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Toug, tough ou tûg : hampe ornée d’une queue de cheval portant un fanion de commandement de spahis. Elle est surmontée du fer de toug, composé d’une sphère, la “koura”, d’un croissant, le “hilal” et d’une étoile chérifienne pour les spahis marocains.“

Une insigne passion

Page 12

Page 24

Page 5

Pages 28 à 32

Page 26

Bernard Borro et Gilles Dubois collectionnent les insignes, une passion véritable.

Rédaction : Editorial par JF Tixier - Uskub 2003 par JF Tixier - L’esprit spahi par le maréchal des logis Juanola - Amicale et patrimoine par JF Tixier - Le Skumbi et la redoute autrichienne par le colonel Thierry Moné - Une insigne passion par JF Tixier - En quête d’insignes par JF Tixier - Henri Wuilbert un destin de spahi par JF Tixier - Henri-Maurice W(u)ilbert mon héros par Colette Fourel-Wilbert - En souvenir d’Henri Wuilbert par JF TixierConception graphique, mise en page de la partie rédactionnelle : Jean-François TixierConception graphique du logo : Cyril DumontIllustrations : page 10 : dessin du col Thierry Moné - page 18 et 19 : cartes du col Thierry Moné - page 23 : montage et infographie du col Thierry Moné d’après des photos DRCrédit photographique : 1re de couverture : DR - page 5 : JF Tixier - pages 6 et 7 : JF Tixier -page 9 : DR - page 10 et 11 : JF Tixier - page 12 : DR - page 14 : JF Tixier - page 17 : DR - pages 24 et 25 : JF Tixier - page 26 : JF Tixier - page 27 : Bernard Borro - pages 28, 29, 30 et 31 : DR - page 32 : JF Tixier - 3e et 4e de couverture : JF Tixier Remerciements pour leur collaboration à tous ceux qui volontairement ou involontairement ont prêté leur concours à la réalisation de ce magazine, ou figurent sur les photographies de ce magazine.

Envie de vous lancer dans la collection d’insignes, conseils...

L’album souvenir de la prise d’armes.USKUB 2003

N° 4 - Décembre 2003Photographie de couverture : L’adjudant Henri Wuibert en 1918.

Henri Wuilbert, un destin de spahi

Henri-Maurice W(u)ilbert, mon héros

Pages 6 à 8

En quête d’insignes

Parcours d’un homme tout entier empreint par l’esprit spahi.

Le regard d’une petite-nièce sur le héros familial.

Des cavaliers dans Valence

L’esprit spahi

Contribution des lieutenants au lien armée-nation.

Un ancien appelé se souvient.

Page 9

Amicale et patrimoinePoint sur les dernières acquisitions de La Gandoura au profit du patrimoine du régiment.

Le Skumbi et la redoute autrichienneUn fait d’armes du régiment relaté dans le détail avec les cartes des opérations.

En souvenir d’Henri WuilbertDevoir de mémoire.

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En prenant le commandement du 1er Régiment de Spahis, le lieutenant-colonel Bruno Duhesme a fixé ses axes d’efforts. Parmi ceux-ci figurent la cohésion et la revalorisation de “l’identité Spahis”. Ce numéro de “A l’ombre du Toug” va donc s’efforcer de placer ses lecteurs au cœur de “la geste et de l’âme des spahis”.

Le fil conducteur de ce numéro s’appelle Henri Wuilbert. Vous découvrirez dans les pages de ce numéro le portrait de cet homme “spahi dans l’âme”, véritable reflet de l’identité Spahi dont la silhouette a hanté le régiment dix ans durant, de 1916 à 1926. Vous retrouverez également l’ombre de Wuilbert dans le dossier consacré aux combats du Skumbi en 1917. La personnalité de Wuilbert qui ressurgit du passé, nous le devons à un merveilleux hasard qui a mis la petite-nièce d’Henri Wuilbert en présence de l’ouvrage “Les spahis du 1er Marocains”. Y découvrant une photographie sur laquelle figure son grand-oncle, Madame Fourel-Wilbert s’est aussitôt mise en rapport avec le régiment. La mise en commun des documents et des objets possédés par Madame Fourel-Wilbert et de ceux détenus par le régiment et le service historique de l’armée de terre, a permis de reconstituer au mieux le parcours d’Henri Wuilbert, offrant également au régiment l’op-portunité d’une exposition temporaire.

