Un chartreux - La prière du cœur

8/6/2019 Un chartreux - La prire du cur

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LA PRIRE DU CUR

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LA PRIRE DU CUR

par un Chartreux, Nol 1983

Tu m'as demand de te parler de la Prire du Cur.

Dj, voici quelques annes, la question m'avait tpose, mais j'avais rpondu que je ne voulais pas melancer parler d'un sujet que je ne connaissais passuffisamment. Depuis lors, le temps a pass. Unepetite exprience est venue, soit de ce que j'ai puconstater chez les autres, soit des dcouvertes que j'aipu faire dans ma propre recherche du Seigneur. Je vaisdonc te confier ici quelques rflexions, mais en tepriant de ne pas leur attacher trop d'importance.

Tu sais que la Prire du Cur est le fruit d'une trslongue exprience dans la spiritualit de l'glise

Orientale. Ce que je vais dire, a certainement despoints communs avec cette tradition, mais je me rendsbien compte de la manire trop personnelle dont je lefais. Ce dont je vais te parler n'est peut-tre pas lavraie Prire du Cur.

Mon intention n'est pas de dessiner un cadre rigide,une structure stable. C'est plutt une direction que je

voudrais indiquer, un chemin sur lequel il fauts'engager, mais dont on ne peut prvoir d'avanceexactement o il va aboutir. La Prire du Cur n'estpas un but atteindre. Elle est une manire d'tre,une manire de se mettre l'coute et d'avancer.

Pour commencer, avant de me lire, si tu veux bienmets-toi en prire et demande l'Esprit du Seigneurde nous clairer l'un et l'autre, car je n'ai pas d'autredsir que de l'aider illuminer nos curs.

Abba, que ton Nom soit sanctifi.

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Lorsque je me mets prier, je ne m'adresse pas auDieu des philosophes, ni mme, en un certain sens, au

Dieu des thologiens. Je m'adresse mon Pre, ouplutt notre Pre. Plus exactement encore, jem'adresse Celui que Jsus appelait, en toute intimit:

Abba . Le Seigneur, lorsque les disciples Lui demandentde leur apprendre prier, dit simplement : Lorsquevous priez, vous direz : Abba...

Appeler ainsi Dieu, c'est avoir la certitude que noussommes aims. Une certitude qui n'est pas de l'ordre

des ides trs savantes, mais qui est de l'ordre de laconviction intime. Une certitude la Foi laquellenous sommes parvenus, avons-nous l'impression, auterme d'un certain nombre de rflexions, demditations, d'coutes intrieures ; mais, finalement,cette certitude est un don. Nous croyons l'amourdans notre cur, parce que c'est le Pre Lui-mme quinous a envoy son Esprit, car, dsormais, son Fils estglorifi.

C'est parce que le Pre m'aime que je puism'adresser Lui en toute scurit et confiance. Je neviens pas appuy sur mes mrites, sur de bonnesraisons, mais je viens confiant dans la tendresse infiniede l' Abba de Jsus pour son Fils, qui est galementmon Abba.

Il est Pre. Qu'est-ce que cela veut dire ? Il donne laVie. Il la donne non pas comme un objet diffrent deLui-mme qu'Il offrirait. Il la donne en se donnant Lui-mme. Le seul don qu'Il puisse faire est sa proprePersonne, et ce qui rsulte de ce don, c'est un Fils. UnFils qui L'aime sans mesure. Un Fils pour lequel Il n'aque tendresse et qui, en retour, n'est que tendressepour son Pre.

Voil l' Abba qui je m'adresse. L'Unique qui peut medonner la Vie, une Vie parfaitement calque sur lasienne : Il me veut, l'instant prsent, son Image et

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Ressemblance, non pas en raison d'une sorte deplacage extrieur moi-mme, mais parce qu'Ilm'engendre partir de sa propre subsistance.

Voil ce que je veux dire lorsque je Lui demande :Abba, que ton Nom soit sanctifi. Que Tu soisparfaitement Toi-mme, Abba , en moi. Que ton Nomde Pre se ralise parfaitement dans la relation qui seconstruit entre nous. Abba , je Te demande d'tre monPre, de m'engendrer ton Image et Ressemblance,par pur Amour, afin que, en retour, je puisse devenir,par pure gratuit de ta part, une tendresse vers Toi.

La Prire du Cur consiste simplement trouver lechemin qui me permettra d'avoir l'gard du Precette attitude grce laquelle Il pourra Lui-mmesanctifier son Nom en moi. En moi et en tous ses fils.En son unique Fils, compos de l'Unique et de tous sesfrres.

Prier, c'est accueillir le Pre et participer cette Viequ'Il nous donne par grce. Accueillir le Pre, c'est--dire Lui permettre d'engendrer le Fils, de faire natreson Royaume en mon cur. Ainsi, l'Esprit pourra-t-ilproduire entre moi et le Pre des liens indestructibles,liens d'unit qui vont s'tendre tous mes frres.

