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Une bouffée d’air pur Un jour de révolte Pour pouvoir respirer, Même si je ne suis pas dévote Il m’a fallu prier. Dieu, si vous m’entendez, Donnez-moi la force d’accepter Ce qu’on veut m’imposer Dans ce monde ébréché. Donnez-moi cette bouffée d’air pur Qui me manque tant ici, Dans cet univers limité et dur Où l’on ressasse ses ennuis. Je ne sais pas bien vous dire Que je voudrais aimer Les êtres et l’avenir, Mais je sais que vous comprendrez. Corinne, Maison d’arrêt du Bordiot à Bourges, 1994. Photo TÉLÉ LIBERTÉ •Couv 166 bat.qxd 9/07/10 19:06 Page 1

Une bouffée d’air pur - Fils de la Charité

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Une bouffée d’air pur

Un jour de révoltePour pouvoir respirer,Même si je ne suis pas dévoteIl m’a fallu prier.

Dieu, si vous m’entendez,Donnez-moi la force d’accepterCe qu’on veut m’imposerDans ce monde ébréché.

Donnez-moi cette bouffée d’air purQui me manque tant ici,Dans cet univers limité et durOù l’on ressasse ses ennuis.

Je ne sais pas bien vous direQue je voudrais aimerLes êtres et l’avenir,Mais je sais que vous comprendrez.

Corinne, Maison d’arrêt du Bordiot àBourges, 1994. P

hoto TÉLÉ LIBERTÉ

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chantiersR E V U E D E S F I L S D E L A C H A R I T É

166 - juin

2010 - le n

°:5 €

IS

SN

1161-6

318

héritiers de Dieuhéritiers de Dieu

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Photo Paul Uzureau

chantiersrevue des Fils de la Charité

Religieux, prêtres et laïcs, nous vivons en petitescommunautés, cherchant ensemble la trace de Dieudans une vie donnée à l’Évangile. Au sein de quartierspopulaires où se croisent travailleurs, précaires etfamilles immigrées, nous expérimentons avec euxque tout visage est aimé de Dieu. Dans ces foulesbigarrées, c’est ensemble, avec un cœur de pasteur,que nous travaillons à construire des communautéschrétiennes ouvertes et solidaires.Rédaction - Administration : 22, rue de l’Abbé Derry 92130 [email protected]

www.filsdelacharite.orgRevue trimestrielleCommission Paritaire n° 0911 G 87076

Le directeur de la publication : Robert JOURFIER.Comité de Rédaction : Jean-Michel Allard, Jacques Baudet, Geneviève Chaput, Bernard Deshoulières, Roger Dumoulin, Jean Guellerin, Florence Sanyas, Régis Tillet. Maquette : Michel Cartron.

ABONNEMENTS :

FRANCE = 1 an : 15 €. Soutien : 30 €. Paiement par chèque bancaire ou postal à l’ordre de :«CHANTIERS FILS» : 22, rue de l’Abbé Derry 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX.

CANADA = 1 an : 18,00 $. Soutien : 30,00 $.Paiement par chèque ou mandat postal à l’ordre des :Fils de la Charité : 7905, rue Boyer MONTRÉAL QC -H2R 2S3.

Autres pays =

Abonnements : 1 an : 11 $. Soutien : 20 $.

Imprimerie Bialec, 54001 Nancy Cedex.Dép. lég. à parution. Conformément à la loi «Informatique etLibertés», vous disposez d’un droit d’accès et de rectificationaux informations vous concernant.»

Chapelle Anizan à Issy-les-Moulineaux : sculpture

de Dominique Kaeppelin.

Photo couverture

: Pascal DELOCHE/GODONG

sommaire1. Éditorial Michel Retailleau, fc :Ne pas lâcher ça !

* ITINÉRAIRE : drogue24. Revenus de l’enfer. (Jean Le Guillou).

* MÉDITATION20. Héritiers de Dieu.21. Tu m’as fait exister. (Jean-Philippe).22. Participants de la nature divine. (Père Anizan).

* JEUNES 29. L’amitié, c’est Quelqu’un. (Équipe JOC). Lourdes, une renaissance. (Angélique). En gros, il m’a fait renaître. (Patrick). 31. Propositions jeunes 2010.

32. Nouvelles des Fils.

* CULTURE 35. Livres, Cinéma, Formation.

* ACTUALITÉ : sans papiers 8. Si tu tiens, Dieu est avec toi. (Interview de Marguerite Poulet).12. Seigneur, je suis là et je t’attends. (Pauline et Yamina).14. La foi des Haïtiens. (Rachelle Bernard).

* COMPRENDRE2. De quoi hérite le croyant ? (Etienne Grieu, sj).

* RÉCIT5. Un événement qui vous transforme. (Ludovic, Bourges et Ginette, Valenciennes).

* SOCIÉTÉ : en prison15. Accueil des familles : Les traces de Dieu (MarielleSaint-Genis) - Je ne suis pas seulement un passé lourd(Paul Tillocher) - Cécile Trumeau, aumônier bénévole.

* SOCIAL27. Hôpital en danger. (Élisabeth Fourcade, ac).

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FormationCinéma - DVD

REMEMBER ME (Etats-Unis), comédie dramatique, 1 h 53, sortiele 7 avril 2010. Réalisation : Allen Coulter. Scénario : WillFitters, avec Chris Cooper, Émilie De Ravion, Lena Olin, RobertPattinson.

Tyler est un jeune New-Yorkais de 22 ansen rébellion contre famille et société suite àun drame familial. Après une altercationavec un policier, il décide de se venger enséduisant la fille de celui-ci. Mais Ally estune jeune fille fragile et imprévisible et il entombe fou amoureux. Ce qui ne devait êtrequ’une plaisanterie cruelle se transformevite en une histoire qui les marquera àjamais. Ce drame raconte l’histoire

d’amour de deux êtres brisés qui ne savent comment recollerles morceaux. Histoire d’amour, peinture des relations parents-enfants, recherche de soi face au vide. Il y a tout cela dans cefilm dense qui se dirige inexorablement vers la tragédie. Le finalpourra bouleverser ou indigner. Une vraie histoire touchante,jouée avec justesse où l’on ne s’ennuie pas une minute.

LE SYNDROME DU TITANIC (DVD), film écrit et réalisé parJean-Albert Lièvre et Nicolat Hulot.

Des excès consuméristes à Tokyo audénuement le plus extrême au Nigéria ouen Chine, un kaléidoscope d’images subli-mes sur l’homme et sa démesure quiremet en question notre modèle de déve-loppement et pointe les absurdités denotre société.1 DVD 9. Format 1.85 – Ecran 16/9 Comp.4/3 – Couleur - 1h33. Sur Amazone.com19,99 €. ou en magasin. Bonus : débat

filmé à l’avant-première du film avec Nicolas Hulot, ElizabethJaskuke : Directrice stratégie et développement durable groupeGDF-Suez. Philippe Frémeaux : Directeur d’AlternativeEconomiques.Le film sans la voix-off- Clips d’images inédites-Galerie photos.Utilisable en petit groupe de discussion. Pour tous publics.

La maison d’accueil Saint-Paul est ouverte à tous les amis des Fils de la Charité, en groupe ou en famille, pour des sessions de réflexion, un séjour culturel à Paris. Participation aux frais de la maison.

Hébergement, restauration, parking.22, rue de l’abbé Derry - 92130 Issy-les-Moulineaux ✆ 01 45 29 16 06

[email protected]

Le CENTRE SAINT-PAUL SE RENOUVELLE 22, rue de l’Abbé-Derry

92130 ISSY-LES-MOULINEAUX

◗ Le Centre Saint-Paul à Issy-les-Moulineaux est organisé en sixespaces, pilotés par des Fils de la Charité et des Auxiliatrices de laCharité, dont l’objectif est d’aider des laïcs, en particulier ceux dela Fraternité Anizan et des Compagnons de la Charité :

* Espace ENGAGEMENTS * Espace FORMATION SPIRITUELLE ETTHÉOLOGIQUE * Espace SOIRÉES ST-PAUL * Espace LIEUX SYMBO-LIQUES. Si vous êtes intéressé, n’hésitez pas à faire appel à euxpour l’organisation d’une journée, ou d’un week-end.

◗ ALLEZ DIRE À VOS AMIS, 43ème session :➢ du mardi 24 août 2010 à 12 h au dimanche 29 août 2010 à 16 h.À Benoite-Vaux (Meuse). Session pour tous les acteurs en pastoraleen milieux populaires : “Les fondements d’une pastorale de la Paix”.* Contact : Jacqueline Rossi (06 82 31 15 29 - [email protected])ou : Pierre Tritz, fc (06 82 31 15 29 - [email protected])

◗ CERAS/Chrétiens acteurs en banlieue. Journée au Centre Sèvres à Paris :➢ le samedi 2 octobre 2010 de 9 h à 17 h 30.Thème : “Nouvelle socialisation des jeunes”. * Contact : Pierre Tritz.

◗ LES 8 à 10 du Centre SAINT-PAUL :➢ Soirées des 12 et 19 octobre 2010.* Contact : Gérard Marle, fc (06 71 50 48 56 - [email protected])

◗ SEMAINES SOCIALES :➢ du vendredi 26 novembre 2010 au dimanche 28 novembre 2010, au parc floral de Vincennes.Thème : “Migrants, un avenir à construire ensemble”.* Contact : Semaines Sociales de France (✆ 01 74 31 69 00).

◗ Session proposée par l’Espace ENGAGEMENTS :➢ les 12 et 13 mars 2011 à Issy-les-Moulineaux.

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T ous “héritiers de Dieu” ! La formule peut faire sou-rire tant l’autre formule “Dieu est mort” a faitfigure d’évidence, dans les années 1968. Débarrassé

de ce Cadavre encombrant et muni de sa seule boussole, ilrestait pour chacun à inventer son propre chemin de liberté !À voir comment la perte de la tradition, le recul du sens etl’effacement de l’espérance marquent ce début du XXIèmesiècle, certains sont tentés de penser que l’homme à son tourse meurt. Et la question ressurgit de plus belle : qu’est-ceque l’homme ? Les réponses se cherchent entre deuxextrêmes. D’un côté, il est la somme de ses instincts et de ses

besoins matériels. De l’autre, il est “héritier de Dieu”. Et donc, il y a en lui appel au sur-passement de soi, invitation à exercer sa liberté et à déployer la puissance de la foi dans safaiblesse. Héritage chrétien, mais il y a des héritages qui dorment !

Dans un monde tenté de jeter aux orties les convictions patiemment accumulées au coursdes âges, l’heure demande de donner un présent et un avenir à ces héritages. La traditionchrétienne n’est pas une théorie, mais une Vérité sur Dieu et sur l’homme. Et aussi une“Vérité pratique”, éprouvée, testée, qui travaille le cœur de celui qui l’accueille, et donc unréservoir d’énergies toujours offertes. Dans le passé, elle a su relever et inspirer quantité defemmes et d’hommes, à la suite de Jésus. « Dieu s’est fait homme pour que l’hommedevienne Dieu », proclamait déjà un vieux Père de l’Église. Serait-elle donc dépassée cettevérité subversive ? Serait-elle ringarde cette vérité pratique, tant pour notre vie personnelleque pour un vivre ensemble ? Non, il ne faut pas la lâcher. Car chercher à vivre en “héri-tiers de Dieu” agrandit d’un coup notre espace intérieur, balise un chemin de vie et donned’entrevoir un horizon vers lequel marcher. Lâcher ça équivaudrait à lâcher Dieu et lâcherles pauvres de tous poils de nos quartiers pour qui le Fils de Dieu s’est fait homme !

Michel Retailleau, fc

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éditorialNe pas lâcher ça !

Péqui postulant Fils de la Charité au Portugal :Dieu s’est fait homme pour que l’hommedevienne Dieu.

Photo Fils de la Charité

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De quoi hérite le croyant ?

E tienne Grieu est jésuite, théologien enseignant au centre Sèvres etvivant en quartier populaire à Saint-Ouen. Il s’interroge sur ce que

produit en nous la foi chrétienne.

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Croire ne nous transforme pas en un clind’œil

Qu’est-ce que ça change d’être croyant ? Qu’est-ce que ça fait gagner ? Parfois, on aimerait toucherle gros pactole et que tout soit, d’un seul coup, trans-formé ! Que je sois délivré de tout ce qui m’em-pêche de vivre pleinement, de ce qui m’empêched’être aimé et d’aimer, de tout ce qui me fait peur ;ou même, de ce qui, en moi, est plus fort que moi, etme conduit à faire ce que je ne voudrais pas. Parfois,dans des moments un peu exceptionnels, on peutavoir l’impression que ça y est, c’est gagné, je nesuis plus le même, grâce à Dieu, je suis guéri demoi-même ! Mais en général, quelques jours ouquelques semaines plus tard, je retrouve tout ce quepensais avoir définitivement abandonné. Par oùsont-ils rentrés, tous ces défauts que je croyaisbalayés ? Ils reviennent en silence, honteusement, enlongeant les murs et en profitant d’instants de dis-traction. Et un beau matin ils disent avec un sourirenarquois : « coucou, c’est moi ! » On leur tordraitbien le cou, à ceux-là ; mais on sent bien qu’on nepourrait pas le faire sans se mutiler soi-même.

