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Les élections présidentielles et législatives, l’environnement de la campagne électorale TUNISIE Article premier : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque Octobre 2009 N°531f Conseil National pour les Libertés en Tunisie © FIDH/GGt

Tunisie : les élections présidentielles et législatives, l'environnement

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de souveraineté. Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Article 6 : Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Article 7 : Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination. Article 8 : Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant

Les élections présidentielles et législatives, l’environnement de la campagne électorale

TUnISIE

de souveraineté. Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Article 6 : Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Article 7 : Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination. Article 8 : Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant

Article premier : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque

Octobre 2009 N°531f

Conseil National pour les Libertés en Tunisie

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2 / Titre du rapport – FIDH

Photo de couverture : Cliché pris à Tunis en mai 2005, soit moins d’un an après les élections présidentielles d’octobre 2004. Traduction du slogan de l’affiche : Ben Ali pour la Tunisie de demain.

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Introduction ------------------------------------------------------------------------------------------------4

I- La Constitution --------------------------------------------------------------------------------------- 6

II- Le code électoral ------------------------------------------------------------------------------------ 8

III- Les autres institutions concernées --------------------------------------------------------------- 11

IV- Entraves au déroulement d’un processus démocratique et revendications

des formations politiques ------------------------------------------------------------------------------ 15

Ce document a été réalisé avec l’aide financière de l’Union européenne. Le contenu de ce document relève de la seule responsabilité de la FIDH et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l’Union européenne.

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4 / Tunisie – FIDH/CNLT

Introduction

A l’occasion de la tenue des élections présidentielles et législatives en Tunisie au mois d’octobre 2009, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et le Comité national pour les libertés en Tunisie (CNLT) ont décidé de s’intéresser au cadre légal de ces deux scrutins et au déroulement de la pré-campagne électorale.

Le présent document est le résultat d’interviews menées au cours des derniers mois avec un large spectre d’acteurs concernés, représentants de partis politiques, juristes, organisations non-gouvernementales, journalistes etc. il n’a toutefois pas été possible de rencontrer les autorités elle-ci ayant refusé en avril 2008 de laisser accéder au territoire une délégation de la FIDH qui avait pour mandat de s’entretenir avec elles des modalités de préparation des échéances électorales à venir.

Les cinquièmes élections présidentielles et législatives depuis l’arrivée au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali se tiendront le 25 octobre 2009. C’est grâce à une révision de la Constitution qu’il a organisée en 2002 que le chef de l’Etat tunisien pourra se présenter pour un cinquième mandat.Théoriquement pluraliste, on y compte plusieurs partis d’opposition ou «indépendants», la Tunisie vit de fait sous un régime de parti unique et un système où le pouvoir exécutif n’est tempéré par aucun contre-pouvoir. En effet, les pouvoirs législatif et judiciaire sont sous la coupe de l’omnipotente présidence. La presse est totalement contrôlée, exception faite de trois journaux d’opposition, tolérés, mais qui sont régulièrement l’objet de mesures arbitraires restreignant leur diffusion. Quant à la société civile, elle ne jouit pratiquement d’aucun espace pour se faire entendre, les rares associations réellement indépendantes étant empêchées d’élargir leur audience auprès de l’opinion.

C’est dans cet environnement que la campagne électorale a commencé. La campagne officielle ne dure que treize jours, ce qui pénalise grandement les candidats qui n’ont pas accès aux médias d’Etat et qui ne bénéficient pas du soutien de l’administration. En revanche, la campagne de l’actuel chef de l’Etat et candidat à sa propre succession, a débuté il y a plus de deux ans.

La «pré-campagne» du chef de l’Etat

On peut dire, sans exagérer, qu’elle se déroule de façon quasi permanente entre deux mandats. La campagne actuelle a pris une vitesse de croisière il y a presque trois ans.Elle a commencé par un appel au Président de tout ce que le pays compte comme associations. Toutes ou presque l’ont conjuré de se représenter pour poursuivre son « oeuvre grandiose » et «avant-gardiste» et continuer de travailler au bonheur des Tunisiens. Depuis plus de deux ans, les quotidiens consacrent des pages entières aux encarts des communiqués hagiographiques de ces associationsOfficiellement, la Tunisie compte 9 350 associations de toutes sortes, essentiellement des associations professionnelles ou de bienfaisance, le plus souvent créées dans l’orbite du pouvoir. Celui-ci présente ces milliers d’associations comme la preuve du dynamisme de la «société civile» et une démonstration éclatante de la liberté d’expression qui règne dans le pays.

Ces appels ont été relayés par ceux des corps constitués, des parlementaires, de la

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centrale syndicale Union générale tunisienne du travail (UGTT) et du Rassemblement Constitutionnel Démocratique (RCD, au pouvoir). Les universités, les grandes écoles, les instituts de recherche, les entreprises petites et grandes ont aussi rivalisé de supplications à l’adresse de M. Ben Ali. Ces prises de positions démontrent le contrôle exercé sur des institutions pourtant censées assurer la neutralité de l’Etat, de même que sur l’ensemble du monde professionnel et sur tout ce que la Tunisie compte de secteurs d’activités. Depuis quelques mois, les affiches et les déclarations de soutien se multiplient partout dans le pays. De plus en plus, la Tunisie se couvre d’immenses affiches à l’effigie de M. Ben Ali, seul ou entouré de foules en adoration. Toutes les routes sont barrées de banderoles réitérant leur amour (sic) pour le chef de l’Etat, sans l’abnégation duquel la Tunisie sombrerait dans le chaos. En septembre, des sacs plastique à l’enseigne de Radio Zitouna (propriété du gendre du chef de l’Etat) ont été distribués à la sortie des mosquées. Ces sacs portent également en gros et en rouge l’inscription «Ben Ali 2009».A l’inverse, les autres partis n’ont droit qu’à des emplacements restreints pour leur affichage et ce, uniquement pendant la campagne officielle de treize jours.