Voir avec le cur.

Quel chemin allons-nous prendre pour aboutir cetterencontre du Pre laquelle nous aspirons ? Quellefacult a-t-il mise notre disposition pour cela ? Est-cel'intelligence, la capacit de connatre et deraisonner ? coutons la rponse de Jsus : Je te bnis,Pre, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir cach celaaux sages et aux intelligents et de l'avoir rvl aux tout-petits. Oui, Pre, car tel a t ton bon plaisir (Mt11.25-26). Voil qui parat tonnant : le chemin estferm aux intelligents, ceux qui savent penser et

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calculer. Ce n'est pas eux que Dieu a rserv dervler ses secrets.

Dieu ne nous a-t-il pourtant pas donn notre tte,

notre capacit de penser, de nous reprsenter leschoses, de les imaginer, comme un moyen d'entrer encontact avec les autres ?

C'est vrai, ces facults nous ont t donnes parDieu. Elles sont bonnes. Elles sont indispensables. Neles mprisons pas. Ne les sous-estimons pas. Maissachons, cependant, reconnatre leurs limites.

Lorsque je pense un problme disons plus

prcisment une personne trs proche avec matte, et non avec mon cur, je la maintiens distancede moi. Je la saisis, je la manipule, de manire pouvoir l'analyser tout mon gr, sans mecompromettre avec elle. Au fond, je ne m'engage pas ;

je garde mes distances ; je conserve ma scurit parrapport cette personne. Je fais tout ce que je peuxainsi pour la connatre sans me laisser "entraner,contaminer" par le dynamisme qui peut maner ducur de cette personne. Je veux rester libre parrapport elle. Dans certains cas, cette mthode defaire est peut-tre bonne. Si je veux aimer, ce n'estcertainement pas la voie qu'il faut suivre.

Jsus continue son enseignement : Tout m'a tremis par mon Pre et nul ne connat le Fils si ce n'est le Pre, et nul ne connat le Pre si ce n'est le Fils, et celui qui le Fils veut bien le rvler (Mt 11.27).Tout m'a t remis par mon Pre : cela veut direprcisment qu'entre le Pre et le Fils toutes lesdistances ont t abolies. Aucun des deux n'a cherch conserver sa scurit par rapport l'autre. Ils ontaccept de s'engager rciproquement. Et ainsipeuvent-ils se connatre mutuellement de cetteconnaissance d'amour qui est prsente comme unmystre auquel seuls peuvent participer les initis :Nul ne connat le Fils si ce n'est le Pre, et nul ne

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connat le Pre si ce n'est le Fils . Nul ne connat,parce que nul n'ouvre son cur. Et si nous voulonsconnatre le Pre, il faut accepter de recevoir cette

connaissance du Fils, dans la mesure o Il voit quenotre cur est prt l'accueillir.Pour vraiment connatre Dieu, il faut donc renoncer

mes scurits. Je dois liminer les distances que lapense et toutes les reprsentations me permettaientde garder par rapport Lui. Je dois reconnatre que jesuis vulnrable. Cette vulnrabilit que je cachais sibien, il me faut l'accepter en pleine lumire, la vivre,

c'est--dire laisser s'exprimer les ractions vraies demon cur. partir de ce moment-l, il me serapossible d'entrer en relation avec le Pre et le Fils... etavec tous mes frres humains.

Cela veut dire, dans la ralit concrte, que je doisaccepter de me placer au niveau de mon cur. Je doislui donner le droit d'exister, de se manifester, des'exprimer selon le mode qui lui est propre, c'est--dire travers des sentiments profonds : la confiance, la

joie, l'enthousiasme, mais galement la peur, parfoisl'angoisse, la colre. Cela ne veut pas dire vivre auniveau de la sensibilit superficielle. Cela veut dire, aucontraire, accepter que se dveloppent en nous cesmouvements profonds qui nous entranent rencontrer, en toute vrit, l'autre. Voil ce que c'estque d'tre "un tout-petit" : celui qui en toutespontanit s'exprime et se laisse prendre par l'amourde celui qui est devant lui. Comme il nous est difficiled'avoir le courage d'tre tout-petits !

Ces rflexions se situent autant dans la ligne del'vangile que dans celle d'un processus psychologiquenormal. Les deux niveaux sont videmment distincts,mais ils se compltent et se compntrent. Il nous fautarriver tout atteindre travers le regard d'amourport par Jsus sur les cratures et mme sur lespersonnes divines. Voil ce que j'appelle "voir avec le

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cur" : accepter que le Fils me rvle le Pre au seulniveau o je suis capable d'assumer cette rvlation,c'est--dire au niveau o, selon mon tre humain, il y a

en moi une image de la relation d'intimit qui existeentre le Pre et le Fils, dans mon cur.

