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© Masson, Paris, 2006 Neurochirurgie, 2006, 52, n° 2-3, 133-137 Cas clinique TUMEUR MÉLANOCYTAIRE PRIMITIVE MALIGNE RADICULAIRE À propos d’un cas J.-F. MINEO (1) , M.-M. P.-RUCHOUX (2) , D. PASQUIER (3) , H. RIGOLLE (4) , R. ASSAKER (1) (1) Service de Neurochirurgie, (2) Service de Neuropathologie, Hôpital Roger-Salengro, Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Lille, 59037 Lille. (3) Service de Radiothérapie, Centre Oscar-Lambret, Lille. (4) Service de Radiologie, Centre Hospitalier, Boulogne-sur-Mer. Article reçu le 18 octobre 2004. Accepté le 15 septembre 2005. Tirés à part : J.-F. MINEO, à l’adresse ci-dessus. e-mail : j-mineo@CHRU-lille. fr SUMMARY: Primitive malignant melanoma arising in a spinal nerve root. A case report J.-F. MINEO, M.-M. P.-RUCHOUX, D. PASQUIER, H. RI- GOLLE, R. ASSAKER (Neurochirurgie, 2006, 52, 133-137). We report the fourth case of primitive malignant mela- noma arising in a spinal nerve root. A 39-year-old woman complained of one-year low back pain radiating to the right thigh and knee, and loss of 7kg. Clinical examina- tion found moderate quadricipital amyotrophy and hypo- esthesia of anterior side of the thigh. MRI study demonstrated an enlargement of right L3 root with scal- loping of the L3/L4 foramen. The T1-weighted MRI images showed a tumor hyperintensity, the T2-weighted images showed tumor isointensity and mild contrast enhancement. Due to the scalloping of L3/L4 foramen with root enlargement and slow evolution (more than one year between the first symptom and surgery without clinical worsening), the initial preoperative diagnosis was L3 schwannoma. After laminoarthrectomy and du- ral opening, a firm black lesion, well encapsulated and involved in a dorsal spinal root, was totally removed. The tumor was composed of irregular melanocytoid cells with high proliferation index (20%). Immunohisto- chemistry showed melanin, HMB-45 and S100 positivy, but reticulin was negative (that eliminates malignant melanocytic schwannoma). An extensive clinical and paraclinical research of other melanotic localisation was negative. So, the final diagnosis was intradural primitive malignant melanoma. Radiotherapy was performed on the site of the tumor. Fatal pulmonary metastasis occurred 18 months after surgery. The most common tumor with root enlargement and bony scalloping is the benign schwannoma. Despite the above described radiological features, MRI characteris- tics (hyperintensity when images are T1-weighted) sug- gest a melanocytic tumor, a tumor with a high adipose component or an intratumoral bleeding. Specific MRI RÉSUMÉ Nous rapportons le 4 e cas de mélanome malin radi- culaire. Une patiente de 39 ans présentait, depuis un an, une cruralgie minime, une amyotrophie quadri- cipitale et une hypoesthésie de la face antérieure de la cuisse. Le bilan radiologique retrouvait un élargissement du foramen intervertébral L3/L4 et une masse déve- loppée aux dépens de la racine L3. Le signal IRM de cette lésion était spontanément hyper-T1. L’exérèse complète d’une lésion noirâtre développée dans la ra- cine postérieure de L3 était possible après lamino- arthrectomie. L’étude anatomo-pathologique affirmait le diagnostic de mélanome malin ; compte tenu de l’absence de mélanome cutané, le diagnostic de « mé- lanome malin primitif » était retenu. La patiente rece- vait une irradiation sur le foyer chirurgical. Elle décédait 23 mois après le début de la prise en charge diagnostique d’une diffusion métastatique pulmonaire et hépatique. Le diagnostic de neurinome initialement posé n’était pas compatible avec un hyper-signal en T1 spontané qui évoque plutôt une tumeur graisseuse, mélanique ou hé- morragique. L’évolution clinique lente et l’élargissement du foramen permettaient de récuser les diagnostics de mélanomes métastatiques et de tumeurs hémorragiques. L’association d’une clinique lentement évolutive, d’un hyper-signal spontané en T1 et d’un élargissement du foramen doit orienter vers une tumeur à composante mélanique du névraxe. La tumeur mélanocytaire primi- tive bénigne et la forme maligne appelée « mélanome malin primitif » ne sont différentiables que sur l’étude de l’index de prolifération. Le pronostic de ces lésions et leurs relations exactes sont encore sujettes à discussion ; il existe des formes malignes à rémission prolongée et des formes bénignes à dissémination névraxiale rapide (principalement en cas de résection sub-totale). Le traitement chirurgical doit chercher l’exérèse complète

