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Dilatation et contraintes thermiques dans les solides : application aux bilames Présentation d’une expérience par Jean-Pierre MICHEL Institut Jean Lamour (SI2M) (UMR CNRS-Nancy Université n° 7198) École des Mines - 54042 Nancy Cedex [email protected] et Gilbert PITONE Delta Concept - 38360 Sassenage [email protected] RÉSUMÉ Cet article est consacré à la dilatation thermique linéaire des solides au voisinage de la température ambiante. Après une présentation de ses caractéristiques et de ses ordres de grandeur pour l’ensemble des matériaux, on considère les effets mécaniques de cette propriété. Il est montré que les contraintes créées peuvent être néfastes et conduire à la ruine d’objets, mais également qu’elles peuvent être utilisées, grâce aux bilames métal- liques. La fabrication, les caractéristiques et les nombreuses applications de ces compo- sants sont présentées. Une expérience spectaculaire, tout en étant simple à réaliser, sur l’effet de la dilatation thermique est décrite. INTRODUCTION La dilatation thermique des solides est un phénomène général, certes peu visible, mais aux conséquences importantes. Dans une première partie, nous rappellerons les rela- tions entre le coefficient de dilatation linéaire, la température absolue de fusion et surtout le module d’Young en montrant les différences de comportement suivant les classes de matériaux. Dans la deuxième partie, nous calculerons les contraintes mécaniques induites par une variation de température et leurs effets sur le flambage des métaux et la rupture des corps fragiles. Ensuite, nous considérerons les bilames des deux types existants : à déflexion lente et à retournement brusque. Nous décrirons leurs caractéristiques et leurs utilisations, dont une expérience de cours illustrant la dilatation thermique. 1. GÉNÉRALITÉS 1.1. Comportement général Les solides se dilatent au chauffage et se contractent de façon inverse au cours de Vol. 106 - Janvier 2012 Jean-Pierre MICHEL et Gilbert PITONE 77 Enseignement expérimental UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE

UN IO D ESPRF HY Q T C M l a t ... · 2017. 1. 31. · Institut Jean Lamour (SI2M) (UMR CNRS-Nancy Université n° 7198) École des Mines - 54042 Nancy Cedex [email protected]

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Dilatation et contraintes thermiques dans les solides :

application aux bilamesPrésentation d’une expérience

par Jean-Pierre MICHEL

Institut Jean Lamour (SI2M) (UMR CNRS-Nancy Université n° 7198)École des Mines - 54042 Nancy Cedex

[email protected]

et Gilbert PITONE

Delta Concept - 38360 [email protected]

RÉSUMÉ

Cet article est consacré à la dilatation thermique linéaire des solides au voisinagede la température ambiante. Après une présentation de ses caractéristiques et de ses ordresde grandeur pour l’ensemble des matériaux, on considère les effets mécaniques de cettepropriété. Il est montré que les contraintes créées peuvent être néfastes et conduire à laruine d’objets, mais également qu’elles peuvent être utilisées, grâce aux bilames métal-liques. La fabrication, les caractéristiques et les nombreuses applications de ces compo-sants sont présentées. Une expérience spectaculaire, tout en étant simple à réaliser, surl’effet de la dilatation thermique est décrite.

INTRODUCTION

La dilatation thermique des solides est un phénomène général, certes peu visible,mais aux conséquences importantes. Dans une première partie, nous rappellerons les rela-tions entre le coefficient de dilatation linéaire, la température absolue de fusion et surtoutle module d’Young en montrant les différences de comportement suivant les classes dematériaux. Dans la deuxième partie, nous calculerons les contraintes mécaniques induitespar une variation de température et leurs effets sur le flambage des métaux et la rupturedes corps fragiles. Ensuite, nous considérerons les bilames des deux types existants : àdéflexion lente et à retournement brusque. Nous décrirons leurs caractéristiques et leursutilisations, dont une expérience de cours illustrant la dilatation thermique.