L’année 2004 sera pour le régiment une année de rendez-vous avec son histoire. Histoire récente avec le 20e anniversaire de son installation à Valence et de sa professionnalisa-tion, histoire plus lointaine avec le 60e anniversaire de la libération de Paris et de Strasbourg. Cette année aux temps forts consacrés au passé de notre unité, permettra aux Spahis d’aujourd’hui d’affirmer la richesse de leur identité et de rappeler que souvent le régiment s’est trouvé là où s’écrivait la grande histoire de la France.

Bonne lecture à tous.

L’identitéSpahi

par Jean-François Tixier

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30 septembre 2003.

Alors que le régiment va être enga-

gé dans diverses opérations exté-

rieures, au Tchad, en Guyane, en

Martinique, les spahis sont réunis

pour se souvenir de la prise d’Us-

kub le 19 septembre 1918.

Au cours de la prise d’armes

l ’adjudant-chef Parment ier

reçoit la Légion d’Honneur, tan-

dis que l’adjudant-chef Canaby

fait ses adieux aux armes.

Rare occasion de cohésion

pour l’unité presque au com-

plet - à l’exception du 4e esca-

dron en mission à Djibouti - cette

prise d’armes est suivie d’un

repas de corps entre spahis.

Il faudra désormais attendre qua-

siment le mois de juin 2004 pour

retrouver un régiment regroupé à

Valence. Le régiment fêtera alors

ses 20 ans de présence dans la

capitale drômoise.

Album souvenir de cette journée.

2

USKUBUSKUBL’album souvenir

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20033

USKUBUSKUB

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Dimanche 5 octobre, l’Office de Tourisme et des Congrès de Valence fêtait ses 100 ans. Pour célé-brer l’événement, un grand défilé était organisé au travers de la ville. Du départ sur le parvis de la gare, le tracé qu’empruntait le cortège, reliait sym-boliquement l’office de tourisme au monument le plus représentatif de Valence, le kiosque Peynet.

Le 1er régiment de spahis toujours prêt à renforcer ses liens avec Valence et ses habitants, était de la parade au travers des lieutenants. Ceux-ci délais-saient leurs habituels AMX 10 RC pour des mon-tures plus conformes aux origines de la cavalerie...

des chevaux. Le parcours leur donnait l’occasion de parader sous les fenêtres de l’appartement qu’occupa un autre lieutenant célèbre... Napoléon, qui résida un temps dans la Grand’rue face à la maison des têtes.

Cette journée au cours de laquelle la météo sut se montrer clémente, fut l’occasion pour les valentinois d’immortaliser les lieutenants du régi-ment, sanglés dans la tenue historique (gandoura, sarouel, burnous et calot) avec en fond de décor le kiosque Peynet ou le château de Crussol.

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VALENCEDes cavaliersdans

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La volonté de dépassement de soi, le désir de se montrer digne de l’exemple des anciens et de perpétuer l’image des spahis, cet “esprit spahi” était-il possible dans un régiment presque exclusive-ment composé d’appelés-? L’exemple donné par les officiers et les sous-offi-ciers pouvait-il avoir rapidement quelque influence sur une jeunesse qui semblait peu préparée au devoir national-? La question se pose d’autant plus que la “légère” recrutait bon nombre d’étu-diants, plus âgés donc moins malléables mais également souvent contestataires.

Pour les jeunes générations, rappelons le contexte des années 70 puisque l’his-toire que nous allons conter se situe à cette époque.

