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Médecine des maladies Métaboliques - Juin 2014 - Vol. 8 - N°3 335 Controverse Correspondance Gérard Reach Service d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques Hôpital Avicenne 125, route de Stalingrad 93000 Bobigny [email protected] Résumé La Société française d’hypertension artérielle (SFHTA), dans ses recommandations, préconise l’organisation, dès que le diagnostic est confirmé, d’une consultation dédiée à l’annonce de la maladie. Cet article en analyse les enjeux qui pourraient être applicables à la prise en charge du diabète de type 2. Mots-clés : Annonce – émotions – empathie – sympathie – décision thérapeutique partagée – observance. Summary The French Society of Hypertension (SFHTA) in its guidelines recommends the orga- nization of a consultation dedicated to the announcement of the disease as soon as the diagnosis is confirmed. This article analyzes the issues of such a procedure, which might be applicable to the care of type 2 diabetes. Key-words: Announcement – emotions – empathy – sympathy – shared medical decision – adherence. Une consultation d’annonce dans le diabète de type 2 ? An announcement consultation in type 2 diabetes management? G. Reach Service d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques, Hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny ; EA 3412, CRNH-IdF, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité. © 2014 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés. Introduction – La notion de consultation d’annonce, représentant la mesure 40 du Plan fran- çais cancer, est née en cancérologie, au milieu des années 2000. Le principe en est le suivant : dans le contexte forte- ment émotionnel de la découverte d’un cancer, une information mieux vécue et comprise facilitera une meilleure adhé- sion du patient à la proposition de soins et l’aidera à bâtir des stratégies d’adap- tation à la maladie. – Récemment, la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) a recommandé d’organiser assez rapidement, dès que le diagnostic d’hypertension artérielle (HTA) est posé, une véritable consultation d’annonce [1]. Le but de cet article est d’essayer de décrire les enjeux d’une telle approche. Ce qui a été prévu pour l’HTA pourrait bien s’appliquer à d’autres maladies chroniques, notamment au diabète de type 2 (DT2). En effet, celui-ci partage avec l’HTA le fait de représenter une maladie chronique silencieuse, se tradui- sant au départ par la seule observation d’un chiffre élevé, portant en germe le risque de complications graves qui peu- vent être évitées par une prise en charge correcte de la maladie et une bonne adhésion au traitement. Deux types d’enjeux Les enjeux d’une consultation d’an- nonces peuvent être décrits sur deux plans : – un enjeu instrumental ; – un enjeu éthique. L’enjeu instrumental est le suivant : dans un contexte émotionnel fort, l’an- nonce d’une maladie, il s’agit d’aider la personne atteinte d’une maladie chronique à accepter de se soigner, ce qui implique un changement dans ses habitudes et

Une consultation d’annonce dans le diabète de type 2 ?

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Médecine des maladies Métaboliques - Juin 2014 - Vol. 8 - N°3

335Controverse

Correspondance 

Gérard ReachService d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliquesHôpital Avicenne125, route de Stalingrad93000 [email protected]

Résumé

La Société française d’hypertension artérielle (SFHTA), dans ses recommandations, préconise l’organisation, dès que le diagnostic est confirmé, d’une consultation dédiée à l’annonce de la maladie. Cet article en analyse les enjeux qui pourraient être applicables à la prise en charge du diabète de type 2.

Mots-clés : Annonce – émotions – empathie – sympathie – décision thérapeutique partagée – observance.

SummaryThe French Society of Hypertension (SFHTA) in its guidelines recommends the orga-nization of a consultation dedicated to the announcement of the disease as soon as the diagnosis is confirmed. This article analyzes the issues of such a procedure, which might be applicable to the care of type 2 diabetes.

Key-words: Announcement – emotions – empathy – sympathy – shared medical decision – adherence.

Une consultation d’annoncedans le diabète de type 2 ?An announcement consultation in type 2 diabetes management?

G. ReachService d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques, Hôpital Avicenne, AP-HP, Bobigny ; EA 3412, CRNH-IdF, Université Paris 13, Sorbonne Paris Cité.

