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Le chemin de la communion avec Dieu Circulaire du supérieur général Fr. José Ignacio Carmona Un pèlerinage d’espérance

Un pèlerinage d’espérance · la résurrection. Le Christ est bien notre espérance car ... Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle, je suis inébranlable. » (Ps 62,

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Le chemin

de la communion avec Dieu

Circulaire du supérieur général

Fr. José Ignacio Carmona

Un pèlerinage d’espérance

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d’entreprendre « Un pèlerinage d’espérance sur lechemin de la communion ». Nous affirmions aussi quedans les mots pèlerinage, espérance, chemin et com-munion, nous trouvions la clé « pour vivre avecauthenticité notre vie religieuse et être signes d’espé-rance dans notre monde actuel » (Un pèlerinage d’es-pérance, p. 3). Voilà pourquoi je voudrais m’arrêterpour expliquer un peu chacun de ces mots.

Je vous invite, frères, à commencer notre pèleri-nage avec les yeux et le cœur tournés vers le Cœur deDieu qui nous appelle à vivre une communion de plusen plus intime avec lui. Par elle, frères et collabora-teurs, nous avancerons dans le pèlerinage d’espé-rance sur le chemin de la communion fraternelle et dela communion dans le charisme et la mission.

C h e m i n e rcaractérise lap e r s o n n eh u m a i n e .L ’ h o m m e ,avant d’êtresédentaire, aété nomade; ilse déplaçait endivers endroitspour trouversa nourritureet pourvoir àses autresbesoins. Aujourd’hui, cette caractéristique se mani-feste dans la soif de voyager et de découvrir de nou-veaux mondes, comme s’il cherchait en permanencequelque chose qui lui manque. Le voyage devientmême parfois une fuite pour ne pas se retrouver avecsoi-même et avec les autres.

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J’écris cette circulaire pour nous, frères de l’insti-tut, et pour les personnes avec lesquelles nous parta-geons notre vie et notre mission. Je veux y soulignerle besoin et l’urgence de retourner à l’essentiel de nosvies, dans la fidélité au charisme reçu du Père AndréCoindre, incarné et transmis par le Vénérable FrèrePolycarpe et par nos devanciers.

Il n’est pas facile de dire quelque chose qui puisseservir à des personnes de mentalités différentes. Jeserais très satisfait si le message de cette circulairenous aidait à vivre en profondeur l’esprit du chapitregénéral de 2006 et nous stimulait à entreprendrenotre pèlerinage d’espérance avec une intention pro-fonde de conversion à Dieu et avec le désir que le Pèrenous fasse expérimenter son immense amour dans larencontre intime avec Jésus-Frère (cf. Un pèlerinaged’espérance, Ordonnance).

En plus de la confiance en Dieu et de l’appui de mesfrères, une autre réalité m’a encouragé à acceptermon service comme supérieur général de l’institut :celle de ne pas avoir à me préoccuper de tracer unprogramme. Il a été toujours très clair pour moi quela vie religieuse a son fondement dans la Parole deDieu et dans le charisme d’André Coindre, tels quenous les trouvons exprimés dans la Règle de vie etdans l’héritage de nos devanciers. Le chapitre générala signalé les points forts de ce programme. Il importedonc que je lui prête attention et que j’y découvre ety écoute la voix de l’Esprit.

Le 8 avril dernier, le dimanche de la Résurrection duSeigneur, nous avons publié les informations et lesdécisions du chapitre général de 2006. Dans l’intro-duction, nous disions que les capitulants, « mus parl’espérance », ont voulu avancer en « eau profonde »,c’est-à-dire vivre aujourd’hui la vie religieuse avecradicalité. Pour cela, ils ont proposé à l’institut

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C H A P I T R E I

« Quelle joie lorsqu’on m’a dit :Allons à la maison du Seigneur! »

(Ps 122, 1)

« De quel amour j’aime ta demeure,Seigneur, Dieu de l’univers!

Je désire les parvis du Seigneur de toute mon âme; mon cœur et ma chair sont un cri vers le Dieu vivant!

L’oiseau lui-même s’est trouvé une maison, et l’hirondelle un nid pour abriter sa couvée :

tes autels, Seigneur de l’univers,mon Roi et mon Dieu. »

(Ps 84, 2-4)

Pèlerinage, chemin

En préparant le pèlerinage

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gue; d’autres pour descendre dans la profondeur deleur être, pour expérimenter le besoin qu’ils ont desautres, pour se libérer de la réduction égoïste du moi,pour s’ouvrir à des rencontres importantes et pourretrouver la joie d’être; finalement, d’autres font lepèlerinage pour vivre une profonde expérience deDieu qui vient à leur rencontre sur le chemin.

Quels motifs me poussent à faire le pèlerinage dansma vie religieuse en répondant à l’appel du Seigneur?Frères, j’ouvre mon cahier de route. L’image du pèle-rin m’invite à être un religieux plus authentique etm’aide à chercher en Dieu le sens de ma vie reli-gieuse. Lui, Père-Mère, m’a donné l’existence; dans lapersonne de Jésus, son Fils et mon frère, il s’est faitmon compagnon de chemin; il me donne son Espritpour l’aimer et pour aimer mes frères, et il m’attend àla fin du chemin pour me recevoir dans sa maison quideviendra la mienne. Comme religieux, je n’oeuvrepas dans le monde avec une visée exclusivementhumanitaire; je suis un consacré pour vivre l’expé-rience joyeuse du « Dieu-seul-me-suffit ».

Je vis l’expérience profonde de Dieu dans la rencon-tre intime avec Jésus-Frère, en m’identifiant à lui danssa façon d’être et de vivre. Cela me porte à appréciertout ce qu’il y a de bon dans le monde et dans la cul-ture d’aujourd’hui : le soin de la nature, l’intérêt pourles connaissances, le progrès scientifique et technolo-gique, la valorisation adéquate du corps humain, lasensibilisation face aux douleurs des autres, la solida-rité, la dignité de la femme, etc. Mais cela me porteégalement à être critique, à rejeter les fausses idolesde l’individualisme, du matérialisme, de la consomma-tion à outrance, du confort, de la recherche de l’effi-cience à tout prix, de la superficialité, de l’hédonisme,etc.

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Se mettre en chemin est aussi une attitude chré-tienne. Depuis toujours, on a compris la vie chrétiennecomme un pèlerinage : nous venons de Dieu et nousnous dirigeons vers Dieu. Le peuple d’Israël marchequarante ans à travers le désert. Jésus a marché avecnous sur les routes de ce monde. La Vierge Marie,pèlerine dans la foi et l’espérance, s’est mise elle aussien chemin. De même, tant de saints : Jacques leMajeur, Barthélemy, François d’Assise, Ignace deLoyola… et tant de missionnaires… et tant de nos frè-res.

L’homme religieux se met en chemin vers lesendroits consacrés à Dieu et à ses saints. Depuis le pre-mier siècle du christianisme, les disciples de Jésus ontmarché vers Jérusalem, Rome, puis vers St-Jacques-de-Compostelle, Le Puy, Fourvière, etc. Je suis né dansun petit village de la Navarre, en Espagne, près du che-min de St-Jacques. Des milliers de pèlerins ont fait lechemin à l’époque du Moyen-Âge; tout cela semblaitrévolu quand, dans la seconde moitié du XXe siècle,renaît le pèlerinage à St-Jacques. Aujourd’hui, il estpresque impossible de sortir sur le chemin à n’importequelle heure du jour et à n’importe quelle époque del’année sans rencontrer quelques pèlerins.