En pleine période de prospérité éco-nomique, sortir du cocon familial pour un régime de discipline ne portait pas à l’optimisme. L’entraînement, parfois rude, contrastait avec une vie civile où le sport n’était pas pratiqué comme il l’est aujourd'hui. La période de plein emploi ne prédisposait pas aux 0,70 francs par jour que percevait un appelé (5 francs et 5 marks par quinzaine pour un sous-officier appelé). La menace de l’Est que nous étions censés contenir était con-testée dans l’opinion.

Nous sommes fin octobre 1968, la 68-2/B termine ses classes. Quatre-vingt-dix jeunes appelés de toute la bordure méditerranéenne sont arrivés début septembre. Ce matin là, le capi-taine commandant le groupement d’ins-truction (4e escadron) convoque dans son bureau six spahis. Nous sommes sélectionnés pour passer les tests E.O.R. (élèves officiers de réserve). Nous parti-rons deux jours à Commercy. Nous devons y représenter dignement les spahis et pour cela nous nous dépla-cerons en tenue d’été.

A notre arrivée, nous avons perçu un paquetage conforme à l’esprit de l’épo-que, c’est à dire pas très seyant. Par

contre, pour représenter dignement le régiment le tenue de sortie d’été a été retouchée avec soins par un tailleur des plus attentionné-: pantalon taille basse retaillé, chemise légèrement cintrée... rien de comparable avec la tenue du “bidasse” moyen.

Immédiatement notre inquiétude est grande. Si l’arrière saison dans le Palatinat est clémente, il ne doit pas en être de même dans la Meuse. Après plusieurs changements de trains, le dernier qui nous conduit à Commercy est presque exclusivement composé de militaires, aviateurs en manteaux, artil-leurs en capotes, chasseurs en gros drap... Sur le quai de la gare, il semble faire un froid très vif, un “djihali” digne des Hauts Plateaux de l’Atlas auraient dit nos anciens. Nous restons les der-niers dans notre compartiment. Pour ne pas montrer nos faiblesses, nous convenons de rester hautains. raides, souverains, nous ne nous mélangeons pas. Objets de tous les regards, notre attitude fait mouche, on nous traite avec respect, nous sommes les pre-miers à monter dans la navette. Au centre de sélection, nous affichons le même dédain, et nous voilà respec-tés. Les autres sont poussé à s’instal-ler rapidement dans les salles de cours, de conférence, de tests, au réfectoire... pour nous-: “six places pour les spahis”. Le soir, pas question de s’entasser avec les autres au foyer, nous arpentons le hall non chauffé.

Mais le plus spectaculaire reste à venir. Le lendemain, un homme prend la situation en main. Il est là par hasard ou plutôt par obligation, 26 ans, pour nous un vieux, professeur de philosophie à Perpignan, il a plus d’un tour dans son sac. Pour mon-trer que nous sommes vrais spahis, dit-il d’un ton assuré, allons arpenter la cour d’un pas décidé. Aussitôt dit, aussitôt fait. Les dents serrées, le torse bombé, nous affrontons les rigueurs du climat, tous les regards sont braqués sur nous. Croyez-vous que le froid ramollis-

se l’esprit de notre catalan ? Pour montrer not re détermi -nation, sortons-!!! rajoute-t-il. Nous passons devant la sentinelle impassible. Du coin de l’œil, nous aper-cevons le sous-officier de garde, assis derrière sa table, les yeux rivés sur son registre. Immédiatement, notre effet assuré, nous entrons nous réchauffer dans le bar d’en face. Mais bien vite, il nous pousse à aller faire un tour dans l’artère principale de la ville pour nous montrer à la population. Notre pas-sage ne passe pas inaperçu. Il est grand temps de rentrer, le froid commence à nous gagner. Le retour est tout aussi tranquille. A l’admiration se joint une certaine crainte, nous racon-tons notre aventure comme quelque d’évident, nous avons marqué notre passage. Nous avons hâte de retrouver les couvertures.

par le maréchal des logis Juanola, appelé 68-2/B

L’Espritspahi

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L’année dernière, lors de son assemblée géné-rale, “La Gandoura” avait intégré dans son plan de financement une somme consacrée à l’ac-quisition de nouvelles pièces au profit du patri-moine régimentaire. L’amicale au travers de cette démarche concrétisait ainsi un des buts de l’association.