Voilà donc une première chose sûre : croire nenous transforme pas en un clin d’œil en quelqu’unde riche, beau, intelligent et sans défaut. Et les

Églises qui prétendent cela (il y en a) vendent del’illusion. Regardons les Évangiles : les disciplesn’ont pas été transformés non plus en un clin d’œil.Au contraire. En les lisant, on a parfois l’impressionque la rencontre de Jésus fait venir leurs défauts aupremier plan : petites rivalités, soucis pour sa sécu-rité personnelle, envie d’écarter les gêneurs, lesenfants, les étrangers, les foules. Si bien qu’en géné-ral, ils ont l’air d’être à côté de la plaque, commes’ils ne comprenaient rien, comme s’ils étaient bou-chés (d’ailleurs Jésus à un moment le leur dit carré-ment : c’est dans l’Évangile de Marc, au chapitre 8,versets 16 à 21). De même pour nous : il peut arri-ver que la rencontre du Christ fasse prendreconscience de tout ce qui nous sépare de lui ; et ilpeut arriver aussi que la vie avec la communautéchrétienne soit une épreuve parce qu’elle révèlequelques-uns des monstres tapis en moi que jusqu’àprésent je parvenais à tenir caché.

Sous son regard je peux m’accepter telque je suis

Alors quoi ? Croire ne change rien du tout ? Si !Ce qui est très important, c’est qu’avec Jésus, nosdéfauts cessent de nous condamner : son regardbienveillant affirme de manière lumineuse que nous

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sommes acceptés tels que nous sommes. Si cela estvrai pour la femme surprise en flagrant délit d’adul-tère, faute qui la condamnait à mort, c’est vrai pourtoutes les fautes que nous pouvons commettre. Ledrame de Judas, c’est de n’avoir pas cru en ce regardet d’avoir été fasciné par un autre regard, celui quenous portons sur nous-mêmes, et qui est infinimentplus sévère que celui de Jésus. Etre disciple duChrist, c’est donc accepter d’être comme on est,défauts et imperfections comprises, et d’être aiméainsi.

Cela ne résout pas tous nos problèmes, maisapporte en revanche quelque chose de tout à faitnouveau : la paix. Le croyant est quelqu’un qui esten paix, parce qu’il se sait aimé et non pascondamné. Voilà donc ce qui change ! Désormais, jen’ai plus besoin de me cacher à moi-même et auxautres ce qui en moi me gêne ; je peux m’acceptertel que je suis, car dans le regard de Dieu, j’ai duprix. C’est une réconciliation (la célébration dusacrement de réconciliation, d’ailleurs, exprime celade manière tout à fait claire, par des paroles et desgestes).

La foi ne fabrique pas des clones, maispermet de devenir chacun soi-même

Cette réconciliation intérieure entraîne une autreconséquence : puisque je n’ai plus peur de moi,puisque je puis m’accueillir tel que je suis, eh bien,ce que je suis peut venir au jour. Il peut grandir,s’épanouir, car il n’a plus peur de montrer le bout deson nez. C’est ici une deuxième conséquence du faitd’être croyant, mais qui, elle, fait sentir ses effets demanière beaucoup plus lente : le chrétien peu à peu,comme une rose qui lentement s’ouvre et offre tousses pétales au regard, devient davantage lui-même,met à disposition tous les trésors que Dieu a déposésen lui.

Cela veut dire aussi que la foi ne nous rend passemblables les uns aux autres, elle ne fait pas denous des clones, des copies d’un modèle que nousaurions à imiter. Au contraire, elle accentue ce quechacun porte de singulier, d’incomparable. À lire lestémoignages recueillis dans ce numéro deChantiers, n’entendons nous pas cela de façonclaire? Chaque croyant n’est-il pas devenu davan-tage lui-même, dans le mouvement où il se sentaitappelé par Dieu, accueilli par lui tel qu’il est ?

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comprendre

Son regard bienveillant affirme que nous sommesacceptés tels que nous sommes.

Photo Cité Saint-Pierre

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Sensible aux autres, leurs dons, leursdétresses

Tout cela transforme aussi les manières de se rap-porter aux autres. Le croyant, parce qu’il peut s’ap-puyer sur la manière dont Dieu l’aime, se voit demoins en moins comme une sorte de citadelle àdéfendre et à agrandir. Du coup, il devient plus sen-sible à ceux qu’il côtoie ; il prend conscience de cequ’il a reçu d’eux, et de ce qu’il continue de rece-voir, il les laisse entrer, il se laisse toucher. Et cela,non pas parce qu’il a appris au catéchisme qu’il fautaimer les autres et être gentil avec ses petits cama-rades (ce genre de consigne, en général, ne nouschange pas d’un poil), mais parce qu’il se sait aimé.Il n’a plus peur, il supporte même la rencontre depersonnes mieux loties que lui, plus douées, et il vajusqu’à se réjouir des dons qu’ils ont, en se disant :« tant mieux pour nous ! ». Du coup, son regard estlibre pour voir aussi les souffrances, les soifs, lesappels au secours, les enfermements. Et il peut à sontour, se rendre présent à ces misères. Et il le fait, ensuivant la manière qui fut celle de Jésus : avec dou-ceur, tendresse, humour, miséricorde.

Avec une multitude de frères et sœurs S’il peut faire tout cela, c’est aussi parce qu’il se

sent inséré au sein d’une communion : il n’est pas leseul à être aimé, mais tous les autres frères et sœursde Jésus le sont aussi (et ils sont nombreux !). Ducoup, il voit de moins en moins son histoire commeune aventure solitaire, mais il se découvre enmarche au sein d’un peuple, avec toutes sortesd’autres personnes, de toutes langues, cultures, detous métiers, de toutes sortes de tempéraments etcaractères ; mais tous ont entendu l’appel de Dieu,tous ont accueilli son amour, tous se sont mis enroute. Le croyant, émerveillé par cette fouleimmense, grandit dans le souci que cette commu-

nion puisse manifester l’amour de Dieu de plus enplus clairement pour le monde. Cela va passer, selonles charismes et les itinéraires, par bien des chemins.Là encore, il ne s’agit pas d’abord de choses à fairepar devoir, mais d’une passion qui nous habite,parce que Dieu nous a visités, et qu’il nous donnerendez-vous auprès de tous les autres. Et puis,chaque chrétien sait bien que parfois, c’est lui qui abénéficié du soutien des autres, et qu’à d’autresmoments, il a aidé certains à faire un bout de route.Chacun selon ce qu’il peut, selon ce qui lui est donné.

Une lente croissance et la joieFinalement, ça fait pas mal de choses, malgré

tout, qui sont mises en route, chez les croyants,n’est-ce pas ? Mais cela vient doucement, sans quepersonne ne s’en rende compte, sans que l’on puissecrier victoire, de la manière même dont Jésus nous aété donné : dans la petitesse, le silence, souvent dansle dénuement et toujours dans le temps long des ger-minations et des croissances. Et jamais sans notreconsentement : Dieu n’entre pas par effraction. Lamarque de son passage, la signature qui authentifieque nous avons bien affaire à lui, c’est la joie, cettegrande joie qui vient avec la paix et l’ouverture auxautres.

Comment faire pour obtenir tout cela ? D’une cer-taine manière, il suffit de le demander. Puisque Jésusa dit : « Demandez, vous obtiendrez, frappez, onvous ouvrira », ce serait vraiment bête de s’en pri-ver. Alors, affermi par cette confiance radicale, lechrétien devient, de plus en plus, héritier de Dieu. Ildevient davantage fils, fille de Dieu, c’est-à-dire unêtre singulier, mais qui ressemble quand même pasmal à son père et à son grand frère. Et chacun de sesgestes et de ses paroles parle un peu de cette famillequi est la sienne.

Etienne Grieu, sj

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Ludovic a été baptisé à quaranteans, voici deux ans : « Une ruptured’avec ma vie d’avant. »

Cela fait bientôt deux ans que j’ai reçu le bap-tême. Il a été comme une suite logique de mon éveilpersonnel à Dieu. Mais plus encore, de ma foi enl’évangile, de ma joie à l’écoute de la parole deJésus. Etre baptisé adulte, c’est quelque chose quivous marque. C’est une rupture avec votre vie“d’avant” ou du moins un événement qui vous trans-forme, ainsi que votre entourage dans une certainemesure. C’est une décision qui vous appartient.Vous la prenez en votre âme et conscience. C’est unengagement profond qui implique une réflexion survotre condition humaine, votre devenir, la vie, lamort, l’amour du prochain. Mais une question sub-siste : Pourquoi aujourd’hui ?

Tu es mon Fils bien aiméAuparavant, Dieu ne m’était pas totalement étran-

ger si je puis dire, mais plutôt un confident. Jen’avais pas la conscience de Dieu comme chrétien,

Un événement qui vous transforme

C haque année des adultes reçoivent le baptême. Pour chacun cetévénement fait date. Dans leur vie il y a un “avant” et un “après” dif-

férents...

5

récit

Photo Pascal DELOCHE/GODONG

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mais comme un être humain qui cherche un rempartcontre les difficultés de la vie, la solitude, l’incom-préhension, la disparition d’un proche. Et même sije l’appelais parfois et lui parlais : « Mon Dieu.Aide-moi ! » Il était là, au fond de moi, attendantsûrement que j’ouvre les yeux sur sa véritablenature. On peut avoir une certaine idée de Dieu, unecertaine connaissance de la Création, se dire que lesparoles de Jésus sont pleines de bon sens, de droi-ture et de justice et occulter le fait de devenir chré-tien à notre tour, se dire que l’on peut continuer àvivre en croyant en Dieu sans être baptisé. Oui ! Onpeut se le dire en son for intérieur. Mais n’est-ce pasune certaine forme de renoncement, une négation desa propre foi et aussi de sa propre identité, que de nepas aller plus en avant vers cette conviction qui nousanime ? Le baptême est une étape dans la voie queDieu a tracée pour chaque être humain. Le baptêmede Jésus m’a beaucoup inspiré tout au long de moncatéchuménat et j’ai très souvent médité ces parolestirées de l’Évangile de Marc : « Tu es mon fils bienaimé, tu as toute ma faveur. » Dieu s’adresse à Jésusremontant de l’eau, mais aussi à l’homme. C’est uneimage que j’ai gardée à l’esprit jusqu’au jour de monpropre baptême, car elle m’a apporté beaucoup deréconfort et d’espérance en mon propre avenir.

Ce cheminement touche à notre intimeMa décision, je l’ai prise suite à la demande par

une amie d’être le parrain de l’un de ses fils.Quelque chose de concret me poussait vers le pres-bytère. C’est avec l’aide de ma compagne que j’en-treprends mon catéchuménat. Les rencontres qui ontsuivi m’ont permis d’y voir plus clair en moi, decomprendre un peu mieux la liturgie, le fonctionne-ment de l’Église et d’approfondir mes connais-sances de la Bible. Ce cheminement ne va pas desoi, car il touche aussi à notre intime. Il faut se don-ner un peu et extérioriser la foi qui nous habite à tra-

vers des événements vécus, tristes ou joyeux. Fairepart aussi de ses doutes quant à certains dogmes dela chrétienté qui sont autant de balises pour nousorienter sur la voie tracée par Dieu pour l’homme.Mais peut-on s’empêcher de se poser certaines ques-tions ? Est-ce que ma foi est en adéquation avec ceque l’on attend de moi ? Est-ce que mes valeurs sontdes valeurs chrétiennes ?

La graine enfouie de l’amour de Dieus’est élancée vers la lumière

À ce jour, je vis ma foi avec une certaine lucidité,mais dans la persévérance. Je m’explique : il y a peude place pour Dieu au quotidien. Le rythme quenous impose une vie de travail ne laisse que peu deplace pour la réflexion, la prière. Très souvent, jesuis traversé par des périodes de doutes, un senti-ment d’éloignement par rapport à Dieu. Alors, régu-lièrement je prends du recul sur moi-même pour meréajuster avec Dieu, me réapproprier ce lien avec ledivin qui finit toujours par me manquer. Prendre unpeu de temps pour méditer des paroles de la Bible,un psaume, prier en silence. Chacun le fait à samanière. En ce qui me concerne, j’ai découvert “laprière de Jésus”, que je dis dans ma tête ou psalmo-die pour retrouver la sérénité, une certaine forme depaix intérieure : « Jésus-Christ, fils de Dieu, prendspitié de moi, pécheur. »

Je crois que Dieu a déposé en chacun de nous unegraine de son amour. Cette graine est là, enfouie ennous, attendant patiemment le moment de pousser etde croître. Dans mon cas, c’est à l’âge de quaranteans, qu’elle s’est élancée vers la lumière. Ma foi enJésus est certaine, mais portera-t-elle ses fruits ? Ceque je veux dire par là, c’est que la foi demande àêtre travaillée, à être éprouvée tout au long de sa vie,par le partage, la prière, l’amour, dans une solidaritéuniverselle sans préjugés d’aucune sorte.

Ludovic Karczynski (Bourges)

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Ginette, mariée, mère de troisenfants, a été baptisée voici un an :« Comme si j’avais une grandefamille. »

Pendant que je me préparais au baptême, je suispartie à Lourdes à la Cité St-Pierre. J’étais stresséetout au long du voyage. Une fois arrivée, c’étaitimpressionnant. Je ne suis jamais partie si loin avecma fille Julie. Pendant deux matinées je n’étais pasbien, je pleurais. Mes yeux coulaient tout seuls, maisMarie-Paule, le père Bernard, le père René, Chantal,Malika, Mathilde et les autres ont été là pour meréconforter. Je suis allée à la grotte voir Marie,Bernadette et Jésus. Et cela m’a redonné des forces.Cela m’a donné plus de confiance en moi et apaisée.Mais cela fait quelque chose quand on revient chezsoi. Je suis plus calme plussereine. J’aimerais retour-ner là-bas comme béné-vole. Quand ma fillevoyait une personne, elledisait bonjour et chacunrépondait quelle que soitsa nationalité. Il n’y a pasde mots pour dire com-ment c’était merveilleux,beau, impressionnant. Mafoi en Dieu et en Marie aété plus forte.