Quels motifs peuvent avoir ces gens pour faire unpèlerinage à pied, le sac sur l’épaule, seuls ou enpetits groupes? Il y en a qui marchent pour se sentirlibres dans un monde où il y a tant d’esclavages; d’au-tres pour faire de l’exercice physique et maintenir ouaméliorer leurs conditions de santé; d’autres sont atti-rés par le contact avec la nature; d’autres pourl’amour de l’histoire et de l’art; d’autres en réaction aurythme frénétique du monde d’aujourd’hui; d’autrespar gratuité face à l’idole de l’efficience; d’autres pourcontester la société du confort; d’autres pour expéri-menter leur propre précarité devant la soif et la fati-

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Dieu espère en nousDieu espère en nous bien avant que nous espérions

en lui. Et Dieu espère en nous parce qu’il nous aime.Il espère en nous quand il crée le monde, quand ilnous crée à son image et à sa ressemblance, quand,après le péché de l’homme, il nous donne son propreFils qui se fait homme comme nous et qui, ne retenantpas le rang qui l’égalait à Dieu (cf. Ph 2, 6), refuse dese soustraire au pouvoir même de la mort, quand Dieusouffre avec Jésus sur la croix, quand il le ressuscitecomme garantie de notre propre résurrection.

Dieu est notre espéranceDieu se fait espérance pour nous en Jésus Christ,

par l’action de l’Esprit. Il est le « ‘Dieu de l’espérance’(cf. Rm 15, 13), le ‘Père de la gloire’ qui, dans son Fils,découvre à l’homme son ‘immense gloire’ (cf. Ep 1,18) et lui ouvre son Royaume » (cf. Mc 1, 15; Lc 17,21) 1.

En Jésus Christ, le Père nous découvre sa figure depère, nous révèle que nous sommes des fils appelés àl’intimité avec lui et que notre vie est un chemin versla résurrection. Le Christ est bien notre espérance caren lui se sont déjà accomplies toutes les promesses(cf. Ac 2, 25-35; Lc 4, 21; Rm 8, 11; Col 1, 18; He 10,23).

Le texte de la première lettre de saint Pierre estplus expressif que n’importe quel autre commentaireque nous pourrions faire.

Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur JésusChrist : dans sa grande miséricorde, il nous aengendrés de nouveau par la Résurrection deJésus Christ d’entre les morts, pour une vivanteespérance, pour un héritage exempt de corrup-tion, de souillure, de flétrissure, et qui vous estréservé dans les cieux, à vous que, par la foi, lapuissance de Dieu garde pour le salut prêt à semanifester au dernier moment (1 Pi 1, 3-5).

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Dans un monde où les gens valent par leur capa-cité d’achat et par la quantité de choses qu’ils possè-dent, vivre pour Dieu me porte à faire le pèlerinageavec un équipement léger, avec l’indispensable, dansle dépouillement des choses et de moi-même, éloignéde tout attachement, toujours en recherche, vigilant,loin de la médiocrité et de l’installation.

Comme pèlerin, j’essaie de me laisser conduire parl’Esprit Saint et de vivre en état permanent de conver-sion au Dieu Amour. Cette disposition m’aide à prieren « esprit et en vérité ». Cette relation fortifie etdonne forme à ma vie de communion avec les autreset à mon engagement pour le Royaume.

Le 4 juin 2005, fête du Cœur Immaculé de Marie, lefrère Bernard Couvillion publia la circulaire intitulée Unpatrimoine d’espérance. Je vous recommande d’yrevenir pour l’avoir présente à l’esprit. Au risque derépéter les idées qu’il y développait, je fais quelquesconsidérations à propos de l’espérance.

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« Je n’ai de repos qu’en Dieu seul, mon salut vient de lui.Lui seul est mon rocher, mon salut,ma citadelle, je suis inébranlable. »

(Ps 62, 2-3)

« Le Seigneur nous aime trop, mon cher frère,lorsque après nous avoir fait voir le fond de l’abîme,

il veut bien nous en retirer.Espérons donc toujours. Abraham est devenu le père des croyants

pour avoir espéré contre toute espérance. »(André Coindre, Écrits et documents, 1, Lettres 1821-1826, Lettre no VIII, p. 87)

Espérance

1 BORILE, Eros y otros. Diccionario de pastoral vocacional. Salamanca, Ed.Sígueme, 2005, p. 437.

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qui rend capable d’espérer, comme Abraham, contretoute espérance (cf. Rm 4, 18-19); elle est la certituded’obtenir ce que nous ne possédons pas encore.

Appelés à être et à construire l’espéranceTous les jours, les moyens de communication nous

informent des désastres naturels, des injustices, de lapauvreté, de la faim, des maladies, des guerres et dela mort. Nous ne pouvons pas nous enfermer dans unchâteau pour rêver à un monde parfait et fermer lesyeux devant la réalité. Nous ne pouvons pas non plustomber dans le défaitisme ou dans le pessimisme. Lechrétien est un réaliste qui espère. La vocation chré-tienne est un appel à l’espérance (cf. Ep 4, 4). Notreoptimisme a son fondement dans la foi en Dieu créa-teur – « et Dieu vit que cela était bon » (Gn 1, 4) –et en Dieu libérateur. Sachons découvrir les signesd’espérance. Sachons regarder les signes de vie sansnous limiter à voir uniquement les signes de mort.Comme prophètes, dénonçons les signes de mort etannonçons les signes de vie qui peuplent l’histoirehumaine et l’histoire de l’Église. Croyons en la bontéde la création et en ce que notre histoire constitue lesfils avec lesquels Dieu tisse l’Histoire même du salut.Espérons que le Dieu qui a ressuscité Jésus ressusci-tera cette humanité.

Nous contenterons-nous de vivre l’espérance pournous-mêmes? Non, car notre espérance est mission-naire et nous pousse à nous engager ici-bas dans laconstruction du Royaume. L’espérance est incompati-ble avec une vie chrétienne désincarnée, aliénée etéloignée des responsabilités historiques. Le ConcileVatican II dit : « Ils s’éloignent de la vérité ceux qui,sachant que nous n’avons point ici-bas de cité perma-nente, mais que nous marchons vers la cité future,croient pouvoir, pour cela, négliger leurs tâches

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Nous espérons en DieuL’espérance fait partie de ce qu’il y a de plus pro-

fond dans la personne humaine. Elle est toujours enchemin entre ce qui est et ce qui sera, elle est un pro-jet qui se construit jour après jour. Dans cette tensionvers l’avant, les croyants discernent une soif de Dieu.Nous disions auparavant que c’est Dieu qui espèred’abord en nous. Voilà pourquoi la vérité complète surl’espérance pourrait s’exprimer ainsi : l’espérance estl’élan de Dieu vers l’homme et l’élan de l’homme versDieu.

Puisque l’espérance chrétienne est une vertu théo-logale, elle n’est pas notre œuvre mais celle de l’EspritSaint : elle a sa source dans notre participation à lavie trinitaire, puisque par le don de l’Esprit, nous som-mes, dans le Christ, fils du Père et héritiers de Dieu(cf. Rm 8, 16-17). L’espérance émane de la certitudede l’amour de Dieu et, par conséquent, elle conduit àl’abandon filial entre les mains du Père; elle est l’as-surance confiante de recevoir l’héritage des fils deDieu comme accomplissement des promesses. Pour lechrétien, le Royaume est déjà commencé même s’iln’est pas encore arrivé à sa plénitude. L’espérance estl’aujourd’hui des fils de Dieu, ces pèlerins qui avan-cent sur la route même s’ils ne sont pas encore arri-vés au but.