L’année 2003 a donc été l’occasion du finance-ment de plusieurs pièces destinées à enrichir les collections de la salle d’honneur.

L’effort a particulièrement porté sur la pério-de Grande Guerre, avec l’achat de trois piè-ces. Tout d’abord une casquette autrichienne, ainsi qu’un quart autrichien qui vont rejoindre, dans la salle d’honneur, la vitrine consacrée à la première guerre mondiale. Agrémentées d’un pistolet Steyr qui figurait déjà dans la vitrine et d’insignes autrichiens qui se trou-vaient en réserve, ces pièces permettront d’évoquer l’ennemi que les spahis ont si souvent affronté sur le front d’Orient. La troisième des pièces acquises au cours de cette année, est un baudrier du modè-le que portaient les spahis avant d’être dotés du baudrier saharien. Cette pièce rare et difficile à trouver devrait permettre à terme d’équiper un mannequin de Spahi qui prendrait place aux côtés du cheval.

En fond de page gros plan et détail de la casquette autri-chienne.

Ci-dessous un quart autrichien, qui va compléter la vitrine Grande Guerre.

par Jean-François Tixier

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Avis de rechercheAfin de compléter l’équipement du cheval qui se trouve en salle d’honneur, le régiment est à la recherche d’un collier à cartouches modèle 1916 (du modèle de celui représenté ci-contre). Ce collier est constitué de deux sangles en tissu écru, cousues l’une sur l’autre pour former 18 alvéoles. Les pattes de fermeture sont en cuir de vache grené. Chaque alvéole reçoit deux chargeurs à 3 cartouches de 8-mm Lebel, soit un total de 108 cartouches pour le collier. Toute personne qui découvre cet objet chez un brocanteur peut se faire connaître soit auprès du bureau de l’amicale, soit auprès du responsable patrimoine.

Amicale et patrimoine

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Ci-dessus la casquette autrichienne acquise par l’ami-cale. Elle rejoint les pièces de la vitrine consacrée à la Grande Guerre, permettant d’évoquer ainsi l’ennemi que le régiment a si souvent affronté dans sur le front d’Orient.

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Périodiquement vous pouvez croiser la longue sil-houette du Docteur Alain Gayet dans les murs du 1er Régiment de Spahis. Ancien du 1er Régiment de Marche de Spahis Marocains (1er RMSM), com-pagnon de la Libération, cet homme, Français Libre de la première heure, ne manque jamais une occa-sion de témoigner son attachement à son ancien régiment. Membre du conseil d’administration de la Gandoura, il est le lien entre les anciens du 1er RMSM et le 1er Régiment de Spahis actuel. Lors de son dernier passage à Valence pour la commé-moration de la prise d’Uskub, le Docteur Gayet a une nouvelle fois fait la démonstration de son inté-rêt pour le régiment. Il a en effet profité de cette date pour offrir l’insigne régimentaire qui fut le sien au sein de la 2e division blindée (voir photo ci-con-tre). Cet insigne du modèle fabriqué par le joaillier Mellerio, date de fin 1944. Il rejoint le calot que rouge ainsi qu’une montre et divers insignes de bras dont le Docteur Gayet avait fait don au régiment lors d’un passage précédent, permettant d’enrichir la salle d’honneur de pièces précieuses. Qu’il soit ici remercié au nom de tous les spahis.

Don du Docteur Gayet

Les photographies de ces objets, présentées dans ces pages, permettent aux amicalistes d’apprécier l’action de l’amicale, avant que de profiter de visu lors d’une visite dans la salle d’honneur du régiment, de l’apport de ces piè-ces au patrimoine des spahis.

L’amicale a également au cours de cette année 2003, financé la plaque des “chemin de la mémoire” apposée sur le gymnase et consa-crée au lieutenant Wuilbert.