Les médias restent largement à la dévotion du chef de l’Etat. Le groupe Cheikh Rouhou, le seul groupe de presse indépendant, hormis les journaux d’opposition à la diffusion modeste, vient d’être acquis par un gendre du président déjà propriétaire d’une radio et bientôt d’une chaîne de télévision. Ce groupe privé était propriétaire du quotidien en arabe Essabah et du quotidien en français Le Temps qui, tout en étant étroitement contrôlés, s’autorisaient parfois une certaine liberté de ton. Reste l’hebdomadaire bilingue Réalités, étroitement contrôlé aussi, mais qui s’essaye également à une timide liberté de ton.Cependant, depuis quelques années, cet unanimisme médiatique est bousculé par l’entrée en scène des chaînes satellitaires arabes. La chaîne Al Jazira, en particulier, interviewe régulièrement des personnalités tunisiennes de l’opposition, en Tunisie même et à l’étranger1. Les candidats de l’opposition reconnaissent qu’il s’agit là d’une fenêtre leur permettant de se faire entendre de l’opinion. Des chaînes occidentales comme France 24 ou la BBC représentent également pour eux des tribunes occasionnelles.

Ce verrouillage de l’espace médiatique et cette propagande omniprésente et lancinante constituent une véritable mise en condition de la population, d’autant plus dommageable à un déroulement normal de la campagne électorale que les autres candidats sont condamnés par le pouvoir à une quasi-totale invisibilité.

Le cadre légal des élections

Tout le processus électoral – conditions de candidatures, campagnes électorales, vote et dépouillement, vérification des résultats des élections – est régi par la Constitution et par un code électoral très précis. Le régime tunisien a toujours respecté à la lettre les rituels électoraux selon les formes établies par la législation.Mais les modifications périodiques de la Constitution et du code électoral changent régulièrement les règles du jeu au gré des intérêts du pouvoir et de son président. Les élections de 2009 se dérouleront donc, comme à l’accoutumée, « dans le respect scrupuleux du calendrier et des rituels électoraux, sur la base d’un mode de scrutin combinant astuces procédurales et dérogations légales par lequel le régime sélectionne ses alliés politiques ainsi que ses opposants légaux », selon le constat de la juriste Sana Ben Achour.

1. Ce qui vaut à la chaîne satellitaire de subir régulièrement les foudres du pouvoir tunisien. On assiste en particulier depuis juillet 2009 à une véritable campagne contre la chaîne, menée par les principaux titres de la presse tunisienne pro-gouvernementale suite à la couverture d’une conférence sur le droit au retour des dissidents tunisiens exilés.

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6 / Tunisie – FIDH/CNLT

I- La Constitution

Depuis 1959, date de sa promulgation, la Constitution tunisienne a connu 15 révisions, dont 9 depuis 1987. En vingt ans, le régime actuel a donc procédé à davantage de modifications que durant les 28 ans de présidence bourguibienne (6). Quatre révisions ont été effectuées en 1988, 1997, 1999 et 2002. La révision de 2002 est la plus importante, et la seule à avoir été soumise à référendum. Celui-ci fut introduit dans la législation en 1997 et ne peut être convoqué que pour une révision constitutionnelle. Celle de 2002 a été approuvée par plus de 99% des suffrages.Cette révision a créé la Chambre des conseillers (Chambre haute) et a modifié les conditions de la candidature à la présidence de la République. Elle définit les conditions de candidature suivantes :

Les élections présidentielles-

Tout candidat à la présidence de la République doit avoir 40 ans minimum et 75 ans au maximum. Avant la révision de 2002, l’âge limite était de 70 ans. Le relèvement de cinq ans a été institué pour permettre au président Ben Ali, né le 3 septembre 1936, de se représenter en 2009. Le candidat doit être de religion musulmane et de parents et de grands parents tunisiens sans discontinuité. Cette dernière mesure a été instituée par la révision constitutionnelle de 1988. Avant cette date, la nationalité d’un seul parent (le père) était requise pour poser sa candidature.Tout candidat à la présidence de la République doit être présenté par au moins trente membres de la Chambre des députés (30) et de présidents de municipalités conformément aux modalités et conditions fixées par la loi électorale. Cette disposition – banale dans un système démocratique – est ici un facteur de limitation des candidatures indépendantes, dans la mesure où la quasi-totalité des élus nationaux et municipaux appartiennent au parti au pouvoir.

Le nombre de mandats que peut faire un président est illimité. Avant la révision de 2002, un mandat pouvait être renouvelé deux fois. Un président ne pouvait donc pas faire plus de trois mandats. Sans la révision, le président Ben Ali n’aurait donc pas pu se représenter ni en 2004 ni en 2009.Le président de la République est élu au scrutin uninominal à deux tours. Or, dans l’histoire de la Tunisie indépendante, aucune élection présidentielle n’a connu de second tour. Le Conseil constitutionnel reçoit les candidatures aux élections présidentielles, statue sur leur validité, publie la liste des candidats, proclame les résultats et statue sur les contestations. Mais le Conseil est composé de telle sorte qu’il est à la dévotion du pouvoir et ne peut remplir sa mission constitutionnelle. Il comporte en effet 9 membres, dont 4 nommés par le président de la République (y compris le président du Conseil), 2 par le président de la Chambre des députés, plus le Premier président de la Cour de cassation, les présidents du Tribunal administratif et la Cour des comptes. Ce verrouillage est renforcé par le fait que toute contestation de l’élection doit être présentée 48 heures au plus tard après le scrutin, ce qui interdit toute véritable possibilité de vérification.

