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Un pas vers un développement durable ? Rapport fédéral sur le développement durable 2002 Task force développement durable

Un Pas Vers Un Developpement Durable

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  • Un pas vers undveloppement

    durable ?

    Rapport fdral sur ledveloppement durable 2002

    Task force dveloppement durable

  • Le Bureau fdral du PlanLe Bureau fdral du Plan (BfP) est un organisme dintrt public.

    Le BfP ralise des tudes sur les questions de politique conomique, so-cio-conomique et environnementale. A cette fin, le BfP rassemble etanalyse des donnes, explore les volutions plausibles, identifie des al-ternatives, value les consquences des politiques et formule despropositions. Son expertise scientifique est mise la disposition du gou-vernement, du parlement, des interlocuteurs sociaux, ainsi que desinstitutions nationales et internationales.

    Le BfP assure ses travaux une large diffusion. Les rsultats de ses re-cherches sont ports la connaissance de la collectivit et contribuentau dbat dmocratique.

    En vertu de la loi du 5 mai 1997 relative la coordination de la politiquefdrale de dveloppement durable, le Bureau fdral du Plan est chargde la rdaction du Rapport fdral sur le dveloppement durable et de laprparation de lavant-projet du Plan fdral de dveloppement durable.La Task Force Dveloppement durable constitue le groupe qui, sous la di-rection et la responsabilit du BfP excute cette mission depuis janvier1998.

    Les membres de la Task Force Dveloppement durable ayant particip la ralisation du rapport fdral au cours des annes 2001 et 2002 sont:Thomas Bernheim, Hadelin de Beer de Laer, Katrien Debeuckelaere(2001), Pieter Dresselaers, Jean-Maurice Frre, NadineGouze (coordinatrice), Johan Pauwels (2002), Philippe Tulkens (2002),Sophie van den Berghe (2001), Denis Van Eeckhout, Willem Thomas VanIerland (2001), Sylvie Varlez, Natacha Zuinen.

    Le secrtariat a t assur successivement par Nathacha Quinet, ValrieMoreaux et Nathalie Fostier. Chantal Vandevoorde, Christelle Castelain,Alfons Arijs, et Eric Janssens ont particip la traduction, Adinda DeSaeger la mise en page. La socit Aanzet/Making Magazines a mis enpage les graphiques et les tableaux et cr les pictogrammes.

    InternetURL: http://www.plan.be

    E-mail: [email protected]

    Reproduction autorise, sauf des fins commerciales, moyennant men-tion de la source.

    Editeur responsable: Henri BogaertDpt lgal: D/2002/7433/36

  • Rapport fdral de dveloppement durable

    Table des Matires

    Avant-propos 1

    1 Opportunits et problmes de dveloppement 3

    1.1 Dveloppement 3

    1.1.1 Opportunits et problmes de dveloppement 3

    1.1.2 Systme socital, capitaux et composantes du dveloppement 6

    1.1.3 Rponses dune socit aux tendances du dveloppement 7

    1.2 Dveloppement durable 9

    1.2.1 Interaction des capitaux et des composantes du dveloppement 10

    1.2.2 Finalits ou objectifs ultimes de dveloppement durable 12

    1.2.3 Principes de dveloppement durable 13

    1.2.4 Politiques publiques de dveloppement durable 18

    1.2.5 Politiques publiques et stratgies de dveloppement durable 19

    1.2.6 Stratgie fdrale belge de dveloppement durable 22

    1.2.7 Modles de dveloppement durable 24

    1.3 Dix problmatiques de dveloppement durable 25

    1.3.1 Stratgies de production des entreprises 27

    1.3.2 Financement thique des entreprises 28

    1.3.3 conomie sociale 30

    1.3.4 Utilisation des technologies de l'information et de la communication 31

    1.3.5 Pche et diversit biologique en milieu marin 33

    1.3.6 Utilisation des plantes gntiquement modifies 34

    1.3.7 Production et consommation dnergie 36

    1.3.8 Mobilit et transport des personnes 37

    1.3.9 Sant au travail 38

    1.3.10 Consommation de tabac 40

    1.4 Synthse 41

    2 Indicateurs pour un dveloppement durable 43

    2.1 Mthodologie 43

    2.2 Pressions 47

    2.2.1 Production et consommation dnergie: volution dans le monde 48

    2.2.2 Consommation et production dnergie, mobilit et transport des personnes: relation avec le PIB en Belgique 50

  • Table des Matires

    2.2.3 Mobilit et transport des personnes: ingalits sociales et environnementales en Belgique 54

    2.2.4 Consommation de tabac: volution en Belgique et dans le monde 56

    2.2.5 Pche et diversit biologique en milieu marin: volution en mer du Nord et dans le monde 58

    2.2.6 Utilisation de plantes gntiquement modifies: volution en Belgique et dans le monde 60

    2.2.7 Utilisation des technologies de linformation et de la communication: volution en Europe et dans le monde 62

    2.3 tat des stocks de capitaux 65

    2.3.1 Atmosphre: volution des concentrations de gaz effet de serre et rchauffement climatique dans le monde 66

    2.3.2 Atmosphre: volution des concentrations de prcurseurs dozone et pics dozone en Belgique 68

    2.3.3 Biodiversit: espces menaces en Belgique et dans les pays de lOCDE 70

    2.3.4 Sant: volution de lesprance de vie en Belgique et dans le monde 72

    2.3.5 Sant: volution des maladies respiratoires en Belgique 74

    2.3.6 Sant au travail: volution des maladieset des dcs lis lamiante en Belgique 76

    2.3.7 Pauvret: volution des aspects lis aux revenus en Belgique et dans le monde 78

    2.3.8 Pauvret: volution de diffrentes situations dexclusion en Belgique 80

    2.3.9 Capital physique: volution du stock dquipements et dinfrastructure en Belgique 82

    2.4 Les rponses de la socit 85

    2.4.1 Financement thique des entreprises: volution en Belgique et en Europe 86

    2.4.2 Stratgies de production des entreprises: prise en compte de lenvironnement dans ces stratgies en Belgique et en Europe 88

    2.4.3 conomie sociale:place de lconomie sociale dinsertion en Belgique 90

    2.5 Synthse 92

    3 Politique fdrale de dveloppement durable 95

    3.1 Prsence du dveloppement durable dans les notes de politique gnrale entre 1998 et 2002 96

    3.1.1 Mthodologie 963.1.1.1 Question 963.1.1.2 Contexte 963.1.1.3 Sources 963.1.1.4 Mthode 983.1.1.5 Influences indpendantes du dveloppement durable 98

    3.1.2 valuation selon cinq principes de dveloppement durable 993.1.2.1 Responsabilit 993.1.2.2 Double quit 993.1.2.3 Intgration 100

  • Table des Matires

    3.1.2.4 Prcaution 1013.1.2.5 Participation 101

    3.1.3 Influence du Plan fdral de dveloppement durable 101

    3.1.4 Conclusion 102

    3.2 Objectifs politiques pour les dix problmatiques 103

    3.2.1 Mthode d'valuation 1033.2.1.1 valuation des objectifs 1033.2.1.2 Documents politiques examins 103

    3.2.2 Objectifs politiques fdraux et supranationaux pour chaque problmatique 1043.2.2.1 Stratgies de production des entreprises 1043.2.2.2 Financement thique des entreprises 1053.2.2.3 conomie sociale 1053.2.2.4 Utilisation des technologies de l'information

    et de la communication 1063.2.2.5 Pche et diversit biologique en milieu marin 1063.2.2.6 Utilisation de plantes gntiquement modifies 1073.2.2.7 Production et consommation d'nergie 1073.2.2.8 Mobilit et transport des personnes 1083.2.2.9 Sant au travail 1083.2.2.10 Consommation de tabac 109

    3.2.3 valuation des objectifs politiques fdraux 1093.2.3.1 Cohrence entre les niveaux et les domaines politiques 1093.2.3.2 Tensions et conflits 1103.2.3.3 Nombreuses priorits 111

    3.2.4 Conclusion 112

    3.3 valuation des processus politiques sur base de onze tudes de cas 112

    3.3.1 Mthodologie 1123.3.1.1 Question 1123.3.1.2 Contexte 1123.3.1.3 Sources 1143.3.1.4 Mthode 114

    3.3.2 Prsentation des tudes de cas 1143.3.2.1 Prparation d'une politique intgre de produits 1143.3.2.2 Dialogue sur l'conomie sociale 1163.3.2.3 Certificats d'lectricit verte ngociables 1193.3.2.4 Dsignation d'aires marines protges 1223.3.2.5 Information relative aux substances et prparations

    en matire de scurit et de sant des travailleurs 1243.3.2.6 Incitants fiscaux pour un transport moins polluant 1263.3.2.7 Label pour une production socialement responsable 1283.3.2.8 Accs public Internet 1313.3.2.9 Interdiction de la publicit pour le tabac 1333.3.2.10 Rglementation de la dissmination

    d'organismes gntiquement modifis 1353.3.2.11 Inventaire des missions de gaz effet de serre 137

    3.3.3 valuation des politiques menes dans les tudes de cas daprs cinq principes de dveloppement durable 1393.3.3.1 Problmes rencontrs lors de ltape de prparation 1393.3.3.2 Problmes rencontrs lors de ltape de dcision 1413.3.3.3 Problmes rencontrs lors de ltape dexcution 1423.3.3.4 Solutions trouves dans les tudes de cas 144

    3.4 Synthse 146

    3.4.1 Processus politique 146

    3.4.2 Cinq principes de dveloppement durable 147

  • Table des Matires

    4 Prospective pour un dveloppement durable 149

    4.1 Approche plurielle dun dveloppement durable 149

    4.1.1 Incertitudes, perception des risqueset perspectives fondant l'action 149

    4.1.2 lments pour construire les visions du monde 1514.1.2.1 Utilisation du modle triangulaire 1514.1.2.2 Substitutions entre stocks de capital 1524.1.2.3 Gestion des stocks de capital 153

    4.1.3 Description des trois visions du monde 153

    4.1.4 Traduction des visions du monde en visions politiques 155

    4.1.5 Dterminants: bras de levier pour les politiques 1564.1.5.1 Dterminants conomiques 1574.1.5.2 Dterminants technologiques et scientifiques 1574.1.5.3 Dterminants gographiques 1584.1.5.4 Dterminants psychosociaux 1584.1.5.5 Dterminants sociaux 1594.1.5.6 Dterminants institutionnels 159