Puisque le Christ est notre espérance, celle-ci semaintiendra vivante en nous si nous demeurons enra-cinés en lui (cf. Col 2, 6; 1 Co 3, 10-11). La rencontreavec le Ressuscité ravivera notre espérance commecela est arrivé aux disciples d’Emmaüs. Comme Jésus,nous serons capables d’espérer même dans la nuitobscure de nos Gethsémanis. Comme lui, nous reste-rons confiants dans le Père malgré son silence, mêmequand il n’y aura plus de motifs d’espérer ni de garan-ties de réussite. L’espérance est une audace de la foi

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la communication et la collaboration; on le constatedans la multiplication des gestes de solidarité, desassociations nationales et internationales, et des ins-titutions d’aide aux gens les plus défavorisés de la pla-nète. Nous voyons aussi que dans le monde de la pen-sée, on insiste davantage sur la dimension sociale dela personne qui ne peut se réaliser qu’en vivant avecles autres.

Sans vouloir généraliser, l’homme religieux dupassé risquait davantage de vivre son rapport avecDieu comme un rapport individuel dans lequel l’impor-tant était de gagner des mérites pour son propresalut. Aujourd’hui les choses ont beaucoup changé etl’Église comprend mieux que la foi s’exprime aussidans le vécu de la communion et du service. On doitcela aux changements culturels et sociaux, et à unelecture de l’Évangile en clé de communion.

Certains courants théologiques actuels nous pré-sentent Dieu comme Dieu-Famille et soulignent sadimension trinitaire. Le Père, en se donnant totale-ment, suscite le Fils, et de leur don réciproque, surgitl’Esprit. Dieu, essentiellement don et communion,crée l’homme à son image et à sa ressemblance (cf.Gn 1, 27). Puisque nous sommes image et ressem-blance du Dieu-Communion, nous aussi, nous som-mes appelés à la communion. Et telle est aussi la réa-lité la plus profonde de l’Église. L’amour est la viemême de Dieu (cf. 1 Jn 4, 8.16; R 1) et la charité estl’essence de l’Église et le signe de sa vie : « Si je n’aipas l’amour, je ne suis rien » (1 Co 13, 2).

L’Église est sacrement du Royaume, de ceRoyaume qui n’est pas de ce monde (cf. Jn 18, 36).L’Évangile nous présente le Royaume comme un ban-quet, comme le lieu de rencontre et de communionde ceux qui vivent les valeurs de l’Évangile de Jésus(cf. Mt 22, 2).

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humaines » (Gaudium et Spes 3). Dans le mêmedocument, nous lisons : « En outre, l’espéranceeschatologique ne diminue pas l’importance destâches terrestres, mais en soutient bien plutôt l’ac-complissement par de nouveaux motifs » (GS 21).

Il n’y a pas d’espérance sans charité : nous ne pou-vons pas séparer l’amour pour Dieu de l’amour pour leprochain. C’est pourquoi nous sommes appelés à êtreespérance pour les autres, pour les enfants et les jeu-nes, en particulier pour ceux dont les besoins sontplus pressants. Nous le serons dans la mesure où nousferons nôtre le souci constant du Père Coindre :« soustraire les jeunes à l’ignorance et les préparer àla vie, leur donner la connaissance et l’amour de lareligion » (Règle de vie, Préambule, p. 15).

Beaucoup de personnes se demandent aujourd’huisi la vie religieuse existera dans le futur. Face à ladiminution du nombre de frères, nous aussi, nousnous demandons ce que sera notre futur. Que faire?La peur, la désespérance et l’angoisse ne germent pasen celui qui vit d’espérance. La passivité non plus carnous savons que le salut arrive toujours quand seconjuguent le don de Dieu et l’effort de l’homme.Vivons avec fidélité notre vocation, travaillons aumaximum pour la promotion des vocations et la for-mation, et, à la fois, espérons et laissons le futur entreles mains de Dieu.

De nos jours, la population se concentre dans lesgrandes villes. Les personnes sont plus proches maisvivent plus isolées. La solitude et l’individualismecaractérisent l’homme de notre temps. Mais d’autrepart, il y a aussi une forte tendance à resserrer lesliens entre les personnes et les groupes, à intensifier

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Communion

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L’Église, ces cinquante dernières années, a insistésur la communion comme élément constitutif de la viechrétienne et sociale. Dans les documents du concileVatican II, on trouve clairement exprimé cet enseigne-ment. Déjà dans les premiers paragraphes de laconstitution Lumen Gentium, nous lisons que L’Église,corps mystique du Christ, est « le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intimeavec Dieu et de l’unité de tout le genre humain »(LG 1). Plus récemment, l’Église s’est présentéecomme « maison et école de communion » (Repartirdu Christ 25). L’Église est sacrement du Royaume envivant et en construisant la communion.

Si l’Église se doit de vivre la communion, à plusforte raison les religieux, et spécialement les religieuxfrères, et nous, Frères du Sacré-Cœur. Le 29 octobre2005, dans une présentation sur l’identité du religieuxfrère aux religieuses et religieux de la Colombie, jesoulignais que notre Règle de vie, dont la versionpostconciliaire fut approuvée en 1984, obéit à unschéma semblable à celui de l’Exhortation apostoliqueVita consecrata, publiée le 25 mars 1996. Celle-cicomprend trois parties : la confessio Trinitatis, lesignum fraternitatis et le servitium caritatis. NotreRègle de vie, significativement, commence plutôt parsouligner l’unité, le signum fraternitatis; viennentensuite la confessio Trinitatis (la consécration) et leservitium caritatis (la mission).

Nous sommes convoqués et réunis pour vivre lacommunion. Et cela interpelle les frères à vivre encommun. Mais la vie en commun, sous le même toitet avec un horaire et des activités communes, estinsuffisante. Vivre en communion implique de cultiverle dialogue, les bonnes relations, la connaissancemutuelle, l’amitié véritable, en un mot, l’authentiqueamour fraternel qui va jusqu’à l’oubli de soi et la cor-rection fraternelle (cf. R 25).

J’ai l’habitude de répéter que la seule vocationdans cette vie est la vocation à la communion. En ellese résume l’amour pour Dieu et pour le prochain; voilàqui est « toute la loi et les prophètes ». La commu-nion est aussi notre vocation définitive, celle que nousvivrons en plénitude quand le Père nous recevra danssa béatitude éternelle.

La communion fraternelle n’est pas retournée surelle-même. Nous sommes en communauté pour lesautres. La communion fraternelle est expression de lacommunion avec Dieu et sa finalité est de formercommunauté. Un évêque de la Colombie me disait :« Ce que j’admire chez les frères, c’est qu’ils formentnon seulement une véritable communauté mais qu’ilscréent la communauté autour d’eux. »

Nous ne pouvons aimer véritablement et vivre encommunion que dans la conversion profonde au Dieuamour qui nous pousse à être de véritables fils et devéritables frères pour tous. Pour entrer dans leRoyaume, il faut passer par la porte étroite du don desoi-même jusqu’à donner sa propre vie par amour.

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L’expression « Un pèlerinage d’espérance sur lechemin de la communion » résume la décision fonda-mentale de notre chapitre général 2006. Le texte cen-tral de l’ordonnance se lit comme suit :

• En réponse aux interpellations du Seigneurressuscité (cf. Jn 21, 15 ss), nous, Frères duSacré-Coeur, nous nous engageons à avancerplus radicalement sur le chemin de la commu-nion pour laquelle nous sommes rassemblés(cf. R 22).

• Nous réaffirmons ainsi notre espérance : parla grâce de communion reçue au baptême,nous et nos partenaires, en fraternité univer-selle, que nous devenions des signes d’espé-rance pour notre monde blessé et pour sesenfants!

