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Une comparaison entre les droits anglo-saxon et français · droit public ou de droit privé. ... principales décisions jurisprudentielles du droit ... Modifier le contenu et les

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Il est extrêmement fréquent qu’un contrat entre une entreprise française et une entreprise

allemande ou asiatique soit rédigé et signé dans sa version définitive, en anglais.

De même observera-t-on que de nombreuses grandes sociétés françaises et allemandes ont fait

le choix d’adopter l’anglais comme langue de communication interne systématiquement

employée au sein de leur groupe et que la Commission Européenne qui prévoit actuellement

l’instauration d’un Intranet pour la communication des informations liées au réseau entre les

autorités et les juridictions nationales des 15 Etats membres et la Commission envisage

d’utiliser a cette fin ‘a commonly understood language’, en d’autres termes l’anglais.

Cette prédominance de la langue anglaise favorise évidemment les Etats-Unis, nation qui a le

plus important marché intérieur et un système juridique de common law attachant une grande

importance à la jurisprudence, c’est-à-dire au caractère normatif des précédents.

Elle favorise non moins évidemment l’Angleterre, qui elle est un passage quasi obligé de

l’Amérique vers l’Europe, avec ses propres secteurs de haute technicité que sont notamment

le droit financier et celui des assurances. L’Angleterre faisant partie de l’Union Européenne,

elle imprègne de son influence le droit européen communautaire qui à son tour influence le

droit des pays civilistes européens.

La conséquence de cette primauté de la langue anglaise est que le fonds de documentation

auquel ont recours les juristes du monde entier est très largement en anglais ce qui les portent

à choisir la facilité consistant à adopter des formules préexistantes présumées offrir les

solutions à leurs besoins spécifiques.

Le législateur français a cherché à limiter les effets pervers de ce recours systématique à des

modèles tirés d’un droit étranger en imposant l’utilisation de la langue française pour la

conclusion des marchés publics en France. L’article 5 de la loi du 4 août 1994, dite Loi

Toubon, dispose : Quels qu’en soient l’objet et les formes, les contrats auxquels une personne

morale de droit public ou une personne privée exécutant une mission de service public sont

parties sont rédigés en langue française .

Ces dispositions ne sont pas applicables aux contrats conclus par une personne morale de

droit public gérant les activités à caractère industriel et commercial et à exécuter

intégralement hors du territoire national.

Les contrats visés au présent article conclus avec un ou plusieurs cocontractants étrangers

peuvent comporter, outre la rédaction en français, une ou plusieurs versions en langue

étrangère pouvant également faire foi.

Une partie à un contrat conclu en violation du premier alinéa ne pourra se prévaloir d’une

disposition en langue étrangère qui porterait préjudice à la partie à laquelle elle est opposée.

Cette loi qui a pour objet la défense de la langue française protège par la même occasion le

droit français avec les pudeurs dictées par l’opportunisme économique.

Ainsi par application de cette loi, la vente d’avions canadiens à la Sécurité Civile française se

matérialise par la conclusion de contrats en français soumis au code des marchés publics

français et aux juridictions françaises, alors que la vente d’avions européens dans le monde se

réalise par la conclusion d’un contrat en anglais soumis en définitive le plus souvent au droit

du for que les parties ont choisi pour résoudre les litiges.

Il conviendrait à notre avis d’étendre les dispositions de la loi Toubon à tous contrats

susceptibles de trouver exécution en France, qu’ils soient conclus entre personnes morales de

droit public ou de droit privé.

Une telle disposition, intégrée dans le code civil, compléterait le privilège des articles 14 et 15

du code civil, qui, en disposant que les tribunaux français sont toujours compétents pour

connaître des litiges dans lesquels l’une des parties est française, ont assuré une place

prédominante du droit du français deux siècles durant.

Précisons à cet égard que l’application des articles 14 et 15 est écartée entre les signataires de

la Convention de Bruxelles, mais reste toujours applicable à l’égard des Etats Unis.

2) Second constat : Insuffisances de notre droit de la preuve

Le système de common law est accusatoire et favorise une plus grande facilité des parties à

instruire le procès et à établir la preuve de leurs griefs. La procédure de discovery (découverte

de la preuve), est infiniment plus efficace que celle de la preuve pré-constituée, qui prévaut

chez nous.

Tandis que dans la procédure française les témoignages doivent être produits par écrit et sont

aussi difficiles à vérifier qu’à combattre, dans la procédure américaine les témoins sont

entendus contradictoirement par les avocats des parties, préalablement au procès et leurs

dépositions sont enregistrées en sténotypie, afin de pouvoir en établir ultérieurement la

sincérité et les contradictions par le procédé des débats contradictoires (cross-examination).

De ce fait, les procédures commerciales anglo-saxonnes ne sont jamais pénales, car il n’est

pas nécessaire de recourir à une information judiciaire, conduite par un juge d’instruction

répressif pour obtenir les preuves nécessaires au succès de sa cause.

Cette efficacité du droit de la preuve se traduit par une plus grande confiance dans la justice

américaine que dans la justice française livrée notamment aux avatars des ‘sursis à statuer’

qu’impose l’article 4 du Code de procédure pénale aux juridictions commerciales lorsqu’une

plainte pénale vient, de manière très souvent dilatoire, enrayer le cours du procès. 80% des

procès aux Etats-Unis n’atteignent jamais le stade ultime du jugement et trouvent leur solution

par la voie transactionnelle car, dans la procédure américaine, la mise en état aboutit le plus

souvent à éclairer les parties sur leurs chances de succès respectives avant qu’il ne soit trop

tard et qu’un jugement aux lourdes conséquences financières n’intervienne. Le juge américain

est davantage un arbitre du combat judiciaire qu’un sage auquel il est demandé de dire en

définitive qui a tort et qui a raison.