    4.2 laboration des trois visions du monde 160

    4.2.1 Vision du monde "Utiliser" 1604.2.1.1 Description gnrale 1604.2.1.2 Application aux problmatiques 1614.2.1.3 Dans quelle mesure les 5 principes de dveloppement

    durable sont-ils pris en compte dans la vision du monde "Utiliser" ? 163

    4.2.2 Vision du monde "Grer" 1644.2.2.1 Description gnrale 1644.2.2.2 Application aux problmatiques 1644.2.2.3 Dans quelle mesure les 5 principes de dveloppement

    durable sont-ils pris en compte dans la vision du monde "Grer" ? 166

    4.2.3 Vision du monde "Transformer" 1664.2.3.1 Description gnrale 1664.2.3.2 Application aux problmatiques 1674.2.3.3 Dans quelle mesure les 5 principes de dveloppement

    durable sont-ils pris en compte dans la vision du monde "Transformer" ? 169

    4.3 laboration des visions politiques: 3 scnarios 170

    4.3.1 Scnario pour la vision politique "Utiliser" 1704.3.1.1 Stratgies de production des entreprises 1714.3.1.2 Pche et biodiversit en milieu marin 1724.3.1.3 Utilisation de plantes gntiquement modifies 1734.3.1.4 Production et consommation d'nergie 1734.3.1.5 Sant au travail 1754.3.1.6 Utilisation des technologies de l'information

    et de la communication 1754.3.1.7 Financement thique des entreprises 1764.3.1.8 conomie sociale 1774.3.1.9 Mobilit et transport des personnes 1784.3.1.10 La consommation de tabac 179

    4.3.2 Scnario pour la vision politique "Grer" 1794.3.2.1 Stratgies de production des entreprises 1804.3.2.2 Pche et biodiversit en milieu marin 1814.3.2.3 Utilisation des organismes gntiquement modifis 1824.3.2.4 Production et consommation dnergie 1824.3.2.5 Sant au travail 183

  • Table des Matires

    4.3.2.6 Utilisation des technologies de linformation et de la communication 184

    4.3.2.7 Financement thique des entreprises 1844.3.2.8 conomie sociale 1854.3.2.9 Mobilit et transport de personnes 1864.3.2.10 Consommation de tabac 187

    4.3.3 Scnario pour la vision politique "Transformer" 1884.3.3.1 Stratgie de production des entreprises 1884.3.3.2 Pche et biodiversit en milieu marin 1904.3.3.3 Utilisation des organismes gntiquement modifis 1904.3.3.4 Production et consommation dnergie 1914.3.3.5 Sant au travail 1924.3.3.6 Utilisation des technologies de linformation

    et de la communication 1934.3.3.7 Financement thique des entreprises 1934.3.3.8 conomie sociale 1954.3.3.9 Transport et mobilit des personnes 1954.3.3.10 Consommation de tabac 196

    4.3.4 Dans quelle vision politique situer les tudes de cas ? 1974.3.4.1 tudes de cas et vision politique "Grer" 1994.3.4.2 tude de cas et vision politique "Transformer" 200

    4.4 Synthse 200

    5 Un pas vers un dveloppement durable ? 203

    5.1 De la responsabilit mondiale la responsabilit fdrale 204

    5.1.1 Responsabilit politique des membres du gouvernement 204

    5.1.2 Responsabilit des dpartements 206

    5.2 Vision long terme 206

    5.2.1 Recensement des objectifs ultimes et traduction en objectifs intermdiaires 207

    5.2.2 Adquation entre objectifs et moyens 208

    5.2.3 Apprentissage de la dcision long terme 209

    5.3 Intgration 210

    5.3.1 Objectifs et mise en uvre des politiques 210

    5.3.2 Intgration des composantes 212

    5.3.3 Intgration sur le plan mthodologique 213

    5.4 Reconnaissance des incertitudes scientifiques 214

    5.4.1 Reconnaissance des incertitudes scientifiques 214

    5.4.2 Outils dobjectivation des risques 215

    5.4.3 Renforcement de la base scientifique des dcisions 216

    5.5 Approche participative 217

    5.5.1 Mise en cohrence des avis et reprsentations des grands groupes sociaux 217

    5.5.2 Efforts dinformation 217

    5.5.3 Dimension participative dans le processus dcisionnel 218

  • Table des Matires

    5.6 Un pas vers un dveloppement durable ? 219

    5.6.1 De la responsabilit mondiale la responsabilit fdrale 219

    5.6.2 Vision long terme 220

    5.6.3 Intgration 220

    5.6.4 Reconnaissance des incertitudes scientifiques 221

    5.6.5 Approche participative 222

    Annexe: liste des sigles utiliss dans le rapport 223

  • Rapport fdral de dveloppement durable

    1

    Avant-propos

    Le deuxime Rapport fdral sur le dveloppement durable reprend la questionpose en 1999 dans le premier Rapport: "la Belgique est-elle sur la voie dundveloppement durable?". Ce Rapport y rpond pour la priode 1998-2001 enexaminant plus prcisment dix questions ou problmatiques de dveloppe-ment. Il concrtise ainsi la notion de dveloppement durable. Ces dix questionsportent non seulement sur des problmes rsoudre mais aussi sur des oppor-tunits saisir pour raliser un dveloppement durable. Est-il, par exemple,possible de continuer pcher tout en prservant la diversit biologique ?Comment faire en sorte que laccs aux technologies de linformation et de lacommunication aide les gens sortir dune situation de pauvret ? Les strat-gies de production des entreprises peuvent-elles amliorer simultanmentleurs performances sociales, environnementales et conomiques ? Le Rapportmontre lintrt de lapproche du dveloppement durable pour traiter de tellesquestions en faisant intervenir simultanment plusieurs disciplines scientifi-ques (sciences de la nature, sociologie, conomie). Il peut aider les dcideurs,que ce soit ceux de la socit civile ou du monde politique, laborer des r-ponses ces dfis.

    Le lecteur peut utiliser le Rapport dau moins trois faons diffrentes:

    pour mieux connatre la situation, la politique et la prospective enmatire de dveloppement durable - comme le prescrit la loi du 5 mai97 relative la coordination de la politique fdrale de dveloppementdurable;

    pour relier lune ou lautre des dix questions traites dans le Rapport un dveloppement durable;

    pour disposer dun cadre mthodologique permettant de relier dautresquestions un dveloppement durable.

    La premire partie du Rapport rappelle les notions de base du dveloppement(voir 1.1) puis dun dveloppement durable (voir 1.2). Elle situe aussi dans lecadre du dveloppement durable les dix problmatiques choisies (voir 1.3).Dans ses trois parties centrales (parties 2, 3 et 4), le Rapport remplit les troismissions qui lui sont attribues par la loi. La partie 2 traite la situation existanten Belgique, en relation avec les dveloppements au plan international. Un ta-bleau dindicateurs pour un dveloppement durable prsente les pressions(voir 2.2), l'tat des ressources (voir 2.3) et les rponses de la socit (voir2.4). La partie 3 est consacre la politique mene en matire de dveloppe-ment durable partir de mi-1998. Elle ltudie sous trois angles diffrents: lesprincipes ou valeurs (voir 3.1) les objectifs (voir 3.2) et les processus de d-cision (voir 3.3). La partie 4 trace les dveloppements prvisibles selon que lespolitiques actuelles sont inchanges ou changes suivant des hypothses per-

  • Avant-propos

    2

    tinentes pour un dveloppement durable. La prsentation de trois scnariosdavenir (voir 4.2) est suivie de celle des politiques et mesures possibles (voir4.3). La partie 5 traduit la matire du Rapport en une srie de conclusions con-cises et orientes vers laction.

    Llaboration dun tel rapport implique certains choix dans ltendue de la ma-tire couverte. La politique fdrale de dveloppement durable tant, pardfinition, trs englobante, aucun rapport ne parviendrait couvrir tous sesthmes et toutes les dcisions prises ou envisages sur chaque thme. Le choixdes dix problmatiques a t guid par des critres dordre institutionnel ettechniques (voir 1.1.1). En outre, des choix mthodologiques ont dtermin laprofondeur de la recherche mene dans chaque partie du Rapport (voir 2.1,3.1.1, 3.2.1, 3.3.1 et 4.1).

    Les Rapports fdraux sur le dveloppement durable ont lambition dtre lafois fonds sur le plan scientifique et utiles la politique fdrale de dvelop-pement durable. Ils apportent une information sur la vie en socit, sur lepass et le prsent ainsi que sur diffrentes visions davenir. Ces rapports etleurs rsums excutifs sont donc des documents de rfrence pour tout dbatentre les autorits publiques et la socit civile relatif au dveloppement dura-ble. Ils sadressent tant aux reprsentants du monde politique (gouvernement,parlement, partis politiques) qu ceux de la socit civile (grands groupes so-ciaux, conseils consultatifs), aux services publics belges et internationaux etaux mdias. Le contenu de ces rapports est videmment aussi destin au grandpublic, chacun tant concern par le dveloppement durable. Un effort particu-lier a donc t fait pour que ce second Rapport puisse jouer un rle desensibilisation auprs de ce public. Une brochure est disponible qui permet denassurer la publicit la plus large. Les versions lectroniques de cette brochureet des rapports fdraux sont accessibles sur www.plan.be/fr/theme/sustdev.

    Conformment la loi programme du 30 dcembre 2001, ce Rapport a t r-dig pour le 31 dcembre 2002. Il a t ralis par la Task force dveloppementdurable du Bureau fdral du plan. Les auteurs ont bnfici des informationset conseils de leurs collgues, tant lintrieur qu lextrieur du Bureau fd-ral du plan. Les diffrentes parties de ce Rapport ont t soumises la relecturede nombreuses personnes, issues pour la plupart de la communaut scientifi-que et des pouvoirs publics belges et internationaux, en particulier desadministrations principalement concernes par les sujets traits. Ont ainsi con-tribu amliorer les mthodologies, les connaissances relatives auxproblmatiques et la lisibilit du Rapport: Ioannis Atanasiou, Tim Benijts, San-dra Greeuw, Steve Jacob, Erik Laes, Pieter Leroy, Herwig Peeters, MichelPettiaux, Pascale Morand, Claude Rolin, Jan Rotmans, Sbastien Storme, PierreValette, Marjolein van Asselt, Frdric Varone, Jo Versteven.

    Le Bureau fdral du plan remercie tous ceux qui ont collabor llaborationdu Rapport. Il assume naturellement, dans cette entreprise, toute la responsa-bilit des ventuelles erreurs ou imperfections lies au fait que ce Rapporttraverse les frontires entre disciplines scientifiques et terrains politiques. Lesauteurs accepteront avec gratitude toute remarque et suggestion relatives leur approche. Ils esprent aussi que ce Rapport sera largement utilis et pour-ra contribuer aider la Belgique fdrale faire un pas supplmentaire dans lavoie dun dveloppement durable.

    Henri Bogaert

  • Rapport fdral de dveloppement durable

    3

    1 Opportunits et problmes de dveloppement

    Les trois chapitres de cette premire partie sont consacrs respectivement audveloppement, au dveloppement durable et aux problmatiques de dvelop-pement durable. Le chapitre 1.1 prsente dix questions de dveloppement dontles rponses semblent aujourdhui particulirement difficiles trouver. Elles po-sent en effet autant de problmes quelles noffrent dopportunits nouvelles audveloppement de la socit. Le chapitre 1.2 prsente ensuite lapproche dudveloppement durable pour rsoudre de telles questions. Le chapitre 1.3 ex-plique comment chacune dentre elles peut concerner les objectifs dundveloppement durable. Il montre comment lapplication de principes de dve-loppement durable permet de prendre des dcisions concernant les aspectsproblmatiques de ces questions.

