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financesplacements 70 - Le Commerce du Levant - Juin 2011 Une croissance de mauvaise qualité L’année 2010 s’est déroulée sous le signe de la relance. 2011 devrait faire place au rééquilibrage et à la stabilisation, selon le Fonds monétaire international (FMI). Dans ses “Perspectives de l’économie mondiale” du mois d’avril, le grand argentier a annoncé une croissance du PIB réel mondial de 4 % en 2011 et en 2012, soit une légère baisse par rapport aux 5 % de l’an dernier. Les pays avancés sont les moins bien lotis avec seulement 2 % de croissan- ce prévue, alors que les pays émergents et en développement affichent un solide 6 %. « La crainte d’une double récession ne s’est pas concrétisée », notent les experts du FMI. Car c’était la grande inquiétude de ces derniers mois : que le retrait de l’impulsion budgétaire, sous forme de transfert de la demande publique vers la demande privée, ne provoque une double récession. Le contrecoup a été finalement un léger essoufflement de la croissance dans la plupart des grands pays développés. Même son de cloche chez les banquiers : le Crédit Agricole Suisse parle de « ralentissement modéré » et Audi-Saradar de « stabilisation ». « Mais il y a de l’argent sur les marchés, ce qui est toujours bon signe », note Toufic Aouad, directeur de la banque privée Audi-Saradar. Ce contexte macroéconomique globalement positif crée en effet une dynamique favorable sur les marchés financiers, les bénéfices des entreprises faisant monter les cours des actions, baisser ceux des obligations et diminuer la volatilité et les écarts de crédit. Ces perspectives relativement satisfaisantes divergent néanmoins considérablement d’une région à l’autre. Dosseir réalisé par Carine Fernaini 70-86 finances placements 617.qxp:44-46 banque en couverture 6/1/11 11:43 AM Page 1

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70 - Le Commerce du Levant - Juin 2011

Une croissancede mauvaise qualitéL’année 2010 s’est déroulée sous le signede la relance. 2011 devrait faire place aurééquilibrage et à la stabilisation, selon leFonds monétaire international (FMI). Dans ses “Perspectives de l’économiemondiale” du mois d’avril, le grand argentier a annoncé une croissance du PIB réel mondial de 4 % en 2011 et en 2012, soit une légère baisse par rapport aux 5 % de l’andernier. Les pays avancés sont les moinsbien lotis avec seulement 2 % de croissan-ce prévue, alors que les pays émergents et en développement affichent un solide 6 %. « La crainte d’une double récessionne s’est pas concrétisée », notent

les experts du FMI. Car c’était la grandeinquiétude de ces derniers mois : que leretrait de l’impulsion budgétaire, sousforme de transfert de la demande publique vers la demande privée, ne provoque une double récession. Le contrecoup a été finalement un léger essoufflement de la croissance dans la plupart des grandspays développés. Même son de cloche chez les banquiers :le Crédit Agricole Suisse parle de « ralentissement modéré » et Audi-Saradar de « stabilisation ». « Mais il y a de l’argentsur les marchés, ce qui est toujours bon signe », note Toufic Aouad, directeur de labanque privée Audi-Saradar. Ce contextemacroéconomique globalement positif crée en effet une dynamique favorable surles marchés financiers, les bénéfices des entreprises faisant monter les cours desactions, baisser ceux des obligations et diminuer la volatilité et les écarts de crédit.Ces perspectives relativement satisfaisantesdivergent néanmoins considérablement d’une région à l’autre.

Dosseir réalisé par Carine Fernaini

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L es problèmes qui gangrenaient les paysindustrialisés en 2010 sont pour la plupart

toujours d’actualité. Dette souveraine européen-ne, chômage et crise immobilière continuentd’assombrir les perspectives des mois àvenir. Du côté des marchés, la situations’améliore mais reste particulièrement fragi-le, étant donné les besoins de financementélevés des banques et des États. Les flux decapitaux sont assez moroses du fait de l’ato-nie de l’activité et du mauvais état des sys-tèmes financiers. « Les investisseurs doivents’habituer à être inquiets », note Jean Riachi,président de FFA Private Bank.Aux États-Unis, « la production est encore trèsinférieure à son potentiel, le chômage est élevéet la faiblesse de la croissance donne à penserqu’il le restera pendant de longues années »,analyse le FMI. Le secteur du logement est tou-jours déprimé, ce qui pèse sur les investisse-ments. « Le marché immobilier et celui du tra-vail restent anémiques, moins de 15 % desemplois perdus en 2008-2009 ont été retrou-vés en 2010-2011 », explique Christina Azouri,Senior Investment Advisor au Crédit AgricoleSuisse. La croissance économique ralentit éga-lement, avec un PIB de 1,8 % au premier tri-mestre 2011. Pour la spécialiste, la hausse desprix des matières premières et du pétrole, ainsique la contraction des dépenses gouvernemen-tales auront un effet positif limité sur le porte-monnaie des Américains. L’état incertain desfinances publiques – la dette atteignait mi-maiprès de 14 295 milliards de dollars – reste unesource d’inquiétude majeure en dépit des

efforts de l’administration Obama. Des effortsqui atteignent leur échéance, avec la fin du plande “quantitative easing”, qui favorise unedécontraction de la masse monétaire. « Ce plan,face au déficit budgétaire colossal du pays et àla hausse continue de sa dette publique n’a pasdonné le résultat escompté », remarque PaulDouaihy, directeur du Centre de recherches enéconomie et marchés financiers de l’universitéde Balamand. Seuls indices en légère progres-sion, la consommation et les investissementspeinent à masquer le reste du paysage. « C’estcomme un malade que l’on traite depuis troisans qui est toujours en soins intensifs : on nesait plus quels médicaments lui administrer »,remarque Paul Douaihy. En Europe, la situation n’est pas meilleureavec un PIB en berne et le spectre de l’infla-tion. Le ralentissement de l’économie est dûen partie au resserrement budgétaire despays et à la hausse mondiale des prix desmatières premières. Mais ce sont la Grèce,l’Irlande, le Portugal et l’Espagne qui sontsurtout montrés du doigt. Athènes est dansune situation particulièrement critique etaurait besoin d’une aide de près de 86 mil-liards de dollars pour sortir la tête de l’eaufinancièrement jusqu’en 2013, selon lesautorités. « Le marché a tardé à pénaliser laGrèce en acceptant ces dernières années demaintenir les taux du pays très bas en dépitd’un déficit de plus en plus important », sou-ligne Paul Douaihy. La situation actuellepourrait affecter les autres pays de la zonepar capillarité. « Une restructuration de la

dette grecque pourrait impacter l’achatd’obligations de pays qui lui viennent enaide, comme l’Allemagne ou la France »,note l’universitaire. Les notations de l’Italie etde la Belgique sont également revues à labaisse. La conjonction d’une croissancefaible, d’une détresse budgétaire et de ten-sions financières rend particulièrement diffi-cile la guérison économique de la région.Cette situation fragile déprime les cours desactions financières dans la zone euro etmaintient à un niveau élevé les écarts sur lesobligations publiques et les contratsd’échange sur le risque de défaillance ban-caire dans les pays les plus affaiblis.Le Japon se remet, lui, doucement du tsu-nami du 11 mars 2011 et entame sa recons-truction. « Nous prévoyons un freinage initialde la croissance suivi d’une améliorationguidée par la reconstruction », analyseChristina Azouri. La situation du pays devraittoutefois rester délicate, avec une croissan-ce domestique incertaine. « Elle est principa-lement tributaire de l’export, soutenu tradi-tionnellement par une déflation compétitived’environ 1 % par an, remarque PaulDouaihy. Le pays est un cas exceptionnel,avec une dette à plus de 200 % du PIB, etpourtant il n’y a pas de krach obligataire. »En outre, la question du remplacement del’énergie nucléaire par l’énergie thermiqueamènera le pays à importer davantage decombustibles fossiles, mais l’impact sur lademande globale devrait être limité entre0,1 % et 0,3 %, selon les experts du FMI.