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FIDH/CNLT – Tunisie / 7

Les élections législatives (Chambre des députés)-

Tout candidat aux élections législatives doit être âgé de 23 ans minimum, et être de père ou de mère tunisien. Il doit être inscrit sur une liste électorale et disposer de sa carte d’électeur. Les candidats aux élections législatives n’ont besoin ni de parrainages ni de caution.Les gouverneurs reçoivent les candidatures pour chaque circonscription, statuent sur leur validité et donnent un récépissé aux candidats acceptés 48 heures après le dépôt de leur candidature. Ils nomment les membres des bureaux de vote et les scrutateurs. De fait, les gouverneurs orchestrent toutes les opérations électorales. Le ministère de l’Intérieur proclame les résultats. Le Conseil constitutionnel statue sur les contestations. Un amendement au code électoral du 13 avril 2009 a porté les délais d’examen des recours par le Conseil constitutionnel de cinq jours à deux semaines (art. 106 nouveau du code électoral) afin qu’il «dispose de tout le temps nécessaire pour en examiner la légitimité» (interview de Zouheir Mdhaffar, ministre de la Fonction publique, Jeune Afrique n° 2541, 20-26 septembre 2009).On peut dire, en réalité, que l’ensemble du processus des élections législatives est sous le contrôle du ministère de l’Intérieur.

Les élections à la Chambre des conseillers-

Cette chambre a été créée par la révision constitutionnelle de 2002. Elle comporte 126 membres, nombre révisable tous les 6 ans mais limité aux deux-tiers du nombre des membres de la Chambre des députés. Le mandat des conseillers est de 6 ans et leur composition est renouvelée par moitié tous les 3 ans. Ils sont élus par les membres de la Chambre des députés et par les conseillers municipaux. Les candidats doivent être nés de père tunisien ou de mère tunisienne, et être âgés d’au moins quarante ans.La Chambre, élue pour la première fois le 3 juillet 2005, est répartie en trois tiers : 43 membres sont élus à l’échelle régionale parmi les élus locaux (1 ou 2 par gouvernorat selon son nombre d’habitants). Actuellement, ils sont tous issus du Rassemblement constitutionnel démocratique. 42 membres sont élus à l’échelle nationale parmi les membres des organisations professionnelles regroupant les employeurs (Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat), les agriculteurs (Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche) et les salariés (Union générale tunisienne du travail). Ces listes doivent comprendre deux fois plus de candidats que de sièges à pourvoir (28 candidats pour 14 sièges respectifs). 41 membres sont nommés par le Président de la République parmi les « personnalités et les compétences nationales ». La Chambre des conseillers comprend aujourd’hui 112 membres. En effet, aux élections de 2005, l’UGTT a refusé de souscrire à la condition de présenter deux fois plus de candidats que de sièges à pourvoir. Elle n’a pas présenté de candidats et laisse donc 14 sièges vacants.

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II- Le code électoral

Pratiquement à la veille de chaque élection, un amendement « exceptionnel et transitoire » à la Constitution est promulgué, modifiant ainsi le code électoral en fonction du contexte politique que définit le pouvoir pour faire entériner un simulacre de pluralisme. Mais nombre de ces dispositions représentent également de multiples opportunités de manipulations du processus électoral.Les juristes indépendants s’accordent tous à dire que, au vu des très nombreuses modifications de ces dernières années, le code est devenu illisible, ce qui facilite une fois de plus toutes les interprétations. Une clarification globale de la loi électorale serait donc indispensable pour en assurer la transparence.

La Chambre des députés-

Les 26 circonscriptions existantes correspondent aux gouvernorats (préfectures). Les agglomérations de Tunis et de Sfax comprennent chacune deux circonscriptions.La Chambre des députés sortante est composée de 189 membres, dont 152 ont été élus au scrutin de liste majoritaire à un tour et 37 à la proportionnelle nationale avec répartition des plus fortes moyennes. La chambre des députés issue des prochaines élections comptera davantage de membres. En principe, la Chambre est composée d’un élu pour 65 000 habitants. Le nombre de députés est donc régulièrement réévalué en fonction de la croissance démographique. La prochaine comptera 214 membres, dont 161 élus au scrutin de liste majoritaire à un tour et 53 à la proportionnelle nationale. Un candidat au scrutin de liste ne peut faire partie de la liste proportionnelle.Dans les faits, le Rassemblement constitutionnel démocratique au pouvoir rafle tous les sièges du scrutin de liste, tandis que les sièges à la proportionnelle sont octroyés aux partis d’opposition, selon des proportions fixées par le pouvoir avant le scrutin. Les partis d’opposition ou « indépendants » n’ont en effet aucune chance de voir leur liste arriver en tête dans une circonscription.

Le dépôt des candidatures à la présidence de la République et à la Chambre des députés dure un mois, du 25 août au 25 septembre. L’actuel président a déposé sa candidature le 26 août. Cet évènement a été l’occasion d’un imposant cérémonial : le chef de l’Etat a fait sa déclaration sur les marches du balcon du Conseil constitutionnel devant une foule de plusieurs milliers de personnes, et en présence des dirigeants des corps constitués, en particulier du président de la Chambre des députés.

L’élection du chef de l’Etat-

Les fluctuations constitutionnelles affectent particulièrement les conditions de candidature à la présidence que le pouvoir manie à sa guise, en fonction des candidats qu’il veut voir émerger dans ce qui tient lieu de campagne électorale. Ainsi, pour les élections de 2004, tout candidat devait être membre d’une instance dirigeante d’un parti depuis au moins cinq ans, son parti devant disposer d’au moins un député au Parlement. En outre, l’obligation des 30 parrainages de la candidature avait été assouplie, un amendement constitutionnel prévoyant alors « des dispositions dérogatoires au troisième alinéa de l’article 40 de la constitution ». Progrès théorique par rapport aux élections de 1999 où tout candidat devait être le numéro 1 de son parti, la réforme de 2004 a permis au candidat du parti Ettajdid Mohamed Ali Halouani de se présenter.

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En 2008, la Constitution a de nouveau été amendée, à titre provisoire, pour assouplir les conditions de candidature et introduire la possibilité pour chaque dirigeant officiel à la tête d’un parti politique depuis au moins deux ans de se présenter à la présidence. Une telle disposition a pour conséquence d’élargir le nombre des candidatures… et de diviser un peu plus l’opposition.