    1.1 Dveloppement

    Aprs avoir rappel la dfinition du concept de dveloppement adopte dans lepremier Rapport fdral, ce chapitre prsente la dizaine de questions de dve-loppement sur laquelle est cibl ce deuxime Rapport (voir 1.1.1). Chacune deces questions touche diffrents aspects de la vie en socit. Chacune permetde concrtiser les notions de capital et de composante conomique, sociale etenvironnementale du dveloppement (voir 1.1.2). Ces dix questions concer-nent un large ventail de secteurs diffrents. Elles contiennent chacunecertaines opportunits mais aussi certains problmes de dveloppement.

    Pour rpondre de telles questions, il faut disposer dinstitutions capables deprendre des dcisions relatives ces opportunits et ces problmes(voir 1.1.3). Cest le chapitre 1.2 qui examinera sous quelles conditions ces r-ponses peuvent ventuellement tre "durables". Ce chapitre-ci se limite rappeler quel est le cadre gnral du dveloppement dune socit. Il ne traitedonc pas encore des finalits et contraintes spcifiques dun dveloppementdurable.

    1.1.1 Opportunits et problmes de dveloppement

    Le premier Rapport fdral sur le dveloppement durable dfinit le dveloppe-ment dune socit comme suit: "le dveloppement dune socit est latransformation de ses conditions de vie en interaction avec ses possibilits dedcision et daction, notamment politiques"1.

    1. Task force dveloppement durable (1999). Rapport fdral sur le dveloppement durable. Sur la voie dun dveloppement durable ? Bruxelles: Bureau fdral du plan. p. 27.

  • Dveloppement

    4

    Ce deuxime Rapport reprend cette approche et met laccent sur:

    le fait que les questions de dveloppement ne concernent pas seule-ment les pays pauvres mais bien tous les pays y compris ceux dits"dvelopps";

    les possibilits quont les "acteurs" dorienter le dveloppement dunesocit vers des objectifs prcis au moyen de leurs dcisions et autresactions;

    le besoin de connaissances en gnral et de sciences en particulier(autant de sciences humaines que de sciences exactes et naturelles),pour mieux dfinir ces possibilits dorientation du dveloppement;

    les leviers que peuvent utiliser les "dcideurs" en agissant sur les"dterminants" qui exercent une influence sur les objectifs poursuivis;

    la notion de "progrs" qui oriente le dveloppement vers la ralisationde certains "objectifs ultimes", trs long terme;

    la possibilit de tracer la voie vers ces objectifs ultimes en adoptant des"objectifs intermdiaires" court ou moyen terme.

    Les dix questions de dveloppement traites dans ce rapport sont numresau tableau 1.1 ci-contre. Elles sont gnralement considres soit comme co-nomiques (par exemple: nergie, transports, entreprises), soit comme sociales(par exemple: sant, pauvret, exclusion), soit comme environnementales(par exemple: diversit biologique, changements climatiques). Elles peuventen effet tre relies, deux par deux, aux cinq grands thmes de dveloppementsuivants: gestion et production des entreprises (1, 2), lutte contre la pauvretet lexclusion (3, 4), gestion et conservation des ressources naturelles (5, 6),nergie et transports (7, 8), sant et pollution de lair (9, 10). Ce Rapport met-tra cependant en vidence le fait que leurs solutions concernent lensemble dela vie en socit. Il ne les traite donc pas de faon sectorielle ou limite lagestion du domaine considr mais de faon transversale.

    La plupart de ces dix questions ne sont pas nouvelles. Bon nombre dentre ellesont t poses en dehors du cadre des accords de la Confrence des Nationsunies sur lenvironnement et le dveloppement de Rio. Elles ne sont doncgnralement pas abordes dans les publications sur le dveloppementdurable. Une originalit de ce Rapport est de montrer leur importance nonseulement pour le dveloppement en gnral, comme au tableau 1.1, maisaussi, en particulier, pour un dveloppement durable (voir 1.3).

    Ces dix questions de dveloppement ont t choisies selon diffrents critres:relever au moins en partie de comptences fdrales, porter sur des secteursdans lesquels des travaux scientifiques existent et des comptences suffisantesont pu tre acquises au sein de lquipe ayant labor le Rapport et recouvrirensemble suffisamment de secteurs dactivit diffrents, tout en assurantlquilibre entre aspects conomiques, sociaux et environnementaux du dve-loppement. Outre lapplication de ces critres, il reste invitablement une partdarbitraire dans le choix des questions de dveloppement particulires ciblespar chaque Rapport.

    Il sagit de vritables "questions" qui sont encore en qute de "rponses". Bienquanciennes, certaines dentre elles sont en effet particulirement difficiles grer. Cest le cas, par exemple, de celles lies la consommation de tabac ou la mobilit des personnes. Dautres touchent lutilisation de nouvelles tech-

  • Opportunits et problmes de dveloppement

    5

    nologies. Dautres encore, comme lconomie sociale ou le financement thiquedes entreprises, apportent des rponses encore incompltes des problmesposs depuis longtemps. Le tableau 1.1 donne des exemples dopportunitsmais aussi de problmes de dveloppement concernant chacune de ces ques-tions. Il ne traite donc pas encore des aspects spcifiquement relis audveloppement durable.

    Tableau 1.1 - Exemples dopportunits et de problmes relatifs aux questions de dve-loppement cibles par le deuxime Rapport fdral

    1. Stratgies de production des entreprises (SPE)Opportunits: lamlioration des profits long terme grce aux anticipations des SPEProblmes: lincertitude quant lvolution future des rglementations sociales, environne-mentales et conomiques

    2. Financement thique des entreprisesOpportunits: la demande dpargnants pour des produits financiers thiquesProblmes: la difficult de satisfaire aux critres des produits financiers thiques

    3. conomie socialeOpportunit: lamlioration de situations de pauvret et dexclusionProblmes: lincertitude sur le rle de lconomie sociale et son absence de prennit

    4. Utilisation des technologies de linformation et de la communication (TIC)Opportunits: lacclration apporte par les TIC au dveloppement Problmes: le risque daccrotre les ingalits sociales via la fracture numrique

    5. Pche et diversit biologique en milieu marinOpportunits: les importantes ressources alimentaires en milieu marinProblmes: les menaces pesant sur la diversit biologique en milieu marin

    6. Utilisation des plantes gntiquement modifies (PGM)Opportunits: les avantages possibles des PGM en termes de rendements agricolesProblmes: les effets possibles des PGM sur la sant, lenvironnement, lthique conomique

    7. Production et consommation dnergieOpportunits: la possibilit de rpondre la demande dnergie finale partir de lnergie primaire, notamment dorigine fossile et nuclaireProblmes: les effets de pollution de ces filires de production et de consommation dnergie et les limites aux amliorations de leur efficacit nergtique

    8. Mobilit et transport des personnesOpportunits: la croissance de la mobilit individuelle des personnesProblmes: la part croissante des modes de transports ayant les cots sociaux les plus le-vs

    9. Sant au travailOpportunits: la croissance des activits, de lemploi et du niveau de vieProblmes: les risques pour la sant lis aux polluants sur les lieux du travail

    10. Consommation de tabacOpportunits: la demande des fumeurs, les emplois et les profits du secteur du tabacProblmes: les effets du tabac sur la sant des fumeurs actifs et passifs

  • Dveloppement

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    1.1.2 Systme socital, capitaux et composantes du dveloppement

    Des questions comme celles dfinies au point prcdent concernent toutes le"systme socital" qui rassemble tous les lments dune socit. Elles sontpourtant souvent traites sans tre relies entre elles, comme si elles corres-pondaient des conceptions diffrentes du dveloppement:

    le dveloppement humain (centr sur la transformation de la popula-tion1);

    le dveloppement cologique (centr sur la transformation de lenviron-nement);

    le dveloppement conomique (centr sur la transformation de lcono-mie).

    Ces diffrents concepts de dveloppement ont servi formaliser diffrentesapproches scientifiques, diverses thories et sries dindicateurs relatifs auxtats et tendances du dveloppement. Ils sont respectivement centrs surtrois aspects diffrents de la richesse et du potentiel de dveloppement dunesocit. A linstar de nombreux travaux scientifiques, ce Rapport propose deles appeler "capitaux" dune socit. Il distingue formellement les formes decapitaux suivants:

    le capital humain2: sant (y compris sant gnsique), capacits etconnaissances, formation, culture et exprience des populations;

    le capital environnemental: environnement (y compris diversit biologi-que) et rserves de ressources naturelles, distinguant les ressourcespuisables des ressources renouvelables;

    le capital (technico-)conomique: capital physique ou matriel (infras-tructures techniques, machines et btiments) et financier.

    Voir ce mot "capital" associ ici des valeurs humaines3 ou naturelles peut cho-quer. Mais puisque ce mot signifie la base ce qui est essentiel, fondamental,primordial, il serait encore plus surprenant de le voir rserv aux seules valeursconomiques de la socit. La transformation long terme dune socit d-pend au moins autant de laccumulation de son capital humain etenvironnemental que de laccumulation de son capital conomique.

    Lvolution, la transformation de chacun de ces trois capitaux est donc une"composante" du dveloppement. Certains ajoutent, ces principales richessesde base qui sont ncessaires au dveloppement dun pays, une quatrime com-posante base sur la notion de capital institutionnel (voir 1.1.3).

    1. PNUD (2001). Rapport mondial sur le dveloppement humain 2001. Mettre les nouvelles techno-logies au service du dveloppement humain. Paris, Bruxelles: De Boeck & Larcier s.a. p. 44: "La vritable richesse des Nations, ce sont leurs habitants".

    2. Lexpression "capital social" a t vite ici, notamment parce quelle se rfre, en langage cou-rant, au capital financier des entreprises. Une notion assez floue, galement appele "capital social" ou "capital socital", regroupe les capitaux humain et institutionnel. Elle est donc vite aussi pour ne pas favoriser les tendances qui confondent la composante sociale du dveloppe-ment avec sa composante institutionnelle.

    3. Un autre concept qui na pas t retenu ici est le "capital dorigine humaine" (man-made capi-tal); il dsigne conjointement le capital matriel et le capital humain. Il nest pas utilis ici pour que la notion de capital humain reste bien distincte des aspects technico-conomiques.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

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    1.1.3 Rponses dune socit aux tendances du dveloppement

    Le dveloppement dune socit peut tre observ au moyen dindicateurs surses capitaux humain, environnemental et conomique. Il sagit de donnes in-diquant, par exemple, ltat des stocks et les tendances des flux de cescapitaux. Ces indicateurs permettent de dcrire, danalyser et dvaluer les ten-dances dun dveloppement.