• Nous nous engageons à entreprendre, d’ici2012, un pèlerinage d’espérance sur le cheminde la communion : descendre dans la vie inté-rieure, nourrir nos relations interpersonnelles,allumer le feu au sanctuaire de la mission.

L’ordonnance commence ainsi : « En réponse auxinterpellations du Seigneur ressuscité ». Cela veutdire que nous n’entreprenons pas le pèlerinage uni-quement de notre propre initiative ou par volonta-risme, mais parce que Jésus ressuscité nous rejointsur le chemin de la vie, comme cela s’est passé avecles disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35).

Le deuxième paragraphe souligne comment, frèreset partenaires, « en fraternité universelle », « par lagrâce de la communion reçue au baptême », noussommes appelés à être des signes d’espérance pournotre monde.

Frères du Sacré-Coeur

Le troisième nous montre que le chemin de la com-munion compte trois dimensions : la vie intérieure,les relations interpersonnelles et la mission. Noussommes donc appelés à vivre simultanément la com-munion en chacune de ses trois dimensions. Celles-cisont expliquées de la manière suivante :

La communion avec le Christ ressuscité, aveccelui qui nous passionne et nous restitue l’a-mour de la première rencontre (cf. Os 2, 16-21). C’est une communion qui prend sa sourcedans la communion au Dieu Trinité pour quenous soyons un comme le Père et le Fils dansl’Esprit (cf. Jn 17, 21).

La communion avec nos frères, parce que c’estle Seigneur lui-même qui continue de nousappeler à être témoins de fraternité dans unmonde à la recherche de sens et d’espérance.Une communion pour répondre à l’appel de l’É-glise: que nos communautés soient maisons etécoles de communion (cf. Repartir du Christ25).

La communion avec nos partenaires pour quenous répondions ensemble, à partir d’un cha-risme partagé, au cri des enfants et des jeu-nes, spécialement les plus nécessiteux. Frèreset partenaires, nous devons être témoins d’u-nité et signes d’espérance.

En chacune de ces dimensions, le chapitre pro-pose des moyens concrets pour répondre auxinterpellations du Seigneur: « Frère, m’aimes-tu suffisamment pour découvrir... partager... etouvrir... ? » Notre engagement de communionavec Dieu, avec nos frères et avec nos parte-naires exprime combien nous aimons Dieu, nosfrères, les enfants et les jeunes, et toute per-sonne.

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Le premier paragraphe de ce texte exprime notreintense désir d’expérimenter l’amour du Père sansoublier que la première initiative vient de Dieu même.C’est lui qui éveille en nous le désir de le connaîtredans une rencontre intime avec Jésus-Frère. Et decette connaissance naît l’amour. La rencontre conti-nuelle avec Jésus nous identifie progressivement aveclui, nous remplit de sa compassion salvatrice et noustransforme en vue d’une croissante communion avecles autres.

Vivre la compassion et la communion exige de sor-tir de nous-mêmes et de vaincre notre tendance àl’égoïsme. Cela nécessite la grâce de l’Esprit Saint quiœuvre continuellement en nous pour unifier notre vie,c’est-à-dire pour vivre à chaque instant la rencontreavec Dieu qui nous transforme en personnes de com-passion et de communion. Le même Esprit nous aideà surmonter nos résistances pour communier cœur àcœur avec Jésus jusqu’à arriver à prier en esprit et envérité.

Il y a diverses expressions pour parler de la com-munion avec Dieu. Par exemple, nous en parlons entermes de rencontre avec Dieu, de vie intérieure,d’expérience de Dieu, de spiritualité. À l’avenir, j’em-ploierai plus fréquemment ces deux dernières expres-sions, et surtout la dernière. Mais avant de réfléchirsur la spiritualité en tant que caractéristique propre àchaque être humain, je veux exposer très brièvementl’unité fondamentale de la personne.

La personne humaine est unité d’esprit et de corps.De nos jours, les personnes qui parlent de spiritualitésont soupçonnées de prôner un spiritualisme désin-carné et de chercher de façon égoïste leur équilibre etleur bonheur personnel en étant déconnectées du

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Commençons la réflexion sur ce thème en présen-tant la première dimension de la communion tellequ’elle est exprimée dans l’ordonnance du chapitre.

Circulaire du supérieur généralFrères du Sacré-Coeur

C H A P I T R E I I La communion avec Dieu

Rencontrer Jésus

« Dieu, tu es mon Dieu,c’est toi que je désire dès l’aube,

mon âme a soif de toi, ma chair languit après toisur une terre stérile, ingrate et desséchée. »

(Ps 63, 2)

Frère, m’aimes-tu suffisammentpour découvrir chaque jour

dans les événements, dans les personneset dans ta vie de prière,

jusqu’à quel point je t’aime?

Nous désirons grandement vivre de l’a-mour du Père. Il nous invite à le connaîtredans une rencontre intime avec Jésus-Frère qui veut nous remplir de sa compas-sion salvatrice et nous transformer pourune plus profonde communion avec lesautres.

Nous plaçons notre fragile espérance dansla grâce de l’Esprit Saint toujours à l’oeu-vre pour unifier notre vie et nous libérerdes contraintes qui nous empêchent demettre du temps pour communier coeur àcoeur avec Jésus en prière.

Nous osons risquer la transformation durythme trépidant de notre vie en prenant la« voie nécessaire » de l’ascèse pour « prieren esprit et en vérité » (R 131; cf. R 133,

139).

La personne humaine, une unité

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n’est pas non plus un Dieu du spectacle qui opère desmiracles à chaque instant en faisant à notre place cequi relève de notre responsabilité. Il n’est pas un Dieucommerçant qui se donne seulement dans la mesureoù nous lui donnons. Il n’est pas un Dieu qui veutnotre mal et devant qui nous pourrions protester enlui disant : « Pourquoi as-tu voulu que cela m’arrive? »

Notre Dieu est le Dieu Père-Mère qui aime avec ten-dresse ses enfants. Il est le Dieu-Amour qui se donnegratuitement à tous, même à ceux qui, d’après nous,ne le mériteraient pas. Il est le Dieu-Famille, Père,Fils, Esprit Saint. Il est le Dieu-Communion qui nous acréés à son image et à sa ressemblance pour que nousvivions la communion. Il est le Dieu-de-Jésus, incarné,l’un des nôtres, faible, serviteur, égal à nous en toutechose sauf le péché, souffrant, compatissant, compa-gnon de chemin, assoiffé de justice, mourant pour lepardon et la réconciliation, et ressuscitant pour lePère. Il est le Dieu de la vie qui veut que toute per-sonne vive et soit sauvée. Il est le Dieu qui respectenotre maturité et notre liberté. Il est le Dieu de la ren-contre qui fait brûler nos cœurs tandis qu’il nous expli-que les Écritures.

Le mot spiritualité dérive du mot esprit qui signifiesouffle, vent, haleine de vie : « L’Esprit de Dieu tour-noyait sur les eaux » (Gn 1, 1). Ce terme est égale-ment associé au feu : « Ils virent apparaître des lan-gues qu’on eût dites de feu; elles se partageaient, etil s’en posa une sur chacun d’eux » (Ac 2, 3). Mieux,il se réfère à l’Esprit comme troisième personne de laTrinité. Vivre la spiritualité chrétienne, c’est vivreselon l’Esprit de Jésus. Et parce que l’Esprit est rela-tion d’amour, nous pouvons dire que la spiritualité estla manière particulière de vivre notre relation avecDieu et la répercussion de cette relation dans notrevie.

