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L’art de mener les transitions
Un exemple historique : Louis XV et la responsabilité du leader
Louis XV (1710 – 1774)dit « le Bien Aimé »
Machault d’Arnouville (1701 – 1794)dit « Machault Tête de Fer »
Le vingtième (mai 1749), décidé par Louis XV et Machault,
un impôt révolutionnaire, :
-Par son assiette : la totalité des revenus de la propriété, sans aucune exception pour les ordres privilégiés
- Par sa perception : directement par l’administration royale, sans abonnement ni affermage.
Rendement attendu du vingtième :autour de 60 M de livres par an
« Vers 1750, la nation tout entière (…) souhaitait
des réformes plus que des droits, et, s’il se fût
trouvé alors sur le trône un prince de la taille et de
l’humeur du grand Frédéric, je ne doute point qu’il
n’eût accompli dans la société et dans le
gouvernement plusieurs des plus grands
changements que la Révolution y a faits, non
seulement sans perdre sa couronne, mais en
augmentant beaucoup son pouvoir. On assure que
l’un des plus habiles ministres qu’ait eus Louis XV,
M. de Machault, entrevit cette idée et l’indiqua à son
maître ; mais de telles entreprises ne se conseillent
point : on n’est propre à les accomplir que quand on
a été capable de les concevoir. »
Alexis de Tocqueville
L’Ancien régime et la Révolution
La réforme voulue par le vingtième a échoué. Pouvait-elle réussir ?Ecoutons Tocqueville.
LeadershipDéfinir la voie,
l’indiquer et la tenir
ExécutionChoisir les
exécutants et les soutenir sans faille
LégitimitéIdentifier et
mobiliser son camp
DiscernementDistinguer
l’essentiel de l’accessoire
Les leçons de l’histoire :quatre questions se posent lors d’une transition :
1715Mort deLouis XIV
1774Mort de Louis XV
1789
Régence Louis XV Louis XVILouis XIV
1723
1710 1720 1730 1740 1750 1760 1770 1780 1790
Louis XV / Machault1749 - 1754
Trois tentatives de réforme ont eu lieu à la fin de l’ancien régime :1 – Louis XV / Machault
1715Mort deLouis XIV
1774Mort de Louis XV
1789
Régence Louis XV Louis XVILouis XIV
1723
1710 1720 1730 1740 1750 1760 1770 1780 1790
Louis XV / Maupeou1771 - 1774
Trois tentatives de réforme ont eu lieu à la fin de l’ancien régime :2 – Louis XV / Maupeou
1715Mort deLouis XIV
1774Mort de Louis XV
1789
Régence Louis XV Louis XVILouis XIV
1723
1710 1720 1730 1740 1750 1760 1770 1780 1790
Louis XVI / Turgot1774 - 1776
Trois tentatives de réforme ont eu lieu à la fin de l’ancien régime :3 – Louis XVI / Turgot
« La disgrâce de Turgot »1961
La tentative de Turgot est la plus connue
Celle de Machault est la plus oublié » … alors qu’elle était peut-être la plus proche de réussir.
Le seul ouvrage sur Machault date de 1891
LeadershipDéfinir la voie,
l’indiquer et la tenir
ExécutionChoisir les
exécutants et les soutenir sans faille
LégitimitéIdentifier et
mobiliser son camp
DiscernementDistinguer
l’essentiel de l’accessoire
Quatre questions :
Deux temps : 1)Diagnostic2)Transition
DiagnosticLe notre
L’ « ancien » régime est en réalité un mélange complexe d ’éléments très anciens et d’éléments très modernes.