L es pays émergents ont eux une santé plussolide, affichant globalement une meilleu-

re situation budgétaire et financière que lespays développés. La forte croissance tendan-cielle et le bas niveau des taux d’intérêt faci-litent cette embellie. Selon le FMI, le fléchis-sement de la demande extérieure a été com-pensé par un accroissement de la demandeintérieure et les entrées de capitaux, les pers-pectives de croissance étant meilleures et lestaux d’intérêt plus élevés que dans les paysavancés. Cette croissance fait toutefoiscraindre une surchauffe et un emballementdu crédit. « Les Chinois continuent à appli-quer leur politique économique du “stop andgo” et, même si un ralentissement en décou-

le, la croissance reste considérable »,explique Christina Azouri. En avril, le pays aenregistré son plus fort excédent commercialdepuis quatre mois après avoir connu au pre-mier trimestre le premier déficit trimestriel desa balance commerciale depuis 2004.L’excédent du mois d’avril a atteint 11,4 mil-liards de dollars, soit presque quatre fois plusque prévu. Les autres pays membres desBRIC se portent bien. « L’Inde reste un payssolide, ancré dans une économie de services,et la Russie devrait bénéficier de la haussedes prix du pétrole et du gaz », remarquePaul Douaihy. Du côté des marchés finan-ciers, les rendements relativement élevésattirent les capitaux dans les pays émergents.

En Asie et en Amérique latine, les cours desactions se sont approchés de leurs sommetsd’avant-crise. Cependant, des doutes concer-nant les politiques macroéconomiques et l’in-certitude géopolitique pourraient ralentir cesflux à court terme, selon les spécialistes du FMIqui pointent également le problème du chô-mage, source d’instabilité économique etsociale. Le principal risque de révision à labaisse de la croissance tient à de nouvelleshausses des cours du pétrole. À court terme,la bonne santé des bilans des entreprisesdans les pays avancés et le dynamisme de lademande dans les pays émergents et lespays en développement pourraient dynamiserla croissance mondiale.

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Pays développés : une reprise vacillante

Pays émergents : attention à la surchauffe

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S elon l’édition d’avril 2011 du GFSR(Global Financial Stability Report), les

risques financiers ont diminué depuis octobre2010 grâce à l’amélioration des résultats éco-nomiques et les perspectives favorables pourles actifs des pays émergents renforcent l’ap-pétit pour le risque. « Les pays et les investis-seurs ont réalisé que l’on peut sortir encorevivant d’une crise souveraine, ce qui a relancéla confiance dans les marchés internationaux »,note Toufic Aouad. Cependant, les faiblesses dela zone euro, l’endettement élevé et l’accumu-lation graduelle de risques de crédit ternissentles perspectives pour 2011. « La remontée desmarchés financiers a été possible grâce auxcapitaux injectés par la Fed dans les marchés etnon grâce à une embellie économique », confir-me Albert Letayf, associé-gérant du courtierOptimum Invest. Pour Jean Riachi, il faut déci-der des allocations de chaque portefeuille demanière scientifique, en tenant compte desobjectifs de rentabilité et des objectifs de risque.« La diversification est la clé d’un bon investis-sement, il faut considérer tous les types d’actifs.Attention également au choix des fonds et des

instruments de marché. L’erreur est de se pré-cipiter sur ce qui est à la mode : la performan-ce d’une année ne garantit pas celle de l’annéesuivante. » Même stratégie pour Paul Douaihy,qui va plus loin : « Un portefeuille à risquemodéré doit se composer à 50 % de cash, d’oret d’actifs monétaires de devises à taux d’inté-rêts élevés. Le reste doit être réparti sur lesmarchés boursiers et obligataires. Les investis-sements doivent être ciblés, et il ne faut paslaisser un actif dominant sur les autres en atten-dant de sortir du brouillard pour se prononcer. »Youssef Kamel, co-gérant du fonds FutureTrends Capital Fund, a lui une lecture moinsoptimiste de l’évolution de la situation et prônela prudence. « Le ralentissement potentiel del’économie chinoise, associée à la crise souve-raine européenne, au chômage et à la fragilitédu secteur immobilier aux États-Unis, ne consti-tue pas un tableau radieux. Je conseille deconserver de fortes liquidités en dollar et depatienter pour de meilleures opportunités. »Les marchés d’action ont pourtant la cote cetteannée. « Les taux d’intérêt toujours faibles et lesbons résultats des entreprises supportent bien

les marchés : 72 % des 64 % des sociétés duS&P500 qui ont annoncé leurs résultats ont sur-pris à la hausse. Les actions restent donc inté-ressantes et surtout celles qui possèdent uneexposition aux pays à forte croissance », analy-se Christina Azouri. Face aux risques de volatili-té, certains professionnels privilégient les fonds.« Les stratégies suivies par les fonds CTA(Commodity Trading Advisors) devraient profiterde la hausse de la volatilité sur les principauxmarchés financiers et pourraient procurer auxinvestisseurs une couverture intéressante encas de renversement prolongé de tendance desmarchés », explique Tarek al-Ahdab, de l’ArabFinance Corporation. Un renversement qui n’estpas à exclure, les marchés financiers hésitantentre une tendance à la baisse, compte tenu dela fragilité économique ambiante, et une ten-dance à la hausse, pour se protéger contre l’in-flation par l’achat d’actions. Youssef Kamel par-tage sa stratégie pour se prémunir de la volati-lité : « Il est plus prudent de miser sur des bonsdu Trésor américain à long terme et de se pla-cer en long dollar pour se protéger des fluctua-tions à court terme. »

Quel impact sur les marchés de capitaux ?

C ar la question de l’inflation est sur toutesles lèvres, dans les banques centrales

notamment. La Fed américaine continue demaintenir ses taux bas, théoriquement jusqu’àla fin de l’année, par peur de freiner la crois-sance. Cette politique sonne le retour des inves-tisseurs, parfois au détriment des pays émer-gents. La BCE a elle haussé de 25 points debase ses taux début avril, signe d’optimiste surla croissance et pour éviter tout risque d’infla-tion. L’annonce en avril d’une inflation à 2,8 %sur un an fait craindre aux marchés une nou-velle remontée des taux en juin. « La Fed estpragmatique, la BCE est dogmatique, ce qui setraduit par une différence culturelle sur lesconcepts d’inflation totale et d’inflation sous-jacente. L’inflation totale a augmenté cetteannée avec la hausse de la facture énergé-tique », note l’universitaire Paul Douaihy.Dans les pays industrialisés, le rôle décroissantdu pétrole, la disparition de l’indexation dessalaires et la stabilisation des anticipationsinflationnistes devraient limiter les risques d’in-flation tendancielle, selon les experts du FMI.La donne est différente dans les pays émer-gents où les denrées alimentaires et les carbu-

rants représentent une part plus importante dela consommation et la politique monétaire asouvent moins de crédibilité. L’Inde a ainsirécemment élevé son taux d’intérêt de 0,5 %pour atteindre 7,25 %. La hausse du prix dupétrole fera tout de même quelques heureux etpermettra ainsi à la Russie d’accélérer sa crois-sance économique, mais évidemment au prixd’une inflation à la hausse (9,8 % en glisse-ment annuel en février), selon Christina Azouri.Le FMI préconise un durcissement de la poli-tique macroéconomique dans bon nombre depays émergents. À l’échelle mondiale, l’infla-tion non corrigée est montée à 4 % en février,

dépassant 2 % dans les pays avancés et 6 %dans les pays émergents. L’inflation hors ali-mentation et énergie se situe bien en deçà del’inflation non corrigée, même si elle a aug-menté rapidement dans les pays émergents.Pour Albert Letayf, la baisse du pouvoird’achat des ménages est inéluctable, cepen-dant, elle ne sera plus due à l’inflation maisà la hausse des taxes et autres impôts. Lessolutions adoptées par les gouvernementsface à la crise ont généré un endettementmassif et ont favorisé la chasse à l’évasionfiscale et la hausse des prélèvements d’Étatsur l’économie.

