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70 jours dans l’enfer de la mine Cristina L’Homme

Un livre émouvant sur les mineurs chiliens

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En août dernier, la terre chilienne emprisonne dans ses entrailles 33 hommes, 33 mineurs qui vont vivre l’enfer, pendant 70 jours. A l‘extérieur, les familles vivent elles aussi un calvaire, sont "otages de la mine". La journaliste franco-chilienne Cristina L'Homme, présente sur place aux côtés des familles, a rapporté les témoignages poignants de trois femmes dans un livre, "70 jours dans l’enfer de la mine".

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70 jours dans l’enfer de la mine

Cristina L’Homme

Calage : ce logo inclut 5 mm de fond perdu qui doivent passer sous le trait de coupe.

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Avant de leur donner la parole

Otages de la mine

Mónica, Verónica et Maritza avaient, pour deux d’entre elles, leur mari, et pour la dernière son père, parmi les trente-trois mineurs qui sont sortis vivants de la mine San José près de Copiapó, au nord du Chili le 13 octobre. Ils ont survécu 70 jours à 700 m sous terre tandis qu’à la surface, ces femmes tour à tour se rongeaient les sangs, s’organisaient, reprenaient espoir puis exultaient les yeux rivés sur le trou d’accès. Des sœurs, mères, filles, épouses, maîtresses accourues là depuis la première heure. Parce qu’elles savaient ce que la mine vous enlève quand elle s’écroule. Elles savaient qu’elle est à la fois leur mère nourricière et leur pire ennemie. Elle donne et prend. Comme un être vivant.Pendant plusieurs semaines, j’ai parlé avec ces femmes, partagé leur quotidien, leurs angoisses, leur immense joie au premier signe de vie remonté de la mine le 22 août, puis l’attente, l’atroce show médiatique où le camp des familles n’était plus qu’un vaste champ de foire. J’ai eu la chance d’être là très tôt lorsque la foule des journalistes internationaux n’avait

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Soixante-dix jourS danS l’enfer de la mine

pas encore commencé le siège pour assister à l’événement de l’année : la sortie du ventre de la terre des trente-trois mineurs.L’Église a fait office de sésame pour entrer en contact avec ces femmes, gagner leur confiance. Mon appartenance aux deux cultures, la française et la chilienne, m’a aussi aidée à entrer davantage dans leur langage, leurs hésitations, leurs colères et, peu à peu, à suivre le fil de leur drame. Celui-là ne se signale que par le nombre de vies qu’il met en danger et, par voie de conséquence, la mobilisation internationale qui l’entoure. Autrement, il est courant par ici d’être fille, puis épouse, puis mère de mineur… et les accidents (du moins dans les mines dites de petite et moyenne importance, car ailleurs la sécurité est puissamment renforcée) y sont fréquents. C’est justement cette réalité de tous les jours qui nous intéressait, nous autres Occidentaux, à qui le mot mine n’évoque qu’un métier d’un autre âge, définitivement révolu.Pendant plus de deux mois, la mine San José a fait partie du quotidien de ces femmes. Elle n’a pas été pour elles une « actualité », contrairement à ce que pouvaient y voir tant d’autres, observateurs, journalistes, voire simples spectateurs de ce terrible événement : c’est que la vie d’un proche était en jeu. La vie d’un être aimé, qui se trouve exercer le métier de mineur.Trente-trois mineurs étaient bloqués sous terre depuis deux mois. Trente-trois hommes avec leur histoire particulière. Trente-trois paires d’yeux qui scrutaient un petit trou dans

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Soixante-dix jourS danS l’enfer de la mine

le plafond de leur caverne. Qui y cherchaient la lumière dont chaque être humain a besoin pour vivre.Ce livre, qui commence le jour de leur disparition, raconte l’horreur du doute et le quotidien de l’attente des proches. L’espoir et le désespoir de ces femmes, mais surtout leur force, leur foi, la dignité dont elles ont fait preuve, unanimement, des personnes qu’on aurait pu s’attendre à trouver différentes, quel que soit leur milieu social, leur niveau d’éducation.Avec ce côté dur et tranchant mâtiné d’une infinie tendresse que donne souvent aux riches natures une vie qui ne les a pas gâtées, ces trois femmes m’ont ouvert leur cœur. Un cadeau. Elles m’ont non seulement parlé de ce qu’elles ont ressenti en apprenant la catastrophe, mais encore raconté ce que pouvait être leur attente de femme, leur quotidien, leur monde, ce que vivent les gens de la mine aujourd’hui. Elles se sont racontées elles-mêmes, surtout, en disant ce que signifie la condition de femme ou de fille de mineur à Copiapó, ville minière du désert chilien.Mónica, trente-trois ans, est l’épouse de Florencio Ávalos, un mineur déjà installé dans le métier, qu’on surnomme el

capatáz (le contremaître) ; Maritza, vingt-trois ans, est la fille de Victor Segovia, « l’écrivain », un homme qui a parcouru tous les échelons de la carrière sans avoir aucun bagage scolaire ; quant à Verónica, la Bolivienne de vingt et un ans et l’épouse de Carlos Mamani, elle porte un vivant témoignage sur sa situation d’immigrée amérindienne dans ce Chili où ni l’indianité, ni ses droits ne sont vraiment respectés.

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SOIXANTE -DIX JOURS DAN S L’ENFER DE LA MINE

Trois femmes, trois destins, trois milieux sociaux très di�érents.