1. GÉNÉRALITÉS

1.1. Comportement général

Les solides se dilatent au chauffage et se contractent de façon inverse au cours de

Vol. 106 - Janvier 2012 Jean-Pierre MICHEL et Gilbert PITONE

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leur refroidissement. Considérons la dimension d’un objet à la température ;

augmentons sa température de dT, s’accroît de dL tel que :

(1)

où est le coefficient de dilatation linéaire du matériau à . Il est normalement positif

et s’exprime en . Il dépend faiblement de la température si bien que pour des calculsd’ordre de grandeur, dans un domaine allant de la température ambiante à quelquescentaines de degrés, on peut utiliser une valeur constante moyenne. Ainsi de 20 à 400 °C,

de l’alumine passe de 5,4 à 8,2 (valeurs moyennes, [1]) puis croît lentement

jusqu’à atteindre 11,0 à 1 600 °C. De 20 à 400 °C, celui de l’acier passe de 11,2

à 15,8 et reste ensuite pratiquement constant jusqu’au changement de phase à912 °C [2a, 3].

est une caractéristique du matériau considéré. À l’intérieur d’une même classe,par exemple les métaux, il varie peu, mais lors du passage à une autre classe, céramiquesou polymères, sa valeur change de plusieurs ordres de grandeur.

D’une façon générale, varie en sens inverse de la température absolue de fusion(en K) :

(2)

où est la constante de Grüneisen qui varie entre 0,4 et 4 mais est souvent compriseentre 1 et 2 pour la plupart des solides.

La physique du solide fournit une autre relation :

(3)

est la masse volumique ;

C est la chaleur massique ;E le module d’Young (Pa).

Le produit est la chaleur massique par unité de volume ; elle varie peupour l’ensemble des solides d’où la variation en sens inverse de et E.

Sur la carte de la figure 1 sont portés les couples des solides à la température

ambiante [4]. Pour des raisons de lisibilité, les points ne sont pas représentés, mais seule-ment leurs enveloppes qui sont de deux types :– des bulles en trait fin qui contiennent les points d’une catégorie. Ainsi la bulle « Al »

est l’enveloppe schématique des points représentatifs de l’aluminium et de ses alliagesusuels ;

– des bulles en trait gras qui sont les enveloppes des classes de matériaux, par exempleles polymères techniques.

L0

T0

L0

LdL dT0

a=

a T0

K– 1

a 10 K6– – 1

10 K6– – 1

10 K6– – 1

a

aTf

/100 TG f

.a c

Gc

C/3EG

.a c t

t kg m– 3$_ iJ kg K– 1 – 1$ $_ i

C CV

$t =

a

E,a_ i

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Figure 1 : Carte : Coefficient de dilatation linéaire-Module d’Young pour les solides à la température am -

biante [4]. E est exprimé en GPa . Les échelles sont logarithmiques. Les droites en pointillé pour

lesquelles le produit est constant seront discutées à la partie 2.(Figure reproduite avec l’aimable autorisation des éditions Dunod).

En accord avec (3), les corps les plus rigides (fort E) tels que les céramiques sontceux qui se dilatent le moins. À l’opposé, les plus flexibles (faible E), les élastomères ontle plus fort . On observe que la silice vitreuse ou amorphe se dilate anormalement peu,de même que les Invars dont le cas sera discuté ultérieurement.

La dilatation thermique est un phénomène peu visible directement (par exempleentre un hiver à – 20 °C et un été à + 30 °C, la tour Eiffel ne s’allonge que de 17 cm).En revanche, si l’on empêche cette expansion, il en résulte des contraintes mécaniquesimportantes pouvant conduire à la ruine du matériau ; ce point sera développé dans ladeuxième partie.

1.2. Comportements particuliers

Nous ne nous intéresserons qu’aux températures supérieures à l’ambiante. Considé-rons trois cas typiques : les cristaux, les matériaux présentant un changement de phaseset les Invars.

10 Pa9_ iE$a

a

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1.2.1. Cristaux

Les cristaux sont par nature anisotropes donc dépend de la direction. Dansquelques cas, nous observons même des valeurs négatives. C’est le cas de la calcite à

40 °C. Sa structure est rhomboédrique ; suivant les axes 1 et 2, ;

par contre . Son volume augmente donc tout à fait normalement avec latempérature [6].

1.2.2. Changements de phase

Un exemple bien connu est le passage du fer , de structure cubique centrée,compacité 0,68, en fer , cubique à faces centrées, plus dense, compacité 0,74, à 912 °C.Il en résulte une contraction brutale à cette température alors que, de part et d’autre, lescoefficients de dilatation de chacune des phases ont un comportement normal positif. Cetype d’anomalie est mis à profit en métallurgie par des expériences de dilatométrie afinde détecter les changements de phases.