Tumeur mélanocytaire primitive maligne radiculaire

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Page 1: Tumeur mélanocytaire primitive maligne radiculaire

© Masson, Paris, 2006

Neurochirurgie

, 2006,

52

, n° 2-3, 133-137

Cas clinique

TUMEUR MÉLANOCYTAIRE PRIMITIVE MALIGNE RADICULAIRE

À propos d’un cas

J.-F. MINEO

(1)

, M.-M. P.-RUCHOUX

(2)

, D. PASQUIER

(3)

, H. RIGOLLE

(4)

, R. ASSAKER

(1)

(1) Service de Neurochirurgie, (2) Service de Neuropathologie, Hôpital Roger-Salengro, Centre Hospitalier Régional et Universitaire de Lille, 59037 Lille.

(3) Service de Radiothérapie, Centre Oscar-Lambret, Lille.

(4) Service de Radiologie, Centre Hospitalier, Boulogne-sur-Mer.

Article reçu le

18 octobre 2004.

Accepté le

15 septembre 2005.

Tirés à part :

J.-F. M

INEO

, à l’adresse ci-dessus.e-mail : j-mineo@CHRU-lille. fr

SUMMARY:

Primitive malignant melanoma arising ina spinal nerve root. A case report

J.-F. M

INEO

, M.-M. P.-R

UCHOUX

, D. P

ASQUIER

, H. R

I-GOLLE

, R. A

SSAKER

(Neurochirurgie,

2006,

52

, 133-137

).

We report the fourth case of primitive malignant mela-noma arising in a spinal nerve root. A 39-year-old womancomplained of one-year low back pain radiating to theright thigh and knee, and loss of 7kg. Clinical examina-tion found moderate quadricipital amyotrophy and hypo-esthesia of anterior side of the thigh. MRI studydemonstrated an enlargement of right L3 root with scal-loping of the L3/L4 foramen. The T1-weighted MRIimages showed a tumor hyperintensity, the T2-weightedimages showed tumor isointensity and mild contrastenhancement. Due to the scalloping of L3/L4 foramenwith root enlargement and slow evolution (more thanone year between the first symptom and surgery withoutclinical worsening), the initial preoperative diagnosiswas L3 schwannoma. After laminoarthrectomy and du-ral opening, a firm black lesion, well encapsulated andinvolved in a dorsal spinal root, was totally removed.The tumor was composed of irregular melanocytoid cellswith high proliferation index (20%). Immunohisto-chemistry showed melanin, HMB-45 and S100 positivy,but reticulin was negative (that eliminates malignantmelanocytic schwannoma). An extensive clinical andparaclinical research of other melanotic localisation wasnegative. So, the final diagnosis was intradural primitivemalignant melanoma. Radiotherapy was performed on thesite of the tumor. Fatal pulmonary metastasis occurred18 months after surgery.

The most common tumor with root enlargement andbony scalloping is the benign schwannoma. Despite theabove described radiological features, MRI characteris-tics (hyperintensity when images are T1-weighted) sug-gest a melanocytic tumor, a tumor with a high adiposecomponent or an intratumoral bleeding. Specific MRI

RÉSUMÉ

Nous rapportons le 4

e

cas de mélanome malin radi-culaire. Une patiente de 39 ans présentait, depuis unan, une cruralgie minime, une amyotrophie quadri-cipitale et une hypoesthésie de la face antérieure de lacuisse. Le bilan radiologique retrouvait un élargissementdu foramen intervertébral L3/L4 et une masse déve-loppée aux dépens de la racine L3. Le signal IRM decette lésion était spontanément hyper-T1. L’exérèsecomplète d’une lésion noirâtre développée dans la ra-cine postérieure de L3 était possible après lamino-arthrectomie. L’étude anatomo-pathologique affirmaitle diagnostic de mélanome malin ; compte tenu del’absence de mélanome cutané, le diagnostic de « mé-lanome malin primitif » était retenu. La patiente rece-vait une irradiation sur le foyer chirurgical. Elledécédait 23 mois après le début de la prise en chargediagnostique d’une diffusion métastatique pulmonaireet hépatique.