© 2014 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Introduction

– La notion de consultation d’annonce, représentant la mesure 40 du Plan fran-çais cancer, est née en cancérologie, au milieu des années 2000. Le principe en est le suivant : dans le contexte forte-ment émotionnel de la découverte d’un cancer, une information mieux vécue et comprise facilitera une meilleure adhé-sion du patient à la proposition de soins et l’aidera à bâtir des stratégies d’adap-tation à la maladie.– Récemment, la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) a recommandé d’organiser assez rapidement, dès que le diagnostic d’hypertension artérielle (HTA) est posé, une véritable consultation d’annonce [1]. Le but de cet article est d’essayer de décrire les enjeux d’une telle approche. Ce qui a été prévu pour l’HTA pourrait bien s’appliquer à d’autres maladies chroniques, notamment au diabète de

type 2 (DT2). En effet, celui-ci partage avec l’HTA le fait de représenter une maladie chronique silencieuse, se tradui-sant au départ par la seule observation d’un chiffre élevé, portant en germe le risque de complications graves qui peu-vent être évitées par une prise en charge correcte de la maladie et une bonne adhésion au traitement.

Deux types d’enjeux

• Les enjeux d’une consultation d’an-nonces peuvent être décrits sur deux plans :– un enjeu instrumental ;– un enjeu éthique. • L’enjeu instrumental est le suivant :

dans un contexte émotionnel fort, l’an-nonce d’une maladie, il s’agit d’aider la personne atteinte d’une maladie chronique à accepter de se soigner, ce qui implique un changement dans ses habitudes et

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l’acceptation d’avoir à prendre un traite-ment sous forme de comprimés, et ce, sans doute à vie. Il s’agit en fait surtout de lui faire comprendre le sens de ce qui lui arrive et de ce qui va arriver. • Mais à côté de cet enjeu instrumental,

il existe un enjeu éthique : une consulta-tion d’annonces représente l’amorce du partage de la décision médicale, c’est-à-dire, d’une manière très générale, la fin de l’autocratisme médical et du paterna-lisme. Il s’agit, en fait, de concilier le désir de faire le bien du patient et le respect de son autonomie : nous montrerons qu’il s’agit là du véritable rôle de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) qui est mise en œuvre dès ce moment-là. • Enfin, un dernier enjeu d’une telle

consultation est d’établir, dès le début de la relation thérapeutique, une place pour la confiance qui est la clé de voûte de l’observance.

Émotions à la découverte de la maladie

– Il ne faut pas sous-estimer le contexte émotionnel fort qui préside à l’annonce d’une maladie chronique : Jean-Philippe Assal a bien montré, il y a plus de 30 ans, que l’annonce d’une maladie représen-tait le deuil de la santé perdue, le travail de deuil passant par différentes étapes : choc initial, déni, révolte, marchandage, état méditatif-dépressif ou prédomine la tristesse, enfin, acceptation de la maladie et des contraintes de son traitement [2].– La présence d’émotions dans un tel processus, pouvant conduire au déni, a été bien mis en évidence dans le DT2 par l’étude Diabasis : à l’annonce du diagnos-tic du DT2, 4 % des patients s’étaient sentis révoltés ou en colère, 12 % d’entre eux avaient trouvé que c’était injuste, 13 % ont eu peur, et 30 % des patients s’étaient sentis anxieux ou angoissés. D’autres patients semblaient plutôt dans le déni : 9 % des patients n’y avaient pas cru, et 20 % d’entre eux disaient se sentir indifférents ou non concernés [3].– Il est clair que les émotions peuvent conduire au soin, mais également au déni de la maladie : on sait bien que la peur peut conduire à combattre ou, surtout si l’on pense qu’il n’y a pas de solution, à fuir [4]. Ceci suggère que l’annonce d’une

mauvaise nouvelle doit, autant que faire se peut, être associée aux informations concernant les solutions possibles [5].