CHAPITRE IIQue la centralisation administrative est une institution de l’ancien régime, et non pas l’œuvre de la Révolution ni de l’Empire, comme on le dit
CHAPITRE IIIComment ce qu’on appelle aujourd’hui la tutelle administrative est une institution de l’ancien régime
CHAPITRE IVQue la justice administrative et la garantie des fonctionnaires sont des institutions de l’ancien régime
CHAPITRE VComment la centralisation avait pu s’introduire ainsi au milieu des anciens pouvoirs et les supplanter sans les détruire
(…)CHAPITRE VII
Comment une grande révolution administrative avait précédé la révolution politique, et des conséquences que cela eut
1856
Tocqueville a été le premier 0 vraiment analyser ce mélange d’ancien et de nouveau qui fait l’originalité de l’ « ancien régime »
Tocqueville : « je n ’ai point de cause, si ce n’est celle de la liberté et de la dignité humaine »
Tocqueville vu par Daumier
Monarchie féodaleSociété féodale
Première caractéristique : un morcellement extrême du pouvoir politique. Le vrai chef
des hommes est leur seigneur direct, et non pas le roi.
Roi
Ducs
Comtes - Marquis
Vicomtes
Barons - Chevaliers -Ecuyers
Deuxième caractéristique :Une inégalité revendiquée des hommes et des fonctions.
Dieu a créé trois catégories d’hommes, inégales par leur fonction, leurs droits, leurs devoirs :Ceux qui prient - Ceux qui combattent - Ceux qui travaillent
Oratores - Bellatores - Laboratores
La monarchie absolue est au contraire un état moderne :
-Le roi est le chef direct de l’ensemble de la nation.
-Il a rassemblé des territoires et concentré le pouvoir entre ses mains.
- Il est représenté dans tout le royaume par ses fonctionnaires, intendants et subdélégués.
Dieu
Mais l’ancien n’a pas disparu.
D’abord la justification du pouvoir : le roi tient son pouvoir de Dieu
DieuLa noblesse est toujours là.
Elle a perdu l’essentiel de ses pouvoirs, mais occupe toujours les parlements, cours de justice qui enregistrent les lois.
Le pouvoir du roi ne s’exerce pas partout de la même façon. Dans les pays d’état, les états provinciaux gardent un pouvoir de contrôle.
Voir carte page suivante.
Pays d’élection : autorité directe du roi à travers les « élus », en fait nommés par le roi.
Pays d’état : les états provinciaux conservent certains droits, dont celui de consentir à l’impôt.
Pays libre d’imposition : conquêtes les plus récentes, autorité directe du roi à travers les intendants.
Sous Louis XIVL’ « ancien » est très discret : les
parlements ont été réduits au silence, les pays d’états à
l’obéissance
Sous Louis XVL’ « ancien » revient en force,
profitant de la minorité de Louis XV, et de la lassitude du pays face à
l’absolutisme
??
La contestation de l’absolutisme se déroule dans la plus grande confusion. Veut-on aller vers un état résolument moderne ? Ou au contraire revenir vers un passé idéalisé ?
DiagnosticCelui de Louis XV
Loin d’être le « roi fainéant » peint par Lavisse, Louis XV avait une conscience aigüe de quatre problèmes
Lavisse – Cours élémentaire, 1938
Loin d’être le « roi fainéant » peint par Lavisse, Louis XV avait une conscience aigüe de quatre problèmes
1 – Les réalités géopolitiques
Paris
Vienne
Londres
Berlin
Madrid
St Petersbourg
L’Europe au XVIII° s.
La France a des conflits d’intérêt avec les autres monarchies européennes. La guerre est à cette époque un moyen normal de régler les conflits d’intérêt. Elle est pratiquement inévitable.
Cette conception de la guerre est symbolisée par la formule inscrite sur les canons du roi :
Ultima Ratio RegumLe dernier argument du roi
Loin d’être le « roi fainéant » peint par Lavisse, Louis XV avait une conscience aigüe de quatre problèmes
2– L’impasse fiscale
Le budget ne peut être équilibré lorsque les ordres privilégiés échappent très largement à l’impôt.
Loin d’être le « roi fainéant » peint par Lavisse, Louis XV avait une conscience aigüe de quatre problèmes
3 – L’évolution des esprits et la contestation de l’absolutisme
Article « Autorité politique » paru en 1751(rédigé par Diderot)
Aucun homme n'a reçu de la nature le droit decommander aux autres(…)Qu'on examine bien et on (…) fera toujours remonter
[l’origine de l’autorité politique] à l'une de ces deuxsources : ou la force et la violence de celui qui s'en estemparé ; ou le consentement de ceux qui y sont soumispar un contrat fait ou supposé entre eux et celui à qui ilsont déféré l'autorité.