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monde et de ses besoins. C’est l’attitude de la fugamundi, du désengagement pour construire le mondedans lequel nous vivons, de l’attente passive et irres-ponsable. Cette disposition a son origine, en bonnepartie, dans la valorisation exclusive de la dimensionspirituelle de l’homme aux dépens de sa dimensioncorporelle. Alors les réalités matérielles n’ont pasd’importance et il importe peu que des personnesmanquent de nourriture, de logement salubre, demoyens pour la santé et l’éducation, etc. Cettemanière de voir n’a rien d’évangélique.

Pour nous, la personne humaine est une unité à lafois du corps et de l’esprit. L’homme est formellementcorps et formellement esprit. « L’homme est forméd’une substance psychique et de millions de substan-ces matérielles, mais toutes constituent une seuleunité structurelle. Chaque substance a en soi ses pro-priétés, mais la structure leur confère une substantia-lité unique, en vertu de laquelle l’activité humaine estabsolument nouvelle. » 2

Le concile Vatican II reconnaît cette unité substan-tielle quand il affirme : « Corps et âme, mais vrai-ment un, l’homme est, dans sa condition corporellemême, un résumé de l’univers des choses qui trou-vent ainsi, en lui, leur sommet » (GS 14).

Étant donné que, comme nous le verrons, la spiri-tualité est le vécu de notre relation avec Dieu, il estimportant de préciser quelle est notre conception deDieu. Est-ce le Dieu des philosophes, est-ce le Dieu del’Ancien Testament, est-ce le Dieu de Jésus?

Pour nous, Dieu n’est pas une énergie sans visage,à la façon du Dieu du Nouvel-Âge. Si c’était ainsi, nousne pourrions avoir ni relation ni dialogue avec Lui. Il

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Le Dieu de notre prière

Spiritualité chrétienne

2 ZUBIRI, Xavier. Cinco lecciones de filosofía, 2ª ed.. Madrid: Sociedad de Estudiosy Publicaciones, 1970, p. 25.

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La spiritualité chrétienne comme échange de sen-timents

Cela signifie que la spiritualité consiste à écouter ceque Dieu ressent pour moi (dans sa Parole surtout) età exprimer à Dieu mes sentiments d’admiration, dereconnaissance, d’humilité, d’amour. Ce sont les sen-timents que l’Esprit met en mon cœur. Dans ma rela-tion avec Dieu, j’apprends à avoir pour lui, pour moi-même, pour les autres et pour toute la création lessentiments mêmes de Dieu qui sont les sentimentsde Jésus. De cette façon, je suis le conseil de saintPaul : « Ayez entre vous les mêmes sentiments quisont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5). Nous vivons laspiritualité dans la rencontre intime avec Jésus-Frère;la spiritualité est une expérience intime d’amitié avecDieu.

La spiritualité chrétienne comme échange de ser-vices

Notre Dieu est un Dieu en tenue de service. Jereçois de lui la vie physique, la vie spirituelle, lessacrements, etc. De mon côté, je le sers en l’aimantet par les bonnes œuvres que je fais en faveur du pro-chain, puisque « dans la mesure où vous l’avez fait àl’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi quevous l’avez fait » (Mt 25,40); et je ne peux prétendreaimer Dieu que je ne vois pas si je n’aime pas monprochain que je vois (cf. 1 Jn 4, 20).

Les rencontres spéciales avec Dieu sont desmoments forts de relation avec lui. En elles, je partageconnaissances, sentiments et services. En elles, j’in-tensifie mon union intime avec le Père par la rencon-tre intime avec Jésus-Frère qui m’enrichit « de sacompassion salvatrice et (me transforme) pour une plusprofonde communion avec les autres » (Un pèlerinage

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Bauer dit que la vie intérieure ou la spiritualité est« une haute disposition d’amour de Dieu, fondée dansun profond esprit de foi et de confiance en lui, uneattitude permanente de l’âme, une joyeuse prompti-tude de notre volonté à faire tout ce que Dieu veut etcomme il le veut. » 3

Les relations, échange de connaissances, desentiments et de services

Pour approfondir un peu plus la signification de laspiritualité chrétienne et parce que nous disons que laspiritualité est relation, il me semble opportun de direque dans les relations interpersonnelles, nous échan-geons connaissances, sentiments et services. Nouspourrions aussi affirmer que la spiritualité est la rela-tion permanente avec Dieu dans laquelle nous échan-geons avec lui connaissances, sentiments et services.

La spiritualité chrétienne comme échange de con-naissances

En ce sens, font partie de la spiritualité ce que Dieume dit de lui-même, ce que je sais de lui (grâce sur-tout à sa Parole) et ce que je lui dis de moi-même (ceque je pense, ce que je désire, ce que je fais, ce queje vis…) Dans ma relation avec Dieu, j’apprends à voirDieu comme il est et j’apprends à me voir comme Dieume voit, c’est-à-dire avec des yeux de compassion,d’acceptation, de miséricorde et d’amour. Dans lamême relation, j’apprends à voir le monde et les per-sonnes comme Dieu les voit : avec un regard d’admi-ration et d’amour. La spiritualité nous porte à voirdans les autres le visage du Christ et à voir la vie avecles yeux de Dieu.

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3 BAUER, Benito. En la intimidad con Dios. Barcelona: Herder, 1997, 13a edición,p. 204.

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pour voir les autres et le monde avec les yeux deDieu; en même temps, pour s’aimer elle-même, pouraimer les autres et le monde avec le cœur de Dieudans un vécu de compassion et de service. Sa vie estpleine des fruits de l’Esprit qui sont, entre autres,« charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté,confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi »(Ga 5, 22-23).

Multiples visages de la spiritualitéL’unique spiritualité chrétienne se résume dans la

vie selon l’Esprit ou la vie selon l’esprit de Jésus. Or,la personne de Jésus est si riche et comporte tant defacettes que chacun peut s’en approcher par un traitparticulier. Cela peut être la pauvreté de Jésus, sonintimité avec le Père, son obéissance à sa volonté, sonengagement pour l’annonce du Royaume, sa sensibi-lité pour ceux qui souffrent, sa préférence pour lespauvres, sa douceur, son amour total et inconditionnelpour toutes les personnes, etc.

Un institut religieux rassemble des personnes quiont une façon particulière de vivre l’Évangile, c’est-à-dire d’entrer en relation avec le Dieu de Jésus et d’ex-primer cette relation dans leur façon d’être, dans leurrelation avec leurs frères et avec toute la création,dans un effort pour construire le Royaume de Dieu. Cegroupe, en voyant Jésus, s’arrête sur quelques traits

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d’espérance, Ordonnance, 1ère dimension). Ces ren-contres me permettent de vivre la compassion et lacommunion dans les autres activités et moments demon pèlerinage quotidien d’homme d’action.

Dans les paragraphes suivants, j’essaierai de pré-senter quelques traits caractéristiques d’une personnespirituelle. Par rapport à sa relation avec Dieu, la per-sonne spirituelle vit en syntonie et en intimité avec luipour la rencontre avec Jésus, médite la Parole deDieu, donne du temps à la prière, célèbre et vit laliturgie et les sacrements, et accompagne Marie, lafemme priante, dans la contemplation des mystèresde Dieu.

La relation d’une personne spirituelle avec elle-même se caractérise par son amour d’elle-même, sajoie et sa paix intérieure, son équilibre, sa cohérencede vie, sa capacité de silence, sa motivation pour vivreet le dynamisme de sa vie.

La relation d’une personne spirituelle avec lesautres se caractérise par son respect, par sa capacitéd’écoute et de dialogue, par sa sensibilité à la douleurdu prochain, par sa compassion, sa bonté, sa simpli-cité, sa proximité, son accueil, son aide, sa solidaritéen tant qu’option affective et effective pour les pluspauvres, par sa générosité dans l’engagement et lamission.

