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Un tournoiement d'ailes dans le ciel de Levde : (( Le Faucon )) J Hennie vun der Lelie On ne voitpas tous les jours un musée de sept étages (29 mètres de haut) surmonté d'une plate-forme circulaire qui le couronne comme le bord dirn chapeau, un misée de 27 mètres d'envergzire qui peut moudre chaque jour su@samment de farine pour euire 1 GOO miches de pain. Comme L'eqlique ci-dessous le directeur du Musée du moulin, De klk, tout au long de son existence remarquable, a connu des hauts et des bas. Construit en 1743, De Valk (Le Faucon) tire son nom du village auquel il fait face, Valkenburg (le château du Faucon). Le moulin à son tour a donné son nom à la ville fortifiée sur laquelle il était bâti et que l'on nomma Valkenbolwerk (le rem- part du Faucon). Cendroit n'a pas été choi- si au hasard ; dès l'année 1350, plusieurs moulins y ont été édifiés : en surélevant le moulin, les remparts le mettaient hors d'atteinte des envahisseurs et lui permet- taient de dominer les maisons de la ville qui auraient pu faire obstacle au vent. Peu après la construction du Faucon, la principale activité économique de Ley- de, la production lainière, périclita. Les habitants de la ville et les meuniers connurent le chômage et la misère. En outre, la machine à vapeur concurrenpit durement l'énergie éolienne. Mais les ailes du Faucon, le dernier moulin en ac- tivité, continuèrent à tourner dans le ciel de Leyde presque jusqu'à la mort du der- nier meunier, en 1964. I1 s'appelait Willem van Rhijn. Sans jamais pouvoir prouver qu'il descendait du peintre Rembrandt van Rliijn (lui- même fils d'un meunier de Leyde), il col- lectionna peintures et documents se rap- portant à sa famille et au moulin. C'est à partir de ce fonds important et de la riche collection (outils, livres, dessins, etc.) réunie depuis 1923 par un groupe privé, l'Association des moulins de Hollande, que fut constitué le Musée municipal de Valk, qui a été inauguré le 2 juin 1966. Un chauffage trop généreux Le moulin n'étant pas chauffé, le musée n'ouvrit d'abord que d'avril à septembre. Le principe des expositions était de don- ner aux visiteurs (environ 8 500 par an dans les années 70) l'impression d'entrer dans un lieu vivant, comme si le meunier venait de sortir pour boire une tasse de café. Cette approche puriste créait sans doute un effet saisissant, mais elle avait l'h- convénient de priver les visiteurs des ren- seignements les plus élémentaires sur les objets exposés. Les gardiens n'avaient pas les connaissances nécessaires pour rensei- gner le public, et les spécialistes n'étaient sur place qu'un jeudi après-midi par mois. I1 était en outre impossible de réparer ou de protéger les objets sans nuire à l'im- pression de vie. Ce contact direct entre le visiteur et l'objet eut un effet secondaire imprévu : le vol de certaines pièces. Un réaménagement complet s'impo- sait. O n commenGa par installer le chauf- fage central en 1973. Utilisé trop géné- reusement le premier hiver, il endomma- gea malheureusement certains meubles anciens et la structure du moulin elle- même. L'installationd'un humidificateur permit bientôt de résoudre le problème et un système de télévision en circuit fermé offrit la protection nécessaire. Devant le recul du nombre de visiteurs (et en dépit de sérieuses mesures daustérité), on re- cruta du personnel pour donner à l'éta- blissement une image neuve. Les résultats ne se firent pas attendre. Tout d'abord, le musée cessa d'être le dépositaire passif d'objets inexpliqués pour jouer activement un rôle pédago- gique. Ayant constaté que 65 % des visi- teurs étaient étrangers, les responsables veillèrent à ce que les informations soient partout fournies en anglais, en français et en allemand aussi bien qu'en néerlandais. Un itinéraire s'inspirant d'une théma- tique logique étage par étage fut redessi- né, et l'on ajouta un diaporama sur l'his- toire et l'évolution des moulins. Joyeux anniversaire ! Jusqu'en 1985, aucun budget ni activité publicitaires n'étaient prévus. Puis, dans le cadre de la nouvelle approche, on déci- Mrueum (Paris, UNESCO), no 176 (vol. XLW, no 4, 1992) 247

Un tournoiement d'ailes dans le del de Leyde: «Le Faucon»

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Un tournoiement d'ailes dans le ciel de Levde : (( Le Faucon ))

J Hennie vun der Lelie

On ne voitpas tous les jours un musée de sept étages (29 mètres de haut) surmonté d'une plate-forme circulaire qui le couronne comme le bord dirn chapeau, un misée de 27 mètres d'envergzire qui peut moudre chaque jour su@samment de farine pour euire 1 GOO miches de pain. Comme L'eqlique ci-dessous le directeur du Musée du moulin, De k l k , tout au long de son existence remarquable, a connu des hauts et des bas.