J’ai été baptisée le 11avril 2009 à la veillée pas-cale de la Sentinelle par lepère Bernard. Pendantdeux ans il m’a suivie et ilm’a fait connaître Jésus-Christ. Gaétane, Marie-

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Thérèse, Marguerite, Françoise, Laurie, Ange ettoutes les autres qui m’ont accompagnée m’ontbeaucoup apporté, pleines de générosité rayonnantetoujours joyeuses et le sourire. Elles m’ont apportédu réconfort. Quand elles venaient me voir à l’églisede la sentinelle, cela me faisait plaisir et chaud aucœur. C’est comme si j’avais une grande famille. Jeleur tire mon chapeau parce que la chapelle Ste-Bernadette est un lieu convivial et familial. Ellessont des personnes généreuses. Elles font un boulotformidable en faisant la bourse aux vêtements. « Nechangez rien, restez comme vous êtes, je vous aimetrès fort et vous resterez dans mon cœur à jamais. »J’ai encore beaucoup à apprendre, mais je suis fièred’avoir été baptisée adulte. Je n’oublierai jamais etcela restera un beau souvenir.

Ginette (Valenciennes)

Comme si j’avais trouvé une grande famille.

Photo Cité Saint-Pierre

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Page 12: Une bouffée d’air pur - Fils de la Charité

Sa salle de séjour est aussi son bureau : ordina-teur, internet, imprimante photocopieur, fax profes-sionnel indispensable aux centaines de papiers àrecevoir ou envoyer, et des dossiers épais un peupartout. Elle me montre une liste de cinq pages quej’évalue à plus de deux cents personnes sans papiersdont des Algériens, Marocains ou Maliens, quelquesHaïtiens et asiatiques, deux cents dossiers com-plexes et en cours.

Chantiers : Marguerite quelle est tonaction ?Marguerite Poulet — La Coordination 93 concerne

trois à cinq cents personnes.J’assure le suivi juridique individuelmême en cas d’arrestation. C’esttoujours dans l’urgence, on peutparler du “poids du jour”. Les adhé-rents peu scolarisés ont besoind’aide, voire d’un “tuteur” quioriente et conseille, chaque courrier

étant source de peur et d’angoisse.La situation de la communauté haïtienne est par-

ticulièrement difficile. Il s’agit souvent de réfugiésqui ont perdu des membres de leur famille assassi-nés, ou décédés du fait du séisme.

À l’approche de l’été, nous constatons une accé-lération des expulsions. Je pense à un père defamille depuis vingt ans en France, arrêté. Sa femmes’accrochait à lui pour le suivre mais la police nevoulait pas d’elle, régularisée au titre de l’asile, suiteà une demande de protection contre l’excision. Nonfrancophone, sur le point d’accoucher, sans sonmari, elle était perdue. J’ai envoyé un fax aux deux

Si tu tiens, Dieu est avec toi

M arguerite aide lespersonnes sans

papiers en Seine-Saint-Denis.Un engagement total.Interview.

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Marche des sans papiers de Paris à Nice du 1er au 31 mai 2010 pour le som-met du cinquantième anniversaire des indépendances des pays africains.

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préfets concernés pour leur signaler qu’elle était endanger. Finalement Ils ont relâché le mari.

De plus en plus exposés, nous travaillons sansfilet, mais nous nous inscrivons dans un réseau soli-daire international, unis par le même projet de lasauvegarde des droits fondamentaux pour tous. Maisil faut le dire, je n’accompagne pas toujours dans lecalme, nos nerfs sont mis à l’épreuve.

Chantiers : Les nerfs contre les sanspapiers ?M.P. — Depuis plus de huit ans, j’accompagneMamadou, en France depuis vingt ans. Travailleurgréviste, il est seul de son entreprise à n’avoir pasété régularisé après la grève de 2008 : habitant Paris,la préfecture de Bobigny a rejeté son dossier. Cela lerend fou. Avoir peur de l’expulsion au quotidien estdéshumanisant. Il est fils unique, ses parents sontdécédés, là-bas personne ne l’attend.

Comme beaucoup d’autres, Mamadou nedemande rien, mais il attend un signe de notre part,pour l’aider à inventer un avenir, alors il s’accrocheà moi comme à une bouée… Je lui ai fait une guerreincroyable pour qu’il aille aux cours de françaischez les Frères Lassaliens, complétant moi-mêmeses lacunes.

D’autres n’oublieront pas mes “coups de gueule”en raison de leurs oublis des justificatifs à porter sursoi en cas de contrôle d’identité.

Chantiers : N’y a-t-il pas lieu d’aiderceux qui s’aident eux-mêmes ? M.P. — Confrontée aux urgences des éloignements,ou à des situations très difficiles, je dois parfoischoisir qui aider en premier. Sans réfléchir ma pré-férence va vers le plus pauvre, le plus isolé.

Etre née de famille modeste et rester soi-mêmeest donc un avantage, car j’ai non seulement le sen-timent de les comprendre, mais aussi d’être à maplace au milieu d’eux.

Chantiers : Quels sont tes rapports, à lapolice, aux administrations ? M.P. — Nous ne cessons d’agir pour dénoncer l’ac-cueil inhumain réservé aux étrangers de la Seine-Saint-Denis. La possibilité de déposer une première demande decarte de séjour étant réservée à quinze personnes, lesusagers doivent faire la queue dès la veille et dormirdehors, sur place.

À Paris l’accueil est digne, mais on ne prend pasde temps pour les renseigner et ces jours-ci encore,des arrestations ont eu lieu au guichet même. Avecla consultation d’avocat à cent euros, après plusieurséchecs les sans papiers cherchent une association.

Récemment au tribunal de Cergy-Pontoise, j’aidéposé une requête contre une reconduite à la fron-tière. Ils ont obligation de résultats et les irrégulari-tés sur le fond et la forme sont fréquentes.L’administration ne prenant pas le temps de vérifier,cela nous permet de faire droit à nos protégés.

Il est arrivé que l’avocat commis d’office, peumotivé et ignorant de la situation, me laisse sa placeau Tribunal administratif de Paris. Le juge qui aaccepté, a été touché par le caractère spontané de ladéfense et a annulé la reconduite à la frontière.

Nous sommes le seul collectif qui assure un suivijuridique et qui de longue date est reçu à la préfec-ture du 9 3.

Les sans papiers ont le droit de manifester, etrares sont les arrestations sur les trajets prévus. Jenote qu’aux abords du stade de France, les forces del’ordre ont visiblement plus à craindre des suppor-ters que des personnes en situation irrégulière.

Ces jours-ci j’ai pu constater combien certainspoliciers étaient sensibles à la situation des per-sonnes qu’ils conduisaient du centre de rétention autribunal.

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actualité

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Chantiers : Comment vis-tu cet engage-ment dans ta foi chrétienne ?M.P. — J’ai toujours douté de moi ainsi que de mafoi. Mais il y a en moi quelqu’un de vivant, JésusChrist, qui m’aime et sous son regard, je m’interrogesans cesse : c’est quoi aimer, comme il nous aime ?

Trop exigeante la parole de Jésus ? À chaque ins-tant, j’ai conscience qu’à peine lui avoir dit « Jet’aime », je le trahis. Ma foi est réponse à son appelet conversion, mouvement perpétuel du cœur enchemin vers Lui. Le terrain de solidarité où je metrouve, est le chemin où je cherche à le rencontrer.Là, toute action peut être source de rencontre avecLui pour peu que j’y recherche ce qui est source devie. Sentir son regard, l’approfondir et faire ainsirévision de vie pour être en mesure d’y répondre,c’est mon désir.

Cela me conduit à approfondir et à réviser sanscesse mon propre regard sur ceux qui font partiedepuis plus de quinze ans de ma vie. Ils sont en souf-france, atteints profondément au cœur de leurdignité, et ils m’interpellent et m’éclairent sur lesens de ma propre vie.

À 68 ans, j’ai le sentiment d’avoir, après bien desobstacles, réussi ma vie. Tout simplement, je mesens à ma place là, et mon seul désir est de vivrelibrement dans la paix de Celui qui un jour s’est ris-qué à me regarder et à m’attendre.

Ainsi je m’efforce d’humaniser mes requêtesadministratives et d’apporter une autre appréciationsur la situation de ceux qui me font confiance, eninscrivant un élément de source de vie. Comme je nepeux maitriser le temps, ce désir d’union à Dieu, sefait prière en travaillant.

Chantiers : Est ce que Dieu t’aide ?M.P. — Sachant que c’est un sujet brûlant et priori-taire du gouvernement, certains événements où

s’inscrivent des solidarités, et certaines rencontresdeviennent des signes d’espérance : la lutte collec-tive inédite de ces personnes pour leurs droits etliberté ; la lumière retrouvée dans le regard de celuiqui est libéré ; ou bien lorsque me croisant avec euxdans le métro, quelqu’un m’informe avec délica-tesse du contrôle d’identités en cours.

De nombreuses rencontres ont nourri égalementma vie et ont contribué à aplanir ma route, à me fairece que je suis. Je pense en particulier à de nombreuxprêtres ou amis militants non croyants.

Chantiers : Tu viens du judaïsme ?M.P. — Ma mère était juive et mon père catholiqued’origine espagnole est décédé sans avoir pu seréconcilier avec une Église qu’il aimait. Ils se sontconnus en Algérie.

Ma grand-mère paternelle était à la fois catho-lique pratiquante, communiste et anticléricale du faitdu silence de l’Église espagnole sous Franco. Avecun groupe elle a risqué sa vie au nom de la liberté.Ayant ainsi grandi sous des turbulences interreli-gieuses, j’ai toujours aspiré à la paix. Cette paixs’est construite auprès des personnes sans papiersrencontrées.

Ma rencontre avec Jésus a été un choc. Je m’iden-tifie à Jonas qui dans la Bible a fui devant l’appel deDieu trop fort pour lui. Mais de la même manière, leSeigneur s’est donné les moyens pour me séduire, cequi a pris du temps : j’étais persuadée que poursuivre Jésus il fallait déjà être parfait. De la foi juivej’avais reçu avec le respect des traditions le tout ourien. C’était peut être semblable aussi dans l’Églisede l’époque.

Avec Jésus, la foi n’étant pas à l’extérieur denous, j’ai construit ma liberté. Un sentiment très fortde l’incarnation de Jésus m’exerce à regarderMamadou et les autres avec le regard de Dieu.

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Quelle femme la foi au Christ a-t-elle faitde toi ? M.P. — Une résistante, qui regrette d’avoir si peuconnu ma grand-mère paternelle. Mais je crois auxsignes grands ou petits du quotidien que nous perce-vons grâce à la présence de l’Esprit. Il y a toujoursquelqu’un ou quelque chose qui interpelle.

Ce qui me pose question, c’est cette vie assuméedans l’urgence. Entre deux, je prie. Fatiguée, je nepense à rien d’autre que de m’unir à celui qui mal-gré ma condition modeste et mes doutes, a risqué unregard sur moi, a pris la peine de m’attendre pour meproposer un chemin difficile, mais un chemin oùl’amour à recevoir et à donner est si grand. En cesens, ma venue sur terre n’a pas été pour rien. Leprésent même pesant est important, car il y a tou-jours du grain à moudre pour l’amour de Dieu. Mavie d’engagement pour la défense de ceux que l’onoblige à quitter le territoire, est une réponse à ce quej’ai reçu.

Jusque-là comme beaucoup, j’ai gaspillé montemps, cherchant Dieu où il n’était pas, dans le tom-beau vide. Si la rencontre du Seigneur s’est faite aucœur de sa croix, là est aujourd’hui sa présence etma force en Lui.

Nul ne choisit son appel. Tout comme le pèreAnizan, « ces foules perdues me poursuivent ». Maisà les côtoyer, on y découvre le cœur vivant de l’hu-manité. Le bon grain et l’ivraie sont en nous.Enchevêtrés, ils nous traversent.

Avec le Christ c’est une relation “je t’aime, moinon plus”. On n’a pas grand chose à lui cacher. C’estune relation d’amour universelle à construire avecLui là où nous sommes jusqu’au-delà de nos jours.

Marguerite Poulet, interrogée par Robert Jourfier, fc.

(Photos pages 8-10 : TÉLÉ LIBERTÉ)

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Le Seigneur conduit tout ce qui se passedans ma vie

Pauline, originaire de Kinshasa, est réfugiée enFrance depuis janvier 2003. Son mari, douanier enRD Congo, est mort empoisonné dans l’exercice desa fonction. Ses deux grands garçons, avec un pas-seport angolais, travaillent, l’un en Chine, l’autreen Angola. Depuis décembre 2007, Pauline est défi-nitivement expulsable et vit difficilement cette situa-tion.

Elle est courageuse, sans possibilité de travaillersans papiers, sans ressources :

Le Seigneur conduit tout ce qui se passe dans mavie. J’ai toujours eu confiance en Dieu. Il est grand.Tous les gens vont mourir, mais le Seigneur vit éter-nellement. Il a pris la défense de son peuple enEgypte contre Pharaon. Il l’a accompagné dans ledésert avec Moïse. Et puis il y a l’histoire de Job.

