52
2ENVIRONNEMENT 1/03 Un corps sain dans un environnement sain EDITORIAL De l’air pur, une nourriture naturelle, du calme, un espace de vie har- monieux sont des facteurs essentiels d’une bonne santé. Au contraire un environnement dégradé porte atteinte à la santé: 3000 morts précoces chaque année en Suisse à cause de la pollution de l’air, des cancers à cause des particules de suie, de certains pro- duits chimiques ou de substances radioactives, du stress et des infarctus à cause du bruit, sans parler des ravages dans les pays en développement dus au manque d’eau propre, suite à la dégradation des sols et à la destruction des écosystèmes. Une bonne partie des normes environnementales ont été fixées pour protéger non seulement l’environnement lui-même, mais à tra- vers lui également la santé humaine. Grâce à ces normes et à la mise en œuvre des politiques de l’environnement par les autorités fédéra- les et cantonales, et par l’économie privée, la pollution de l’air et de l’eau ont été considérablement réduites, les déchets sont davantage recyclés et les sites contaminés commencent à être assainis. Il y a encore des domaines dans lesquels les effets sur la santé sont mal connus et difficiles à évaluer, par exemple les effets des rayons non ionisants, ceux de l’action conjuguée de produits chimiques ap- paremment inoffensifs ou les risques encore insuffisamment évalués du génie génétique. Dans ces cas il est indispensable d’intensifier les recherches scien- tifiques sur les risques. C’est la raison pour laquelle, avec l’appui des cantons et des milieux intéressés, nous venons de transmettre au Groupement de la science et de la recherche une proposition de pro- gramme de recherche sur les effets des rayons non ionisants sur la santé à l’intention du Fonds national ou qu’à travers le projet Fisch- netz, mené de concert avec l’EAWAG, les pêcheurs, l’industrie et les cantons, nous essayons de comprendre les causes de la diminution des poissons et des maladies qui les affectent. En attendant les résultats des recherches, il faut appliquer le prin- cipe de précaution, c’est-à-dire prendre des mesures pour diminuer les risques, même lorsqu’il reste des incertitudes quant aux effets sur la santé et l’environnement. Philippe Roch, Directeur de l’OFEFP Thomas Zeltner, Directeur de l’OFSP Hoppe, Bolligen

Un corps sain dans un environnement sain - … · infarctus à cause du bruit, sans parler des ravages dans les pays en ... santé à l’intention du Fonds national ou qu’à travers

  • Upload
    lyminh

  • View
    213

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

2➔ ENVIRONNEMENT 1/03

Un corps sain dans un environnement sain

EDITORIAL

De l’air pur, une nourriture naturelle, du calme, un espace de vie har-monieux sont des facteurs essentiels d’une bonne santé.

Au contraire un environnement dégradé porte atteinte à la santé:3000 morts précoces chaque année en Suisse à cause de la pollutionde l’air, des cancers à cause des particules de suie, de certains pro-duits chimiques ou de substances radioactives, du stress et des infarctus à cause du bruit, sans parler des ravages dans les pays endéveloppement dus au manque d’eau propre, suite à la dégradationdes sols et à la destruction des écosystèmes.

Une bonne partie des normes environnementales ont été fixéespour protéger non seulement l’environnement lui-même, mais à tra-vers lui également la santé humaine. Grâce à ces normes et à la miseen œuvre des politiques de l’environnement par les autorités fédéra-les et cantonales, et par l’économie privée, la pollution de l’air et del’eau ont été considérablement réduites, les déchets sont davantagerecyclés et les sites contaminés commencent à être assainis.

Il y a encore des domaines dans lesquels les effets sur la santé sontmal connus et difficiles à évaluer, par exemple les effets des rayonsnon ionisants, ceux de l’action conjuguée de produits chimiques ap-paremment inoffensifs ou les risques encore insuffisamment évaluésdu génie génétique.

Dans ces cas il est indispensable d’intensifier les recherches scien-tifiques sur les risques. C’est la raison pour laquelle, avec l’appui descantons et des milieux intéressés, nous venons de transmettre auGroupement de la science et de la recherche une proposition de pro-gramme de recherche sur les effets des rayons non ionisants sur lasanté à l’intention du Fonds national ou qu’à travers le projet Fisch-netz, mené de concert avec l’EAWAG, les pêcheurs, l’industrie et lescantons, nous essayons de comprendre les causes de la diminutiondes poissons et des maladies qui les affectent.

En attendant les résultats des recherches, il faut appliquer le prin-cipe de précaution, c’est-à-dire prendre des mesures pour diminuerles risques, même lorsqu’il reste des incertitudes quant aux effets surla santé et l’environnement.

Philippe Roch, Directeur de l’OFEFPThomas Zeltner, Directeur de l’OFSP

Hopp

e, B

ollig

en

Comment changer nos comportements?

6➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

ENVIRONNEMENT: On le remarque sou-vent, les problèmes d’environnement nesensibilisent les gens que lorsqu’ils me-nacent leur santé. Pourquoi?Charlotte Braun-Fahrländer: Parce quec’est notre peau qui est en jeu! Quandon peut faire le lien entre les risquesécologiques et notre bien-être, c’estplus parlant qu’un discours.

Est-ce que cette prise de conscience changeles comportements? Savoir n’est pas forcément agir. Maisplus on est touché personnellement,plus on sera enclin à changer. Par exem-ple lorsque notre qualité de vie estaffectée. Cela dit, le savoir reste lefondement d’une action raisonnable.Donc, il est important d’informer sé-

rieusement la population sur les liensentre environnement, santé et compor-tement individuel.

Peut-on évaluer statistiquement lesrisques de la pollution atmosphériquepour les individus?Nous étudions les effets à court et à longterme de certains polluants. Les étudesde longue durée comparent la fréquencedes affections, l’apparition de nouvellesmaladies et l’espérance de vie de groupeshabitants des zones différentes. Il y a parexemple deux études globales en Suisse:sur les maladies des voies respiratoires etla pollution atmosphérique chez lesadultes (étude Sapaldia) et chez les en-fants (étude Scarpol).

D’autre part, l’IMSP analyse l’évo-lution des problèmes de santé ou des admissions hospitalières. Cette re-cherche est plutôt focalisée sur les effetsà court terme. Pour saisir les impactsliés à la pollution, il est important decerner les autres facteurs négatifs,comme les mauvaises conditions detravail, la fumée (active ou passive), lemanque de mouvement ou une nour-riture inadéquate. L’effet polluant estplutôt minime au niveau individuel. En

revanche, de nombreux citadins sontexposés en permanence à des chargesélevées, et ils en sont potentiellementaffectés. Cela entraîne un nombre rela-tivement élevé de maladies ou de décèssupplémentaires, directement liés à lapollution de l’air.

Avez-vous des chiffres précis?Nos dernières statistiques datent de1996, elles seront réactualisées pro-chainement. Aujourd’hui, la tendanceest à la baisse; les données récentessemblent moins alarmantes. Mais celareste impressionnant. À l’époque, enSuisse, 3300 décès prématurés par annéeétaient dus à la pollution de l’air. Plus dela moitié étaient liés au trafic. Ce sontsurtout les personnes âgées ou souffrantde maladies chroniques qui sont attein-tes. Par ailleurs, ces émissions provo-quent environ 24 000 cas de bronchitesinfantiles supplémentaires. Si l’on con-sidère le prix qu’une personne seraitprête à payer pour s’éviter une maladie,tout en subissant une diminution de saqualité de vie, on peut dire que la pol-lution atmosphérique en Suisse entraînedes frais de santé de l’ordre de 6 milliardsde francs par année.

La politique de la santé et la politique de l’environnement ont une

tâche commune: protéger la population des effets néfastes de la

pollution. Tout le monde est d’accord qu’un mode de vie plus

écologique serait, en même temps, meilleur pour notre santé. Le

problème est de s’y mettre! La doctoresse Charlotte Braun-

Fahrländer, de l’Institut universitaire de médecine sociale et

préventive à Bâle (IMSP) nous donne quelques pistes.

MÉDECINE DE L’ENVIRONNEMENT

C h a r l o t t e B r a u n - F a h r l ä n d e r

Mais ce sont des statistiques imperson-nelles. Comment peuvent-elles stimuler unchangement de comportement individuel?Les résultats peuvent paraître abstraits,c’est vrai. Chacun d’entre nous peut sepersuader qu’il est insensible à l’airpollué. Mais rien que le nombre crois-sant d’enfants malades devrait nousfaire réfléchir. Car ce sont les enfantsqui sont particulièrement touchés:leurs poumons finissent de se dévelop-per vers sept ou huit ans seulement, etjusqu’à cet âge ils sont très sensibles. Ilne faut surtout pas minimiser l’impor-tance sociale de la pollution atmosphé-rique, qu’il s’agisse de la souffrance in-dividuelle ou des frais qu’elle engen-dre. Notre étude sur la monétarisationdes coûts a fourni au conseiller fédéralMoritz Leuenberger la base de calculnécessaire pour fixer le montant de la

redevance poids lourds liée aux presta-tions (RPLP).

Les mesures déjà prises sont-elles suffi-santes?L’introduction des catalyseurs, l’amé-lioration des moteurs, les carburants etles combustibles plus propres ou encoreles filtres utilisés par l’industrie et l’arti-sanat ont certainement eu des effets po-sitifs: la charge en poussières fines et endioxyde d’azote a diminué d’un tiers.Nous n’avons pour autant pas atteintpartout les valeurs limites d’émission

préconisées par l’Ordonnance sur la pro-tection de l’air, mais nous sommes sur labonne voie.

Toutefois, ces succès risquent d’êtreannulés par l’augmentation constantedu parc automobile et l’apparition denouvelles tendances, comme la modedes 4x4 ou des voitures diesel. Pour lespremières, cela fait augmenter la con-sommation d’essence et les émissionsde CO2, pour les secondes les émissionsde poussières fines et de dioxyded’azote.

Autre facteur d’incertitude: les poidslourds. Les émissions en dioxyded’azote et en poussières fines du parcactuel dépassent largement la moyen-ne. Mais le renouvellement des véhicu-les exige de gros investissements; pourcette raison, on les fait durer le plus

longtemps possible, si bien que les nou-veautés techniques s’imposent plus len-tement que sur les voitures. En plus,l’augmentation prévue du trafic pour-

rait réduire à zéro les progrès obtenus.Pour la santé, tant le trafic de transitque le trafic poids lourds restent ungros problème. Notamment à cause dubruit et des nombreux accidents, qui nedisparaîtront pas, même avec des mo-teurs améliorés et des filtres.

Pourquoi a-t-on si peu parlé jusqu’ici d’un problème aussi grave que les pous-sières fines?Longtemps, on a surtout cherché à ra-mener aux valeurs limites la charge pol-luante totale. C’est seulement par lasuite que les particules fines (PM10) –celles qui atteignent le fond des pou-mons – se sont avérées significatives, et que les mesures sont apparues commeinsuffisantes. Les études Sapaldia et Scar-pol ont eu un impact décisif à ce sujet.

➔ 7ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

L’OBJECTIF N’EST PAS ENCORE ATTEINT,

MAIS ON S’EN APPROCHE. ][

Charlotte Braun-Fahrländer

est professeur à la Faculté de méde-cine de l’Université de Bâle et direc-trice-adjointe de l’Institut de méde-cine sociale et préventive (IMSP). L’essentiel de son travail scientifiqueconcerne les influences de l’environ-nement sur la santé humaine. Spécia-lités: les effets des polluants atmo-sphériques sur les enfants, les fumeurspassifs, les causes environnementalesde l’asthme et des allergies.

Bild

er: D

omin

ik P

lüss

Peter Straehl

Division Protection

de l’air et RNI, OFEFP

031 322 99 84

fax 031 324 01 37

[email protected]

Où faut-il mettre l’accent pour mieux protéger lasanté?Les mesures techniques sont importantes, il n’y aaucun doute. Mais il faut les combiner avec destaxes d’incitation plus élevées et des changementsde comportement. Un bon exemple, c’est le Pland’action environnement et santé (PAES), un projetglobal orienté vers l’action concrète. Ces projetssont mis sur pied par l’Office fédéral de la santé pu-blique (OFSP) et l’OFEFP. L’objectif est que tous leshumains puissent vivre en bonne santé dans unenvironnement intact. Les services concernés nes’attaquent pas à tel ou tel polluant isolé. Au con-traire, ils entendent montrer comment aborder lesproblèmes de manière holistique et interdiscipli-naire. S’il y a moins de voitures qui circulent, lesgens bougeront plus par leurs propres moyens, àpied ou à vélo. Un pareil changement de compor-tement diminue la pollution. En même temps, onlutte contre le manque de mouvement, qui est unecause importante de problèmes de santé.

Le thème habitat et santé est un autre point fort duPAES. L’intérieur des bâtiments est-il aussi pollué?Les poisons domestiques sont difficiles à cerner.Un cas connu, c’est lorsqu’on emménage trop vitedans un logement neuf. Là, une meilleure plani-fication ou une bonne aération pourraient éviterbeaucoup de problèmes. Parfois des analyses, oumême des assainissements peuvent s’avérer néces-saires. La fuite de solvants provenant de meublesou de moquettes peut aussi causer des ennuis.

Mais la fumée, active ou passive, a des effetsbien plus importants que les poisons domes-tiques. Malheureusement on en parle trop peu –c’est la sphère privée... Mais en Scandinavie, parexemple, fumer à la maison est très mal vu. Là-bas, 10% seulement des enfants grandissentdans un milieu de fumeurs, alors que chez nous,cette proportion atteint plus de 35%. Non seule-ment les enfants des fumeurs inhalent plus depolluants, mais ils seront deux fois plus nom-breux à fumer eux-mêmes plus tard. Et ils aurontnettement plus de peine que les autres à s’arrêter.Cela dit, le PAES ne se focalise pas sur les espacesprivés. C’est dans les espaces publics, par exempledans les écoles et les restaurants, qu’il faut réduirela fumée.

Comment évaluez-vous les risques du rayonnementnon-ionisants (RNI)?Les études qui font un lien entre les causes et leseffets de l’électrosmog sont très complexes, ne

8➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Respirer peut nuire à la

santé! Des polluants parviennent

jusqu’au fond des poumons, notamment les

particules provenant des moteurs diesel. Et le

smog estival provoque chez certains des difficul-

tés respiratoires, à cause de l’ozone. Autres facteurs

problématiques: les oxydes d’azote, les vapeurs de

benzol (risque de leucémie), la fumée du tabac

(risque de cancer). Quant à l’électrosmog, il sus-

cite chez les gens sensibles des maux de

tête, un échauffement des tissus et

des malaises diffus.

INFOS

serait-ce qu’à cause d’une exposition multiple,donc difficile à cerner. Il existe, en effet, des rayon-nements de hautes ou basses fréquences prove-nant de sources fort diverses. Nous partons del’hypothèse que certaines personnes plus sensiblesréagissent fortement à ces rayonnements. Quant àsavoir si l’usage d’un téléphone portable entraînedes risques pour la santé, nous ne possédons pasencore d’études à long terme avec des résultatsclairs là-dessus. Actuellement, nous montons unebanque de données sur mandat de l’OFEFP. Elleévalue les études importantes au sujet du RNI et dela santé. Par ailleurs, cette fois sur mandat del’OFSP, nous analysons les questionnaires despersonnes qui se sont plaintes de troubles liés aurayonnement.

Quelles recommandations faites-vous par rapportaux risques liés à la pollution?Les scientifiques et les services concernés ont undouble devoir: étudier à temps, empêcher les éven-tuelles atteintes provoquées par la dégradation del’environnement. En cas d’incertitude, il faut

abaisser les valeurs limite par mesure de pré-caution – c’est ce qu’a fait le Conseil fédéralavec le rayonnement non-ionisant, parexemple. Il faut évidemment évaluer les ef-fets négatifs d’une nouvelle technologieavant de l’introduire sur le marché. Danstous les cas, la discussion sur les consé-quences est indispensable pour ne pas tor-piller les efforts de protection de la santé.

■ Pieter Poldervaart

➔ 9ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Manger peut se révéler dan-

gereux! En tant qu’omnivore situé au

bout de la chaîne alimentaire, l’homme est

particulièrement exposé aux conséquences de

ses propres comportements: on retrouve des PCB ou

de la dioxine dans le lait maternel, des métaux lourds

dans les poissons. Le cadmium s’accumule dans les

reins, le mercure dans les tissus adipeux, le plomb

dans le sang. Nous absorbons aussi des hor-

mones (p. 26) et l’eau potable provenant de

régions à cultures intensives contient

trop de nitrates.

www.

unib

as.c

h/is

pmbs

www.

sapa

ldia

.ch

www.

aram

is-r

esea

rch.

ch/d

/255

1.ht

ml

LIENS

10➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Elle affecte 60% de la population: la fine poussière qui s’insinue dans nos poumons provient surtout

des moteurs diesel non équipés de filtres à particules. Cette pollution peut provoquer des cancers.

Heureusement, les filtres installés sur les bus et les locomotives diesel permettent d’atténuer les

effets nocifs. Mais pour les camions, il faudra encore retenir son souffle.

Quand on parle d’air pur, Davos a uneréputation à défendre. L’endroit estconnu de tous les curistes européenscomme station climatique hébergeantde nombreuses cliniques pour tubercu-leux. Depuis peu, la station grisonne aaussi été sacrée Cité de l’énergie. Pourtenir ses engagements et satisfaire deshôtes exigeants, les transports publicslocaux ont apporté leur pierre à l’édi-fice: leur station-service a été convertieau diesel à basse teneur en soufre. Les

véhicules de la voirie font aus-si le plein à cet endroit. Dansune deuxième phase, les auto-bus diesel ont été équipés defiltres à particules (PFS). Grâceà cet investissement – 15 000francs par engin – les huit busassainis ne rejettent presque

plus de suies dans l’atmosphère. «Cessystèmes retiennent plus de 99% desparticules fines», confirme Jan Czer-winski, responsable du service de con-trôle des gaz d’échappement à l’Ecoled’ingénieurs de Bienne. A l’aide d’unappareillage sophistiqué, il déterminel’effet des filtres et examine pourquoi,

dans certains cas, la technique faillit àsa tâche. En effet, les systèmes de net-toyage des gaz d’échappement, de con-ception relativement récente, sont sanscesse améliorés par les constructeurs.

On cherche en outre à développer deshuiles produisant moins de suie, carcelle-ci a une fâcheuse tendance àobstruer rapidement les filtres. Des fil-tres qui, d’ailleurs, sont désormais as-semblés de manière modulaire, afin depouvoir être nettoyés plus facilement.