Le spectre de l’inflation s’approche

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C omme en général en période dereprise, même fragile, les actionsreviennent dans les bonnes grâces

des professionnels et des investisseurs.Pour Jean Riachi, président de FFAPrivate Bank, ce sont les actifs à privilé-gier au cours de la prochaine décennie. Ilexplique cette position optimiste par troisraisons. La première est qu’entre 2000 et2010, les marchés ont subi de lourdespertes et une forte volatilité. Les investis-seurs ont donc été échaudés et ont déser-té les marchés d’actions. Ceci permetaujourd’hui au secteur d’afficher debonnes perspectives de croissance, beau-coup de liquidités attendent d’être inves-ties. La seconde est que cette tendanceest appuyée par un niveau de valorisationdes titres historiquement bas par rapportà leurs perspectives de profits. La troisiè-me est que les entreprises cotées bénéfi-cient en moyenne de bilans solides et deperspectives de profits en hausse pour lesprochaines années. « À moyen terme latendance est positive », confirme Tarekal-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation.Si à court terme des risques de pressionsinflationnistes et de perturbations géopo-litiques perdurent, « les mouvements decorrection représentent des opportunitésd'achats », analyse Christina Azouri,Senior Investment Advisor au CréditAgricole Suisse. Une façon de se protégerest d’investir dans des fonds collectifs deplacement ETF (Exchange Traded Fund),qui reflètent les performances d’un indiceou d’un ensemble d’actions. Ils permet-tent d’éviter les risques trop spécifiques.En entrant dans le détail, les marchésaméricains relancent leur activité, endemi-teinte depuis la crise. Les spécia-listes du Crédit Agricole Suisse sont sur-pondérés sur l'Amérique du Nord et plusprécisément sur les secteurs liés auxmatières premières : énergie, charbon etor. L’investissement doit être sectoriel, « ilfaut privilégier les entreprises dont la partde la dette par rapport aux actifs est faible »,note Paul Douaihy, directeur du Centre derecherches en économie et marchésfinanciers de l’université de Balamand.Selon lui, les secteurs porteurs sont lesvaleurs énergétiques, les entreprisespharmaceutiques et industrielles. Autrecritère de choix, le dividende doit être

élevé pour permettre de profiter du tauxzéro de la Fed. Toufic Aouad, directeur dela banque privée Audi-Saradar, recom-mande les actions préférentielles ban-caires, dont le rendement peut aller jus-qu’à 8 % pour un investisseur un peuagressif. « Aux États-Unis, les investis-seurs paraissent moins frileux, ce quimontre une nouvelle fois qu’ils ont lamémoire courte », remarque le spécialis-te. Du côté du Vieux Continent, l’enthou-siasme est moins visible et les perspec-tives plus ternes. « En cas de restructuration de la dettegrecque, le secteur bancaire allemand ensouffrirait rapidement », explique PaulDouaihy. Les grands noms de l’exporta-tion germanique sont néanmoins toujoursprisés. Le Crédit Agricole Suisse, lui,favorise le marché anglais et son secteurde mines diversifiées. Les pays émer-gents proposent des bons plans à saisir.L’intérêt, selon Christina Azouri, est queles économies à forte croissance permet-tent non seulement une diversification duportefeuille, mais aussi des opportunitésd’investissement dans des fondamentauxgénéralement solides et des valorisationsattractives résistantes aux turbulences àcourt terme. Toutefois, la croissance estsouvent accompagnée d’une fragilité del’économie, qui conserve une part derisque non négligeable. La stratégie deJean Riachi est alors d’investir dans lessociétés des pays développés qui profitentde la croissance des pays émergents,comme la grande consommation, le luxeou les technologies. Les entreprisesbasées directement dans les régionsémergentes présentent un risque de plusgrande volatilité.

Les obligations, tributaires des taux

S’ils font encore office d’investissementsrefuges pour les plus frileux, les marchésd’obligation n’ont plus le potentiel qu’ilsavaient en 2009 et 2010. Mais lesLibanais s’y intéressent encore, car pourJean Riachi ils sont traditionnellementattachés à la notion d’intérêts (proche dusystème des dépôts à terme de la banquede détail). L’investissement dans les obli-gations est largement tributaire de la

question de la hausse des taux, prévuepar la plupart des spécialistes. Les poli-tiques monétaires aussi bien en Europequ’aux États-Unis sont donc suivies detrès près. « Certains ont acheté de ladette grecque entre 15 et 20 % (quandl’Allemagne tourne autour de 3 %), maiscela s’apparente à de la spéculation, cequi ne doit pas concerner la majorité desinvestisseurs. Les Libanais sont en géné-ral peu intéressés par ce type de place-ments », explique Toufic Aouad. AuxÉtats-Unis, la spéculation sur la politiquemonétaire après l’arrêt du programme de“quantitative easing” fin juin inquiètedavantage. La dette gouvernementaleaméricaine semble de moins en moinsattrayante dans l’hypothèse d’une haussedes taux. Le Crédit Agricole Suisse a éta-bli deux stratégies en fonction du profil derisque des individus. Pour les investis-seurs conservateurs, un positionnementsur des obligations à taux variables leurpermettra d’accompagner la montée destaux, alors que les plus agressifs pour-raient se positionner de manière trèssélective sur des obligations à hauts ren-dements qui offrent une prime de créditsuffisante pour compenser une haussedes taux. Antoine Salamé, associé-gérantdu courtier Optimum Invest, préconise

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Actions : les affaires reprennent

Christina Azouri : « Les mouvements de correction représen-tent des opportunités d'achats. »

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financesplacementsde ne pas s’engager à trop long terme etde privilégier les intérêts variables, car sile taux Libor venait à augmenter (il sesitue à 0,26 % à trois mois fin mai), lesrendements s’ajusteraient à la hausse. Ilfaut également éviter les obligations dontla cote est inférieure au niveau“Investment Grade” pour ne pas augmen-ter les risques de crédit en plus desrisques de taux en cas de hausse pronon-cée des taux. Causes directes ou indi-rectes de la hausse possible des taux, lemarché obligataire souverain n’est doncpas à l’abri des deux maux du moment,l’augmentation de la dette souverainechez les principaux pays industrialisés etune possible reprise de l’inflation. « Lesgains pourraient être sérieusement affec-tés », prévient Tarek al-Ahdab. Il n’excluttoutefois pas les bonnes affaires dans lesobligations indexées sur l’inflation. Du côtédes pays émergents, il faut distinguer lesÉtats très endettés des autres. AntoineSalamé met en garde contre les pays émer-gents endettés, car la hausse des tauxaméricains va les affecter négativement. Ilest souvent sage d’investir à travers desfonds ou de mêler émetteurs internatio-naux et régionaux. Les spécialistes duCrédit Agricole Suisse délaissent complète-ment les pays émergents, la prime offerte nejustifiant pas pour eux le risque inhérent del’investissement. Pour ceux qui s’y intéres-sent, les produits structurés reviennent timi-dement, certains reverse convertibles affi-chant 8 ou 9 % de rendement.

Obligations corporate

La dette des entreprises doit être considéréeavec précaution. « Nous favorisons demanière très sélective la dette corporatesous-évaluée des sociétés les plus solides »,explique Christina Azouri. La Russie restel’axe d’investissement privilégié de labanque privée suisse, qui surveille égale-ment le Brésil et l’Asie (Indonésie, Chine,Inde), et les obligations en devises locales(SGD, RUB, CNY, MXN). « Ces dernières per-mettent de bénéficier des pressions infla-tionnistes qui entraînent à la hausse la devi-se et les taux à court terme ». Toufic Aouadest lui freiné par la hausse des prix. Pour lebanquier, il va y avoir des rééquilibrages ris-qués. Mais les inconditionnels des titres cor-porate trouveront toujours leur bonheur. « Lesbanques américaines et européennes,même si elles ont souffert de la crise, ont unfaible risque de défaut, car les gouverne-ments ont montré qu’ils étaient prêts à don-ner une garantie implicite aux obligations depremier rang émises par ces banques »,analyse Jean Riachi. Il ne faut pas, selon lui,s’attendre à une plus-value importante, maisplutôt à un revenu régulier. Les notations Aou AA peuvent afficher des rendementsallant jusqu’à 5 %. Pour les notations infé-rieures, se concentrer sur les banques inter-nationales bien capitalisées et classées“investment grade” (au-dessus de BBB) ouinvestir sous forme d’actions privilégiées oud’obligations perpétuelles émises par desétablissements solides. « Même si la garan-

tie des États ne joue pas pour cette catégo-rie de titres “subordonnés”, les risques denon remboursement sont moindres aujour-d’hui, surtout depuis la mise en œuvre descritères de Bâle III », précise Jean Riachi.La prise de participation dans les sociétésnon cotées est également appréciée par lesinvestisseurs. L’activité de private equity estsoutenue par des liquidités abondantes. Lesspécialistes conseillent d’investir au cas parcas, notamment sur les marchés émergents.« Dans un contexte de prix élevés, nous res-tons très sélectifs et privilégions les gérantsspécialisés, en particulier en Europe où leréservoir de sociétés à transformer demeu-re important», conseille Christina Azouri duCrédit Agricole Suisse. Elle signale en outreles opportunités de rachat à décote dedettes performantes cédées par des institu-tions financières cherchant à êtreconformes aux nouvelles règlementationsliées aux capitaux propres.