Loin d’être le « roi fainéant » peint par Lavisse, Louis XV avait une conscience aigüe de quatre problèmes
3 – L’évolution des esprits et la contestation de l’absolutisme
Couronnement de Voltaire sur la scène du Théâtre françaisle 30 mars 1778
1750 : Voltaire chez Frédéric II
Louis XIV1° septembre 1715 (à 76 ans)
Louis, le « Grand Dauphin »14 avril 1711 (à 49 ans)
Louis, le « Petit Dauphin »18 février 1712 (à 29 ans)
Louis de France 13 avril 1705 (à 10 mois)
Louis de France8 mars 1712 (à 5 ans)
Louis, duc d’AnjouNé le 15 février 1710
Marie-Adélaïde de Savoie
12 février 1712 (à 26 ans)Mariage :
1697
4 – L’importance de bien choisir son « principal ministre »
Louis XV est l’arrière petit-fils de Louis XIV. En mars 1712 il devient dauphin après la mort des trois
dauphins précédents. Il devient roi à 5 ans.
Loin d’être le « roi fainéant » peint par Lavisse, Louis XV avait une conscience aigüe de quatre problèmes
4 – L’importance de bien choisir son « principal ministre »
Le RégentPhilippe d’Orléans
1715 - 1723
Le cardinal Fleury1726 – 1743
1726 : Fleury a 73 ans1743 : Fleury meurt à 90 ans
Machault d’ArnouvilleDécembre 1745 :
Contrôleur général des FinancesMai 1749 :
Ministre d ’EtatNovembre 1750 :Garde des Sceaux
Louis XV ne gouverne personnellement qu’après la mort de Fleury. Machault, nommé contrôleur général des finances en 1745, gagne progressivement sa confiance.
La transitionLe choix de Machault : celui d’un des meilleurs serviteurs de l’état
1701 - Naissance à Paris
1721 – Conseiller au Parlement de Paris
1728 – Maitre des Requêtes
1743 – Intendant de la province du Hainaut (Valenciennes)
1744 – Rencontre avec le roi
Décembre 1745 - Contrôleur général des finances
19 mai 1749 – Edit de Marly instituant le Vingtième
Novembre 1750 – Machault nommé garde des sceaux
Son surnom : « Machault tête de fer »
Le jugement de son biographe :
« En un mot un grand caractère, plus encore qu’un grandesprit : un homme d’Etat au jugement sûr, à lavolonté ferme, créé pour la lutte ».
Marion (1891)
Edit de Marly (mai 1749)
Le Vingtième, un impôt révolutionnaire :
-Par son assiette : la totalité des revenus de la propriété, sans aucune exception pour les ordres privilégiés
- Par sa perception : directement par l’administration royale, sans abonnement ni affermage.
-Le décret n’a rien d’improvisé : 12 pages !-Voir pages suivantes.
La guerre – éclair de Louis XV et MachaultLe cadre législatif
La guerre – éclair de Louis XV et MachaultLe cadre législatif
La guerre – éclair de Louis XV et MachaultLe cadre législatif
Cette procédure peut laisser penser que le roi fait ce qu’il veut. Il n’en est rien : il y a sur toutes les questions une négociation permanente entre le roi et les parlements.
La guerre – éclair de Louis XV et MachaultUne série de victoires
Mai 1749 - Le vingtième imposé au Parlement de Paris
Octobre 1749 - Le vingtième imposé aux Etats de Bretagne
Février 1750 - Le vingtième imposé aux Etats de Languedoc
Mai 1750 - Ouverture de l’Assemblée générale du clergéForte opposition au vingtième.
Août 1750 - Machault rejette les arguments du clergé
Septembre 1750 - L’assemblée du clergé est exilée
Janvier 1751 - Ouverture de négociations avec le clergé surl’application du vingtième.Fermeté de Machault.