Belle percée de la filtrationLa commune de Davos n’est pas la seuleà investir dans ces systèmes de protec-tion de l’air. Schaffhouse, Liestal, Bâle,Bienne, Zurich, Lugano et Genève ont

LES SUIES DE DIESEL PEUVENT TUER

Poids-lourds à filtrer d’urgence

LES FILTRES ONT FAIT LEUR PREUVE.

CES SYSTÈMES RETIENNENT PLUS DE

99% DES PM10. ][

Guy P

erre

noud

suivi une démarche semblable. Lestransports publics lucernois ont ins-tallé des PFS sur cinq de leurs véhi-cules en l’an 2000. «Les filtres ont faitleurs preuves. Un des bus a déjà par-couru 140 000 km avec», explique lechef-garagiste Walter Heimann. Lesneuf bus Mercedes qui viennentd’être acquis en seront eux aussipourvus, dès que les filtres adéquatsseront livrés. Actuellement, sur l’en-semble de la Suisse, un bus sur cinqest désormais équipé d’origine avecun filtre PFS.

Les cantons peuvent eux aussiprendre des initiatives dans ce domai-ne. Ainsi Berne a octroyé un crédit de2,9 millions de francs pour compléterl’équipement de 150 bus. «Nous noussommes demandé comment amélio-rer à court terme la qualité de l’airdans les agglomérations avec un inves-tissement relativement modeste», sesouvient Christoph Herren, sup-pléant de l’Office cantonal des trans-ports: «Au lieu d’acheter un petit

nombre d’autobus roulant au gaz,avec la même somme nous obtenonsun effet bien plus étendu.»

Camions: les progrès à la traînePour lutter contre les émissions departicules, la Suisse a choisi de pri-vilégier les filtres. Depuis septembre2002, ces derniers sont obligatoirespour les grosses machines et les ex-cavateurs sur les grands chantiers.Quant aux camions, on attend lanorme européenne EURO 4, dontl’entrée en vigueur a été fixée en 2005en Suisse. Felix Reutimann, de la di-vision Protection de l’air et RNI del’OFEFP affirme: «Nous partons del’idée que les nouvelles valeurs limi-

➔ 11ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Mesure des gaz d’échappement d’un bus diesel des transports publics biennois.

La suie de diesel provoque des décèsLes particules PM10 émises par lesmoteurs à combustion qui pénètrentdans les poumons, ont un diamètreinférieur à un centième de millimètre.Elles sont cancérigènes et vont se nicherdans les ramifications les plus pro-fondes des poumons. Les personnes àrisques comme les enfants, les person-nes malades et âgées ainsi que les asth-matiques sont particulièrement tou-chés par leurs effets nocifs.

En 1998, une valeur-limite annuellea été fixée à 20 microgrammes dePM10 par mètre cube (µg/m3). Enoutre, la limite quotidienne ne doit pasdépasser les 50 µg/m3 plus d’une seulefois par année. Ces objectifs sont loind’être atteints: ainsi 60% de la popula-tion résidant en Suisse respire plus defines poussières que la norme légale.C’est dans les villes, le long des axes de circulation fortement chargés, queles valeurs-limites sont régulièrementdépassées. Cela se traduit par de nom-breux décès chaque année. Ces per-sonnes vivraient sans doute plus long-temps dans un air plus sain.

tes ne pourront être respectéesqu’avec l’installation des filtres àparticules.» Mais vu la grandelongévité des poids lourds, lesémissions de PM10 provenant decette source ne baisseront que

lentement.Pour les voitures diesel privées,

l’OFEFP est encore moins optimiste. Eneffet, la norme EURO 4 n’exige de dimi-nuer que de moitié les émanations dePM10; autrement dit, il ne sera pas for-cément nécessaire d’installer des filtres.Pour l’instant, un seul constructeur,Peugeot/Citroën, propose des modèlesdiesel avec PFS. Vu l’absence de direc-

tives contraignantes, il faudra ici unepression de clients motivés pour étofferl’offre.

Sans filtre, le diesel n’est pas recommandableContrairement aux véhicules classi-ques, les voitures diesel ont le vent enpoupe. Elles représentent pour l’ins-tant que 5% du parc helvétique, maisatteignent déjà 17% des nouvelles im-matriculations – pour la plupart sans

filtre PFS. Dans ce cas, l’avantage éco-logique d’une moindre consommationde carburant est annihilé par une pro-duction de gaz bien plus élevée. Cesvéhicules réchauffent également l’at-mosphère de manière excessive: selonles dernières études, la suie de dieselrenforce l’effet de serre. Pour FelixReutimann, la conclusion s’imposed’elle-même: «Avec tous ces désavan-tages, on ne peut recommander unvéhicule diesel sans filtre à particules.»

Le rail suit le mouvementPiliers des transports publics, les che-mins de fer sont aussi concernés par lasuie de diesel. «Nous sommes les pre-miers en Europe à avoir, à la fin desannées 80, commencé à optimiser la

commande des moteurs diesel», rap-pelle Hans Furgler, des Chemins de ferrhétiques (RhB). Il s’agissait surtout degérer la combustion en fonction desbesoins, ce qui permet d’économiserdu carburant et minimise les imbrûlés.Les responsables des RhB se sont renducompte des avantages des filtres àparticules lors de la construction dutunnel de la Vereina. Pour protéger lasanté des travailleurs, ces systèmes ont été imposés pendant le percement.Aujourd’hui, deux grosses locomotivesdiesel, cinq petites locomotives du ser-vice de construction et deux automo-trices à pont élévateur sont équipées enPFS. Et les nouvelles acquisitions desRhB sont aussi munies de ces systèmes.

12➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

2000

1500

1000

500

Emissions de PM des moteurs diesel dans les transports (chiffres 1995)

Cars de tourisme 55Autobus de ligne 152

Voitures de livraison 254

Voitures de tourisme(diesel) 316

Véhicules utilitaireslourds 1318

Véhicules militaires 6Exploitation forestière 25Locomotives diesel 45Bateaux 56Véhicules industriels 143

Machines agricoles 941

Machines/engins de chantier 1054

Total Onroad 2095 tonnes/an Total Offroad 2270 tonnes/an

Un bus équipé du fameux filtre à particules.

www.

cerc

lair.

ch

LIEN

LES POIDS LOURDS NON ÉQUIPÉS CONTRIBUENT

AUSSI AU RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE. ][

umte

c, H

ochs

chul

e Ra

pper

swil

tonnes/an

En remplacement d’anciens modè-les du service marchandise et de triage,les CFF ont acheté cette année 59 nou-velles locomotives diesel (type Am 843)pour un montant de 146 millions defrancs. Aux CFF, Roland Binz explique:«Même si nous produisons comparati-vement peu de suie de diesel parce quela plupart des trains sont en tractionélectrique, il est clair que les nouvellesmachines sont choisies en version PFS.»Ainsi, les 52 tracteurs du service d’en-tretien des voies (type Tm3) qui datentdes années 70 et 80, seront remplacéspar des versions équipées de PFS.

Transports publics: être propres pour être compétitifsEt la navigation intérieure suisse?Comparée au total des émissions, ellen’émet que peu de suie polluante. Ce-pendant, les retombées directes sur le

pont des bateaux posent problème:passagers et équipage respirent des gazdélétères. La première unité équipéed’un système de filtre a été, en 1996,un bac circulant sur le Lac de Constan-ce. Quatre filtres retiennent plus de90% des particules de suie. L’«Euregia»a été équipé volontairement, il n’yavait à l’époque aucune directive surles gaz d’échappement. Felix Reuti-mann espère que cet exemple sera sui-

vi d’autres: «Les pouvoirs publics doi-vent servir de modèle en matière d’as-sainissement des sources de PM10.»Notre spécialiste va plus loin: «Lestransports publics devraient s’engagerdans cette voie au plus vite, afin des’assurer un avantage écologique. Ils nedoivent pas dilapider leur capital desympathie par un laisser-aller regret-table.»

■ Pieter Poldervaart

➔ 13ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Felix Reutimann, division

Protection de l’air, OFEFP

031 322 54 91

fax 031 324 01 37

[email protected]

INFOS

• Réduction des polluants émis par les moteurs

diesel dans les transports publics, VU-50

23-F; OFEFP, Documentation, 3003 Berne;

Fax 031 324 02 16; [email protected],

www.buwalshop.ch

• Partikelfilter für schwere Nutzfahrzeuge;

UM-130-D; uniquement en allemand et en

anglais. Commande: voir plus haut.

LECTURE

Schéma de fonctionnement d’un filtre à particule.

Pour les voitures diesel, seulPeugeot appliquait cette

technologie jusqu’à présent.

Peug

eot

Suis

se

14➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Le benzène, substance cancérigène, continue d’exposer la population suisse à un risque de leu-

cémie trop élevé. Personnes les plus menacées: les riverains de parkings couverts ou de stations-

service mal entretenues… et les fumeurs. Des mesures supplémentaires visent la distribution de

carburant, les moteurs deux temps et les voitures à essence.

Faire le plein peut rendre malade

Dans beaucoup de stations-service flot-te un arôme tenace de benzène: engénéral, il trahit un mauvais fonction-nement, voire une panne totale dusystème censé récupérer les vapeursd’essence pour préserver notre santé.«Les taux de défaillance sont effrayants»,s’inquiète Max Wyser, de la divisionProtection de l’air de l’OFEFP. Il re-proche aux exploitants de stations-service de ne pas faire le nécessaire pourprotéger leurs employés et leur clientèlecontre le risque de cancer. En effet, untiers des systèmes de récupération desvapeurs fonctionne mal, un sur cinq nefonctionne pas du tout. C’est ce querévèlent les mesures des services canto-naux d’hygiène de l’air. Ces pompesdéfectueuses émettent à la hauteur denotre tête une quantité de benzène mil-

le fois supérieure aux valeurs mesuréesdans les centres-villes. Cette quantitédiminue de 90% lorsque le systèmefonctionne bien.

Pas de seuil inoffensif pour le benzèneQuand il s’agit d’autocontrôle, appa-remment, les professionnels sont to-talement dépassés, constate Max Wyser.Pourtant ils continuent, pour des rai-sons de rentabilité, à se défendre bec etongles contre l’introduction d’un con-trôle automatique. Ces dispositifs dé-clenchent une alarme lorsque la pompe

de récupération tombe en panne, inter-rompant automatiquement la distri-bution d’essence après un certainmoment. Ils sont obligatoires en Cali-fornie et, depuis peu, en Allemagne.

«L’OFEFP veut les introduire en Suisseégalement. Car en fait, il s’agit de sauverdes vies humaines», précise M. Wyser.

Il n’existe pas de seuil de concentra-tion inoffensif pour le benzène. Il estdonc, aux termes de l’ordonnance sur laprotection de l’air (OPair), nécessaired’en limiter autant que possible lesémissions.

Ruth

Sch

ürm

ann

POUR LE BENZÈNE, TRÈS DANGEREUX, ON APPLIQUE

LE PRINCIPE DE LIMITATION LE PLUS RIGOUREUX. ][

LE BENZÈNE EST CANCÉRIGÈNEMalgré son label vert, ce pistolet est trompeur: trop souvent, il agresse notre organisme.

Un risque de leucémie beaucoup trop élevéLe benzène est présent en faiblequantité dans le pétrole brut. Il seforme lors du raffinage et de lacombustion incomplète des subs-tances organiques. Selon un ré-cent rapport de la Commissionfédérale de l’hygiène de l’air, en2002, les émissions de benzèneen Suisse s’élevaient à 1400tonnes, dont 75% imputables autrafic routier. Elles ont reculé de

50% depuis le début des années 90grâce aux mesures prises: renforcementdes prescriptions en matière de gazd’échappement pour les voitures detourisme et diminution de la teneur enbenzène de l’essence. Une baisse sup-plémentaire de moitié est encore atten-due d’ici 2010 grâce à un nouveau ren-forcement des prescriptions: en particu-lier, les émissions de benzène serontnettement réduites lors des démarragesà froid.

«Mais ce n’est toujours pas suffi-sant», insiste Peter Straehl, spécialistedes questions de santé de la divisionProtection de l’air de l’OFEFP: «Pour at-teindre les objectifs de la loi et réduirele risque de leucémie à un niveau ac-ceptable, nous devons ramener lesémissions annuelles de benzène de1400 à 100 tonnes.» Selon un avis dedroit commandé par l’Office, la protec-tion de la population contre les subs-tances nocives est considérée commeassurée avec un cas de leucémie pour unmillion d’habitants durant 70 ans. Oravec la charge actuelle de benzène, cerisque est vingt fois supérieur!

L’essence a des effets anesthésiantsL’exposition individuelle au benzènene dépend pas seulement des concen-trations présentes dans l’air. Elle résulteaussi de notre comportement person-nel, de notre profession, de nos lieux

d’habitation et de travail. Les plus me-nacés sont les fumeurs et les personnesvivant ou travaillant à proximité d’en-droits susceptibles d’émettre du ben-zène: station-service mal entretenue,zone d’évacuation des gaz d’échappe-ment d’un parking couvert, rue ou car-refour très fréquentés… Le risque deleucémie est plus élevé pour de tellespersonnes.

De même ceux qui, professionnelle-ment ou dans leurs loisirs, utilisent sou-vent des engins à moteur deux tempsinhalent des quantités excessives debenzène. En raison même de leur con-ception, les tronçonneuses et les dé-broussailleuses rejettent environ untiers d’imbrûlés, exposant ainsi leur uti-lisateur à de fortes émissions. En plus,les organes respiratoires se trouvent laplupart du temps à proximité immé-diate du pot d’échappe-ment, un endroit où lesconcentrations de ben-zène et d’autres subs-tances sont particuliè-rement élevées. «Aprèsavoir tondu son gazonpendant des heures enété, lorsque les taux

d’ozone sont importants, on peut sesentir comme anesthésié», expliqueMax Wyser. «En effet, les substancescontenues dans l’essence ne sont passeulement cancérigènes; elles ont aussiun effet somnifère et neurotoxique, quiaugmente le risque d’accident.»

■ Beat Jordi

➔ 15

Comment réduire les émissions

• Renoncez à la voiture pour les courtes distances. Allez travailler à pied, à vélo ouen prenant les transports publics.

• Evitez les stations-service où les pompes dégagent une forte odeur d’essence –donc de benzène. Protestez auprès de l’exploitant lorsque le système de récu-pération des vapeurs ne fonctionne pas correctement.

• Utilisez des engins de jardin et de loisirs à moteur électrique, ou à quatre tempsavec pot catalytique. Renoncez aux moteurs à deux temps, dangereux pour lasanté, qui rejettent une forte proportion d’essence imbrûlée.

• Lorsqu’ils sont indispensables, alimentez les moteurs à deux temps avec del’essence conforme à la norme suisse (dix fois moins de benzène que le carburantconventionnel).

• Essayez de choisir un logement suffisamment éloigné de stations-service, parkingscouverts et voies à grande circulation.

• Arrêtez de fumer, car vous inhalez cinq à dix fois plus de benzène qu’un non-fumeur.

Peter Straehl, division

Protection de l’air et RNI, OFEFP

031 322 99 84

fax 031 324 01 37

[email protected]

www.

unib

as.c

h/is

pmbs

/LuG

/wel

com

e.ht

ml

LIEN

• Benzène en Suisse, Commission fédérale de

l‘hygiène de l’air, 2003; SRU-350-F;

OFEFP, Documentation, 3003 Berne;

fax 031 324 02 16; [email protected],

www.buwalshop.ch

• Pour un recours aux carburants et aux lubri-

fiants écologiques; OFEFP; Fiche technique,

2002,VU-7024-F.

INFOS

LECTURE

ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

16➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Tout commence par une signalisationaléatoire au départ de Sierre. Le touristebelge ou suédois monte en suivant unpanneau fléché «Crans-Montana», quia bien des chances de l'amener loin dulogement qu'il a réservé. Résultat: unefois arrivés à la station, les visiteurs cir-culent d'un bout à l'autre avant d'allerse renseigner à leur agence, où ils segarent en obstruant le trafic. Au totalsept routes d'accès mènent aux diffé-rentes zones, mais sans précisions trèsclaires. De même pour le retour: une route descend avec l'indication«Sierre». L'automobiliste qui veut aller àSion traversera Crans-Montana danstoute sa longueur, alors qu'il feraitmieux de passer directement par Sierreet la vallée du Rhône.

«Grâce au PAES, nous découvrons sanscesse des aberrations qui expliquentdéjà une bonne partie de nos problè-mes. De même, les agences devraientindiquer d'avance le meilleur itinéraireà leurs clients», affirme François Parvex,chef du projet. Dernier couac découvert– et enfin corrigé: le «TGV des neiges»venant de Paris déposait jusqu'à l'hiverdernier les voyageurs à Sierre à 22 h 30...mais le dernier bus pour la station étaitdéjà parti depuis plus d'une heure!

Les transports publics pris dans les bouchonsA 1500 m d'altitude, Crans-Montana-Aminona s'étend sur dix kilomètres,traversant six communes: Icogne, Lens,Chermignon, Montana, Randogne,Mollens. Orienté plein sud, le magnifi-

que plateau attire depuis 1889 les curis-tes, suivis plus tard par les skieurs et lesgolfeurs. Des cliniques et des écolesinternationales ont rehaussé le prestigede la station, qui s'est urbanisée dès lesannées 50. En haute saison, elle setransforme en ville de 45 000 à 50 000habitants, contre 6000 en basse saison.Elle est sillonnée par 16 000 à 17 000véhicules par jour – huit fois plus qu’aucol du Simplon. Le trajet d'un bout à l'autre peut prendre une heure! En plus,des milliers de Valaisans viennent y tra-vailler depuis les villages environnants.Le touriste venu pour l'air pur, la naturesauvage, les paysages splendides, re-trouve le stress citadin. Cherchez l'erreur...

Malgré tous les efforts pour pro-mouvoir les transports publics, rien n'y

PLAN D’ACTION ENVIRONNEMENT ET SANTÉ / MOBILITÉ

Priorité bien-être! La station Crans-Montana-Aminona en a ras le bol des bouchons. Le Plan d’action environnement

et santé (PAES) de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) lui permet de repenser son déve-

loppement, en donnant la priorité aux piétons. Un processus qui intègre tous les acteurs locaux,

grâce à une communication efficace. Coût du projet: 2 millions de francs sur la période 2002–2006,

dont la moitié financée par la Confédération.

fait. Dans les six communes, 63,5% des déplacements se font en voiture(moyenne valaisanne 45,7%, moyennesuisse 39%). Les autocars SMC et lefuniculaire modernisé Sierre-Montana(12 minutes en trajet direct) ne font pasle plein. Ils ne fonctionnent plus en soirée. Les parkings aux abords des cen-tres et des télécabines sont sous-utilisés:à peine 20% en haute saison. Quant aux

bus gratuits, qui coûtent 700 000 francspar an aux communes, ils sont peu fré-quentés. Normal: eux aussi sont coincésdans les embouteillages... alors pour-quoi se priverait-on du confort de sa voiture?