Ci-contre un baudrier de cuir du modèle de ceux qui équipaient les spahis avant qu’il ne perçoivent des baudriers de modèle saharien.

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Après la prise de Pogradèts le 10 septembre 1917, le général Sarrail décida de donner quelques “coups de poing” destinés à empêcher une quelconque réaction offensive ennemie qui aurait pu placer la petite ville sous le feu de l'artillerie. Le premier de ces “coups de poing” fut donné le 21 septembre 1917. Une reconnaissance offensive est lancée à partir de la région de Cervenaka sur Homes et Golik (cf. carte 2) avec un bataillon du 372e régiment d'infan-terie, un tabor de trois cents Albanais et la moitié du 5e escadron du RMSM, le tout appuyé par quelques canons de montagne. Cette opération, minutieusement préparée, correspond parfaitement à la définition moderne du “raid” et rapporte 442 prisonniers autrichiens, dont sept officiers et trois aspirants, ainsi que cinq mitrailleuses. La reconnaissance offensive ne constituait pas le seul mode d'action mis en œuvre par les troupes françaises. La sûreté des forces amies déployées dans les zones autrefois occupées par l'ennemi impliquait également des mesures plus proches d'actions de police que d'actions de guerre. C'est ainsi que le RMSM reçut la mis-sion d'aller perquisitionner chez les suspects pour y ramasser armes et munitions qu'ils pourraient cacher. Pour espérer obtenir un quelconque résultat dans ce type d'opération, il faut que la surprise joue à plein et que les villages choisis soient investis simultanément. Le 2 octobre, c'est donc à 7 heures du matin que les pelo-tons désignés effectuent simultanément les fouilles dans une série de villages entre le Dévoli et le lac Malik (cf. carte 1).

par le colonel Thierry Moné

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Le Skumbiet la redoute autrichienne

UN FAIT D’ARMES DU RÉGIMENT

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Un autre “coup de poing”, de plus gran-de ampleur, allait être donné afin de mettre Pogradèts à l'abri de toute surprise. La division d'infanterie provisoire du général Jacquemot était de nouveau mise sur pied à cette occa-sion (cf. carte 2). La manœuvre envisagée consistait à attaquer de front la ligne princi-pale ennemie et à la faire tomber par une large action de débordement menée à l'ouest. Le succès de l'entreprise était conditionné par la rapidité d'exécution de ce large débordement justement confié aux spahis du 1er Marocains. On constitua trois colonnes pour mener cette opération. La première, dite “Fillonneau”, comprenant deux bataillons du 175e régiment d'infanterie (175e RI) un bataillon indochinois et plus de trois batteries d'artillerie-; cette colonne devrait attaquer parallèlement à la rive du lac d'Orhid. La deuxième colonne, dite “Ruillier”, s'articulant autour du 176e RI ren-forcé de deux batteries d'artillerie, attaquerait la ligne de défense ennemie protégeant direc-tement l'accès à Golik. La troisième colonne, la colonne “Dupertuis” comprenait le RMSM à cinq escadrons de cavalerie et sa compagnie de mitrailleuses. Pour l'occasion, le RMSM se vit renforcé par le 47e bataillon de tirailleurs sénégalais (47e BTS) du chef de bataillon Bontemps, par une compagnie du Tabor alba-nais commandée par le sous-lieutenant Vacel et par la batterie de 65 mm Courtailhac du groupe d'artillerie de montagne divisionnai-re. La colonne Dupertuis devrait déborder à l'ouest du cours principal du Skumbi afin de faire tomber les défenses au profit des deux autres colonnes. Aucune des colonnes enga-gées n'avait vocation à s'aligner sur la pro-gression d'une autre mais on sentait bien que le RMSM devrait faire peser rapidement une menace sur le flanc ouest et les arrières enne-mis. Au niveau de la DIP, quelques éléments étaient conservés aux ordres, en particulier le 49e BTS, le Tabor albanais et le 99e BTS, char-gés de la couverture du dispositif de la DIP face à l'ouest (cf. carte 1).