J’ai beaucoup pleuré, mais je trouve le soutien, laforce dans la prière. Souvent je redis et je chante : Jemets mon espoir dans le Seigneur, je suis sûr de saParole ou Le Seigneur est mon berger ; rien ne sau-rait me manquer.

Autour de moi, tout le monde a des soucis. Moi,je n’ai rien ; il faut que je continue de prier. Dieu estlà.

Seigneur, je suis là et je t’attendsPauline, sans papiers, et Yamina, toutes deux en détresse et dans lesmains de Dieu.

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Photo Philippe LISSAC/GODONG

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Je fais le ménage de l’église, le samedi matin. Desgens font des démarches pour moi, me font descadeaux, me rendent des services. Je suis une for-mation à Ivry, quatre après-midi par semaine.Depuis que je suis bénévole, le jeudi soir, au Refugede La Mie de pain, je me sens utile, je fais un bonrepas avec les bénévoles et je trouve des amis et puisj’ai trouvé une famille dans la Fraternité duServiteur Souffrant. (1)

J’ai peur continuellement d’être arrêtée et expul-sée, mais je suis dans la paix. Dieu est grand et jelui fais confiance.

Pauline

Qu’est-ce qui peut donner du sens à mavie ?

Je me nomme Yamina, née en Algérie. J’ai eudeux jeunes frères, toxicomanes, morts du sida. J’aiété compagne d’Emmaüs à la fin de 1995 et là j’aidécouvert ma foi. Je parlais au Seigneur assez régu-lièrement et souhaitais être baptisée. A partir d’avril2001, j’ai été assistante à l’Arche de Jean Vanier,durant trois années. Ce fut un délice, un régal et puisla lassitude. Un week-end de congé par mois, unjour de congé par semaine. Ce n’était plus suffisant.

Depuis 2006, plus rien, plus d’envie.Je m’isolais, je ne voulais plus sortir, je ne voulais

plus communiquer. Je ne répondais plus au télé-phone ou je me dissimulais derrière la messagerie,tout en me culpabilisant, malgré un entourage bien-veillant. Je me sentais tellement vide. Je meréveillais le matin en me disant : « Oh ! encore unejournée ! »

Même Jacques, responsable à Emmaüs, je l’évi-tais. Et pourtant, il fut précieux pour moi et il m’en-voyait sans relâche des mots d’encouragement. À sademande, j’ai accepté d’aller à une réunion de laFraternité du Serviteur Souffrant (1) chez Mathilde en

novembre 2009. J’y suis allée par curiosité. J’étaishautaine, agressive, désespérée. Je n’y croyais pastrop.

J’ai remarqué Pauline, sans papiers, qui nedemande qu’à vivre simplement et à retrouver sesenfants. Elle m’a touchée.

Et puis, la proposition de Jean de venir au Refugede La Mie de Pain, le jeudi, avec Pauline et Jean-Loup. Je me suis dit : « Pourquoi pas ? Je me senstellement vide » Au Refuge de La Mie de Pain,chaque soir, quatre cent vingts personnes àaccueillir, à héberger, et environ cinq cents repas àservir avec le sourire, dans la bonne humeur, avecune bonne vingtaine de bénévoles.

Progressivement, je me sens utile et je me fais desamis. Et aussi, dans la Fraternité du ServiteurSouffrant que je boudais depuis quatre ans, j’airetrouvé Nicole, Mathilde, Elisabeth, en plus dePauline, Jean-Loup, Augustin.

Depuis près de quatre ans, j’étais fâchée avec“mon Seigneur”. Je n’avais plus rien à lui dire, plusrien à lui demander. Je lui tournais le dos avec unecertaine insolence. Maintenant, je tente de m’accro-cher à certaines parois, car j’ai peur de tomber etpuis j’ai encore un petit espoir, certainement.

À bientôt, Seigneur. Je n’accours pas vers toi. Jesuis là et j’attends le moment.

Merci à Pauline pour sa relation avec Dieu. J’ensuis tout émue.

Yamina

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actualité

(1) Fraternité du Serviteur Souffrant :* Contact : Élisabeth Relange - 19, ruePierre-Toussain - 25200 Montbéliard

(✆ 03 81 95 30 84)

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Le séisme survenu en Haïti le 12 janvier dernier arévélé au monde la confiance que la majorité du peuplehaïtien place en Dieu.

À l’annonce de l’événement, le premier réflexe de mafamille et de bon nombre d’amis haïtiens a été de nousréfugier dans la prière. Et tandis que, envahie par les émo-tions, je sentais la terre fuir sous mes pieds, une force memaintenait debout : Jésus était présent à mes côtés !Pendant quatre jours nous n’avons pas pu entrer encontact avec nos proches en Haïti. Dans l’incertitude deconnaître leur sort, Jésus me redonnait espoir.

Puis le doute sur la capacité de mes frères à se redres-ser s’installe : depuis plus de deux cents ans, abattu parles forces destructrices naturelles, humaines, et poli-tiques, mon peuple tente de se relever mais reste toujoursfier et espère encore et encore… Des doutes me traversentque l’on puisse se relever véritablement un jour et j’aihonte de ce sentiment devant la ferveur de mes conci-toyens qui sont directement confrontés à la misère.

Cette traversée du désert aurait pu remettre en questionnotre foi : je suis persuadée que Dieu est toujours présentlorsque nous sommes à terre. J’ai eu très mal et très peurpour mes frères en détresse que je voyais extraordinaire-ment dignes, d’autant plus que je me sentais impuissanteet inutile. Seules la prière, l’espérance et la foi nous ontaidés à tenir face aux terribles images passées en boucleà la télévision. Plus tard, le soutien des amis et collèguesm’a fait prendre conscience que Dieu avait bien entendunos prières. C’est bien à travers cet élan extraordinaire desolidarité sous toutes ses formes que Dieu s’est manifestéen notre faveur. Merci Seigneur de nous permettre demettre en œuvre ton amour lorsque le mal s’acharne surnos frères !

Nous autres, Haïtiens en France, nous avons pu res-sentir de la colère, de la révolte, non envers Dieu, maisbien envers cette force maléfique sur laquelle nousn’avons pas d’emprise. Comme dit mon beau-frère, lesforces du mal existent mais Dieu nous soutient. À chaqueinstant de l’humanité, Dieu s’est occupé de son peuple.Comme le dit un texte connu, il nous porte dans lesmoments les plus difficiles. Ma cousine d’Orléans, qui nepratique pas régulièrement, m’a confié avoir tenu bongrâce à la prière

Les moments de souffrance sont des moments de révé-lation où l’on est amené à opérer une introspection néces-saire à notre équilibre mental. Jaillit alors la rencontreavec Dieu, merveilleux moment qui renforce notre foi.

Rachelle Bernard

La foi des Haïtiens

R achelle est d’origine haïtienne. Comme tous les Haïtiens de France,à l’annonce du séisme, elle a vécu des jours d’immense angoisse

pour les siens et son pays.

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Photo DR Frédéric Lucido

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Le café, le linge et l’écoute Nous sommes une équipe de trente-deux femmes

et nous assurons accueil et écoute aux familles quiviennent voir un détenu lors des parloirs, à la maisond’arrêt de Nanterre. Lors des six parloirs quotidiens(en semaine), nous sommes à la disposition desfamilles lorsqu’elles attendent de rentrer dans la pri-son : renseignements pour les demandes de permisde visite, préparation des sacs de linge destinés auxdétenus, rédaction de courrier, accueil plus attentifdes familles venant pour la première fois et le plussouvent perdues. Nous avons un stand avec desboissons et des biscuits et un coin enfants avec desjouets. Bien sûr, certaines personnes ont besoin deparler de façon plus intime. Nous faisons remonterjusqu’ à la direction les problèmes rencontrés par lesfamilles ; notre implantation dans des locaux appar-tenant à l’administration pénitentiaire nous associede près au fonctionnement de la prison et nousoblige également à un certain devoir de réserve.

Nous sommes une équipe St-Vincent, mouvementféminin aux missions variées, fondé en 1617 par St-Vincent de Paul. Nous participons à la fédérationnationale des accueils de familles (UFRAMA) quiest laïque, et nous avons des liens avec l’ANVP(visiteurs de prison) par exemple.

Intervenir dans ce milieu demande d’être préparé

et nous nous formons le plus possible avec des per-sonnes du monde judiciaire et pénitentiaire et dansnos réunions mensuelles. Formation spirituelle éga-lement avec l’aumônier de la prison.

Nous avons de fréquents retours des familles surla nécessité d’un accueil, lequel s’inscrit dans unepolitique de maintien des liens familiaux favorisantla réinsertion.

L’appel de Dieu sur grattannoncesDans cet engagement, la part de la foi est bien

mince au départ. Tout a commencé par un journallocal dans notre boîte aux lettres (Grattannonces !Le truc qu’on met directement dans la poubellebleue !) Une petite annonce publiée par un détenuqui cherchait à correspondre. Un tempérament unpeu risque-tout me pousse à répondre. S’en suit unéchange de courrier. Puis lors de permissions de sor-tie en fin de peine, il y aura des rencontres. Il vien-dra même en vacances chez nous en Bretagne. Celase passe bien ; mais je mesure bientôt qu’un tel per-sonnage a vécu et vit toujours des choses lourdes,qu’il confie, et que je ne suis pas du tout préparée àentendre. Sans parler d’une prise de risque pour mafamille car il s’agissait d’un réel truand, avec heu-reusement des repères et un code de l’honneur. Jeme promets de ne pas réitérer une telle aventure sans

Les traces de Dieu

M arielle accueille et écoute les familles de détenus qui viennent enparloir à la prison de Nanterre.

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sociétéPrisons : écoute des familles.

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formation et sans entourage. C’était il y a vingt ans. Dix ans plus tard, une amie m’entraîne à une ren-

contre rue de Sèvres, une présentation des activitéstrès diverses des Équipes St-Vincent. Le témoignagede la présidente de la Halte St-Vincent Hauts-de-Seine (accueil des familles de détenus à la prison deNanterre) m’intéresse d’autant plus que je suis déjàsensibilisée. Et puis elle est tellement plus jeune quel’ensemble du public...

Il y a eu beaucoup plus de hasard que de foi donc,mais on sait que le Seigneur se glisse dans nos viespour faire son chemin. Néanmoins la conviction quetout homme trouve grâce devant Dieu, quel qu’ilsoit et quoi qu’il ait fait, la perception d’une égalitéprofonde entre les hommes étaient et demeurent lesocle sur lequel s’appuie cette démarche. Là, l’Évan-gile a toute sa place.

Au-delà des prétentions et certitudesQui devient-on au travers d’une telle expérience ?

“Devenir” est le mot, car avant tout, on change. Oncommence par perdre prétentions et certitudes.Prétentions à l’efficacité alors que nous sommes làpour écouter seulement. Bien souvent mêmel’écoute est impossible, tant les familles sont muréesdans le silence. On se contente alors de servir desthés et des cafés, de jouer avec les enfants. Ce n’estpas bien héroïque ! On apprend à s’effacer devantles préoccupations des familles, au lieu d’imaginerqu’on va jouer un rôle et qu’on va être des superconfidentes. Cette tâche d’accueil oblige à se recen-trer sans cesse sur l’autre. On développe en contre-partie une capacité d’observation, une faculté d’éta-blir la relation à travers de très petites choses. Là ilse passe quelque chose de profondément vrai, pro-fondément humain, dépassant les différences. Ilnous est alors donné de vivre de véritables expé-riences de communion.

On est aussi transformé et soutenu par la vied’équipe très structurée au travers des échanges, desformations et des temps de spiritualité. Soutien éga-lement dans nos vies personnelles, car là aussi desliens se créent. Les épreuves personnelles des uneset des autres sont relayées par le groupe. Nous nousaccompagnons mutuellement.

Au-delà de soi-mêmeComme bien souvent, on est entraîné au-delà de

ce qu’on avait prévu. J’ai choisi cette activité pargoût personnel. Et j’ai été amenée à prendre des res-ponsabilités relativement prenantes que je n’envisa-geais pas du tout. Me voilà trésorière, ce quim’oblige à me former et à passer quelques heuressur mon ordinateur. Mais finalement cela ne medéplaît pas.

Sur le plan de la foi, mon sentiment est que, sansjamais parler de Dieu ou presque, nous percevons satrace, comme Élie à l’entrée de la caverne ; cettecaverne n’est-elle pas la part d’ombre des hommes ?Le Seigneur nous rejoint dans la brise légère despetites choses. (Cf. 1er Livre des Rois, Ch. 19)

Marielle Saint-Genis (Saint-Ouen)

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L’accueil nécessaire des familles de détenus.

Photo Fred de Noyelle/GODONG

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Prière devant la porte de celluleJe suis devant la porte, elle est semblable à toutes

les portes de la coursive, elles se suivent, identiquesdans un alignement impressionnant, répétitif, mons-trueux. Elle marque une limite avec son œilleton etses verrous. De l’autre côté, je sais qu’il y a une vie,un homme, une femme enfermé dans la cellule, avecsa vie, son histoire ses joies, sa famille, ses drames.Il y a un corps, un visage une respiration, des mots,des regrets, des envies, des volontés.

Mon Dieu pourquoi tant de bruit, tant de cris, tantde coups dans les portes. J’ai besoin de silence et depaix. Je vais oser la rencontre, prendre le risque defaire irruption dans un autre univers que le mien,dans un parcours de vie qui me dérange. Cette porteje vais oser l’ouvrir.