Réorganiser la circulationEn 1967 déjà, le directeur de l'Office du

tourisme de Crans, Lelio Rigassi, récla-mait l'interdiction des voitures au cen-tre. En 1999, la région amorce un pro-cessus d'Agenda 21 local. Sa candidatu-re au PAES, retenue par l'OFSP, lui per-met de devenir région pilote «mobilitéet bien-être». Pourtant, pas question debannir totalement la circulation privéesur le modèle Zermatt ou Saas Fee: tropcoûteux pour résoudre un problème qui

se pose quelques semaines par an. Demême, on renonce aux grosses infra-structures – ceinture sud ou tunnels. Lessix communes optent pour une réorga-nisation de la circulation: créer deszones prioritaires pour piétons et trans-ports publics, favoriser les trajets à piedet l'utilisation des parkings, dévier le trafic, promouvoir les transports

publics, éviter les transits inutiles et lestationnement sauvage. «Les nuisancescausées par le trafic privé intense sontimportantes, c'est pourquoi le potentielde changement est également consi-dérable», estime Andreas Basler, de l'OFSP, responsable de la collaborationentre les régions pilotes. Malgré la méfiance de certains milieux envers desmesures environnementales, tout lemonde est d'accord sur un point: ledéveloppement actuel a atteint ses limites.

Recherche de consensus et communication créativeLe PAES fait un pari: changer les com-portements avec un minimum de con-trainte et un maximum de consensus. Acôté du projet principal «Mobilité pourtous», 13 autres actions visent à amé-liorer le bien-être: alimentation saine,lutte contre le tabagisme, patrimoine etarchitecture, économies d'énergie, pro-motion des produits locaux («achetermieux en roulant moins»), sentier du

➔ 17ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Emanuel Ammon/AURA

MOBILITÉ ET BIEN-ÊTRE SONT PARFAITEMENT

COMPATIBLES. ][

Détente bienfaisante pour le corps et l’esprit en haut d’une piste ensoleillée de Crans-Montana. Il faut absolument préserver ces atouts naturels.

développement durable. L'accent estégalement mis sur la communication. Ils'agit de «bien dire le bien-être» aux ha-bitants et aux touristes en remplaçantles sermons culpabilisants par des mé-thodes participatives, des dessins et desslogans ludiques. Ainsi, la marche estencouragée sous forme d'attractions:sentier de la transhumance, chemin del'eau, tour de la Moubra (réalisé en des-sin par des élèves).

Tous les acteurs sont écoutés et intégrés«Le PAES est un excellent tremplin pourla région, pour souder les différents par-tenaires locaux et développer un projetcommun qui donnera un nouvel élanen faveur de l'unité des six communes»,estime Stéphane Pont, délégué desditescommunes au sein du PAES. Les sixmunicipalités élaborent ensemble un

avenir durable, entériné par un Plan di-recteur. Avec l'aide d'une centaine debénévoles de tous horizons: tourisme,remontées mécaniques, transports pu-blics, employés et élus communaux, ex-perts, commerçants, hôteliers, établis-sements scolaires et hospitaliers, police.

On recueille les avis de la popula-tion et des hôtes, y compris ceux des«Neinsager», à qui l’on répond avecsoin. Cette méthode permet de s'adap-ter aux sensibilités locales. Comme lesouligne un restaurateur, s'attaquer defront à la voiture serait «totalementirréaliste». Bien des employés ont tiquéface aux vœux de ces messieurs deBerne, qui souhaitaient encourager lesdéplacements à vélo: «A part quelquesathlètes, on ne peut pas demander auxgens de pédaler tous les jours sur desmontées raides, enneigées plusieursmois par an» souligne François Parvex.

«En Valais, il y a encore des person-

nes qui réagissent négativement au motécologie. Nous préférons utiliser le dé-veloppement durable: ce terme sonnemoins agressif ici, on l'associe à desréalisations concrètes ne lésant pasl'économie», ajoute le responsable duprojet.

Les premières mesures cet hiverDurant l'hiver 2002–03, une premièresérie de mesures ont permis de fluidifierle trafic: lutte contre le parking sauvage,suppression de places de stationnementcausant des obstructions, déviationsponctuelles, agents aux points straté-giques pour dissuader ou orienter les

18➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Beaucoup de routes aboutissent à Crans-Montana, mais quelle galère pour circuler à l’intérieur de la station!

«Notre santé et la santé de l’environnement sont les

deux faces de la même médaille!» Tel est le message du

Plan d’action environnement et santé (PAES), mis sur

pied à la suite du Sommet de la Terre de Rio. L’idée est

de développer une interaction sur le terrain et d'obtenir

des progrès mesurables.

Trois régions pilotes ont été sélectionnées, chacune privi-légiant un aspect: l'habitat dans un quartier d'Aarau à forteimmigration (Telli), la nature dans la région agricole deThal (SO), la mobilité à Crans-Montana. A l'OFSP, Andreas

Basler supervise ces trois projets. Pour lui, tout a bien démarré: «Chaque région a mis en place des projets passionnants, qui tiennentcompte des réalités locales tout en répondant aux buts du PAES. Lesrésultats tangibles ne tombent peut-être pas aussi vite qu'on l'espérait,mais des coalitions solides se sont constituées et les gens s'impliquent deplus en plus.»

Mais comment maintenir une telle dynamique pendant cinq ans?Il y a différentes façons d'encourager une vie saine dans un environne-ment sain. Ce qui compte, c'est que les projets soient bien ancrés dansla population et les organisations locales, même s'il y a parfois des in-térêts contradictoires. Ils doivent susciter un mouvement qui crée unplaisir de vivre, et donc une action durable. Une durée de cinq ans noussemble propice à un tel processus.

Pourra-t-on généraliser les résultats au reste du pays?Nos moyens sont limités. Mais en mettant à disposition les expérienceset les exemples concrets, nous voulons susciter de nouvelles initiatives.Nous essayons de trouver des partenaires au niveaux fédéral et cantonal– et aussi parmi les ONG – qui reprennent ces résultats et motivent desgroupes locaux.

En quoi le PAES de Crans-Montana se distingue-t-il des deux autres?C'est la seule région qui soit aussi une destination touristique. On peutainsi promouvoir un développement qui améliore la vie des habitantscomme des visiteurs, tout en améliorant la qualité de l'environnement.C'est un sacré défi!

Interview: Daniel Wermus

➔ 19ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Miges Baumann, service Santé

et environnement, OFSP

031 323 06 01

fax 031 322 83 83

[email protected]

INFOS

PAES: des projets ancrés dans la vie locale

gens. Et pour inciter les sportifsà venir à pied, on encouragel’utilisation d’armoires à skis auxdéparts des télécabines.

A quoi ressemblera la régiondans 5 ans? «Les nombreux sen-tiers seront fréquentés pendant

toute l'année. Les écoliers habitant près duCentre scolaire s'y rendront à pied ou àvélo. Les bus, déjà gratuits aujourd'hui,seront pleins et permettront de se déplacerplus vite qu'en voiture. Le lac de la Mou-bra sera un centre de nature et de pleinair...», espère Maria-Pia Tschopp, préfètedu district de Sierre et présidente du co-mité de la région pilote.

D'ores et déjà, l'expérience valaisanneattire des délégations étrangères, commecelles de Morzine (Haute-Savoie) et deBrescia (Italie). L'Agence française de l'in-génierie touristique ainsi que l'Agencefrançaise de l'environnement et de la maî-trise de l'énergie sont venues observer endétail la «méthode suisse» permettantd'obtenir un consensus entre des intérêtsdivergents.

■ Daniel Wermus

www.

paes

.ch

LIEN

20➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Le bruit est partout présent dans notrevie quotidienne. Vous partez vous ré-fugier en haute montagne, loin de tout?Même là, des avions de ligne vrombis-sent dans le ciel, des hélicos frôlent lessommets, des jets militaires s’en-traînent au combat. De retour dans lavallée, le randonneur replonge dans lebourdonnement de la circulation routi-ère. Personne n’échappe au bruit: ilnous submerge dès que nous mettonsl’oreille dehors. Le bruit est devenu lanuisance la plus criante. L’Organisationmondiale de la santé (OMS) parle de«pollution sonore». Mais politique-ment, la pollution de l’air et de l’eaucontinue d’occuper le premier plan.

Les mesures techniques ne suffisent plusJusqu’ici, c’est surtout par des moyenstechniques qu’on a cherché à luttercontre les décibels et à protéger les gensvivant dans des rues bruyantes. Dans ce

combat, la Suisse se veut un exempleeuropéen. Mais dans les aménagementsanti-bruit, les cantons et les communesrestent désespérément à la traîne: dèsqu’un résultat est atteint, le développe-ment du trafic réduit les efforts à néant.

Raison pour laquelle l’OFEFP veutaller plus loin. «Il y a longtemps que laprotection technique ne suffit plus»,explique Urs Jörg, chef de la divisionconcernée: «De plus en plus, il faudraprotéger dans leur ensemble des paysa-ges, des zones d’habitation et des espa-ces de détente.» L’idée sous-jacente dela loi serait mieux prise en compte,poursuit-il: «Il faut mettre en marcheun droit au calme,comme l’exige d’ail-leurs l’OMS.» Le droit àla santé préconisé parcette agence de l’ONUne se limite pas à la dé-fense contre les in-fluences négatives de

notre environnement: il comprend lebien-être physique, psychique et so-cial… dont la tranquillité est un élémentindispensable.

L’organisme entier dégusteAu travail, c’est vrai, le bruit s’est plutôtcalmé. Les loisirs, par contre, provo-quent toujours plus de dommages audi-tifs: Par exemple, la musique est tropforte dans les discothèques, les concertsou à la maison, explique Laszlo Matefi,médecin à la SUVA. A partir d’une moy-enne de 85 décibels (dB), le son causedes dégâts irréversibles dans l’oreilleinterne.

En Suisse, 550 000 personnessubissent un bruit supérieur à 60dB – la valeur limite d’immission.Selon un rapport allemand, uncinquième de la population euro-péenne encaisse constamment, lajournée, un bruit de circulationdépassant 65 dB. Soit 80 millions

L’environnement devient toujours plus sonore. Et ça fait mal au corps. A lui seul, le bourdonnement

du trafic résonne comme un coup de fusil: les dégâts humains se chiffrent en milliards. Le droit au

calme existe, affirme l’OFEFP. Et ceux qui le violent devront payer.

La tranquillité est un droit!BRUIT

Stef

ano

Schr

öter

/AUR

A

Une situation pas aussi idyllique qu’on le croit: le bruit des trains est aussi source d’importantes nuisances.

➔ 21

de personnes. Et souvent, les sources sonores se cumulent: trams, voitures,avions…

Conséquence de l’augmentation mas-sive du trafic des dernières années, lesgens sont toujours plus sensibles. D’une

manière générale, les effets sur la santé restent sous-estimés. Un bruit trop élevéne nuit pas seulement à l’ouïe, mais aussià l’organisme tout entier: il perturbe lesommeil, la communication et la concen-tration. Il scie les nerfs et rend sournoise-ment malade.

Le corps en état d’alerte permanentPercevoir des bruits inhabituels ou alar-mants était jadis une question de surviepour un chasseur endormi: en une secon-de, il devait être prêt à lutter ou à fuir. Cesinformations vitales parviennent auxstructures centrales du cerveau, déclen-chant des réactions de stress dans tout l’organisme via le système nerveux végé-tatif. Le corps produit alors les hormonesdu stress que sont l’adrénaline, la nora-drénaline et le cortisol. Battements ducœur, pression sanguine et respiration s’accélèrent rapidement. La tension mus-culaire s’accroît, les pupilles se dilatent etla circulation sanguine périphérique seréduit.

Les hormones du stress ontdes effets aussi nombreux quecomplexes. Elles influent sur lemétabolisme, les graisses conte-nues dans le sang et surtout lesystème cardio-vasculaire. «Lestress permanent engendré parle bruit entraîne une hausse du-rable de la pression sanguine etune augmentation des maladies

cardio-vasculaires telles que l’infarctus»,explique Bernhard Aufdereggen, de l’asso-ciation «Médecins en faveur de l’environ-nement». Des dermatologues allemandspensent que le bruit trouble le systèmeimmunitaire et favorise les allergies. Il

augmente également le risque d’affectionde la thyroïde.

Sommeil difficileLe bruit est surtout néfaste la nuit, quandl’être humain a besoin de repos. Mêmequand le dormeur ne se réveille pas, soncorps tourmenté par les agressions so-nores produit des hormones du stress. Etle sommeil profond (le sommeil parado-xal) si important pour la récupération estperturbé. Un mauvais sommeil se traduitpar une déprime, des maux de tête, desmauvaises prestations au travail. «Biendes gens dorment mal et considèrent çacomme normal, observe Laszlo Matefi. Denombreuses maladies de civilisation se-raient moins envahissantes si les gensdormaient mieux, et donc se portaientmieux», ajoute Bernhard Aufdereggen.

En Suisse, trois millions de personnesvivent dans des endroits où le bruit noc-turne est de 46 dB contre le mur extérieur.Un niveau de 30 dB suffit à réveiller: alors beaucoup doivent fermer la fenêtre.Ceux qui peuvent se le permettre démé-nagent, ce qui en-traîne une homo-généisation socialedans les quartiersbruyants. Ceux-cideviennent peu àpeu des ghettos…

STRESSÉ PAR LE BRUIT, LE CORPS

PRODUIT DES HORMONES SPÉCIFIQUES. ][

Les pollueurs à la caisse

Le bruit coûte cher. L’OMS exigeque les responsables paient doréna-vant les coûts externes – tels quedommages sanitaires et sociaux –qu’ils engendrent. L’OFEFP partagece point de vue. «Le principe dupollueur-payeur doit être élargidans la LPE, de telle sorte que tousles coûts induits par le bruit soientmis à la charge des responsables»,demande Urs Jörg. Cette mesureexige toutefois des connaissancesdétaillées sur les coûts occasionnés:«Nous devons saisir le bruit à lasource et explorer les possibilitéstechniques et économiques.» Lesfacteurs tels que cylindrée de la voi-ture, bruit de la moto ou taille despneus pourraient jouer un rôle dansla répartition des coûts. Depuisquelque temps déjà, on parle de so-lutions globales telles que le roadpricing.

Les améliorations techniquespossibles sont: pneus, moteurs ourevêtements. On peut égalementenvisager d’imposer des vitesses in-férieures à l’intérieur des agglomé-rations.

Vu l’augmentation du trafic rou-tier, ces mesures sont mal vues. «Ilfaut remettre en question la mobili-té, parfois contestable, dans l’inté-rêt du développement durable»,pense Bernhard Aufdereggen. Lesdistances de 500 à 3000 mètresdevraient être parcourues à pied ouà vélo, propose le médecin: «C’estbon pour la santé à plusieurs titres,car les gens qui ne font pas assezd’exercice sont deux fois plus sujetsaux maladies cardiaques que les autres.»

www.

aefu

.ch

www.

cerc

lebr

uit.c

hww

w.wh

o.in

t/hea

lth_t

opic

s/no

ise/

fr

LIENS

ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

22➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Vous avez dit communication?Mais les nerfs usés par le bruit ron-gent aussi le bien-être pendant lajournée. Ces troubles provoquent dessentiments de persécution, de colèreet d’agressivité. Une conversation dé-rangée oblige à parler plus fort et àtendre l’oreille. Le bruit brise la com-munication: «Une discussion n’estjamais reprise là où elle a été cou-pée», remarque Laszlo Matefi. Lespersonnes âgées ressentent commetrès pénible tout ce qui les empêched’entendre des informations impor-tantes au téléphone, à la radio ou à la télévision. Dans les écoles bruyan-tes, l’apprentissage et la concentra-tion des élèves en pâtissent. Enfin, levacarme de la circulation augmentele risque d’accident, car les piétonsremarquent mal les véhicules silen-cieux.

La seule solution: s’enfermerLe bruit a aussi des conséquencespsycho-sociales. Les endroits prévuspour la détente, comme les balconset les jardins, sont délaissés. La com-munication spontanée dans le quar-tier est plus difficile, les gens évitentcertains lieux de rencontre. La ten-dance est au retrait chez soi, de sorteque le bruit favorise la solitude et lecloisonnement. Dans les endroitsbruyants, il n’est pas possible d’ouvrirsa fenêtre la nuit: une importanteperte de qualité de la vie, selon Bern-hard Aufdereggen.

■ Stefan Hartmann

INFOS

Urs Jörg

Chef de la division

Lutte contre le bruit, OFEFP

031 322 92 49

fax 031 323 03 72

[email protected]

22➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Quand on se promène avec son télé-phone mobile, c’est que l’on entendêtre atteignable en tout temps et entout lieu. Mais dès qu’il est questiond’installer une antenne devant sa porte,quel tollé! Si répandue, cette peur desconséquences sur la santé s’expliquepeut-être: nos sens ne perçoivent pas le rayonnement. Et les milieux scien-tifiques sont confrontés à de grossesdifficultés, car les répercussions du ray-onnement électromagnétique non ioni-sant (RNI) sur la santé sont des plus incertaines. Lorsque le rayonnementest fort, ses effets nocifs sont prouvés etconnus: le réchauffement des tissuspeut nuire à la santé. Mais les choses nesont pas aussi claires quand les immis-sions sont faibles.

La population est-elle suffisamment protégée?L’OFEFP a fait dresser un état des lieuxdes connaissances actuelles, avec uneévaluation des résultats (disponibles dès avril 2003 sous www.elektrosmog-schweiz.ch). Objectif: apprécier le ris-que pour la santé du rayonnement

haute fréquence tel qu’il se présente au-jourd’hui dans notre environnement. Ils’agit également de savoir si les valeurslimites prescrites par l’ordonnance surla protection contre le rayonnementnon ionisant (ORNI) protègent suffi-samment la population.

Les recherches se sont fondées sur170 études nationales et internationa-les, aussi bien expérimentales qu’épidé-miologiques, réalisées sur l’être hu-main. Elles ont inclus toutes les sourcesde rayonnement haute fréquence, no-tamment les téléphones mobiles, lesstations de base de téléphonie sans filainsi que les émetteurs RTV. Jusqu’ici,une seule étude avait été publiée: elletraitait des répercussions des stationsde base.