La purification du cur purification de tout

l'tre par le cur.

Il n'est pas besoin d'avoir une longue exprience del'existence humaine, et plus encore de la viespirituelle, pour savoir que nous sommes prisonniersd'un monde presque illimit de dsordre : pchs,dsquilibres affectifs, blessures non cicatrises,habitudes malsaines, etc. Tout cela constitue desimpurets de notre cur.

Tout l'heure, nous notions que le langage de notrecur se situe au niveau des motions. Tous lesdsordres que je viens d'voquer aboutissent desmotions drgles : elles s'expriment presque notreinsu ; elles nous commandent ; elles nous dchirent ;elles nous ferment Dieu ; elles nous lient une sorted'automatisme du mal. Et tout cela vient de notrecur ! Ce qui sort de la bouche procde du cur et c'est cela qui souille l'homme. Du cur, en effet,

procdent mauvais desseins, meurtres... Voil leschoses qui souillent l'homme (Mt 15.18-20). Si jeveux carter la souillure de mon tre, je dois d'abordpurifier mon cur.

Face ce besoin urgent de rectification, on anormalement recours ce que l'on peut appeler"l'ascse classique". C'est une technique prouve,mise au point par de longues gnrations de moines,de chrtiens, d'hommes de bonne volont, dcids se librer de l'esclavage dont ils sont prisonniers. C'est

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un agir qui fait appel toutes les ressources de notrevolont, de notre nergie et de notre persvrance,dans la lumire de la foi et de l'amour. Cette ascse a

ses mrites et l'on ne doit jamais cesser d'y recourir.Mais elle a aussi ses limites.En particulier, en ce qui concerne l'authentique

purification du cur, il faut aller au-del de cestechniques humaines. Relisons, ce propos, lesinvitations de Saint Bruno son ami Raoul : Que fairealors, trs aim ? Que faire sinon croire aux conseilsdivins, croire la Vrit qui ne sait tromper ? Elle

donne, en effet, cet avis tout le monde : "Venez moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau et moi je vous soulagerai" (Mt 11.28). N'est-ce pas une

peine affreuse et inutile d'tre tourment par sesdsirs, de sans cesse se meurtrir aux soucis et aux angoisses, la crainte et la douleur qu'engendrent ces dsirs ? Quel fardeau plus lourd que celui dont le

poids abaisse l'esprit du fait de sa sublime dignit versles bas-fonds, en pure injustice ? ( Raoul 9). Il y adonc une forme de purification o, avant tout autrechose, il faut se tourner vers Jsus, venir Lui, afin derecevoir de Lui le soulagement. Il nous adresse cetteinvitation prcisment aprs nous avoir demand derenoncer tre sages et intelligents, pour devenirtout-petits. Entrer dans la voie du cur, c'estreconnatre que la seule puret vraie est un don de

Jsus. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous moncole, car je suis doux et humble de cur, et voustrouverez soulagement pour vos mes (Mt 11.29) Lapurification fondamentale se produit partir dumoment o toutes les souillures, tous les dsordresdont je suis afflig viennent la rencontre de Jsus. Cen'est pas une tche plus aise que l'ascse classique,mais elle est plus efficace, car elle nous oblige noustablir dans la vrit : la vrit de nous-mmes, qui

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sommes obligs d'ouvrir les yeux sur la ralit denotre pch ; la vrit sur Jsus, qui est vraiment leSauveur de nos mes, non seulement d'une manire

gnrale et lointaine, mais au niveau d'un contactimmdiat et concret avec chacune des souillures dontnous sommes affligs. Il faut donc que j'apprenne Luioffrir, Lui remettre sans retour, soit sous le jeu descirconstances, soit par un mouvement profond de moncur qui veut enfin retrouver sa vraie libert.

Chaque fois, donc, que je constate en moi l'un de ces

liens qui me paralysent, le plus important n'est pas departir en guerre contre cette servitude, car, dans laplupart des cas, je me contenterai de couper lesbranches sans atteindre les racines. Le plus importantest de mettre nu ces racines, de les faire venir lalumire, aussi laides soient-elles, aussi dsagrablessoient-elles constater. Il s'agit prcisment de lesassumer dans leur ralit et de pouvoir, d'un gestelibre et conscient, les offrir au Sauveur. Dans de tellesperspectives; l'invocation classique : Jsus, Fils duDieu vivant, prends piti de moi pcheur ne courtaucun risque d'tre une rptition vaine. Elle est laconstatation indfiniment renouvele qu'une rencontrenouvelle va avoir lieu entre le Cur purifiant de Jsuset mon cur souill.