Le diagnostic de neurinome initialement posé n’étaitpas compatible avec un hyper-signal en T1 spontané quiévoque plutôt une tumeur graisseuse, mélanique ou hé-morragique. L’évolution clinique lente et l’élargissementdu foramen permettaient de récuser les diagnostics demélanomes métastatiques et de tumeurs hémorragiques.L’association d’une clinique lentement évolutive, d’unhyper-signal spontané en T1 et d’un élargissement duforamen doit orienter vers une tumeur à composantemélanique du névraxe. La tumeur mélanocytaire primi-tive bénigne et la forme maligne appelée « mélanomemalin primitif » ne sont différentiables que sur l’étude del’index de prolifération. Le pronostic de ces lésions etleurs relations exactes sont encore sujettes à discussion ;il existe des formes malignes à rémission prolongée etdes formes bénignes à dissémination névraxiale rapide(principalement en cas de résection sub-totale). Letraitement chirurgical doit chercher l’exérèse complète

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sequences can eliminate adipose tissue tumor, but diag-nosis between melanin and methemoglobin is still diffi-cult. According to the index of proliferation, a primitivecentral melanocytic lesion can be a meningeal melano-cytoma (considered as benign) or a primitive malignantmelanoma. These tumors show identical protein expres-sions in immunohistochemistry, and their prognosis isvery variable (some long-term remissions are reportedfor malignant melanomas and fast disseminations aredescribed for meningeal melanocytomas treated by sub-total surgery). The L3/L4 foramen scalloping is unusualfor a malignant lesion with theoretic high-speed develop-ment. The other 3 patients (reported in the literature)survive more than 3 years. The histological features ofmalignant lesion with benign clinical features lead tointerrogation upon the actual pathologic classification.

Key-words:

primitive melanoma, malignant melanoma, nerve root, spinal me-lanoma.

de la lésion et, pour les formes malignes, une radio-thérapie focale est classiquement associée de manièresystématique.

Nous rapportons le 4

e

cas de mélanome malinradiculaire. Les tumeurs mélanocytaires méningéesprimitives sont rares, mais les caractéristiques cli-niques et en imagerie par résonance magnétiquenucléaire (IRM) permettent parfois d’envisager lediagnostic avant la chirurgie. La distinction histo-logique entre tumeurs mélanocytaires méningéesbénignes et malignes (appelé « mélanome malinprimitif ») recouvre des évolutions cliniques par-fois différentes. Il est rapporté des cas de récidivesrapides de lésions bénignes dont l’exérèse était sub-totale et des rémissions prolongées de formes ma-lignes. Le traitement est discuté et doit comprendreune exérèse la plus complète possible.

OBSERVATION

Mme P…, 39 ans, aux antécédents de dépressionet d’hépatite B chronique, était opérée pour une liga-ture des trompes. À noter que la patiente avait perdu7 kg sur un an, sans régime particulier. À la suite d’uneinjection sous-cutanée d’héparine de bas poids molé-culaire (HBPM), il était constaté un petit hématomeà la base de la cuisse. Quelques jours plus tard, la pa-tiente se plaignait de douleurs au niveau de la faceantérieure de la cuisse droite.

L’examen clinique retrouvait une hypoesthésie dela face antérieure et latérale de la cuisse droite, unediminution du réflexe rotulien droit et une amyotrophiediscrète du quadriceps droit. Un électromyogramme(EMG) de la jambe droite était dans les limites de lanormale, avec cependant une légère diminution desvitesses de conduction au niveau du nerf crural droitpar rapport au gauche. Un scanner lombaire montraitune masse élargissant le foramen intervertébral L3/L4droit

(figure 1)

. Une IRM montrait une lésion avec unhyper-signal en séquence T1

(figure 2)

, iso-signal en T2et se rehaussant de manière modérée après injectionde produit de contraste. Le diagnostic retenu était celuide neurinome lombaire en raison de l’élargissement

(scalloping) foraminal, de la pauci-symptomatologieet de l’évolution lente.

La patiente n’était adressée en Neurochirurgiequ’environ un an après le début des symptômes et au

FIG. 1. — Tomodensitométrie en coupe axiale passant parL3, montrant l’élargissement du foramen intervertébralL3/L4 droit.FIG. 1. — Axial CT-scan showing enlargement of L3 rightforamen.

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terme d’un bilan réalisé en ville, étalé sur 5 mois (cedélai était dû au fait que la patiente avait rapporté lessymptômes à l’injection d’HBPM et que l’EMG réaliséen première intention était rassurant). À noter que,durant un an, aucune aggravation clinique n’avait étéconstatée.