1.2.3. Les Invars [7-8]

Le premier Invar fut découvert par Charles-Edouard GUILLAUME en 1896. Des mesuresde coefficient de dilatation sur des alliages fer nickel montraient pour certaines compo-sitions des valeurs anormalement basses, différentes de celles que l’on pouvait attendrede la loi des mélanges. Le minimum de a été observé pour Fe-36 %Ni (en masse) quifut appelé « Invar » pour cette raison. Il était inférieur à celui de l’alliage Pt-10 %Ir

( [3]) utilisé pour le mètre étalon de l’époque et son coût était bienmoindre. Malheureusement, en raison de la diffusion des atomes de carbone résiduel età leur précipitation en carbure de fer , les règles en Invar s’allongeaient légèrementau cours du temps à la température ambiante. Aujourd’hui, on sait abaisser la teneur enC et fixer cette impureté en ajoutant du chrome. GUILLAUME obtint le prix Nobel en 1920pour cette invention ; il reste le seul métallurgiste à avoir reçu cette distinction. La faible

valeur de est surtout observée à faible température, sur l’intervalle20-200 °C. Elle est expliquée par la superposition d’une dilatation thermique normale etd’une contraction due à une magnétostriction volumique. Il était très difficile de mesurerun coefficient aussi faible avec un dispositif expérimental constitué de matériaux beau-coup plus dilatables. Pierre CHEVENARD (1888-1960) créa la dilatométrie différentielle quicompare la dilatation de l’Invar à celle d’un matériau dont le coefficient est parfaitementconnu dans le domaine de température étudié. Actuellement, ce principe expérimental estencore utilisé.

De par son inoxydabilité et sa faible dilatation entraînant une résistance aux cyclesthermiques comme il sera vu ci-dessous, l’Invar est principalement utilisé pour réaliser lescuves de méthaniers qui transportent le gaz naturel liquide à – 163 °C.

De nos jours, nous parlons plutôt des Invars, car on fabrique des alliages Fe-Ni de

a

7,410 K– 6 – 1a=

Fe C3

a 0,810 K– 6 – 1a=

a

a

-5,610 K1 2

– 6 – 1a a= =

2510 K3

– 6 – 1a =

ac

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diverses compositions dont on sait ajuster la valeur de aux applications voulues.

2. CONTRAINTES THERMIQUES

Pour évaluer au mieux les effets mécaniques créés ou subis par les matériaux, onutilise la notion de contrainte qui est la force par unité de surface, elle est homogène à

une pression. On l’exprime généralement en MPa pour des raisons de commo-

dité. Intéressons-nous aux contraintes générées dans une tige cylindrique de longueur

et de section (cf. figure 2) en butée à ses deux extrémités. Appliquons le principe desuperposition : supposons d’abord que l’on augmente sa température d’un degré et qu’elles’allonge librement :

Figure 2 : Contraintes thermiques longitudinales dans une tige. La tige s’allonge d’abord librement sousl’effet d’une augmentation de température d’un degré puis on applique une force de compression F pourla ramener à sa longueur initiale .

Appliquons maintenant une force de compression axiale pour ramener la longueurà . D’après la loi de Hooke de l’élasticité :

(4)

(on néglige la variation de la section) :

(5)

La contrainte créée par degré d’élévation de température est ainsi proportionnelle auproduit du coefficient de dilatation par le module d’Young. On a pu remarquer sur lafigure 1 les lignes-guides en pointillés qui sont des droites d’égale contrainte , doncd’égale sensibilité aux contraintes thermiques.

Dans le cas d’un acier ordinaire, . Sachant que sa limite d’élas-ticité est de l’ordre de 200 MPa, il faudrait une variation de 100 °C pour atteindre laplasticité et déformer la tige de façon irréversible.

Remarques :® De 20 à 100 °C, augmente un peu et E diminue de 210 à 200 GPa [2b] ; l’élévation

de température calculée garde donc son ordre de grandeur.

a

10 Pa6_ iLo

So

L/LoaD =

Lo

Lo

F/So

v=

E L/Lo

v D=

Ev a=

E$a

E 2MPa K– 1$ $a =

ev

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® Dès l’apparition de la plasticité, la loi de Hooke ne s’applique plus.