    Lorsque ces tendances posent des problmes ou bien lorsquelle aperoit denouvelles opportunits, la socit a ventuellement la possibilit de prendredes dcisions pour orienter diffremment lvolution de ses capitaux. Elle peuten effet souhaiter orienter cette volution vers une srie dobjectifs sociaux,environnementaux ou conomiques quelle a dtermins elle-mme.

    Cette capacit dorienter un dveloppement vers des objectifs choisis a prioridpend des institutions dont dispose la population. Les rponses serontmeilleures si ses institutions politiques sont de bonne qualit. La socit dis-pose en effet dune quatrime catgorie de capitaux: ses coutumes, ses lois,ses diffrentes catgories dorganismes institutionnaliss plusieurs niveauxde pouvoir. Cest par le moyen de ce capital quelle peut organiser et structu-rer ses interventions sur les trois capitaux de base du dveloppement:

    le capital institutionnel est lensemble des structures organisationnelles,lgales, socitales caractrisant la gouvernance dun pays et dtermi-nant les possibilits dengagement civique, de rsolution des conflits1...

    Il est possible de reprsenter les trois capitaux dfinis plus haut (voir 1.1.2)comme les trois pointes dun triangle, qui sinfluencent mutuellement. Ce trian-gle est la base de la figure 1.1. Lorsquil est tenu compte de la quatrimecatgorie de capitaux, le triangle se transforme en pyramide, dont la pointe re-prsente les institutions de la socit, notamment ses institutions politiques.Cette quatrime composante est celle de la prise de dcision. Il est dommagequelle soit souvent omise dans les analyses du dveloppement parce quelleplace clairement le triangle des capitaux conomique, humain et environne-mental dans une perspective de dveloppement "actif" (et non passif).

    1. Bartelemus, P. (1994). Environment, Growth and Development. The concepts and strategies of sustainability. London: Routledge. p. 63.

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    Ces "dcisions" prises dans les institutions de la socit peuvent tre dfiniescomme la somme des "rponses" quapportent les diffrents acteurs politiquesnotamment - aux opportunits et problmes concernant son dveloppement.Pour rpondre certaines questions, il sagira, par exemple, de raliser certainstypes dinvestissement ou de modifier certaines formes de fiscalit. Lafigure 1.1 montre que les informations relatives la transformation des capi-taux de la population (capital humain), de lenvironnement (capitalenvironnemental) et de lconomie (capital technico-conomique) alimententles dcisions relatives aux orientations futures du dveloppement. Ces informa-tions montent partir de leurs sources selon les flches de la figure 1.1 versles institutions o se prparent et se prennent des dcisions. Des flches re-descendent alors en direction du triangle parce que les dcisions prisesmodifient ltat de la population, de lconomie et de lenvironnement ainsi queles "substitutions" entre ces trois capitaux (voir 1.2.1).

    Figure 1.1 Quatre composantes du dveloppement dune socit

    Institutions

    Population

    Environnement

    Economie

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    La figure 1.1 schmatise donc la faon dont les quatre composantes dune so-cit sinfluencent mutuellement au cours de son dveloppement. Ses flchesse situent lintrieur de la pyramide pour insister sur le fait que les institutionsont une capacit "endogne", cest--dire venant de lintrieur du systme so-cital, de modifier lvolution de ces transformations. La socit estvidemment influence par les volutions du reste du monde, lextrieur dusystme socital. Mais cela na pas t reprsent dans la figure 1.1 pour viterde la surcharger. Il importe de pouvoir valuer correctement la force des in-fluences exognes, dviter de la sous-estimer ou de la surestimer. Une prisede conscience du potentiel endogne du dveloppement est particulirementimportante pour un pays comme la Belgique. Limpression fataliste que le des-tin des citoyens est principalement dcid en dehors de ses frontires y prvauttrop souvent.

    Un pays, ft-il petit, peut acqurir une conscience forte de son potentiel de d-veloppement endogne, de mme que de limpact effectif et potentiel de sondveloppement national sur le reste de la plante et sur les gnrations futu-res. Cette prise de conscience, lie au dbat sur la mondialisation, estparticulirement ncessaire dans les pays riches. Leurs modes de production etde consommation ont en effet des impacts plus importants que ceux des payspauvres sur le dveloppement du reste de la Communaut internationale. Lechapitre suivant rassemble une srie doutils existants qui permettent de for-maliser cette nouvelle approche du dveloppement.

    1.2 Dveloppement durable

    Aprs avoir montr que des interactions existent dans le triangle la base dela pyramide de la figure 1.1 entre les capitaux humains, environnementaux etconomiques du dveloppement (voir 1.2.1), ce chapitre rappelle les finalitsou objectifs ultimes dun dveloppement durable (voir 1.2.2). Cinq grands prin-cipes de dveloppement durable extraits de la Dclaration de Rio sont ensuiterappels (voir 1.2.3), qui permettent de guider la socit vers la ralisation deces objectifs. La section suivante montre que les politiques publiques peuventintervenir diffrents stades du dveloppement, tant sur la rorientation desactivits que sur la correction de leurs impacts (voir 1.2.4). Ces politiques doi-vent progressivement pouvoir sintgrer dans des stratgies de dveloppementdurable. Celles-ci doivent tre mises en place tous les niveaux et devenir pluscohrentes (voir 1.2.5). Cest dans ce contexte que prend place la stratgie f-drale belge de dveloppement durable (voir 1.2.6). La dernire section dfinitles modles de dveloppement durable simplifis utiliss dans les diffrentesparties du Rapport (voir 1.2.7).

  • Dveloppement durable

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    1.2.1 Interaction des capitaux et des composantes du dveloppement

    Les trois premires catgories de capitaux (humain, environnemental et co-nomique) sont reprsentes ci-dessus dans le cadre conceptuel du modle1 dit"triangulaire". Ce modle, propos par lICIS2 de lUniversit de Maastricht, re-prsente en fait de faon plus dtaille la base de la pyramide de la figure 1.1.Il met laccent sur les influences mutuelles entre les trois pointes du triangle.Chaque capital est caractris par des stocks et des flux. Chaque capital subitau cours du temps des transformations qui le modifient tant en quantit quenqualit, en fonctionnalit et qui changent aussi sa rpartition gographique. Lepetit rond situ sur chacune des trois pointes du triangle donne une imageagrandie des flux internes chacune des trois catgories de capitaux. Ces fluxinternes caractrisent lvolution et la rgulation du capital telle qutudie parune discipline scientifique particulire. Le rond situ sur la pointe conomiquedu triangle reprsente donc, par exemple, lvolution et la rgulation des nom-breux flux conomiques. Mais la figure prsente aussi les trois capitaux commefortement interdpendants les uns des autres puisquelle tient tout autantcompte des flux entre capitaux que des flux internes chaque catgorie decapital.

    Ce modle dit danalyse systmique intgre de lICIS illustre ainsi le fait que,de faon continue, les transformations de ces trois diffrentes formes de capitalsinfluencent mutuellement au sein du systme socital. Toute approche de d-

    (c)

    (a)

    (b)

    Figure 1.2 Capitaux humain, conomique et environnemental dun dveloppement durable

    S O U R C E daprs ICIS (2001).

    stock de capital

    flux interne

    flux entre capitauxCapital humain

    Capital conomiqueCapital environnemental

    1. Un modle est une reprsentation plus ou moins simplifie des relations existant entre les l-ments dun systme. Le modle utilis ici est galement inspir par Bossel, H. (1998). Earth at a crossroads. Paths to a Sustainable Future. Cambridge: Cambridge University Press.

    2. International Centre for Integrative Studies.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

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    veloppement durable sintresse tout particulirement ces relationsdinterdpendance et aux paramtres qui les influencent. Tel est son principalintrt par rapport aux approches internes une seule discipline. Les flchesdinterdpendance de la figure 1.2 sont illustres1 au tableau 1.2 sur base dequelques exemples simples lis aux questions choisies dans ce Rapport.

    Les interactions entre les trois composantes reprsentes la figure 1.2 et il-lustres au tableau 1.2 peuvent tre influences par divers mcanismes. Lunde ces mcanismes est la "substitution" entre les volutions de ces diffrentsstocks et flux dans le temps. La substitution peut rsulter soit de dcisionsdagir, soit de dcisions de "laisser-faire". Ce mcanisme joue un rle particu-lirement important dans les choix de socit relatifs aux modes dedveloppement (voir partie 4). Les dcideurs peuvent en effet "substituer" vo-lontairement ces trois catgories de capitaux les uns aux autres, par exempleen transformant du capital conomique (via les dpenses publiques) en capitalhumain (via lducation et la formation) ou environnemental (via la crationdespaces verts). La substitution se fait dans lautre sens au sein des entrepri-ses puisque cest du capital humain et environnemental qui y est transform enproduction de biens et de services.

    Le tableau 1.2 montre que les effets des interactions entre les diffrentes ca-tgories de capitaux peuvent tre trs positifs mais aussi quils sont loin deltre toujours. Le dveloppement de chaque composante du dveloppementrequiert donc des "rponses" sous la forme de dcisions prises par des acteurspour influencer ces interactions. Ces rponses concernent la gestion interne deces stocks et de ces flux de capitaux, autant que celle des flux existant entreeux. Pour raliser un dveloppement durable, ces dcisions auront comme but

    1. Voir notamment: OCDE (2001). Dveloppement durable: les grandes questions. Paris: OCDE. p. 36 et 37.

    Tableau 1.2 - Exemples dinterdpendance entre capitaux conomiques, environne-mentaux et humains du dveloppement

    Entre capitaux conomique et environnemental:

    - effets de lenvironnement sur l conomie, comme facteur de production (matires premires) ou comme rceptacle des flux de pollutions lies aux activits conomiques;

    - effets de lconomie sur lenvironnement via les pressions quelle exerce sur les stocks de patrimoine environnemental commun ou via les investissements dans la protection de lenvi-ronnement ou encore via les droits de proprits sur les ressources naturelles.

    Entre capitaux environnemental et humain:

    - effets dun environnement amlior ou dgrad sur le bien-tre de lindividu, y compris sa sant et sa scurit dans un contexte caractris par plus ou moins de justice cologique;

    - effets de la composition et de la structure des familles sur lenvironnement ou effet de la cul-ture et du niveau de formation des populations sur les comportements lgard de lenviron-nement;

    Entre capitaux conomique et humain:

    - effets du dveloppement humain sur lconomie, par la variation des quantits et de la qualit de la main-duvre sur le march du travail ou encore par linformation des consommateurs sur lorigine des produits consomms;

    - effets de lconomie sur le bien-tre de la vie en socit via cration demplois dcents et le financement de la scurit sociale ou bien via des formes de croissance gnratrices de cots sociaux traduits par un accroissement de la pauvret et de lexclusion sociale.

  • Dveloppement durable

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    la ralisation de certaines finalits particulire et appliqueront des principes dedveloppement spcifiques ce type de dveloppement. Les finalits et princi-pes de dveloppement durable sont dcrits dans les deux sections suivantes.