Le clergé contre le vingtième :
On ne peut imposer le 20° "sansrenverser les autels, profaner lareligion, abolir le culte divin oul'avilir, envahir ou dissiper lesbiens des pauvres et les dons dela piété des fidèles"
"Notre conscience et notrehonneur ne nous permettent pasde consentit à voir changer entribut nécessaire ce qui ne peutêtre que l'offrande de notreamour »
La mention finale indique clairement que l’édit a été imposé, immédiatement après
les remontrances du parlement.
La guerre – éclair de Louis XV et MachaultUne série de victoires …
… et une confiance réaffirmée pour Machault
Mai 1749 - Le vingtième imposé au Parlement de Paris14 mai - Machault nommé ministre d’Etat
Octobre 1749 - Le vingtième imposé aux Etats de Bretagne
Février 1750 - Le vingtième imposé aux Etats de Languedoc
Mai 1750 - Ouverture de l’Assemblée générale du clergéForte opposition au vingtième.
Août 1750 - Machault rejette les arguments du clergé
Septembre 1750 - L’assemblée du clergé est exilée
29 novembre 1750 - Machault nommé Garde des Sceaux
Janvier 1751 - Ouverture de négociations avec le clergé surl’application du vingtième.Fermeté de Machault.
1750 Au faîte de son pouvoir et de sa richesse, Machault commence la
construction du château d’Arnouville
L’aile sud
L’orangerie
Machault remodèle Arnouville selon les principes de l’urbanisme moderne. Il relie son château à la route de Compiègne par une voie triomphale.
Arnouville aujourd’hui : la trace de Machault est toujours présente.
LeadershipDéfinir la voie,
l’indiquer et la tenir
ExécutionChoisir les
exécutants et les soutenir sans faille
LégitimitéIdentifier et
mobiliser son camp
DiscernementDistinguer
l’essentiel de l’accessoire
Et pourtant c’est l’échec, officialisé par un édit royal du 23 décembre 1751 :
Louis XV accepte que le clergé soit « abonné » au vingtième, c’est-à-dire qu’il paie un forfait. Donc plus de déclaration de revenus, plus de contrôle … C’était vider complètement de son sens l’impôt du
vingtième.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ? 1) Un manque de discernement
Le billard des luttes religieuses en France au milieu du XVIII° siècle
-Le roi a soustrait l’église de France à l’autorité du pape par l’affirmation du gallicanisme.
-L’affirmation du jansénisme fait planer la menace ‘un nouveau schisme religieux.
- Le roi demande l’aide du pape contre le jansénisme. Il obtient la condamnation du jansénisme par la bulle Unigenitus (1713)
- La lutte contre le jansénisme rapproche le roi des jésuites.
Discernement : quelles sont les priorités ?
Bossuet, évêque de Meaux, auteur de la Déclaration des quatre articles gallicans (1682)
adoptée le 16 mars 1682 par une assembléegénérale extraordinaire du clergé de France.
En fait trois principes :
-Le roi de France n’est pas soumis au pape dans ledomaine temporel.
-L’organisation de l’église de France n’est passoumise au pape (« libertés gallicanes »)
-Pour la doctrine, l’autorité du pape est inférieureà l’autorité des conciles.
1685 : Révocation de l’édit de Nantes
Le jansénisme
« On ne sait pas ce que c’est, mais il est chic d’en parler »Flaubert, Dictionnaire des idées reçues
Le jansénisme au XVII° siècle :Une intense créativité.
Au contraire au XVIII° siècle le jansénisme apparait comme essentiellement politique :
il exprime l’opposition au roi et au pape
Port Royal Blaise Pascal Jean Racine Pierre de Boisguilbert
L’influence de Boisguilbert sur Adam Smith a été analysée dans un article de JC Perrot intitulé
« Le Dieu caché et la main invisible »
Confronté à de multiples oppositions (voir tableau page suivante),
Louis XV a cru habile de desserrer la contrainte en faisant une concessionmajeure au clergé au sujet du vingtième.C’était une lourde erreur.