Matières premières :l’incertitude de l’offre

L es cours des matières premières ontrapidement retrouvé des niveaux éle-vés, en raison de facteurs structu-

rels, cycliques et particuliers, et des ten-sions qui restent élevées sur les marchés.Pour le FMI, le principal changementstructurel est la croissance rapide dansles pays émergents et les pays en déve-loppement, qui accroît la consommationdes matières premières et en modifie lastructure. L’évolution macroéconomiqueprévisible reste favorable à l’essor descours. Les projections de croissance du

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grand argentier donnent à penser que lespays émergents resteront les locomotivesde l’expansion. « Les cours des matièrespremières ne sont pas prêts de redes-cendre, il faut que le monde s’y habitue. Ily aura quelques corrections, mais les prixont franchi un nouveau palier », annonceAlbert Letayf, associé-gérant du courtierOptimum Invest. Les matières premièressont donc incontournables dans un porte-feuille. Alors quelle stratégie d’investisse-ment adopter ? Celle du Crédit AgricoleSuisse privilégie la prudence. « Notrestratégie d’investissement tactique s’ef-force d’exploiter les corrections pourmieux bâtir notre exposition », expliqueChristina Azouri, Senior InvestmentAdvisor de la banque privée. Les incerti-tudes au sujet de la croissance mondialeet des événements géopolitiques expo-sent les marchés à de fortes variations.Pour les experts du FMI, « les investis-seurs rationnels bien informés devraientinjecter des liquidités sur les marchés dedérivés et en diminuer ainsi la variabilité ».Leur présence devrait aussi faciliter ladécouverte des prix et maintenir un ali-gnement plus étroit des cours sur les don-nées fondamentales de l’offre et de lademande. En revanche, ils mettent engarde contre les choix guidés par l’émo-tion ou des règles d’investissementrigides. Certains professionnels néan-moins se positionnent à contre-courant etboudent les matières premières. « Je neconseille pas de toucher aux matièrespremières en ce moment, elles sont tropchères », dit Youssef Kamel, cogérant dufonds Future Trends Capital Fund. Àmoyen terme, la progression des prixdevrait ralentir, en partie parce que l’onprévoit une modération de la croissanceéconomique de quelques grands paysémergents. Mais la pénurie de ressourcesest désormais une préoccupation généra-lisée et devrait devenir un des principauxfacteurs de tension des marchés. « Lasolution pour juguler la hausse des prixserait de développer les énergies alterna-tives, mais surtout de réfléchir à desmodèles de consommation différents »,conclut Albert Letayf. Ce qui ne paraît pasêtre à l’ordre du jour prochainement.

Pétrole, gaz

Les experts du FMI sont formels : la com-binaison des aléas de l’offre et de lavigueur persistante de l’activité écono-

mique mondiale, malgré un léger ralentis-sement, signifie que les cours pétroliersvont rester fermement orientés à la haus-se. Le facteur cyclique principal a été lacroissance plus forte que prévu de lademande de matières premières audeuxième semestre de 2010, qui a faitpasser les cours du pétrole à environ 90dollars le baril début janvier 2011, au-dessus des prévisions. Le principal fac-teur particulier est la sous-réaction del’Organisation des pays exportateurs depétrole (OPEP) lorsque les prix ont passéla barre des 80 dollars, ce qui a accrul’inquiétude des marchés. Les troubles auMoyen-Orient et en Afrique du Norddepuis janvier 2011 constituent un autrefacteur particulier. « Tous les grands paysexportateurs sont touchés directement ouindirectement par des soulèvements, cequi engendre une profonde incertitudeconcernant l’offre. Il est difficile de spécu-ler sur cette situation, car elle est sansprécédent », note Paul Douaihy, directeurdu Centre de recherches en économie etmarchés financiers de l’université deBalamand. À court terme, l’évolution dumarché pétrolier dépend pour une largepart de la stabilisation de la situation danscertains pays exportateurs du Moyen-Orientet de l’interaction de trois facteurs : lavigueur de l’expansion économique mondia-le, la dynamique de la demande de pétro-le et la réaction de l’offre. D’après lesprojections des “Perspectives de l’écono-mie mondiale”, la croissance devrait semodérer au cours des 12 prochains mois,ce qui entraînerait un ralentissement de la

hausse de la demande pétrolière. « Cemouvement devrait être appuyé par l’in-version du sur-ajustement de la demandede pétrole qui accompagne habituelle-ment les premières phases de la reprisede l’activité économique mondiale »,selon les auteurs du rapport.Le gaz n’a pas le même historique récentque le pétrole. C’est l’une des rares res-sources énergétiques à avoir connu de fortesbaisses récemment. Après un pic en 2008,le gaz naturel a perdu la moitié de sa valeur,du fait d’une demande en berne. L’extractionrécente de gaz de schiste, notamment auxÉtats-Unis, pourrait multiplier les réservesmondiales par cinq et accentuer la surcapa-cité du secteur. Les spécialistes tablentnéanmoins sur une reprise des cours en2011, le gaz étant indexé à 75 % sur lepétrole en Europe.

Métaux précieux et industriels

Les cours des métaux se sont vivementredressés depuis le deuxième semestre de2010, dans la logique de l’ensemble desmatières premières. Pour de nombreux ban-quiers privés, ces marchés recèlent debonnes opportunités. « Une exposition surles métaux précieux et industriels offre uneprotection contre les risques d'inflation ainsique la baisse du dollar et continue à êtresoutenue par une forte demande des paysémergents », explique Christina Azouri. L’oroccupe comme toujours une place à part,bénéficiant des incertitudes des marchés.« La perte de crédibilité des principalesmonnaies auprès des investisseurs remet

Tarek al-Ahdab : « Le panorama des hausses de taux peutêtre plus favorable au dollar dans les mois à venir. »

Youssef Kamel : « Je ne conseille pas de toucher aux matièrespremières en ce moment, elles sont trop chères. »

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L a faiblesse du dollar est la nouvelledonne de 2011. Cette situation per-turbe les investisseurs, habitués à

considérer le billet vert comme monnaiede référence. « Depuis quelques mois, onse trompe beaucoup sur les marchés deschanges, dont les fluctuations sont deve-nues imprévisibles », confirme TouficAouad, directeur de la banque privée Audi-Saradar. Les devises américaine et euro-péenne, extrêmement sensibles, réagis-sent de façon épidermique à tout mouve-ment économique. « En début d’année,

L’incertitude règne sur le marché des changes

l’or au goût du jour, même si ce dernier étaittoujours resté une valeur refuge face à lapeur de l’inflation, aux rendements obliga-taires bas et à la peur engendrée par lesmarchés d’actions », rappelle Albert Letayf.Certains spécialistes doutent de l’intérêtd’acheter de l’or actuellement, alors que lemétal jaune pourrait passer le palier des1 600 dollars l’once. « Il y aura de meilleuresopportunités d’achat. Quand le dollarremontera, l’or devrait connaître une fortecorrection à la baisse », note YoussefKamel. L’argent, qui évolue en temps nor-mal dans l’ombre de l’or, connaît une fortevolatilité. « L’argent est un marché pluspetit, plus spéculatif, et pas très liquide. Onl’a vu avec sa chute soudaine début mai2011. Il faut être expert pour s’intéresser àce marché », rappelle Antoine Salamé,associé-gérant d’Optimum Invest. Un avispartagé par Youssef Kamel, qui explique quecette contraction est la conséquence cumu-lée du dégagement de gros fonds et deprises de profits. Les métaux industrielssont tirés à la hausse à moyen terme par lesperspectives de reconstruction du Japon,qui était deuxième pays consommateur denickel et de minerai de fer et troisièmeconsommateur d’aluminium et d’étain avantle tsunami. À court terme, les prix sont à labaisse, ce qui crée des opportunités.

