, ni en Provence-Côte d’Azur-Corse sauf dans le Gard [1, 2, 3]. Les régions les plus touchées sont les zones humides de lacs et d’étangs, de marais ou de rivières (90 % des cas), de bocage et de bois où la petite faune trouve des conditions favorables.

3. Taxonomie, physiopathologie

et facteurs de virulence

3.1. TaxonomieF. tularensis est un minuscule cocco-bacille à Gram négatif de moins de 0,5 μm de long, aérobie, immobile, à tro-pisme intra-cellulaire [1, 2, 3]. Il possède une mince cap-sule lipopolysaccharidique ; les lipides de la paroi et de la capsule sont en proportion inhabituelle (50 à 70 %) pour une bactérie à Gram négatif et la nature des acides gras est particulière au genre Francisella.Il existe trois sous-espèces génétiquement très proches et antigéniquement similaires. Il s’agit de : F. tularensis subsp. tularensis (ancien biovar tularensis,

ancien type A de la classification de Jellison), F tularensis subsp. holarctica (ancien biovar holarctica,

appelé antérieurement palearctica, ancien type B de Jel-lison), F tularensis subsp. mediasiatica.

L’espèce F. novicida est très voisine de F. tularensis dont elle est parfois considérée comme une quatrième sous-espèce, sans que cette nomenclature n’ait de validité officielle.

3.1.1. F. tularensis subsp. tularensis (Ftt)Il s’agit de la sous-espèce considérée classiquement comme la plus pathogène, même si de récents travaux américains ont montré qu’elle comprend en fait deux sous-populations diamétralement opposées en terme de virulence, type A-Est donnant des infections sévères alors que le type A-Ouest est même considéré comme moins virulent que F. tularensis holarctica [3]. Elle sévit chez les rongeurs et les tiques en Amérique du Nord. L’Europe en était considérée comme indemne, cependant elle a été isolée en 1998 en Slovaquie dans la région de Bratislava ainsi que dans le sud de la Russie…Dix à cinquante bactéries de la variété virulente de cette sous-espèce suffisent par voie respiratoire ou cutanée à provoquer une maladie sévère chez l’Homme avec un taux de létalité voisin de 7 à 30 % en l’absence de trai-tement antibiotique spécifique [1, 2, 3]. Un traitement

efficace administré rapidement peut abaisser ce taux à 1 %. Ce micro-organisme est classé par les Centers for disease control dans la catégorie A et fait partie en Europe des agents pathogènes de classe 3 (agents biologiques provoquant une maladie grave chez l’Homme, souvent mortelle, mais pour lesquels il existe un traitement ou une prophylaxie).La souche SCHU S4 a été militarisée pour sa grande viru-lence. La taille de son génome séquencé est très petite, moins de 2 Mbp.

3.1.2. F. tularensis subsp. holarcticaElle s’isole essentiellement en Europe, au Japon, mais aussi en Amérique du Nord où elle coexiste à côté de la sous-espèce tularensis [1, 2, 3]. Elle est responsable chez l’Homme d’une maladie identique à cette dernière, mais de gravité moindre : son taux de létalité est de 1 % en l’absence de traitement et de 0,1 % en cas de traitement précoce. Elle fait partie des agents pathogènes de classe 2 (agents biologiques provoquant une maladie bénigne ou non mortelle chez l’Homme et pour lesquels il existe un traitement ou une prophylaxie).Cette sous-espèce comporte trois biotypes (I, II et III – Japonica) différenciés par leurs caractères phénoty-piques : sensibilité à l’érythromycine et acidification du glycérol. Jusqu’à présent, seule F. tularensis holarctica biotype I (érythromycine sensible) a été isolée en France. Une délétion de 1,59 kb spécifique des souches fran-çaises et espagnoles ainsi que les études de biologie moléculaire par multiple-locus variable-number tan-dem repeat (VNTR) montrent que ces souches sont de génotypes très proches, ce qui implique qu’elles ont été introduites ou ont récemment émergées par expansion clonale en France et en Espagne [4]. La souche vacci-nale atténuée LVS (Live Vaccine Strain) dérive de cette sous-espèce holarctica. Son génome a également été entièrement séquencé.

3.1.3. F. tularensis subsp. mediasiaticaCette troisième sous-espèce est rencontrée en Asie cen-trale, elle est peu pathogène. Il s’agit de la sous-espèce la moins bien connue.

3.1.4. F. novicidaCette espèce est peu pathogène pour l’Homme, en revan-che chez la souris sa pathogénicité est similaire. Elle est utilisée pour réaliser des manipulations génétiques chez les Francisella.

3.2. Physiopathologie et facteurs de virulenceBien que non sporulée, elle est très résistante, particulière-ment au froid, et peut rester viable pendant plusieurs jours dans les cadavres et plusieurs mois dans l’eau ou le sol contaminés par les déjections ou cadavres d’animaux.La bactérie possède un tropisme d’organe avec atteinte du derme et du système réticulo-histiocytaire : ganglions lymphatiques, rate, foie. Après sa pénétration par voie cutanée ou muqueuse, elle va se multiplier localement puis gagner les ganglions lymphatiques qui drainent le territoire touché, s’y multiplier et provoquer adénites et abcès. Les lymphocytes T CD4 et CD8 sont la pierre angulaire dans

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le contrôle de l’infection intracellulaire. Histologiquement, la tularémie provoque l’apparition de granulomes pou-vant mimer une tuberculose, et constitue un diagnostic anatomo-pathologique différentiel très difficile. Hélas, il n’est souvent même pas évoqué [5].Les facteurs de pathogénicité autres que la capsule, très importante, commencent à être connus :– la protéine IglC et son régulateur MglA codés par l’îlot de pathogénicité des Francisella provoquent l’inhibition de la fusion des phagosomes contenant les bactéries avec les lysosomes, puis la rupture de ceux-ci et l’évasion des bactéries dans le cytoplasme où elles se multiplient. En revanche, lorsque le macrophage est activé par l’interféron gamma la rupture du phagosome ne peut plus avoir lieu et la fusion phagolysosomiale s’opère avec destruction des bactéries ;– le gène pdpD, présent chez toutes les souches de F. tula-rensis existe sous forme d’un allèle particulier chez la sous-espèce tularensis. Ce gène n’a pas d’équivalent dans le reste des génomes connus. Son inactivation entraîne l’impossibilité pour la bactérie de croître dans les macro-phages et la perte de virulence chez la souris.

4. Infection animale

Les espèces animales infectées ou colonisées par F. tularen-sis sont très nombreuses : on répertorie plus de 200 espèces de mammifères, 30 d’oiseaux, 5 d’amphibiens et 90 d’in-vertébrés [1, 2, 3].

4.1. Variations de sensibilité selon les espècesa. Les espèces les plus sensibles, le lièvre et la plupart des microrongeurs (mulots, campagnols, rats-taupiers, cobayes, souris, lemmings, etc.) meurent en quasi-tota-lité de septicémie après une infection aiguë en un à trois jours ou subaiguë en trois à huit jours. À l’autopsie, on observe dans la forme aiguë une congestion généralisée des viscères et dans la forme subaiguë des petits foyers de nécrose sur le foie et la rate sujette à une hypertrophie considérable, lui donnant une forme « en cigare ».b. Parmi les espèces qui peuvent être infectées, mais habituellement avec un taux de létalité plus faible, on compte les lapins, les rats, les écureuils, les rongeurs aquatiques et les moutons. On observe des avortements et la mortalité atteint surtout les jeunes.c. Les espèces peu sensibles nécessitent une dose infectante peu élevée pour développer une maladie le plus souvent bénigne, mais demeurent des porteurs sains excrétant la bactérie, le plus souvent par les urines. On y trouve les bovins, chevreuils, chevaux infectés par les tiques, et les carnivores domestiques et sauvages (chiens, chats, renards…) et les suidés (sangliers, porcs) omnivores se contaminant en se nourrissant de petits rongeurs.En France, quatre cent trente-cinq foyers de tularémie ani-male ont été répertoriés dans 47 départements entre 1993 et 2004, mais 85 % de ces foyers sévissaient dans seule-ment un tiers des départements, ce qui montre la persis-tance géographique de ces foyers et leur pérennité même s’ils peuvent rester plusieurs années sans se manifester.