Tout dépend de l’évaluationLes évaluations traditionnelles, tellesque celles réalisées par la Commissioninternationale de protection contre lerayonnement non ionisant, livrent desconclusions sans nuances: soit le risquepour la santé est prouvé scientifique-ment, soit il ne l’est pas. Et la preuve

Les risques pour la santé provoqués par les antennes de télé-

phonie mobile, les émetteurs radio/TV et les portables sont en-

core peu connus. L’OFEFP a fait analyser 170 études sur le smog

électrique. Pour approfondir la question, un programme national

de recherche va être lancé.

ELECTROSMOG

Dans le doute, protège-toi!

➔ 23ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

n’est apportée que lorsqu’un effet estreproduit par plusieurs groupes de cher-cheurs indépendants, que le résultatn’est pas contraire à d’autres et qu’ilpeut être illustré par un modèle plausi-ble. Il faut par ailleurs que l’importancede l’effet sur la santé suscite un largeconsensus parmi les scientifiques. Dansces conditions, bien des résultats inté-ressants ne sont pas même pas pris enconsidération. «Pour adopter une stra-tégie de précaution, on ne peut passeulement se baser sur les résultats quifont l’unanimité des scientifiques.Nous voulons au contraire, selon leprincipe de précaution, réduire à tempsles risques possibles, mais non encoreprouvés», explique Jürg Baumann, chefde la section RNI de l’OFEFP.

Le rapport permet ainsi une évalua-tion différenciée, distinguant les effetsprouvés, probables, possibles, improba-bles et non appréciables. Mais il a seslimites: le mandat porte uniquementsur des résultats tirés d’études scienti-fiques. «Pour obtenir un véritable pano-rama de la situation, il faudrait aussidisposer des expériences personnelles

des gens exposés au rayonnement. Orelles sont totalement absentes de notrebase de données, parce qu’il n’existe aucune étude scientifique sur la ques-tion», précise M.Baumann. Il faudraitcollecter ce genre d’expériences de ma-nière systématique, et soumettre les per-sonnes touchées à un examen médical.

Le directeur de l’OFEFP a par consé-quent proposé au Fond national de la

recherche de lancer un nouveau pro-gramme pour évaluer ces effets à longterme. Le Conseil fédéral en décidera àla fin de l’année.

Effets prouvésLe réchauffement du corps en raison durayonnement haute fréquence estprouvé. Ce réchauffement exerce uneffet sur la santé s’il dépasse un certain

Uni Z

uüric

h/ac

herm

an@

phar

ma.

unizh

.ch

Une évaluation différenciée

Pour évaluer de manière différenciée les résultats des 170 études, le rapport commandé par l’OFEFP a pris en compte les aspects suivants:

L’étude a-t-elle été exécutée correctement en termes méthodologiques?L’effet est-il prouvé avec certitude?L’effet est-il dû sans équivoque possible au rayonnement?L’effet est-il significatif pour la santé?

On a distingué 5 catégories pour la certitude de la preuve:Effet prouvé: les critères ICNIRP sont remplis.Effet probable: il existe plusieurs indices.Effet possible: il n’existe que des indices isolés.Effet improbable: il n’existe aucun indice de l’effet, mais plusieurs

indices de son absence.Non appréciable: les données disponibles ne permettent pas de se prononcer.

30 mn d’exposition au rayonnement

d’un portable peut suffire à modifier

le fonctionnement du cerveau, mais

il est encore trop tôt pour en tirer

des conclusions.

24➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

seuil. Connu depuis longtemps, il est àla base des recommandations internatio-nales quant aux valeurs limites. On n’apas trouvé de nouveaux effets nocifsremplissant les critères de la preuvescientifique.

Effets probablesLe rapport considère comme probablesles effets à court terme des téléphonesmobiles. Ils peuvent influer sur l’acti-vité électrique cérébrale, raccourcir lestemps de réaction et modifier les phasesdu sommeil. Il est toutefois impossibleaujourd’hui d’en déduire un dangerpour la santé.

Il est également probable que dessymptômes non spécifiques, significa-tifs pour la santé, augmentent en casd’utilisation fréquente d’un portable.Notamment: maux de tête, sensationsde douleur, mal au cœur, fatigue, ver-tiges, démangeaisons de la peau. Lesétudes disponibles ne permettent pasencore de dire si c’est le rayonnementqui en est responsable ou non.

Effets possiblesQuelques études ont découvert des tauxsupérieurs de leucémie et de lymphomeprès des émetteurs RTV. Mais leurs résultats ne sont pas uniformes et pré-

sentent des défauts métho-dologiques. Le rapport quali-fie donc ces effets de possi-bles, non de probables. Il enva de même pour le risque detumeur du cerveau lié au té-léphone mobile. Une vasteétude est actuellement réali-sée à l’échelle internationalesur le sujet, sous la conduite

de l’Organisation mondiale de la santé(OMS). On espère qu’elle apportera plusde clarté. Si ces effets devaient se con-firmer, ils seraient d’une grande impor-tance pour la santé humaine. Il existeégalement des résultats ponctuels plau-sibles au sujet de l’électrosensibilité decertaines personnes au rayonnementhaute fréquence ainsi que de troublesdu sommeil à proximité des émetteurs.

Effets improbables ou impossibles à apprécierL’influence de l’utilisation de télépho-nes mobiles sur la mortalité en généralest considérée comme tout aussi impro-bable que l’augmentation du nombredes cancers. Il n’existe pas de basescientifique suffisante, même pour uneaffirmation provisoire, quant à d’autresconséquences sanitaires. Cette remar-que s’applique aux systèmes hormonal,immunitaire et cardio-vasculaire, aubien-être psychique, aux fausses cou-ches, aux troubles génétiques ainsiqu’aux tumeurs des seins et des yeux. Ilexiste en la matière autant d’indices quiconfirment ou qui infirment ces effets.

L’importance du principe de précautionComme en 1999, la base de données nepermet toujours pas d’apprécier conve-nablement la menace que fait peser lerayonnement non ionisant haute fré-quence sur la santé quand il est faible. A

l’époque, le Conseil fédéral avait intro-duit deux niveaux de protection dans l’ORNI: les limites fixées par l’ICNIRPsont considérées comme des valeurs limites d’immission destinées à pro-téger l’être humain de risques prouvés.Dans le même temps, à titre de précau-tion, des valeurs plus strictes doiventprotéger la population d’éventuels ef-fets à long terme. Avec une valeur li-mite dix fois inférieure aux consignesinternationales, la Suisse possède unedes réglementations les plus strictes aumonde pour les émetteurs.

Vu l’état de la recherche, il est égale-ment impossible d’estimer aujourd’huiavec certitude si ces valeurs limites suf-firont à protéger la population à longterme. Raison pour laquelle le principede précaution s’impose face au smogélectrique, d’un point de vue scientifique.

Pour améliorer les connaissancesdisponibles, l’OFEFP s’engage donc enfaveur de la recherche: avec les progrèstechnologiques, l’électrosmog ne peutqu’augmenter et se diversifier.

■ Vera Bueller

Valeurs limites et effets biologiques

• Plusieurs des effets qualifiés de probables ou de possibles apparaissent en pré-sence de rayonnement inférieur aux valeurs limites fixées par l’ICNIRP. Certainssont significatifs pour la santé, d’autres pratiquement pas.

• Immissions selon les valeurs limites suisses, ou d’une intensité de rayonnementplus faible: aucun effet qualifié de probable.

• Certains des effets qualifiés de possibles apparaissent en présence d’intensités derayonnement situées dans les valeurs limites suisses, voire en dessous.

• Il n’existe aucune nouvelle preuve scientifique de risques pour la santé.

Martin Reidy, division

Protection de l’air et RNI, OFEFP

031 324 34 15

fax 031 324 01 37

[email protected]

INFOS

www.

elek

trosm

og-s

chwe

iz.ch

www.

funk

send

er.c

hww

w.ic

nirp

.de

www.

who.

int/p

eh-e

mf

LIENS

Quand la couche d’ozone s’amincit, lavie sur Terre est soumise à un bombar-dement redoublé d’ultraviolets. Ce ray-onnement a de graves répercussions surla santé: des maladies de la peau et desyeux, ainsi que l’affaiblissement du sys-tème immunitaire. Le danger est parti-culièrement aigu dans les régions polai-res, où la réduction de la couche d’ozo-ne – observée pour la première fois dansles années 70 – est la plus forte.

Cet inquiétant phénomène est dû à la présence de produits chimiques,notamment les chlorofluorocarbones(CFC), dans l’atmosphère.

Les cancers de la peau se multiplientJusqu’ici, les choses n’ont guère chan-gé: les mesures prises indiquent que lateneur en ozone de la stratosphère adiminué de 5% au-dessus de la Suisse. Ilen résulte un rayonnement plus fort de7%. Depuis le début des années 70, lenombre des cancers de la peau ad’ailleurs sensiblement augmenté. Al’échelle du globe, près de 132 000 per-sonnes présentent chaque année unmélanome, cancer malin. Deux à troismillions de patients de plus sont at-teints d’un autre type de cancer de lapeau, moins dangereux. Avec environ

15 cas pour 100 000 personnes par an,la Suisse a le plus fort taux de mélano-me en Europe après la Scandinavie etles Pays-Bas: chaque année, plus de1100 nouveaux cas et plus de 250 décèssont signalés dans notre pays.

La solution: se mettre à l’ombreCette augmentation est étroitementliée aux nouveaux comportements in-duits par la société des loisirs: voyagesdans les pays chauds (surtout en hiver),bains de soleil, ski, randonnées enmontagne et solariums font payer unlourd tribut.

Protéger la couche d’ozoneAlarmée par l’agrandissement du trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique, la communauté internationalea adopté en 1989 le protocole de Montréal. Cet accord, renforcé à plusieurs reprises, vise à réduire les émissions mon-diales de substances nocives pour l’ozone, voire les interdire totalement. Aux USA, en Europe et au Japon, les émissionsde CFC ont diminué de plus de 99% depuis lors. Aujourd’hui, il s’agit d’impo-ser des substances de remplacement, plus compatibles avec l’environnement,dans les pays en développement comme la Chine et l’Inde. Cependant, mêmesi les accords sont respectés, la couche d’ozone ne se rétablira pas avant 2050.

➔ 25ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

RAYONS UV

Bronzer idiot, c’est jouer avec le feu Qui aime trop les bains de soleil et le solarium vit dangereusement. Parmi tous les cancers existants,

celui de la peau progresse le plus. Les comportements dans notre société des loisirs n’expliquent pas

tout: c’est aussi l’affaiblissement de la couche d’ozone qui augmente le rayonnement UV.

Tour

ism

us L

euke

rbad

Le seul moyen de se protéger,c’est de se mettre à l’ombre, de por-ter des vêtements aux mailles serréeset aux couleurs sombres, un chapeauet des lunettes de soleil. En plein été,au milieu de la journée, il est recom-mandé de ne pas se mettre au soleil,voire d’éviter le plein air selon sontype de peau. Les crèmes solaires of-frent une certaine protection, maiselles doivent être utilisées copieuse-ment bien avant le bain de soleil.Leur effet est limité dans le temps.Conséquence: bien des adorateursdu soleil se croient protégés quandils ne le sont pas.

■ Vera Bueller

26➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Beat Gerber

division Radioprotection, OFSP

031 322 94 65

[email protected]

INFOS

www.

uv-in

dex.c

hww

w.m

eteo

suis

se.c

hww

w.m

elan

oma.

chww

w.wh

o.in

t/peh

-uv

LIENS

Le méthyl-4’ benzylidène camphre estl’un des trente composés chimiques quipeuvent, selon l’ordonnance de 1995sur les cosmétiques, être utilisés commefiltres ultraviolets. L’ordonnance enfixe par ailleurs la concentration dansles produits finis. Comme leur nom l’indique, ces filtres absorbent le rayon-nement ultraviolet et préviennent ainsiles coups de soleil et le cancer de lapeau. On en trouve dans les crèmessolaires, les crèmes de jour, les laques,les gels pour cheveux, les rouges àlèvres… Mélangés à des plastiques, cesfiltres en prolongent la durée de vie,ralentissant leur décoloration. Dans ledomaine textile, ils augmentent le fac-teur de protection des vêtements. Pourles cosmétiques, l’ordonnance fixe laquantité de chaque substance qui peutêtre mélangée au produit.

Crèmes solaires à effet endocrinienCes quatre dernières années, Margret

Schlumpf, toxicologue à l’Institut depharmacologie de l’université de Zu-rich, a testé quelques-uns des filtresultraviolets autorisés pour savoir s’ilsavaient un effet endocrinien. Dans cinqcas sur six, la réponse a été affirmative:tant les cultures de cellules que les testssur les animaux récemment mis au point prouvent que la substance étudiéeintervient dans le système hormonalfort complexe de l’organisme. Ainsi,des doses minimes de méthyl-4’ benzy-lidène camphre suffisent pour accroîtrela taille de l’utérus chez des rates de laboratoire âgées de vingt jours. Maiscette substance a aussi des effets à longterme. Ainsi, on a constaté que les des-cendants nourris avec des alimentscontenant ce filtre ultraviolets présen-tent une espérance de vie nettementplus brève.

Pour l’heure, rien n’indique que ceseffets se retrouvent chez l’homme,comme l’explique la toxicologue: «Nos

26➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

EFFETS SUR LE SYSTÈME HORMONAL

Les crèmes solaires sont sensées protéger la peau contre les

rayonnements nocifs. Beaucoup contiennent des produits chimi-

ques, qui servent à filtrer les UV. Comme dans bien d’autres

cosmétiques, certains filtres ont un effet endocrinien. Les scien-

tifiques cherchent aujourd’hui à connaître leur influence sur le

système hormonal, animal et humain.

Les cosmétiques, une protection à risque?

connaissances sont encore trop lacu-naires pour nous permettre de formulerdes recommandations précises sur l’uti-lisation des filtres ultraviolets. Il faudraattendre quelques années avant quenous puissions affirmer quoi que ce soitsur les risques que court l’être humain.»D’ici là, mieux vaut suivre les mesuresde protection préconisées par la Liguesuisse contre le cancer et par les derma-tologues: éviter les expositions prolon-gées, porter des vêtements appropriés,protéger ses yeux, appliquer des produ-its courants.

Accumulation dans la chaîne alimentaireA la belle saison, les baigneurs protégésrépandent quantité de produits dans leseaux, sans parler de l’apport des dou-ches et des bains. Dans une étude sur lelac de Zurich, la Station fédérale de re-cherches de Wädenswil a mesuré desconcentrations de filtres ultraviolets de

l’ordre du nanogramme (un milliardiè-me de gramme) par litre d’eau. Elle aégalement constaté que ces concentra-tions sont plus élevées en été qu’en hi-ver. Reste à déterminer l’effet direct deces faibles concentrations de perturba-teurs endocriniens sur les animauxaquatiques et leur effet indirect sur lesoiseaux piscivores et sur les mammifè-res… donc sur l’homme, puisque cessubstances s’accumulent dans la chaînealimentaire.

Etat des connaissances selon l’OMSEn 2002, l’Organisation mondiale de lasanté (OMS) a publié une vaste étudequi présente les données dont on dis-pose. Cette étude tente d’établir la cor-rélation entre la pollution due aux per-turbateurs endocriniens et les anoma-lies constatées chez l’être humain, ainsique chez les animaux. Par exemple lors-que le tributylétain – substance activedans les peintures utilisées pour les ba-

teaux – est présent en concentrationsélevées près des côtes, il provoque unemasculinisation des gastéropodes ma-rins. De même, la forte concentrationde substances à effet œstrogène dans lesrejets des stations d’épuration tend à fé-miniser certains poissons qui vivent enaval. En mer Baltique, le PCB présentdans les proies des phoques est respon-sable de la baisse de leur fertilité.

Y a-t-il un rapport entre la multipli-cation des cancers du sein chez les fem-mes et les organochlorés à effet endo-crinien, comme les PCB et le DDT?C’est moins évident. L’influence possi-ble des perturbateurs endocriniens surla qualité du sperme n’est pas établienon plus, les données font défaut.

Des recherches s’imposent d’urgenceLe vaste projet de recherche «Fisch-netz» (Réseau suisse poissons en dimi-nution), cofinancé par l’OFEFP, montreque la Suisse n’est pas épargnée. Despoissons mâles vivant en aval des STEPprésentent des symptômes de féminisa-tion, preuve de l’effet des perturbateursendocriniens, qui pourraient d’ailleurs

➔ 27ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Emanuel Ammon/AURAPOUR LE MOMENT, RIEN N’INDIQUE AVEC CERTITUDE

QUE DES EFFETS SE RETROUVENT CHEZ L’HOMME. ][

être à l’origine de la modification de cer-tains organes. Mais il faut encore étudierles effets sur des populations entières.

Alors que 80 000 substances chimi-ques sont sur le marché, seules quelques-unes ont fait l’objet d’études sur leurséventuels effets. Pour combler ce man-que de connaissances, l’Union européen-ne a lancé un grand programme de re-cherche en automne 2002. Notre Fondsnational de la recherche scientifique aégalement réagi et mis sur pied le PNR50, qui doit évaluer l’influence des per-turbateurs endocriniens sur les êtreshumains, sur les animaux et sur les éco-systèmes. Cinq ans et 15 millions defrancs ont été prévus pour recenser lesexpositions aux substances incriminées,connaître leurs effets sur les êtres vivantset mieux comprendre les interactions

hormonales extrêmement complexes quise déroulent dans l’organisme.

Absence de prescriptions légales Tant en Suisse qu’à l’étranger, les procé-dures de notification et d’autorisationappliquées aux produits chimiques (cos-métiques compris) ne prévoient pour l’heure aucune vérification de l’effet en-docrinien. Mais cette lacune est dueavant tout à l’absence de tests reconnus: l’OCDE s’efforce donc de mettre au pointune stratégie et des procédures de con-trôle. Il s’agit notamment d’essais sur desstructures cellulaires pour connaître lesdivers mécanismes des perturbateurs. Parailleurs, des tests à court terme sur lesmammifères, les poissons, les oiseaux etles insectes, ainsi que des études de lon-gue durée permettront de mieux con-naître les effets de ces substances sur lesgénérations.

L’ordonnance fédérale sur les subs-tances astreint l’industrie à l’autocon-trôle. «Le législateur a ainsi voulu garan-tir au mieux que des substances dange-reuses pour l’environnement et pour lasanté ne parviennent pas dans l’environ-nement», explique Christof Studer de l’OFEFP. Or, puisque nul n’est en mesurede prouver que les perturbateurs endocri-niens présentent un risque, le contrôleautonome dépend surtout de la politiqueinterne des entreprises. Faute de certi-tudes, le spécialiste de l’OFEFP plaidetoutefois pour l’application du principede précaution: «Chaque fois que c’estpossible, l’industrie devrait utiliser dessubstances moins dangereuses que lesperturbateurs endocriniens et renoncer àceux-ci dans les nouveaux produits.»