Le 16 octobre 1917, le RMSM quitte son bivouac1 à la nuit et arrive au sud de Progradèts vers minuit. Ménageant ses montures chargées de vivres chichement comptés et des muni-tions nécessaires pour soutenir plusieurs jours de combat, le RMSM emprunte à pied, dès le lendemain matin, le sentier muletier qui grimpe dans la montagne en partant de Pogradèts et passe par la cote 1326 après plus de 600 mètres de dénivelée. La montée est certes pénible, mais la descente est dangereuse pour

les hommes et les animaux du fait de la forte pente ; le RMSM atteint le bivouac de Malina au milieu de la nuit. Le lendemain après-midi, le RMSM repart de nouveau à pied2 et franchit un bras du Skumbi avant d'atteindre Cesme Siperme où il s'installe à contre-pente afin de se soustraire aux vues de l'ennemi. Juste avant la nuit, les officiers font une rapide et discrète reconnaissance sur la crête en vue de l'action du lendemain. Les pentes aménagées par l'ennemi sont bien en face, mais un obsta-cle de taille doit être franchi pour y accéder-: le Skumbi. En effet, ce bras du Skumbi constitue un véritable obstacle naturel que le lieutenant-colonel Guespereau décrit ainsi-: “Ce que la carte ne peut pas nous faire sentir, c'est que le Skumbi roule au fond d'un ravin surplombé par des falaises de 300 à 400 mètres, les unes en escarpements rocheux, inabordables, d'autres garnies de quelques bois de chênes au travers desquels on ne passe à pied qu'avec d'énor-mes difficultés et en se cramponnant à chaque arbre. C'est par là cependant que le régiment de spahis marocains devra progresser dans la matinée du 19 octobre”. Cette contrainte prise en compte, le chef de corps décide de laisser les chevaux à Cesme Siperme avec un spahi de garde pour six chevaux et de ne les faire rejoindre que lorsque les défenses statiques ennemies seront tombées3. A présent, le colo-nel Dupertuis peut expliquer à ses subordon-nés l'ordre initial qu'il vient de rédiger pour les opérations du lendemain.

Après avoir débouché de la ligne de crête qu'il vient de reconnaître et franchi le Skumbi, le colonel Dupertuis a l'intention de faire tomber les lignes avancées de défense ennemies dans la journée du 19 (le triangle Loznik---Stabinja---Velicani Mokra qui domine et contrôle le cours du Skumbi dans le secteur), puis de s'attaquer à l'extrémité ouest de la ligne de défense prin-cipale. L'articulation choisie pour la colonne est simple-: deux demi-régiments en premier éche-lon, chacun renforcé d'emblée de deux sec-tions de mitrailleuses et, en deuxième échelon, le bataillon de tirailleurs sénégalais. Le colonel Dupertuis prévoie également des éléments de sûreté sur ses deux flancs puisqu'il n'a aucune colonne amie à proximité immédiate. Enfin il désigne le village de Stabinja comme premier objectif prioritaire à battre par les feux de son artillerie. Les grandes lignes sont en place, la suite sera affaire d'ordres de conduite donnés en fonction des événements.

Le 19 octobre 1917 à l'aube, le regroupement

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1. Le RMSM bivouaquait à Veliterna-Svirna.

2. Avec la batterie d'artillerie et le poste de TSF qui ont rejoint le régiment.

3. Les chevaux rejoignirent les escadrons dans la nuit du 19 au 20 octobre

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du RMSM à contrepente n'a toujours pas été détecté par l'ennemi. Les spahis franchis-

sent d'un bond la crête de Cesme Siperme et dévalent la pente qui mène au Skumbi

sans chercher à riposter aux premiers tirs ennemis qui crépitent. Cette fois

l'alerte est bien donnée et c'est sous un tir nourri que le régiment franchit le torrent avec de l'eau jusqu'à la taille. L'escalade du versant opposé s'effectue dans la foulée. A gauche, le chef d'es-cadrons Ving et son 2e demi-régi-ment attaquent en direction de Loznik. A droite, c'est le 1er demi-régiment du lieutenant-colonel Guespereau qui attaque en direc-