Il faut que j’ouvre aussi mon cœur pour être àl’écoute, il faut franchir tous les seuils, toutes lescraintes pour peut-être rejoindre l’autre. Et s’ilm’ignorait ? S’il faisait comme si je n’existais pas ?

Seigneur j’ai confiance en toi, tu ne me laisseraspas seul, tu me donneras les mots, ceux qui ouvrent

les portes du cœur, ceux qui donnent envie d’aimer,d’espérer.

Face à face, deux hommesDans ce quartier nouvel arrivant, c’est une pre-

mière rencontre. J’entre, la télé marche, il range desaffaires, je tends la main : « Bonjour, je m’appellePaul, je suis l’aumônier catholique... » Voilà, je n’aiaucune crainte. Face à face deux hommes simple-ment se découvrent se saluent, s’étonnent, se recon-naissent d’une identité différente, mais avec despoints communs : des besoins de respect, de dignité,de reconnaissance, de vérifier que les raisons devivre nous sont communes.

L’équilibre de la première rencontre tient dans unregard, une attitude, la disponibilité perçue, cettesorte d’élan qui me projette fragile démuni. Maispourtant l’accueil qui m’est fait ne vient pas de ceque je propose comme service d’aumônerie, de mon“savoir-faire”, mais de ce que l’Esprit place entrenous de ce qu’il est déjà dans l’autre, dans sarévolte, ses refus.

Je ne suis pas seulement unpassé lourd

P aul est diacre et aumônier en maison d’arrêt. Son dialogue avec lesdétenus se conjugue à son dialogue avec Dieu.

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sociétéPrisons : écoute des détenus.

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La relation que je souhaite établir passe nécessai-rement par cette poignée de main sincère par unejuste relation établie sur le sens de l’humain attentifà la détresse, elle dépend de l’espace de liberté quise construit dans la rencontre.

soient une eau de bénédiction, un renouvellementdans l’échange et un signe qui anime nos chemins deFoi. Seigneur, pourquoi les larmes coulent-elles sifort, jaillissant à l’horizontal comme celles de cejeune Africain qui tombe à genoux et m’interpelle deses pleurs. C’est une eau baptismale qui mouille lesol de la cellule ! Matthieu, un jeune majeur m’aconfié un jour : « Dans mon corps c’est le Sang duChrist qui coule et dans les veines du Christ c’estmon sang qui circule. »

Dis-moi que je ne suis pas que celaPourquoi Christelle se lève-t-elle après la lecture

de l’Évangile ? Elle qui n’était jamais entrée dansune église et ne connaissait pas le nom de Jésus medit: « Paul, c’est ma vie que je viens d’entendre, ceque je savais confusément sans l’avoir formulé, tuviens de me le faire savoir. Tu viens de me fairecomprendre qu’Il est là. »

L’humanité du Christ est là dans la révolte, lanégation des actes abominables, dans le refus den’être perçu en tant qu’homme que comme criminel.Comme Johnny qui me met sous les yeux son pro-cès-verbal de mise en accusation pour violences etactes de barbaries en réunion, en me disant : « Pauldis-moi que je ne suis pas que cela. Je suis aussi unautre homme, toi tu me connais, je suis autre choseque cette laideur. Je veux être regardé comme unêtre humain, pas seulement un coupable, uncondamné. Je ne suis pas seulement un passé lourd,un mauvais moment de ma vie. J’ai devant moi unavenir, moi aussi je veux vivre comme tout lemonde.»

Seigneur de toute bonté, laisse-moi m’ouvrir entoi à la peine des autres, laisse-moi me réconcilieravec toi. Seigneur moi aussi je suis pécheur, j'aipéché contre toi, accorde-moi la grâce de vivre selonton Amour. Paul Tillocher (Bourges)

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Mon Dieu aide-moi à rester vulnérable« Seigneur aide-moi à rester ouvert, vulnérable

pour accueillir les traits du visage inconnu, entendreet comprendre les paroles que je vais écouter, carc’est toi Seigneur que je viens visiter. Aide-moi àêtre compatissant, que mon cœur batte au mêmerythme que le sien pour que je puisse partager lamisère et l’angoisse. Mais aussi l’Espérance…Parfois des larmes coulent sur les joues : qu’elles

Photo P. DELISS/GODONG

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Cécile est aumônier bénévole de la maison d’arrêt de Bourges :

Des femmes qui pleurent et rient…Aumônier bénévole depuis trois ans, je visite les détenues individuellement un après-midi par semaine.

C’est une grâce d’aller à la rencontre de ces personnes démunies de tout (ou presque). La moindre petitecontrariété peut prendre de grandes proportions en détention. Bien souvent il ne leur reste que l’ouver-ture vers la spiritualité pour gagner en espoir ou en espérance.

Toutes les femmes sont différentes. Elles pleurent et rient. Elles se confient au bout de quelque temps,car elles savent qu’elles ont une personne de confiance qui les écoute et qui ne les juge pas.

Ces échanges sont riches. La souffrance du Christ est à mettre en parallèle de leur mal-être. Cesfemmes ne demandent qu’à être aimées de Dieu et elles le sont. À chaque partage, le Christ est vraimentprésent. C’est lui qui parle à ces femmes souvent perdues.

Touchées et transformées par DieuJennifer et Eliane ne s’entendaient pas, elles sont fragiles toutes les deux et ne peuvent être dans la

même cellule. Les invectives fusaient. Elles ne sont pas restées longtemps ensemble. Je les ai vues lamême journée individuellement. Au terme de la rencontre, d’un quart d’heure, chacune ayant critiquél’autre, je leur demande de choisir un verset du psaume du jour qui les touche. Toutes les deux ont eu lamême réponse. Je me suis dit, là au moins, en Dieu elles se retrouvent.

Une est venue me voir un jour me dire qu’elle essayait de mettre de l’espoir chez les autres détenuesgrâce à Dieu. Elle était gaie ce jour-là.

Une autre, incroyante, m’a dit : « J’aimerais bien être croyante comme toi Cécile pour être heureuse. »Isabelle a découvert Dieu en détention, elle a demandé le baptême. Depuis elle s’accroche à Dieu et

souhaite à tous d’être touchés comme elle par le Christ. On sent en elle une force. Elle se bat tous lesjours pour se convertir et prendre le bon chemin.

Christelle est sortie après deux ans de prison. Catholique, elle a affirmé qu’elle a redécouvert Dieu endétention et que son chemin de conversion est en marche.

Cécile Trumeau,

[*\

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Tu es Seigneur le lot de mon cœur, tu es mon héritage

L’Esprit que vous avez reçu ne faitpas de vous des esclaves, des gensqui ont encore peur ; c’est un Espritqui fait de vous des fils ; poussés parcet Esprit, nous crions vers le Père enl’appelant : « Abba ! » C’est doncl’Esprit Saint lui-même qui affirme ànotre esprit que nous sommesenfants de Dieu. Puisque nous sommes ses enfants,nous sommes aussi ses héritiers ;

héritiers de Dieu, héritiers avec leChrist, si nous souffrons avec luipour être avec lui dans la gloire.(Romains 8, 15-17)

Que Dieu ouvre votre cœur à salumière, pour vous faire comprendrel’espérance que donne son appel, lagloire sans prix de l’héritage quevous partagez avec les fidèles.(Ephésiens 1,18)

Héritiers de Dieu

Photo Pascal DELOCHE/GODONG

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cœur, tu es mon héritage (Psaume 16,5)

méditation

E tant plus jeune, je me suis égaré, très souventignoré, ayant de gros problèmes de communica-

tion. Je me mettais souvent à part dans mon coinsans raison. J’avais peur de m’ouvrir aux autres,peur d’être blessé. Je me sentais différent desautres.

Un soir, dans cette église, on m’a choisi pour faireune lecture de la Bible devant plein de personnes.Lorsque j’ai eu fini de lire, tous applaudirent. Pour lapremière fois, j’ai ressenti un sentiment d’existence.J’ai pu enfin sentir, Seigneur, en moi ta présence.

Je me suis dit qu’en fait : ben, je ne suis pas seul.

Peu à peu, j’ai pris plus confiance en moi. Car j’airéussi à m’ouvrir aux autres en fréquentant l’église.Grâce à cela, je suis devenu la personne que je suismaintenant. J’ai appris à écouter les gens, à aider lespersonnes dans le besoin. Mon cœur est devenuplus sensible aux situations et aux événements duquotidien.J’ai plus de facilité à m’exprimer. Avoir reçu l’appel

du Seigneur, pour moi, c’est être capable d’accepterles différences. Savoir apprécier son prochain. Prier,pas seul, mais tous ensemble, dans une bonne har-monie et en se tenant la main.

Jean-Philippe (La Courneuve)

Photo DR Paroisse de La Courneuve

Tu m’as fait exister

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Q ue tout homme soit appelé à devenir «héri-tier de Dieu » (cf. Romains 8, 16-17) ne

fait aucun doute pour le P. Anizan. Cette vérité,il la puise dans sa contemplation du Christ«venu sur terre pour redonner quelque chosede la nature divine » à tous les hommes. Ellemodèle son regard sur les pauvres et les tra-vailleurs de son temps qu’il voit « du mêmerang que le Christ Fils de Dieu. » car ils ontavec lui « un Père au ciel. » Et elle est lemoteur puissant de son apostolat. Avant mêmequ’il ne soit Fils de la Charité, c’est déjà en cestermes que le jeune prédicateur de vingt-cinqans s’adresse aux paroissiens d’Olivet, prèsd’Orléans, en 1878 :« Pour attirer les hommes à lui, Jésus-Christ

a fait deux choses bien simples : il lui a suffi dese montrer et de parler. Et la sainteté de sa vie,la sublimité de sa doctrine lui ont attiré toutesles âmes de bonne volonté. Elles ont regardé,elles ont écouté, elles ont admiré, elles ontaimé, elles ont cru… Jésus-Christ leur dit quece Père qui est au ciel s’occupe d’eux : « Pasun cheveu ne tombe de notre tête qu’il ne leveuille. » Ce n’est pas là un vain mot. Dieu esttellement leur Père, que lui, Jésus-Christ, estvenu sur la terre, pour leur redonner quelquechose de la nature divine. « Mais alors, ce sontdes dieux ! ». Eux pauvres créatures, partici-pants de la nature divine, comme des dieux !

Quelle grandeur, eux qui se croyaient si vils, sipetits !Jésus leur affirme qu’ils sont les héritiers de

Dieu, et du même rang que le Christ Fils deDieu. Et comme l’univers entier est l’univers deDieu, ils hériteront de tout. Héritiers de touteschoses, héritiers du Royaume des Cieux ; héri-tiers de la vie, du bonheur éternel !Quel honneur ! Quel bonheur ! Quelle pers-

pective ! … Jusque-là, on avait considéré Dieusurtout comme un maître, comme un Seigneurpuissant et terrible. On avait pour lui plus decrainte que d’amour. Tout à coup, Jésus-Christvient au milieu de ces hommes et leur déclareque Dieu est leur Père.À ces pauvres hommes perdus sur ce pauvre

petit coin de terre qu’on appelait la Judée, à cespauvres créatures qui tiennent si peu de placedans le monde, inconnus même sur la terre,méprisés pour la plupart, traînant une vie obs-cure ici-bas, au milieu de l’indifférence mêmede ceux qui les entourent, il vient leur déclarerqu’ils ont un Père au ciel. Eux qui auraientconsidéré comme un très grand honneurd’avoir l’amitié d’un grand de la terre, eux qui seseraient considérés si honorés d’être remar-qués d’un roi de la terre, d’être ses serviteurs,Jésus-Christ leur déclare qu’ils sont non seule-ment ses serviteurs, non seulement ses amis,mais ses enfants, les enfants de Dieu, l’Être le

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Deux textes du père Émile Anizan sur la dignitéincomparable des humbles, présentés par MichelRetailleau, fc. :

Participants de la nature divine

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plus grand, le plus beau, le plus puissant. CeDieu vers lequel ils osaient à peine lever leursyeux en tremblant, c’est un Père pour eux !Quel honneur inespéré et combien cette doc-

trine devait être douce à ce peuple, dont la plu-part étaient des déshérités de la terre ! »

P lus tard, le Père Anizan écrira à Charonneun texte étonnant. Il n’hésitera pas à dési-

gner où se situe la vraie « Révolution » pourtous les hommes, et à commencer pour « ceuxqui travaillent de leurs mains ». Elle réside dansle fait que « le Fils de Dieu s’est fait ouvrier ».Le socle de sa vie contemplative et apostoliqueest là. Si « le Verbe s’est fait ouvrier » commeil dira encore ailleurs, c’est pour asseoir ladignité de tous, à commencer par les plushumbles manuels. Pas de doute possible, ilssont les « héritiers de Dieu », comme aujour-d’hui les sans papiers, les sans travail. Véritétoujours subversive !« Parmi les grands faits sociaux relatifs à la

question ouvrière, à la gloire de ceux qui tra-vaillent des mains, le plus grand incomparable-ment, le plus important ; c’est le fait du Fils deDieu apparaissant aux hommes sous la figured’un ouvrier.Vous savez ce que l’impiété ancienne, ce

que le paganisme avait fait de l’ouvrier et dutravail. L’ouvrier pour lui, c’était l’esclave, c'est-à-dire l’objet de mépris, le paria d’une société.Le Fils de Dieu se chargea de la faire cette

révolution. On l’attendait partout, on le désirait,on croyait qu’il apparaîtrait dans le monde sousla figure d’un grand conquérant ou d’un Roi oud’un savant philosophe, grand fut l’étonnementet le scandale du monde quand on le vit appa-raître simple ouvrier, travailleur de ses mains. Comprenez-vous chers amis, la Révolution

opérée par ce seul fait. Ah ! On est porté à sedemander quand a commencé ce mouvementde relèvement de l’ouvrier, si ancien quoiqu’onen dise, et bien plus avancé dans les sièclesqui nous ont précédés. Il a commencé au jouroù le Fils de Dieu s’est fait ouvrier. »

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méditation

Verdun 1915 : le regard du père Anizan sur les pauvreset les travailleurs de son temps qui sont du même rangque le Fils de Dieu.

