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22 décembre 2015, par Pierre Barthélémy Un trou noir géant peut-il grossir indéfiniment ? Vue d'artiste d'un trou noir géant au centre de son disque d'accrétion. © NASA/JPL-CalTech. Dans l'immense majorité des cas, une galaxie, c'est un peu La belle et la bête. La belle avec cette myriade d'étoiles enroulées autour du bulbe galactique, comme une gigantesque robe de valseuse qui serait constellée de lucioles. La bête avec le « monstre », le trou noir supermassif tapi au cœur du bulbe, ogre avalant la matière et la lumière et ne relâchant jamais rien. Afin de fixer les idées, précisons ce que les astrophysiciens entendent par « supermassif ». Les ordres de grandeur que recouvre cet adjectif vont de quelques centaines de milliers de fois la masse de notre étoile, le Soleil, à quelques dizaines de milliards de masses solaires pour les plus gargantuesques trous noirs découverts. Pour comprendre comment ces ogres enflent jusqu'à ces masses difficiles à concevoir, il faut savoir que leur approvisionnement est bien organisé. En fait, les trous noirs habitent au beau milieu... de leur garde-manger. Celui-ci se présente sous la forme d'un disque d'accrétion où s'accumulent gaz et poussières tournoyant lentement, un peu comme un lavabo qui se vide, avant de s'écouler dans la gueule de la « bête ». Plus la galaxie grandit – en capturant de la matière venue de l'extérieur –, plus a elle de quoi nourrir son trou noir central et plus ce dernier peut grossir. Ainsi que l'écrit l'astrophysicien Andrew King (université de Leicester, Royaume- Uni), dans une étude publiée le 17 décembre par les Monthly Notices Letters of the Royal Astronomical Society , la question qui se pose est de savoir « s'il y a une limite à ce processus ou si un trou noir, pour autant qu'il ait le temps et un hôte d'une taille adéquate, peut en théorie atteindre n'importe quelle masse ». Afin de répondre à cette interrogation, Andrew King s'est intéressé à la dynamique du couple ogre-garde-manger, trou noir supermassif-disque d'accrétion. Ce disque peut-il, quoi qu'il arrive, conserver sa stabilité ? Selon les calculs du chercheur, vient forcément un moment, dans la croissance du trou noir, où celui-ci impose de telles contraintes physiques à son disque d'accrétion que celui-ci ne peut plus se maintenir en place et se désagrège. Le gaz qui le compose peut d'ailleurs à cette occasion former des étoiles ! L'étude indique que cette limite de Object 1

Un Trou Noir Peut-il Grossir Indéfiniment

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Dans l'immense majorité des cas, une galaxie, c'est un peu La belle et la bête. La belle avec cette myriade d'étoiles enroulées autour du bulbe galactique, comme une gigantesque robe de valseuse qui serait constellée de lucioles.

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22 décembre 2015, par Pierre Barthélémy

Un trou noir géant peut-il grossir indéfiniment ?

Vue d'artiste d'un trou noir géant au centre de son disque d'accrétion. © NASA/JPL-CalTech.

Dans l'immense majorité des cas, une galaxie, c'est un peu La belle et la bête. La belle avec cette myriade d'étoiles enroulées autour du bulbe galactique, comme une gigantesque robe de valseuse qui serait constellée de lucioles. La bête avec le « monstre », le trou noir supermassif tapi au cœur du bulbe, ogre avalant la matière et la lumière et ne relâchant jamais rien. Afin de fixer les idées, précisons ce que les astrophysiciens entendent par « supermassif ». Les ordres de grandeur que recouvre cet adjectif vont de quelques centaines de milliers de fois la masse de notre étoile, le Soleil, à quelques dizaines de milliards de masses solaires pour les plus gargantuesques trous noirs découverts.

Pour comprendre comment ces ogres enflent jusqu'à ces masses difficiles à concevoir, il faut savoir que leur approvisionnement est bien organisé. En fait, les trous noirs habitent au beau milieu... de leur garde-manger. Celui-ci se présente sous la forme d'un disque d'accrétion où s'accumulent gaz et poussières tournoyant lentement, un peu comme un lavabo qui se vide, avant de s'écouler dans la gueule de la « bête ». Plus la galaxie grandit – en capturant de la matière venue de l'extérieur –, plus a elle de quoi nourrir son trou noir central et plus ce dernier peut grossir. Ainsi que l'écrit l'astrophysicien Andrew King (université de Leicester, Royaume-Uni), dans une étude publiée le 17 décembre par les Monthly Notices Letters of the Royal Astronomical Society, la question qui se pose est de savoir « s'il y a une limite à ce processus ou si un trou noir, pour autant qu'il ait le temps et un hôte d'une taille adéquate, peut en théorie atteindre n'importe quelle masse ».

Afin de répondre à cette interrogation, Andrew King s'est intéressé à la dynamique du couple ogre-garde-manger, trou noir supermassif-disque d'accrétion. Ce disque peut-il, quoi qu'il arrive, conserver sa stabilité ? Selon les calculs du chercheur, vient forcément un moment, dans la croissance du trou noir, où celui-ci impose de telles contraintes physiques à son disque d'accrétion que celui-ci ne peut plus se maintenir en place et se désagrège. Le gaz qui le compose peut d'ailleurs à cette occasion former des étoiles ! L'étude indique que cette limite de

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stabilité correspond à un trou noir d'environ 50 milliards de masses solaires. Cela tombe bien : on n'a pour l'heure jamais détecté de trou noir aussi gros. Le record est actuellement détenu par l'objet S5 0014+81 dont la masse est estimée à quelque 40 milliards de fois celle de notre Soleil.

Andrew King précise néanmoins que cette limite de 50 milliards de masses solaires pour un trou noir n'est pas une limite absolue. Il se peut que certains la dépassent. Simplement, cela ne se fera pas grâce à un disque d'accrétion mais plus probablement suite à une fusion de deux trous noirs supermassifs dont l'un serait proche de la limite, fusion consécutive à la rencontre de deux galaxies. Le chercheur ajoute qu'un tel sumotori de l'espace ne serait pas facile à repérer. En effet, la plupart des trous noirs géants, s'ils ne produisent pas de lumière eux-mêmes, sont néanmoins indirectement très visibles grâce à leurs disques d'accrétion, lesquels chauffés à blanc en raison des frottements qui s'y produisent, émettent une quantité phénoménale d'ondes électromagnétiques. Sans disque d'accrétion, un trou noir même ultramassif, se fera forcément des plus discrets... Il sera néanmoins possible de le détecter en raison de la distorsion que sa masse énorme fera subir à l'espace-temps. Un tel trou noir pourrait par exemple se trahir en courbant les rayons lumineux émis par une éventuelle galaxie située derrière lui, ce qui en ferait apparaître plusieurs images !

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