Il est vident qu'il y a, dans ce processus, un lmentde pure psychologie humaine, mais en quoi cela serait-il choquant ? L'uvre de la grce ne se modle-t-ellepas toujours sur les structures de la nature ? Celle-cidevient, dans le cas prsent, le support de laRdemption, qui vient oprer en mon cur latransformation, la cicatrisation des blessures par larencontre personnelle avec Jsus ressuscit. On prendainsi progressivement l'habitude de revenir Luiindfiniment, surtout partir de tout ce qui, en nous,est obscur, tnbreux, inquitant.

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C'est une attitude du cur qui fait peur au dbut. Ilnous a t trop souvent appris que l'on ne pouvaitoffrir au Seigneur que de bonnes choses, de belles,

choses. Tout ce qui n'est pas acte de vertu ne peut pasLui tre prsente. N'est-ce pas aller contresens de lavrit de l'vangile que de dire cela ? Jsus Lui-mmeaffirme qu'Il n'est pas venu pour les bien portants maispour les malades. Il faut donc, sans fausse honte,apprendre tre devant le mdecin divind'authentiques malades qui reconnaissent loyalementtout ce qui, en eux, est vraiment faux, menteur,

oppos Dieu. Lui seul peut nous gurir.

Mon corps lieu de la rencontreavec le Verbe Temple de l'Esprit.

On voudrait souvent se contenter de prendre laformule "Prire du Cur de manire symbolique.Parler du cur serait une manire image d'voquerune ralit intrieure, donc spirituelle. Ce n'est pasexact. Tous les mouvements du cur qui sont lesupport de notre relation au Pre sont desmouvements lis notre tre sensible, matriel. Noussavons d'exprience parfois mme un peu au prix denotre sant que les motions vraiment profondesatteignent notre cur physique. Entrer dans la priredu cur est impossible si nous n'acceptons pas devivre de manire vraiment consciente et rsolue auniveau de notre corps.

Dieu nous a ainsi faits. Le rcit de la Gense nousmontre en mme temps Yahv modelant l'homme partir de la boue du sol et affirmant, avec grandeassurance, que cet tre matriel est vraiment sonImage et Ressemblance. Notre corps n'est pas unobstacle dans notre relation Dieu. Il est, au contraire,l'uvre mme de Dieu qui nous a constitus nous-

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mmes, comme des fils, appels Le recevoir Lui-mme en hritage.

Toute l'conomie de l'incarnation du Fils de Dieu nousplace dans les mmes perspectives. L'glise despremiers sicles s'est battue avec acharnement pourdfendre cette ralit que Jsus est vraiment unhomme. C'est dans la chair qu'Il est n, qu'Il a vcu,qu'Il nous a enseigns, qu'Il a souffert, qu'Il est mort etqu'Il est ressuscit.

Ce sont les uvres humaines du Verbe de Dieu qui

nous ont donns et que continuent, chaque jour, denous donner la Vie. La Parole de Dieu vient nousavec des mots humains. Notre pch n'est pas purifide manire symbolique, mais par l'effusion du sang,

jaillissant du Corps de Jsus. Il est vraiment mort etressuscit dans sa chair. C'est cette rsurrectionmatrielle qui sauve aussi bien nos mes que noscorps.

L'Esprit enfin ne nous a t donn qu' partir de larsurrection corporelle du Fils. C'est Lui, le Fils deMarie, qui nous envoie l'Esprit du sein du Pre. Cen'est pas le Verbe incr, mais le Verbe incarn, aprsqu'Il ait partag notre existence et qu'Il soit devenul'un des ntres.

Nous faisons l'exprience de cette incarnationchaque jour par les Sacrements, la Liturgie, la vie decommunaut, l'appartenance au Corps de l'glise.

Tout cela est le fondement immdiat, la prsence dansnos vies de la ralit corporelle du Christ. Sachonsdonc accueillir Jsus tel qu'Il vient nous, c'est--dires'adressant nous dans notre corps. Ne nous htonspas de nous dbarrasser rapidement de cetintermdiaire, que nous aurions tendance considrerun peu comme une impuret dans nos relations

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Dieu. Ce n'est pas vrai : ce n'est pas une impuret,c'est le lieu mme de la rencontre avec notre Abba.

De mme qu'il nous est impossible d'imaginer la viede communaut comme si nos frres taient des tresdsincarns, purs esprits, qu'il nous faudrait atteindreau-del de leurs enveloppes charnelles, de mme ceserait un refus de la ralit de l'Amour de Dieu devouloir faire abstraction de la ralit charnelle,matrielle, pesante du Fils qui vient nous.L'Eucharistie, que nous clbrons chaque jour, est

vraiment la clbration d'un acte qui a entran, dansson Corps et dans son Sang, des transformationsprofondes, non pas en les dlaissant, en les dpassant,mais en leur donnant leur pleine signification : ils sontune ralit matrielle qui est le Fils de Dieu. De lamme manire, notre corps, avec toutes sespesanteurs, ses limites, ses contraintes, est la ralitde ce que nous sommes. C'est mon corps qui entre encontact avec cette autre ralit dont Jsus a dit : Ceciest mon Corps C'est la rencontre de ces deux ralitscorporelles qui tablit le contact de Vie entre Dieu etmoi. Si vous ne mangez pas mon Corps et si vous nebuvez pas mon Sang, vous n'aurez pas la vie envous... De mme que le Pre qui est vivant m'aenvoy et que je vis par le Pre, de mme celui qui memange vit par moi (Jn 6.57).