Photo archives Fils de la Charité

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J ean Le Guillou a exercé des fonctions de psy-chologue. Aujourd’hui, dans le cadre de l’asso-

ciation “St-Jean l’Espérance”, il accompagne desjeunes décidés à sortir de la drogue, jeunes qui sontaccueillis en communauté de vie, et encadrés pardes frères, religieux de la communauté St-Jean.

Ils ne supportaient pas les limites, la frontière desinterdits. Ils n’aimaient pas différer un plaisir, ilsvoulaient tout, pour eux tout seuls, tout de suite. Ilsont fait le plein des paradis artificiels : alcool, tabac,drogues, là où le ciel finit par se confondre avecl’enfer.

Pourtant, chacun a pris acte, peu à peu, de sadéchéance et entamé un chemin de sevrage, de libé-ration. Ils sont trois ; Carine, Seb. et Fred. Au cours

d’un repas, chacun est invité à parler de sa conversion. J’évoque devant eux des convertis célèbres : St-

Paul, Charles de Foucault, Paul Claudel, BlaisePascal. Tous étaient enfermés dans des doutes et descontradictions. Pour eux tous, la conversion a été lechoc d’un éblouissement, ils sont passés de l’autrecôté d’un monde comme des êtres de feu, delumière.

* Carine : j’étais comme illuminéeCarine interrompt mon discours. Elle se sent

proche de ce type d’expérience. Elle parle d’unflash, d’un coup de foudre, la révélation d’une pré-sence : « J’étais comme illuminée, c’était passion-nel, ça me remplissait le cœur. Je ressentais une pré-sence, en fait une présence sans présence, ni

Revenus de l’enferDrogue : de l’overdose à la plénitude de Dieu.

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Photo Geneviève CHAPUT

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physique ni concrète, mais réelle ». En pleine crised’identité, elle n’était pas heureuse, n’aimait pas nonplus la vie qu’elle menait avec des amis incertains,mais indispensables. Sa vie se passait à l’extérieurd’elle-même, sans elle. L’avenir demeurait sans visi-bilité. Vertige, dégoût, mais “what else quoid’autre ? » Dieu s’est rendu présent dans cette nuitde l’expérience mystique. Elle ne savait pas qu’elleétait à sa recherche. Le coup de foudre pour quel-qu’un, alors qu’on s’est à peine rencontrés, qu’on nese connaît pas, qu’on est encore loin d’envisagercomment ce choc va se transformer. Sauf à lâcherprise, à s’abandonner. Passer peu à peu de l’over-dose, du trop plein de soi, à la plénitude de Dieu. Lavie ne pouvait plus continuer comme avant.

Carine est issue d’une famille laotienne, de cul-ture bouddhiste.

* Fred : j’avais laissé dormir Dieu en moiFred vient d’une famille bretonne, chrétienne de

souche. Enfant, il est le sale gosse buté, qui demeureassis par terre pendant des heures, enfermé dans unesorte de révolte muette. Il y a des oppositions nonviolentes qui sont aussi des guerres.

« Mes parents m’ont appris qu’il y a unDieu, des valeurs chrétiennes. On récitait laprière le soir en famille. J’étais enfant dechœur à la paroisse, rien que des vieux, cen’était pas motivant. J’ai arrêté de servir lamesse et j’ai laissé dormir Dieu en moi ».

Plus tard, adolescent, il part à la recherched’une église dynamique, jeune, vivante. Il par-ticipe à des retraites, assure l’encadrementd’enfants, fréquente les foyers de Charité,l’Arche de Jean Vanier, participe aux JMJ. Il al’intuition que Dieu n’est pas seulement unlien, mais un lieu, celui des rites et de la litur-gie. « Seigneur, où demeures-tu ? – Venez etvoyez ». Et puis, d’autres rencontres, d’autres

copains, des interrogations qui ne trouvent pas deréponse, le font glisser vers d’autres cérémonies,l’expérience mortifère de la drogue. « J’ai laissétomber la Foi, parce que ce n’est pas compatibleavec la drogue qui vous prend tout. J’ai vécu plu-sieurs années sans croire ».

Avec sa camionnette pour domicile et son chien,Fred a fait toutes les raves parties de Bretagne, lagrande liturgie de la sono et de la drogue. Il a dérapé,on lui a fait une violence terrible en lui laissantcroire que l’univers était au service de son désiralors que c’était seulement la traversée de la mort. Ilva s’en sortir, accepter d’aller vivre en communauté,dans le cadre de l’Association St-Jean Espérance,animée par des religieux de la Communauté St-Jean.La transformation personnelle n’a pas été de toutrepos : confrontation avec lui-même, partage de vieavec d’autres jeunes, la prière, lui permettent decomprendre qu’il n’est pas seul au monde, et que saliberté commence dans la mesure où il reconnaît sapropre fragilité. En 2004, un pèlerinage à la Viergede Medjugorje le bouleverse : « J’ai senti à quelpoint la Vierge Marie m’a accompagné dans mes

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itinéraire

Photo Philippe LISSAC/GODONG

Fred a fait toutes les raves parties.

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galères, elle a toujours été là, même si j’étais enguerre contre l’humanité entière. Depuis, je conti-nue de me cogner aux autres, donc j’existe. Je mesuis libéré, peu à peu, du personnage odieux quej’étais devenu. Je marche sur un chemin de résur-rection ».

* Seb : mon bonheur, c’est mon fils Maxse promenant dans l’église

Seb, c’est le sourire d’un homme qui n’est pascertain qu’on lui ouvre la porte, mais qui pense avoirmalgré tout de bons arguments pour se rendre indis-pensable, même s’il a toujours peur de ne pas être àla hauteur. « Je n’ai pas reçu d’éducation chrétienneà proprement parler, même si j’ai fréquenté l’école

pleuré et j’ai prié. Je suis entré dans le pardon ; j’aiessayé de faire des choix positifs, mais ça n’a pasmarché. J’ai oublié Dieu. La drogue et les problèmesm’ont rattrapé. J’ai accepté d’aller à St-JeanEspérance. Ma conversion vient, en grande partie,du fait de vivre avec des frères, des religieux, dontl’exemplarité m’a touché profondément. Ils sontheureux. Cela m’a fait réagir. Ils ne possèdent rien,n’ont pas d’argent, ils ont le sens de l’amitié, du par-tage, ils sont disponibles. L’opposé de ce que jevivais. J’ai besoin de contacts, de rencontres, j’aitendance à être dispersé, mais j’apprends à meconcentrer, ce qui me permet de me rapprocher desgens que j’aime. Je prie pour eux. Je ne peux pasfaire grand chose pour les autres, là où je peux leplus, c’est dans la prière. J’ai tendance à porter lamort du monde sur mon dos. Mais je sais qu’on n’apas intérêt à vivre dans la culpabilité, sinon onmeurt. J’aime chanter des prières simples. Je me sersdu chant pour me rapprocher de Dieu. J’aime remer-cier, chanter les louanges. Mais je ne sais pas bienprier. Là où je suis rempli de bonheur, c’est à lamesse, quand je vois mon fils Max, deux ans etdemi, se promener dans l’allée centrale, et aller à larencontre des gens. Je ne veux plus être incarcérédans la prison de l’alcool et de la drogue, mais melaisser toucher par l’amitié, l’amour, les autres, bri-ser les barreaux des dépendances, demeurer dans laliberté des enfants de Dieu.

Pour Carine, Fred et Seb, dans leur vie aujour-d’hui, quelque chose subsiste de ce moment uniquede leur conversion, qui les aide à tenir, à se tenir, quiles retient de voler en éclats dans des moments delassitude, de faiblesse. Ils ne savaient plus si la vieavait du sens, mais ils ont rencontré des gens quidonnaient du sens à leur vie. Et Dieu était toujours là.

Jean Le Guillou

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libre et l’école St-Jean de Passy, même si j’allais à lamesse à Noël ou à Pâques, Dieu n’était pas présentdans ma vie. Dans ma famille, je vivais dans lesconventions sociales, j’y mettais les formes, maistout cela avait vraiment peu de signification. C’étaitévénementiel, c’est tout. Et je me suis drogué.J’étais parti en rave party plusieurs jours, j’avaisdix-huit ans. Mon grand-père est mort, je l’aimaisbeaucoup. On a mis quatre jours pour m’apprendresa disparition. J’ai beaucoup culpabilisé. J’ai faitl’expérience du deuil, de l’absence, du manque. J’ai

Photo Sébastien DÉSARMAUX/GODONG

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Des réformes qui stressent et démotiventÀ mon arrivée se mettait en place “la tarification

à l’activité” (T2A) qui fait rentrer les hôpitaux dansune course à l’acte pour mesurer la rentabilité desservices et des hôpitaux et en définir les budgets etaussi d’éventuelles fermetures.

Puis ont été mis en place des pôles regroupant desservices qui n’avaient pas toujours de raison d’êtreensemble (comme les urgences et soins palliatifs)mais dont le but est de regrouper les budgets et derendre le personnel mobile sur tout le pôle. Ainsidans la même matinée un agent peut changer troisfois de service ! Ce mode de fonctionnement démo-tive le personnel qui devient un pion sur un échi-quier que l’on déplace au gré des besoins. Cela casseles équipes de soins et entraîne un stress encore plusimportant. Les directions sont contraintes à des sup-pressions de postes.

La fonction hospitalière n’a pas été épargnée par ladécision de supprimer un fonctionnaire sur deux. Il estprévu pour 2010 plus de mille suppressions de postesdans les hôpitaux de l’Assistance Publique de Paris.

La loi Bachelot a remis en question la notion deservice public. Actuellement nous en sommes auxregroupements d’hôpitaux voire de structures de

santé (privé) : on passe de cinq mille hôpitaux à cinqcents regroupements pour mutualiser les moyens.

Concrètement, j’ai vu en quatre ans les conditionsde travail et de soins se dégrader.

Soignants surchargés qui craquent,patients qui pâtissent

Mes collègues sont amenés à aller dans d'autresservices, il faut faire face à des charges de travail deplus en plus lourdes avec de moins en moins de per-sonnel. Ma collègue partie à la retraite voici plus detrois mois n’a toujours pas été remplacée et il fautassurer l’accueil et les soins, ainsi que l’encadre-ment des stagiaires. Dans les services une aide soi-gnante peut être seule pour douze toilettes, servir lesrepas, faire manger les patients…

Une infirmière se retrouve seule avec des patientsà qui il faut accorder surveillance et soins impor-tants. Les soignants n’arrivent plus à dormir, cra-quent quand ils parlent de leur travail, sont au boutdu rouleau. Comment ne pas s’étonner qu’il y ait desarrêts maladie qui mettent les services en difficultés.

Pour les cadres de santé, responsables d’assurer lasécurité des patients, certains disent faire de la mal-traitance quand ils sont obligés de bouger le person-nel de service à tout bout de champ. Ils sont épuisés

Hôpital en danger

E lisabeth travaille comme infir-mière en salle de pansements

dans un grand hôpital de la ban-lieue parisienne. Elle est militantesyndicale et religieuse.

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social

Photo DR

Mon hôpital, c’est vital.

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de gérer un manque d’effectif qui ne va pas aller ens’améliorant puisque la direction décide de suppri-mer le pool de remplacements, c’est-à-dire les per-sonnes capables d’aller dans tous les services.

Les soignants ont leur travail à cœurDes soignants veulent partir même sans avoir un

autre travail, tellement c’est dur. Pour la plupart, lessoignants aiment leur travail et veulent le faire aveccœur, mais travailler dans ces conditions devient unexploit. Il n’est pas rare de faire dix heures de travailpar jour ou de manger à 15 ou 16 heures de l’après-midi (y compris pour le personnel qui travaille enconsultation). Pour ma part, mon travail me pas-sionne, c’est ce qui m’aide à le vivre. Je reçois beau-coup de la rencontre avec les patients, mais quand jetravaille seule, j’arrive à la fin de la journée, épuisée(la moyenne est de trente patients à panser), et il y aun sentiment de ras-le-bol. La vie d’équipe aide,mais elle est parfois mise à rude épreuve, car il n’ya plus le temps de se parler, de se rencontrer. Mêmele temps des transmissions d’une équipe à l’autre estréduit au minimum. Toutes les catégories du person-nel sont confrontées aux mêmes problèmes : mani-pulateurs en laboratoire et radiographie, assistantessociales, administratifs et ouvriers (catégories qu’onveut d’ailleurs supprimer).

Les médecins aussi sont touchés Les médecins hospitaliers ont pris conscience

qu’eux aussi sont touchés par ces mesures. Leurspostes sont aussi remis en cause. Ils s’aperçoiventque leur service ne peut plus fonctionner sans per-sonnel. Ils se sont rendu compte que l’hôpital étaitvraiment en danger. Dans un département dont lapopulation est touchée par la pauvreté, la précarité,l’atteinte à l’hôpital a des répercutions catastro-phiques sur la santé des habitants. Certaines patho-logies comme le diabète et l’obésité sont particuliè-rement touchées par les mesures gouvernementales.