Pôle émotionnel et pôle cognitif de la décision

– La figure 1, tirée de notre livre « Pourquoi se soigne-t-on ? » [6], présente un modèle de l’observance et de la non-obser-vance mettant en jeu différents « états mentaux » qui font que les patients accom-pliront ou non l’action thérapeutique qui leur est proposée, c’est-à-dire auront un comportement observant ou non-observant : pour se soigner, il faut avoir un certain nombre de connaissances, de compétences, de croyances, et, surtout, le désir de le faire. Interviennent également d’autres états mentaux, comme les émo-tions, ou bien certains états viscéraux, comme la douleur.– Comme le propose la figure 1, les émotions, déclenchées par la survenue d’événements, ont pour rôle de conduire à une révision des croyances et des désirs [7] : dans le cadre précis des mala-dies chroniques, nous avons vu que des émotions pouvaient surgir à l’occasion de l’événement que représente la découverte de la maladie. Elles peuvent conduire à réviser la croyance que l’on est en bonne santé ou, au contraire, à la maintenir (déni) ; elles peuvent conduire au désir de se soigner, ou bien au refus du traitement.– Mais, à côté de ce pôle émotionnel, il y a évidemment le pôle cognitif. Ainsi, on

peut dire que l’un des rôles de l’ETP est, dans un contexte émotionnel, de forger les croyances nécessaires au traitement. Dans ses recommandations, la SFHTA indique que «  le rôle de la consultation d’annonce est d’informer sur les risques liés à l’hypertension artérielle, d’expliquer les bénéfices démontrés du traitement anti-hypertenseur. » [1]. On est, typiquement, dans le cadre du modèle des croyances de santé [8] (figure 2) : dans un contexte impliquant l’âge, le sexe, la profession, l’eth-nie et différents facteurs psychosociaux, la vraisemblance que l’on adopte le com-portement de santé dépend de certaines croyances : croyances sur sa vulnérabilité à la maladie, sa gravité et la menace qu’elle représente, croyances sur les bénéfices et les barrières à se traiter. On voit également sur cette figure le rôle de signaux qu’il faut se traiter, et, dans ce dernier cadre, on peut retrouver le rôle des émotions que nous avons mentionné plus haut.

Forger le désir nécessaire

La SFHTA indique aussi que, dans la consultation d’annonce, il s’agit de préci-ser de manière claire « l’objectif principal du traitement : la normalisation de la pres-sion artérielle pour éviter les complications cardio-vasculaires de l’hypertension arté-rielle. » [1]. Il s’agit non plus de se poser la question : « pourquoi se soigne-t-on ? », mais  : «  pour quoi se soigne-t-on  ». Incidemment, le fait d’indiquer dans l’ob-jectif qu’il s’agit de la normalisation de la

Figure 1. Pourquoi se soigne-t-on ? [extrait de 6].Le patient accomplit le geste thérapeutique prescrit à la condition d’avoir un certain nombre d’états mentaux qui causent cette action : un désir associé à la croyance qu’il est bon de le faire. Interviennent par ailleurs des connaissances, des compétences, et des émotions. Celles-ci sont déclenchées par des événements. On note aussi sur cette figure le rôle des facteurs exogènes, par exemple les ressources.

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Enjeu éthique de la consultation d’annonce : amorcer l’exercice de l’autonomie

La SFHTA indique qu’il s’agit, dans la consultation d’annonce «  d’échanger sur les raisons personnelles (avantage et inconvénients) de suivre ou de ne pas suivre le plan de soins personnalisés (balance décisionnelle). » [1].« Raisons personnelles » : ici, on considère le patient en tant que personne autonome et on lui reconnaît un pouvoir de décision : ceci donne une dimension éthique à la consultation d’annonce. On peut rappe-ler la notion de personne autonome, telle

pression artérielle annonce d’emblée l’idée d’une titration du traitement, qui doit être intensifié tant qu’un objectif pré-établi n’est pas atteint [9]. La SFHTA demande également que, lors de cette consultation d’annonce « on établisse un plan de soins à court et à long terme » [1] : ici, on pré-cise les ressources du soin (voir figure 1) et on se place d’emblée dans la durée pour éviter le risque de non-persistance, c’est-à-dire l’arrêt du traitement, dont on connaît la fréquence : une étude a montré que, quel que soit le médicament consi-déré, le rapport nombre de boites de médicaments achetées/nombre de boites prescrites pendant la même période dimi-nue progressivement dans les 2 ans qui suivent l’initiation du traitement, pour atteindre parfois 50 % (figure 3) [10].