La consquence de cet tat de choses est que je nepuis prier sans prier dans mon corps. Je ne puis faireabstraction de ma ralit incarne lorsque je metourne vers Dieu. Ce n'est pas une simple question dediscipline religieuse si certains gestes sont imposs, sides conditions matrielles me contraignent lorsqu'ilfaut me tourner vers Dieu. Cela correspond l'uniqueralit : Dieu m'aime, tel qu'Il m'a fait. Pourquoivoudrai-je tre plus spirituel que Lui ?

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J'apprends donc vivre au niveau de mon corps, detoutes les contraintes qu'il m'impose. La nourriture, lesommeil, la dtente, la maladie, les limites de mes

forces... Tout cela ne constitue pas des obstacles entreDieu et moi ; cela constitue, au contraire, la trame dutissu qui tablit une continuit sans faille entre le plusintime de la ralit divine et le plus concret de monexistence quotidienne. Qui de nous n'a pas fait cetteexprience, parfois terriblement douloureuse, de sesentir limit, presque prisonnier, en raison, parexemple, de difficults de sant ? Et, si notre cur est

loyal, nous ne pouvons dire qu'une chose : c'est Dieuqui vient nous travers ces contraintesdouloureuses. Elles sont vraiment le point d'insertionde l'Amour de Dieu dans notre vie. Notre curaccueille Dieu dans la mesure o il est attentif cetteralit, que nous aimerions pouvoir considrer commeinfrieure notre vocation spirituelle. Prenons gardeau mensonge permanent que le prince du mensongecherche ainsi distiller dans nos curs. Ne jouons pasaux purs esprits ; sachons tre beaucoup mieux : noussommes les enfants de Dieu.

L'Esprit Lui-mme prie en moi.

Nous parlons de prier. Mais savons-nous prier ? Est-ceque je sais mme en quoi consiste la vraie prire ?Honntement, je dois avouer que je ne le sais pas. Jesens en moi un appel profond dans une direction, mais

je suis dans les tnbres.Heureusement, l'Esprit vient au secours de notre

faiblesse : car nous ne savons que demander pour prier comme il faut ; mais l'Esprit Lui-mme intercde pour nous en des gmissements ineffables, et celui quisonde les curs sait quel est le dsir de l'Esprit et queson intercession pour les saints correspond aux vuesde Dieu (Rm 8.26-27).

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La prire est dans mon cur. Elle jaillit de mon cur.Et pourtant, elle n'est pas mon uvre moi tout seul.L'Esprit m'a t donn ; Il est rpandu en mon cur,

et c'est Lui qui prie en moi. L'Esprit vient du cur deDieu, dsireux d'allumer en mon propre cur la mmeflamme que dans le sien.

Nous connaissons tous les passages de Saint Paul quinous rptent cela, mais n'avons-nous pas troptendance les considrer de manire purementthorique, ou, pour nous exprimer de manire plusnoble, comme des "ralits de foi", c'est--dire des

choses dont on parle avec conviction, mais on ne lesvit que dans une obscurit totale. Cette prsence del'Esprit dans mon cur serait une chose qui sesituerait uniquement au niveau de Dieu et laquelle jene pourrais communier qu' travers des formulesintellectuelles. La ralit elle-mme chapperaittotalement mon exprience. Est-ce cela vraimentque veut dire Saint Paul ?

Frauderait-il, en raction contre ce que cette attitudea d'excessif, exiger que toute existence chrtienneauthentique soit une exprience de l'Esprit, lamanire des Aptres recevant les langues de feu, lematin de la Pentecte ? Cela n'a jamais tl'enseignement de l'glise. Mais, entre les deuxextrmes, se situe une attitude vraie, accessible tousles chrtiens, o la prsence de l'Esprit dans nos viesest une ralit qui a une influence directe sur notremanire d'tre, sur nos relations d'amour avec nosfrres, sur notre prire.

Si nous reprenons les diffrentes tapes dont nousavons parl, nous constatons une progression.Renoncer considrer le centre de notre activit deprire au niveau de la tte, des reprsentations, dessystmes de penser. Entrer dans notre cur. Ydcouvrir tout un monde dsordonn d'motions et de

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blessures, qui manent de notre cur, et qui ontbesoin d'tre purifies. Nous avons dcouvert qu'il yavait une possibilit effective d'intgrer toutes ses

blessures de notre cur dans le mouvement de laRdemption, en les faisant venir la lumire, demanire les offrir consciemment l'actionrdemptrice de Jsus.