C’est pour cela que les plus meneurs du mouve-ment des médecins ont été des diabétologues. 2009

fut une année de grandes luttes, mais sans doute ilaurait fallu plus de soutien des politiques et de lapopulation pour peser sur la loi. Il y a eu de bellesmanifestations où personnel et médecins hospita-liers étaient ensemble. Pour certains c’était leur pre-mière manifestation. Les actions continuent un peupartout : les SAMU, les infirmiè(e)rs de blocs opé-ratoires, les administratifs, aujourd’hui les aide-soi-gnantes, rejoints par l’ensemble des personnels.

Une pétition pour la défense de l’hôpital, récoltedes milliers de signatures sur internet. L’engagementsyndical est un enjeu pour s’informer, analyser etréagir devant toutes les attaques.

J’ai mal pour l’hommeJ’ai mal devant le mépris du gouvernement quand

il a refusé de recevoir une délégation, alors que nousétions dans la rue pour dénoncer ces réformes. J’aimal pour tous ceux qui n’ont plus accès aux soins.Mal parce que bientôt l’hôpital ne pourra plus soi-gner de la même façon celui qui vit dans la rue, lesans papier comme le PDG d’une entreprise. J’aimal parce que l’homme est de moins en moins pre-mier dans les décisions économiques et politiques.

Je crois pourtant que la solidarité, la lutte est lechemin pour espérer qu’un monde autre peut encorejaillir de nos mains et que le Christ est présent dansce peuple. Dieu a entendu le cri de son peuple enEgypte, il appelle encore des hommes et des femmesà se mettre en marche. C’est ma prière dans les mani-festations. Dans l’esprit du père Anizan, je contempleaussi comment l’hôpital est un lieu de charité, solida-rité, proximité, attention, amour, don de soi.

Continuer à travailler en hôpital public, c’est êtreau cœur d’une pâte pétrie dans la souffrance. Etaussi dans la lutte et la solidarité avec d’autres pourla faire lever et faire du bon pain, c’est-à-dire dessoins de qualité pour tous.

Elisabeth Fourcade, Auxiliatrice de la Charité

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L’amitié c’est Quelqu’un

Quand t’es tout seul, t’es comme un con !Viens avec nous : t’auras pas le bourdon !Autour de la table, on parle de tout,Ça part partout, mais on parle de nous !Il se passe quelque chose : on est bien ensemble.L’amitié nous rassembleEt l’amitié, c’est pas un temple ;C’est plus que ça, l’amitié c’est Quelqu’unQui vient avec nous partager notre commun.On sent alors que la vie c’est fort,Ça vaut le coup, ça pèse de l’or !

Quand on partage ensemble entre nous,Quand il y a un qui fait la moue,On lui dit : “Tu fais le dur, mais t’as un cœur d’ar-tichaut,Il faut parler de ta peine pour sortir de l’eau.

Jésus c’est pas une histoire,C’est plus qu’un espoir.C’est Lui qui nous attire les uns vers les autres.Il s’est fatigué d’expliquer aux ApôtresQu’Il est toujours là. Et c’est vrai, dans la joie de partager un bon plat,On rigole et on voudrait tout d’un coupQue tous les copains et copines rigolent avec nousun bon coup !Équipe JOC, La Courneuve (Charonne Days 2009)

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J

Lourdes une renaissance

A u Frat(1), j’ai vraiment compris ce que voulaitdire “Fraternel”. Il faut se tenir la main pour

partager notre vie chrétienne et en témoigner…Oui le Frat m’a fait évoluer et grandir dans ma viechrétienne. Je me suis sentie plus libre de m’ex-primer. Oui j’ai changé, tout me semble différent.J’ai ouvert les yeux au-delà de ma communauté.J’ai pu me confesser, j’en avais le courage. J’aiété très touchée par le sacrement des malades.C’est une très belle action, un merveilleuxmoment… Et la piscine m’a apporté plus de cou-rage. Je me suis sentie plus près de notre Père etde Marie. J’ai pu découvrir de nouvelles façonsde prier. J’ai découvert une nouvelle vie chré-tienne qui va m’être chère. Lourdes est une res-source, une renaissance : inoubliable. L’eaucoule, la lumière éclaire nos vies et nous guidedu bon côté.

Angélique (La Courneuve)

(1) Le Fraternel, pèlerinage de 8000 jeunes d’Ile-de-France

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En gros, Il m’a fait renaître

J e m’appelle Patrick, j’ai 25 ans et je veuxvous raconter ce que Dieu a fait dans mavie malgré mon enfance assez agitée et élevésans la présence d’un père. Ma vie ne ressem-blait plus à rien. Mes bêtises se multipliaient dejour en jour et agaçaient mon entourage.En grandissant, je me suis remis vite en ques-tion, voyant la peine causée envers mesproches. Un jour, je me suis dit : prier Dieu estla seule solution. Donc, depuis ce jour-là je prieDieu tous les jours, et je lui demande pardonpour tous les péchés que j’ai pu faire jusqu’àprésent.En me faisant grâce d’être dans le droit chemin,d’apprendre à me contrôler, à être plus géné-reux, Il me donne l’envie d’avancer. En gros, Ilm’a fait renaître ! Prier mon Dieu est devenu une passion. Celame donne la force d’être plus solide et m’aide àcombattre contre l’amertume. Dieu est toutpuissant, Dieu est grand, Dieu est mon appui !

Patrick (La Courneuve)

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Photos Vincent de Paul Goulei

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Propositions jeunes 22001100

JEUNES MISSION BANLIEUES

Volontariat pour jeunes chrétiens garçons et filles 18-28 ans. Pendant 12, 18 ou 24 mois, rejoindre unecommunauté chrétienne de banlieue ou ZUP, s’y investir auprès des jeunes et des enfants. Trouver saplace dans le quartier (alphabétisation des adultes, soutien scolaire, domasile, associations, rencontres desautres religions...). Statut financier de volontariat. Accompagnement. *Contact : Fils de la Charité - 10, rue Louis Blanc - 75010 Paris (✆ 01 42 01 95 27)

[email protected]

◗ 6ÈME VOYAGE EUROPÉEN DE LAPAIX :➣ du 26 juillet au 7 août 2010, des jeunes chrétiens européens se rencontrent pour le 25ème anniversaire dela signature des accords de Schengen : Paris - Verdun - Strasbourg - Schengen.“L’Europe est un problème de générations. Il nous faudra du temps. Mais ce qui est préparé par les aînésn’est valable que si les générations nouvelles y apportent leur enthousiasme” (Robert Schuman, un des pèresde l’Europe).

* Inscription : Pierre Tritz, fc. ([email protected] - ✆ 06 82 31 15 29).

◗ WEEK-END DES ACCOMPAGNATEURS PASTORAUX DES JEUNES EN MILIEU POPULAIRE,(ouvert aux 18-30 ans) :➣ les 25 et 26 septembre 2010 à Issy-les-Moulineaux.

* Contact : Michel Retailleau ([email protected])

◗ SERVIR À LOURDES :➣ durant les mois de juillet et août 2010, comme bénévole à la Cité St-Pierre du Secours Catholique, en

lien avec les Fils de la Charité. Vous disposez de trois semaines ou de quinze jours minimum, vous avez 18ans minimum, vous devez vous inscrire auprès de la Cité St-Pierre en appelant le : 05 62 42 71 11. Aprèsaccord, signalez votre :

* Inscription à : Joël Vabre (✆ 06 84 21 59 13).

◗ APPRENDRE À PRIER pour les 15-18 ans, à Taizé, session-rencontre :➣ du 25 au 28 octobre 2010.

* Contact : Jean-Pierre Maçon ([email protected])

◗ CHARONNE DAYS :pour les jeunes (18-30 ans) en lien avec les réseaux de la Famille Anizan :

➣ les 27 et 28 novembre 2010, à Issy-les-Moulineaux.* Contact : Jean-Michel Rapaud ([email protected])

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● CONGO ● R. D. CONGO ● CÔTE D’IVOIRE✓ Le 6 février, les Fils de la Charité,avec 1500 religieux et religieuses deCôte d’Ivoire, ont célébré la Journéenationale de la Vie Consacrée à labasilique Notre-Dame de la Paix deYamoussoukro, sur le thème :Personnes consacrées en Afrique,comment promouvoir la réconcilia-tion, la justice et la paix dans nosmilieux de vie ? ❑

✓ Fin février, jeunes en formation etformateurs ont pris part à un colloquesur le thème : Le prêtre dans lasociété africaine d’aujourd’hui, orga-nisé par le Centre de Formation mis-sionnaire d’Abidjan (CFMA) etl’Institut de Théologie des Jésuites(ITCJ). ❑✓ Les novices ont fait un stage pra-tique de “vivre ensemble” avec les

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MAISON DE FORMATION

● POUR PRENDRE CONTACT,avoir un renseignement, venir faireun séjour : Michel Retailleau -Maison Anizan - 104, rue DocteurBauer - 93400 St-Ouen. ✆ 01 46 06 60 67 [email protected]

AFRIQUE

www.filsdelacharite.orgwww.hijosdelacaridad.orgwww.filhosdacaridade.orgwww.sonsofcharity.org

Fils de la Charité :

vie des Communautés

AMÉRIQUE LATINE

mie et vie avec le slogan : “Vous nepouvez pas servir Dieu et l’argent”(Mc 6.24). Nous avons montré notreindignation contre le capitalisme néo-libéral, système exclusif et porteurd’une grande inégalité sociale. ❑

● COLOMBIE✓ La situation des familles de nosquartiers n’a pas changé, malgrél’amélioration de la situation écono-mique du pays. L’ordre public n’estpas stable. La politique de “sécuritédémocratique” a obtenu quelquesrésultats, mais sans avancer réelle-ment sur le chemin de la paix et de laréconciliation. ❑

✓ Ces derniers mois auront été mar-qués par l’hospitalisation, le retour,puis le décès de PhilippeToulemonde, fondateur de notreInstitut en Colombie en 1985. ❑

● CUBA✓ La “découverte” de l’image de laVirgen de la Caridad en 1612, flottantdans une baie de l’est de Cuba, a étéle point de départ d’une dévotionmariale qui a été rapidement étendueà toute l’île. Le 400ème anniversairesera fêté en 2012. Il est préparé pen-dant trois ans par de nombreusesactivités missionnaires dans toutesles communautés et les quartiers. ❑

✓ La médiation de l’Église auprès dugouvernement de Raul Castro, ouvredes espoirs aux détenus politiques :libérations et amélioration des condi-tions de détention. ❑

● BRÉSIL✓ Jorge Cruz da Costa a été ordonnéprêtre le 27 mars, dans la paroisseSao Geraldo, après trois jours deretraite et un triduum à la paroisse deNossa Senhora do Rosario. ❑

✓ Nous avons vécu la campagne defraternité 2010 sur le thème Écono-

vingt-cinq ouvriers du jardin bota-nique d’Abobo. Un autre stage estprévu dans les centres hospitaliers etuniversitaires d’Abidjan. ❑✓ Jean Fulbert, assistant duSupérieur général, venu deBrazzaville, a participé à la rencontrecontinentale des formateurs du 15 au19 mars. ❑

✓ En Côte d’Ivoire, le climat resteinstable. Les élections sont toujoursincertaines et la pauvreté gagne duterrain. Le délestage et les fré-quentes coupures d’eau causentbeaucoup de désagréments à lapopulation. Le processus démocra-tique engagé n’est pas voué àl’échec, il se poursuit malgré deshauts et des bas. ❑

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AMÉRIQUE DU NORD

ASIE

EUROPE

● PHILIPPINES✓ Après les examens de fin d’annéeen mars et un temps de vacances,nos postulants rejoignent notre mai-son de Marikina, plus appropriéepour les études : les deux paroissesFils les accueillent en fin de semainepour leur immersion pastorale. Ilsétudient au séminaire St-Camillius,ainsi que nos deux scolastiques quidemeurent sur la paroisse Fils deVétérans. ❑

✓ Nos deux jeunes paroisses ontaccueilli des jeunes venus du mondeentier pour participer à la rencontreasiatique de Taizé à Manille enfévrier dernier. ❑

✓ Arnel, Alvin et Jhonas seront enaoût 2011 à la rencontre internatio-nale des jeunes Fils qui ont entredeux et cinq ans de vie religieuse etpastorale. ❑

● PORTUGAL✓ Pour soutenir les familles qui ontperdu leur emploi, un groupe devolontaires dans notre projet“paroisse-maison”, récoltent des ali-ments (restaurants, boulangeries,centres commerciaux). Chaquesemaine, à Lavradio, nous les redis-tribuons à trente-cinq familles. ❑

✓ À l’occasion de l’année sacerdo-tale, en mars, nous avons organiséun colloque et une table ronde sur lesujet “Fidélité du Christ, Fidélité duPère”. Trois prêtres, deux laïcs et undiacre sont intervenus. ❑

✓ Le 13 juin, notre diacre ZeferinoSakapepa a été ordonné prêtre à laparoisse de Lavradio. ❑

● FRANCE

✓ La réintroduction de la cause encanonisation du père Anizan s’estachevée à Paris en février. Les docu-ments requis ont été portés à Rome. ❑

✓ Le 24 avril, le maire de Clichy-la-Garenne (92) a donné le nomd’Émi le Anizan à la p lace qu ijouxte l’église Notre-Dame Auxilia-trice où le père Anizan a été curé de1916 à 1924 et où il a préparé la fon-dation de l’Institut (Noël 1918). LesFils ont été présents à Clichy jus-qu’en 1973. Les Auxiliatrices de laCharité y sont toujours. ❑