La qualité d’électeur-

Pour chaque élection, l’électeur doit être inscrit sur une liste électorale et être en possession d’une carte d’électeur. L’inscription sur les listes peut désormais s’effectuer durant toute l’année, alors qu’elle a été longtemps limitée à deux mois.Avant chaque élection, un décret détermine la durée de validité des cartes. Les précédentes cartes d’électeur n’étant valides que jusqu’à octobre 2009 et donc plus pour les élections présidentielles et législatives, les nouvelles cartes ont été distribuées à peine quelques semaines avant ces scrutins.

Cela pose un problème majeur à la veille des prochains scrutins car les cartes sont en général distribuées par l’administration « à la tête du client », c’est-à-dire en fonction du degré d’allégeance supposé du demandeur au régime. Elles sont parfois directement distribuées par les cellules de base du RCD. La tenue des listes est en outre rudimentaire. Celles-ci, entre autres, ne sont pas informatisées. Il ne s’agit pas là d’un simple archaïsme: l’informatisation rendrait en effet les listes moins manipulables...

Les cartes d’électeur ne parviennent pas toutes à leurs destinataires. En outre, la commission de mise à jour des listes électorales, la commission de révision et la commission du contentieux sont constituées de personnes désignées par les pouvoirs publics. L’administration est donc de fait juge et partie. Les représentants des partis n’apparaissent que dans la commission des réclamations concernant la distribution des cartes, mais à ce stade, les jeux sont déjà faits.

La campagne électorale et le scrutin-

Le financement : avant chaque élection, un décret fixe le montant de la prime versée à chaque parti. Le calcul final s’effectue au prorata du nombre de voix obtenues. La prime est versée pour moitié avant les élections, pour moitié après à condition que le candidat ou la liste obtienne au moins 3% des suffrages..

La campagne : elle dure treize jours pour les présidentielles comme pour les législatives, et fait l’objet de réglementations très strictes en matière d’affichage et de passage sur les médias.Pour les élections législatives, chaque liste a droit à un passage de 4 minutes à la radio et à la télévision. Mais les partis politiques n’ont pas le droit de regrouper les temps de parole de leurs candidats pour disposer d’un temps de parole d’un seul tenant qui leur permettrait d’exposer réellement leur programme.

Pour les élections présidentielles, face à l’omniprésence du président et de son parti, les autres candidats disposent de 20 minutes d’antenne à la télévision pour toute la durée de la campagne, et les têtes de liste aux élections législatives de trois minutes chacun. Les heures auxquelles les candidats vont passer à la télévision ne sont jamais signalées à l’avance. Elles sont en général fixées à la dernière minute et jamais à une heure de grande écoute. Dans le code électoral, il n’existe aucune mention du temps de parole dont peuvent disposer les candidats.

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Les candidats indépendants, aux présidentielles comme aux législatives, ne passent jamais aux heures de grande écoute, contrairement aux candidats du pouvoir. En matière d’accès aux médias, l’inégalité de traitement est donc totale.Si un candidat d’une liste se révèle non éligible ou se désiste, et s’il n’est pas remplacé dans les délais, la liste dans son entier ne peut pas se présenter au suffrage. Une pratique courante du pouvoir est de pousser les candidats indépendants à se désister la veille du scrutin…

Le scrutin: La constitution des bureaux de vote est de la seule prérogative des gouverneurs. Le dépouillement du scrutin est effectué par les membres du bureau de vote. Le dépouillement est théoriquement public, ce qui n’est jamais le cas dans les faits.Les observateurs peuvent appartenir à toutes les listes se présentant aux élections. Avant le scrutin, chaque liste doit fournir le nom de ses observateurs avec le numéro de leur carte d’identité, ainsi que l’indication du bureau de vote auquel ils seront affectés.

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III- Les autres institutions concernées

Outre l’administration, censée être neutre, trois organismes sont concernés directement ou indirectement par les élections.

Le Conseil supérieur de la communication - est une institution officielle citée dans le code électoral. Cette institution a un droit de regard sur les déclarations des candidats durant la campagne officielle. Une modification du code électoral par la loi organique 2009-19 du 13 avril 2009 stipule que le président de ce Conseil ou un représentant nommé par lui doit être présent durant tous les enregistrements des déclarations des candidats destinées à passer dans les médias officiels, et peut exiger la suppression de certaines phrases si elles relèvent d’un « délit ». Le Conseil peut, théoriquement, être saisi par tous les candidats en cas de litige. En cas de recours de l’un d’eux, le référé doit être présenté dans les 24 heures au tribunal de première instance de Tunis qui doit prononcer son jugement dans les 48 heures, ce jugement n’étant pas susceptible d’appel. Le Conseil n’est pas là pour contrôler l’égalité des candidats en matière d’accès aux médias officiels. Théoriquement, tous les candidats ont le même temps de parole lors de la campagne officielle. Les apparitions du chef de l’Etat et des dignitaires du régime ne sont évidemment pas comptabilisées.

Le Comité supérieur des droits de l’Homme et des libertés fondamentales - : cet organisme compte trente membres, plus onze représentants des ministres qui n’ont pas de droit de vote. Il n’est pas directement impliqué dans la processus électoral, mais sept de ses membres sont également membres de l’Observatoire des élections. Jusqu’ici, le Comité n’a jamais fait la moindre remarque sur le cadre légal des élections, pourtant fortement discriminatoire pour l’opposition, ni sur le déroulement du processus électoral. Le pluralisme politique et la démocratie font pourtant explicitement partie des droits civils et politiques dont la Tunisie est signataire du Pacte des Nations unies de 1966.