    1.2.2 Finalits ou objectifs ultimes de dveloppement durable

    Les engagements souscrits par la Belgique au plan international ont guid legouvernement lorsquil a dcid daccepter dans le Plan fdral de dveloppe-ment durable (PFDD) les trois catgories de finalits ou objectifs ultimes reprisci-dessous Ceux relatifs aux besoins du prsent, au partage des moyens finan-ciers et des ressources naturelles, la priorit accorder aux besoins essen-tiels des plus dmunis ont t souvent proposs comme priorits politiquesdepuis le dbut du XXe sicle. Par contre, ladoption dobjectifs relatifs auxbesoins des gnrations futures, au respect de limites dans la gestion des res-sources naturelles et au changement des modes de consommation et de pro-duction de faon pouvoir rpondre aux besoins essentiels de lhumanit,sont des objectifs plus rcents dans lhistoire:

    "les objectifs conomiques d'un dveloppement durable apportent sur-tout une rponse aux besoins du prsent sans compromettre la capacitdes gnrations futures de rpondre leurs propres besoins. Ceci impli-que notamment l'adoption de modes de consommation et de productioncapables de rduire la pression sur l'environnement et de rpondre auxbesoins essentiels de l'humanit (Action 21;4.7)" (PFDD 64);

    "les objectifs sociaux d'un dveloppement durable sont non seulementenvisags au sein des communauts mais aussi entre celles-ci. Ils doi-vent organiser non seulement le partage des moyens financiers maisaussi celui des ressources naturelles et l'intgration culturelle. Cesobjectifs doivent, en particulier, accorder la plus grande priorit auxbesoins essentiels des plus dmunis. Les efforts entrepris doivent per-mettre ceux-ci de participer dans la plus grande mesure possible aumonde du travail" (PFDD 65);

    "les objectifs environnementaux d'un dveloppement durable visentsurtout le respect de limites dans la gestion des ressources naturelles,en tenant compte du dveloppement technologique et des structuresinstitutionnelles. () Simultanment, ces objectifs tiennent compte dufait que les capacits de l'environnement sont limites, tant pour fournirde l'nergie et des matires premires que pour assimiler les dchets etles missions polluantes" (PFDD 66).

    Le but de satisfaire les besoins humains tant aujourdhui que demain est centraldans ces trois objectifs. La notion de "limite" est implicitement1 ou explicite-ment prsente pour tous les capitaux. Ce but est donc extrmement ambitieux.La notion de besoins humains est en effet beaucoup moins restrictive que lanotion conomique de "demande solvable", cest--dire la demande de produitspar un consommateur disposant des moyens financiers ncessaires pour lesacqurir.

    1. Les exemples cits plus haut montrent quil y a aussi, par exemple, des limites aux capacits et possibilits dexploitation du capital humain. Mais cette notion de limite nest gnralement pr-cise que pour le capital environnemental parce quelle est lobjet dune prise de conscience et de travaux scientifiques plus rcents, comme par exemple ceux sur le concept d'"espace envi-ronnemental". Ce concept se rfre aux droits gaux de chaque citoyen du monde d'utiliser une partie du patrimoine environnemental commun.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

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    La notion de besoin recouvre tout dabord une srie de besoins humains essen-tiels lis aux trois composantes du dveloppement: produits alimentaires depremire ncessit, accs leau potable et installations sanitaires, sant pu-blique, ducation, nourriture, nergie, logement, vtements. Elle recouvreaussi les autres besoins humains satisfaire pour assurer le "bien-tre" deceux qui aspirent la dignit, lpanouissement individuel, lintgration dans lasocit..., dont la dfinition est beaucoup moins aise.

    1.2.3 Principes de dveloppement durable

    Les finalits dun dveloppement dfinies au chapitre prcdent esquissent lesgrandes lignes du contenu de ce type de dveloppement une fois quil serait"atteint". Mais il ne suffit pas de dcrire un avenir radieux, encore faut-il savoircomment agir pour y parvenir. Une partie importante, quoique moins connue,des engagements de la communaut internationale Rio porte donc sur leschangements apporter au processus de dcisions. Les vingt-sept principesfondamentaux formuls dans la Dclaration de Rio1 sont autant de consignesadoptes par la communaut internationale en 1992 pour rendre possiblel"oprationalisation" du dveloppement durable. Lide de base est quune s-rie de nouveaux principes daction doivent tre appliqus, y compris par lesdcideurs, puisque les principes appliqus jusque l ne suffisaient pas rendrele dveloppement durable.

    En Belgique, cest sur cette base quune dfinition plus oprationnelle que tho-rique du dveloppement durable a t construite. Le premier Rapport fdral aextrait de cette Dclaration ses cinq principes les plus novateurs, les plus ca-ractristiques et les plus englobants, pour en faire les cinq principalesdimensions dun dveloppement durable. Cette approche a ensuite t reprisedans le Plan fdral de dveloppement durable2. Cette dfinition a donc ledouble avantage dtre directement relie la fois au cadre de rfrenceinternational et aux dcisions dj prises dans le cadre fdral belge de la loide mai 1997.

    Dans ce Rapport, ces cinq principes sont appels par le nom le plus simple pos-sible (principes de responsabilit, de double quit, dintgration, deprcaution et de participation) parce quils y sont souvent voqus. Les appli-cations de chacun de ces cinq principes - ou leurs non applications - ont djt utilises comme critre dvaluation dans le premier Rapport; ces critresdfinissent les qualits requises pour les processus de dcision visant un dve-loppement durable (qualit de conscience plantaire, de vision long terme,dintgration des composantes, de reconnaissance des incertitudes scientifi-ques et dapproche participative et responsable).

    Ces critres, drivs de grands principes, peuvent aussi tre considrs comme"les cinq dimensions" des actions ou dcisions de dveloppement durable. Lesutiliser simultanment, sans les hirarchiser, permet de ne pas privilgier apriori certaines dimensions dun dveloppement durable par rapport dautres

    1. La dclaration de Rio est le document politique le plus synthtique adopt cette Confrence des Nations unies. Il introduisit le processus de dveloppement durable (et pas seulement le con-cept) sur la scne internationale.

    2. Secrtariat dtat lnergie et au Dveloppement durable (2000). Plan fdral de dveloppe-ment durable 2000-2004. Bruxelles. 19 31.

  • Dveloppement durable

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    (par exemple: ne pas privilgier lquit par rapport la participation, oulinverse).

    Ces principes et critres sont expliqus ci-dessous tout dabord en rfrence leur nonc strict en tant que principe dans la Dclaration de Rio. Les autoritsse sont en effet engages Rio appliquer ces principes et pas seulement les prendre en considration1. Ensuite, lapproche propose largit systmati-quement cette vision, de faon disposer dun critre qui accorde uneimportance gale chacune des composantes du dveloppement. Cela ntaitpas toujours le cas dans la Dclaration de Rio.

    Responsabilit mondiale dans lvolution du dveloppement

    Les tats doivent cooprer dans un esprit de partenariat mondial en vue deconserver et de rtablir la sant et lintgrit de lcosystme terrestre. tantdonne la diversit des rles jous dans la dgradation de lenvironnementmondial les tats ont des responsabilits communes mais diffrenties. Lespays dvelopps admettent la responsabilit qui leur incombe dans leffort in-ternational en faveur du dveloppement durable, compte tenu des pressionsque leurs socits exercent sur lenvironnement mondial et des techniques etdes ressources financires dont ils disposent.

    Ce principe de responsabilit traite des responsabilits communes de la com-munaut internationale lgard de lenvironnement mondial. Mais il sagitdune responsabilit "diffrencie" parce que portant plus lourdement sur lespays dvelopps. Le fait que des pays en dveloppement ne soient pas encoreen tat de prendre une srie de mesures relatives au climat ou la diversitbiologique, par exemple, ne peut donc pas constituer un prtexte larrt detels efforts par les pays dvelopps.

    Dans un sens plus large, cette qualit de conscience plantaire ou de conscien-ce de linterdpendance entre nimporte quel pays et le reste de la communautinternationale cre un contexte nouveau, dans lequel les dcideurs peuventprendre linitiative de mener des politiques belges ayant des retombes cono-miques, sociales et environnementales positives sur le reste du monde et passeulement sur la Belgique. Ceci fournit un premier critre pour apprcier le ca-ractre durable dune dcision de dveloppement.

    quit, entre les gnrations actuelles et envers les gnrations futures

    Le droit au dveloppement doit tre ralis de faon satisfaire quitablementles besoins relatifs au dveloppement et lenvironnement des gnrationsprsentes et futures.

    Il sagit dun principe de double quit du dveloppement, puisquil joint uneexigence dquit intragnrationnelle une exigence dquit intergnration-nelle. Lquit entre gnrations successives ou intergnrationnelle - estgalement prsente dans la plus clbre des nombreuses dfinitions du dve-loppement durable fournies par le rapport de la Commission Brundtland2. Maislquit entre les gnrations prsentes ou intragnrationnelle - nest pasclairement prsente dans cette dfinition. Le principe dquit cit ci-dessus etfigurant dans la Dclaration de Rio crite cinq ans aprs le Rapport Brundtland

    1. En langage diplomatique, prendre un principe "en considration" signifie accepter de lexaminer avec attention sans, pour autant, prendre lengagement de lappliquer.

    2. Le dveloppement durable rpond aux besoins du prsent sans compromettre la capacit des gnrations futures de rpondre leurs propres besoins. Dfinition cite notamment dans le premier Rapport fdral: Task force dveloppement durable (1999). Rapport fdral sur le dve-loppement durable. Sur la voie dun dveloppement durable ? Bruxelles: Bureau fdral du plan. p. 30.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

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    fait lobjet dun accord politique ngoci au niveau international, ce qui nestpas le cas du Rapport Brundtland.

    Ce deuxime critre rejoint donc le critre classique dquit sociale1, sans r-duire sa porte mais, au contraire, en llargissant considrablement endirection des gnrations futures. Dans un sens plus large, cette qualit de vi-sion long terme cre donc un contexte nouveau dans lequel les dcideurs ont examiner les implications long terme des actions et dcisions, tant sur leplan environnemental que sur les plans social et conomique. Cette approchede la dcision doit videmment tre combine une bonne vision court termedes effets dune dcision. Quant la notion de "besoin humain" (voir 1.2.2),elle renvoie des ralits observables mais aussi des jugements de valeursur le prsent et lavenir. Elle est donc partiellement subjective. Il y aura ce-pendant toujours avantage examiner la faon dont une dcision peutsatisfaire quitablement aux besoins des gnrations prsentes et venir, neft-ce que pour apprendre dceler les obstacles prvisibles.

    Intgration des diffrentes composantes du dveloppement

    Pour parvenir un dveloppement durable, la protection de lenvironnementdoit faire partie intgrante du processus de dveloppement2 et ne peut treconsidre isolment.