L’exploration chirurgicale par lamino-arthrectomiedroite a mis en évidence après ouverture de la gaineradiculaire de L3 une lésion noirâtre hémorragique.La lésion était développée au dépend de la racine

dorsale sensitive qui a été sacrifiée, mais le contingentmoteur de la racine antérieure a été respecté. L’examenanatomo-pathologique extemporané était en faveurdu mélanome malin, en montrant de nombreusesmitoses et des cellules irrégulières avec composantefusiforme prédominante

(figure 3)

, chargées de pig-ments mélaniques. L’examen définitif confirmait cediagnostic ; l’index de prolifération était de 20 % (auKi67). En immuno-histochimie, la protéine S-100,l’anticorps anti-HMB-45 et la mélanine A étaient po-sitives ; en revanche, la réticuline était négative.

L’état de la patiente n’était pas aggravé par l’inter-vention. On notait, sur l’IRM de contrôle à 3 mois,une collection profonde de liquide cérébro-spinalen regard du foyer chirurgical. La recherche d’unmélanome cutanéo-muqueux primitif était négative(examens dermatologique, laryngé, ophtalmologique,gynécologique, proctologique, urologique et gastro-entérologique négatifs), de même que le bilan d’ex-tension (IRM cérébrale, scanner thoraco-abdomino-pelvien et scintigraphie osseuse). La patiente recevait,sur le foyer opératoire, une irradiation complémen-taire de 45 grays en 22 séances.

La patiente décédait d’une diffusion métastatiquepulmonaire et hépatique, 18 mois après la chirurgie,soit 23 mois après le début du bilan et 30 mois aprèsle début des symptômes.

DISCUSSION

Le diagnostic évoqué initialement, sur l’évolu-tion lente de la symptomatologie et l’élargissementdu foramen radiculaire, a été celui de neurinomebénin. Cependant, l’hyper-signal spontané en T1devait faire évoquer trois type de lésions : une

FIG. 2. — IRM non injectée, pondérée en T1. Image char-nue, développée aux dépens de L3 droite (étoile). La ra-cine L3 gauche (flèche) est de taille normale.FIG. 2. — T1-wheigted MRI without contrast injection. En-largement of L3 right root (star). The size of L3 left root(arrow) is normal.

FIG. 3. — Examen anatomopatholo-gique. Visualisation de cellules hété-rogènes avec composante fusiformes,présences de mitoses (flèches noires)et surcharge mélanique visible en noir(flèches blanches). (Hématoxylineéosine, × 40).FIG. 3. — Pathologic examination. Ir-regular melanocytoid cells with highproliferation index, mitosis (black ar-rows), melanin shown in black (whitearrows). (Hematoxylin eosin, × 40).

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tumeur ayant saigné, une tumeur à composantegraisseuse ou une tumeur contenant de la méla-nine. Les séquences en saturation de graisse peu-vent éliminer les lésions lipomateuses. L’évolutionclinique lente et l’élargissement du foramen inter-vertébral a permis d’écarter les diagnostics de mé-tastase radiculaire de mélanome malin (premierdiagnostic à évoquer par argument de fréquence[4]), ainsi que celui de lésion hémorragique (sou-vent de révélation clinique brutale).

L’association d’une clinique lentement évolu-tive, d’un hyper-signal spontané en T1 en IRM etd’un élargissement du foramen a permis de ne re-tenir que trois diagnostics étiologiques non diffé-rentiables par l’imagerie et la clinique :

— la tumeur mélanocytaire primitive bénigne,appelée « mélanocytome méningé »,

— ou la forme maligne, appelée « mélanomemalin » ;

— le schwannome mélanocytique, qui est déve-loppé aux dépens d’une racine et peut être bénin oumalin ; dans notre observation, l’examen anatomo-pathologique a éliminé ce diagnostic par l’absencede marquage par la réticuline et l’absence de mem-brane basale en microscopie optique [1].

La survenue de tumeurs mélanocytaires primiti-ves du système nerveux central et de ses annexes estexpliquée par la présence de mélanocytes dérivésdes crêtes neurales au niveau des leptoméninges.Les deux lésions ont le même profil en immuno-histochimie (elles sont toutes deux positives pour laprotéine S-100 et l’anticorps anti-HMB-45). La clas-sification de l’OMS les distingue principalement parla présence de mitoses en faible ou grand nombre[5]. Avec un index de prolifération au Ki67 à 20 %,l’histologie affirme donc le diagnostic de lésion ma-ligne mélanocytaire primitive, dit mélanome malin.

La nature des relations entre les lésions mélano-cytaires primitives bénignes ou malignes reste su-jette à discussion. Le mélanocytome méningé estune tumeur bénigne, mais dont la récidive est fré-quente avec, parfois, diffusion à l’ensemble du né-vraxe [2, 3] ; certains auteurs la désigne comme une« tumeur bénigne à comportement agressif » [2].