■ Urs Fitze

28➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

CHAQUE FOIS QUE C’EST POSSIBLE, L’INDUSTRIE

DEVRAIT RENONCER AUX PERTURBATEURS ENDO-

CRINIENS DANS LES NOUVEAUX PRODUITS. ][Les POP – nouveauxproscrits mondiaux

Les dioxines et les furanes formentun groupe de plusieurs dizaines desubstances chimiques, dont certai-nes comptent parmi les produits lesplus toxiques. Leurs effets sont ex-trêmement variés et ils possèdenten particulier des propriétés anti-œstrogènes. Ces produits sont prin-cipalement émis lors de combus-tion (incinération d’ordures ou pro-duction de métal). Ces dernièresannées, les pays industrialisés sontparvenus à réduire nettement lesémissions, avant tout en améliorantl’épuration des fumées des UIOM.En Suisse, les émissions annuellessont ainsi passées de 500 grammesen 1980 à 70 grammes actuelle-ment. Et ces émissions sont aujour-d’hui principalement dues à l’inci-nération sauvage d’ordures ména-gères …

Par ailleurs, même si la concen-tration de dioxine dans le lait de va-che a nettement diminué, il restebeaucoup à faire, sur le plan inter-national aussi. La convention signéeà Stockholm en 2001 par 127 gou-vernements sur les polluants orga-niques persistants (POP) a pour lapremière fois fixé un objectif clair:interdire complètement – au pireréduire à un niveau acceptable – laproduction et l’utilisation de pollu-ants difficilement dégradables quis’accumulent dans la biosphère.www.chem.une.ch/pops

Christof Studer

Section Substances, OFEFP

031 322 68 60

fax 031 324 79 78

[email protected]

INFOS

LECTURE

• Stoffe mit endokriner Wirkung in der Umwelt,

Cahier de l’environnement SRU-308-D

(n’existe qu’en allemand), Berne, 1999;

OFEFP, Documentation, 3003 Berne, fax

031 324 02 16, [email protected],

www.buwalshop.ch

• Global Assessment of the State-of-the Science

of Endocrine Disruptors; Rapport de l’OMS

publié en 2002 en anglais uniquement;

disponible sur internet: http://ehp.niehs.nih.

gov/who

www.

fisch

netz

.ch/

inde

x_f.h

tmww

w.sn

f.ch/

NFP/

NFP5

0/Ho

me_

d.ht

ml

LIENS

➔ 29ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Acheter des produits sains, écologiques et socialement acceptables? D’accord. Mais on ne s’y re-

trouve pas facilement dans la jungle des normes plus ou moins respectées. Surtout dans les texti-

les. L'OFEFP encourage des labels crédibles, un instrument efficace pour promouvoir une produc-

tion de masse respectant l’environnement et la dignité humaine.

Que savons-nous des conditions danslesquelles sont fabriqués nos vête-ments, par une main d’œuvre sous-pay-ée, à l’autre bout du monde? Soigneu-sement rangé, notre dernier maillotporte peut-être l’empreinte d’un cueil-leur de coton ouest-africain, d’une fi-leuse et teinturière indienne, d’une tis-seuse thaïlandaise, d’un atelier de cou-ture chinois… ainsi que des traces d’in-nombrables produits chimiques !

Dans les années 80, des organisa-tions non-gouvernementales (ONG)ont commencé à passer sous la loupe la

production mon-diale de textiles.Elles ont constatédes conditions detravail insoutena-bles et dangereu-ses pour la santé,dénoncé les salai-res de misère, l'es-clavage, le travail

des enfants, l'absence de sécurité dansles ateliers.

L'homme et l'environnement surexploitésAutre aspect angoissant: les quantitésphénoménales de produits chimiquesutilisés pour la transformation des tex-tiles, la débauche d’engrais et de pesti-cides pour la culture du coton. Sansoublier l’énorme consommation d'eau.L'exemple de la mer d’Aral avait défrayéla chronique dans le monde entier. Celac, qui était à l'époque le plus grandréservoir d'eau douce d'Asie centrale, avu sa superficie réduite des deux tiers.Aujourd’hui, ses eaux sont tellementpolluées qu’aucun poisson ne peut yvivre. Tous ces dégâts sont le prix de no-tre consommation massive de textilesbon marché, aux couleurs éclatantes,infroissables et faciles à entretenir.

Sensibilisation accrueL’opinion publique est de plus en plusconsciente de ces pratiques inquiétan-tes ; les entreprises se sentent pousséesà promouvoir des améliorations. Maisles résultats sont encore modestes. Surl’ensemble du marché textile, peu defirmes s’astreignent vraiment aux cri-tères écologiques et sociaux. Dans lemonde, à peine 1% des textiles sontproduits biologiquement. En Suisse, les3⁄4 des ventes annuelles de vêtements (8 milliards de francs) ne connaissentaucun code environnemental ou social.

Des labels pour s'y retrouverPour L’OFEFP, il est important d’encou-rager le développement de labels crédi-bles. Ils facilitent le choix des consom-mateurs qui souhaitent, par leursachats, contribuer à des progrès écolo-giques et sociaux. «Les labels sont unimportant instrument de la politiqueintégrée des produits (PIP) suivie par la

LABELS ÉCOLO ET SOCIAL

Pour filer du bon coton

Confédération», explique Anna Wälty,de la section Produits de l’OFEFP. L'ob-jectif est de suivre les biens et servicestout au long de leur vie, de la produc-tion à l’élimination, en vérifiant leurconformité aux exigences économi-ques, sociales et écologiques du déve-loppement durable.

Reste à améliorer la transparence.C’est pourquoi l'OFEFP soutient le Cen-tre d'information pour les labels créépar la Fondation pour la pratique envi-ronnementale en Suisse (PUSCH). SelonAnna Wälty, un bon label doit recouvrirl'ensemble du cycle d'un produit: «Oùfaut-il lancer un label? Pour le savoir,on doit déterminer dans quel domainese produisent les maux les plus graves.Nous préférons un nombre limité delabels de bonne qualité plutôt qu’unemultiplication de certifications peu exi-geantes.»

Couvrir toute la chaîne de production Dans le secteur des textiles, la Suissecompte déjà dix labels (y compris celuides tapis) reposant sur des normes dif-férentes. Souvent, ceux-ci ne recou-vrent qu’une partie de la chaîne de pro-duction et ne sont pas contrôlés par desorganismes indépendants. La fonda-tion Max Havelaar pour le commerceéquitable – qui a bénéficié d’une aideinitiale du Secrétariat d’Etat à l’écono-mie (SECO) – estime que des améliora-tions sont possibles et nécessaires dansce secteur, ce qui répondrait en plus àun réel besoin des clients et des con-sommateurs.

C'est pourquoi la fondation étudiela possibilité d'introduire le label MaxHavelaar pour les textiles. «Nous vou-lons introduire dans ce marché de meil-leures normes sociales et économiques.On pourra ainsi compléter le code éco-logique dans la production. Mais nousen sommes conscients: la chaîne deproduction textile est beaucoup pluscomplexe que celle du café ou des ba-nanes. De la culture de coton jusqu'auxvêtements finis, il y a au moins quatreétapes où il faudrait appliquer desnormes sociales», précise Heini Con-rad, responsable du projet. Introduireun label fiable d’un bout à l’autre est unvéritable défi: il peut impliquer un très

grand nombre d’acteurs. Par exemple,les textiles de la Migros proviennent de450 fournisseurs directs, ainsi que dequinze revendeurs asiatiques et euro-péens.

Sortir du créneau des spécialitésS'habiller écolo de la tête aux pieds:jusqu’ici, on pouvait seulement le fairedans des boutiques spécialisées. Coop amaintenant développé la ligne Natura-line pour le grand public. Elle respectedes exigences écologiques élevées, demême que certains critères sociaux etéconomiques. Ce détaillant proposeainsi des sous-vêtements, des chausset-tes, des linges et de la literie en cotonbio, clairement signalés et identifiés.Dans les grands centres, on trouve aussides T-shirts, des chemises et des blouses.Coop réalise avec Naturaline un chiffred'affaires de 25 millions, soit plus de35% de ses ventes de textiles en coton.De son côté, Migros, avec son label«eco», vise des quantités plus impor-tantes tout en appliquant des normesmoins sévères. Plus de la moitié de l’as-sortiment de vêtements est ainsi certi-fié, ce qui correspond à un chiffred'affaires de 358 millions de francs.Migros a également introduit les pre-miers articles de coton bio pour bébéset enfants en bas âge.

30➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

UN BON LABEL DOIT ENGLOBER L’ANALYSE

COMPLÈTE DU CYCLE DE VIE D’UN PRODUIT. ][

Bild

er: R

uth

Schü

rman

n

Une récompense encourageanteBien que son offre soit enco-re relativement modeste,notre pays occupe la premi-ère position mondiale dansce domaine. En septembre2002, lors du sommet de Johannesburg, les effortssuisses pour une productiondurable des textiles ont été reconnus mondialement.Coop et la société Remei SAont été récompensées par leProgramme des Nations

Unies pour l’environnement (PNUE) etla Chambre internationale de com-merce.

Cette reconnaissance encourage à in-tensifier la production de masse. A côtédes producteurs et des commerçants,les acheteurs peuvent aussi contribuer àcette percée en accentuant la demande.Leur propre qualité de vie s'en trouveraaméliorée, car ces vêtements ne con-tiennent aucun produit nocif.

■ Elisabeth Kaestli

➔ 31

Maikaal (Inde): la plus grande culture bio du mondeLa majeure partie du coton bio utilisé par Coop-Naturaline provient de Maikaal(Inde), la plus grande communauté de production biologique au monde. Le projeta été lancé en 1992 par l’entreprise suisse Remei AG. Aujourd'hui, 1100 paysansproduisent du coton en culture mixte, sur 3000 hectares. L’abandon des engrais etpesticides chimiques permet de conserver la fertilité des sols à long terme et de pré-server la qualité des eaux. Des normes écologiques sont aussi appliquées pour lesautres étapes de transformation. Ainsi, on n’utilise pas de métaux lourds pour lateinture et le pressage des étoffes, et les substances problématiques sont soumisesà des valeurs limites très strictes.

Par ailleurs, des directives sociales doivent être respectées lors des différentesétapes de transformation, du filage à la couture et l’équipement, en passant par letissage ou le tricotage. La filature de Maikaal garantit aux paysans la prise en char-ge du coton et leur verse une prime de 10 à 20%. Tous les employés ont des con-ditions d’engagement réglementées, les salaires doivent assurer le minimum vital,le travail des enfants et le travail forcé sont interdits. L’entreprise Bio inspecta estchargée de vérifier le respect des normes de production biologique. Toutes lesautres étapes de transformation jusqu'au vêtement fini sont contrôlées par l’Institutfür Marktökologie (IMO) et la Société Générale de Surveillance (SGS).

agenda Hamburg, Jörg Böthling

Naturaline: coton d’origine indienne, présentoir au magasin, produit avec logo spécifique.

Anna Wälty

Section Produits, OFEFP

031 323 13 17

fax 031 324 79 78

[email protected]

INFOS

www.

prod

ukte

-um

welt.

ch

www.

labe

linfo

.ch

www.

clea

nclo

thes

.ch

www.

iccw

bo.o

rg/s

dcha

rter/c

orp_

init/

icc-

unep

/mai

npag

es/e

xcel

lent

/coo

p/lo

ng.a

sp)

LIENS LECTURE

• Stratégie 2002 du Conseil fédéral pour le déve-

loppement durable 2002; n° 812.014.f,

www.bbl.admin.ch/publicationsfederales

ou www.johannesburg2002.ch

• Environnement Suisse 2002. Politique et pers-

pectives, rapport environnement de l'OFEFP,

2002; chapitre «production et consom-

mation»; n°310.406f.

ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

32➔

Un bain de nature hebdomadaireUne eau saine, de l'air pur et peu de nuisances: c'est bien, mais insuffisant. Pour vraiment nourrir le

corps et aérer l’esprit, rien ne vaut un bon plongeon dans la nature. Dix collaborateurs de l'OFEFP

interrogés par ENVIRONNEMENT dévoilent le lieu où ils rechargent leurs batteries. Des promenades-

santé à votre portée.

«Les châtaigneraies éveillent en moides sentiments ‹patrimoniaux›. Je suis fasciné par les enveloppes épineuses deleurs fruits, qui cachent un aliment déli-cieux. J'admire le port majestueux de cesgrands arbres. Les châtaigneraies, aprèsavoir été abandonnées et embrous-saillées, sont maintenant remises enétat. Et c'est une joie de redécouvrir cepaysage rural traditionnel, au charme siparticulier.»Enrico Buergi, chef de la division Paysage

«J'aime le Gasterntal BE et l’incroyablevariété de ses fleurs, cet endroit mys-tique relié aux valeurs essentielles.J’aime ses montagnes majestueuses, oùje me sens libre et protégée, le roman-tisme sauvage de sa rivière, qui inspiremes aquarelles. Mes promenades danscette vallée enchantée sont une médi-tation qui remplit mon quotidien de forces nouvelles.»Heidi von Allmen,assistante de direction

CONSEIL-SANTÉ DE L'OFEFP

Fond

s La

ndsc

haft

Schw

eiz

Fran

z Auf

der

Mau

r

ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

➔ 33

«La pêche à la ligne sur les rives du lacde Bienne a l’immense pouvoir de ré-générer mon esprit et mon âme. Jem'installe de préférence près d'une au-naie, dans la région d'Ipsach. La vuesur le lac, la tranquillité, les bruisse-ments naturels de l'eau, du vent et des animaux arrêtent le temps et meplongent dans le monde intérieur.»Bernhard Rieder,Direction fédérale des forêts, secteur Mesures d'encouragement

«Partir de Berne à 08:26. Déjeuner enlongeant le lac de Thoune. Débarquer àMürren à 10:35. Tout de suite, unegrande bouffée de bon air montagnarddans un village sans voitures. Mainte-nant, en route pour le Sefinental.Humer la saison, le climat changeant.Pique-nique à Chilchbalm, entouré dechamois, de torrents, de glaciers et deparois abruptes. Rien d'autre à faire qued'être soi-même.»Jürg Minger, division Protection de l'air et RNI

«Lors d'une randonnée à pied ou à skidans la région du Chasseral, mon re-gard erre, au-delà des brumes de laplaine, d'un massif à l'autre – des Vos-ges à la Forêt-Noire, du Säntis auMont-Blanc en passant par les fameux‹4000› valaisans. On se refait une santéphysique, psychique et sociale, tout ense restaurant dans de sympathiquesmétairies.»Willi Meyer, section Paysage et planifications

Hein

i Stu

cki

Fran

z Auf

der

Mau

r

Wal

ter I

mbe

r

ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

34➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

«Je possède 12 ares de vigne non loin de laPointe du Grain, sur les rives du lac deNeuchâtel. J'y travaille en paix, je regardevoler mes amis ailés et j’écoute leurs chants.La taille hivernale et l'effeuillage sont mesactivités préférées: elles m’entraînent dansune méditation qui me fait oublier le stressquotidien. J'ai baptisé mon vin ‹Le chant du rossignol›. Cet oiseau vient couver dansune petite aunaie, juste en dessous duvignoble.»Claire-Lise Suter Thalmann, secteur Forêt et changement social

«Chemin de fer + car postal, destina-tion Goumois JU. Rien de mieux pours’imprégner du charme de la régionfrontière du Doubs, avant de remon-ter sur le plateau franc-montagnard.Un exercice physique éprouvant, maisquelle poésie lorsque l’on traverse deslieux perdus aux noms si mystérieux:Vautenaivre, Beaubourg, ChâteauCugny. Je médite sur un promontoire,face à la douce France.»Sylvain Affolter, Communication

«Malgré son nom, la région deWildenstein BL n'est pas très sau-vage. Pourtant, sur ces hauteursjurassiennes aux lignes très douces,des chênes centenaires se dressentaux abords des champs. En me pro-menant parmi les boqueteaux,j'oublie le temps qui passe.»Josef Rohrer, section Cantons, ONG et aménagement du territoire

Régis Colombo/diapo.ch

Paul

Imbe

ck

Arm

and

Stoc

ker

Dossier «Forêt et santé»

Air pur, microclimat agréable, tranquillité, détente, senteursstimulantes: ce que proposent au prix fort des programmesraffinés de remise en forme, n'importe quelle promenade enforêt vous l'offre gratuitement. Le délassement apparaît de plusen plus comme l'une des principales fonctions de la forêt, aupoint que l'on parle déjà de «forêts thérapeutiques». Ce qui secache sous cette expression est expliqué dans le dossier «Forêtet santé», publié en mars 2001 à l’occasion de la Journée inter-nationale de la forêt, en collaboration avec la Fondation suissepour la promotion de la santé. On y trouve tout ce qu'il faut sa

voir sur les divers bienfaits de la forêt pour la santé. Commanden°301.092f: BBL, 3003 Berne,031 325 50 50, fax 031 325 50 58,www.bbl.admin.ch/publicationsfederales.

➔ 35ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

«Je me sens irrésistiblement attiré par les hautes Alpes, surtout la région d'Aletsch. A ski, j’admire les grands glaciers et les montagnes, couvertes de névés. L’effort physique dans un tel paysage me fait vivre intensément. A lavue de tous ces sommets, vallées et glaciers, je me sens petit. Les soucis quotidiens n’existent plus. De retour chezmoi, le soir, j’éprouve un indescriptible sentiment de bonheur et de gratitude.»

Reto Baumann, secteur Forêts protectrices et dangers naturels

«Lorsque mon cœur bouillonne de joieou, au contraire, que des soucis m'en-traînent dans la tristesse, c'est dans la na-ture que j'équilibre mes énergies. J'ai ain-si peu à peu constitué un réseau de vieuxarbres sous lesquels j'ai médité: un peu-plier qui tremble devant ma maison deRussin, un mélèze de la forêt d'Aletsch, unbaobab le long du Zambèze, deux chênesà Ittigen, un érable dans les montagnesde Qinling. Ces arbres constituent un ré-seau d'antennes qui me maintiennent encontact permanent et en harmonie avecl'ensemble de la planète et le cosmos.»