En France le procès est trop souvent « une bonne affaire » car, relativement peu coûteux (il

est fréquent qu’un procès coûte 10 fois plus cher aux USA ou en Angleterre qu’en France), il

aboutit le plus souvent à des condamnations avantageuses financièrement pour la partie

défaillante. Le principe de la stricte concordance du préjudice économique subi et de la

répartition allouée, agrémentée d’un taux d’intérêt légal sensiblement inférieur à celui du

marché financier, rend judicieux de faire durer le plus longtemps possible un mauvais procès.

La justice anglo-saxonne, plus coûteuse, puisqu’il revient aux avocats de conduire le procès

au prix de longues dépositions généralement facturées à l’heure, n’a pas les mêmes

répugnances que la justice civiliste à imposer des indemnisations conséquentes et

véritablement réparatrices à la partie qui succombe.

Ceci n’échappe pas aux contractants internationaux qui cherchent toujours à saisir la

juridiction la plus encline à satisfaire leurs objectifs économiques.

Il conviendrait donc pour renforcer l’attrait des juridictions françaises de modifier notre droit

de la preuve pour y inclure des éléments de ‘discovery’ à l’instar de « l’interrogatoire

préalable » adopté par le code de procédure civile du Québec et concomitamment de

restreindre légalement le recours possible à la procédure pénale dans les affaires

commerciales en supprimant la règle du sursis à statuer et en encourageant la justice à

éconduire les plaintes pénales dont le fondement commercial est flagrant. Il conviendrait

également de modifier l’article 700 du NCPC afin d’imposer le remboursement des coûts

réels de procédure et des frais d’avocats à la partie qui succombe.

3) Troisième constat : Désavantage de notre système judiciaire et insuffisance de la

propagation du droit français :

Les magistrats et avocats sont davantage en osmose dans le système anglo-saxon que dans le

système civiliste. Les juges américains facilitent le travail des avocats qu’ils accompagnent

dans leurs actions, tandis que les juges français s’en méfient et les perçoivent le plus souvent

comme entravant le cours d’une justice dont ils considèrent qu’elle leur incombe.

Il en résulte que les tribunaux américains ont d’avantage la faveur des hommes de loi que les

tribunaux français soupçonnés d’être enclins a rendre une justice expéditive dans laquelle

l’équité (et parfois le chauvinisme) sont souvent déguisés sous un raisonnement juridique

d’opportunité.

Il conviendrait donc certainement de revoir les fondamentaux de l’enseignement du métier de

magistrat en France ainsi que les principes régissant les rapports entre juges et avocats.

Ainsi par exemple, le devoir de sincérité des plaideurs et de leurs conseils à l’égard du

tribunal est –il sanctionné dans le droit américain par les règles du « contempt of court » : une

partie qui ne défère pas à une injonction du tribunal de communiquer des pièces, ou qui

dissimule des éléments de preuve encourt de lourdes sanctions y compris pénales. Il n’existe

rien de semblable en droit français où le mensonge n’est pas sanctionné en tant que tel.

C’est pourquoi l’arbitrage est plus propice à la conduite d’un procès de qualité car il permet

aux parties de s’entendre dans le « compromis d’arbitrage » sur la procédure qu’ils entendent

adopter et de désigner des arbitres spécialisés dans la matière qui les concerne.

Le droit français offre un large accueil a la procédure d’arbitrage, mais celle-ci reste encore

insuffisamment utilisée.

Eu égard au droit contractuel, le modèle anglo-saxon connaît également ses limites : La

longueur considérable des contrats, en raison du fait que leurs rédacteurs cherchent à couvrir

toutes les hypothèses possibles, ayant fait l’objet d’une jurisprudence particulière, est à la fois

indigeste aux non-initiés que sont les hommes d’affaires et aux juristes civilistes habitués aux

références générales à la loi et à des contrats plus concis sur lesquels ne sont stipulés que les

points que la loi abandonne à la liberté contractuelle.

Parce que les contrats de centaines de pages deviennent l’affaire quasi exclusive des juristes

rompus à l’exercice de lectures savantes, ils tendent à incommoder les hommes d’affaires

soucieux de clarté et de ne pas entraver leurs négociations, et c’est pourquoi on assiste

aujourd’hui à une recherche de simplicité pour des contrats que chacun peut lire et

comprendre, et qui renvoient à une loi que l’on sait juste et efficace.

Or, le droit civil a le mérite de la concision et de la logique cartésienne, qui gagne à être

connu.

L’influence du droit civil français dans le monde passe nécessairement par l’efficacité de sa

dissémination et il convient à cet égard de mettre en oeuvre les recommandations du Conseil

d’Etat, figurant en conclusion du rapport précité.

1) Maintenir la connaissance de notre droit par la traduction des principaux textes et des

principales décisions jurisprudentielles du droit Français.

Nous ajouterons a cela, la recommandation que toutes les facultés de droit et les bibliothèques

des cours et des tribunaux étrangers appliquant ou dispensant un enseignement de droit civil

en Français et en particulier dans les pays émergeants reçoivent gracieusement aux frais de

l’Etat Français. Tels que le sont les principaux ouvrages de référence juridique français, que

sont le Jurisclasseur, l’encyclopédie Dalloz, ainsi que les revues fondamentales en français :

les revues de droit trimestrielles, les Bulletins de la Cour de Cassation, le Clunet, etc.

2) Modifier le contenu et les méthodes de l’enseignement du droit en France, qui doit

s’internationaliser et se professionnaliser ce qui suppose de donner les moyens aux

professions juridiques, notamment les avocats d’être plus puissantes et mieux armées

face à la concurrence internationale.

Cet effort incombe aussi bien aux pouvoirs publics qu'aux barreaux de France.