La relation d’une personne spirituelle avec la créa-tion se distingue par son amour de la nature, par l’in-térêt et le soin qu’elle met à la conserver.

En mode de synthèse de cette section, nous pou-vons dire que la personne spirituelle vit une profondeexpérience de Dieu, c’est-à-dire qu’elle sort d’elle-même pour connaître le Dieu-Amour, pour se voir,

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L a personne spirituelle

La spiritualité de l’institut 4

« Il faut travailler à nous unir à Dieunon pour jouir du plaisir de la paix

mais pour nous soutenir dans la chaleur du combat.La paix sera dans l’autre monde. »

(André Coindre, Écrits et documents, 1, Lettres 1821-1826, Lettre XXII, p. 142)

4 Dans cette section, j’ai tiré certaines idées des conférences données par le frèreRené Sanctorum dans les années 90 et quelques autres de la circulaire du frèreBernard Couvillion, L’option pour la compassion.

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Spiritualité centrée sur le Christ

La spiritualité de notre institut est une spiritualitéchrétienne. Et qui dit chrétien dit venant du Christ,Chemin, Vérité et Vie (cf. Jn 14, 6). La Règle de vie, àl’article 112, affirme à ce sujet : « Le Christ, en sonmystère d’amour, tient ainsi une place primordialedans notre vie de Frères du Sacré-Cœur. Il est au cen-tre de nos motivations et de nos références, comme ilest au principe de notre don total et de notre actionapostolique. » Le frère du Sacré-Cœur a l’Esprit duChrist : doux, bon, humble, simple, sensible, servia-ble, reconnaissant, filial, fraternel, généreux,dépouillé, ferme, vaillant, etc.

Contemplation du Christ transpercéNotre spiritualité « jaillit de la contemplation du

Christ dont le cœur ouvert signifie et manifestel’amour trinitaire pour les hommes » (R 14). Pour sapart, Jean nous invite à regarder Jésus au côté ouvert.Nous contemplons celui qui a été transpercé, c’est-à-dire toute la personne du Christ récapitulée dans soncœur ouvert. Jean nous présente le côté transpercé duChrist avec solennité et insistance (cf. Jn 19, 33-37 ;20, 19-29), comme l’artiste qui veut témoigner de lavie tout entière d’une personne à travers l’œuvre qu’illui consacre.

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caractéristiques de sa personne et centre son atten-tion sur quelques passages préférés de l’Évangile; etsa façon de voir Jésus influe sur sa façon de se voirlui-même, de voir les autres, toute la création etl’Église. Nous, Frères du Sacré-Cœur, nous avons unefaçon particulière de nous accepter et de nous aimernous-mêmes, de voir nos partenaires et les personnesque nous servons, de vivre avec les autres, de voir lemonde et de nous engager à sa construction.

Notre fondateur, André Coindre et, à sa suite, lefrère Polycarpe, ont vécu une véritable spiritualité duSacré-Cœur. Nous en retrouvons les empreintes dansbeaucoup de phrases de leurs écrits, mais aucun desdeux ne nous a laissé une étude ordonnée sur le sujet.Peut-être est-ce là l’origine d’avoir souvent identifié laspiritualité avec des pratiques concrètes de piété,bonnes certes, mais nettement insuffisantes.

Dans la section suivante, j’ai l’intention de présen-ter quelques traits de la spiritualité de l’institut. Je neprétends pas le faire de manière exhaustive puisquecela dépasserait la finalité de cette circulaire. Jereconnais la valeur de quelques études qui ont été fai-tes jusqu’à présent et en même temps, je suisconscient qu’il sera toujours possible d’approfondir lethème, de le préciser chaque fois davantage et de leprésenter dans un langage actualisé. J’ai la fermeconviction que nous trouvons dans la Règle de vie lanature de notre spiritualité et la manière de la vivreaujourd’hui. La Règle nous présente une spiritualitécentrée sur le Christ, surgissant de la contemplation,s’exprimant dans l’amour, englobant toute la vie, res-tant en relation étroite avec la mission et donnant uneplace spéciale à la prière et à la liturgie, le tout assortide la présence de Marie, mère, éducatrice et modèle.

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« … Or, tandis qu’ils discutaient,Jésus lui-même s’approcha, et il marchait avec eux;

mais leurs yeux étaient aveuglés,et ils ne le reconnaissaient pas…Alors ils se dirent l’un à l’autre :

“Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous,tandis qu’il nous parlait sur la route

et qu’il nous faisait comprendre les Écritures?”... » (Lc 24, 13-35)

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Spiritualité de l’amour

Le côté ouvert nous invite à regarder l’amour d’unDieu compatissant qui nous inonde de sa grâce.

Que signifie le symbole du côté ouvert? Notre Règlede vie dit : « L’Évangile nous montre le Sauveur aucôté transpercé comme la source de l’Esprit vivifica-teur, la voie et le signe de l’amour divin » (R 114). Lecôté ouvert du Christ nous invite à contempler l’in-commensurable amour mutuel du Père et du Fils, etl’amour du Père et du Fils pour nous. Jésus est le nou-vel Agneau pascal qui nous donne la vie et nous libère.De son côté ouvert jaillissent le sang et l’eau, c’est-à-dire l’Église et les sacrements par lesquels nous rece-vons la vie de Dieu (cf. Jn 19, 34). De la source del’amour de Dieu, de son cœur, jaillit un fleuve de grâ-ces : la création, la rédemption, la Parole, l’Église,les sacrements, la vie religieuse, notre cher institut;

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Nous disions plus haut que la spiritualité estéchange de connaissances. En contemplant le côtéouvert, nous saisissons le grand amour de Dieu (cf. R113); nous accueillons ce que saint Jean nous dit (cf.1 Jn 4, 8) et que nous trouvons dans le premier arti-cle de notre Règle de vie : « Dieu est amour » (R 1).Le côté ouvert témoigne de la sollicitude du Cœur deJésus pour le monde (cf. R 64). Ce regard nous aide à« croire à l’amour de Dieu, en vivre et le répandre »(R 13). La contemplation du côté ouvert demande quenous prenions grand soin de notre vie de prière (cf. R128-148). Et celle-ci nous conduira à rencontrer leSeigneur en chacun des moments de notre vie.

Nous avons également vu la spiritualité comme unéchange de sentiments. Notre spiritualité consiste ànous revêtir des sentiments du Cœur de Jésus, ce quiimplique d’embrasser son style de vie chaste, pauvreet obéissante (cf. R 61).

Nous avons encore dit que la spiritualité est unéchange de services. Dieu nous donne sa Parole, sonFils et sa grâce; nous lui répondons par notre prière,par notre culte et par notre service des autres. Notrespiritualité colore nos relations avec le prochain (cf. R15) et le service que nous rendons à nos contempo-rains (cf. R 6), aux pauvres (cf. R 10, 50, 126, 150),aux enfants et aux jeunes, spécialement les plusnécessiteux (cf. R 11, 13, 18, 118, 149, 151, 155).

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« Le salut et (le souci) de la perfection des âmes est une desfins de la congrégation. Les frères du Coeur de Jésus se souvien-dront souvent de ces paroles de Jésus-Christ : Je suis venu allu-

mer un feu sur la terre et que désirais-je si ce n’est qu’il brûle? Ilschercheront à le répandre ce feu dans tous les cœurs après l’avoir

puisé dans le cœur sacré de Jésus-Christ. »(André Coindre, Écrits et documents, 2, Règles et règlements, p. 24)

« Approchez-vous fréquemment de celui qui fait fondre la glacedans les cœurs les plus froids. Continuez d’aimer notre Sauveur,en lui demeurant fidèle, puisque seulement en lui se trouvent la

paix et le bonheur véritables, la source de l’amouret le trésor des biens célestes. »(Positio du frère Polycarpe, pp. 439-440)

« Soyez tous, sans cesse et en tout lieu,la bonne odeur de Jésus-Christ, par la pratique fidèle

de toutes les vertus chrétiennes et religieuses. »(Frère Polycarpe, Lettre aux frères de l’Amérique, 28 février 1847)

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blessons mutuellement dans notre vie quotidienne.Souffrir avec patience ses propres limites et celles desautres requiert une grande force spirituelle pour par-donner en vérité et aimer malgré les difficultés.