Matières agricoles

Les marchés agricoles sont sans l’ombred’un doute le secteur à surveiller en

2011. Pour le FMI, la production mondia-le de denrées alimentaires devrait seredresser rapidement après les chocsrécents sur l’offre : l’augmentation de lasuperficie consacrée à la production àl’échelle mondiale et le retour à desconditions climatiques plus normales lais-sent prévoir des récoltes favorables en2011. Il faudra du temps pour reconsti-tuer les stocks, qui sont bas, et il est doncprobable que les prix resteront plus vola-tils qu’habituellement.Après une progression d’environ 41 %depuis mi-2010, l’indice des cours desproduits alimentaires du FMI a continuésa remontée en 2011, avec une envoléespectaculaire de 82 % des cours descéréales. Des intempéries (sécheresse auKazakhstan, en Russie et en Ukraine; étéchaud et humide aux États-Unis et lesvents “la Niña” sur les pourtours duPacifique) ont affecté l’offre et contribué àune révision à la baisse de 2,7 % de laproduction mondiale de céréales pour2010-11. Parallèlement, la Chine a aug-menté ses importations notamment demaïs, alors qu’elle avait été autosuffisan-te pendant de longues années. Autre fac-teur évoqué par le FMI, la demande dematières premières pour la production debiocarburant a aussi rebondi plus rapide-ment que prévu, car le secteur américainde l’éthanol à base de maïs s’est remisdes faillites en cascade de 2008-09.L’offre va décider de l’évolution des coursdes produits alimentaires à court terme.

La superficie cultivée réaugmente aprèsdeux décennies de stagnation, mais estralentie par la relative rareté des terresproductives bien irriguées dans desrégions disposant d’infrastructures dedistribution bien établies. « Les investis-sements porteurs sont les terrains agri-coles, les ressources forestières et dansune moindre mesure les sociétésminières. Je recommande d’investir dansles fonds agricoles, les terrains agricoleset l’eau. Mais attention à ne pas spéculeret à demander conseil à des profession-nels », prévient Albert Letayf.Pour les investisseurs frileux ou qui ne s’yretrouvent pas dans les fluctuationsconstantes des marchés, la solution esttoujours de faire son allocation par le biaisde fonds de placements collectifs oud’ETF. Certains fonds permettent d’inves-tir dans les matières premières, métauxprécieux, matières premières agricoles oul’énergie. « On peut y consacrer 20 % deson portefeuille », pense Jean Riachi, pré-sident de FFA Private Bank qui déconseillefortement l’investissement direct, notam-ment dans les marchés de “futures”.

Les matières premièresagricoles tirées

par la raréfaction des terres cultivables

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nous parlions de parité euro/dollar, ce quiest loin d’être le cas aujourd’hui », ajouteToufic Aouad. Alors, quelle stratégie d’in-vestissement adopter ? Pour Jean Riachi,président de FFA Private Bank, il fautd’abord déterminer sa devise de référen-ce. « Toute diversification dans une autremonnaie comporte un risque. La diversifi-cation géographique permet une diversifi-cation implicite dans les autres devises,mais doit avant tout être la résultante deschoix d’investissement. » En d’autrestermes, les allocations en devises doiventsuivre la même logique que le reste desplacements. Les Libanais, traditionnelle-ment amateurs de dollars, peuvent doncsoit miser sur une reprise probable du dol-lar à moyen terme, soit en profiter pour sediversifier. « Pour un investisseur libanaisqui place principalement en dollars et quis’inquiète d’une éventuelle dévaluation, ilpeut être bon à terme de se diversifier,mais nous ne prônons pas la spéculationsur les devises », explique Toufic Aouad.

Le duel euro/dollar

Depuis quelques mois, l’euro confirme satendance haussière par rapport au dollar.Pour Antoine Salamé, associé-gérant ducourtier Optimum Invest, cette situations’explique par deux facteurs. La haussedes cours de l’euro a poussé les investis-seurs frileux à acheter la devise euro-péenne au détriment des marchés d’ac-tions. L’expansion monétaire est enfinplus limitée qu’aux États-Unis : la haussede l’euro est en réalité une baisse du dol-lar. Le président de la Banque centraleeuropéenne Jean-Claude Trichet définiteffectivement la tendance comme « unphénomène dollar plutôt qu'un phénomè-ne euro ». Le relèvement des taux de laBCE n'a pas pour l'instant d'effet signifi-catif de “second tour”, susceptible d'ag-graver les pressions inflationnistes. Tousles yeux sont donc rivés sur le billet vert,devenu le baromètre du marché. Le tauxdirecteur du dollar américain est comprisdepuis novembre 2008 entre 0 % et 0,25%. La Fed n'envisage pas pour l'heure dele hausser avant la fin de l'année 2011.Le différentiel de taux pourrait alors fairegrimper l'euro au-dessus du seuil des1,60 dollar, atteint en juin 2008 au plusfort de la crise. Mais certains spécialistesdoutent aujourd’hui d’une appréciation del’euro de cette ampleur. « Nous pensonsque cette tendance va s’inverser quand

l’euro approchera du palier des 1,50 dol-lar, le panorama des hausses de tauxpouvant être plus favorable au dollar dansles mois à venir », remarque Tarek al-Ahdab, de l’Arab Finance Corporation.Paul Douaihy, directeur du Centre derecherches en économie et marchésfinanciers de l’université de Balamand,partage le même sentiment. « Sur lepapier, l’euro semble être au meilleur desa forme. Pourtant, le risque d’éclatementde la zone euro n’est pas à écarter, ce quiva nuire à l’euro et profiter au dollar. »Youssef Kamel, co-gérant du fonds FutureTrends Capital Fund, conseille donc de sepositionner en dollar. « L’arrêt concomi-tant du programme américain de “quanti-tative easing” et une hausse possible destaux de la Fed devraient pousser lesinvestisseurs vers le dollar. Il devraitrepartir à la hausse à la suite d’une bais-se généralisée des actifs entraînant desappels de marge massifs et deux nou-velles crises, souveraine européenne etimmobilière. » Les investisseurs libanaispeuvent donc être rassurés : le dollar atoujours le vent en poupe. « Les entre-prises ici ne sont pas très familières avecles stratégies de “hedging”, qui consis-tent à souscrire des contrats ou optionssur les marchés dérivés pour prévenir unrisque de variation défavorable », noteAlbert Letayf, associé-gérant du courtierOptimum Invest. « Les détenteurs d’eurospeuvent envisager les options “put”, quipermettent de “hedger” à la baisse. »Pour les plus aventureux, d’autres mon-naies présentent des opportunités inté-ressantes. Bank Audi-Saradar s’intéresseau franc suisse et à la couronne norvé-gienne, et les traditionnelles alternativesau billet vert que sont le dollar canadien,australien (avec des taux pouvantatteindre 4,75 %) et néo-zélandais sonttoujours appréciées, car adossées auxmatières premières. Youssef Kamel metnéanmoins en garde contre le risque decontraction à moyen terme des cours del’énergie, qui pourraient affecter négati-vement les monnaies. Dans les régionsémergentes, les pays BRIC (Brésil, Russie,Inde et Chine) sont toujours porteurs. LaChine est toutefois un cas à part cetteannée, les autorités ayant “dépeggé” leyuan du dollar (restauré une fluctuationquotidienne) en juin dernier. La monnaie agagné environ 5 % par rapport au billetvert. Les tentatives de Washington pourque la Chine réévalue davantage sa mon-

naie sont à surveiller. La version 2011des BRIC est le groupe des CIVETS(Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte,Turquie et Afrique du Sud). Ces marchéssont toutefois réservés aux investisseursqui aiment le risque. « En 2001, les BRICont largement profité de l’afflux de dollarsà taux très bas qui a boosté leurs écono-mies. En 2011, les CIVETS font de même», note Antoine Salamé. L’Égypte est àconsidérer séparément, compte tenu desremous politiques qu’elle traverse actuel-lement. Antoine Salamé s’intéresse éga-lement à l’Argentine, qui propose descoupons (ou warrants) indexés au PIB etajustés à l’inflation ; et au naira nigérianqui offre des taux au-delà de 10 % sur lesdépôts. La monnaie peut bénéficier de lahausse probable des matières premières.