Ainsi, sans mme l'avoir dit, sommes-nous arrivs parler dj d'un mouvement de l'Esprit en nous. Sinous pouvons faire ce dont je viens de parler, c'estque, rellement, l'Esprit du Seigneur est l'uvre en

nous, qui nous permet de dmler, dans le rseaucomplexe de nos motions, ce que nous pouvons avecpatience et persvrance offrir la grce depurification et de rsurrection du Sauveur. Tout cedont nous avons parl est dj une uvre de l'Esprit.

Continuons alors dans la mme ligne. Au-del de tousces mouvements dsordonns du cur, surtout partir du moment o l'uvre de Jsus commence rtablir l'ordre, nous reconnaissons des mouvementsmoins drgls qui, progressivement, finissent mmepar tre bien ordonns ; et ainsi, sans que nous yprenions garde, le fond de notre cur apprend semettre en branle spontanment vers le Seigneur. C'estseulement aprs coup, en regardant ce qui s'estpass, que nous constatons que, de fait, l'Esprit duSeigneur tait discrtement, silencieusement, l'uvre au fond de notre cur. Au fur et mesure quela paix s'est tablie dans les profondeurs, un certaindynamisme mystrieux se met en branle, auquel ilnous faut apprendre cooprer.

C'est ainsi que nous apprenons assumer tous lesmouvements de notre cur, les bons, les moins bonset mme les mauvais, pour les orienter vers Dieu. Lesuns viennent directement du Pre et retournent Lui.Les autres ont besoin d'tre transforms, assums par

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la mort et la rsurrection de Jsus. Tous demandent tre intgrs consciemment dans ce dynamisme del'Esprit rpandu en nos curs. Il s'agit d'apprendre

tre veills aux mouvements de notre cur, demanire les unir volontairement et consciemment l'action de l'Esprit Saint qui est en nous.

Tout ceci n'implique aucune "grce mystique". Ils'agit seulement, dans la douceur et la simplicit, deprendre conscience que notre cur est vivant et quecette vie, nous pouvons l'offrir l'Esprit Saint pourqu'Il l'entrane dans son mouvement vers le Pre.

Saint Paul dit que l'Esprit demande en nous en desgmissements inexprimables. Ce dernier mot mriteque nous y prtions attention. L'action normale del'Esprit n'est pas de nous donner des ides claires, nide nous donner des lumires, ni mme de nous donnerquoi que ce soit. L'action de l'Esprit est de nousentraner vers le Pre. Tous ceux qu'anime l'Esprit deDieu sont Fils de Dieu. Aussi bien n'avez-vous pas reuun esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte ;vous avez reu un Esprit de fils adoptifs qui vous fait vous crier : "Abba ! Pre !" L'Esprit en personne se

joint notre esprit pour attester que nous sommesenfants de Dieu (Rm 8.14-15). L'Esprit est un tmoin ;Il est un dynamisme qui nous entrane. Ne cherchonssurtout pas Le cerner, L'identifier, Le saisir pourLe contrler. Ce serait L'expulser de notre cur ; ceserait L'teindre. Laissons-Lui toute sa libert pourprier en nous, de sa manire voile, cache etmystrieuse, que nous jugeons ses fruits. Dans lamesure o nous constaterons que nous apprenons prier, que sans savoir pourquoi nous sommesdevenus capables de demander Dieu et d'treexaucs, c'est un signe que, en dpit de toutes nosfaiblesses videntes, l'Esprit prie en nous.

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Ma faiblesse, lieu de dcouverte et derencontre de la tendresse du Pre.

Reprenons ici certaines orientations majeures de ceque nous venons de dire. Reprenons-les et unifions-les,car elles reprsentent une attitude fondamentale de laprire du cur.

Le rflexe spontan de tout tre humain est d'avoirpeur de ses faiblesses. partir du moment o nousconstatons que, sur un point ou sur un autre, nous nepouvons compter sur nos propres forces, une

inquitude a tendance s'tablir en nous qui risque,parfois, de tourner l'angoisse. Or, tout ce que nousavons dit jusqu' prsent nous conduit perdre nosscurits personnelles, en faisant apparatre ce quenous avons appel notre vulnrabilit, nos dsordrescachs, les limites de notre condition de crature, etc.Et, chaque fois, nous nous sommes dit : il n'y a qu'unesolution, c'est reconnatre la ralit de ce que noussommes et la faire prendre en charge par le Seigneur.