L’Observatoire des élections- : il n’est défini par aucun cadre juridique et relève de la seule décision du Chef de l’Etat. Il n’a donc aucun statut légal. Il existait déjà lors des élections de 2004. Il n’a pouvoir d’intervenir ni au cours de la campagne ni lors des opérations de vote. Sa seule fonction réside dans la rédaction d’un rapport exclusivement destiné au président. Seules des parties choisies de son rapport ont été rendues publiques en 2004. Cet Observatoire est formé de 27 membres supposés être indépendants, mais choisis par le président et proches du pouvoir.

Aucun membre de l’opposition ne figure dans aucune de ces trois institutions.

Les forces en présence

Les partis

La Tunisie compte officiellement plusieurs partis politiques : le RCD au pouvoir, - trois partis « indépendants » représentés au Parlement, qui sont en réalité des - formations alibis sous la coupe du régime : le Mouvement des démocrates socialistes

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(MDS), le Parti de l’unité populaire (PUP), le Parti démocratique unioniste (UDU). Le PUP édite le journal El Ouahda.Deux partis « indépendants » non représentés au Parlement : le Parti Social Liberal - (PSL) et le Parti Des Verts pour le Progrès.trois partis d’opposition : - Ettajdid, héritier du parti communiste; Le Parti démocratique progressists (PDP), et le Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL). Le Mouvement Ettajdid, édite le journal Ettarik Eljadid, bilingue. C’est le seul des trois représenté au Parlement. Le PDP édite El Maoukouf en arabe. Le Forum édite la publication Mouwattinoun, bilingue.

La Tunisie compte également quatre partis non reconnus : le parti islamiste Ennahdha et le parti d’extrême gauche PCOT (Parti communiste des ouvriers de Tunisie). Le Parti du Travail Patriote et Progressiste (PTPD) et le Parti Socialiste de Gauche (PSG) ces deux derniers sont alliés au Mouvement Ettajdid dans le cadre de « L’initiative Démocratique pour la Liberté et le Progrès ». Hors ces partis relativement connus, de petites formations ont vu le jour ces dernières années, dont notamment un parti vert.

Depuis 2006, les primes octroyées aux partis politiques représentés à la Chambre des députés sont les suivantes :- Partie fixe de la prime : 136 000 dinars payables en 2 tranches.- Partie en fonction du nombre des députés : 7 500 dinars par député.Ces montants sont périodiquement relevés par la loi.

Depuis 2007, les journaux quotidiens et hebdomadaires des partis politiques représentés à la Chambre des députés reçoivent une subvention de 240 000 dinars par an. Leurs journaux mensuels reçoivent une subvention de 60 000 dinars par an. Cette aide n’empêche pas les harcèlements dont ils sont victimes (infra).Les journaux d’opposition n’ont pas d’autre source de revenus, hormis le montant de leurs ventes. En effet, toute la publicité du pays – publique et semi publique – doit passer par un organisme public de redistribution, l’ATCE (Agence tunisienne de communication extérieure). Au-delà de la publicité proprement dite, toute insertion ou presque, dans un journal doit passer par cet organisme. C’est ainsi que le pouvoir distribue les recettes publicitaires à qui bon lui semble, introduisant par là une grave inégalité financière entre les médias.

Les forces en présence sont donc ridiculement disproportionnées. Pour ajouter à cette iniquité, l’administration a pour consigne d’empêcher les formations de l’opposition présentant des candidats de mener normalement leur activités.

Les candidats

Tous les partis légaux présentent des candidats aux législatives dans la quasi-totalité des circonscriptions. Le Conseil constitutionnel a validé par décision datée du 30 septembre 2009 les candidatures à la présidentielle du Président sortant et de Mohamed Bouchiha, Secrétaire général du PUP, Ahmed Inoubli, Secrétaire général de l’UDU et Ahmed Brahim Premier secrétaire du Mouvement Ettajdid. La candidature de Mustapha Ben Jaafar a été invalidée par le Conseil constitutionnel le 27 septembre 2009 au motif qu’il n’est pas élu comme secrétaire général de son parti depuis au moins deux ans à la date de présentation de sa candidature. Pour protester contre son inéluctable invalidation par le Conseil Constitutionnel, Me Ahmed Nejib Chebbi ancien secrétaire général du PDP qui avait annoncé sa candidature dès 2008, soit avant les actuelles dispositions du code électoral s’est

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officiellement retiré de la «compétition» le 25 août, en dénonçant les conditions mises à la candidature à la présidence de la République. Le PDP a refusé de présenter la candidature aux présidentielles de son actuelle Secrétaire générale Mme Maya Jribi, mais maintient sa participation aux élections législatives.La condition selon laquelle pour être éligible il faut être le président ou le secrétaire général élu d’un parti depuis au moins deux ans représente un recul par rapport aux élections précédentes. En 2004 en effet, il suffisait d’appartenir à la direction d’un parti légal pour pouvoir se présenter, à la condition toutefois que ce parti soit représenté à la Chambre des Députés.Parmi les partis «indépendants»: Mohamed Bouchiha, secrétaire général du PUP, se présente pour la deuxième fois au nom de son parti.Tous les candidats d’opposition dénoncent les restrictions légales à la candidature aux élections présidentielles qui sont autant d’atteintes au pluralisme.