Compréhension des messages annoncés

– Il est très important de considérer la nécessité de vérifier que toutes les infor-mations qui sont données aux patients sont comprises. La figure 4 montre ce que devrait être la boucle qui conduit de l’annonce d’un nouveau concept à l’observance. Une étude a montré qu’un nouveau concept est introduit dans au moins 82 % des consultations, mais que le médecin vérifiait que le patient avait compris le message dans moins de 12 % des cas [11]. En fait, il faudrait que le médecin, lorsqu’il annonce un nouveau concept, par exemple une maladie ou un nouveau traitement, l’explique, qu’il évalue si le patient a compris et mémo-risé le concept. Si ce n’est pas le cas, le médecin devrait clarifier le concept par une explication sur mesure. Il devrait réévaluer l’impact sur la compréhension par le patient, et ce n’est qu’au terme de cette boucle que le patient, qui se sou-vient et comprend ce qui a été dit, pourra appliquer le message éducationnel et être observant.– Or, la compréhension de nos mes-sages médicaux n’est pas évidente. En effet, lorsque nous disons quelque chose à quelqu’un, nous extrayons de notre esprit un concept, comme si nous prenions une pièce d’un immense puzzle mental représenté par l’ensemble de nos connaissances, de nos croyances,

ensemble qui forme un système cohé-rent [6]. Cette pièce devra s’adapter au puzzle mental qui correspond à l’esprit du patient. Ceci n’est pas évident : la pièce peut ne pas y trouver les espaces où s’y loger (figure 5).– En résumé, l’enjeu instrumental de la consultation d’annonce peut être défini ainsi : il s’agit de clarifier les objectifs, les moyens et l’efficacité du traitement en s’assurant que le message a été com-pris ; il s’agit de lutter contre le déni de la gravité de la maladie, ici l’HTA : n’est-ce pas simplement un chiffre anormal ? Le but est clairement de prévenir le risque de non-observance et de non-persis-tance vis-à-vis du traitement.

Âge, sexe, profession, ethniefacteurs psycho-sociaux

Croyances sur les bénéfices à se traiter

moins

Croyances sur les barrières à se traiter

Croyances sur la menace que représente la maladie

Croyances sur sa vulnérabilité à la maladie et sa gravité

Vraisemblance quel’on adopte lecomportementde santé

Signal qu’il faut se traiter Campagne médiatiqueConseil des autres (dont le médecin)Émotion Première complicationMaladie d’un procheÉmotion positive Exemple : grossesseArticle dans un journal, TV, internetLettre de rappel du médecin

Figure 2. Le modèle des croyances de santé [d’après 8].

Figure 3. Non-persistance vis-à-vis de la prise médicamenteuse [d’après 10].Au bout de 2 ans, une boîte de médicaments prescrits sur deux est achetée.

ACE/ARBS : inhibiteurs de l’enzyme de conversion/antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II.

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qu’elle a été donnée par Gerald Dworkin : c’est un être capable de réfléchir sur ses croyances et ses désirs et qui est capable, éventuellement, de les modifier, sur la base de cette réflexion [12].Le fait de donner au patient la possibilité, par des informations et par l’éducation thérapeutique, d’exercer son autonomie, a été d’ailleurs été reconnu par deux fois par la loi :– la loi du 4 mars 2002, dite loi « des droits des malades », prescrit que les patients ont droit à l’information. L’article L.1111-4 indique, en effet, que « toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le médecin doit respecter la volonté

de la personne après l’avoir informée des conséquences de ses choix. » ;– la loi Hôpital, patients, santé et territoires (dite loi HPST), en prescrivant un droit à l’ETP indique, dans son être article 1161-1, que celle-ci « s’inscrit dans le parcours du soin du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facili-tant son adhésion au traitement prescrit et en améliorant sa qualité de vie. »