Philippe Roch, directeur

INFOS

Claire-Lise Suter Thalmannsecteur Forêt et changement social031 324 78 58, fax 031 324 78 66

[email protected]

Peter Stäger/Höhenfieber

Valé

rie F

ries,

OFE

FP

Le Bannwald protège les 8700 habitantsd’Altdorf, chef-lieu du canton d’Uri,contre les chutes de pierres, les glisse-ments de terrain et les avalanches. Maisce n’est pas tout: cette forêt fournitaussi une eau potable d’excellente qua-lité, qui couvre trois quarts des besoinslocaux. Ses sources sont alimentées parle Weidbach, un cours d’eau qui récolteles précipitations des montagnes envi-ronnantes, les Eggberge. Dans la zonesituée entre le Schnapf et le Rote Flue,qui surplombe la plaine de la Reuss, leWeidbach disparaît sous terre. Ses eauxtraversent alors une couche de sable etde graviers qui retient les impuretés,comme les particules de suie. Le bassind’alimentation, qui s’étend sur 35 hec-

tares, est un marais protégé. Aucuneexploitation n’affecte la qualité de l’eaupotable, quasiment exempte de germesou de substances indésirables comme lenitrate et les pesticides.

De l’électricité en primeIl n’en a pas toujours été ainsi: en 1885,on pouvait lire dans le journal local Ur-ner Volksfreund que l’eau d’Altdorf,surtout après de violents orages, étaitpendant plusieurs jours «totalementimbuvable et ressemblait plus à de lasoupe à la farine qu’à de l’eau potable».Au début des années 1880, des dizainesd’habitants avaient succombé à uneépidémie de typhus. Un réseau d’ali-mentation primitif, fait de conduites en

bois et en terre cuite, favorisait la pro-pagation de graves maladies infectieu-ses. Des voix toujours plus nombreusess’élevèrent pour réclamer que la com-mune imite enfin les voisins, qui avaient depuis longtemps mis en placeun réseau de bornes-fontaines.

Aujourd’hui, Altdorf peut être fièrede son infrastructure. Depuis la réno-vation totale des captages du Kapuzi-nertal, qui dataient de plus d’un siècle,le chef-lieu dispose d’un des réseaux d’alimentation les plus modernes desrégions de montagne. L’eau captée,autrefois acheminée vers le réservoirpar une série de chambres de réductionde pression, passe depuis avril 2002 parla turbine d’une petite centrale hydro-

36➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

La meilleure eau potablesort des forêts

La plupart des Suisses boivent l’eau des nappes phréatiques. Et quand cette eau est puisée dans

les forêts, on déguste un nectar de haute qualité. Car les sols forestiers, peu pollués, filtrent effi-

cacement les eaux de surface. Grâce à eux, on économise des millions. Les autorités fédérales

tiennent donc à préserver durablement ce traitement naturel.

EAUX SOUTERRAINES

➔ 37ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

électrique, qui produit chaque année1,5 million de kilowattheures de cou-rant «vert» — assez pour couvrir lesbesoins de 300 ménages.

Dans les régions montagneuses, denombreux services des eaux disposentd’un potentiel énergétique considéra-

ble à travers leurs captages. A Coire, parexemple, il pourrait non seulement àrépondre à la totalité des besoins de laville, mais encore fournir de l’énergieau réseau.

L’eau propre, source d’économiesLes 3000 services des eaux de notre payscaptent chaque année environ 1050millions de m3 d’eau potable, dont prèsde 44% proviennent de sources à l’airlibre. En y ajoutant l’apport des puits,

l’eau souterraine couvre 83% des be-soins en eau potable. Dans les com-munes de moins de 10 000 habitants,qui abritent 54% de la population suisse,ce taux monte même jusqu’à 98%.

Et les 400 millions de m3 captésdans la nappe phréatique sont souventde si bonne qualité qu’ils ne nécessitent

aucun traitement avant d’être distribu-és dans les conduites. Selon les chiffresde la Société suisse de l’industrie du gazet des eaux, les traitements coûtentchaque année aux services publics prèsde 130 millions de francs. Soit en moy-enne 20 centimes par m3 . «A ce prix,les Services des eaux économisent 80millions de francs par an», expliqueBenjamin Meylan, de la section Protec-tion des eaux souterraines de l’OFEFP.

Moins de polluantsUne part considérable de l’eau naturel-le utilisable sans traitement provientdes captages en forêt. Mais l’eau potableissue de sources et stations de pompagenécessitant une seule étape de désinfec-tion au chlore ou à l’ozone bénéficie,elle aussi, de la présence des forêts. Par-

GÉNÉRALEMENT, L’EAU QUI SORT D’UNE FORÊT

NE NÉCESSITE PAS DE TRAITEMENT. ][BU

WAL

/AUR

A

Un réservoir naturel d’eauLe sol forestier est un producteuridéal d’eau potable. Grâce à sa forteteneur en humus, il abrite une grandediversité d’organismes, et une in-tense activité radiculaire. Tel unepuissante éponge, le sol d’une forêtde feuillus peut absorber et stockerprès de 2 millions de litres d’eau (50mm de précipitations) par hectare.L’eau non prélevée par les arbress’écoule lentement vers les nappesphréatiques. Ainsi les sources en forêtsont alimentées même après des pé-riodes prolongées de sécheresse alorsque celles d’autres zones sont sou-vent taries.

La Ville de Zurich amène de l’eau pure en provenance de Baar ZG.

tout ou presque, elle contientnettement moins de nitrates,de chlorures, de pesticides etd’autres polluants anthropo-gènes que l’eau captée dans les

zones agricoles ou habitées.Il y a diverses raisons à cela. Premiè-

rement, l’introduction directe de pollu-ants dans les sols des zones boisées estquasi nulle, contrairement au cas deszones d’exploitation agricole. En effet,les gestionnaires forestiers n’utilisent ni engrais naturels (compost, purin oufumier) ou artificiels, ni boues d’épu-ration. En outre, selon les ordonnancesfédérales sur les substances (Osubst) etsur les forêts (OFo), l’usage de produitsauxiliaires en forêt n’est autorisé quedans quelques cas exceptionnels.

Ensuite, l’interdiction de défricherinscrite dans la loi garantit une sauve-garde extrêmement efficace et durable

de la protection des eaux: elle excluttout changement d’affectation du solforestier, diminuant ainsi le risque depollution des sources et des stations depompage.

Influence de la gestion forestière«La gestion a une influence considéra-ble sur la qualité et la quantité de l’eaude percolation des sols forestiers: lechoix des essences, les mesures de régé-nération et les reboisements sont déci-sifs», estime l’ingénieur forestier Chris-tian Küchli, de l’OFEFP. Les concepts actuels de gestion prévoient, notam-ment sur le Plateau, de transformer pro-gressivement les peuplements d’épicéasen peuplements mixtes. Et ces «forêts àeau potable» satisfont idéalement lesexigences des services des eaux.

Mais attention au lessivage de nitra-tes à travers les sols forestiers: il fautéviter d’abattre à grande échelle les ar-bres au-dessus des captages. En effet,l’ensoleillement amplifié par une couperase provoque une forte minéralisationde l’humus et une nitrification exces-sive du sol. «Du point de vue de la pro-tection des eaux, une régénération gra-duelle dans les bassins d’alimentationdoit se faire à l’ombre des vieux arbres»,précise M. Küchli.

Prestations spécifiques en faveur de l’eau potableUne eau souterraine de qualité n’est passimplement un sous-produit bienvenude la forêt; elle réclame par endroits desmesures de protection qui peuvent aug-

menter les frais des services forestiers.Selon l’OFEFP, il faut donc à l’avenirque la question de l’eau soit systémati-quement prise en compte dans les plansrégionaux ou cantonaux de développe-ment forestier. «Il s’agit de distinguerclairement entre intérêt public d’unepart, impératifs économiques et possi-bilités des entreprises forestières d’autrepart», commente Christian Küchli.

Pour les propriétaires, les presta-tions que la société attend de la forêt setraduisent souvent par des dépensessupplémentaires ou des revenus rédu-its. Ce qui doit être justifié sur leur planet compensé financièrement. Ces verse-ments seront un bon investissement: ilsnous garantiront pour longtemps lameilleure eau possible, celle de la forêt,à un prix vraiment avantageux.

■ Beat Jordi

38➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

LA QUESTION DE L’EAU FIGURERA DANS LES NOUVEAUX

PLANS DE DÉVELOPPEMENT FORESTIER. ][

www.

nitra

t.ch

www.

iap.

ch

LIENS

Benjamin Meylan, OFEFP

Protection des eaux souterraines

031 322 92 56

fax 031 323’03’71

[email protected]

Christian Küchli, OFEFP, Secteur

Forêt et changement social

031 324 77 80

fax 031 324 78 66

[email protected]

INFOS

La consommation d’eau minérale mon-te en flèche: chaque Suisse en boit plusde 100 litres par an. C’est-à-dire 50 % deplus qu’il y a dix ans! Et pourtant ici,tout le monde ou presque a de l’eaupotable au bout du robinet. On pourraitsans autre s’économiser cette dépense…ainsi que l’énergie nécessaire à la pro-duction et au transport des bouteilles.

Dans les pays pauvres au contraire,peu de gens peuvent s’offrir de l’eau mi-nérale. Alors qu’ils en auraient besoin,bien plus que nous. Car 1,1 milliard depersonnes, soit 18 % de la population,n’ont pas accès à l’eau potable. Et plusdu double n’ont pas d’installationssanitaires suffisantes. Pour eux, la criseenvironnementale commence sur lepas de la porte, affirme l’organisme spé-cialisé dans l'approvisionnement eneau et l'assainissement (Conseil de con-certation, WSSCC en anglais).

L’eau sale rend maladeLes données sont sans équivoque.

La moitié de la population des pays endéveloppement est malade à cause del’eau. Un lit d’hôpital sur deux estoccupé à cause de cela. Même dansl’espace européen, du Portugal à l’Ou-ral, une personne sur sept n’a pas un

accès suffisant à ces nécessités essentiel-les que sont l’eau potable et des sanitai-res. Plus de deux millions d’enfants endessous de cinq ans meurent chaqueannée de diarrhée. Sibylle Vermont, desAffaires Internationales de l’OFEFP,donne la mesure de cette tragique héca-tombe: «C’est comme si 20 jumbos-jets

remplis d’enfants s’écrasaient chaquejour.»

Réserves d’eau menacéesD’ici 2015, la communauté interna-

tionale veut diminuer de moitié lenombre de personnes sans accès à l’eaupotable et aux sanitaires. L’accès à ces

commodités devrait être total en 2025.Mais se contenter, comme jusqu’à pré-sent, de solutions technologiques seraitfaux. Car aménager des tuyaux, despuits, des pompes sophistiquées et desstations d’épuration ne change rien auxcauses. Il faut attaquer le problème à lasource, avec plus de conviction: en se

➔ 39ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

UN OBJECTIF AMBITIEUX: D’ICI VINGT ANS,

TOUS LES HUMAINS DEVRAIENT AVOIR ACCÈS

À DE L’EAU POTABLE.][

Le saccage écologiqueassèche les sources

CRISE MONDIALE DE L’EAU

L’environnement dégradé rend malade: celui qui boit de l’eau contaminée et n’a pas de toilettes est

forcé de jouer à la roulette russe. La technique n’offre que des solutions partielles. Pour résoudre

la crise de l’eau, il faut absolument sauver les milieux naturels de notre planète.

helv

etas

1,1 milliard d’êtres humains n’ont pas accès à l’eau potable dans le monde.

concentrant sur la protection des éco-systèmes qui assurent la régulation di-recte ou indirecte du cycle de l’eau, no-tamment les forêts, les zones humides,les lacs et les rivières.

Car une des raisons de la crise est ladestruction massive des systèmes natu-rels de collecte d’eau de pluie. Au coursdu siècle passé, 50 % des sites maréca-geux ont été asséchés et destinés à dif-férentes exploitations. De grandes zo-nes forestières dans les bassins versantsont été rasées. Au Sommet de la Terre deJohannesburg, Philippe Roch, directeurde l’OFEFP, a tiré la sonnette d’alarme:«Si on ne préserve pas les forêts et leszones humides, si on ne traite pas lessols avec égards, l’eau disparaîtra. Onaura beau alors construire des condui-tes, des stations d’épuration – il n’yaura tout simplement plus d’eau àtransporter ou à épurer!»

Mieux protéger les écosystèmesHaïti constitue un exemple poignant:quand la pluie se déverse sur les pentesdéboisées, ruisseaux et rivières gonflentet arrachent la terre. Femmes et jeunesfilles doivent aller toujours plus loinpour trouver de l’eau potable. Pour cespopulations, le seul secours est de pré-server la forêt et de reboiser.

Comment enrayer lapénurie? Par une gestionglobale de la terre, del’eau, de la flore et de lafaune dans les bassinsversants, préconisent lesspécialistes. Il s’agit deconcilier les intérêts des

particuliers, des autorités, de l’agricul-ture, de l’industrie et de l’environne-ment. Et de trouver un meilleur équi-libre entre exploitation et protection.Pour cela, il faut bien sûr que l’Etatprenne des initiatives, mais qu’il lefasse en associant les populations con-cernées aux processus de décision.

Aborder le problème globalement En 1999, la Suisse, aux côtés de 35 au-tres Etats, a signé le protocole «Eau etsanté», basé sur une approche globaledu problème. Les signataires s’engagentà prendre toutes les mesures nécessairespour assurer l’approvisionnement de lapopulation en eau propre et en instal-lations sanitaires suffisantes. De même,ils veulent mettre à l’abri de la pollu-tion et d’autres dégâts tous les éco-systèmes importants pour les ressourcesd’eau. Le Parlement devrait ratifier ceprotocole cette année encore.

Jusqu’ici, les tentatives d’une gestionintégrée des écosystèmes aquifères vi-saient seulement à compenser les con-séquences de l’exploitation humaine.Une approche globale, que PhilippeRoch appelle de ses vœux, mettrait en-fin sur le même plan la sauvegarde del’écosystème et les aspects techniques.

■ Beatrix Mühlethaler

40➔

Protection des enfantsLe manque d’eau et d’installations

sanitaires frappe avant tout les enfants.

Ils sont aussi les premiers à réagir à

d’autres problèmes par des symp-

tômes de maladies. Raison pour la-

quelle le bien-être des enfants se trou-

vera au centre de la quatrième Confé-

rence ministérielle sur l’environnement

et la santé, qui se tiendra en 2004 à

Budapest, sous le slogan «Un avenir

durable pour nos enfants». «Si nous

arrivons à assurer l’avenir de nos en-

fants, l’avenir sera assuré pour nous

tous», résume une déléguée à la confé-

rence préparatoire.

helvetas

Ruth Schürmann

www.

wssc

c.or

g ww

w.irc

.nl/s

ourc

e/lg

fr/in

dex.p

hp (F

)ww

w.un

esco

.org

/wat

er/iy

fwww

w.ee

hc.d

k

LINKS

Sibylle Vermont,

Affaires Internationales, OFEFP

031 322 85 47

fax 031 323 03 49

[email protected]

INFOS

ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

➔ 41ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

Une jeunesse biendans son assiette?

Ils sont jeunes, en pleine croissance, actifs… Mais comment se nourrissent-ils? Pas très bien,

souvent. De nombreux projets sont lancés en Suisse pour sensibiliser les jeunes à l’alimentation. A

Genève, un collège n’a pas hésité à y consacrer une journée entière.

Savoir ce qu’on mange, redécouvrir levrai goût des aliments, acheter en fonc-tion des saisons… Ces questions nepréoccupent pas forcément les jeunesqui vivent encore chez leurs parents etn’ont pas à faire eux-mêmes les courses.

Les projets de sensibilisation nemanquent pas. Au «Collège/Ecole decommerce Nicolas-Bouvier» CEC, àGenève, un groupe constitué d’ensei-gnants, d’assistantes sociales, d’une in-firmière et d’un membre de la directions’est penché sur le problème. «L’idée defonder ce groupe santé est partie d’uneconstatation: près de la moitié des élè-ves ne se nourrissent pratiquement pasjusqu’au repas de midi», indique HenriBrawand, doyen de l’école. Une raisonqui explique peut-être l’état somnolent,voire déprimé, observé chez certains

collégiens. Pour faire face à la situation,le groupe a décidé au printemps 2002de consacrer une journée entière à lasanté et à l’alimentation. Une initiativeque le CEC est parvenu à concrétisergrâce – notamment – au soutien finan-cier du Réseau suisse des écoles en san-té (RADIX).

Aucun cours, et bien sûr aucuneinterrogation, en cette journée du 8 avril2002. Les 274 élèves investis dans lacampagne entrent tout de suite dans levif du sujet par un copieux petit-déjeu-ner à la cafétéria de l’école. Des affi-chettes les informent sur les propriétésdes aliments: l’origine des fibres, ducalcium, des vitamines… Suit un spec-tacle à l’aula: les explications donnéespar une diététicienne sont reprises sousforme de sketches improvisés par deux

comédiens. Le repas de midi est l’œuvrede l’association «Fourchette verte», quivise à prévenir les maladies par la pro-motion d’une alimentation et d’une viesaines.

Ensuite, la partie pratique se déroulesous forme d’ateliers animés par diffé-rents spécialistes. L’un deux, CédricFarinelli, a choisi d’approfondir la no-tion d’alimentation équilibrée. «Nousavons travaillé avec un logiciel de dié-tétique, raconte ce professeur de biolo-gie. Les élèves ont d’abord dû choisir unrepas de midi: le plat ‹Fourchette verte›servi à la cafétéria ou un menu fast-food. L’exercice consistait à composerle petit-déjeuner et le souper afin d’ob-tenir une ration alimentaire équilibréepour la journée.» Les participants qui se sont laissés tenter par la «malbouffe»

La p

omm

e à

la ré

créa

tion/

Paul

Gra

f

ÉDUCATION À L’ENVIRONNEMENT

se rendent alors compte à quel point ilest difficile de rattraper les excès et lesmanques. Depuis, M. Farinelli a décidéd’intégrer le logiciel à ses cours. A lagrande satisfaction des promoteurs duprojet, ravis de voir l’expérience s’éten-dre à l’année et sortir du cadre initial.

Une partie des collégiens se sontaussi déplacés sur le terrain pour visiterles Jardins de Cocagne, une coopérativemaraîchère «bio». Pour beaucoup, c’estla première rencontre avec une saladecultivée: «Des champs de blé ou demaïs, tout le monde en a déjà vu, affir-me Claude Mudry, l’un des jardiniers.La salade, c’est autre chose.» Pour lemaraîcher, les jeunes savent relative-ment bien d’où proviennent les ali-ments, en revanche beaucoup sontincapables de dire à quel moment del’année on les consomme. «Une partiegarde encore un lien avec la campagne,par un oncle ou un grand-père qui cul-tive ses plate-bandes. Mais c’est uneminorité.» Le débat nourri entre le pro-ducteur et les élèves dérive peu à peuvers le fonctionnement de la coopé-rative, la mondialisation, le commerceéquitable avec le Sud, la qualité de vie…Claude Mudry est très satisfait de cettevisite: «Dommage de ne pas pouvoirprolonger ce genre d’expérience sur unplus long terme.»