Pour un objet élancé, tel qu’une tige, en compression, la plasticité n’est pas la pre -mière cause de ruine. C’est le flambage (cf. figure 3) qui n’existe que pour ce type desollicitation et, en particulier, jamais en traction. D’après la théorie d’Euler [4], la contraintede ruine est :

�(6)

(7)

Figure 3 : Flambage d’une tige élancée soumise à une force de compression : a) la force F est faible, ona juste une compression élastique invisible ; b) la force atteint la valeur critique , la ruine de la

tige par flambage se produit.

Elle n’est plus seulement fonction du matériau, mais aussi de sa forme, par son élan-

cement où est son rayon .

Ainsi une tige d’acier de et est détruite par flambage pour un

de 34 °C. Pendant la canicule d’août 2003, dans les Vosges, des rails du TER se sonttordus par flambage sur une centaine de mètres sous une exposition en plein soleil.

D’après le cahier des charges, ce type de matériel devait supporter un de 60 °C. Ilest donc nécessaire de prévoir des joints de dilatation suffisants pour les ouvrages d’art(cf. figure 4, page ci-contre), ou, si possible, diminuer .

Considérons maintenant une plaque rectangulaire dont on augmente la températurede un degré en bloquant ses quatre faces latérales. La loi de Hooke appliquée suivant lestrois directions de l’espace donne une contrainte suivant les deux directions bridées:

(8)

où est le coefficient de Poisson qui vaut 0,3 pour la plupart des matériaux (suivant lesdeux surfaces libres, la contrainte est, bien sûr, nulle).

® De la même façon, pour un parallélépipède bloqué suivant ses six faces :

(9)

On vérifie sur les trois cas ci-dessus que moins le matériau a de degrés de libertépour son expansion, plus les contraintes thermiques pour la même élévation de tempéra-ture sont élevées.

Pour les matériaux fragiles (céramiques, verres, aciers durs), les contraintes ther-miques peuvent conduire à de la fissuration (c’est le cas de la glace [5]) ou directement

E S /Lf o o

2v r=

E/2 2r m=

F Sf f ov=

,314r=_ iR0

L /Ro 0

m=

R 3 mm0=L 1m

o=

TD

TD

E/ 1-v a o= _ io

E/ 1-2v a o= _ i

Lo

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a)

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à la rupture. C’est ce qui se produit particulièrement pour les matériaux isolants ther-miques. Ainsi un verre de qualité ordinaire à 0 °C dans lequel on verse de l’eau à 100 °Cvoit sa couche interne atteindre rapidement une température élevée alors que la coucheexterne reste à sa température initiale. Schématisons le verre par deux couches :– la couche interne qui tend à se dilater, mais qui, contrariée par la couche externe, est dans

un état de compression biaxiale du type de celui décrit par la relation (8) ;– la couche externe qui est dans un état de traction biaxiale.

Les verres, comme toutes les céramiques sont beaucoup plus résistants en compressionqu’en traction, c’est donc dans la partie extérieure du verre que se développeront les fis -sures conduisant à la rupture. La même expérience réalisée avec un verre pyrex est sansconséquence. La résistance à la propagation des fissures (ou ténacité) et le module

d’Young sont les mêmes (respectivement 0,75 MPa [6] et 70 GPa [9]) pour ces deux

qualités de verre). Seul le coefficient de dilatation diffère : 9 à pour le

m

9,5 10 K– 6 – 1$

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Figure 4 : Partie d’un joint de dilatation entre deux portions d’une route (sa longueur totale qui est lalargeur de la route est 10,5 m). La partie gauche est l’extrémité d’un pont en béton et celle de droitecorrespond à la terre ferme. Il y a un joint identique à l’autre bout du pont de longueur 621 m. Ce ponttraverse la vallée de la Moselle à Fontenoy-sur-Moselle (Meurthe-et-Moselle). Comme le tablier est situédans l’air il subit des variations de température plus importantes que la route située sur le sol d’où lanécessité des joints. Photographie des auteurs.

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verre et 3,3 à pour le pyrex [1, 4, 6, 10]. C’est donc lui le responsable dela différence de résistance aux chocs thermiques.

3. BILAMES THERMOSTATIQUES [8, 11]

3.1. Généralités

Un bilame est constitué de deux bandes de métaux différents, liées sur toute leursurface par colaminage à la température ambiante ou à chaud (cf. figure 5). Les coeffi-cients de dilatation sont différents. Sous l’effet d’une variation de température, la diffé-rence des allongements entre les deux faces induit une courbure du bilame.