Rappelons-nous l'pisode de la tempte apaise. LesAptres sont affols par le mauvais temps qui secoueleur barque et ils vont rveiller Jsus. Celui-ci se tournevers eux et leur demande, tonn : Pourquoi avez-vous peur, hommes de peu de foi ? (Mt 8.26). Puis,d'un geste, Il apaise les flots.

Pourquoi alors avoir peur de mes faiblesses? Ellesexistent. Longtemps j'ai refus de les regarder en face.Peu peu, je me suis mis les apprivoiser. Je suis bienoblig de reconnatre maintenant qu'elles font partiede moi-mme. Elles ne sont pas un accident extrieurdont je pourrai un jour me dbarrasser dfinitivement.Bien plus, si j'avais tendance les oublier, le Pre sechargerait vite de me les rappeler. Il permettra tellefaute, devant laquelle je ne pourrai nier ma ralit depcheur. Il laissera la sant me jouer des tours, telsque je devrais m'avouer vaincu et me livrer sans

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dfense l'amour du Pre. Il me fera constater sanspossibilit de doute combien mes facults sontlimites.

Mais ce qui est nouveau est que, dsormais, cesfaiblesses, au lieu de reprsenter un danger,constituent pour moi une possibilit d'entrer encontact avec Dieu. C'est la raison pour laquelle je dois,peu peu, me laisser apprivoiser par elles. Ne plus lesconsidrer comme un ct inquitant de mapersonnalit, mais comme une dimension voulue ouaccepte par le Pre ; non pas un pis-aller, mais une

structure fondamentale de l'ordre de la Vie divine tellequ'elle m'est donne. Lorsque je me trouverai soudaindevant une fragilit que je n'avais pas encoredcouverte en moi, mon premier rflexe devra tredsormais non plus de m'affoler, mais de medemander o le Pre y est cach.

Comment alors ne pas se poser une question ? Cettetransformation de la faiblesse, qui a toutes lesapparences d'un chec, en une victoire de l'Amour est-elle une sorte de "rattrapage", par lequel Dieutransforme le mal en bien, ou au contraire, nesommes-nous pas en prsence d'une dimensionfondamentale de l'ordre divin ?

Il y aurait beaucoup dire en ce domaine.Contentons-nous de constater simplement que, mmedans l'ordre naturel, tout amour authentique est unevictoire de la faiblesse. Aimer ne consiste pas dominer, possder, s'imposer celui que l'on aime.Aimer veut dire que l'on accueille sans dfense l'autrequi vient soi ; en revanche, on a la certitude d'trepleinement accueilli par le partenaire, sans tre ni

jug, ni condamn, ni compar. Il n'y a plus d'preuvesde force entre deux tre qui s'aiment. Il y a une sorted'intelligence mutuelle par l'intrieur, grce laquelleon ne peut plus avoir peur d'un danger quelconque quiviendrait de l'autre.

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Cette exprience, mme si elle demeure toujoursimparfaite, est dj bien convaincante. Et pourtant ellen'est qu'un reflet de la ralit divine. partir du

moment o nous commenons croire vraiment, ennotre cur, la tendresse infinie du Pre, nous noussentons en quelque sorte obligs de descendre de plusen plus dans une acceptation positive et joyeuse d'unnon-avoir, d'un non-savoir, d'un non-pouvoir. Il n'y a laucune auto-humiliation malsaine. Nous pntronssimplement dans le monde de l'amour et de laconfiance. Ainsi, presque sans nous en rendre compte,

entrons-nous en communion avec la vie divine. Lesrelations du Pre et du Fils dans l'Esprit sont, unniveau qui dpasse totalement notre comprhension,une forme parfaite de cette faiblesse pleinementassume dans la communion.

De manire plus proche de nous, cette tendresseintime du trois fois Saint se manifeste dans la relationdu Fils incarn son Pre. Comment ne pas trefrapp de la srnit et de l'infinie scurit aveclaquelle Jsus dclare tranquillement qu'Il n'a rien Lui, qu'Il ne peut rien faire de Lui-mme, sinon ce qu'Ilvoit faire au Pre ! Quel homme accepterait pareildnuement ? Et pourtant n'est-ce pas dans cettedirection que nous sommes obligs de nous engager sinous voulons rellement vivre dans les profondeurs denotre cur, tel que le Pre l'a cr et tel qu'Il letransfigure par la mort et la rsurrection de son Fils ?

Marie nous oriente dans la mme direction. LeMagnificat est d'un mme lan un chant de triompheet la reconnaissance d'un dnuement total. Les deuxvont de pair. Ds le dpart, elle a reconnu et acceptsa totale faiblesse : elle se trouve ainsi en tatd'accueillir le Fils que lui donne le Pre. Elle devient laMre de Dieu parce que c'est elle qui est la plusproche de la pauvret de Dieu.