L’immobilier moins attractif

Le FMI l’annonce clairement : « Les marchésimmobiliers sont moribonds dans plusieurspays avancés. » Le risque posé par un stockvirtuel de logements qui pourraient être sai-sis aux États-Unis reste considérable, ce quifait fuir les investisseurs. Par ailleurs, denouveaux risques apparaissent du fait de laforte expansion des marchés immobiliersdans les pays émergents. Un seul motd’ordre : faire du cas par cas. « Des oppor-tunités existent toujours dans certainesgrandes villes américaines et à Berlin,notamment », remarque Jean Riachi.

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Jean Riachi : « Toute diversification dans une autre monnaiecomporte un risque. »

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Moyen-Orient : pétrole et politiquenourrissent l’incertitudeS i la région Moyen-Orient et Afrique du

Nord (MENA) a traversé la crisefinancière internationale sans trop

de dégâts, les événements politiques etsociaux qui la secouent depuis le début del’année la mettent sous les projecteursdes marchés. Les cours du pétrole, déjàpoussés par la reprise économique mon-diale, sont également affectés à la haus-se par l’inquiétude sur la stabilité del’offre. « Si cette instabilité perdure ettouche l’Arabie saoudite, cela aura unimpact majeur sur l’économie mondiale »,prédit Toufic Aouad, directeur de labanque privée Audi-Saradar. La région sedivise en deux zones distinctes, l’une

regroupant les pays exportateurs depétrole et l’autre les États qui importent.Les perspectives diffèrent beaucoup entreces deux groupes, mais le FMI constateque la révision du risque en cours dansl’ensemble de la région majore les coûtsd’emprunt dans tous les pays. Le mécon-tentement politique, le chômage élevé etla hausse des prix alimentaires causentune agitation sociale qui va sans doutepeser sur la croissance à court terme. Compte tenu de ces facteurs, les expertsdu FMI tablaient en avril sur un PIB enprogression de 4 % en 2011. L’Instituteof International Finance (IIF) dans son rap-port “The Arab World in Transition :assessing the economic impact” publié enmai en collaboration avec la banqueByblos évalue la croissance des pays duConseil de coopération du Golfe (CCG) à6,5 % cette année, contre 5,1 % en2010. Leur secteur extérieur affiche éga-lement une embellie, les excédents cou-rants de la région MENA devraient à nou-veau augmenter à mesure que le redres-sement progresse, en partie sous l’effetde la hausse des prix à l’exportation del’énergie. L’excédent courant régional, quiétait descendu de 15 % du PIB en 2008 à2 % du PIB en 2009, devrait, d’après lesprojections du FMI, passer à plus de 12 %du PIB en 2011. L’inflation est en hausse,car les cours plus élevés des matièrespremières nourrissent l’inflation globale.Le taux d’inflation des prix à la consom-

mation devrait, d’après les projections,passer à environ 10 % en 2011 pour l’en-semble de la région. « Selon la durée etl’intensité de l’agitation politique et socia-le, ses effets intérieurs pourraient dépas-ser les prévisions actuelles, surtout si lestroubles persistent et s’étendent àd’autres pays », diagnostique le FMI. Les pays exportateurs sont donc les mieuxlotis, avec une croissance attendue de 5 %cette année, bien que certains comme laLibye ou Bahreïn soient le théâtre de révoltespopulaires. La hausse des cours desmatières premières et la demande extérieu-re dopent la production et les exportations.Des programmes de dépenses publiquescontinuent par ailleurs à soutenir la reprise.Selon le FMI, le pays le plus performant est leQatar, qui affichera une progression de 20 %en 2011, sous l’effet de l’expansion continuede la production de gaz naturel et de grossesdépenses d’investissement, notammentpour la Coupe du monde de football de2022. En Arabie saoudite, le taux de crois-sance devrait être d’environ 7 % cetteannée, du fait d’investissements publicsconsidérables dans les infrastructures. Lesperturbations de la production en Libyesignifient, puisque la capacité des pays nonmembres de l’OPEP est limitée, que la pro-duction pétrolière des pays de la région vaaugmenter en 2011. Certains puisent déjàdans leurs réserves.Les pays importateurs affichent des pers-pectives moins optimistes. Garbis Iradian,directeur adjoint du département Moyen-Orient et Afrique de l’IIF, évalue à 0,5 % duPIB réel la contraction, conséquence desévénements politiques. Selon lui, la produc-tion en Égypte, Tunisie et Syrie devrait cetteannée tomber de 3 % à 1 % ; et la croissan-ce en Jordanie ralentir de 3,1 % en 2010 à2,8 %.Même son de cloche du côté des ban-quiers. « Nous constatons une inquiétudedes investisseurs à court et moyen termeen Égypte et Tunisie, car l’intelligentsiaéconomique était proche du pouvoir »,note Toufic Aouad. L’impératif de la plu-part des pays est de stimuler la croissan-ce et de faire reculer le chômage chroni-quement élevé, chez les jeunes en parti-

Spreads de dérivés sur événementde crédit souverain (CDS),

en points de base, à échéance à 5 ans

31-12-2011 Date 6-5-2011

Abou Dhabi 94 3/15 99Qatar 88 3/17 99Arabie saoudite 75 2/21 117Bahreïn 186 3/15 265Dubaï 415 2/28 362Égypte 243 1/28 362Liban 305 1/31 365Portugal 501 4/26 640Irlande 609 1/10 659Grèce 1 010 4/26 1 339

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culier. Certains ont donc récemment rele-vé les subventions pour les produits ali-mentaires et les carburants (Jordanie,Koweït et Tunisie) ou accru les transfertssociaux. Mais l’endettement élevé limiteleur marge de manœuvre budgétaire. Lapréoccupation est également d’éviter uneaugmentation des prêts improductifs dansles pays en proie à des troubles.

Une instabilité, source d’opportunités

Alors faut-il investir dans la région, à lafois débordante de richesses mais plon-gée dans une instabilité dont on ne voitpas la fin ? Cette situation a poussé denombreuses banques à établir un baro-mètre socio-économique, qui offre denouveaux critères aux décisions d’inves-tissement. Tarek al-Ahdab, de l’ArabFinance Corporation, voit les événementsactuels comme globalement positifs pourl’investissement sur les marchés de larégion. « Cela concerne toutefois lesinvestisseurs prêts à se positionner sur lelong terme et qui ne sont pas impression-nés par les fluctuations au jour le jour. »Et il faut surtout faire du cas par cas. PourAlbert Letayf, associé-gérant du courtierOptimum Invest, la Libye est devenue unpays à fort potentiel pour les investisseurslibanais. Les relations entre les deux gou-vernements avaient été refroidies par ladisparition de Moussa Sadr, mais si lerégime tombe, il existe de nombreusesopportunités. L’Égypte et le Soudan ontégalement un fort potentiel agricole.Attention à la Syrie, dont le futur politiqueest encore très instable. En outre, lesinvestisseurs syriens ont tendance à sepositionner massivement dans les sec-teurs à la mode, remarque Albert Letayf,ce qui leur fait perdre leur potentiel deprofitabilité, tels que la minoterie, aujour-d’hui en surcapacité. S’ils sont nombreuxà voir le potentiel à moyen terme, la plu-part des professionnels ne sont pas prêtsà prendre trop de risques. « Les investis-sements, la bourse, l’immobilier : tout estfigé au Moyen-Orient. La Bourse saou-dienne a connu une forte correction. Lesindices et l’activité sont en baisse, mêmesi les pays producteurs de pétrole conti-nuent d’injecter des fonds dans leurs éco-nomies », met en garde Toufic Aouad.Michel Chikhani y voit lui une opportunitéd’investir dans certains titres sous-éva-lués de la Bourse saoudienne. Les inves-

tisseurs doivent donc bien connaître leurprofil de risque avant de s’engager. PaulDouaihy, directeur du Centre derecherches en économie et marchésfinanciers de l’université de Balamand,distingue les différents types de porte-feuilles selon les profils des investisseurs.« Un profil frileux se dit que la situationest trop floue et récente pour être analy-sée correctement. Un profil à risque enrevanche se dit qu’il doit profiter du chan-gement et de l’instabilité, ce qui peut rap-porter gros. »