Selon Michel Bloch, du Réseau écolesen santé, la journée organisée à Genèven’est pas restée isolée dans le milieu del’enseignement: «Au contraire, elle aencouragé d’autres établissements àmettre sur pied des événements simi-laires.» Cette manière d’inscrire l’ali-mentation dans la vie quotidienne et lavie scolaire fait naître de nombreux pro-jets de sensibilisation. Quant au CECNicolas-Bouvier, motivé par ce succès, ilenvisage sereinement son adhésion auRéseau des écoles en santé.

■ Colette Gremaud

42➔ ENVIRONNEMENT 1/03 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ

www.

ecol

es-e

n-sa

nte.

chww

w.fo

urch

ette

verte

.ch

www.

radi

x.ch

LIENS

«LES JEUNES SONT INCAPABLES DE DIRE À QUEL

MOMENT DE L’ANNÉE ON CONSOMME LES ALIMENTS.» ][

Le deuxième volet d’un vaste pro-gramme axé sur l’éducation et lasanté vient d’être lancé par l’OfficeFédéral de la Santé Publique (OFSP)

et la Conférence suisse des Directeurscantonaux de l’Instruction Publique(CDIP). Beat Hess, responsable OFSPpour la prévention et la promotionde la santé en milieu scolaire, répondà nos questions:

ENVIRONNEMENT: Quel est le rôle del’OFSP dans ce nouveau programme?Beat Hess: Nous faisons le lien entreles différents thèmes en milieu sco-laire. Le programme Education +santé – Réseau suisse débute cetteannée. Il a trois niveaux. A la base, ily a les écoles. Ensuite les centres decompétences que nous mettons surpied: ils joueront le rôle de relais,fournissant conseils et services – l’en-vironnement pourrait par exemplefaire l’objet l’un de ces centres. Enfin,l’OFSP et la CDIP coordonnent l’en-semble du programme.

Comment faire passer le message?Dans notre façon d’approcher lesthèmes, nous voudrions que l’écoletrouve un profit direct dans notre action. Nous ne voulons pas ajouterun surplus de tâches dans le cahierdes charges des enseignants. Maisapporter un soutien pour améliorer leclimat scolaire. Les répercussions surla santé ne se feront pas attendre.

Aider l’école sans la surcharger

Dolores Ferrari, OFEFP

Éducation à l’environnement

031 323 09 85

fax 031 322 70 54

[email protected]

INFOS

➔ 43ENVIRONNEMENT 1/03 ONLINE

Plan d’action de l’Office fédéral de la santé L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) fait état desprojets en cours et des résultats obtenus avec son pland’action Environnement et santé, promotion d’activités quifavorisent une saine émulation. Des projets en matière d’ha-bitat, d’alimentation et de mobilité sont soutenus dans troisrégions pilotes.

Le site de l’OFEFP/BUWAL sur la protection de l’airEncore en cours d’aménagement pour la version française.On y accède aussi par l’adresse www.umwelt-schweiz.ch/buwal/de/fachgebiete/fg_luft

Santé et écologie dans les écolesLes écoles thurgoviennes (projet pilote OFSP) mettent enœuvre sur le terrain le plan d’action Environnement et santé.Le site propose une vue d’ensemble des projets en cours, avecà la clef divers conseils et des offres de perfectionnement oude formation continue.

Médecins écolosLa section suisse des Médecins en faveur de l’environnement,associée à l’International Society of Doctors for the Environment,met à disposition des informations utiles ainsi que desrecommandations quant aux diverses manifestations organi-sées sur des sujets tels que l’air, le bruit, la mobilité et le géniegénétique. L’organisation faîtière dispose d’un site en anglaissous www.isde.org

Santé de l’homme et environnementLe Centre de recherches allemand GSF étudie l’influence desfacteurs environnementaux portant atteinte à la santé desêtres humains, des organismes et des écosystèmes. Une rubrique présente les constats les plus récents de la recher-che, ainsi que divers services, conseils en écologie et autresmanifestations.

Médecine préventiveOutre des études spécifiques, l’usager trouvera ici des infor-mations et des contacts axés sur la pratique. Avec des con-seils pour le moins utiles à l’intention de personnes souffrantde troubles dus à leur environnement, sans oublier l’offred’expertises juridiques.

L’Union européenne et sa politiqueDonnant une vue d’ensemble de la politique environnemen-tale et sanitaire de l’Union européenne, ce site est tout indi-qué pour les personnes souhaitant en savoir davantage sur lesobjectifs du Comité européen de l’environnement et de lasanté (EEHC).

Effets de la pollution de l’air Spécialistes, étudiants et personnes intéressées peuvent con-sulter à cette adresse les résultats de la recherche ainsi que lesrapports intermédiaires de nouvelles études consacrées àl’influence de la pollution atmosphérique sur la santé. Unebase de données bibliographiques pouvant être consultée enligne permet également d’effectuer ses propres recherches.

L’air que nous respirons est-il pur?Mise en commun des ressources administratives et scienti-fiques en faveur de la protection de l’air. Avec différents lienspermettant de consulter facilement les informations livréespar les stations de mesures cantonales et internationales. Enété, possibilité d’appeler pour connaître le taux d’ozone. Enfin, il est aussi possible de télécharger des documentspédagogiques proposant un certain nombre d’expériences,énoncés et solutions.

Pour un habitat plus sainCe site allemand propose un grand nombre d’informationsvisant à assainir notre cadre de vie avec des conseils et descontacts, par exemple à propos des insecticides dans les tapis,les émanations provenant des peintures, les anciennes con-duites d’eau ou les produits destinés au traitement du bois. Unglossaire explique en outre diverses notions importantes liéesaux sciences naturelles ou à la médecine environnementale.

ONLINEENVIRONNEMENT ET SANTÉ

www.apug.ch (D, I, F)

www.schulnetz.ch/kantone/thurgau/umwelttg/indexr.htm www.unibas.ch/ispmbs/LuG/welcome.html (D, F)

www.aefu.ch (D)

www.wohnen-gesundheit.de/web (D)

www.gsf.de (D, E)

www.die-luft.ch (D, E, F, I)

www.unibas.ch/ispmbs/abteil/d/dtitel1.htm (D, E)

www.eehc.dk (E, D, F)www.buwal.ch/luft/f/index.htm (D,F)

➔ 45ENVIRONNEMENT 1/03 AFFAIRES INTERNATIONALES

Un plan Marshall écologiquepour les pays de l’Est

AIDE ENVIRONNEMENTALE

L’empire soviétique, en s’effondrant, a laissé un désastre écologique, de la Baltique à l’Asie centrale.

Grâce au programme «Un environnement pour l’Europe», l’ancien bloc de l’Est se met peu à peu au

vert. Avant la 5e conférence ministérielle (23–25 mai 2003) à Kiev, ENVIRONNEMENT dresse un bilan

intermédiaire.

A la chute du rideau de fer, en 1989,l’Occident a pu mesurer l’étendue dudésastre écologique qui avait frappél’ancien bloc de l’Est: forêts déciméespar les pluies acides, colonnes de fuméenoire s’élevant de centrales à charbondésuètes, terres arables salinisées, dé-charges de produits toxiques à cielouvert, cours d’eau ressemblant à descloaques, une mer d’Aral à moitié assé-chée ou encore des centrales nucléaires

du même type que celle de Tcherno-byl… bref, l’environnement de la ré-gion affichait une santé chancelante.

L’environnement respire… grâce à la crisePendant les premières années qui ontsuivi 1989, la crise économique a per-mis à la nature de respirer un peu. On afermé des centrales thermiques et rasédes conglomérats industriels entiers. De

nombreux kolkhozes ont renoncé à laproduction agricole. Mais ce répit éco-logique dans certaines régions ne doitrien à une politique environnementaleefficace. Il est le sous-produit d’uneffondrement économique lourd deconséquences sur le plan social.

A l’ère soviétique, on pensait quel’environnement avait la capacité de serégénérer sans cesse et que l’on pouvaitdès lors l’exploiter et le polluer à volon-

seco

Cette centrale d’un chauffage à distance sera assainie avec une aide de la Suisse.

té. Les services étatiques chargés de saprotection manquaient de moyens etn’avaient pas voix au chapitre en matièrede politique économique. Cette si-tuation n’a guère évolué au cours despremières années de la transition.

Naissance du plan d’action La situation en était là lorsque les minis-tres de l’environnement européens sesont réunis en 1991 au château de Do-bris, près de Prague, pour élaborer unesorte de plan Marshall écologique pourl’Europe de l’Est. Ce vent nouveau a don-né des ailes aux délégués à l’environne-ment.

Répondant à l’invitation de la Suisse,les ministres se sont réunis à Lucerne enavril 1993 pour une conférence de suivi,au cours de laquelle ils ont adopté unplan d’action pour l’Europe centrale etde l’Est. C’est ainsi que le programme«Un environnement pour l’Europe» a étémis sur les rails. Un de ses objectifs prin-cipaux: permettre un passage à l’éco-nomie de marché en respectant les prin-cipes de la durabilité. Autrement dit,dans l’esprit du Sommet de la Terre deRio, tenir compte des intérêts économi-ques tout en respectant les besoins éco-logiques et sociaux. Les autorités, maisaussi la population, doivent comprendrequ’une économie florissante et une pro-tection de l’environnement efficace nes’excluent pas; au contraire, elles dépen-dent l’une de l’autre.

46➔ ENVIRONNEMENT 1/03 AFFAIRES INTERNATIONALES

La Suisse joue un rôle actif

Outre son engagement dans l’élaboration de conventions et de rè-glements internationaux, notre pays contribue à améliorer la situationen Europe de l’Est en participant à une foule de projets et à de grosinvestissements bilatéraux. Ceux-ci ne s’inscrivent pas directementdans le cadre du programme «Un environnement pour l’Europe»,mais ils poursuivent les mêmes objectifs. Ainsi, des réseaux d’approvi-sionnement en eau, des stations d’épuration, des centrales électriqueset des systèmes de distribution d’énergie sont construits ou réhabi-lités. La Suisse cofinance par ailleurs des programmes de préservationdes forêts et de la diversité biologique. Souvent, des experts ainsi quedes collaborateurs de la Direction du développement et de la coopé-ration (DDC) et du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) travaillentsur place.

Jusqu’à la fin des années 90, la plupart des projets se concentraientsur l’Europe centrale et du nord-est. En 1998, le Conseil fédéral a décidé de mettre davantage l’accent sur l’Europe du Sud-Est (Bulgarie, Roumanie, Albanie, ex-Yougoslavie), car l’élargissement del’Union européenne à l’Est risque de marginaliser encore plus ces pays.La Confédération a par ailleurs renforcé son engagement dans les paysdu Caucase et d’Asie centrale appartenant à la CEI (Tadjikistan, Ouz-békistan, Kirghizistan et Turkménistan). Ces derniers sont d’ailleursmembres du groupe de vote de la Suisse au sein des organes de laBanque mondiale et du Fond pour l’environnement mondial (GEF).

Dans ces pays, le SECO concentre ses efforts sur des projets visantà développer les infrastructures dans les secteurs de l’eau, des eauxusées et de l’énergie. Par exemple: l’approvisionnement en eau de laville de Karakol au Kirghizistan, la rénovation du chauffage à distancede Buzau et de Pascani en Roumanie et l’approvisionnement en élec-tricité de la région de Gjilani au Kosovo. Pendant ce temps, la DDCs’attache à développer les institutions et à promouvoir des program-mes de formation; ses experts restent en place jusqu’à ce que des spé-cialistes locaux puissent prendre le relais.

Ce couple paysan de Kochkor, région d’Isfara (Kirghizistan), a adhéré à un syndicat des eaux autogéré.

seco

Le programme ne fixe pas de nouvel-les normes. Il vise plutôt à favoriserles réformes politiques pour amélio-rer la qualité de l’environnement, àrenforcer les institutions existantes età en créer de nouvelles. Pour réaliserces objectifs, une task force a été misesur pied au sein de l’OCDE: elle doitintégrer davantage les aspects écolo-giques dans la politique économiqueet approfondir les connaissances engestion de l’environnement. Par ail-leurs, un comité préparatoire auprèsde la Banque européenne de recons-truction et de développement a étéchargé d’ébaucher des contrats d’in-vestissements environnementaux.Enfin, la Commission économiquepour l’Europe de l’ONU (CEE/ONU)devait élaborer des normes environ-nementales et des accords valablespour l’ensemble de l’Europe.

L’Union européenne donne le ton Depuis la rencontre de Lucerne, prèsde dix ans se sont écoulés et des pro-grès ont surtout été réalisés en Europecentrale et du nord-est. Comme lesEtats de cette région se préparent àadhérer à l’Union européenne, ilsdoivent adopter les normes environ-nementales communautaires. Cesprochaines années, ils vont ainsi in-vestir plus de 100 milliards d’eurospour réhabiliter leur économie etleurs infrastructures en les rendantmoins polluantes. La protection de

l’environnement semble donc sur labonne voie, en tout cas dans les payscandidats.

Par conséquent, le programme«Un environnement pour l’Europe»reporte son attention sur les pays quine sont pas près de devenir membresde l’UE, en particulier ceux de l’ex-URSS. Il faut savoir que le risque estgrand de voir les Etats de la CEI etceux d’Europe du Sud-Est, économi-quement mal en point, faire passer lesmesures de protection de l’environ-nement au second plan… voire de lesreporter sine die.

Désamorcer les risques existantsLa situation est donc loin de s’amé-liorer partout en Europe de l’Est. Lacatastrophe écologique de Baia Mare(Roumanie), en janvier 2000, n’a pasmanqué de le rappeler, avec cette pol-lution du Danube causée par des eauxusées contenant du cyanure utilisédans l’extraction d’or. La Hongrie etla Serbie en ont subi les graves con-séquences sans espoir d’être un jourindemnisées.

Rappelant cette catastrophe, ledirecteur de l’OFEFP, Philippe Roch, a convoqué en été 2001 une sessionextraordinaire de la CEE/ONU à

➔ 47ENVIRONNEMENT 1/03 AFFAIRES INTERNATIONALES

Système de distribution de chaleur à Pascani (Roumanie), un bon exemple de renouvellement desinfrastructures.

LA SUISSE APPORTE SON AIDE DANS L’APPROVI-

SIONNEMENT EN EAU, L’ÉPURATION ET LE DOMAINE

ÉNERGÉTIQUE. ][

seco

/Lus

tenb

erge

r

Genève, pour qu’elle règle les questionsde responsabilité dans les cas de pollu-tions transfrontières. La commission amis au point une convention régionalesur l’environnement, dont la signatureest prévue à Kiev en mai prochain. Lespropositions de la Suisse sont par ail-leurs à l’origine d’un protocole addi-tionnel, qui complète les conventions«sur l’impact transfrontière des ac-cidents industriels» et «sur la protec-

tion et l’utilisation des coursd’eau transfrontières et des lacsinternationaux». Selon ce texte,les entreprises industrielles neseront à l’avenir pas seulementresponsables des dégâts engen-drés dans leur pays, mais aussidans les pays voisins. Le proto-cole les contraint à conclureune assurance responsabilitécivile ou à donner des garantiesbancaires permettant de cou-vrir le risque d’un événementdommageable.

Dans l’élaboration des textessur la responsabilité civile des

entreprises, la Suisse a joué le rôle delocomotive. Elle a ainsi confirmé la ré-putation acquise au sein d’autres orga-nismes internationaux: les Suisses sonttrès précis lorsqu’il s’agit de retranscriredes déclarations et des intentions. Ilsmettent le doigt sur les formulationsfloues, demandent des éclaircisse-ments, insistent pour que l’on définissedes sanctions et sont champions pourtrouver des compromis à même de dé-bloquer le débat.

Tout le monde y trouve son compte Après le bouleversement politique de1989, on a vite compris que les problè-mes écologiques à l’Est ne concernentpas seulement les pays situés entre laBaltique et l’Asie centrale. Ils influen-cent aussi la sécurité et la stabilité àl’Ouest. En effet, la pollution et la des-truction de l’environnement engen-drent des tensions sociales; elle ren-forcent la pression migratoire et peuventmême provoquer des conflits inter-nationaux dont les conséquences dé-passent largement les frontières régio-nales. Les efforts pour améliorer lasituation à l’Est servent donc aussi lesintérêts des pays donateurs.

«Le programme ‹Un environnementpour l’Europe› ne se préoccupe pas seulement de sites contaminés. C’estsurtout un effort commun pour un en-vironnement durable», déclare JürgSchneider, des Affaires internationalesde l’OFEFP. «Ce programme, qui tentede remettre sur pied les économies del’Est en intégrant les aspects écolo-giques et sociaux, offre à l’Est et àl’Ouest une chance unique: une vasteexpérience commune au niveau régio-nal, qui renforce leur partenariat.»

■ Hanspeter Bundi

48➔ ENVIRONNEMENT 1/03 AFFAIRES INTERNATIONALES

UN ENVIRONNEMENT EN MAUVAIS

ÉTAT CONSTITUE AUSSI UN RISQUE POUR

LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE.][

Pascani (Roumanie): un chauffe-eau à gaz dépassé, à changer.

www.

deza

.adm

in.c

hww

w.se

co.a

dmin

.ch

www.

unec

e.or

g/en

v/wg

soht

tp://

euro

pa.e

u.in

t/com

m/e

nviro

nmen

t/ind

ex_f

r.htm

LIENS

Jürg Schneider

Affaires internationales, OFEFP

031 322 68 95

fax 031 323 03 49

[email protected]

INFOS

LECTURE

Un environnement pour l’Europe – contribution de

la Suisse; brochure 1998; DIV-1205-F;

OFEFP, Documentation, 3003 Berne;

fax 031 324 02 16;

[email protected], www.buwalshop.ch

➔ 49ENVIRONNEMENT 1/03 DROIT

La solution, c’est la négociation Quand un gros projet est en jeu, promoteurs et défenseurs de l'environnement doivent-ils néces-

sairement s’étriper au tribunal? Pas la peine! L’OFEFP encourage la négociation et propose un mode

d’emploi du consensus: des solutions gagnantes pour l’économie, et pour l’écologie.

Après quinze ans de planificationinfructueuse et le rejet de plusieurs va-riantes, les efforts du groupe Holcimont enfin été couronnés de succès:grâces aux négociations avec les organi-sations environnementales, il ne lui afallu que deux ans pour obtenir l’auto-risation d'agrandir la gravière de sa filia-le ABAG à Kirchberg SG.

Les réserves de la gravière de Wis-graben avaient commencé à s’épuiserdans les années 70. Les exploitants, à larecherche d’un nouveau gisement, enont trouvé un à Riedenboden, sur l’au-tre rive de l’Altbachtobel. Cette rivièretraverse un biotope protégé par le can-ton, et la gravière de Wisgraben est unsite de reproduction de batraciens d’im-portance nationale.