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Entrer dans le silence.

suivre le chemin dont je parle, il est normal que,

progressivement, l'activit intellectuelle s'apaisedurant le temps de prire ; de mme dans la mesureo les motions du cur sont canalises, toutes sortesde distractions ou de divagations perdent leur raisond'tre. C'est dire que la Prire du cur, d'unmouvement presque spontan, nous oriente vers lesilence. Certains jours, l'exprience en est plus forte etil est invitable que l'on se trouve expos, si l'on peut

dire, la "tentation du silence".Le silence est un bien qui exerce une sduction surtous les curs, partir du moment o ils en ont faitune certaine exprience savoureuse. Mais il y abeaucoup de formes de silence. Toutes ne sont pasbonnes. La majorit d'entre elles sont mme desdformations plutt qu'une authentique prire desilence.

La premire tentation est de faire du silence un agir ,mme si l'on est persuad intimement du contraire.Sous prtexte que l'intelligence est arrte, que lecur parat en repos, on s'imagine que l'on atteint unvritable silence de l'tre. En ralit, ce silence, mmes'il a une authenticit indiscutable, est le rsultatd'une tension de la volont qui, finalement, est le plussubtil, mais galement le plus pernicieux, des agir. Aulieu d'avoir notre cur en tat de disponibilit, il nousmaintient dans un tat o nous nous imposons uneattitude artificielle et o, finalement, nous n'offronspas au Seigneur un accueil, parce que nous sommesappuys sur nos propres forces. Dans le cas depersonne qui ont une volont nergique, cela peutreprsenter un obstacle majeur une vritabledisponibilit au Seigneur. Matriellement parlant, lesilence est grand, mais c'est un silence repli sur lui-mme, appuy sur lui-mme.

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Une autre tentation consiste vouloir faire du silenceun but . On s'imagine que la raison d'tre de la Priredu cur, et mme de toute existence contemplative,

est le silence. On s'arrte une ralit matrielle. Onne s'arrte pas la Personne du Pre, ou celle deson Fils ou de l'Esprit.

C'est mon tat qui compte et non la relation relled'amour et de disponibilit que j'ai l'gard de Dieu.Ce n'est plus une prire, c'est une contemplation demoi-mme.

Une tentation analogue la prcdente consiste

faire du silence une ralit en elle-mme. Le silence sesuffit. partir du moment o tous les bruits des sens,de l'intelligence, de l'imagination ont t apaiss, uneauthentique jouissance s'tablit en nous... et celasuffit. On ne cherche rien de plus. On refuse dechercher autre chose. Tout ce qui introduirait nouveau une ide quelconque, mme sur le Seigneur,mme venant de Lui, ressemble un obstacle. Laseule ralit divine, ce moment-l, est le silence. Iln'y a plus de prire. Il n'y a plus que la constructiond'une idole qui s'appelle le silence.

Il n'empche qu'un authentique silence est uneralit trs importante, laquelle il faut attacher grandprix. Mais si l'on veut entrer dans un silenceauthentique, il faut, du fond du cur, renoncer ausilence. Non pas le galvauder, non pas le sous-estimer,non pas renoncer le chercher, mais viter d'en faireun but.

Surtout, il faut viter de croire que le vrai silence estle rsultat de mon industrie personnelle. Je n'ai pas construire le silence de toutes pices, comme uneuvre qui se fabrique. On s'imagine trop souvent quele silence consiste uniquement tablir la paix dansles facults intellectuelles, d'imagination, desensibilit. C'est un aspect du silence, mais ce n'estpas tout le silence. Encore faut-il que notre cur

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profond, dans la mesure o il s'identifie avec lavolont, soit lui-mme en silence ; que tout dsir autreque faire la Volont du Pre soit apais. C'est--dire

que mon vouloir, au lieu d'tre tendu pour s'imposerau reste de l'tre humain, demeure lui-mme puredisponibilit, coute et accueil. Alors la possibilitcommence d'exister, d'entre dans un authentiquesilence de tout l'tre face Dieu, un silence n de laconformit relle de mon tre profond au Pre, dont ilest l'Image et Ressemblance.

Dieu seul suffit : tout le reste est nant.

L'authentique silence est la manifestation de cetteralit fondamentale de toute prire. Il y a vraimentsilence dans le cur partir du moment o en ontdisparu toutes les impurets qui s'opposaient auRgne du Pre. Le vrai silence ne s'tablit que dans uncur pur, dans un cur devenu semblable au cur deDieu.

C'est la raison pour laquelle un cur vraiment purpeut garder un silence complet, mme lorsqu'il estplong dans toutes sortes d'activits, parce qu'il n'y aplus de dissonance entre lui et Dieu. Mme si sonintelligence et sa sensibilit demeurent en activit,pour tre en conformit avec la Volont de Dieu, lesilence authentique continue de rgner en ce cur. Heureux les curs purs, car ils verront Dieu

Nol 1983

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Un chartreux - La prière du cœur