    Ce principe dintgration suppose au dpart lintgration de lenvironnementdans toutes dcisions sectorielles de dveloppement. Il met fin lapproche quiconsidrait que la politique denvironnement devait tre mene lcart desautres politiques et se borner en corriger les effets. Mais ce principe sest ra-pidement largi et confort dans les approches du dveloppement durabledveloppes par diverses institutions internationales depuis Rio. Les textes is-sus de la Session spciale de lAssemble gnrale des Nations unies de Rio+5ainsi que du Sommet de Johannesburg (Rio+10) parlent clairement de troiscomposantes du dveloppement durable interdpendantes et se soutenant mu-tuellement3. Ce principe dintgration consiste donc traiter chaquecomposante sociale, environnementale ou conomique comme partieintgrante du processus de dveloppement.

    Ce critre dintgration des composantes du dveloppement suppose donc unegestion intgre des diffrentes formes de capitaux. Ceci implique, notam-ment, que la prparation dune dcision politique relative lune des troiscomposantes du dveloppement tienne compte dsormais de ses impacts exante (anticips) sur les deux autres. Cest pourquoi les tudes dimpacts int-grs deviendront terme indissociables du processus de dcision pour undveloppement durable, de mme quaujourdhui les tudes dincidence envi-ronnementale sont devenues indissociables de la prise de dcision en matiredenvironnement.

    1. Pour satisfaire au critre dquit sociale, il faut que chacun dispose des mmes chances au dpart. "Lquit ne doit pas tre confondue avec lgalit. Lquit implique que chacun dispose des mmes atouts. Lgalit quil en fasse le mme usage." Clerc, D. (1997). Dictionnaire des Questions conomiques et Sociales. Paris: Les ditions de lAtelier/ditions Ouvrires. p. 56.

    2. Dans le contexte des Nations Unies, ce mot "dveloppement" concerne autant lvolution sociale que celle de lconomie.

    3. Action 21, de juin 1992: http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/. Programme rela-tif la poursuite de la mise en oeuvre dAction 21, de juin 1997: gopher://gopher.un.org:70/00/ga/docs/S-19/plenary/AS19-29.FR. Rapport du sommet pour le dveloppement durable de Johan-nesburg, de septembre 2002: http://ods-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/N02/636/94/PDF/N0263694.pdf?OpenElement.

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    La possibilit de respecter rigoureusement ce critre dpend donc des progrsde la "transdisciplinarit" des travaux relatifs au dveloppement durable. Com-me lindique le prfixe "trans", la transdisciplinarit concerne ce qui est entreles disciplines, travers les disciplines et au-del de toute discipline1. Tout ensappuyant sur des rsultats scientifiques, la transdisciplinarit a pour prioritde dynamiser lvolution de lensemble des connaissances et des sciences enles reliant entre elles pour mieux les orienter, au-del de ltude, vers la dci-sion et laction. Il sagit de "fournir aux dcideurs individuels ou collectifs unecapacit de prise en compte de toutes les donnes dun problme avant de d-cider"2. Une telle approche de la dcision a aussi pour effet de relier entre euxles trois critres classiques de la prise de dcision (efficacit conomique3,quit sociale et rsilience cologique4). Ce rapprochement permet de crer denouveaux concepts les reliant entre eux comme lefficacit cologique5 oulquit cologique6.

    Prcaution face aux risques graves et ncessit dactions de prvention

    Pour protger lenvironnement, des mesures de prcaution doivent tre large-ment appliques par les tats selon leur capacit. En cas de risque dedommages graves ou irrversibles, labsence de certitude scientifique absoluene doit pas servir de prtexte pour remettre plus tard ladoption de mesureseffectives visant prvenir la dgradation de lenvironnement.

    Adopter ce principe de prcaution sest avr ncessaire dans une socit ap-pele souvent la "socit du risque", qui a tendance a accorder a priori plus devaleur aux attitudes de prises de risques quaux attitudes de prcaution. Maisce principe est tout le contraire dun principe dimmobilisme introduisant par-tout "le malfice du doute". Il sagit dune forme de vigilance active pourprotger lenvironnement. Son adoption est fort rcente car la premire recon-naissance juridique de ce principe remonte 1987. Il nest applicable au sensstrict que dans deux conditions. Lorsquil y a incertitude scientifique (ne pou-vant pas tre leve par une enqute ou une recherche) qui affectelapprhension du risque et lorsquil y a risque de dommage grave ou irrver-sible du capital environnemental. Il nest donc pas applicable toute situationqui relve de la gestion et de la prvention des risques, comme par exemple lagestion de la fivre aphteuse en 2001.

    Cette qualit de "prise de conscience de linvitable incertitude produite par laprogression mme de nos connaissances"7 est pourtant requise pour la gestiondautres capitaux que le capital environnemental. Toute dcision dedveloppement durable devrait prendre en compte lincertitude relative auxconsquences lointaines des dcisions et actions actuelles dans tous lesdomaines, par exemple en utilisant plusieurs modles de prvision diffrentslorsquil sagit dexplorer lavenir. Ce quatrime critre de dveloppementdurable requiert donc une meilleure interaction de la politique de recherchescientifique et de la recherche elle-mme, avec les autres actions de

    1. Georges Thill et Franoise Warrant (1998) Plaidoyer pour des universits citoyennes et responsa-bles. Presses universitaires de Namur. p. 98, citant Basarab Nicolescu. Selon les mmes: la pluri- ou multidisciplinarit est ltude dun objet commun dans plusieurs disciplines au mme moment et linterdisciplinarit tablit une coopration entre des disciplines scientifiques autonomes.

    2. Source: Nicolescu B. (1996) cit page 428 du prcdent rapport fdral. 3. Lefficacit conomique est lallocation des facteurs de production apportant la plus grande utilit

    possible tous les producteurs et consommateurs.4. La rsilience cologique est la capacit dun cosystme retrouver son tat initial (sa forme)

    aprs avoir subi un choc; ou la capacit de rgnration et de rsistance aux pressions.5. Lefficacit cologique est aussi appele co-efficacit.6. Lquit cologique est la situation dans laquelle chacun dispose du mme droit utiliser une

    partie du patrimoine environnemental commun.7. D. Bourg. (2002) Principe de prcaution, mode d'emploi. Revue Sciences humaines, Dossier

    Socit du risque: fantasmes et ralit. N 124, 2/2002. p. 28.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

    17

    dveloppement, notamment politiques. Cette amlioration de l"interface"entre chercheurs et dcideurs politique ne doit pas seulement fournir demeilleures rponses aux risques de dommages apports aux capitaux. Elle doittout autant favoriser les opportunits dun dveloppement durable dans tousles domaines (par exemple le choix de nouvelles technologies) en amliorantla prvisibilit du cadre institutionnel long terme, pour que les acteurspuissent y faire eux-mmes des projets de dveloppement durable.

    Participation des citoyens

    La meilleure faon de traiter les questions denvironnement est dassurer laparticipation de tous les citoyens concerns, au niveau qui convient. Au niveaunational chaque individu doit avoir dment accs aux informations relatives lenvironnement que dtiennent les autorits publiques, y compris aux informa-tions relatives aux substances et activits dangereuses dans leur collectivit etavoir la possibilit de participer au processus de prise de dcision. Les tatsdoivent faciliter et encourager la sensibilisation et la participation du public enmettant des informations la disposition de celui-ci. Un accs effectif des ac-tions judiciaires et administratives, notamment des rparations et des recours,doit tre assur.

    Ce principe de participation est un principe de dmocratie environnementaledont les trois grandes parties sont laccs linformation, la participation auprocessus dcisionnel et laccs la justice (pour rparations et recours) enmatire denvironnement. Sa mise en uvre est assure notamment via lap-plication de la Convention dAarhus dont la Belgique fut, en juin 1998, lun despremiers trente-cinq signataires1. Il est important de noter que dans larticle 2de cette Convention, la notion d"information(s) sur lenvironnement" estdcrite de faon telle quelle concerne aussi trs largement le dveloppement.Outre une srie d"tats dlments de lenvironnement", il sagit en effet detoute information portant sur "des facteurs tels que les substances, lnergie,le bruit et les rayonnements et des activits ou mesures, y compris des mesu-res administratives, des accords relatifs lenvironnement, des politiques, loisplans et programmes qui ont, ou risquent davoir des incidences sur ces l-ments de lenvironnement". Le mme article inclut galement (dans la notiond"information sur lenvironnement") une srie dinformations relatives aucapital humain, puisquelles concernent, en relation avec ce qui prcde, "ltatde sant de lhomme, sa scurit et ses conditions de vie ()".

    La qualit dune dcision fonde sur la participation doit tenir compte de len-semble des matires de dveloppement durable. Les mcanismes departicipation englobent notamment la concertation avec les parties les plusconcernes par la dcision considre, ou la consultation de conseils reprsen-tatifs, ou encore la consultation ou les enqutes publiques directes faitesauprs de lensemble de la population. Or la Belgique possde une tradition deconsultation et de concertation sociale particulirement forte qui participe sonstock de capital institutionnel. La gestion de ce stock doit tre faite selon unebonne gouvernance, terme recouvrant une srie dexigences contemporainesrelatives au fonctionnement des institutions, en ce compris la participation.LUnion europenne offre un bon exemple des risques que peuvent reprsenterpour la dmocratie la tendance apporter aux problmes de socit des rpon-ses politiques dorigine technique labores sans la participation despopulations concernes. Cest pourquoi, selon le Livre blanc sur la gouvernanceeuropenne, des amliorations devraient tre apportes aux institutions pour

    1. Le texte de la Convention dAarhus est sur: http://www.unece.org/env/pp/documents/cep43f.pdf.

  • Dveloppement durable

    18

    mieux assurer leur fonctionnement dmocratique selon les lignes suivantes:ouverture (transparence), participation (confiance), responsabilit, efficacit etcohrence1.

    1.2.4 Politiques publiques de dveloppement durable

    Quelles sont les actions qui appliqueront les principes dcrits au point 1.2.3 ?Et quelles sont celles qui favoriseront les interactions entre capitaux du dve-loppement (voir 1.2.1) qui sont susceptibles de raliser les objectifs dedveloppement durable (voir 1.2.2) ? Il va de soi que nimporte quel acteur pu-blic ou priv peut agir en ce sens sil le souhaite. Certaines des questionstudies dans la suite de ce Rapport traitent, par exemple, des rponses detype "priv" aux problmes de dveloppement apportes par les entreprises oupar lconomie sociale.

    La mission principale confie par la loi au Rapport fdral concerne cependantles rponses de type "public", qui sont apportes par les politiques fdralespour appliquer ces principes et raliser ces objectifs de dveloppement durable.

    Cest pourquoi la figure 1.3 reproduite ci-dessous ne dtaille que la partie po-litique du sommet de la pyramide de la figure 1.1. Elle met en videncelexistence de diffrents types de rponses politiques divers problmes rela-tifs aux capitaux social, environnemental et conomique.

    1. UE (2001). La gouvernance europenne. Livre blanc. Luxembourg: Office des publications offi-cielles des communauts europennes.