tion de Stabinja avec derrière lui, sur le même axe, le chef de corps

suivi du 47e BTS. Les deux premières localités sont bien aménagées avec des tranchées et des murs en pierres mais, à 10 heures, le RMSM en est maître. Sans laisser à l'ennemi le temps de souf-

fler et de se reprendre, les défenses de Velikani Mokra sont attaquées. C'est une

autre paire de manches car la position cons-titue un verrou très bien aménagé et très bien défendu. Cependant, du fait de la rapidité de progression et de la concentration des efforts, le verrou saute à 13 heures et ce, malgré des tirs d'artillerie ennemis appliqués depuis deux heures avec une surprenante précision. On se demande même où se cachent les observa-teurs qui règlent les tirs des 105 mm avec une telle précision et une telle opportunité ; l'expli-cation viendra un peu plus tard, en attendant l'adversaire décroche et abandonne la posi-tion. Lors de ces attaques, les mitrailleurs du RMSM poussent leurs pièces au plus près des escadrons qu'ils appuient, quel que soit leur rythme de progression. Les sous-lieutenants Pernet et Pierre, tous deux chef de section de mitrailleuses, manient les outils de parc afin d'aménager rapidement des rampes d'accès pour leurs pièces-; avec leurs spahis ils tracent rapidement des chemins à la hache dans des fourrés impénétrables et prennent les positions les plus à même de faire taire les mitrailleu-ses ennemies. Cette volonté de “coller” à la manœuvre n'est pas sans risques et si l'ac-tion des mitrailleurs épargne le sang des spa-his lancés à l'assaut, ils payent un lourd tribut, focalisant sur eux-mêmes les tirs adverses-; le brigadier Charles Bergne vient justement d'être tué à la tête de sa pièce, alors qu'il con-

trebattait le tir d'une mitrailleuse autrichienne. Le régiment ne prend pas le temps de souffler et maintient la pression en s'engageant résolu-ment vers la ligne de défense principale. A pré-sent, le 2e demi-régiment de Ving progresse en tête et parvient à 900 mètres à l'ouest de la redoute autrichienne4, dans un endroit que les artilleurs vont baptiser “la maison Dupertuis”. La progression des spahis a été surprenante de vitesse malgré le terrain et l'ennemi et la batte-rie de 65 mm de montagne ne rejoindra que dans la nuit avec trois pièces sur quatre, aus-sitôt mises en batterie à l'ouest de la fameuse redoute autrichienne. Le jour va se lever sans que le bataillon sénégalais de deuxième éche-lon ait réussi à recoller au dispositif du RMSM. Lors de cette première journée de combats, le RMSM a perdu cinq tués et onze blessés5.

Le colonel Dupertuis met en place son disposi-tif pendant la nuit et, au petit jour du 20 octobre 1917, la redoute est attaquée par le demi-régi-ment du chef d'escadrons Ving à qui le chef de corps a donné en renforcement le 5e escadron du capitaine Rolland. Le 1er demi-régiment, réduit à deux escadrons, flanc-garde l'élément d'attaque sur sa gauche. Les spahis des capi-taines Bonnafous, Beaudenom de Lamaze et Rolland s'approchent des défenses externes de la redoute en se glissant par tous les che-minements défilés et en tirant parti de tous les angles morts. Malgré le balayage systématique des glacis et des obstacles par les mitrailleu-ses ennemies, les spahis de l'élément d'assaut parviennent au pied des réseaux de barbelés qui entourent les retranchements. Commence alors pour certains l'exercice périlleux d'une “reptation” un peu particulière car effectuée sur le dos, cisailles à la main, afin de pratiquer des passages dans les réseaux de barbelés. Les obus étant comptés, les trois pièces de 65 mm ne peuvent effectuer qu'une courte prépa-ration d'artillerie sur la redoute.