Notre cas de mélanome malin radiculaire est le4

e

rapporté dans la littérature [9]. Certains auteurs[9, 10] décrivent des exérèses complètes avec ab-sence de récidive à moyen terme (2,3 et 7 ans),alors qu’il est rapporté d’autres cas de récidivesprécoces de mélanocytomes méningés considéréscomme bénins [2, 3, 6, 7, 8]. Ces récidives survien-nent principalement chez les patients n’ayant bé-néficié que d’une chirurgie partielle (50 % derécidive à 1 an dans les chirurgies partielles, selonRades

et al

. [8]). Il est intéressant de constaterque, dans un autre cas de mélanome malin radi-culaire [10], le foramen était également élargi

(ainsi que dans un cas de mélanome malin cervi-cal arachnoïdien étendu vers une racine [5]). Ilsemble paradoxal qu’une tumeur maligne évoluesuffisamment lentement pour provoquer une éro-sion osseuse du foramen. Il s’agirait d’une tumeuravec un caractère malin en histologie, mais à com-portement bénin, ce qui n’est pas classique. Onpeut également émettre la possibilité d’une lésionbénigne radiculaire évoluant quelques annéesavant d’être découverte lors du passage à l’ana-plasie, malignité confirmée par l’histologie lors del’exérèse. Il est rapporté, dans la littérature, uncas de mélanocytome crânien récidivant à trans-formation maligne (mais après irradiation pargamma-knife) [11] : le diagnostic porté a été celuide mélanocytome méningé malin à cause del’anamnèse car ce diagnostic est, en théorie, im-possible : un anatomopathologiste examinant leslames sans connaître les antécédents du patient de-vrait conclure à une lésion maligne mélanocytaire,donc au mélanome malin.

Le pronostic d’une lésion mélanocytaire pri-mitive ne peut être fixé par le type histologiqueseul, le mélanocytome méningé bénin pouvantdiffuser à l’ensemble du névraxe et récidiverplus rapidement qu’un mélanome malin primitif.Cette « non-distinction » entre les pronostics évo-lutifs imprévisibles, malgré un index de proliféra-tion différent, est encore un sujet d’interrogationsur la dichotomie entre les deux lésions. Il ne sem-ble pas exclu qu’il puisse exister un continuum en-tre les deux entités lésionnelles [11].

On peut donc se demander si la classificationactuelle qui donne deux noms à deux lésions nondifférentiables en immuno-histochimie et sur le plande l’évolutivité clinique est réellement pertinente.Comme on le constate dans la littérature, l’argu-ment qui semblait le plus objectif, à savoir l’indexde prolifération, ne semble pas réellement corréléà l’agressivité des lésions pour les tumeurs méla-nocytaires primitives.

Le traitement de référence des mélanomes ma-lins est l’exérèse chirurgicale complète associée àune radiothérapie sur le foyer chirurgical. La chi-miothérapie n’est pas classiquement administréeen cas de résection complète, mais plutôt réservéepour le traitement de la récidive. Le traitementpar interféron n’est pas codifié pour cette patho-logie rare ; il a été discuté, pour notre patiente,par analogie avec les recommandations de traite-ment des mélanomes cutanés, mais écarté comptetenu des antécédents dépressifs de la malade. Ànoter que pour les formes bénignes de mélanocy-tomes méningés, Rades

et al

. [8] montrent dansleur étude rétrospective que la radiothérapie nesemble utile que pour les formes avec résectionsubtotale.

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CONCLUSION

Devant une lésion avec élargissement du fora-men intervertébral, l’hypothèse du neurinome s’im-pose par argument de fréquence, mais elle ne doitpas faire négliger l’analyse soigneuse des séquencesIRM dont les atypies peuvent suggérer d’emblée lediagnostic de lésion mélanocytaire radiculaire. Unetumeur mélanocytaire primitive du système nerveuxcentral peut être soit un mélanocytome méningébénin, soit un mélanome malin. La distinctionentre ces tumeurs n’est faisable que sur l’index deprolifération. Mais, malgré cette apparente dicho-tomie lésionnelle, le pronostic n’est pas évaluableuniquement par l’histologie : il est rapporté des casde mélanomes malins à récurrences tardives et descas de mélanocytomes diffusant rapidement à l’en-semble du névraxe. La possibilité que les deuxentités soient des formes différentes d’une mêmelésion n’est pas exclue.

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