Figure 5 : Rouleaux de bilames après laminage. Les largeurs sont variables entre 5 et 50 mm, l’épaisseurentre 0,1 et 1 mm ; les longueurs varient selon les équipements industriels de déroulement des bobines(diamètre extérieur standard : entre 500 et 700 mm).

Les changements de température sont soit extérieurs : ambiance environnante oueffet Joule d’un fil enroulé autour de lui, soit internes, le bilame étant en série dans uncircuit électrique, et c’est l’effet Joule du bilame, lui-même conducteur électrique, quiproduit l’échauffement.

On se limite aux métaux comme matériaux des bilames à cause de leur facilité d’as-semblage, de leurs bonnes conductivités électrique et thermique permettant le passage du

4,610 K– 6 – 1

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courant et une rapide homogénéisation thermique. Les alliages les moins dilatables ouconstituants passifs sont les Invars et les plus dilatables, constituants actifs, des alliages

Fe-Ni-Mn et Fe-Ni-Cr . Suivant leur mode de fonctionnement, on

distingue les bilames à déflexion lente et les bilames à retournement brusque.

3.2. Bilames à déflexion lente

Leur élévation de température produit une déformation lente et monotone. Ils sonttrès souvent rectangulaires, lorsqu’ils sont utilisés dans les thermostats de régulation oudans les micro-disjoncteurs tels que ceux du tableau électrique de notre habitation (cf.figure 6).

Figure 6 : Coupe d’un micro-disjoncteur de tableau électrique domestique. Le bilame est repéré par 1(le schéma de principe et la description du fonctionnement sont décrits à la référence [7]).

Dans ce cas, une extrémité est fixe, et c’est l’autre extrémité, mobile, qui est action-neur d’un contact électrique ou interrupteur elle-même.

Ils sont également enroulés en spirale, lorsqu’ils sont utilisés en thermomètres àaiguille (cf. ligne 4 du tableau donné en annexe).

Ils peuvent être en forme de disque (ligne 5 du tableau donné en annexe) et utiliséscomme actionneurs de coulisseau dans un tube de régulation de débit de fluide (cf. figure 7,page ci-après).

Leurs formes et leur comportement simples permettent le calcul de leur déflexion etde la force qu’ils peuvent exercer en fonction de l’écart de température (cf. annexe).

20 10 K– 6 – 1$a=_ i

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3.3. Bilames à retournement brusque(également appelés « bilames cloquants »)

À un moment de leur changement de température, ils ont un comportement brusquesemblable à une catastrophe au sens mathématique. Ils sont souvent circulaires et emboutisen forme de calotte sphérique ou d’assiette à fond plat et utilisés dans les thermostats desécurité thermique, comme actionneurs d’interrupteurs électriques. Ils peuvent aussi êtrerectangulaires ou de forme quelconque (cf. figure 8).

Figure 8 : Exemples de bilames à déflexion brusque ou cloquants.Photos Delta Concept.

Un emboutissage par poinçon sphérique ou plat, judicieusement dimensionné etpositionné sur le bilame, permet de lui donner sa forme et de le rendre « cloquant », avecune hystérésis définie. Le comportement d’un bilame cloquant au cours d’un cycle ther-mique est décrit à la figure 9.

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Figure 7 : Ensemble de bilames à déflexion lente (le métal le plus dilatable est représenté en vert) action-nant un coulisseau régulant le débit de fluides froid et chaud. Dans ce cas, c’est le centre des disques quiest actionneur ; dans d’autres cas, ça peut être la périphérie. Pour cette application, quatre disques sontempilés tête-bêche afin d’augmenter la course de déplacement linéaire.

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Figure 9 : Cycle de fonctionnement d’un disque à retournement brusque [7]. Les parties active et passivedu bilame sont représentées respectivement en vert et blanc.Figure reproduite avec l’aimable autorisation de Technique et Documentation.

À la température ambiante , la courbure est vers le haut, notée négativement .Le constituant actif constitue la couche supérieure. Au chauffage, le rayon de courbureaugmente (de O à I) et à la température on observe un retournement brusque (de I à J),la courbure devenant positive. Ensuite, le comportement est normal jusqu’à U. Au refroi-dissement, le phénomène inverse se produit avec une hystérésis et un retournement brus -que entre K et L, à la température . Ces disques se prêtent mal aux calculs. Dans la

pratique, le rapport du diamètre D sur l’épaisseur s varie entre 60 et 150 et de 1,4à 4 [8].