Les obligations quasi souveraineslimitent le risque

Le marché obligataire, souverain et corpora-te, est le plus approprié, car la plupart despays du Golfe tentent de reconstituer lesvolants de fonds propres et de liquidités quiont été complètement utilisés pendant lacrise (comme Dubaï), et investissent dans lessecteurs non liés à l’énergie pour diversifierleurs économies. « Il faut toutefois être pru-dent avec le marché obligataire dans larégion. Les taux ne peuvent plus baisser »,prévient Albert Letayf. Les pays du Golfe pro-posent des obligations souveraines, quasisouveraines et corporate. Pour son associéAntoine Salamé, spécialisé dans les mar-chés de la dette, les quasi-souveraines sontles plus intéressantes actuellement, car ellesbénéficient de l’appui financier de régimesdont les coffres sont pleins. Les favoris sontAbou Dhabi, le Qatar et Koweït, qui sontstables politiquement et financièrement.Dubaï, Bahreïn et l’Arabie saoudite dans unemoindre mesure sont moins bien position-nés. L'Egypte devrait attirer de nombreuxinvestisseurs dans les mois à venir. Le G8réuni fin mai a annoncé une enveloppe deprès de 40 milliards de dollars d'aide aupays ainsi qu'à la Tunisie. Cet argent seradébloqué par les banques multilatérales dedéveloppement, les grands pays industriali-sés et le Conseil de coopération du Golfe.En Jordanie, Maroc et Tunisie, l’activitéest presque gelée et les investisseursattendent de voir comment la situation vaévoluer. Des noms comme Tourist andDevelopment Investment Company (TDIC),soutenu par Abou Dhabi, ou Sabic enArabie saoudite se posent en valeurssûres. Certaines obligations corporate,telles que Kipco au Koweït ou la NationalBank of Abu Dhabi (NBAD) ont égalementle soutien financier de membres des auto-rités locales. « Les critères de choix sont

le rapport risque/gain, le rendement et lanotation. Les investisseurs peu friands durisque ne doivent pas s’intéresser auxobligations inférieures à A. » YoussefKamel, cogérant du fonds Future TrendsCapital Fund, mise sur les secteurs desinfrastructures, télécoms et des routes,ainsi que les entreprises de consultantsdans ces domaines. Jean Riachi, prési-dent de FFA Private Bank met en gardecontre les entreprises locales de BTP,notamment en Égypte, et recommande lesindustries de construction qui exportent.Le private equity est aussi un bon moyend’investir dans la région. « Jusqu’ici lesentreprises se finançaient principalementpar la dette, mais la pression sur lesbanques, notamment depuis les accordsde Bâle III, ainsi que les incertitudes poli-tiques et économiques, forcent les entre-prises à relever le niveau de leurs fondspropres par un appel aux investisseursextérieurs », explique Albert Letayf. Lesopportunités peuvent se présenter soit enbourse, soit par des prises de participa-tion directes. Les secteurs à surveillersont ceux de la santé (comme le dévelop-pement d’hôpitaux ou de cliniques) car lesinfrastructures sont sous-développéesdans la région ; ainsi que le secteur agri-cole. FFA Private Bank propose parexemple un fonds spécialisé dans les pro-duits financiers de la région, le “FFA FixedIncome MENA Fund”.

Toufic Aouad : « Nous constatons une inquiétude des investisseurs à court et moyen terme en Égypte et Tunisie, car l’intelligentsia économique était proche du pouvoir. »

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H ausse du pétrole, inflation, baissedes investissements étrangers ettourisme en berne : le Liban res-

sent déjà les conséquences du tumulte dela région depuis le début de l’année.L’Institute of International Finance (IFF)projette une forte contraction de la crois-sance de 7 % en 2010 à 4 % en 2011. Deson côté, le FMI pointe du doigt le ralen-tissement des secteurs du commerce, del’import-export et de la construction. Lesexperts envisagent un déficit supérieur à10 % du PIB, renforcé par la baisse desrevenus fiscaux. La nature de l’impact du tumulte régionalsur le Liban n’est pas encore claire. « Lesstratégies de nombreux groupes libanaisétaient de se diversifier vers ces nouveauxmarchés. Ils ont donc décidé d’adopter uncomportement attentiste tant que la situa-tion restera floue », note Toufic Aouad,directeur de la banque privée d’Audi-Saradar, qui craint que cette paralysie nenuise à l’activité si elle persiste. Lesconséquences peuvent également êtrefavorables, notamment en termes de fluxde capitaux : la solidité du secteur ban-

caire local fait qu’il est considéré parbeaucoup d’investisseurs régionauxcomme un refuge. Mais les problèmespolitiques internes du pays et le vide gou-vernemental écornent cette image. « Enjanvier 2011, il y a eu une pression sur lalivre libanaise avec une vague de retrait decapitaux par les clients, effrayés par la chutedu gouvernement. Mais dès le mois defévrier, nous avons constaté un retour de lacroissance », tempère toutefois TouficAouad. L’autre nuage sont les accusationsde blanchiment qui ont éclaboussé la LebaneseCanadian Bank en février. « L’économie liba-naise a traversé les crises grâce à la soliditéde la BDL et du secteur bancaire, si leurréputation est mise en cause, cela peut êtretrès nuisible », craint Paul Douaihy, direc-teur du Centre de recherches en économieet marchés financiers de l’université deBalamand.

Des investissements protégés par le secteur bancaire

Pour Garbis Iradian, directeur adjoint dudépartement Moyen-Orient et Afrique de

l’IIF, l’absence de gouvernement va affec-ter négativement le tourisme, les investis-sements étrangers et reporter lesréformes urgentes dans l’énergie, lestransports, les télécommunications etl’eau. « Cela met en danger la croissanceà court et moyen terme. » Cette inquiétu-de est partagée par Nassib Ghobril, éco-nomiste en chef qui dirige le départementde recherche et d’analyses à la banqueByblos. « Dans les circonstancesactuelles, l’économie libanaise fait face àla fois à une instabilité régionale etdomestique, qui nuit à tous les secteurs. »Riad Salamé, le gouverneur de la Banquecentrale (BDL), se veut toutefois rassu-rant. « Notre gestion saine a permis destabiliser le marché des devises et le tauxde dollarisation des dépôts bancairess’est stabilisé à 65 %. »Au cours du premier trimestre, lesbanques ont ralenti leurs achats de bonsdu Trésor, ce qui a forcé la Banque cen-trale à mettre la main au porte-monnaie,augmentant ses réserves de 4 milliardsde livres libanaises en trois mois. Cegeste a permis aux taux des eurobonds etdes bons du Trésor de rester stables. Lesclients qui investissent dans la dette sontsurtout des investisseurs institutionnels.Selon Antoine Salamé, associé-gérant ducourtier Optimum Invest spécialisé dans ladette, les taux marquent une légère ten-dance à la hausse, poussée par le rebondmondial général et l’incertitude politiquelocale. « Le marché n’est pas efficace, cequi le rend parfois illogique. Une obliga-tion à cinq ans peut parfois rapporterdavantage qu’une obligation à huit ans enraison du manque de liquidités en plusd’un écart assez important entre le prixd’achat et de vente. » Aux États-Unis, ce“spread” se calcule en fractions de points ;au Moyen-Orient, en temps de crise, ilpeut atteindre des centaines de points debase. « Il faut procéder à une gestiondynamique, être prêt à vendre en casd’instabilité politique ou de variation destaux. Traditionnellement, les profession-

Le Liban doit régler ses problèmesinternes pour profiter de l’instabilitérégionale

Dory Hage : « La clientèle cherche à améliorer ses rendementssur les placements. »

Albert Letayf : « Il y a un déséquilibre, l’offre n’est pas adaptée à lademande, le marché beyrouthin est trop cher pour les Libanais. »

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nels conseillent plutôt de conserver lestitres jusqu’à échéance, mais ce n’estplus payant », remarque le spécialiste.