4.2. Modes de transmission naturelle entre animauxDu fait de l’extrême complexité du cycle naturel de la tularémie, on est encore loin de comprendre tous les déterminants qui pourraient expliquer les soudaines explosions de la maladie après des intervalles libres de plusieurs années [1, 2, 3].a. Cycle hydrique

Les rongeurs aquatiques (rats musqués, ragondins, castors…) développent plus souvent que les autres ron-geurs des infections chroniques. Les urines ou cadavres d’animaux peuvent contaminer l’eau de lacs, d’étangs, de sources. Ces eaux et boues contaminent à leur tour l’Homme par ingestion (légumes arrosés et mal lavés, consommés crus) ou par contact (sports nautiques ou extérieurs avec pénétration de la bactérie au travers des muqueuses ou d’excoriations cutanées). Le réservoir de la bactérie est également assuré par les amphibiens, les crustacés comme les écrevisses et certains proto-zoaires. Les Francisella peuvent persister pendant au moins un an dans l’eau ou la boue froides. Les amibes libres peuvent être infectées par Francisella comme cela a déjà été démontré pour Legionella, Vibrio cholerae, Mycobacterium avium et Listeria monocytogenes. Ces bactéries sont capables de survivre à l’intérieur des protozoaires comme endosymbiotes et profitent des protozoaires et des kystes comme vecteurs de dissé-mination et de pérennisation. L’importance réelle d’une telle association dans le cycle naturel de la tularémie n’est pas complètement élucidée mais celle-ci pourrait y avoir un rôle clé.b. Cycle faisant intervenir des arthropodes et insectes

hématophages

Le cycle de transmission est assuré également de façon significative par des arthropodes et des insectes héma-tophages qui se contaminent sur des animaux bacté-riémiques. Ce sont des tiques, des Tabanidés (taons), des Stomoxynés (mouches piqueuses) ou des Culicinés (moustiques) bien que cette dernière voie, fréquente en Scandinavie n’ait pas encore été décrite en France.Cette transmission aux tiques peut s’effectuer à tous les stades (larves, nymphes, adultes) qui restent infectés leur vie durant et semblent capables de transmettre vertica-lement la bactérie à leur descendance par voie transova-rienne, assurant également un rôle de réservoir de virus. Ce mode de contamination des animaux et de l’Homme (promeneurs, ramasseurs de baies et de champignons) s’effectue surtout dans les bois de la fin du printemps jusqu’en fin d’automne.Dans les foyers terrestres, les rongeurs myomorphes subissent certaines années des expansions démogra-phiques en été allant jusqu’à plus de 1 500 individus à l’hectare. F. tularensis est alors aisément transmise entre animaux par les arthropodes (tiques, puces, poux), par cannibalisme des cadavres par leurs congénères affa-més, par contamination de l’environnement (terriers, eau, foin et paille). Ces épidémies participent à la régulation des populations de micro-rongeurs et généralement annoncent une résurgence de cas humains à l’automne ; la maladie est alors transmise par les lièvres ou lors de la manipulation du foin.

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5. Infection humaine

5.1. Modes de transmission naturelle à l’HommeL’Homme est un hôte accidentel de F. tularensis à qui elle se transmet par plusieurs voies [1, 2, 3].Par voie percutanée, de 10 à 1 000 bactéries suffisent selon la virulence de la souche : par une plaie souillée par de la boue ou de l’eau conta-

minée. La très petite taille de la bactérie permet le passage percutané au travers de la peau saine, mais surtout à la faveur d’une lésion préexistante, même minime ; par un simple contact avec un animal infecté (léchage, grif-

fure, morsure, contact, dépeçage d’un animal à la chasse) ;par piqûre d’arthropode contaminé.Par voie respiratoire, par inhalation d’aérosols créés : à partir de l’environnement hydrique contaminé, à partir de fourrages, de litières, de laine contaminés par

un animal infecté, à partir de particules infectantes mises en suspension

principalement par divers engins mécaniques : tondeuse à gazon passant sur les restes d’un animal infecté ou turbine de soufflage de feuilles mortes, nettoyeurs à hau-te pression etc., voire le pelage d’un chien s’ébrouant ; la dose infectante est très faible : 10 à 50 bactéries par voie respiratoire pour F. tularensis type A-Est.Par voie digestive par ingestion de viande insuffisamment cuite d’animaux infectés, de végétaux crus insuffisamment lavés, d’eau contaminée… Cette voie est généralement peu efficace et nécessite un nombre de bactéries très important (minimum de 108 bactéries).Les contaminations accidentelles au laboratoire sont également possibles par voie percutanée ou respiratoire (aérosols formés après centrifugation). La contamination interhumaine n’a pas été décrite à ce jour. Nous en avons cependant colligé un cas intrafamilial en Alsace lors de soins à mains nues après une morsure d’écureuil.

5.2. Expression clinique de la maladie humaineAprès une incubation en général courte, trois à huit jours (un à quinze jours pour les extrêmes), les symptômes apparaissent le plus souvent brutalement [1, 2, 3]. La présentation clinique est polymorphe. Toutefois cette infection s’accompagne constamment de symptômes généraux d’un syndrome pseudo-grippal intense avec une fièvre, parfois ondulante, des sueurs et des frissons, des céphalées, des myalgies et des lombalgies, des dou-leurs articulaires et parfois un coryza, une angine et des vomissements. Une asthénie et une anorexie très impor-tantes et prolongées sont habituelles. Certains aspects de la présentation clinique dépendent également de la voie d’inoculation :

5.2.1. La tularémie ulcéro-ganglionnaire et ganglionnaire pureElle représente environ 80 % des cas, typiquement après manipulation d’animaux infectés (localisation aux membres supérieurs) ou piqûre de tique (membres inférieurs ou région périnéale : 50 % ; tronc : 30 % ; et tête : 10 % des cas). Elle débute par une lésion papu-laire, puis une ulcération généralement indolente qui se forme au point de pénétration cutanée en même temps que débutent les symptômes généraux (figure 1). Une adénopathie régionale apparaît deux à trois jours plus tard et évolue vers l’abcédation, la fistulisation et la sclérose. De façon pathognomonique, pour la tularémie, le chancre d’inoculation souvent minime qui semblait en voie de cicatrisation se réactive au moment de la sortie du ganglion. Même après traitement antibioti-que bien conduit, le ganglion peut devenir fluctuant et se fistuliser. Des plaques d’érythème (tularémides) peuvent apparaître à proximité de l’ulcère ou sur toute autre partie du corps, dans 10 à 20 % des cas. Il existe des formes ganglionnaires pures, sans lésion cutanée décelable.

Figure 1 – Lésions primaires du doigt : ulcérations liées au point de pénétration cutanée de F. tularensis.

Photo A. Le Coustumier.

A B

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BACTÉRIES DU RISQUE BIOLOGIQUE AGRESSIF

5.2.2. La forme oculo-ganglionnaireElle est rare, moins de 5 % des cas.Elle réalise le syndrome de Parinaud avec une conjonctivite purulente, douloureuse, unilatérale parfois associée à un œdème périorbitaire et une adénopathie satellite prétra-gienne. Elle survient après contact des yeux avec des mains contaminées ou projection oculaire de matériel infecté.

5.2.3. La tularémie oropharyngéeRare également (2-5 % des cas), elle se contracte lors d’ingestion de viande insuffisamment cuite ou d’eau ou de végétaux crus contaminés par les émonctoires d’animaux infectés. Elle se présente comme une pharyngite ou une angine ulcérée douloureuse pouvant évoquer une angine de Vincent, souvent accompagnée d’érosions de la muqueuse buccale avec sensation de brûlures, puis d’une volumineuse adénopathie satellite cervicale ou rétropharyngée. Elle se complique parfois de douleurs abdominales (adénopathies mésentériques), de nausées, de vomissements ou de diarrhée ; cette dernière est quelquefois hémorragique en raison d’ulcérations de la muqueuse intestinale.