Scandale de l’Hôpital général (voir page suivante)
L’Hôpital général, contrôlé par des jansénistes, est géré de façonindépendante. Il est chargé d’ « héberger » (en fait enfermer) les errantsdes rues de Paris.On y découvre en 1749 de graves déviations : détournements de fonds,abus sexuels et trafics d’enfants.Lorsque Louis XV veut mettre de l’ordre, il se heurte à la violenteopposition du parlement.
L’affaire survient alors que le roi est discrédité par les rumeurs sur sa vieprivée. En mai 1750, des disparitions d’enfants provoquent de gravesémeutes à Paris. Ce sont les dernières avant la Révolution.
Le vingtième
Enjeu :
La transition vers l’état moderne
L’affaire de l’Hôpital général
Enjeu :
L’autorité de l’état sur l’administration
La bulle Unigenitus
Enjeu :
L’unité religieuse du royaume
Mai 1749 Le 20° imposé au Parlement de Paris 24 mai 1749
La supérieure de l’Hôpital s’enfuit pour
éviter l’arrestation.
20 juin 1749
Refus des derniers sacrements pour
Coffin, recteur de l’université de Paris
12 juillet
Le roi échoue à faire élire une nouvelle
supérieure
22 juillet 1749
Dénonciation par le parlement de Paris
des refus de sacrements.
Oct. 1749 Le 20° imposé aux Etats de Bretagne
Fév. 1750 Le 20° imposé aux Etats de Languedoc
Mai 1750 Mai 1750
Violents émeute de Paris à propos de
l’enlèvement d’enfants
Août 1750 17 août
Rejet par Machault des arguments du
clergé contre le 20°
Sept. 1750 Le 20° imposé à l’Assemblée du clergé
Janv. 1751 Ouverture de négociations avec le clergé
sur l’application du 20°. Fermeté de
Machault
Janvier 1751
Manifestation autour des obsèques de
Coffin (fils)
Mars 1751 Mars 1751
La réforme de l’Hôpital général rejetée par
le Parlement de Paris
Eté 1751 Eté 1751
Le Parlement refuse d’enregistrer un
emprunt
Nov. 1751 Novembre 1751
Grève du Parlement de Paris
Déc.1751 23 décembre 1751
Capitulation de Louis XV face au clergé :
l’ordre échappera au 20°
Printemps
1752
Avril 1752 :
Le Parlement s’oppose à l’archevêque et
au roi autour des « billets de
confession ».
LeadershipDéfinir la voie,
l’indiquer et la tenir
ExécutionChoisir les
exécutants et les soutenir sans faille
LégitimitéIdentifier et
mobiliser son camp
DiscernementDistinguer
l’essentiel de l’accessoire
Et pourtant l’échec, officialisé par un édit royal du 23 décembre 1751.Qu’est-ce qui n’a pas marché ? 2) Une légitimité négligée
Un Etat est aussi bien gouverné que la faiblesse humainepeut le permettre, quand les tributs sont levés avecproportion, quand un ordre de l’Etat n’est pas favoriséaux dépens d’un autre, quand on contribue aux chargespubliques, non selon sa qualité, mais selon son revenu ;et c’est ce qu’un tribut tel que le vingtième de tous lesbiens opère. (…)
Ce ne sont point les impôts qui affaiblissent une nation ;c’est ou la manière de les percevoir, ou le mauvais usagequ’on en fait. Mais si le roi se sert de cet argent pouracquitter des dettes, pour établir une marine, pourembellir la capitale, pour achever le Louvre, pourperfectionner ces grands chemins qui font l’admirationdes étrangers, pour soutenir les manufactures et lesbeaux-arts, en un mot, pour encourager de tous côtésl’industrie, il faut avouer qu’un tel impôt, qui paraît unmal à quelques-uns, aura produit un très grand bien àtout le monde. Le peuple le plus heureux est celui quipaie le plus et qui travaille le plus, quand il paie ettravaille pour lui-même.