Échange empathique et sympathique

• « Échanger sur les raisons personnelles du patient », dit la recommandation de la SFHTA [1] : cet échange passe par deux étapes :

– la première étape est celle de l’empa-thie : que pense la personne malade que j’ai en face de moi ? se demande le méde-cin. Ici, il essaye d’imaginer ce qui est bon du point de vue de cette personne ;– la deuxième étape est celle de la sympa-thie : le médecin exprime ici ses propres préférences : il essaie d’imagine ici ce qui est bon pour cette personne [13]. Mais, le point de vue du médecin et celui de la personne malade peuvent être diffé-rents : l’imposer sans explication serait la marque du paternalisme. • Ainsi, une vraie consultation d’an-

nonce peut être vue comme la fin du paternalisme. On peut ici rappeler les quatre modèles de la relation thérapeu-tique, décrits par Emanuel et Emanuel (figure 6) [14] : – dans le modèle paternaliste, je décide pour vous, d’ailleurs vous me remercie-rez un jour ;– dans le modèle informatif, je vous dis ce que je sais et vous décidez ; – dans le modèle interprétatif, en plus je vous aide à définir vos préférences ; – enfin, dans le modèle délibératif, je vous dis, en plus, mes préférences, alors vous déciderez entre vos préférences et les miennes. • On peut voir ici une définition éthique

de l’éducation thérapeutique [15] : l’éducation thérapeutique est ce chemi-nement éthique qui conduit du modèle informatif au modèle interprétatif, par le travail d’empathie, puis du modèle interprétatif au modèle délibératif par le travail de sympathie (figure 6). Ce cheminement éthique commence à la consultation d’annonce.

Éducation thérapeutique et confiance

– Finalement, le véritable enjeu d’une consultation d’annonce est l’établisse-ment d’une relation de confiance. Une étude a montré les déterminants de la confiance : le patient fait confiance dans son médecin s’il sent en lui une capacité de réconfort, évidemment une compé-tence, mais aussi le fait qu’il encourage à poser des questions et qu’il y répond, qu’il donne des explications, enfin qu’il est capable de l’adresser à un spécialiste si besoin [16].

Figure 4. De la présentation d’un nouveau concept à l’observance [d’après 11].

Figure 5. Comment la communication est-elle possible ?

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– Or, la confiance est importante pour promouvoir l’observance du traitement. Une étude s’est penchée sur les déter-minants de l’acceptation par les patients de l’intensification d’un traitement. Dans cette étude, 64 % des patients étaient

d’accord pour intensifier le traitement en acceptant un médicament supplé-mentaire. Dans une analyse multivariée, parmi les déterminants significatifs expliquant cet accord, on retrouvait la confiance dans le médecin [17].

Déclaration d’intérêt

L’auteur déclare n’avoir aucun conflit d’intérêt

en lien avec le contenu de cet article.

NOTE : cette réflexion a été présentée lors

d’un symposium, organisé par les Laboratoires

Servier, lors de la Réunion de la Société française

d’hypertension artérielle, le 20 décembre 2013.