Souffrir avec le Père pour les autres. Cela réclamede nous engager pour le bien des autres, dans le dif-ficile travail d’éducation des enfants et des jeunes, detraiter avec sollicitude nos frères malades et ceux queont des difficultés spéciales, et de demeurer en per-manence en attitude de service.

L’amour appelle l’amourL’amour incommensurable de Dieu sollicite notre

amour. L’expérience de son amour nous conduit à l’es-time et à l’acceptation de soi, à la compassion et à lamiséricorde envers nous-mêmes.

L’amour de Dieu nous porte également à aimer lesautres et à aimer le monde à la façon de Dieu, c’est-à-dire à vivre la passion de Dieu pour l’homme et pourle monde. Dans sa relation avec le Cœur ouvert, lefrère du Sacré-Cœur arrive à devenir cœur ouvert. Etun cœur ouvert répand la bienveillance, la compas-sion, la bonté, la tendresse, l’appréciation des autres,la compréhension, l’accueil, l’amour inconditionnel,l’esprit conciliateur, le pardon, la miséricorde pourtous, spécialement pour les enfants et les jeunesqu’on lui confie. Vivre la spiritualité de l’institut, c’estêtre passionné de la passion de celui qui aime sansmesure, parce qu’il a reçu du cœur de Dieu le don del’amour; c’est regarder toutes les personnes avecamour, même celles qui sont difficiles, et surtout elles,et vivre pour elles en leur offrant aide, service, orien-tation, accompagnement, appui, écoute et compré-hension.

La spiritualité du Cœur transpercé imprègne aussientièrement notre mission. Elle nous pousse à témoi-gner de la tendresse de Dieu dans un monde où il y a

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toutes ces réalités sont comme des jaillissements dece fleuve de grâces dont la source est le Cœur de Dieumanifesté dans le Cœur de Jésus.

C’est au moment de la mort de Jésus que Dieu selivre totalement à nous. Connaissant l’incapacité d’ai-mer de nos pauvres cœurs, Dieu nous donne le Cœurde son Fils pour que, avec lui, animés par l’Esprit,nous puissions aimer le Père en esprit et en vérité etpour que nous puissions aussi aimer tous nos frères ettoutes les créatures de Dieu. De cette façon, Dieu quimet en nous la soif et la faim de l’amour, nous donnel’eau et le pain de cet amour pour que nous puissionscontinuer notre chemin vers le but du plein amour,vers le moment de l’agapè définitif, quand il ne resteraque l’amour.

Le côté ouvert nous révèle aussi un Dieu humble,lent à la colère; un Dieu compatissant qui « souffre-avec », comme la mère avec son fils malade, qui« souffre-à-cause-de », comme les parents, quandils prennent conscience du manque de reconnaissanceet d’amour de leurs enfants, et qui « souffre-pour »,comme les parents qui s’imposent mille travaux etsacrifices pour le bien de leurs enfants.

Souffrir avec ceux qui souffrent. Cela supposeempathie et sensibilité spéciale envers les plus néces-siteux, envers nos frères, les professeurs, les élèveset toutes les personnes. Cela implique aussi d’écouterles autres, d’assumer des risques pour répondre àleurs besoins, d’avoir des gestes aimables et d’accom-pagner Jésus dont la passion se prolonge en ceux quisouffrent.

Souffrir comme le Fils à cause des autres. Tous,nous sommes pleins d’imperfections et de défauts :l’égoïsme, l’orgueil, la jalousie, la tendance à dominerles autres. Toutes ces limitations font que nous nous

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Le décret Perfectae caritatis souligne que les reli-gieux sont appelés à vivre une profonde spiritualité:

Que ceux qui professent les conseils évangéli-ques cherchent Dieu et l’aiment avant tout, luiqui nous a aimés le premier (cf. 1 Jn 4, 10), etqu’en toutes circonstances ils s’appliquent à setenir dans la vie cachée en Dieu avec le Christ(cf. Col 3, 3), d’où s’épanche et se fait pres-sante la dilection du prochain pour le salut dumonde et l’édification de l’Église (PC 6).

Le même décret, après avoir affirmé que l’actionapostolique et de bienfaisance appartient à la naturemême des instituts de vie apostolique, souligne avecles mots suivants l’unité qu’il y a entre la spiritualitéet la mission :

C’est pourquoi toute la vie religieuse de leursmembres doit être pénétrée d’esprit apostoli-que et toute l’action apostolique doit être ani-mée par l’esprit religieux. Si donc les sujetsveulent répondre avant tout à leur vocation desuivre le Christ et servir le Christ lui-mêmedans ses membres, il faut que leur activitéapostolique dérive de leur union intime aveclui. De là résulte un accroissement de la cha-rité elle-même envers Dieu et le prochain(PC 8).

Je veux insister sur le fait que la spiritualité exprimeun style de relation avec Dieu qui influence toute notrefaçon d’être et d’agir tant aux niveaux personnel quecommunautaire. On ne peut pas la réduire à l’échangeintime individuel avec Dieu car elle influe sur nos rela-tions fraternelles et sur toute notre action apostolique,en les marquant d’un sceau ou d’une touche spéciale,et contribue ainsi à l’unification de notre existence.

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tant de personnes qui manquent d’amour, tant d’en-fants et de jeunes mal aimés, rejetés et abandonnés.Cette spiritualité nous porte à ouvrir notre cœur audénuement des plus pauvres, au découragement desenfants et des jeunes éprouvant plus de difficulté, à ladouleur des blessés de la vie, à l’enfer des esclaves del’alcool ou de la drogue. En principe, l’exclusion desélèves plus difficiles de nos œuvres éducatives ne vapas avec l’Évangile ni avec la pratique de Jésus.

Spiritualité unificatriceLa vision que nous présentons est celle d’une spiri-

tualité unificatrice grâce à laquelle la vie de prière, lavie communautaire et la mission sont intimementunies. La spiritualité pénètre la vie communautaire etla mission en les dynamisant et en leur donnant uneforme particulière; et la vie communautaire et la mis-sion impriment aussi à la spiritualité un sceau carac-téristique. De même que nous ne pouvons pas sépa-rer chez une personne le corps, l’intellect et l’esprit,nous ne pouvons pas davantage séparer chacun deces trois éléments. La spiritualité est dynamisée parl’Esprit d’Amour et s’exprime dans la pratique del’amour exigeant, « vécu dans la relation personnelleavec le Seigneur, dans la vie de communion frater-nelle, dans le service à chaque homme et à chaquefemme » (Repartir du Christ 20).

Sans spiritualité, la mission devient vite activisme,dans le meilleur des cas, professionnalisme. Bien sûr,il va de soi que nous soyons très professionnels dansl’exercice de notre mission apostolique; mais celle-cidoit toujours être marquée du sceau de notre relationintime avec Jésus-Frère qui nous rend hommes deDieu et hommes pour les autres. À l’inverse, s’il n’y apas d’engagement authentique dans la mission, il fautdouter de la spiritualité. Cela revient à dire qu’il existeune étroite relation entre la spiritualité et la mission.