Voltaire - Lettre sur le vingtième (16 mai 1749)
Louis XV ne s’est pas soucié de rallier l’opinion au projet du vingtième.L’intervention de Voltaire montre quand même qu’il y avait des choses à dire …
LeadershipDéfinir la voie,
l’indiquer et la tenir
ExécutionChoisir les
exécutants et les soutenir sans faille
LégitimitéIdentifier et
mobiliser son camp
DiscernementDistinguer
l’essentiel de l’accessoire
Et pourtant l’échec, officialisé par un édit royal du 23 décembre 1751.Qu’est-ce qui n’a pas marché ? 3) Une défaillance du leadership
1723Louis XV (13 ans),
et sa fiancée l’Infante d’Espagne (5 ans)
Louis XV et les femmesLouis XV n’est pas plus débauché que ses ancêtres, louis XIV et Henri IV. Mais surtout il ne l’assume pas et culpabilise.
Hanté par le péché, la crainte de la colère de Dieu, il est très sensible, surtout lorsqu’il est malade, aux pressions du parti dévot qui soutient les revendications du clergé.
1725Louis XV, à 15 ans, épouse Marie Leczinska et lui fait 10 enfants en 12 ans.
Louis XV et les femmes
1733Après la naissance de son 6° enfant, Louis XV commence sa collection de maitresses avec les quatre sœurs Nesle.
Louis XV et les femmes
Louise Julie Pauline Félicité
Diane-Adélaïde Marie-Anne
Louis XV et les femmes
1744 – Les « scènes de Metz » conduisent au départ de Marie-Anne du Mailly Nesle, marquise de Châteauroux … et à la construction du Panthéon : Louis XV, très malade, fait
le vœu s’il guérit de construire une église sur la montagne Sainte Geneviève.
Jeanne Poisson (1721 – 1764)Marquise de Pompadour
Maitresse en titre depuis 1745.
La relation devient assez vite platonique, mais Louis XV garde Mme de Pompadour jusqu’à sa mort comme favorite, amie fidèle et conseillère.
Louis XV et les femmes
Louis XV et les femmes
1752Marie-Louise O’Murphy, à 15 ans, peinte
par François Boucher.
Elle est l’une des pensionnaires du « Parc aux Cerfs » qui héberge les jeunes
maitresses du roi. C’est Mme de Pompadour qui se charge
du recrutement.
Rendement réel du vingtième :autour de 20 M de livres par an(au lieu des 60 attendus)
Résultat final de la capitulation du 23 décembre 1751 : l’échec du vingtième.L’impôt ne rapporte que le tiers de ce qui était attendu. Il ne règle pas le problème du
déficit. Il n’a pas porté atteinte aux privilèges.
Résultat à long terme :
C’est pour régler le problème du déficit que sont convoqués les Etats généraux de 1789.
Il en sort la Révolution.
L’une des premières décisions de la Révolution est l’abolition complète des privilèges (nuit du 4 août 1789)
Une autre voie possible ?Mirabeau cité par Tocqueville dans « L’Ancien régime et la Révolution »
Moins d’un an après que la Révolution était commencée,
Mirabeau écrivait secrètement au roi : « Comparez le nouvel
état des choses avec l’ancien régime ; c’est là que naissent les
consolations et les espérances. Une partie des actes de
l’assemblée nationale, et c’est la plus considérable, est
évidemment favorable au gouvernement monarchique. N’est-
ce donc rien que d’être sans parlement, sans pays d’états, sans
corps de clergé, de privilégiés, de noblesse ? L’idée de ne
former qu’une seule classe de citoyens aurait plu à Richelieu :
cette surface égale facilite l’exercice du pouvoir. Plusieurs
règnes d’un gouvernement absolu n’auraient pas fait autant
que cette seule année de Révolution pour l’autorité royale. »
C’était comprendre la Révolution en homme capable de la
conduire.
Et Machault ?
Ayant échoué à la fin de 1751, il se serait sans doute grandi en démissionnant.Il reste pourtant, pour finalement être congédié en 1757.Ayant perdu une partie de ses revenus, il ne peut achever le châteaud’Arnouville. Ci-dessus l’état actuel de la façade : il en manque la moitié.
Pendant la Révolution Machault est arrêté parce que ses enfants ont émigré.Il meurt en prison en 1794, à 93 ans. Son corps n’a jamais été retrouvé.