    Figure 1.3 Rponses politiques influenant ltat des capitaux

    Valeurs et principes de vie en socit

    Activits lies aux forces directrices

    et aux pressions

    Etat des capitaux et impacts sur ces tats

    Rponses politiques (objectifs, mesures)

    Dbat socital, ducation, culture

    Mesures prventives, orientes vers les sources

    Mesures curatives, orientes vers les effets

  • Opportunits et problmes de dveloppement

    19

    Ce que montre surtout la figure 1.3, cest que les politiques menes peuventintervenir directement, soit de faon prventive sur les activits en socit etles pressions exerces par celles-ci sur diffrentes formes de capitaux, soit defaon curative sur ltat de ces derniers.

    Les politiques environnementales dites "curatives" menes dans les annes 70et 80 se bornaient agir, par exemple, en fin de filire (end of pipe) sur lesimpacts de type dchets, eaux uses ou autres pollutions. Un exemple de po-litiques curatives est aussi celui des mesures relatives aux soins mdicaux pourlasthme ou celui de la canalisation de rejets aqueux pollus vers la mer. Detelles actions diminuent limpact immdiat considr comme ngatif sur la po-pulation ou lenvironnement considr. Mais ces politiques resteront souvent porte plus limite (de court terme) que celles agissant plus en amont. Des po-litiques dites "prventives" agissent, par contre, directement sur les activitslies aux pressions sur ltat de la socit, de lconomie ou de lenvironne-ment. Ces politiques visent, par exemple, accrotre la qualit ou diminuerle volume de la production ou de la consommation de biens dont les impactsdgradent lune ou lautre forme de capital.

    Une politique peut aussi intervenir en amont des pressions, et avoir une in-fluence en modifiant les valeurs qui guident la socit dans le choix de sesactivits. Ces valeurs peuvent voluer via lducation, linformation, les dbatssocitaux, etc. Elles peuvent aussi tre influences par ladoption, au niveau in-ternational, de nouveaux principes daction, comme ceux de la Dclaration deRio. Mais la figure 1.3 montre aussi que ces valeurs, qui influencent la formu-lation des politiques, peuvent elles-mmes voluer sans intervention politique.Cest le cas lorsque des prises de conscience dune socit sont causes par lesimpacts de ses propres activits. Pour prendre deux exemples rcents, limpactde la pollution cause par lErika et le Prestige peuvent avoir plus deffet sur lechangement de valeurs de rfrence en Europe occidentale que plusieurs an-nes de dbats sur lnergie et les transports. Mais il va de soi que laresponsabilit des pouvoirs publics est daccompagner le changement des men-talits, sans attendre des situations catastrophiques, pour adopter lespolitiques publiques de dveloppement durable.

    1.2.5 Politiques publiques et stratgies de dveloppement durable

    Les politiques publiques de dveloppement durable peuvent porter sur tous lessecteurs dactivit de la socit et viser les capitaux social, environnemental etconomique. Le fait de les intgrer dans des stratgies politiques a lavantageden offrir rgulirement une vue densemble et de rendre ainsi possible un d-bat sur les priorits que se donne la socit.

    Cest pourquoi chaque pays du monde avait pris, ds 1992 dans le PlandAction 21 adopt la Confrence de Rio, "lengagement dadopter une stra-tgie nationale de dveloppement durable qui concrtise, notamment, lesdcisions prises la Confrence et en particulier en ce qui concerne Action 21.Il avait alors t dcid que cette stratgie devrait tre inspire des diffrentsplans et politiques sectorielles, conomiques, sociaux et cologiques appliqusdans le pays et les fondre en un ensemble cohrent.() Cette stratgie devraitavoir pour objectif dassurer un progrs conomique quitable sur le plan so-cial, tout en prservant la base de ressources et lenvironnement pour les

  • Dveloppement durable

    20

    gnrations futures. Elle devrait tre labore avec la participation la plus largepossible et sappuyer sur une valuation dtaille de la situation et des tendan-ces actuelles" (A21; 8.7).

    Certains pays, dont ltat fdral belge, ont donc adopt, suite cet engage-ment de 1992, une srie de dispositions instaurant un cadre stratgiquedestin amliorer lintgration de leur processus de dcision en faveur dundveloppement durable (voir 1.2.6). Cet engagement international fut encoreprcis au niveau de lONU lors du premier bilan de la mise en uvre dAction 21en juin 1997. Ce Sommet de "Rio+5" fixa en effet une chance lan 2002pour laborer ou amliorer une telle stratgie dans chaque pays. Cest dans cecontexte que lUnion europenne (EU) dcida, lors du Sommet de Gteborg enjuin 20011, de mettre en uvre une stratgie de dveloppement durable2. Cet-te stratgie, qui comprend un volet interne et un volet externe, a fait partie dela contribution de lUE au Sommet de Johannesburg de 2002.

    Une stratgie de dveloppement durable peut tre dfinie comme un mca-nisme de dmocratie reprsentative, dlibrative et participative qui traduitles objectifs et aspirations sociales, environnementales et conomiques dunepopulation en actions et dcisions concrtes, y compris politiques, de dvelop-pement durable. Cest un processus itratif et interactif de penses etdactions qui sont coordonnes de faon atteindre les trois catgoriesdobjectifs de dveloppement durable (voir 1.2.2) et amliorer constammentles institutions pour mieux les atteindre. Ce processus doit donc:

    a) rendre cohrentes les vises des diffrents dpartements actifs unmme niveau de pouvoir (sur chacune des lignes de la figure 1.4);

    b) rendre complmentaires les politiques menes des niveaux diffrents(dans chacune des colonnes de la figure 1.4);

    c) raliser simultanment des combinaisons dinstruments politiques effi-caces (ce qui constitue une troisime dimension de lespace dintgra-tion de la figure 1.4).

    La figure 1.4 reprsente lespace dans lequel sopre la double intgration dela politique de dveloppement durable. Il illustre en effet deux des trois typesde difficults techniques surmonter pour laborer et mettre en uvre une po-litique cohrente de dveloppement durable. Chacune de ses lignes concernela cohrence entre les politiques des diffrents dpartements. Et chacune deses colonnes concerne la cohrence entre les dcisions politiques prises dif-frents niveaux de pouvoirs. Chaque stratgie doit donc pouvoir intgrer lesdcisions politiques figurant sur les lignes et dans les colonnes dun tel tableau.La stratgie de lUnion europenne sinsre, par exemple, sur la ligne "UE" dela figure 1.4, la sixime ligne des diffrents niveaux stratgiques de la dci-sion en matire de dveloppement durable. La stratgie fdrale belge prendplace sur la cinquime ligne. Elles doivent prsenter respectivement une coh-rence interne entre les actions des diffrents ministres ou des multiplesdirections gnrales, mais elles doivent aussi tre mutuellement cohrentes.

    Cest ainsi que la mise en uvre de la loi de mai 1997 (voir 1.2.6) sort du cadrestrictement fdral, puisquelle doit sintgrer dans lensemble des niveaux dedcision politique ports au tableau 1.3 p. 22. Les autres niveaux de (prpara-tion des) dcisions sont la fois internationaux (ONU, UE, OCDE) et

    1. Les textes issus de ce sommet peuvent tre trouvs sur: http://www.europarl.eu.int/summits/previous.htm.

    2. Elle peut tre consulte sur: http://europa.eu.int/comm/environment/eussd/index_fr.htm.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

    21

    intranationaux (Communauts, Rgions, Provinces, Villes, Communes). Cettequestion est plus que jamais dactualit depuis la fin du Sommet de Johannes-burg (septembre 2002). Larticle 145(b) du Plan mondial adopt ce Sommetde Rio+10 confirme en effet les engagements de Rio et de Rio+5 sous la formesuivante: "Prendre immdiatement des mesures pour progresser dans la for-mulation et llaboration de stratgies nationales de dveloppement durable etcommencer les mettre en uvre avant 2005.()". Lintgration verticale despolitiques est galement un dfi relever pour chaque Etat membre de lUnioneuropenne afin dassurer une mise en uvre de la stratgie europenne dedveloppement durable.

    Chacune de ces stratgies doit intgrer non seulement des politiques sociales,environnementales, conomiques et institutionnelles mais aussi une gammed instruments de types trs diffrents. Ces "instruments politiques" sont soitde type culturel, dducation et de sensibilisation, soit de type rglementaire etde rgulation au sens strict, soit encore des instruments conomiques faisantintervenir les effets de prix et autres mcanismes de march. Certains instru-ments et procdures, comme les valuations dimpacts1 (impact assessment),introduits par la stratgie europenne visent vrifier de manire pralable(ex-ante) que les impacts sociaux, environnementaux et conomiques des po-litiques proposes sont compatibles avec un dveloppement durable. Il va desoi que le calibrage et lassemblage dune telle gamme dinstruments au servicedes objectifs poursuivis ne peut tre russi du premier coup, mme sil nesagissait que dun problme purement technique. Atteindre une cohrence ho-rizontale, verticale et instrumentale, tout en appliquant les principes dedveloppement durable (voir 1.2.3) est donc une tche extrmement difficile.Le niveau sans prcdent de cette difficult explique en partie la lenteur desprogrs observs dans la mise en uvre des engagements de dveloppementdurable (voir 1.2.6).

    1. EU (2002). Communication from the Commission on impact assessment. COM(2002)276 final.

    Figure 1.4 Intgration politique des stratgies de dveloppement durable

    Politiques conomiques

    Politiques institutionnelles

    Politiques contenues dans la stratgie

    Politiques sociales

    Politiques environnementalesNiveaux de dcision politique

    Pouvoirs locaux

    National

    International

    Villes et communes

    Provinces

    Rgions

    Communauts

    Fdral

    UE

    OCDE

    ONU

    Espace politique de

    lintgration des stratgies

    de dveloppement durable

  • Dveloppement durable

    22

    1.2.6 Stratgie fdrale belge de dveloppement durable

    La loi belge de mai 1997 instaure une boucle dapprentissage pour lamliora-tion progressive des politiques fdrales de dveloppement durable. Cetteboucle est reprsente la figure 1.5 p. 24. Le point de dpart de la boucle estla ralisation dun premier Rapport pour mieux connatre la situation, la politi-que et la prospective au niveau fdral en ce qui concerne un dveloppementdurable. Cette phase de reporting ou rapportage est suivie dune phase deplanning et de consultation de la population et dorganes reprsentatifs. Ceux-ci donnent des avis, lesquels, traduits sous forme damendements, sont incor-pors tant que possible1 dans le texte du futur Plan fdral de dveloppementdurable. Vient alors une dlibration suivie dune dcision du gouvernement quiadopte le plan. Celui-ci doit alors tre mis en uvre et soumis un monitoring(une surveillance de son application). Chaque tape de la boucle fait intervenirune ou plusieurs institutions diffrentes, le Plan concernant lensemble de lasocit.