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Frères, je vous décris le commencement de monpèlerinage comme religieux-frère : je fais partie del’institut parce qu’au commencement de ma vie reli-gieuse, j’ai vécu l’expérience de la proximité de Dieu.À ce moment, j’ai senti intensément l’amour de Dieupour moi et en même temps, du plus profond de moncœur, a surgi le désir de correspondre à cet amour enfaisant quelque chose pour lui et pour les autres, etj’ai pris la décision de me donner totalement à Dieu etpour toute ma vie.

Cette première expérience de la rencontre avecJésus vivant continue encore à influer sur ma vie quo-tidienne. Et depuis, avec des moments plus animés etd’autres moins, demeure en moi la joie de rencontrerJésus chaque jour, d’écouter sa voix et d’expérimenterles délicatesses de son amour. Cette expérience meremplit suffisamment de paix pour affronter la viedans les moments désagréables et pour supporter lesdifficultés et les déceptions de mon existence. Le faitde vivre l’expérience de Dieu qui m’aime me donneforce, dynamisme, joie et paix.

Une des plus grandes croix que j’ai eu à porterdepuis que je suis supérieur général a été de devoirdonner suite à la requête de quelques frères deman-dant de quitter l’institut. Chacun d’eux exprime sesmotifs : la difficulté pour vivre les vœux, la vie com-munautaire, l’apostolat, etc. Mais dans la majorité descas, apparaît un dénominateur commun : un déficitde spiritualité. Frères, il est urgent d’approfondir notrespiritualité : sans spiritualité, il n’y a pas de futurpour la vie religieuse. Sans elle, nous ne pouvons pasparler de vie mais de mort religieuse. Un corps sansesprit est un corps mort. Il est indispensable que nousvérifiions périodiquement, de manière personnelle etcommunautaire, le tonus de notre spiritualité, comme

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Malgré l’imperfection de toute comparaison, nouspourrions considérer la spiritualité comme le parfumde la rencontre avec le Seigneur qui embaumerait lapersonne spirituelle elle-même, toutes ses rencontres,toutes ses relations et toutes ses activités. La spiritua-lité interpelle tout notre être : elle illumine notreintelligence, renforce notre sens commun, animenotre prière, guide nos options, meut notre volonté,ordonne nos sentiments et informe notre agir.

Il y a quelque temps, je disais aux religieux et reli-gieuses de la Colombie que nous ne pouvons passéparer la spiritualité de la mission, l’amour de Dieude l’amour du monde, la passion pour le Christ de lapassion pour l’humanité, la suite de Jésus de l’enga-gement pour le Royaume, l’option pour Jésus Christ del’option pour le pauvre; de même, nous ne pouvonspas séparer la méditation du soin du malade, l’eucha-ristie de la classe de mathématiques, la prière del’atelier, la contemplation de Dieu de la contemplationdes personnes reçues au bureau, des enfants qui arri-vent à l’école, des mamans qui se dévouent pour eux,des personnes écrasées par toutes sortes de problè-mes et qui, parfois, nous arrivent débordant d’amer-tume et d’agressivité.

Nous sommes religieux vingt-quatre heures parjour et jour après jour, poursuivais-je, autant dansl’ora que dans le labora, unis au Seigneur dansl’écoute de la Parole de Vie - prière, lectio divina, lec-ture spirituelle, oraison, sacrement du pardon, eucha-ristie - unis au Seigneur dans le quotidien où nousincarnons la Parole de Vie par une vie selon la Parole,actifs dans la contemplation et contemplatifs dansl’action. Le monde d’aujourd’hui a besoin de nous nonpas tant pour que nous lui disions des mots impor-tants mais pour que nous soyons parole vivante,parole incarnée.

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Pour l’instant, je vous invite, frères, à réfléchir surle contenu de cette circulaire, à le prier et à le partagerentre vous. Puisse-t-il nous aider à avancer dans lepèlerinage d’espérance sur le chemin de la commu-nion avec Dieu qui, dans la personne de Jésus, vientquotidiennement à notre rencontre.

Que Marie, la pèlerine dans la foi et l’espérance,nous accompagne et nous protège.

Fr. José Ignacio Carmona

Rome, 30 septembre 2007,

186e anniversaire de la fondation de l’institut.

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nous y invite la Règle de vie : « Devant Dieu etdevant nos frères, nous acceptons de vérifier nosobjectifs d’action, notre agir apostolique, notre dispo-nibilité » (R 27).

Spiritualité marialeFrères des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, telle

est l’appellation que le Père André Coindre a voulunous donner. Avec le temps, notre nom officiel a perdusa référence à Marie. Mais la disposition et la pratiquede vivre la rencontre avec le Seigneur en compagniede Marie, Mère de Jésus et notre mère, se sont main-tenues. Notre fondateur et les frères, tout au long denotre histoire, ont eu le nom de Marie sur leurs lèvreset l’amour de Marie dans leur cœur. La Règle de vienous présente Marie comme « le modèle achevé de lafidélité au Seigneur » (R 66), comme la consacrée parexcellence, comme le modèle « qui persévère dansl’intimité de son Seigneur » (R 74), comme la mèreque Jésus nous a donnée sur la croix (cf. R 119),comme celle à qui nous adressons notre prière (cf. R138) et comme « notre mère et notre éducatrice »(R 178).

Reconnaissons en Marie la mère qui, comme lors dela Pentecôte, réunit ses fils dans l’Église pour vivre lacommunion avec Dieu et annoncer et construire sonRoyaume. En vérité, Marie, elle aussi, est l’artisan denotre communion.

Nourris de notre spiritualitéLa prière occupe une place spéciale dans la spiritua-

lité. Je développerai ce thème dans la prochaine circu-laire que je publierai en mai 2008. Nous méditeronssur la façon de vivre notre rencontre quotidienne d’in-timité avec Jésus-Frère.

Circulaire du supérieur généralFrères du Sacré-Coeur

C H A P I T R E I I La communion avec Dieu

Page 19: Un pèlerinage d’espérance · la résurrection. Le Christ est bien notre espérance car ... Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle, je suis inébranlable. » (Ps 62,

Suggestions de questions pour la réflexion per-sonnelle et pour le partage communautaire

1. Qu’entendez-vous par spiritualité?2. Quels sont les traits fondamentaux de laspiritualité de l’institut?3. Quels signes nous portent à affirmer qu’unfrère vit une profonde spiritualité?4. En ces derniers temps, quels textes de l’É-criture Sainte inspirent davantage ta rencontreavec Jésus? En choisir un ou deux et expliquerpourquoi.5. En ces derniers temps, quels textes de laRègle de vie inspirent davantage ta rencontreavec Jésus? En choisir un ou deux et expliquerpourquoi.6. Quels motifs te poussent à faire aujourd’huile pèlerinage dans la vie religieuse, à y demeu-rer et à te réaliser en elle?

Célébration de la Parole

Je suggère, pour favoriser la vie spirituelle auxniveaux personnel et communautaire, que les équipesprovinciales d’animation et d’accompagnement spiri-tuel préparent, pour être réalisées dans les commu-nautés locales, quelques célébrations de la Parole surun thème ou l’autre de cette circulaire, et les illumi-nent de la Parole de Dieu et de la Règle de vie. Là oùil n’y a pas ces équipes, on peut préparer ces célébra-tions en chaque communauté locale. Il est importantd’y intégrer des signes. Les thèmes peuvent être :

1. Un pèlerinage d’espérance.2. Regarder celui qui a été transpercé.3. La rencontre intime avec Jésus.4. Donne-moi ton cœur pour aimer.5. Marie, mère de la communion.

Frères du Sacré-Coeur