Les caractéristiques techniques générales de ces bilames cloquants sont les suivantes(données fournies par Delta Concept) :

® Toutes formes géométriques de 5 à 50 mm de largeur ou de diamètre.

® Températures de fonctionnement de 0 à 200 °C, tolérance ± 5 °C.

® Hystérésis de largeur 15 à 20 °C (ce qui constitue l’écart entre le déclenchement et leréarmement automatique).

Durée de vie : plusieurs centaines de milliers de cycles

Pour satisfaire des exigences plus spécialisées, l’industrie sait fabriquer des bilames

-H0

T0

T2

T1

H /s0

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aux caractéristiques suivantes (Delta Concept) :

® Températures de fonctionnement de – 45 °C à 450 °C (voire 700 °C avec des alliagestrès spéciaux).

® Hystérésis étroite (5 à 6 °C) (réarmement automatique) ou très large : température dedéclenchement positive, et température de retour de l’ordre de – 40 °C, ce qui obligeà réarmer manuellement (dans la mesure où la température ambiante est toujours supé-rieure à – 40 °C).

3.3.1. Exemples d’applications

On retrouve des boîtiers contenant un bilame cloquant, entre autres, sous le capot desvoitures et dans les appareils électroménagers (cf. figure 10). Ils sont commercialisés sousle nom d’interrupteurs thermiques ou de commutateurs thermostatiques (quatre euros en -viron). On peut aussi facilement en récupérer un dans une cafetière électrique usagéedont on extrait le bilame en forme de calotte sphérique sans trou. Il permet de réaliserune expérience amusante (cf. figure 11, page ci-contre).

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Figure 10 : Deux exemples d’application des bilames à retournement brusque (Documents internet) :a) Thermocontact de ventilateur de moteur automobile ; b) Thermostat de cafetière électrique.

a) b)

3.3.2. Expérience

Le bilame circulaire est chauffé (cf. figure 11, page ci-contre) jusqu’à entendre le« clic » caractéristique du basculement de concavité. Posé alors sur une surface dure, enposition de courbure positive (cas U de la figure 9), il se refroidit en quelques secondeset, au retournement, saute d’une hauteur de 45 cm environ.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient Cornelia MONTAUZÉ, Sylviane TRANCHANT et Thierry UMORET

pour leur aide précieuse.

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BIBLIOGRAPHIE

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Vol. 106 - Janvier 2012 Jean-Pierre MICHEL et Gilbert PITONE

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Figure 11 : Chauffage du bilame.Photographie des auteurs

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Dilatation et contraintes thermiques dans les solides… Le Bup n° 940

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Jean-Pierre MICHELProfesseur émériteÉcole des MinesNancy (Meurthe-et-Moselle)Université de Lorraine

Gilbert PITONEChef d’entrepriseDelta ConceptSassenage (Isère)http://www.delta-concept.fr

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AnnexeFormules relatives aux bilames de forme simple à déflexion lente

Ce tableau donne des relations approchées, mais suffisantes avant la réalisation d’unproduit et ses essais, pour :

® déflexion libre spatiale A (mm) ou angulaire (degrés) ;® force nécessaire P (N) pour annuler la déflexion que devrait créer une variation de

température (K) ;

® force maximale (N) possible sans que le bilame ne se déforme de façon défini-tive.

Symboles utilisés

® (écart de température) (K) ;® L (longueur), B (largeur), s (épaisseur), D (diamètre extérieur), d (diamètre intérieur)

(mm) ;

® (contrainte maximale permise, limite d’élasticité du constituant faible, 150 envi -ron) (MPa) ;

® E (module d’Young) (MPa) ;

® n (nombre de disques en positions opposées ou tête-bêche), m (nombre de disquesdans le même sens).

Note : Dans la pratique, on introduit, a, la déflexion spécifique (en ) :

(A1)

Avec : coefficient de dilatation ;

: module d’Young ;: épaisseur du composant i (i = 1, composant passif, i = 2, composant actif) ;

: épaisseur totale du bilame.

D’après des calculs d’Arcelormittal Imphy et réf. [11].

i

TD

Pmax

TD

ev

K– 1

a43

14E s E s s

E s - E s

-

1 1 2 2

2

1 1

2

2 2

2

2 1

2

a a=

+_ i

ia

Ei

si

s s s1 2= +

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