Références

[1] Blacher J, Halimi JM, Hanon O, et al; the French Society of Hypertension. Management of hypertension in adults: the 2013 French Society of Hypertension guidelines. Fundam Clin Pharmacol 2013 Jul 2 [Epub ahead of print]. [2] Gfeller R, Assal JP. Le Vécu du malade diabétique. Folia Psychopractica, 10. Bâle: F. Hoffmann-La Roche; 1979. [3] Mosnier-Pudar H, Hochberg G, Eschwège E, et al. How do patients with type 2 diabetes perceive their disease? Insights from the French DIABASIS survey. Diabetes Metab 2009;35:220-7. [4] Ruiter RA, Verplanken B, Kok G, Werrij MQ. The role of coping appraisal in reactions to fear appeals: do we need threat information? J Health Psychol 2003;8:465-74. [5] Reach G. Faut-il faire peur aux patients ? Médecine des maladies métaboliques 2009;3:303-9.[6] Reach G. Pourquoi se soigne-t-on ? Enquête sur la rationalité morale de l’observance. Préface de Pascal Engel. 2e édition. Collection Clair & Net, Paris: Latresne, Le Bord de l’Eau; 2007.[7] Livet P. Emotions et rationalité morale. Collection  Sociologies, Paris: Presses Universitaires de France (PUF); 2002.[8] Becker MH, Maiman LA, Sociobehavioral deter-minants of compliance with health care and medical care recommendations. Med Care 1975;13:10-24.[9] Dailey G. Fine-tuning therapy with basal insulin for optimal glycemic control in type 2 diabetes: a review. Curr Med Res Opin 2004;20:2007-14. [10] Curtis JR, Xi J, Westfall AO, et al. Improving the prediction of medication compliance: the example of bisphosphonates for osteoporosis. Med Care 2009;47:334-41.[11] Schillinger D, Piette J, Grumbach K, et al. Closing the loop: physician communication with diabetic patients who have low health literacy. Arch Intern Med 2003;163:83-90.[12] Dworkin G. The Theory and Practice of Autonomy. Cambridge: Cambridge University Press; 1988.[13] Darwall S. Welfare and Rational Care. “Princeton Monographs In Philosophy”, Princeton, NJ: Princeton University Press; 2002.[14] Emanuel EJ, Emanuel LL. Four models of the physician-patient relationship. JAMA 1992;267:2221-6.[15] Reach G. Patient autonomy in chronic care: Solving a paradox. Patient Prefer Adherence 2013;8:15-24.[16] Thom DH; Stanford Trust Study Physicians. Physician behaviors that predict patient trust. J Fam Pract 2001;50:323-8. [17] Zikmund-Fisher BJ, Hofer TP, Klamerus ML, Kerr EA. First things first: difficulty with current medications is associated with patient willin-gness to add new ones. Patient 2009;2:221-31.

• L’annonce d’un diagnostic entraîne des réactions émotionnelles fortes qui ne doivent

pas être sous-estimées.

• L’enjeu d’une consultation d’annonce est d’abord instrumental : en donnant, dès le

départ, du sens au traitement, elle favorise l’acceptation de sa nécessité et l’obser-

vance ultérieure.

• En prenant en compte le fait que l’on s’adresse à une personne autonome, capable de

réfléchir sur ses préférences, la consultation d’annonce a également une dimension

éthique.

• La consultation d’annonce a d’abord été proposée dans la prise en charge du cancer,

et plus récemment dans le traitement de l’hypertension artérielle.

• Le concept pourrait être pertin ent dans une maladie proche de l’hypertension arté-

rielle, le diabète de type 2.

Les points essentiels

Il apparait que la consultation d’annonce, telle qu’elle est proposée par la SFHTA,

consistant à informer le patient sur les risques liés à l’HTA, à expliquer les bénéfices

démontrés du traitement antihypertenseur, à fixer les objectifs du traitement, à établir

un plan de soins à court et long terme, enfin à échanger sur les raisons personnelles

(avantages et inconvénients) de suivre ou de ne pas suivre le plan de soins personnali-

sés (balance décisionnelle) [1], représente une étape importante du parcours de soins,

nécessitant un temps éducatif et une écoute dédiée. La SFHTA estime à environ une

demi-heure la durée de ce type de consultation.

Nous pensons qu’une telle démarche pourrait avoir son intérêt dans le cadre du traite-

ment du diabète, notamment le DT2, car les enjeux sont, à l’évidence, superposables.

Conclusion

Figure 6. Quatre modèles de la relation médecin-patient [d’après 14], et une définition éthique

de l’éducation thérapeutique du patient [d’après 15].L’éducation thérapeutique est un cheminement éthique. Elle commence lors de la consultation d’annonce.