5.2.4. La forme septicémique pure, dite typhoïdiqueElle est peu fréquente (10 % des cas naturels) mais en géné-ral plus sévère. Elle peut compliquer toutes les formes de tularémie, mais plus volontiers les formes pulmonaires, quel-quefois les formes digestives. Beaucoup plus fréquente avec la sous-espèce tularensis, elle ne s’observe guère avec holarctica européenne et nord-américaine (type B) sauf chez les patients massivement infectés ou immunodéprimés. Des symptômes non spécifiques combinent fièvre, douleurs abdo-minales, diarrhée, vomissements. Le patient apparaît abattu, plongeant vers la confusion voire le coma. Sans traitement adapté précoce, cette évolution peut se compliquer de choc septique et d’autres complications du syndrome de la réponse inflammatoire systémique (SIRS) incluant coagulation intra-vasculaire disséminée et saignements, défaillance respiratoire et multiviscérale. En cas de guérison, la convalescence est longue, de plusieurs semaines à plusieurs mois.

5.2.5. La tularémie pulmonaireReprésentant 10 à 15 % des cas, elle peut survenir après exposition à un aérosol contaminant naturel ou artificiel, ou être la conséquence d’une dissémination hématogène septi-cémique des bactéries. La tularémie pulmonaire secondaire peut ainsi compliquer toutes les formes de tularémie, mais plus volontiers la forme typhoïdique, dans 30 à 70 % des cas, pour seulement 10 à 15 % des formes ulcéro-ganglionnaires. La tularémie pulmonaire primaire est d’un diagnostic très difficile. La dose infectieuse est extrêmement faible, 10 à 20 bactéries pour la sous-espèce tularensis, 10 à 100 fois plus élevée pour holarctica. La durée d’incubation est courte, de 1 à 5 jours. Elle se manifeste par une pneumopathie fébrile, sévère, une toux sèche, peu productive, une dyspnée et des douleurs thoraciques d’origine pleurale. Une pleurésie purulente ou une détresse respiratoire peut compliquer le tableau. Cette forme s’accompagne souvent d’une bactériémie d’évolution péjorative et compliquant la recherche de la porte d’entrée. L’imagerie peut montrer, de façon précoce mais dans seule-ment 25 à 50 % de « volontaires » exposés de façon expéri-mentale, des infiltrats péri-bronchiques progressant en îlots

de pneumonie dans un ou plusieurs lobes ou une pneumonie franche uni- ou bi-latérale accompagnée d’effusion pleurale et surtout d’adénopathies hilaires pathognomoniques. Cette forme clinique est nettement sous-diagnostiquée parce que ces symptômes d’allure grippale peuvent se confondre avec d’autres étiologies. C’est cette forme grave et invalidante qui fait de Francisella tularensis un agent de guerre bacté-riologique et de bioterrorisme de tout premier plan et justifie la mise en place de surveillances syndromiques. En dehors de l’éventualité d’une attaque malveillante, ce diagnostic doit être évoqué si le patient est au contact d’animaux de la faune sauvage ou de leur environnement ; par exemple les travailleurs agricoles ou forestiers, les chasseurs, les person-nes vaquant en forêt ou au bord de l’eau, le personnel de laboratoire, particulièrement les vétérinaires, les soigneurs de zoo, les propriétaires de carnivores domestiques ruraux vivant en promiscuité avec leurs animaux, les personnes susceptibles de respirer des aérosols en jardinant (tondeuse à gazon, débroussailleuse, soufflage de feuilles mortes etc.) comme les jardiniers-paysagistes, les employés municipaux mais aussi les particuliers.

5.2.6. Les formes atypiques de tularémieElles peuvent se traduire par des éruptions cutanées (tularé-mides) pouvant s’observer dans 10 à 20 % des cas. De rares cas de méningite, d’endocardite, de péricardite, de pleurésie, de péritonite et d’hépatite granulomateuse ont été décrits.En résumé, il est probable qu’un nombre important de cas de tularémies n’est pas diagnostiqué en l’absence de contact patent avec un animal. Selon l’histoire clinique du patient qui doit être décrite dans les renseignements cliniques joints à la demande, la tularémie doit être évoquée et recherchée par le microbiologiste en même temps que d’autres affections mieux connues des cliniciens comme la brucellose, la maladie des griffes du chat (bartonellose), la fièvre Q, les rickettsioses, la fièvre typhoïde, la leptospirose voire la grippe.

5.3. Épidémiologie humaineAux États-Unis, l’incidence de la tularémie était élevée avant la deuxième guerre mondiale avec plus de 5 cas par million d’habitants, culminant à 2 291 cas en 1939. Elle a décliné dans les années 50 et on ne compte maintenant guère plus de 120 à 150 cas annuels [3]. Il en a été de même en Union Soviétique où de 1926 à 1928, à la suite des crues des grands fleuves, cinq épidémies touchèrent plus de 1 200 Russes, la plupart occupés à la chasse des rats d’eau dont la fourrure est à la mode. L’incidence chutera d’un facteur 19 entre les années 1945-1950 et la décennie suivante, en partie grâce aux campagnes actives de vaccination que l’URSS sera le seul pays à mettre en œuvre à large échelle. Au Japon, la tularémie humaine, connue depuis longtemps et appelée Yato-Byo (maladie des lapins) a également fortement chuté en incidence depuis les années 1950 et on en compte une dizaine de cas annuels maintenant. Dans les pays scandi-naves, la tularémie se signale par des explosions épidémi-ques impliquant plusieurs centaines de personnes avec par exemple en Suède 270 cas en 2000 et presque 700 en 2003. La Turquie a vu se déclarer plusieurs foyers d’épidémies de formes oro-pharyngées entre 2004 et 2005 en relation avec une contamination des eaux. L’Espagne s’est découverte terre de tularémie en 1996 avec une épidémie de 585 cas,

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glionnaire si la maladie est d’évolution récente (moins de 10 à 12 jours, à partir desquels les cultures se négativent généralement), un rinçage pharyngé en cas de forme oro-pharyngée, le pus de conjonctivite en cas de syn-drome de Parinaud, les expectorations et prélèvements distaux protégés ou encore les hémocultures dans les formes pulmonaires et typhoïdiques.

6.3.3. Traitement des prélèvementsL’analyse bactériologique doit débuter le plus rapi-dement possible après le prélèvement. Si cela n’est pas possible, il sera conservé et acheminé dans les meilleurs délais entre zéro et + 4 ° dans un emballage sécurisé. Les prélèvements sont ensemencés dès récep-tion, la bactérie étant fragile et ne résistant que peu de temps à température ambiante. Les milieux de trans-port d’Amies au charbon et de Cary-Blair ont fait leurs preuves. L’examen direct à la coloration de Gram est illusoire en raison de la taille du bacille et de sa faible affinité pour le contre colorant (safranine ou fuchsine), mais il est quelquefois possible de l’observer au May Grünwald Giemsa, au bleu de méthylène ou encore en immunofluorescence directe si l’on possède des anti-corps spécifiques marqués.