Construit en 1743, De Valk (Le Faucon) tire son nom du village auquel il fait face, Valkenburg (le château du Faucon). Le moulin à son tour a donné son nom à la ville fortifiée sur laquelle il était bâti et que l'on nomma Valkenbolwerk (le rem- part du Faucon). Cendroit n'a pas été choi- si au hasard ; dès l'année 1350, plusieurs moulins y ont été édifiés : en surélevant le moulin, les remparts le mettaient hors d'atteinte des envahisseurs et lui permet- taient de dominer les maisons de la ville qui auraient pu faire obstacle au vent.

Peu après la construction du Faucon, la principale activité économique de Ley- de, la production lainière, périclita. Les habitants de la ville et les meuniers connurent le chômage et la misère. En outre, la machine à vapeur concurrenpit durement l'énergie éolienne. Mais les ailes du Faucon, le dernier moulin en ac- tivité, continuèrent à tourner dans le ciel de Leyde presque jusqu'à la mort du der- nier meunier, en 1964.

I1 s'appelait Willem van Rhijn. Sans jamais pouvoir prouver qu'il descendait du peintre Rembrandt van Rliijn (lui- même fils d'un meunier de Leyde), il col- lectionna peintures et documents se rap- portant à sa famille et au moulin. C'est à partir de ce fonds important et de la riche collection (outils, livres, dessins, etc.) réunie depuis 1923 par un groupe privé, l'Association des moulins de Hollande, que fut constitué le Musée municipal de Valk, qui a été inauguré le 2 juin 1966.

Un chauffage trop généreux

Le moulin n'étant pas chauffé, le musée n'ouvrit d'abord que d'avril à septembre. Le principe des expositions était de don- ner aux visiteurs (environ 8 500 par an dans les années 70) l'impression d'entrer dans un lieu vivant, comme si le meunier venait de sortir pour boire une tasse de

café. Cette approche puriste créait sans doute un effet saisissant, mais elle avait l'h- convénient de priver les visiteurs des ren- seignements les plus élémentaires sur les objets exposés. Les gardiens n'avaient pas les connaissances nécessaires pour rensei- gner le public, et les spécialistes n'étaient sur place qu'un jeudi après-midi par mois. I1 était en outre impossible de réparer ou de protéger les objets sans nuire à l'im- pression de vie. Ce contact direct entre le visiteur et l'objet eut un effet secondaire imprévu : le vol de certaines pièces.

Un réaménagement complet s'impo- sait. On commenGa par installer le chauf- fage central en 1973. Utilisé trop géné- reusement le premier hiver, il endomma- gea malheureusement certains meubles anciens et la structure du moulin elle- même. L'installation d'un humidificateur permit bientôt de résoudre le problème et un système de télévision en circuit fermé offrit la protection nécessaire. Devant le recul du nombre de visiteurs (et en dépit de sérieuses mesures daustérité), on re- cruta du personnel pour donner à l'éta- blissement une image neuve. Les résultats ne se firent pas attendre.

Tout d'abord, le musée cessa d'être le dépositaire passif d'objets inexpliqués pour jouer activement un rôle pédago- gique. Ayant constaté que 65 % des visi- teurs étaient étrangers, les responsables veillèrent à ce que les informations soient partout fournies en anglais, en français et en allemand aussi bien qu'en néerlandais. Un itinéraire s'inspirant d'une théma- tique logique étage par étage fut redessi- né, et l'on ajouta un diaporama sur l'his- toire et l'évolution des moulins.

Joyeux anniversaire !

Jusqu'en 1985, aucun budget ni activité publicitaires n'étaient prévus. Puis, dans le cadre de la nouvelle approche, on déci-

Mrueum (Paris, UNESCO), no 176 (vol. XLW, no 4, 1992) 247

Hennie vatz der Lelie

Le Musée du moulin et ses environs. da de faire fi de toute modestie et de lan- cer une vaste campagne de relations pu- bliques en adressant directement des prospectus publicitaires aux écoles, aux agences et aux organisateurs de voyages, en distribuant un dépliant attrayant et en organisant des activités spéciales durant la morte-saison. Ces initiatives ont porté leurs fruits : le nombre annuel de visiteurs est passé de 27 O00 en 1987 à 42 O00 en 1990.

Ajoutons que, pendant ces réaména-

gements, le musée n'a pas fermé un seul jour. Nous- nous plaisons à croire que le Musée du Faucon rajeuni montre de fa- $on convaincante qu'une équipe peu nombreuse, mais qualifike et motivée, peut obtenir d'excellents résultats, même sans gros moyens. Au reste, les change- ments se poursuivent, et de nouveaux projets se font jour à l'approche du 25e anniversaire du musée en 199 1 et du 250" anniversaire du Faucon lui-même, en 1993. H

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