✓ Le 27 juin, Xavier Séclier a étéordonné prêtre à l’église Notre-Damedu Rosaire de Saint-Ouen (93) :

● CANADA

✓ Tous savent que le Canada a étél’hôte du G-8 et du G-20. Durant cemême week-end, le Québec célé-brait sa fête nationale. En effet, St-Jean-Baptiste est le patron desCanadiens français de tout le pays.C’est pourquoi une messe solennelleest célébrée en ce jour parl’Archevêque de Montréal. ❑

✓ Mais la fête nationale, c’est aussiles grands rassemblements et lesdéfilés populaires, les célébrationsdans les quartiers au cours desquelsles Québécois de toutes originescélèbrent dans la joie leur fiertéd’être d’ici. ❑

✓ Une fête est organisée par laFamille évangélique Anizan, chez lesAuxiliatrices de la Charité, le samedi16 octobre 2010 à Concy (77). ❑

Jean GuellerinGérard Marle

Joël Vabre Jean-Michel Rapaud

✓ Benjamin Vergniaud fera sa pro-fession perpétuelle à l’église Sainte-Hélène, Paris XVIIIème, le samedi 25septembre à 15 h 30. ❑

✓ Nouveau Conseil Régional au1er juillet : Suite à consultation de laRégion, le Supérieur général anommé pour trois ans Jean GuellerinSupérieur régional. Son Conseil estcomposé de : Joël Vabre et GérardMarle, conseillers élus et Jean-Michel Rapaud, nommé :

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Henri ROBINNé le 25 juin1924 à LaRo c h e - s u r -Yon (85), filsunique d’unpère mar-chand de bes-tiaux, il a faitses éudes au

Petit Séminaire de Chavagnes.Entré à vingt ans au GrandSéminaire de Luçon, il envisagede rejoindre les Fils qu’il aconnus par Jo. Bouchaud. Il faitsa profession religieuse le 7octobre 1949 et il est ordonnéprêtre le 20 mai 1951. Il fait avecenthousiasme une expérience devie ouvrière de six mois chezRenault. Nommé à l’Union des Œuvres, ily restera quatre ans et il y revien-dra en 1962, après sept ans àNotre-Dame Auxiliatrice deClichy. Il y était aumônier d’ACI. Ila été à l’initiative de rencontresentre cadres et ouvriers. Il aimaitle beau dans les célébrations etavait déjà le souci de donner auxlaïcs leur place dans la prise encharge de la paroisse. L’Union des Œuvres, puis leForum des communautés chré-tiennes, ont été la grande œuvrede sa vie. À l’UOCF, il rejointDavid Julien, il a appris le métierde journaliste et devient rédac-teur en chef de la revue de pas-torale L’Union. Mais l’UOCF esten crise financière et, en 1968,les Fils de la Charité se dégagentde la responsabilité et la remet-

tent à l’Episcopat. David et Henrirestent à l’Union. Ils vivent malcette rupture. Henri va rebondir :il fait faire le passage desCongrès de l’Union au Forum descommunautés chrétiennes, lieude débats, d’expression libre dechrétiens et non chrétiens sur lessujets de société ou d’actualité.Toujours inventif pour faire serencontrer philosophes, théolo-giens, hommes politiques,prêtres et laïcs.En 1997, il a 74 ans et le Conseild’administration lui demande deprendre sa retraite ce qui luicoûte. Pendant ces années,Henri s’est senti marginalisédans l’Institut, alors que, par leForum, il gardait l’héritage del’Union et du père Anizan.Pendant plus de dix ans il a misses compétences de journalisteau service de Chantiers, qui a étéà cette période son lien heureuxet utile avec l’Institut.Il demeurait à la paroisse Sainte-Rosalie à Paris et il y rendaitquelques services. Homme dis-cret, voir secret, sa foi, au fil desans s’est faite plus difficile, plusdouloureuse. Il confiait cela àLouis Besnard dans des partagessur sa situation «dont nous pen-sions qu’elle contenait, bien desingrédients évangéliques ». Sa santé s’est dégradée rapide-ment. Il est décédé le 30novembre, après une brève hos-pitalisation. Il avait donné soncorps à la médecine. Sa messed’adieu a eu lieu le 15 janvier2010 à Saint-Etienne d’Issy-les-Moulineaux. ❑

Paul BARDINNé le 10 mai1926 à Clichy-La-Garenne, ilest le deuxièmede huit enfants.Ses parentsavaient une foiprofonde etactive, dans

cette paroisse Fils depuis la fon-dation. Paul a fait ses études aulycée. Il a été scout. Il voyait l’at-tention des Fils aux ouvriers, à lavie du travail ; c’est à Clichy quele Père Pluyette avait fondé laJOCF. Sa vocation est née là. Il afait sa profession religieuse en1945. Pendant des vacances unstage de travail dans un laminoirprès de Maubeuge lui révélel’orientation de sa vie. Ordonné prêtre le 20 mai 1951, ilest nommé à Lyon-Vaise.Responsable des jeunes, il semêle facilement au quartier.Nommé après cinq ans au Petit-Colombes, il est de nouveau res-ponsable des jeunes, de la JOCet de l’ACO. Le père Rétif lui sug-gère de prendre un travail àdomicile et d’ ha-biter dans lequartier, premier pas vers la mis-sion de prêtre-ouvrier. Il seramonteur câbleur dans un atelier,puis à l’usine Schlumberger, jus-qu’à la fermeture. Il voulait parta-ger complètement la conditionouvrière quotidienne avec sesgrandeurs, sa dignité et ses com-bats : engagé à la CGT, au PC etau Mouvement de la Paix, il vivaitcela au nom de sa foi, « avec leChrist qui chemine toujours avec

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Des biographies moins succintessur :

http://www.filsdelacharite.org(rubrique Les Fils de la Charité -Historique - visages de Fils).Ou : Secrétariat des Fils de laCharité, appt 106 - 10, rue LouisBlanc - 75010 Paris.

À Issy-les-Moulineaux (92), pèrePaul Bardin, fc. À Issy-les-Moulineaux (92), père Jean-MarieLaporte, fc. À Fursac (23), M. LouisChedmois. ❑

AMIS DÉFUNTSRECOMMANDÉS

BON D’ABONNEMENT À RENVOYER, avec votre titre de paiement, à : CHANTIERS FILS DE LA CHARITÉ(22, rue de l’Abbé-Derry, 92130 ISSY-LES-MOULINEAUX)

NOM ................................................................................................................................................... PRÉNOM............................................................................(ÉCRIRE EN LETTRES CAPITALES)

ADRESSE (la plus complète possible) : Bâtiment ................................. Escalier .................................. N° d’appartement..........................................................

N° ....................... Rue, Boulevard, Avenue ....................................................................................................................................................................................

.........................................................................................................................................................................................................................................................

CODE POSTAL........................................................................ VILLE .............................................................................................................................................

ABONNEMENTS = NORMAL : 15 Euros - SOUTIEN : 30 Euros - Canada : voir page 2 de couverture.

Chèques bancaires et postaux à l’ordre de : CHANTIERS DES FILS. (Ne pas envoyer vos chèques postaux directement au Centre postal).

SOUTENEZ LAMISSIONDES FILS DE LACHARITÉ

Il est possible à nos amis denous aider :

☛En soutenant nos jeunes enformation et les initiatives“Jeunes” des Fils de la Charitéde France.

☛ En soutenant financièrementle fonctionnement de l’infirmerieSt-Joseph qui accueille nosprêtres âgés.

☛ En nous aidant à participer àdes actions humanitaires dansnos implantations des pays éco-nomiquement pauvres : Congo,Philippines, Cuba...

❑ Les dons adressés aux Fils dela Charité Région France CCPParis 3606 73 S feront l’objetd’un reçu fiscal sur demande.

☛ Vous pouvez également aidernos projets apostoliques enenvoyant des intentions etoffrandes de messes.

❑ Renseignements à : * Fils de la Charité - 10, rueLouis Blanc - 75010 Paris.

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nous ». Il voulait découvrir « dansla condition ouvrière, les solidari-tés, les démarches de libération,comme autant de signes del’Esprit pour la construction duRoyaume ». Homme de prière,attaché à la Bible, il avait toujoursun livre de spiritualité pour seressourcer. Lié aux P-O du sec-teur de La Boucle, il a habitéavec deux autres Fils dans la citéd’Orgemont. Ses convictions et ses motiva-tions spirituelles fortes, ne l’em-pêchaient pas d’être discret etfraternel à l’égard de ceux quipensaient autrement. Il est élu en 1971 vicaire généralde l’Institut, s’intéressant en par-ticulier aux Fils à l’étranger et àCuba dont il espérait beaucoup.En retraite anticipée à la ferme-ture de Schlumberger Rueil, ilpoursuit ses engagements poli-tiques et syndicaux, rédige destracts, participe à des occupa-tions d’usine. Diminué après unaccident cérébral, il continue àvenir aider. En maison de retraitesa maladie le rend de plus en

plus silencieux mais il s’intéressetoujours à la vie du monde, auxP-O et à l’Institut. Il était unifié parl’amour des travailleurs etl’amour de Jésus. Après unebrève hospitalisation il estdécédé le lundi de Pâques. Sesobsèques ont été célébrées le 12avril à Issy-les-Moulineaux ou ilest inhumé. ❑

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LE QUAI DE OUISTREHAM, de Florence Aubenas, Éditions del’Olivier, 2010, 270 pages, 19 €.

« La crise, on ne parlait que de ça. J’aidécidé de partir dans une ville française oùje n’ai aucune attache, pour chercher anony-mement du travail. J’ai loué une chambremeublée, conservé mon identité, mespapiers, et je me suis inscrite au chômageavec un bac pour seul bagage. Je suis deve-nue blonde. Je n’ai plus quitté mes lunettes.Je n’ai touché aucune allocation. Il étaitconvenu que je m’arrêterais le jour où ma

recherche aboutirait à décrocher un CDI. Ce livre raconte maquête, qui a duré presque six mois de 2009. J’ai gardé machambre meublée. J’y suis retournée cet hiver écrire ce livre.”Dans ce livre-reportage, l’auteur raconte les conditions difficilesdes femmes de ménage précaires qui ne décrochent quequelques heures par semaine, les agents du Pôle emploi dépas-sés ou les stages bidon. Elle est admirative de tous ces tra-vailleurs rencontrés. Ancienne otage en Irak six mois durant, elleaffirme que le vrai héroïsme, c’est « de se lever très tôt tous lesjours et pousser un chariot. »

LES RELIGIOSITÉS POPULAIRES, archaïsme ou modernité ? deRobert Peloux et Christian Pian, Éditions de l’Atelier, mai 2010.

Les religiosités populaires peuventparaître éloignées d’une pratique laissantplace à la raison. Et pourtant, sous le poidsde la mondialisation et du pluralisme cul-turel et religieux, ce mode d’expression estbien le reflet de la période actuelle. Et laquestion qui se pose à nombre d’acteurspastoraux est de savoir comment lesaccompagner ? Fruit des deux formationsorganisées en 2009 et réunissant près detrois cents personnes, la construction dulivre a pris appui sur les questions que se

posaient les participants et sur les premières conclusions quipouvaient apparaitre à l’issue de ces rencontres.

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QUAND DIEU S’EN MÊLE, paroles de catéchumènes, deEtienne Grieu, Claire Péguy, Anne-Marie Boulongue, BéatriceBlazy, Éditions de l’Atelier, 184 pages, 18,50 €.

Dieu fait irruption dans la vie d’hommes etde femmes et se révèle à eux de façon éton-nante. Chaque année, plusieurs milliersd’adultes découvrent la foi chrétienne et sontbaptisés. Mais que sait-on de leur itinéraire,du type d’expérience qui leur a donné le goûtde croire ? Qu’est-ce qui les aide ou les gêneparfois pour oser frapper à la porte de l’Église.Cet ouvrage présente sept récits de per-sonnes devenues chrétiennes à l’âge adulte.

La fraîcheur de la foi naissante, l’affermissement progressif de laconfiance en Dieu, une soif spirituelle qui trouve son bonheurdans le Christ… Autant d’éléments constitutifs de leur histoire.Cet inattendu de Dieu renvoie les “chrétiens du berceau” à l’ac-cueil de l’Évangile dans ce qu’il a de toujours radicalement neuf.Et si les catéchumènes et les néophytes permettaient à l’Église de renou-veler sa manière de penser et de proposer la foi ?

ENTRE ÉPREUVES ET RENOUVEAUX, LA PASSION DEL’ÉVANGILE de Claude Dagens Éditions Bayard/Cerf/Fleurus-Marne,120 pages, 8 €.

Conclusions de son étude de deux anspour l’épiscopat sur « indifférence reli-gieuse, visibilité de l'Église et évangélisa-tion » l’auteur analyse « l'identité chré-tienne dans la société française » etsouligne combien l'indifférence religieusene gomme pas certaines « attentes spiri-tuelles ». Selon lui, « l'Église catholique setrouve souvent de plain-pied avec lesincertitudes qui marquent notre société». Ilinvite à « apprendre à parler à d'autres denotre foi ». Autant de réflexions qui sou-

tiennent une nouvelle « visibilité de l'Église », au-delà des imagesréductrices et des critères chiffrés. Une analyse précieuse, dou-blée de fiches pédagogiques pour réfléchir en Église.

CCulture Livres

par Jacques Baudet, f.c.

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