Le Conseil constitutionnel a par ailleurs pris la décision d’invalider dix-sept des vingt-six listes électorales présentées par le Parti Démocrate Progressiste. Seules neuf listes ont été acceptées (celles de Nabeul, Mahdia, Siliana, Le Kef, Jendouba, Zaghouan, Kébéli, Kasserine et Tataouine). Les autres listes présentées par le Parti dans les principales villes du pays ont quant à elles toutes été refusées sans justification aucune. Cela est le cas de celle de Tunis I présidée par la Secrétaire générale du Parti ainsi que celles des deux circonscriptions de Sfax, de celle de l’Ariana, de Tunis II, de Nabeul, de Sousse, de Kairouan, de Gafsa, de Ben Arous, etc.Le FDTL n’a quant à lui pu « sauver » que cinq des vingt-quatre listes qu’il a présentées.Le PDP, Ettajdid et le FDTL sont certains de la légalité des listes refusées, ils en veulent pour preuve le fait que l’administration n’a présenté aucun motif de rejet les concernant et s’est limitée à communiquer verbalement le fait qu’»elles ne sont pas conformes aux dispositions du Code électoral». En dépit de cela, dans douze des circonscriptions refusées les candidats du PDP ont pu présenter des listes alternatives dans les délais, et obtenir les récépissés provisoires. Les autorités administratives ont par ailleurs fait preuve dans les différentes circonscriptions d’un comportement relevant de l’incivilité à l’égard des candidats du parti et de ceux de ses dirigeants qui présidaient les listes. Les délais réglementaires concernant la réponse aux dépôts de candidatures ont été largement outrepassés, les candidats ayant été contraints d’attendre devant les sièges des gouvernorats pendant quatre heures en moyenne.Les trois partis ont présenté des recours devant le Conseil constitutionnel, le soir du 2 octobre tous les recours présentés par le PDP ont été rejetés.

L’administration

Elle est toute-puissante. Le ministère de l’Intérieur et des collectivités locales est en réalité le seul organisateur et contrôleur aussi bien du processus électoral que du vote lui-même. Or cette administration est tout entière aux ordres du régime et de son dirigeant. Duran t la campagne, l’administration a pour principale préoccupation d’entraver l’action des partis d’opposition. Elle intervient aussi en amont de la campagne.

L’inscription sur les listes: toutes les personnalités indépendantes rencontrées ont fait part de leur difficulté à s’inscrire sur les listes électorales. Le droit de vote a été ramené à 18 ans et de nombreux jeunes ne sont pas inscrits. Les partis ont donc entrepris de les inciter à le faire. Or, quand ces inscriptions ne se font pas sous la houlette du RCD, elles se transforment en véritable parcours d’obstacles. Les jeunes désirant s’inscrire sont dissuadés

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par les difficultés: bureaux d’inscription fermés, absence du préposé, difficulté à obtenir le récépissé attestant de l’inscription. Il arrive qu’on refuse purement et simplement la carte d’électeur à des personnes connues pour être des opposants ou des proches d’opposants. Ainsi, toute la famille d’un militant emprisonné à la suite des évènements de Gafsa s’est vue refuser son inscription sur les listes. Par ailleurs, preuve supplémentaire de sa partialité, l’administration fait propagande auprès des nouveaux inscrits pour qu’ils adhèrent au RCD. Ce parti compte officiellement 2,3 millions de membres sur une population totale de dix millions d’habitants.

Le nombre de bureaux de vote: aux élections de 2004, la Tunisie comptait quelque 450 électeurs par bureau de vote, contre une moyenne mondiale de 1 200 électeurs. Il y avait environ 13 000 bureaux. Le nombre d’électeurs par bureau a été augmenté à 600 - moitié moins que la moyenne mondiale et, dans les zones rurales on a conservé 250 électeurs par bureau. En outre, le droit de vote à 18 ans a accru de 450 000 personnes le nombre d’électeurs, ce qui fait que le nombre de bureaux a très peu diminué. On n’en connaît pas encore le nombre exact. Il devrait être inférieur à celui de 2004, certains tablent sur un nombre inférieur à 10 000. Ce nombre anormalement élevé de bureaux de vote a pour raison d’empêcher les partis d’opposition de surveiller les opérations de vote. En effet, aucun d’eux ne dispose de troupes militantes suffisantes qui lui permettraient d’assurer une surveillance efficace de l’ensemble des bureaux, à supposer que la chose soit possible.

Le non respect de la loi: l’administration a rédigé un «guide du président de bureau de vote». Tous les candidats de l’opposition nous ont signalé une grave anomalie figurant dans ce guide. Il stipule en effet que l’électeur passe «s’il le désire» par l’isoloir. Or la loi stipule que le vote est secret. Cette consigne donnée aux présidents de bureaux de vote signifie que l’on considèrera comme suspect de mauvais vote tout électeur souhaitant passer par l’isoloir. Elle s’apparente donc à une intimidation.Concernant le dépouillement des votes, bien que la loi stipule que le dépouillement est public et que tout électeur a le droit d’y assister, ce dernier s’opère dans la plus grande opacité, les observateurs n’appartenant pas au RCD ou à l’administration étant généralement chassés sans ménagement des bureaux après leur fermeture. Il n’existe, dans la loi tunisienne, aucun délit de falsification électorale. Les candidats peuvent théoriquement déposer un recours devant le Conseil constitutionnel qui peut annuler une élection. Une telle décision n’a jamais eu lieu en Tunisie.Un candidat d’opposition nous a résumé la situation par la formule suivante : «dans les pays démocratiques, le vote est secret et le dépouillement public. En Tunisie, le vote est public et le dépouillement secret».

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IV- Entraves au déroulement d’un processus démocratique et revendications des formations politiques

Les entraves à la liberté de mener campagne

Tous les candidats rencontrés se sont plaints d’entraves multiples à leur liberté de campagne, à l’exception de M. Bouchiha, candidat du PUP, qui s’est déclaré pleinement satisfait des conditions dans lesquelles il fait campagne et s’est félicité de « la volonté du chef de l’Etat de consolider le pluralisme ». Il a précisé que, dans toutes les régions, les autorités administratives mettent des locaux à la disposition de son parti pour ses réunions et que ces dernières sont couvertes par les médias. S’il existe encore des problèmes, a-t-il souligné, ils sont dus aux excès de zèle de l’administration qui vont à l’encontre de l’ouverture prônée par le président. Ces déclarations montrent que les partis « indépendants » se situant dans l’orbite du pouvoir bénéficient d’excellentes conditions pour mener campagne.

Les véritables partis d’opposition sont eux, soumis à des conditions bien différentes d’exercice de la liberté d’expression.