Succès des fonds de placement

Les banques proposent de plus en plus defonds de placement d’actions, d’obliga-tions ou mixtes, avec en général une misede départ de 50 000 dollars. La plupartdes fonds sont internationaux et mutuels.« Mais les actifs les plus demandés cestrois dernières années étaient les investis-sements locaux », précise Dory Hage, res-ponsable du département conseil enadministration à La Libano-FrançaiseFinance. Les fonds libanais offrent un ren-dement régulier, avec 7 à 10 % d’objec-tif. Nombreux sont les départements degestion d’actifs qui développent les fondsde placement tournés vers la région,notamment l’Arabie saoudite dont le mar-ché d’actions est considéré comme sous-évalué. « Leur “price/earnings ratio”, quicalcule le bénéfice par rapport au prix, estbon actuellement », analyse MichelChikhani, spécialiste de la gestion d’actifschez BlomInvest.Le marché immobilier se stabilise cetteannée. Quelques sociétés d’investisse-ment immobilier ont vu le jour récem-ment, mais le gros des transactions restedes achats individuels à but résidentiel. « Ilexiste un déséquilibre, car l’offre n’estpas adaptée à la demande, le marchébeyrouthin est trop cher pour les Libanais,

même si ces derniers ont de plus en plusaccès aux prêts bancaires », note AlbertLetayf, associé gérant du courtierd’Optimum Invest. La généralisation desprêts devrait toutefois soutenir la deman-de, qui maintiendrait les prix hauts.L’immobilier de bureaux est lui freiné parles infrastructures de télécoms obsolètes. Côté bourse, l’offre est toujours aussiréduite. « Les produits boursiers locaux nesont pas très populaires auprès des inves-tisseurs libanais, qui préfèrent investirdans les marchés étrangers et dans l’im-mobilier », remarque Michel Chikhani.Jean Riachi, président de FFA PrivateBank, conseille d’étudier les actions ban-caires au cas par cas. Selon lui, Solidereest sous-évalué, mais attention l’entrepri-se connaît des problèmes de licences etle secteur de l’immobilier en général com-mence à plafonner. « La réglementationde la Bourse de Beyrouth est obsolète etpas assez développée, l’assouplir permet-trait la création d’un second marché quipermettrait d’investir dans des entre-prises plus modestes, en développement.Cela attirerait des capitaux sur la placefinancière, permettrait de financer lesentrepreneurs libanais et offrirait auxinvestisseurs des rendements élevés »,suggère Albert Letayf. Aujourd’hui, il n’y apas d’investissement à fort potentiel, ni àfort risque. Il conseille également auxinvestisseurs libanais de détenir au moins25 % de leur portefeuille en euro, car laplupart des biens de consommation dans

le pays sont acheminés d’Europe. Les prixde référence des importateurs sont doncen euro, et dès que le dollar faiblit, l’infla-tion augmente dans le pays.

Les dépôts à terme, grands favoris des épargnants

Le succès des dépôts à terme ne sedément pas d’année en année auprès desépargnants libanais. « C’est un placementsécurisé et rentable, la formule préféréedes Libanais », remarque Dory Hage. Letaux est établi selon l’échéance définie aumoment de l’ouverture du compte. La plu-part sont à court terme (jusqu’à 36 mois),sécurisés et rémunérés au taux du mar-ché. Les maturités varient entre sept et18 mois, avec des taux compétitifs enlivres libanaises et en dollars. L’autre rai-son est que, dans un contexte internatio-nal de taux bas, les Libanais préfèrentinvestir dans un risque avec lequel ils sontfamiliers. « La baisse de la dollarisationque l’on observe depuis l’an dernierdonne des taux intéressants », noteMichel Chikhani.

Le livret d’épargne s’éteint progressivement

Le livret d’épargne se caractérise par laremise d’un livret au souscripteur.Contrairement au DAT, il est possible decontinuer à y déposer de l’argent. Le tauxd’intérêt dépend de la monnaie choisie et estlégèrement inférieur à celui du dépôt àterme. C’est pour cette raison, mais aussiavec la baisse du montant minimum requispar les DAT, que le livret d’épargne disparaîtprogressivement.

Plans d’épargne et assurances-vies’affirment

Le secteur de la bancassurance est en pleinboom. « La clientèle cherche à améliorer sesrendements sur les placements », expliqueDory Hage. Les produits sur les études et laretraite sont les plus demandés, avec denouvelles offres chaque jour. Le marché del’assurance-vie a atteint, en 2010, 357 mil-lions de dollars et les primes d’assurancesont progressé de 13 % à 1,2 milliard de dol-lars. « Le client doit bien comprendre que cesont des produits à moyen et long termeavant de s’engager, précise Dory Hage. Ilsservent à diversifier les placements et à offrirune sécurité. »

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Michel Chikhani : « Les produits boursiers locaux ne sont pastrès populaires auprès des investisseurs libanais, qui préfèrentinvestir dans les marchés étrangers et dans l’immobilier. »

Selon Antoine Salamé, les taux marquent une légère tendanceà la hausse, poussée par le rebond mondial général et l’incertitude politique locale.

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financesplacements

Quel est le montant minimum pourinvestir sur les marchés financiers ?Il n’existe pas vraiment de montant mini-mum, mais un portefeuille n’est intéres-sant qu’à partir de 10 000 dollars et leservice de banque privée est proposé àpartir de 250 000 dollars. Les clients quidisposent d’une somme de 500 000 dol-lars peuvent bénéficier d’une allocationcohérente, avec un bon équilibre entre lesdifférents actifs.

Que conseillez-vous pour faire fructi-fier son argent ? La première règle est la diversification,qui n’est pas une simple répartition entreles actifs. L’allocation doit être continuel-lement adaptée aux opportunités du mar-ché en réduisant par exemple la part desobligations lorsque les taux d’intérêt et laprime de risque sont faibles et en aug-

mentant la part des actions lorsqu’ellessont sous-valorisées avec des ratios decours par rapport aux bénéfices faibles etdes rendements de dividende élevés. Ilfaut aussi savoir aller à contre-courant dumarché, tout en prenant des risques biencalculés. Diversification ne signifie pasnon plus accumulation de positions, diffi-ciles à gérer et pouvant affecter la renta-bilité.

Quelles sont les règles de base à res-pecter pour se lancer dans les inves-tissements ?Le plus important est de savoir se fixerdes objectifs précis. Recherche-t-on sur-tout à préserver son capital, à le fairefructifier ou à obtenir des revenus régu-liers ? Il est également nécessaire d’ana-lyser la situation des marchés pour éviterd’investir dans des actifs potentiellementsurévalués.

Quelles sont les différences de straté-gies entre un profil conservateur et unprofil risqué ?La distinction classique d’un profil risquépar rapport à un profil conservateur setraduit généralement par une part plusimportante d’actions dans un portefeuillerelativement aux obligations. Cette dis-tinction est assez basique, car une posi-tion sur un indice d’actions avec unmécanisme de protection peut s’avérermoins risquée qu’une obligation sur unémetteur qui rencontre des difficultésfinancières. Par ailleurs, à vouloir êtretrop conservateur, on aboutit souvent à detrès faibles rendements, alors qu’il suffi-rait parfois de prendre quelques risquesbien calculés pour pouvoir profiter de cer-taines opportunités du marché. Je défini-

rais un investisseur au profil conservateurcomme étant celui qui sait prendre desrisques mesurés et a une vision de longterme. Le profil risqué correspond plutôtaux investisseurs qui aiment spéculer enprenant des positions à court terme surles devises ou sur des actions indivi-duelles.

Quelles sont les caractéristiques desinvestisseurs libanais ?Il y a d’un côté ceux qui ont une grandeaversion au risque, avec une crainte exa-cerbée des marchés boursiers, gardantl’essentiel de leur fortune en cash etinvestissant uniquement dans les bons duTrésor ou l’immobilier. Et de l’autre, ceuxqui au contraire aiment spéculer, surtoutsur les devises. Il faut qu’une catégorieintermédiaire se développe et que lesinvestisseurs libanais comprennent qu’ilexiste des outils d’investissement donnantaccès aux marchés boursiers sansprendre de risques majeurs.

Y a-t-il au Liban toute la palette deconseillers et d’instruments financiersnécessaires à la gestion de porte-feuille ?La plupart des conseillers financiers auLiban ont été formés dans de grandes ins-titutions financières internationales. Lesprincipales banques libanaises ont accèsaux marchés boursiers mondiaux etoffrent une vaste panoplie d’instrumentsfinanciers. Les structures internationalesbénéficient toutefois de plates-formes derecherche et d’analyse très performantesqui permettent de mieux affiner les déci-sions d’investissements, il vaut doncmieux avoir recours à de telles institutionspour les opérations sophistiquées.

Charles Najjar : « Il est possible d’investirsur les marchés boursiers sans risquesmajeurs »Charles Najjar, auteur du livre “Comment placer votre argent”, représentant de la banque UBS au Liban, livre au Commerce du Levant ses astuces pour bien investir.

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