Pour relier le nouveau site d'extrac-tion à l'installation de triage existante,

l’ABAG prévoyait de construire uneroute dans la vallée. Celle-ci devait aus-si permettre aux camions d’éviter leszones habitées. Cependant, la sociétéde protection de la nature de Kirchberget le WWF ont constaté que le dossierprésentait d'importantes lacunes écolo-giques. Ils ont donc fait opposition etdéposé un recours contre l'autorisationd'exploitation et le projet routier. Enoutre, pour des raisons de protectiondes eaux, ils ont combattu un planvisant à transformer la gravière dés-affectée en une décharge mixte.

La négociation plutôt que les tribunauxLes parties ont finalement convenu desuspendre la procédure et de chercherune solution négociée. Elles ont fait ap-pel à un médiateur, qui leur a conseilléd’associer aux discussions les autorités

cantonales et communales. Au début,un seul point faisait l’unanimité: l’uti-lité d’une gravière dans la région deRiedenboden.

Après quatre cycles de négociationset de nombreuses discussions intermé-diaires, des améliorations concrètes etune solution satisfaisante étaient sur latable. Le projet remanié prévoyaitnotamment un tracé routier plus res-pectueux du paysage, qui devait êtrepartiellement remis en état au terme del’exploitation. Au lieu d'être chargé surdes camions, le gravier sera acheminépar tapis roulants jusqu'à l'installationde triage, ce qui permet de protéger larivière. Des mesures de compensationet de remplacement généreuses ont étéconvenues: surfaces de compensationpour le défrichement, revitalisation delisières forestières, plans d’eau perma-

DesA

ir/zV

g Ho

lcim

AG

GRANDS PROJETS

On a passé d’un versant à l’autre de la vallée, depuis la gravière de Wisgraben…

nents ou temporaires pour la reproduc-tion des batraciens. Une fois l’exploi-tation achevée, le site ne servira pas dedécharge mixte, mais sera remis en étatavec des matériaux de comblementnon pollués.

Les résultats des négociations ontété transcrits dans un contrat de droitpublic qui précise en détail l'optimisa-

tion du projet et sa mise en œuvre. Pa-rallèlement, les défenseurs de la naturese sont engagés à retirer leur plainte.Les autorités compétentes ont considé-ré que le contrat faisait partie intégran-te de la nouvelle autorisation d'exploi-tation.

Le droit de recours comme baseCe cas n’est qu’un exemple parmid’autres. En effet, les négociations entremilieux écologiques et promoteurs per-mettent souvent d’aboutir à de meil-leures solutions, aussi bien pour l'en-vironnement que pour l'entreprise.Mais le droit de recours reste une con-dition préalable aux négociations, caril donne aux organisations écologiquesun statut d’interlocuteur sérieux. Sou-vent, les deux parties atteignent plusrapidement leurs objectifs par cettevoie que par une procédure judiciaire àl'issue incertaine. Une évaluation dudroit de recours des défenseurs de l’en-vironnement l’a confirmé: dans denombreux cas, ce droit agit indirecte-ment en encouragent le dialogue et larecherche de véritables solutions deconsensus.

Echecs possiblesBien sûr, les négociations ne permet-tent pas toujours d’aboutir à une solu-tion satisfaisante pour tous. Dans cer-tains cas, les parties frustrées ont reprisle chemin des tribunaux. En analysantces échecs, on constate souvent que lesconditions de bases pour réussir fai-saient défaut. Ou bien que l’on n'a pas

50➔ ENVIRONNEMENT 1/03 DROIT

Points-clés pour le succès

L’OFEFP souhaite optimaliser les négo-ciations entrepreneurs/organisationsécologiques à travers des recomman-dations. Celles-ci comprennent no-tamment les éléments suivants:

• conditions de base pour mener des négociations

• convenir et préparer les règles de discussion

• associer toutes les parties concernées

• définir les exigences posées aux acteurs

• critères à respecter pour assurer lebon déroulement des négociations

• soutien par des tiers • conclusions et confirmation

des résultats• coûts et dédommagement.

Négociations constructivesInformation rapide et confiance mutuel-le sont deux facteurs incontournables,comme l’illustre une comparaison entredeux phases des négociations menéespar Kronospan SA (Menznau) et le WWF.Dans les années 90, cette usine de pan-neaux a réalisé deux projets de réno-vation et d'agrandissement. Lors de lapremière phase, il n’y avait au débutaucun contact entre le maître d’ouvrageet le WWF. Ce dernier ne s'est occupé duprojet qu’au moment de la mise à l’en-quête publique. Et ce n'est qu'après sonrecours que des négociations ont dé-buté. L’atmosphère était tendue mais,peu à peu, un dialogue s'est instauré. Il atout de même fallu trois ans pour abou-tir à un accord.

Le deuxième projet a pu profiter descontacts existants, et le WWF a été in-formé suffisamment tôt. Bien que lesproblèmes à résoudre étaient tout aussicomplexes, les négociations n'ont durécette fois qu'un an et demi. Un premieraccord a permis de confirmer le rôle durecours préventif déposé par le WWF.Après un éclaircissement des questionsen suspens, Kronospan AG s'est engagéà mettre en place un système de gestionenvironnementale qui permettra d’amé-liorer constamment les prestations dansce domaine.

L’usine de panneaux Kronospan, de Menznau LU

➔ 51ENVIRONNEMENT 1/03 DROIT

suffisamment utilisé la possi-bilité de transformer le résul-tat en obligations inscritesdans l'autorisation. Ces diffi-cultés peuvent faire traîner,voire échouer des négocia-tions. Par ailleurs, les entrepre-neurs reprochent régulière-ment aux organisations écolo-giques de faire recours malgréles négociations, afin de con-

server leur droit de regard.

Concertation, mode d’emploiCes problèmes ont aussi été mis en évi-dence lors de l'évaluation du droit derecours. Plusieurs propositions ont étéfaites en vue d’améliorer les conditions-cadre et renforcer les négociations. Encollaboration avec des experts externes,l'OFEFP élabore des recommandationsen la matière – un instrument compara-

ble à la «charte de concertation» con-nue depuis longtemps en France. Cettedernière est considérée par tous commeune sorte de code de déontologie: ellepermet de garantir des conditions opti-males pour la préparation et le déroule-ment des discussions.

Ces recommandations doivent em-pêcher que des négociations n’échou-ent pour des questions formelles ou desmalentendus. Elles aideront aussi à envalider formellement le résultat. Ellespermettront enfin de réduire autantque possible leur durée et leur coût.

Dans ce but, l’OFEFP s'appuie sur desexpériences réussies, qui seront résu-mées et publiées cette année, avec lesrecommandations.

■ Urs Steiger

Reinhard Zweidler

Division Droit, OFEFP

031 322 93 53

fax 031 324 15 69

[email protected]

INFOS

• Evaluation du droit de recours des organisa-

tions de protection de l'environnement; 2000;

Cahiers de l'environnement n° SRU-314-F;

OFEFP, documentation, 3003 Berne; fax

031 324 02 16; [email protected]

www.buwalshop.ch

• Quels sont les effets du droit de recours des

organisations de protection de l'environne-

ment? OFEFP, 2000; DIV-1903-F.

LECTURE

http

://In

fom

edia

tion.

Chww

w.kr

onos

pan.

ch/g

er/in

dex.h

tm

LIENS

… à celle de Riedenboden, Kirchberg SG

DesA

ir/zV

g Ho

lcim

AG

52➔ ENVIRONNEMENT 1/03 PROTECTION DES ESPÈCES

Les longs trajets entre la maison et legagne-pain sont épuisants et consom-ment beaucoup d'énergie. Dans le cas dela HUPPE (Upupa epops), ces mouve-ments pendulaires ont carrément misen danger l’existence de l'espèce enValais.

C'est entre Brigue et Martigny quesubsiste la dernière population notablede cette espèce menacée en Suisse. Lahuppe a essentiellement besoin decourtilières pour se nourrir et d'arbrescreux pour nicher. Dans la vallée duRhône, ces conditions sont réunies –mais pas au même endroit. Dans les

cultures maraîchères et les vergers deplaine, elle trouve suffisamment denourriture, mais les arbres creux fontdéfaut. Sur les coteaux au contraire, despossibilités de nidification existentdans les vieux chênes et les murs depierre sèche, mais le sol trop sec et tropdur ne convient pas à la courtilière.

A cause de la distance entre leszones de chasse et les lieux de nidifi-cation, les oiseaux étaient donc con-traints d'effectuer de longs vols de ra-vitaillement, préjudiciables à l'élevagedes jeunes. C'est ce qu’a constaté l'orni-thologue Raphaël Arlettaz au début des

années 90, après avoir étudié la couvéeet le mode d'alimentation des huppesvalaisannes.

Le problème a été résolu par la posede nichoirs à proximité des terrains dechasse de l'espèce. Très vite, les oiseauxles ont adoptés et le succès de la repro-duction s’est nettement amélioré. Entre1979 et 1992, un couple de huppes réussissait à élever en moyenne 4,8 jeu-nes par saison. Cette moyenne a atteint5,7 en 1998. L'effectif vacillant de l'espèce a ainsi pu se rétablir. Ailleursaussi, les conditions d'existence de lahuppe s'améliorent. Dans le vignoble

La Suisse abrite 200 espèces d'oiseaux nicheurs. Un quart a besoin d’une protection spéciale.

Sur mandat de l'OFEFP, la Station ornithologique suisse de Sempach et l'Association suisse pour la

protection des oiseaux – BirdLife Suisse préparent un vaste paquet de mesures. Dans quelques cas

urgents, l’application a déjà commencé.

PROTECTION DES ESPÈCES

Alai

n Sa

unie

r

La huppe a impérativement besoin d’arbres creux comme le chêne.

Aide d’urgencepour les oiseaux menacés

➔ 53ENVIRONNEMENT 1/03 PROTECTION DES ESPÈCES

lémanique, par exemple, les derniers re-présentants de l'espèce avaient disparudans les années 70. Mais en 1996, DenisLandenbergue entend retentir à nou-veau le chant caractéristique de l'espècedans les vignes de La Côte. Pouvait-onespérer une réinstallation de l'espèce?L'ornithologue décide de suivre l'affairede près. Avec le concours de la presse, illance en 1997 un appel à la population.Il recevra 300 observations. Depuis lors,des ornithologues amateurs recueillentsystématiquement toute indication serapportant à la présence de l'espèce.L'an passé, au moins quatre couples de

huppes ont niché sur La Côte. Ce retourpourrait s’expliquer par un fait nou-veau: les vignes sont plus vertes qu'avant.Jusqu'à ces dernières années en effet, onavait l’habitude de traiter le sol aux her-bicides pour empêcher le développe-ment, entre les ceps, d'une végétationaccusée de voler des ressources nutriti-ves. Aujourd'hui, la viticulture bio et PI(production intégrée) réclame un sol vé-

gétalisé toute l'année. Cette couvertureprévient l'érosion. Elle abrite de nom-breux insectes prédateurs, qui limitentla prolifération des ravageurs et consti-tuent un repas apprécié des oiseaux. Lavégétalisation des vignes est l'un desplus spectaculaires changements dupaysage engendrés par la nouvelle poli-tique agricole. La huppe n'est d’ailleurspas le seul oiseau à en bénéficier.

Son problème à lui, c'est qu'il arrive ré-gulièrement trop tard. L'herbe d'uneprairie grasse et humide doit mesurerau moins 30 cm de hauteur pour que leRÂLE DES GENÊTS (Crex crex) puisses'y installer, parader et édifier son nid.Mais à ce stade, l’herbe est prête pour lefauchage. Le peu de temps qui reste nepermet plus de couver jusqu’au terme.Chez nous, l'espèce était récemmentencore au seuil de la disparition.

Grâce à un programme de BirdLifeSuisse, elle a une chance de survie. Leprojet est basé sur une écoute nocturneeffectuée par des ornithologues béné-voles. Car le râle des genêts chante sur-tout entre 23 heures et 4 heures du ma-tin: une suite monotone de notes nasil-lardes, tellement rude qu'elle écorcheles oreilles à courte distance.

Quand ils constatent quelque partce «tapage nocturne», les observateursinforment BirdLife Suisse. Avec le con-cours des autorités, l'association prendalors contact avec l'agriculteur concer-né et s'efforce de faire repousser la datede fauchage de la zone de nidification.Pour son aide à la sauvegarde de cetteespèce menacée au plan mondial,l'agriculteur reçoit une contribution financière supplémentaire.

Ces dernières années, plusieurs cou-vées ont ainsi pu être menées à bien.L'an passé, 45 mâles «râleurs» ont étérepérés, la plupart en Basse-Engadine.

L’AGRICULTEUR TOUCHE UNE CONTRIBUTION

ÉCOLOGIQUE POUR MAINTENIR LA DIVERSITÉ. ][

Alai

n Sa

unie

r

Un biotope qui convient parfaitement au râle des genêts.Schw

eize

r Vog

elsc

hutz

SVS

, Zür

ich

54➔ ENVIRONNEMENT 1/03 PROTECTION DES ESPÈCES

Jusqu'à la fin des années 1980, les pay-sans de Ramosch (Basse-Engadine) fau-chaient leurs prairies de plaine à finjuin. Aujourd'hui, la première coupeintervient un mois plus tôt. Dans l’agri-culture de montagne aussi, on intensi-fie l’exploitation de l’herbe fourragère.Ce changement a été fatal au TRA-QUET TARIER (Saxicola rubetra, ou tarier des prés).

A cette altitude, la femelle pond sesœufs à fin mai, si bien que les jeunessont aptes au vol entre le 25 juin et le 5 juillet. Si la faucheuse passe avant, lacouvée est perdue. Sur le Plateau, le malest fait depuis longtemps: l'espèce a dis-paru au cours de la seconde moitié du

20e siècle. Une évolution semblable me-nace maintenant l'ensemble des ré-gions de montagne. Sur des surfacesagricoles de Basse-Engadine (commu-nes de Bever, Ramosch et Tschlin) sui-vies depuis plusieurs années, on comp-tait encore 129 couples en 1989. Il n'enreste aujourd'hui que les deux tiers.

Dans cette région, les exploitationsagricoles sont presque toutes biolo-giques. Elles respectent strictement lesdirectives, notamment le pourcentageimposé de surfaces de compensationécologique. Mais apparemment, cela nesuffit pas. Notre oiseau a besoin d'uneaide ciblée pour se maintenir: au moins20% des prairies en culture extensive et

pas de coupe avant le 1er juillet – voirele 15 aux altitudes les plus élevées. Deplus, les surfaces de compensation éco-logique doivent être réparties le mieuxpossible dans la région.

BirdLife Suisse et la Station ornitho-logique de Sempach ont donc lancé unprogramme de soutien à long termepour cet oiseau des prairies. La nouvelleordonnance fédérale sur la qualité éco-logique (OQE) – voir ENVIRONNEMENTn° 4/01 – est arrivée à point nommé:l'aménagement de surfaces écologiquesdans le cadre d'un programme de miseen réseau des biotopes est maintenantspécialement encouragé par la Confé-dération.

Le traquet tarier bénéficie aussi d’un programme de protection.

Actuellement, la liste des espèces prio-ritaires retenues pour le programmede protection comprend 50 noms.Deux critères ont été utilisés pour ef-fectuer ce choix, qui n’a pas été facile: la responsabilité de la Suisse par rap-port aux autres pays, ainsi que le

degré de mise en danger de l’espèceretenue. Sont bien entendu priori-taires les espèces mentionnées dans laListe rouge ainsi que les espèces euro-péennes placées sous la responsabi-lité principale de notre pays, du faitqu’elles s’y reproduisent.

Certaines espèces ne se portent pas simal, mais on ne sait si cela durera. Lesmesures générales prises jusqu’icisemblent suffire à leur préservation,notamment les instruments mis enplace pour assurer le maintien de ladiversité génétique, la protection desbiotopes d’importance nationale ainsique les mesures de compensationécologique dans l’agriculture.

Pour d’autres espèces, il faudra ab-solument des mesures complémen-taires, telles que celles prévues par leprogramme de protection. Aupara-vant, il s’agit de définir les cas urgentset de ficeler le paquet des mesures à prendre. C’est dans ce but quel’OFEFP collabore avec le Centre suissed’ornithologie de Sempach, dans lecadre d’un programme de travail éta-bli sur plusieurs années. La mise enœuvre des mesures sera ensuitel’affaire des partenaires intéressés auniveau des cantons et des communes.

Protection des espèces en Suisse

Alai

n Sa

unie

r

➔ 55ENVIRONNEMENT 1/03 PROTECTION DES ESPÈCES

L'ENGOULEVENT (Caprimulguseuropaeus) est un oiseau insecti-vore qui fascinait déjà les gensdans l'Antiquité. Pline l'Ancien

(mort en 79 après J.-C.) rapportedans son ouvrage Naturalis his-toria que cet oiseau est soupçon-

né de sucer le lait des chèvres durant lanuit (d'où le nom scientifique) et quecela rend les pauvres quadrupèdesaveugles. Sans doute les bergers avaient-ils remarqué que l'engoulevent couvevolontiers dans les forêts pâturées pardes chèvres.

Car celles-ci broutent à ras les végé-taux du sol forestier, le dénudant mêmepar endroits. Comme elles empêchenttoute régénération, leur pacage n'a rien

d'une exploitation durable. Toutefois,pour l'oiseau, l'action des chèvres estidéale. A la manière d'une hirondelle –bien qu'il n'y ait aucune parenté – iltournoie dans les bois clairs et se nour-rit de grands insectes qu'il capture auvol.

Aujourd'hui, la forêt suisse ne luiconvient plus: trop dense, elle manqued'espace pour voler et d'insectes à chas-ser. Chez nous, l'espèce est menacée dedisparition. Les derniers engouleventsvivent en Valais, dans la vallée duRhône, où ils hantent les nuits d'étédans les forêts de chênes et de pins duversant sud.

Un projet a été lancé par la Stationornithologique suisse et le canton du

Valais dans le but d'améliorer ses condi-tions de vie par une gestion appropriéedes forêts (boisements plus clairs, entre-coupés de clairières).

■ Hansjakob Baumgartner

Champion du mimétisme, l’engoulevent ne survit que dans la Vallée du Rhône.

Rolf Anderegg

Secteur Faune sauvage, OFEFP

031 324 78 33

fax 031 334 78 66

[email protected]. ch

www.

bird

life.

chww

w.vo

gelw

arte

.ch

LIENS

INFOS

LECTURE

Prioritäre Vogelarten für Artenförderungspro-

gramme in der Schweiz, Der Ornithologische

Beobachter 99, 301–320 (2002)

René

Pie

re B

ille