Les entraves à la diffusion des journaux

Les autorités font régulièrement pression sur les kiosques pour que les journaux d’opposition ne soient pas exposés. Les acheteurs doivent donc les demander. De plus en plus, elles font également pression sur le distributeur, la société Sotupress, pour qu’elle ne mette en place dans les kiosques qu’un nombre restreint d’exemplaires. Tous les journaux d’opposition ont vu leur diffusion fortement restreinte du fait de ces pressions.

Le problème des locaux

Tous les candidats d’opposition ont signalé ce problème comme une des principales entraves à la possibilité pour eux de mener campagne. Ce problème est permanent et constitue un gros obstacle à l’activité normale des partis, mais il s’aggrave durant la campagne. Les partis légaux se voient refuser l’accès aux salles publiques auxquelles ils ont pourtant droit. L’administration fait également pression sur les hôtels et les salles privées pour qu’ils refusent de louer des lieux de réunions aux partis d’opposition et aux associations indépendantes.

Ettajdid : Ahmed Brahim a fait sa déclaration de candidature le 22 mars et a souhaité en faire l’annonce publique à la maison de la culture Ibn Khaldoun. Il lui a été répondu qu’elle était en travaux. Il a alors demandé à louer une salle de l’hôtel Africa qui a accepté, avant de finalement refuser sous la pression. En avril, le parti a souhaité tenir un meeting à Monastir et a envoyé une lettre recommandée au gouverneur pour lui demander de pouvoir disposer d’une salle publique. Ne recevant aucune réponse, un représentant s’est rendu au siège du gouvernorat (préfecture) pour demander ce qu’il en était. On lui a répondu qu’aucune lettre n’était arrivée. Il s’est alors rendu à la poste où on lui dit que le gouvernorat avait refusé la lettre.

Ce parti avait décidé de tenir une université d’été du 12 au 16 août 2009. Pour ce faire, il a contacté plusieurs hôtels de l’agglomération de Tunis, en vain. En général, les hôtels

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acceptent dans un premier temps, puis refusent sous divers prétextes après avoir été l’objet de pressions. Ettajdid a également tenté le 28 juillet de réunir une conférence politique à Sousse et a demandé par fax une salle au gouvernorat, demande demeurée sans réponse. Des militants se sont adressés le 4 août au premier délégué, sans plus de succès. Le 8 août, un nouveau fax a été envoyé au gouvernorat. A la mi-août, ces demandes étaient toujours sans réponse.

Ettajdid souhaitait aussi tenir une douzaine de réunions à destination de la jeunesse dans plusieurs régions du pays. En tant que parti légal, il a demandé en juillet à disposer de salles du ministère de la Jeunesse, en vain. Disposant à Monastir d’un assez vaste local, il a décidé d’y tenir sa réunion de jeunes en louant des chambres d’hôtel pour loger les militants venus d’autres régions du pays. La location de plusieurs chambres a été effectuée dans un hôtel de la place avec versement d’arrhes. A l’arrivée des clients, la réception a déclaré qu’il n’y avait pas de chambres disponibles. Le parti a alors décidé de faire un constat d’huissier de rupture de contrat. L’huissier contacté a été empêché par la police de pénétrer dans l’hôtel. Les policiers sont allés jusqu’à déloger quelques militants qui avaient réussi à se procurer une chambre.Selon le premier secrétaire Ahmed Brahim, la situation a nettement empiré par rapport à 2004. Il se pourrait que la raison en soit qu’il pourrait demeurer le seul candidat d’opposition en lice après l’examen des autres candidatures de l’opposition.(cf pour les entraves à ses activités, la conférence de presse tenue le 18 août par M. Brahim).

Le Forum: à part pour la tenue du congrès en mai où il a bénéficié d’un relatif traitement de faveur en se voyant octroyer une salle publique dans la banlieue de la capitale, le Forum n’a pu disposer d’aucune salle publique depuis 2004 et s’est vu contraint de tenir ses réunions au siège du parti. Le Forum a demandé une salle à Sfax quatre fois (dont la dernière en juillet) en s’adressant par écrit au gouvernorat, sans succès jusqu’ici. En 2008, il a signé un contrat de location avec l’hôtel Tina, toujours à Sfax. Le directeur de l’hôtel a téléphoné la veille pour dire qu’il n’avait pas de salle disponible. En juin 2009, une demande a été faite à Mateur pour obtenir une salle, elle n’a jamais reçu de réponse.

Le PDP: depuis novembre 2007, ce parti n’a pu réunir son Conseil national (150 membres), faute d’avoir accès à une salle publique ou privée. Ce parti dispose de quinze locaux à travers le pays, mais a du mal à en louer davantage car des pressions sont exercées sur les propriétaires prêts à louer à des formations d’opposition et à des associations indépendantes.

Les intimidations

Les militants, les sympathisants ou simplement les personnes désireuses d’assister aux réunions publiques de l’opposition, quand les partis parviennent à les tenir, font l’objet de pressions et d’intimidations de toutes sortes, allant jusqu’à l’empêchement physique d’y assister. Ainsi, en mai, lors d’une réunion tenue par le Forum à Zarzis, deux jeunes militants ont été retenus par la police pour qu’ils ne puissent s’y rendre, et n’ont été relâchés qu’après que M. Ben Jaafar eut quitté la ville.

Récemment la famille d’une nouvelle recrue du PDP a été l’objet de pression afin qu’elle le persuade de quitter le parti. Ce jeune militant a également été convoqué par la police. Lors du dernier festival de Carthage en juillet, des jeunes connus pour leur appartenance à des partis de l’opposition ont été empêchés d’assister au concert du chanteur libanais Marcel

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Khalifé. Cet artiste est entre autres connu pour ses chansons engagées. La police a cueilli les jeunes à la station de train de Carthage et les a reconduits chez eux. Récemment encore, une délégation du PDP avec à sa tête sa secrétaire générale s’est rendue dans une petite agglomération de la région de Sidi Bouzid pour féliciter un membre du parti sorti de prison. La délégation, composée de trois voitures, a été accueillie à l’entrée du village par des jets de pierre de militants du RCD en présence d’une voiture de police. Lors de la constitution de ses listes à Béjà, le PDP a contacté des personnalités indépendantes locales pour les inviter à y figurer. Après que certaines d’entre elles ont accepté, elles ont été contactées par la police qui les a engagées à revenir sur leur décision.