6.3.4. Cultures6.3.4.1. Conditions de culture

F. tularensis, bactérie aérobie stricte fastidieuse, ne se développe que sur des milieux enrichis. Les milieux doi-vent être incubés au moins 10 jours à 37 °C en aérobiose, même si les colonies peuvent apparaître en 48-72 heures. Quelques souches supportent une atmosphère enrichie en CO2 (5 à 10 %).Les milieux de culture nécessitent l’adjonction de sang, de glucose, de cystine ou de cystéine (éventuellement contenues dans le jaune d’œuf) avec un pH optimum entre 6,8 et 7,3. Les milieux historiques sont rempla-cés actuellement en routine par des géloses chocolat enrichies en PVS ®, Isovitalex® ou Polyvitex® selon le fabricant. Il convient dans un prélèvement respiratoire de ne pas oublier la possibilité de culture sur le milieu BCYE destiné à la culture de Legionella.La croissance de Francisella est facilement inhibée par la flore concurrente, on peut y pallier en supplémentant les milieux par une pénicilline et de la polymyxine, ou en utilisant une gélose chocolat sélective de Neisseria gonorrhoeae.Lors d’hémocultures, on conservera à l’esprit qu’il s’agit d’une bactérie aérobie, de croissance lente néces-sitant d’incuber les milieux conventionnels aérobies au moins deux semaines, voire trois. Cependant les automates actuels plus rapides conviennent à leur isolement en 4 à 6 jours en moyenne, attention donc aux protocoles courts de 5 jours généralement prônés avec ces machines !En milieu liquide, on peut utiliser le bouillon thiogly-colate riche en cystéine ou à défaut du milieu cœur cervelle (BHI) ou trypticase-soja (TS) à condition de supplémenter ces deux derniers avec 1 % d’Isovitalex® ou de Polyvitex®. La pousse en bouillon est lente et la turbidité produite légère.

suivis par une petite épidémie liée à la consommation d’écrevisses, et de nouveau une épidémie de grande ampleur durant l’été 2007 avec près de 400 cas.Le premier cas humain français est décrit en août 1945 par Denis, Giraud et Mollaret chez une jeune enfant fai-sant suite à une morsure de campagnol dans l’Allier [1, 2]. Paille isole la première souche d’un lièvre dans le Doubs en 1947 alors qu’une épidémie de 25 cas humains est identifiée en Côte-d’Or. Au cours de l’hiver 1949-1950 survient l’épidémie de Lorraine avec plus de 80 cas hos-pitalisés pour le seul hôpital de Nancy.En France, entre 2002 et 2007, le nombre de cas déclarés annuellement n’excédait pas 50 mais dépassait 72 cas rien que pour le premier semestre 2008…

6. Diagnostic biologique

de la tularémie

6.1. Remarque préliminaireCompte tenu de la virulence de l’agent infectieux qui oblige à certaines précautions ainsi que la nécessité d’employer des milieux de culture particuliers et des temps d’incubation prolongés, la suspicion clinique doit être impérativement signalée par le médecin. Malgré tout, l’isolement d’une souche de Francisella reste souvent inattendu, et le res-pect permanent et systématique des bonnes pratiques de laboratoire met dans notre expérience les personnels à l’abri de contaminations de laboratoire fréquentes dans le cas contraire.

6.2. HémogrammeContrastant avec la sévérité des signes infectieux à la phase d’invasion, la leucocytose excède rarement 10 à 12 000 leucocytes/mm3. De même, la vitesse de sédi-mentation n’est que modestement augmentée, ainsi que la protéine C réactive qui peut atteindre précocement de 15 à 150 mg/l mais décroît très vite pour revenir quasiment à la normale en moins d’une semaine.

6.3. Diagnostic bactériologique

6.3.1. AvertissementLa sous-espèce holarctica appartient à la classe de risque biologique 2 (arrêté du 18 juillet 1994), mais la sous-espèce tularensis est classée en niveau 3.Il est impératif de respecter les règles de prévention sim-ples dès la primoculture en travaillant sous une hotte microbiologique de sécurité (PSM II) et en s’équipant d’une surblouse, de gants, d’une charlotte, de lunettes et d’un masque [1, 2, 3, 6, 7, 8, 9].Dès la suspicion établie, le Centre national de référence peut mettre en œuvre des techniques rapides de confir-mation. Cependant l’envoi de toute souche obéit à des règles strictes, à confirmer avec ce dernier (voir l’adresse dans contacts).

6.3.2. PrélèvementsChez l’Homme, la recherche devrait être entreprise dès l’apparition de la lésion cutanée par un écouvillonnage de l’ulcère d’inoculation, la ponction ou la biopsie gan-

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BACTÉRIES DU RISQUE BIOLOGIQUE AGRESSIF

6.3.4.2. Aspects culturaux

Sur gélose chocolat enrichie (figure 2), les colonies apparaissent en 48 à 96 heures en aérobiose : elles sont petites, transparentes, d’environ 1 min à 48 h puis elles grossissent à 3 à 4 min à 96 h, de couleur beige à grisâtre, confluentes et grasses et d’une consistance butyreuse caractéristique. Un éclat opalescent de la surface des colonies de 48-72 heures est visible sous lumière obli-que. L’absence de culture sur les milieux usuels type trypticase-soja ou Mueller-Hinton constitue un caractère d’orientation ; attention cependant à certaines géloses actuelles Columbia au sang enrichies qui peuvent dans notre expérience supporter une petite culture contraire-ment à ce qui est classiquement décrit.La coloration de Gram à partir des cultures révèle la présence de coccobacilles à Gram négatif, souvent mal colorés de très petite taille (0,2 à 0,5 μm), pléomorphes, souvent isolés. F. tularensis, plus petit qu’Haemophilus influenzae, ressemble à une Brucella. Dans un bouillon, l’interprétation d’un Gram peut être délicate.

6.3.4.3. Caractères d’identification

Les caractères permettant l’orientation vers F. tularensis sont l’oxydase négative et la catalase faiblement posi-tive (à faire en tube). Si le laboratoire dispose de l’im-mun-sérum spécifique (Becton-Dickinson, Difco, USA ou Biovéta, Tchéquie), une agglutination sur lame ou en tube renforcera rapidement la suspicion. D’autres tests peuvent conforter l’orientation : nitrate-réductase néga-tive, uréase négative, contrairement à Brucella, test de satellitisme X, V, X+V négatif contrairement aux Haemo-philus. Attention, certaines galeries commerciales peuvent orienter à tort vers des bactéries comme H. influenzae ou Actinobacillus spp. ! Quelques caractères biochimiques peuvent être recherchés en pratique avec une galerie type Api NH bioMérieux (48 h à 37 °) avec l’acidification du glucose, sans gaz, du fructose, du mannose et du maltose, mais pas du saccharose, caractère différentiel de la sous-espèce novicida.Les bases de données des automates d’identification Vitek2 bioMérieux et Phoenix Becton-Dickinson ont été améliorées après octobre 2001 et permettent depuis l’identification de F. tularensis en quelques heures. Le même travail n’a malheureusement pas été fait pour les galeries conventionnelles, ce qui est fort regrettable.

6.3.4.4. Inoculation à un rongeur de laboratoire

L’inoculation à un rongeur de laboratoire reste la méthode d’isolement la plus sensible (de 1 à 10 bactéries vivantes par prélèvement). Elle s’effectue par voie percutanée en frottant avec des produits pathologiques la peau préa-lablement rasée. Le rasage crée les microlésions qui favorisent le passage transcutané qui permet l’isolement sélectif de la bactérie à partir d’isolements poly-microbiens (cadavres d’animaux par exemple). Cette épreuve reste réservée à quelques laboratoires (figure 3 ).

6.3.4.5. Profil de sensibilité aux antibiotiques

Le profil de l’antibiogramme peut également redresser un diagnostic s’égarant souvent, en l’absence d’orientation clinique, vers les Pasteurelles ou les Haemophilus.

L’antibiogramme peut être pratiqué par diffusion sur gélose chocolat enrichie et incubée 48 h à 37 °C en aérobiose. Les E-test® sont utilisables sur milieux sup-plémentés et permettent d’évaluer les CMI [10].Le phénotype sauvage se caractérise par une résistance in vitro naturelle vis-à-vis de la pénicilline G, de l’amoxi-cilline, des céphalosporines de première, deuxième et troisième génération. La résistance aux céphalosporines de troisième génération, très inhabituelle chez ces petits bacilles à Gram négatif fastidieux, doit interpeller et faire évoquer Francisella. On observe une grande sensibilité vis-à-vis des aminosides, du chloramphénicol, de la tétra-cycline, de la minocycline. L’érythromycine est active in vitro, à l’exception des souches holarctica biotype II. Mais jusqu’à présent, seule F. tularensis holarctica biotype I (érythromycine sensible) a été isolée en France.

Figure 2 – Colonies de F. tularensis

sur gélose chocolat enrichie après 4 jours d’incubation.

Photo E. Valade.