    Le principe de base de la loi est que lvaluation des politiques contenue dansles Rapports doit aider faire le prochain Plan fdral, lequel son tour seravalu dans un nouveau Rapport fdral au cycle suivant, etc. Il sagit dun ca-dre lgal qui donne une limite de temps chaque tape du cycle et qui organiselenchanement des oprations. Le premier cycle de la loi va de 1998 2002.Sa ralisation peut tre considre comme une contribution importante dugouvernement de la Belgique lengagement stratgique auquel il a souscritdans le Plan dAction 21 la Confrence de Rio en 1992 (voir 1.2.5). Au coursde ce cycle, cinq phases de la politique de dveloppement durable contenuedans cette stratgie se trouvent dfinies telles que rsumes au tableau 1.3.

    La premire phase du cycle dapprentissage 1998-2002 a donc consist la-borer le premier Rapport fdral. Avant de rappeler ses principaux rsultats, ilest utile de faire deux remarques relatives au rle de tout Rapport fdral dedveloppement durable dans le cycle dapprentissage du dveloppement dura-ble au niveau fdral.

    1. Une consultation publique de deux mois et les avis remis par une srie de conseils consultatifs ont abouti une modification denviron un tiers du texte initialement propos par ladministra-tion.

    Tableau 1.3 - Llaboration de la politique de dveloppement durable selon la loi de mai 1997

    1. valuation des performances de la priode prcdente (rtrospective) et des perspectives de la priode suivante (base sur la prospective)

    2. Prparation sur base participative et dlibrative des politiques de la priode suivante, rendues cohrentes par le Plan fdral de dveloppement durable

    3. Dcision dadoption de ces politiques dans ce Plan fdral

    4. Mise en uvre de ces politiques grce au Plan fdral

    5. Monitoring de ces politiques et du Plan fdral.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

    23

    Tout dabord, comme le montre le tableau 1.3, lvaluation par le Rapport desperformances de la priode prcdente en matire de dveloppement durabledoit porter sur les tapes 2 5 numres ci-dessus. Mais cette valuation despolitiques fdrales menes ne doit pas se limiter aux politiques contenuesdans le Plan. Le Rapport doit valuer le Plan qui constitue le catalyseur de lapolitique fdrale de dveloppement durable mais toute cette politique ne pas-se pas pour autant par ce Plan. Il va aussi de soi quil lui est impossibledvaluer chaque politique et mesure de dveloppement durable, quelle soitreprise ou non dans le Plan. Une valuation des tapes 2 5 pourra donc trefaite en ciblant les objectifs politiques des dix questions choisies (voir 1.1.1) eten choisissant une srie de mesures politiques type, ou tudes de cas (voirpartie 3). La valeur dexemple de ces problmatiques particulires et de cestudes de cas contribuera au processus dapprentissage de la politique de d-veloppement durable en gnral et du Plan fdral en particulier.

    Dautre part, le rle de cette valuation ralise par le Rapport nest en aucuncas de servir de rquisitoire en vue dun "jugement". Elle est un outil qui doitpouvoir contribuer au dbat dmocratique. "Ce qui doit caractriser lvalua-teur par rapport aux actions ou aux fonctions values, cest la modestie de sadmarche et non un rapport conflictuel avec ses interlocuteurs - lequel dbou-chera toujours sur un chec de lvaluation"1. Une valuation doit doncrespecter le statut et la dignit des responsables concerns: The most impor-tant purpose of evaluation is not to prove but to improve.

    Quant aux principaux rsultats du premier Rapport sur la politique de dvelop-pement durable mene au cours des annes 1992 1998, les cinq dficits sui-vants avaient t identifis dans la mise en uvre des principes dedveloppement durable exposs au point 1.2.3:

    faible inscription de la politique fdrale belge dans les enjeux dundveloppement durable de la plante;

    manque dobjectifs (de vision) long terme et de moyens pour la miseen uvre;

    segmentation des composantes sociale, environnementale et conomi-que dun dveloppement durable par manque de coordination et dint-gration, notamment dans la politique, la recherche et la concertation;

    non prise en compte des incertitudes relatives aux retombes du dve-loppement actuel;

    peu deffort pour clarifier les enjeux du dveloppement durable sur baseparticipative.

    Il appartient au deuxime Rapport fdral belge2 dactualiser les conclusionsdu premier pour savoir dans quelle mesure elles sont encore valables trois ansplus tard. Mais force est de constater que la Belgique nest seule encourir undiagnostic aussi svre. Dans le cadre des travaux prparatoires au Sommetde Johannesburg, le Secrtaire gnral des Nations unies a fait rapport en 2002sur la mise en uvre dAction 21 par la Communaut internationale depuisRio3. Ce rapport mondial fait un constat dont il est frappant de constater

    1. Socit Wallonne de lvaluation et de la prospective, Charte fondatrice adopte lors de son Assemble gnrale du 29 avril 2000. Point 2.2

    2. Conformment la loi programme du 30 dcembre 2001, ce Rapport a t rdig pour le 31 dcembre 2002.

    3. Implementing Agenda 21. Report of the Secretary-General. 19 dcembre 2001. E/CN-17/2002/PC.2/7. 69 pages.

  • Dveloppement durable

    24

    combien les grandes lignes sont semblables celles des conclusions du Rapportfdral belge de 1999. Il constate en effet un manque de cohrence despolitiques d la fragmentation du processus de dcision et une prpondrancedu court terme sur le long terme due un systme de valeur qui privilgie notremode de vie actuel au dtriment des gnrations futures.

    1.2.7 Modles de dveloppement durable

    Les "modles" sont des reprsentations plus ou moins simplifies des relationsexistant entre les lments dun systme.

    Le Rapport utilise en fait trois types de modles diffrents.

    La partie 2 du Rapport met laccent sur certaines relations de cause effet entre indicateurs dun dveloppement durable. Elle utilise unmodle simplifi1 qui classe les flux et stocks de capitaux en trois cat-gories: les "pressions", les "tats" et les "rponses". Des rponses sonten effet apportes par la composante institutionnelle pour arbitrer leseffets des pressions qui sont exerces par les activits de la socit sur

    Figure 1.5 Stratgie fdrale de dveloppement durable: le premier cycle dapprentissage fdral

    Reporting (1/19988/1999)Organisme indpendant et scientifique

    Reporting 2 (9/200012/2002)Organisme indpendant et scientifique

    Planning (912/1999)Organismes et administrations publiques

    Consultation (13/2000)Population et organismes reprsentatifs

    Amendements (46/2000)Organismes publics et scientifiques

    Dcision (79/2000)Gouvernement

    Mise en uvre (2000)Socit

    Monitoring (2000)Organisme public

    1. Il sagit dune simplification du modle DPSIR (initiales anglaises des mots Forces directrice, Pres-sion, tat, Impact, Rponse) utilis notamment dans le premier rapport fdral.

  • Opportunits et problmes de dveloppement

    25

    les tats des stocks de capitaux. Les liens entre ces concepts sontreprsents sur la figure 1.3 de la partie 1 ainsi quau dbut de lapartie 2.

    Le rle des institutions pour apporter des rponses est illustr de faongnrale par la pyramide de la figure 1.1. Pour dcrire de faon dtaillele fonctionnement de la composante institutionnelle fdrale, le modleadopt dans la partie 3 du Rapport dcompose llaboration de la politi-que fdrale de dveloppement durable (voir 1.2.6) en cinq tapes (voirtableau 1.3).

    Quant la partie 4 du Rapport, elle se rfre un modle danalysesystmique intgre portant sur la gestion durable des stocks de capi-taux. Ce modle triangulaire, illustr par la figure 1.2, permet de cadrerdes scnarios alternatifs de substitutions entre ces stocks. Il aide le lec-teur explorer les futurs possibles en fonction de la pluralit des visionsdavenir existant parmi les acteurs dun dveloppement durable. Cesvisions sont la base de dcisions refltant les diffrentes sensibilitshumaines aux risques encourus par les trois formes de capitaux. Cesscnarios mettent en scne diffrents types de dcision qui influencentleur volution future et leurs relations de substitution.

    Aucun de ces modles nest videmment considr comme "le meilleur". Leurintrt se situe dans leur complmentarit donnant une image globale de lar-ticulation entre les diffrentes questions de dveloppement durable, tant pourle pass que pour lavenir. Ces diffrents modles devront dailleurs lavenirtre intgrs dans un cadre danalyse systmique global. Celui-ci na pas enco-re vu le jour mais leur combinaison dans ce Rapport esquisse dj les contoursdes travaux futurs de lquipe dans ce domaine.

    1.3 Dix problmatiques de dveloppement durable

    A premire vue, les dix questions de dveloppement numres au premierchapitre ne sont pas toutes pertinentes pour valuer si la Belgique est dans lavoie dun dveloppement durable. Le dveloppement durable est plus souventtudi en rapport avec lenvironnement et les gnrations futures, les change-ments climatiques et la perte de diversit biologique quavec les technologiesde linformation, le tabac, le financement des entreprises et la sant sur leslieux de travail. Ces dix questions sont pourtant toutes relies aux enjeux dundveloppement durable de deux faons au moins:

    elles comportent une grappe dopportunits et de problmes non rso-lus du dveloppement d'une socit; ceux-ci ncessitent des arbitragesquand des objectifs diffrents entrent en conflit;

    elles sont des champs dapplication des grands principes dun dvelop-pement durable et concernent ses objectifs ultimes.

    Cest pourquoi elles sont appeles dans ce rapport problmatiques de dvelop-pement durable.

  • Dix problmatiques de dveloppement durable

    26

    Objectifs ultimes et conflits dobjectifs

    L'tude de ces dix problmatiques peut contribuer guider la ralisation pro-gressive des objectifs ultimes mentionns dans le Plan (voir 1.2.2). Cesobjectifs concernent la satisfaction des besoins et la priorit accorder aux be-soins essentiels des plus dmunis tant pour les gnrations actuelles quefutures. Ils concernent aussi le respect des limites des ressources non renou-velables. La prsentation des dix problmatiques faite dans ce chapitre mettralaccent sur les "arbitrages faire, voire les conflits court terme entre les ob-jectifs sociaux, environnementaux et conomiques d'un dveloppementdurable" (PFDD 67).

    Champ dapplication des principes

    Pour chacune de ces dix problmatiques, lapplication des cinq principes dedveloppement durable rappels au chapitre 1.2.2 permet de prendre desdcisions rpondant aux problmes poss et exploitant les opportunits exis-tantes. Ces principes balisent les voies que peut emprunter une socit pourbtir un dveloppement durable. Ils font partie d'un plus large ensemble deprincipes qui ont t adopts par la communaut internationale dans la Dcla-ration de Rio. Les rponses des politiques publiques seront donc systmati-quement confrontes ces cinq principes tout au long du rapport. Celapermettra de voir si, et comment, elles contribuent raliser les objectifs rap-pels ci-dessus en tant gres selon les principes suivants:

    responsabilit globale dans lvolution du dveloppement;

    quit entre les gnrations actuelles et envers les gnrations futures;

    intgration des diffren