Ces harcèlements constants représentent une atteinte grave à la liberté d’expression et à l’égalité des candidats aux élections aussi bien présidentielles que législatives.

Les revendications des formations politiques

Il est intéressant de constater qu’une partie non négligeable de ces revendications sont partagées par les partis «indépendants» qui ne verraient pas d’un mauvais œil leur représentation élargie grâce à des modifications du code électoral. Ces partis estiment, en outre, que tous les journaux des partis légaux devraient être subventionnés, et pas seulement ceux des formations représentées au Parlement.

La question du parrainage: la loi conditionne la possibilité de se présenter aux élections présidentielles au parrainage de 30 députés, ce qui est évidemment impossible vue l’hégémonie du RCD. Depuis 1989, des dispositions dérogatoires sont prises pour permettre la pluralité des candidatures, dispositions qui – on l’a vu – peuvent changer au gré de la volonté présidentielle. L’ensemble des formations politiques réclame une modification des conditions de candidature.

Le mode de scrutin: les formations politiques réclament l’abandon du scrutin de liste majoritaire à un tour et son remplacement par la proportionnelle. Elles réclament également la diminution de la taille des circonscriptions qui sont aujourd’hui calquées sur les gouvernorats (préfectures).

La diminution du nombre de bureaux de vote : ce nombre devrait être réduit au moins de moitié pour permettre aux formations d’opposition d’envoyer un nombre significatif d’observateurs, à supposer qu’ils soient autorisés à remplir leur mission.

La partialité de l’administration : la neutralité de cette dernière est, évidemment, une des principales revendications émises par les formations indépendantes.

Dans la conjoncture actuelle, ces revendications ont peu de chances d’être satisfaites. Comme les précédentes, les prochaines élections sont jouées d’avance. La Tunisie demeurera sous la coupe d’un pouvoir hégémonique où le culte de la personnalité de son chef se fait de plus en plus pesant et le contrôle d’une administration aux ordres ne se dément pas. Cette chape de plomb ne laisse aucune possibilité de s’exprimer aux personnalités et aux partis véritablement indépendants.

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Gardons les yeux ouverts

Établir les faits – Des missions d’enquête et d’observation judiciaireDepuis l’envoi d’un observateur judiciaire à un procès jusqu’à l’organisation d’une mission internationale d’enquête, la FIDH développe depuis cinquante ans une pratique rigoureuse et impartiale d’établissement des faits et des responsabilités. Les experts envoyés sur le terrain sont des bénévoles.La FIDH a mandaté environ 1 500 missions dans une centaine de pays ces 25 dernières années.Ces actions renforcent les campagnes d’alerte et de plaidoyer de la FIDH.

Soutenir la société civile – Des programmes de formation et d’échangesEn partenariat avec ses organisations membres et dans leur pays, la FIDH organise des séminaires, tables rondes... Ils visent à renforcer la capacité d’action et d’influence des défenseurs des droits de l’Homme et à accroître leur crédibilité auprès des pouvoirs publics locaux.

Mobiliser la communauté des États – Un lobbying permanent auprès des instances intergouvernementales

La FIDH soutient ses organisations membres et ses partenaires locaux dans leurs démarches au sein des organisations intergouvernementales. Elle alerte les instances internationales sur des situations de violations des droits humains et les saisit de cas particuliers. Elle participe à l’élaboration des instruments juridiques internationaux.

Informer et dénoncer – La mobilisation de l’opinion publiqueLa FIDH alerte et mobilise l’opinion publique. Communiqués et conférences de presse, lettres ouvertes aux autorités, rapports de mission, appels urgents, web, pétitions, campagnes… La FIDH utilise ces moyens de communication essentiels pour faire connaître et combattre les violations des droits humains.

Imprimerie de la FIDH - Dépôt légal octobre 2009 - Fichier informatique conforme à la loi du 6 janvier 1978 - (Déclaration N° 330 675)

Directrice de la publication : Souhayr BelhassenRédacteur en chef : Antoine BernardCoordination : Marie Camberlin, Stéphanie DavidDesign : Céline Ballereau-Tetu

FIDH - Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme17, passage de la Main-d’Or - 75011 Paris - FranceCCP Paris : 76 76 ZTel : (33-1) 43 55 25 18 / Fax: (33-1) 43 55 18 80www.fidh.org

Conseil National pour les Libertés en Tunisie

CNLT4, rue Abou Dhabi - 1000 Tunis Téléphone/fax: (216 71) 240907http:// www.cnlt98.orgE-mail : [email protected]

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de souveraineté. Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Article 6 : Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Article 7 : Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination. Article 8 : Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant

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CE QU’IL FAUT SAVOIR

• La FIDH agit pour la protection des victimes de violations des droitsde l’Homme, la prévention de ces violations et la poursuite de leurs auteurs.

• Une vocation généralisteLa FIDH agit concrètement pour le respect de tous les droits énoncésdans la Déclaration universelle des droits de l’Homme - les droitscivils et politiques comme les droits économiques, sociaux et culturels.

• Un mouvement universelCréée en 1922, la FIDH fédère aujourd’hui 155 organisations nationales dans plus de 100 pays. Elle coordonne et soutient leurs actions et leur apporte un relais au niveau international.

• Une exigence d’indépendanceLa FIDH, à l’instar des ligues qui la composent, est non partisane,non confessionnelle et indépendante de tout gouvernement.

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de souveraineté. Article 3 : Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Article 4 : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l’esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes. Article 5 : Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Article 6 : Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Article 7 : Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination. Article 8 : Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant

Article premier : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. Article 2 : Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque