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Imagerie de la Femme (2012) 22, 168—172 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ? Un abdomen distendu chez une adolescente de 16 ans A distended abdomen in a 16-year-old patient Gilles Brun a , Aurélie Jalaguier-Coudray a,, Jeanne Thomassin-Piana b , Anthony Sarran a a Service de radiologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France b Département de biopathologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009 Marseille, France Disponible sur Internet le 27 juin 2012 Observation clinique Une jeune fille de 16 ans est adressée au centre pour prise en charge d’une masse abdomino-pelvienne, découverte en échographie suite à une augmentation du périmètre abdominal et des vomissements. L’examen clinique retrouve une volumineuse masse abdo- minale mobile remontant au-dessus de l’ombilic, ainsi qu’un silence auscultatoire des trois quarts du poumon droit. La biologie est sans particularité avec notamment des marqueurs tumoraux normaux. Une IRM abdomino-pelvienne est réalisée pour caractérisation avant prise en charge (Fig. 1). Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Jalaguier-Coudray). 1776-9817/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2012.05.004

Un abdomen distendu chez une adolescente de 16ans

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magerie de la Femme (2012) 22, 168—172

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

UEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?

n abdomen distendu chez une adolescente de6 ans

distended abdomen in a 16-year-old patient

Gilles Bruna, Aurélie Jalaguier-Coudraya,∗,b a

Jeanne Thomassin-Piana , Anthony Sarran

a Service de radiologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite, 13009Marseille, Franceb Département de biopathologie, institut Paoli-Calmettes, 232, boulevard Sainte-Marguerite,13009 Marseille, France

Disponible sur Internet le 27 juin 2012

Observation clinique

Une jeune fille de 16 ans est adressée au centre pour prise en charge d’une masseabdomino-pelvienne, découverte en échographie suite à une augmentation du périmètreabdominal et des vomissements. L’examen clinique retrouve une volumineuse masse abdo-minale mobile remontant au-dessus de l’ombilic, ainsi qu’un silence auscultatoire des troisquarts du poumon droit. La biologie est sans particularité avec notamment des marqueurstumoraux normaux.

Une IRM abdomino-pelvienne est réalisée pour caractérisation avant prise en charge(Fig. 1).

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (A. Jalaguier-Coudray).

776-9817/$ — see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.femme.2012.05.004

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Figure 1. a : séquence sagittale en pondération T2 ; b : séquence axiale en pondération T2 ; c : séquence axiale en pondération T1.

Quel est votre diagnostic ?

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Figure 2. Séquence axiale en pondération T2 montrant l’ovairegauche de taille et de morphologie normales (flèche).

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igure 3. Séquence sagittale en pondération T2 montrant laasse kystique de grande taille (flèches) composée de nombreux

oculi avec un aspect en « nid d’abeille ».

iagnostic

ystadénome mucineux de type borderline de l’ovaire droit.

nalyse des images

’IRM retrouve une volumineuse masse abdomino-pelvienne,e 22 cm de hauteur, développée aux dépens de l’ovaireroit. L’ovaire gauche est de taille et de morphologie nor-ale (Fig. 2). Cette masse ovarienne droite est constituéee multiples loculi, d’intensité de signal variable en T1 et2 (hyposignal et isosignal T1, franc hypersignal T2 et discretyposignal T2), parfois regroupés en « nid d’abeille » (Fig. 3).

la partie inférieure de la masse, les cloisons entre les loculint un aspect très irrégulier, faisant évoquer de multiples

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G. Brun et al.

égétations, en hypersignal diffusion B1000 et se rehaus-ant après injection de gadolinium (Fig. 4). Aucune portionolide n’est retrouvée. Il existe une ascite abondante sansésion de carcinose péritonéale et sans adénopathie rétro-éritonéale associée. Devant la présence de cette massevarienne droite de grande taille, multiloculée, contenantes loculi de signaux différents, le diagnostic de tumeurpithéliale de type mucineux est posé. La présence à saartie inférieure de nombreuses végétations fait évoquer unous-type borderline.

La patiente est prise en charge chirurgicalement paraparotomie pour une annexectomie droite, omentectomie,ppendicectomie et exploration de la cavité péritonéalevec cytologie.

Macroscopiquement, il s’agit d’une masse multikystique contenu mucineux, avec des végétations intra-kystiquesombreuses (Fig. 5). À la microscopie, il s’agit d’une tumeurucineuse bordée par un épithélium mucosécrétant de type

ntestinal tantôt unistratifié régulier tantôt pluristratifiérésentant des atypies cytonucléaires discrètes à modéréest quelques mitoses (Fig. 6). Les cytologies péritonéale etleurale sont négatives. Le diagnostic histologique définitifst celui de cystadénome mucineux borderline.

iscussionl existe trois grands groupes de tumeurs ovariennes selon’OMS : les tumeurs épithéliales dérivées de l’épithélium deurface ovarien, les tumeurs germinales et les tumeurs stro-ales et des cordons sexuels. Chez l’adulte, les tumeurs

pithéliales sont les plus fréquentes, représentant plus de0 % des tumeurs de l’ovaire. En revanche, chez l’enfantt l’adolescente, ce sont les tumeurs germinales qui sontes plus fréquentes (50 %), suivies des tumeurs des cordonsexuels (28 %). Les tumeurs épithéliales ne représententue 17 % [1]. Parmi les tumeurs épithéliales, les types his-ologiques les plus fréquents sont les séreux suivis desucineux. Les tumeurs mucineuses ovariennes peuvent êtreénignes (cystadénomes mucineux, 85 %), borderline (6 %)u malignes (cystadénocarcinomes, 9 %). On distingue deux

ypes de tumeurs mucineuses borderline :

les tumeurs mucineuses borderline de type endocervical(15 %), survenant à un âge moyen de 30 ans et se pré-sentant le plus souvent sous forme d’une lésion kystiqueuniloculaire ;les tumeurs mucineuses borderline de type intestinal lesplus fréquentes (85 %) survenant à un âge moyen de45 ans [2]. Macroscopiquement, elles sont de grande taille(de 15 à 30 cm), multiloculées, au contenu visqueux enrapport avec la présence de mucine intra-kystique. Micro-scopiquement, elles sont constituées de kystes bordésd’un épithélium pluristratifié de type intestinal avec desatypies nucléaires discrètes à modérées, le nombre demitoses étant variable. Elles sont bilatérales dans moinsde 10 % des cas. Il existe des associations classiques avecdes kystes dermoïdes ou des tumeurs de Brenner.

En raison de leur très grande taille, l’étude en écho-raphie est relativement complexe et parfois incomplète.ne IRM abdomino-pelvienne est réalisée pour caractérisa-ion avant prise en charge. En IRM, le caractère mucineuxeut être évoqué devant une masse ovarienne kystiqueulti-cloisonnée avec de nombreux loculi de signaux varia-les en T1 et en T2, en fonction de la richesse en mucine3]. L’identification de végétations est importante puisqu’il

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Figure 4. Présence de cloisons irrégulières (flèche) (a), en hypersignal diffusion (b), qui se rehaussent après injection de gadolinium (c),ratio

traduisant de multiples végétations. a : séquence axiale en pondé

pondération T1 après injection de gadolinium.

Figure 5. Macroscopie de la tumeur peropératoire. On retrouvede nombreux kystes (étoile) composés d’un liquide visqueux richeen mucine.

s’agit parfois du seul signe orientant vers la malignité.Les végétations des tumeurs mucineuses sont toujours depetite taille. Elles sont généralement absentes dans lestumeurs bénignes, parfois retrouvées dans 13 % des cas mais

peu nombreuses, non regroupées [4]. Elles sont constantes,nombreuses et regroupées dans les tumeurs mucineuses bor-derline (67 %), fréquentes (38 %) dans les tumeurs invasivesalors associées à des portions tissulaires solides, richementvascularisées [5]. Dans le cas du cystadénome mucineuxborderline, c’est la présence d’irrégularités des cloisons oude petites végétations regroupées, en hypersignal diffusionB1000, rehaussées après injection de gadolinium et selonune courbe de type 2, qui oriente le diagnostic [6].

Les tumeurs mucineuses de type borderline sont de trèsbon pronostic à un stade localisé avec un taux de survie de98 à 99 % sauf dans le cadre d’une association à un pseudo-myxome péritonéal (17 %).

La reconnaissance de ces types histologiques en imagerieest capitale puisqu’elle peut orienter le diagnostic préopé-ratoire vers une tumeur bénigne, borderline ou maligne etpermettre ainsi au chirurgien de déterminer si une conser-vation annexielle est envisageable et le type de voie d’abordà utiliser (cœlioscopie versus laparotomie).

L’imagerie est également une aide précieuse lors del’examen extemporané, en orientant le pathologiste versune portion tissulaire (végétations, portion solide). Le trai-tement chirurgical des cystadénomes mucineux borderlineconsiste en une annexectomie avec staging péritonéal,appendicectomie et omentectomie. La surveillance se

n T2 ; b : séquence axiale diffusion B1000 ; c : séquence axiale en

Figure 6. Coupe histologique grossissement × 10. Kystes (étoile)bordés d’un épithélium pluristratifié de type intestinal sans invasionde la membrane basale, avec quelques atypies et mitoses.

base sur l’examen clinique, le dosage des marqueurs,l’échographie abdomino-pelvienne et le scanner [7].

Conclusion

Le cystadénome mucineux dans sa forme borderline estune tumeur rare. La taille importante avec un aspect mul-tiloculé, la présence de fines végétations ou de cloisonsirrégulières et l’absence de portion tissulaire doivent faireévoquer le diagnostic.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

Références

[1] Epelman M, Chikwava KR, Chauvin N, Servaes S. Imaging ofpediatric ovarian neoplasms. Pediatr Radiol 2011;41:1085—99.

[2] Bouic-Pagès E, Perrochia H, Mérigeaud S, Giacalone PY, Taou-rel P. MR imaging of primary ovarian tumors with pathologiccorrelation. J Radiol 2009;90:787—802.

[3] Imaoka I, Wada A, Kaji Y, Hayashi T, Hayashi M, Matsuo M,et al. Developing an MR imaging strategy for diagnosis of ovarianmasses. Radiographics 2006;26:1431—48.

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4] Bazot M, Nassar-Slaba J, Thomassin-Naggara I, Cortez A, UzanS, Daraï E. MR imaging compared with intraoperative frozen-section examination for the diagnosis of adnexal tumors;correlation with final histology. Eur Radiol 2006;16:2687—99.

5] Sohaib SAA, Sahdev A, Van Trappen P, Jacobs IJ, Reznek RH.Characterization of adnexal mass lesions on MR imaging. AJRAm J Roentgenol 2003;180:1297—304.

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G. Brun et al.

6] Thomassin-Naggara I, Bazot M, Daraï E, Callard P, ThomassinJ, Cuenod CA. Epithelial ovarian tumors: value of dynamiccontrast-enhanced MR imaging and correlation with tumorangiogenesis 1. Radiology 2008;248:148.

7] http://www.ovaire-rare.org/TMRG/upload/howto/webBorderline v0.pdf.