Figure 3 – Appositions de rate de souris infectée

par F. tularensis (coloration au Giemsa).

Photo J.-M. Alonso.

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6.4. Diagnostic direct par biologie moléculaireLe diagnostic de cette infection peut aussi s’effectuer par amplification génique in vitro par PCR conventionnelle ou en temps réel, à partir d’échantillons biologiques ou de colonies. Il s’agit d’une méthode fiable et surtout rapide. Les séquences cibles utilisées sont variées : les cibles pour l’identification du genre Francisella sont les gènes fopA, tul4, 23kDa et l’ISFtu2. Les cibles pour la discrimination des espèces et sous-espèces sont constituées par la séquence Ft-M19, la séquence d’insertion ISFtu2, le gène pdpD et la région chromosomique RD1 [1, 11].Ces techniques PCR sont en place dans les laboratoires de référence du réseau Biotox-Piratox et dans les labora-toires des Hôpitaux d’Instruction des Armées. Une analyse basée sur l’amplification de courtes séquences génomiques répétées (Variable-Number Tandem Repeat, VNTR ou Multi-ple-Locus Variable-number tandem repeat Analysis, MLVA) permet de discriminer les isolats en fonction de leur origine géographique et d’améliorer considérablement les recher-ches épidémiologiques et la traçabilité des souches. Cette analyse est basée sur la présence de 25 régions répétées du génome de Francisella, dont le nombre et la position varient en fonction de la souche [12, 13]. Les études épidémiologi-ques sont également possibles en réalisant à partir de l’ADN génomique des isolats des profils de macrorestriction par électrophorèse en champ pulsé [14].

6.5. Diagnostic indirect par sérologieChez l’Homme, le diagnostic des cas isolés de tularémie est le plus souvent (70 à 90 % des cas) porté par l’exa-men sérologique, qui n’a qu’un intérêt rétrospectif [2, 3]. Il s’agit d’un moyen diagnostic trop tardif en cas d’utili-sation malveillante car les anticorps n’apparaissent à un taux significatif qu’à partir du dixième au quinzième jour et parfois aussi tardivement que 4 à 5 semaines après, voire pour un faible nombre de cas restent indétectables. Les anticorps recherchés, habituellement les agglutinines, culminent au deuxième mois suivant l’infection, entre le 1/160e et le 1/2 500e en moyenne mais peuvent atteindre le 1/20 000e. Les quantités d’anticorps diminuent lentement et peuvent persister plusieurs années à des taux faibles (1/50e). La réaction est considérée positive pour des titres ≥ 1/40 à 1/50e, ce qui permet de porter des diagnostics rétrospectifs mais aussi des suspicions précoces. Le dia-gnostic de certitude repose sur l’augmentation classique d’au moins deux dilutions du titre des anticorps entre les sérums précoces et tardifs. La microagglutination en plaque donne des titres 8 à 64 fois plus élevés que l’agglutination classique en tube.Il existe des réactions croisées avec des titres plus fai-bles surtout vis-à-vis de Brucella sp. (20 % des sérolo-gies positives à Francisella ont un Wright positif faible) et plus rarement vis-à-vis de Yersinia enterocolitica ou de Proteus OX 19. Tout sérum présentant un sérodiagnostic de Wright ou de yersiniose à titre faible ou modéré devrait donc être testé en parallèle avec l’antigène de la tularémie et les titres respectifs comparés. Enfin des phénomènes de zone par excès d’anticorps peuvent survenir sur des sérums de titres très élevés nécessitant en dépistage de tester systématiquement une dilution faible et une dilution élevée du sérum.

D’autres réactions immunologiques peuvent être utilisées mais elles sont peu répandues et non commercialisées en France. Une réaction ELISA a également été mise au point et a permis de montrer que les IgM, IgG et IgA spécifiques apparaissent simultanément à la deuxième semaine et sont synthétisées plusieurs années après l’infection. La détermination du taux des IgM n’est donc d’aucune utilité pour dater l’infection [3]. Un kit de confirmation par western blot est disponible en Allemagne. Il n’existe pas de corrélation entre l’intensité des manifestations cliniques et les taux d’anticorps. En revanche, l’exérèse ganglionnaire précoce associée à une antibiothérapie efficace peut décapiter l’ascension des anticorps.

6.6. Diagnostic indirect par recherche d’une hypersensibilité retardée à la tularine (intradermoréaction)La mise en en évidence d’un état d’hypersensibilité retardée par intradermoréaction à la tularine, autolysat de F. tula-rensis chauffé, a longtemps été utilisée car cette IDR avait l’avantage d’être praticable par tout médecin, de permet-tre un diagnostic fidèle, très spécifique et précoce, dès le 5e jour, bien avant l’immunité humorale, à un moment où la prescription d’antibiotiques peut encore modifier sensi-blement le cours de la maladie. Elle resterait intéressante dans le cadre de la détection de personnes contaminées dans une large population exposée, malheureusement la tularine n’est plus préparée en France depuis 1987 [10].

7. Traitement antibiotique

En cas de tularémie « bénigne » B et en l’absence de traitement antibiotique ou si celui-ci n’est pas adapté (bêta-lactamine, pyostacine, cotrimoxazole…), les symptômes non spéci-fiques persistent pendant plusieurs semaines : il s’agit de frissons, sueurs, asthénie intense chronique, perte de poids, identiques à ceux décrits dans la brucellose chronique. Le traitement probabiliste doit idéalement être très précoce avant l’apparition du stade suppuratif ganglionnaire pour éviter que l’affection ne prenne l’allure traînante et handicapante men-tionnée ci-dessus. Le traitement de première intention per os repose sur la prise d’une fluoroquinolone : ciprofloxacine (500 mg deux fois par jour), ofloxacine (400 mg deux fois par jour) ou lévofloxacine (500 mg en une prise quotidienne) [3, 16, 17, 18]. La doxycycline (200 mg/24 h) peut être utilisée en deuxième intention mais elle produit un taux plus élevé de rechutes après l’arrêt du traitement que les fluoroquinolones ou les aminoglycosides. Le chloramphénicol est abandonné. Les aminosides parentéraux sont très actifs. La streptomycine reste le traitement de référence mais, du fait des difficultés de son usage et approvisionnement, on lui a substitué avec succès la gentamicine (5 mg/kg/24 h) très efficace dans les formes sévères. Ils ont été utilisés également de façon empirique en appoint en injections locales après ponctions ganglionnaires évacuatrices.Dans les formes pulmonaires primitives (inhalation d’aé-rosols infectieux), l’association de ciprofloxacine et de gentamicine est recommandée par l’AFSSAPS pendant au moins 14 jours. Il conviendrait de ne pas négliger une éventuelle résistance par sélection ou manipulation géné-tique lors de visées terroristes.

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BACTÉRIES DU RISQUE BIOLOGIQUE AGRESSIF

8. Prévention et mesures

réglementaires

8.1. Mesures réglementairesLa tularémie figure au tableau des maladies professionnel-les (régime agricole n° 7) [2]. Après avoir été suspendue en 1986, la déclaration de cette maladie est redevenue obligatoire en France depuis 2002, en raison de son asso-ciation possible avec un acte bioterroriste. En France, Francisella tularensis tularensis est classée dans le groupe des agents de risque 3 et aux EU dans le groupe A des CDC [3, 16]. La détention et la cession d’une souche de F. tularensis sont contrôlées par l’AFSSAPS (arrêté du 30 juillet 2004) puisqu’il s’agit d’un agent potentiel de bioterrorisme. Son transport doit s’effectuer au plan national et international dans des conditions d’embal-lage et d’étiquetage très strictes et réglementées. Les renseignements et formulaires sont disponibles auprès du Centre national de référence.

8.2. Mesures vétérinairesLa prophylaxie repose sur le dépistage des épizooties chez le lièvre (réseau SAGIR de l’AFSSA), et le contrôle des importations de lièvres d’Europe centrale, surtout depuis que F. tularensis tularensis y a été détecté. On conçoit la gravité du problème et des inquiétudes que susciteraient l’implantation et la diffusion de cette espèce hypervirulente en France [1] !Les tiques vectrices doivent être retirées sans les écra-ser, dans un lent mouvement de dévissage pour ne pas arracher la tête, puis il faut désinfecter la plaie.La manipulation d’animaux suspects doit se faire de façon prudente, protégée par le port de gants et aussi d’un masque et de lunettes. Les contaminations de laboratoire doivent être prévenues par le port de gants, de masques, de lunettes ou visières et la manipulation sous poste de sécurité microbiologique de type II.

8.3. Prophylaxie post-expositionElle repose en premier sur la ciprofloxacine ou la doxy-cycline aux doses thérapeutiques pendant 14 jours [3, 16, 17, 18].

8.4. Prophylaxie vaccinale en pré-expositionDes travaux conduits en Union Soviétique à partir de 1935, notamment par Gaiski et El’bert à l’Institut de lutte contre la peste d’Irkoutsk ont permis de développer des vaccins à partir de bactéries vivantes atténuées, lesquels semblaient fournir une protection efficace contre la mala-die naturelle [19]. Les premières vaccinations chez l’Hom-me par la souche « Moscou » ont été réalisées en 1942, fournissant une protection initiale de 6 mois. Après son emploi chez plusieurs milliers de soviétiques, cette sou-che a été perdue. Ultérieurement, l’efficacité de plusieurs souches atténuées a été évaluée dont la « souche 15 Bowillon » (probablement une erreur typographique pour « bouillon » !) et la « souche Ondatra (rat musqué) IV ». La vaccination de 950 personnes en zone endémique a permis de diminuer le taux d’incidence annuelle de 4,3 % à 0,36 %. Plus de 60 millions de personnes ont

par la suite été immunisées en URSS entre 1946 et 1960 grâce à des vaccins atténués. L’incidence chutera d’un facteur 19 entre les années 1945-1950 et la décennie suivante. En 1949, les scientifiques soviétiques recom-mandaient un premier rappel à un an puis un rappel tous les 5 ans. L’ex Union Soviétique reste le seul pays à bénéficier d’une expérience d’immunisation de masse contre la tularémie.En 1956, une ampoule d’un de ces vaccins vivants a été « exportée » d’URSS via Berlin dans les valises de la CIA. Il en sortira le « LVS » (Live Vaccine Strain) dispo-nible aux EU au début des années 1960. Il confère une protection incomplète en cas de contamination massive mais protège pendant un an contre une infection par aérosol contaminant de moins de 2 000 bactéries. Pour cette raison, une chimioprophylaxie reste nécessaire en cas d’exposition de type guerre bactériologique ou acte de bioterrorisme. Ce vaccin est encore mal défini et peu stable, c’est pourquoi les recherches actuelles visent à mieux maîtriser les conditions d’atténuation du vaccin et à identifier les antigènes protecteurs afin de mettre au point des vaccins subunitaires. Ce vaccin n’est plus disponible car il ne répondait plus aux critères de sécurité actuellement exigés [3].

8.5. Décontamination environnementaleDans des conditions naturelles, F. tularensis peut survivre pendant de longues périodes dans un environnement froid et humide. Des aérosols ont une demi-vie courte, du fait de la dessiccation, du rayonnement UV et de l’oxy-dation. Le risque de dispersion secondaire, à l’opposé du charbon sporulé, reste limité. La décontamination de locaux peut s’effectuer par exemple par pulvérisation d’eau de Javel usuelle (9 °) suivie après 10 minutes de contact d’un essuyage à l’alcool à 70 ° qui parachèvera la désinfection et limitera l’action corrosive du chlore [16]. La décontamination des personnes exposées se fait par savonnage sous une douche. Les niveaux stan-dard de chloration de l’eau de boisson sont suffisants pour protéger d’une infection hydrique [16]. Ces mesures opérationnelles sont détaillées et mises en œuvre dans le plan Peste-Charbon-Tularémie décliné au sein de la réponse coordonnée Biotox.

9. Les caractéristiques

d’une arme bactériologique,

les potentiels et les difficultés

de mise en œuvre appliquées

à la tularémie

En 1947, Theodor Rosebury, microbiologiste à Fort Detrick aux États-Unis, a défini les dix critères d’une arme bacté-riologique efficace [15] :1. le micro-organisme doit avoir un pouvoir infectant élevé,2. il doit entraîner une morbidité importante,3. il doit posséder une contagiosité élevée,4. il doit pouvoir être facilement produit en masse,5. son pouvoir de pénétration doit être rapide,

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6. il doit posséder une résistance élevée dans la nature (froid, rayons ultraviolets, chaleur sèche ou humide, dessiccation…),

7. il devra être difficile à détecter et à identifier8. il sera choisi en fonction de la difficulté à s’en protéger,

à s’immuniser contre lui9. il doit être difficile à traiter (naturellement ou par le biais

de résistances transférées par biotechnologies)10. enfin le micro-organisme choisi doit comporter un ris-

que réduit de “choc en retour” vis-à-vis de l’agresseur le dispersant, notamment par voie aérienne.

Aucun micro-organisme ne satisfait à tous ces critères. La tularémie pénètre à travers la peau, les muqueuses oculaires, digestives et surtout respiratoires entraînant rapidement une maladie pleuro-pulmonaire dont la létalité, particulièrement la forme A à F. tularensis tularensis peut aller jusqu’à 40 à 60 %. [16, 17, 18, 20]. Il n’existe cepen-dant que d’exceptionnelles contagions inter-humaines [3], ce qui peut être, suivant les circonstances, un avantage pour l’agresseur occupant le terrain « traité ». Francisella tularensis tularensis, bien que non sporulée, possède une résistance exceptionnelle dans l’environnement, particu-lièrement au froid. En revanche, sa survie est beaucoup réduite en cas d’exposition à la chaleur, à la dessiccation, au rayonnement ultraviolet et aux antiseptiques usuels qui la neutralisent facilement (par exemple chlore et eau de Javel dans l’eau, etc.).Sa production en masse, si elle n’est pas des plus faciles, est loin d’être irréalisable.Nous avons vu les difficultés du diagnostic clinique et biologique de la tularémie et de son identification, rendus cependant aujourd’hui infiniment plus rapides et fiables par la biologie moléculaire.Les populations ne possèdent pas d’immunité et le traite-ment même bien conduit n’empêche pas le déclenchement de la maladie et de ses complications s’il n’est pas extrême-ment précoce, sans parler d’éventuelles souches modifiées pour une résistance aux traitements habituels.On voit donc que la tularémie, principalement sous forme dispersée par voie aérienne pourrait constituer une arme létale ou incapacitante de tout premier plan : incapacitante car malgré la grande pathogénicité des souches vectorisées pouvant conduire à des cas mortels très nombreux, elle entraîne majoritairement une maladie de longue durée chez les personnels exposés tout en monopolisant la logistique sur les secours à apporter à ces malades.En 1969, un comité d’experts de l’OMS fit une estimation sur la dispersion de 50 kg d’un aérosol de F. tularensis subsp. tularensis sur une métropole de 5 millions d’habitants dis-posant de 10 000 médecins et 65 000 lits d’hospitalisation : 50 % des sujets non traités ayant inhalé plus de 25 bac-téries tomberaient malades et pour moitié nécessiteraient une hospitalisation. Environ le quart des sujets non traités succomberaient. Un million de personnes devraient être soumises à une chimiothérapie préventive d’au moins dix jours. Sur les 250 000 cas cliniques auxquels on pourrait s’attendre et qui recevraient des antibiotiques dès les 48 premières heures, 10 % (25 000) devraient être hospitali-sées et 1 % (2 500) en mourraient malgré tout. En résumé, cela se traduirait par 250 000 cas de maladie incapacitante et 19 000 morts environ. L’épidémie persisterait plusieurs

semaines [15]. En reprenant ce modèle, les CDC ont estimé en 1997 qu’une attaque bioterroriste de grande envergure induirait 5,4 milliards de dollars de dépenses et de pertes pour chaque tranche de 100 000 personnes exposées [16].

10. Histoire de la tularémie

comme arme bactériologique

La tularémie a d’abord été décrite comme une pseudo-peste des rongeurs en 1911 dans le comté de Tulare (les joncs en espagnol) en Californie. Elle fut reconnue peu de temps après, notamment par les travaux de Francis, comme une maladie humaine sévère et potentiellement mortelle. Francis et de nombreux membres de son équipe se contaminèrent au laboratoire, certains y perdirent la vie, prouvant involontairement sur eux-mêmes tout le potentiel infectieux de Francisella tularensis et la nature redoutable de cet agent lors de sa manipulation au laboratoire, parti-culièrement dans les conditions de l’époque. Il s’agissait de la première bactérie caractérisée par la jeune micro-biologie américaine.

10.1. L’Unité 731 japonaiseLes Japonais ont commencé leurs travaux sur la guerre bac-tériologique dès 1928 [15]. Après avoir envahi la Mandchourie en 1932, ils ne tardèrent pas à y installer un camp d’expé-rimentations secrètes d’abord à Beiyinhe, puis à Pingfan, à coté de la ville septentrionale d’Harbin, maintenant plus renommée pour ses concours de statues de glace l’hiver. L’Unité 731, officiellement nommée « Unité de fourniture d’eau et de prévention des épidémies de l’armée de Kwantung » commandée par le médecin général Ishii, s’y installa. Là plus de 3 500 « marutas », prisonniers chinois, coréens, russes (littéralement « bûches » selon le terme codé utilisé par les médecins de l’Unité 731 pour les désigner) furent utilisés comme sujets d’expérimentation pour étudier la tularémie mais aussi la peste, le charbon, la typhoïde et la salmonellose, le choléra, la dysenterie, la brucellose, le botulisme, le tétanos, la gangrène gazeuse, la morve, la grippe, la méningite céré-brospinale, la variole, l’encéphalite à tiques, la tuberculose, le typhus et bien d’autres agents exotiques tels le fugu, la fièvre hémorragique et le tsutsugamushi. Il semble cepen-dant que la tularémie, plus adaptée aux pays froids et plutôt étudiée dans le cadre de l’envahissement de l’URSS, n’ait jamais été répandue ni par l’U731, ni par l’Unité 100 ou unité hippo-épizootique chargée quant à elle de l’anéantissement des troupeaux et des récoltes. Les morts attribuables au programme de guerre bactériologique japonais en Chine se sont comptées par centaines de milliers, probablement entre 250 000 et 500 000, ayant apporté selon l’état-major « une contribution inestimable » à l’effort de guerre japonais.

10.2. Polémique sur la bataille de StalingradDe leur coté, dès 1929, les Russes avaient ouvert dans l’Institut Gamaleia un laboratoire spécialement dédié à la tularémie dont ils découvraient les ravages épidémiques sur leur sol trois ans auparavant [19]. Les premières expérimen-tations à ciel ouvert sur la tularémie eurent lieu dès 1937 dans la fameuse île du « Renouveau » (Vozrojdenye), isolée des terres d’Ouzbékistan et du Kazakhstan par ce qui était

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à l’époque la généreuse mer d’Aral. La peste, le charbon entre autres étaient également activement étudiés. Pendant la seconde guerre mondiale, les agents nazis identifièrent trois laboratoires, dont Mikrob, comme activement impliqués dans un programme offensif. C’est en 1942, que les armées nazies et soviétiques s’affrontaient dans la bataille décisive de Stalingrad, maintenant Volgograd. Ancien directeur de Biopreparat et transfuge à l’Ouest, Kanatjan Alibekov, un kazakh maintenant connu sous le nom de Ken Alibek, écrit dans son livre publié en 1999 « La guerre des germes » que la tularémie a été employée contre les troupes nazies pen-dant la bataille de Stalingrad, entre août 1942 et févier 1943. Alibek fonde ses allégations sur les 30 000 cas de tularémie ayant décimé les rangs de l’armée nazie, bientôt suivis de plus de 100 000 cas dans l’armée soviétique et dans les populations du bassin versant du fleuve Volga. Presque les trois quarts de ces cas revêtaient une forme pleuro-pulmo-naire. Certains pensent au contraire que les causes de cette gigantesque épidémie n’ayant jamais eu d’équivalent sont naturelles, dues aux malheurs de la guerre ayant empêché les moissons et ayant permis une pullulation extraordinaire de micro-rongeurs [21]. Ils avancent que la région de Rostov avait déjà recensé 14 000 cas de tularémie en janvier 1942, plusieurs mois avant l’assaut des panzers sur Stalingrad. Les rapports des rares infrastructures des services de santé encore en fonction ont enregistré que tard dans l’automne 1942 : « des épicentres de l’épizootie tularémie furent détectés dans le basin du Don. En même temps, plus de 75 % de la population de certains endroits de la région de Stalingrad fut affectée par la tularémie ». Un de ces rapports spécifiait même un taux encore plus élevé de formes pulmonaires (95,2 %), pendant la bataille. Ces formes ont été rappor-tées liées à l’utilisation de foin infecté pour les paillasses dans les tranchées, mais aussi à la nourriture, biscuits et autres rations entamés par les rongeurs, à l’eau des puits infectée par les cadavres de rongeurs, et également pour la part estivale aux moustiques. Cependant, Ken Alibek est regardé comme une source très fiable et il est intéressant de noter qu’un vaccin vivant préparé par Gaiskii et El’bert a été testé au sein des troupes soviétiques sur le front de Stalingrad. Les sources sont cependant divergentes sur l’ampleur des programmes de vaccination, mais confirment son efficacité. Il semble en revanche que les services de santé de la Wehrmacht n’aient jamais évoqué la possibilité d’actes de guerre bactériologique à l’origine de cette épidé-mie, qu’ils pensaient d’ailleurs être la fièvre des tranchées (Bartonella quintana) [15, 21].En revanche, peste, charbon, tularémie et morve devien-dront les bactéries pierres angulaires développées en URSS dans les programmes défensifs « Problem 5 » et offensifs « Ferment ». Ces programmes ultrasecrets et comparti-mentés furent conduits dans les laboratoires du ministère de la Défense et plus tard sous le couvert du complexe de fabrication de vaccins Biopreparat, mais aussi sous le couvert du ministère de la Santé dans les laboratoires de lutte contre la peste.

10.3. À l’OuestC’est en août 1942, alerté par les services secrets chinois et anglais suite aux renseignements inquiétants obtenus sur ce genre d’activité dans le reste du monde et se jugeant

vulnérable, que Roosevelt décidait de créer le War Research Service, puis en juin 1944 de centraliser les recherches au Camp Detrick, dans le Maryland où travaillèrent 3 800 mili-taires. Le programme était impulsé par George Merck alors directeur du service de recherche de guerre et fondateur du laboratoire du même nom. Un département de bactériologie, virologie, médecine, pharmacologie, physiologie et chimie fut placé sous la responsabilité du lieutenant colonel Murray San-ders. Il avait finalement perdu un œil des suites de la kérato- conjonctivite qu’il s’était volontairement inoculée pour l’étu-dier en 1942 alors qu’elle faisait des ravages dans les troupes. Murray Sanders obtint le prix Nobel de médecine en 1967 pour ses travaux à l’Université de Columbia de New York sur les virus et la dégénérescence du système nerveux. La tularémie était étudiée sous le nom de code UL, en coo-pération totale avec les Canadiens qui avaient commencé leurs propres recherches deux ans plus tôt à Grosse-Ile près de Québec et dans l’Alberta et les Britanniques de l’équipe du Dr Paul Fieldes rassemblée dès le début de la guerre à Porton Down. Murray Sanders fut chargé à la fin de la guerre du Pacifique du « debriefing » du général Ishii et des membres de son équipe qui coopérèrent, moyennant l’immunité offerte par l’intermédiaire du G2 (services secrets US) par le général Mac Arthur.

10.4. Les programmes offensifs et défensifsUn vaccin inactivé par le phénol a été préparé dès 1944 à Camp Detrick. Peu efficace, il fut bientôt amélioré l’année suivante par une extraction à l’acétone qui diminuait les réactions secondaires sans cependant offrir une protection suffisante comme le prouvent les 104 cas principalement de formes pulmonaires acquis de 1944 à 1959 chez les personnels de laboratoire.L’US Army Medical Unit avait elle-même expérimenté de 1958 à 1969 les doses infectantes pour l’Homme de ses souches militarisées sur des « volontaires » composés de 110 soldats et des détenus d’une prison de l’Ohio. Ce fut l’opération « Whitecoat ». Les soldats volontaires furent recrutés parmi des Adventistes du Septième Jour aux-quels l’armée avait proposé, en échange, un statut de non combattant [15].Les chercheurs soviétiques pendant ce temps travaillaient à une « immunisation par aérosols contre les zoonoses » (Aleksandrov et Gefen, 1958-1960) d’abord monovalen-tes, puis multivalentes, avec des mélanges étonnants de souches vaccinales de peste (souches 1 et 17), brucellose (souche B. abortus bovis 19/BA), charbon (souches STI 1 et 3) et tularémie (souche n° 15). Après des tests animaux, 128 personnes furent soumises pendant 15 minutes à une inhalation estimée à 750 000 bacilles vivants atténués aéroso-lisés de F. tularensis, avec une bonne efficacité vaccinale et avec seulement deux réactions modérément sévères et une bronchite passagère chez une troisième personne… [19].À l’Ouest, on sait que de nombreux essais d’épandage ont été réalisés avec des « similis » inoffensifs (Bacillus globigii et B. subtilis) ou supposés tels (Serratia marcescens), mais aussi qu’à compter de l’opération Harness en 1948, des essais ouverts ont débuté avec des pathogènes virulents non sporulés, le plus souvent dans des régions isolées, déserts ou îles (Bahamas, Écosse, îlots du Pacifique), mais apparemment pas uniquement, sans compter les accidents

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de laboratoires ayant conduit à des fuites dans le milieu extérieur [10]. On comprend mieux ainsi la parfaite iden-tité génomique trouvée en 2004 par l’équipe de Paul Keim entre les souches de F. tularensis tularensis isolées dans des tiques en 1988 par Gurycova, une entomologiste slo-vaque et la souche militarisée SCHU S4, vectorisée égale-ment des deux cotés du rideau de fer pour sa très haute virulence [17]…Le programme offensif puis défensif de guerre bactériolo-gique des États-Unis avait été dirigé pendant des années par Bill Patrick [22]. Avec Ken Alibek devenu son ami, ils se surnommaient avec humour « fossiles » des programmes de guerre biologique de la période de la guerre froide. Il n’en restait pas moins l’un des plus fins connaisseurs occiden-taux et les chiffres comparés de capacités de production maximales d’agents déshydratés qu’il révéla en 1999 don-nent froid dans le dos avec en tête 4 500 tonnes de charbon militarisé en ex-URSS versus 0,9 aux États-Unis, 2 000 t de Burkholderia mallei (morve) versus zéro, et troisième ex-æquo Francisella tularensis avec 1 500 tonnes en ex-URSS versus 1,6 t aux États-Unis et Yersinia pestis avec 1 500 t versus zéro pour ne parler que du quatuor de tête [18].Si, avec le président Nixon, les États-Unis avaient effective-ment appliqué les accords de 1972 interdisant la fabrication, le stockage, l’acquisition d’agents biologiques à des fins militaires et imposant la destruction des stocks existants, on sait maintenant que l’URSS avait maintenu secrètement son programme jusque sous l’ère Gorbatchev. À son apo-gée en 1988, il employait 60 000 personnes et un budget supérieur à un milliard de dollars. C’est Boris Eltsine qui le fit interrompre.

10.5. L’épidémie du KosovoÀ la lumière de ces faits, l’éclosion suspecte en 1999 d’une importante épidémie (plus de 700 cas) de tularémie en pleine guerre au Kosovo lors de l’explosion de l’ex-Yougoslavie fut prise très au sérieux. Cependant les investigations poussées menées avec méthode par les experts de l’OTAN mission-nés sur place conclurent à une épidémie naturelle amplifiée par la pullulation des rongeurs et par les conditions de vie désastreuses dans la région en guerre [19, 23].À cette époque, en 1999, la thèse officielle du General Accounting Office US expliquait que « des terroristes ne travaillant pas dans une structure d’état auraient à surmonter d’extraordinaires défis techniques et opérationnels pour mili-tariser et délivrer un agent biologique provoquant une grande quantité de victimes. Il leur faudrait maîtriser un savoir spé-cialisé dans un vaste éventail de disciplines scientifiques ». Cette conclusion est battue en brèche par les « fossiles » tels que Bill Patrick, Ken Alibek, Donald A. Henderson [18].

On peut néanmoins s’interroger sur l’utilisation de la tula-rémie lors d’actes bioterroristes, car, avec cette bactérie, la mise au point d’aérosols efficaces est extrêmement délicate et leur dispersion difficile à suffisamment large échelle. Par ailleurs, inconnue en dehors des cercles spécialisés, elle ne possède pas dans l’imaginaire des foules ciblées la puissance évocatrice de la peste, du charbon, de la variole pour créer la panique qui est également un des éléments de déstabilisation attendus de ces terroristes [20].

11. Conclusion

Dernièrement de très gros efforts de recherche fondamentale ont été effectués pour mieux comprendre les facteurs de virulence de l’espèce Francisella tularensis. A contrario, la tularémie qui représente actuellement en France une maladie deux fois plus fréquente que la brucellose reste rarement évoquée en routine.Pour répondre à une menace terroriste, les acteurs de santé, cliniciens, biologistes, anatomo-pathologistes et épidémio-logistes doivent se familiariser en profondeur avec cette affection en dehors de toute crise épidémique, améliorer encore plus leurs outils diagnostics, déclarer sans délai les cas identifiés, être capables d’isoler les souches afin de tes-ter rapidement leurs sensibilités aux antibiotiques et de les typer finement et sans délai à l’aide des outils performants disponibles en France [7, 8, 12, 21].Éditorialiste de Physics Today en 2000, Sydney Drell avertis-sait : « Durant la guerre froide furent développées les armes biologiques de deuxième génération, le génie génétique a apporté les armes de troisième et les avancées actuelles, avec le séquençage achevé des 70 agents les plus patho-gènes, celles de quatrième génération ; … la seconde guerre mondiale a été appelée la guerre des physiciens : nous affrontons la perspective effrayante de futurs conflits qui seront le tour des biologistes ».

« Si la sentinelle a vu venir l’épée et n’a pas sonné du cor si bien que le peuple n’a pas été alerté, je demanderais compte du sang versé à la sentinelle ».

Ezéchiel 33 VI.

Conflit d’intérêt : aucun

ContactsCentre national de référence des FrancisellaLaboratoire de bactériologieCentre hospitalier universitaire de Grenoble38043 Grenoble cedexTél. : 04 76 76 54 79 – Fax : 04 76 76 59 12

« Il n’y a qu’une chose qui m’embête dans la guerre, c’est sa cherté vraiment incroyable. On n’a pas idée des milliards dépensés depuis vingt-cinq ans à nourrir, à armer, à équiper les militaires […] et l’idée m’est venue d’utiliser la science moderne pour faire la guerre dans des conditions plus économiques. Pourquoi employer de la poudre sans fumée qui coûte un prix fou, quand on a le microbe pour rien ? […] Au lieu de tout cet attirail coûteux et tumultueux, on installerait discrètement de petits laboratoires où l’on cultiverait les microbes les plus virulents, les plus pathogènes dans les milieux appropriés. […] Et allez donc ! le jour où XXX nous embêtera, au lieu de lui déclarer la guerre, on lui déclarera le choléra, ou la variole ou toutes ces maladies à la fois. Comme ce sera simple ! Des gens sûrs se répandront sur tous les points de la nation abhorrée et distribueront, aux meilleurs endroits, le contenu de leurs tubes ».

Alphonse Allais, Patriotisme économique, lettre humoristique destinée à Paul Déroulède, 1895.

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