Les mitrailleuses obligent l'ennemi à se ter-rer dans ses abris et, au signal, reportent leur tir vers d'autres secteurs… Soudain, c'est le déclenchement de l'assaut. Le chef d'es-cadrons Ving s'élance, son fanion à la main, entraînant cette vague d'assaut de trois esca-drons pour submerger les défenses adverses. Le trompette Paul Pezzoli, agent de liaison au 4e escadron, s'élance avec ses camarades en sonnant la charge ! Au 3e escadron, le trom-pette Ahmed ben Hamadi n'est pas en reste et sonne également la charge pendant l'assaut…

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4. La redoute autrichienne est appelée parfois “redoute de Stavanj” dans différents compte-rendus.

5. Lors de la journée du 19 octobre, c'est le 1er escadron qui subit les pertes les plus sévères avec 4 tués et 4 blessés. Au 1er escadron, sont tués-: le maoun Mohamed ben Bellaoui et les spahis Brahim ben Rahal, Mohamed ben Ahmed, Regragui ben Smaïn. A la compagnie de mitrailleuses, le brigadier Charles Bergne est tué

Une casquette autrichienne

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Les grenadiers entrent en action, le corps à corps est inévitable. Face aux spahis, l'enne-mi n'a pas du tout l'intention de céder et se défend bec et ongles. Le choc est terrible, en particulier au niveau des 4e et 5e escadrons qui sont directement sous le feu de mitrailleuses qui n'ont pu être neutralisées. Les mitrailleurs autrichiens se font tuer sur leur pièce après avoir lutté de toutes leurs forces pour ten-ter d'endiguer la vague qui déferle sur eux. Jusqu'au bout, l'adversaire se bat avec énergie, sans aucune défaillance. Du côté des spahis, il y a beaucoup de casse mais à aucun moment l'élan n'est brisé, la vague d'assaut traverse les défenses et se met en garde, prête à affron-ter une éventuelle contre-attaque d'éléments extérieurs. La vague d'assaut fait ses comptes : sept tués6 et trente et un blessés ! A lui seul, le 5e escadron déplore six tués et seize blessés ; parmi ses morts, trois spahis, deux maréchaux des logis et son capitaine, Raymond Rolland, frappé en plein cœur dès le début de l'assaut. La densité du feu a été telle que certains ont reçu plusieurs blessures durant cet assaut-: le maréchal des logis Henri Wuilbert a été frap-pé par quatre balles7-! Soixante-dix prison-niers sont entre les mains des spahis8 et cinq mitrailleuses ont été prises-: l'une d'elle, trop endommagée, est détruite sur place, une autre est emportée par la compagnie de mitrailleu-ses du RMSM et les trois dernières sont aus-sitôt retournées vers la zone dangereuse, vers le prolongement des lignes de défense autri-chiennes. Au 4e escadron, le lieutenant Vellard et son peloton ramassent rapidement le butin qu'il découvrent dans le poste de comman-dement d'un capitaine-: quelques documents intéressants, des boites de conserves et… un phonographe ! Les spahis comprennent éga-lement pourquoi les tirs d'artillerie de la veille étaient si bien réglés lorsqu'ils font main basse sur une superbe lunette d'approche aux gros-sissements 18-36 et 72-; une merveille d'opti-que, immédiatement “libérée” et qui nécessita l'emploi d'un mulet pour rejoindre les lignes amies et qui fut même acheminée ultérieure-ment à Rabat.

Un peu plus au nord, les 1er et 2e escadrons menés par le lieutenant-colonel Guespereau ont progressé vers le Proni Stravajit qui coule au fond de la vallée, faisant au passage des prisonniers. Le colonel Dupertuis sait que la

mission donnée à sa colonne par le général Jacquemot n'est pas encore complètement remplie ; il sait que ce dernier lui a bien précisé que le succès de la colonne Ruillier qui atta-que vers Golik dépend de la menace qu'il fera peser à l'ouest de la ville. Il faut donc conti-nuer le mouvement de débordement au nord de cette crête organisée en ligne de défense par les Autrichiens. Il faut continuer en dépit du danger latent de contre-attaque par des unités ennemies envoyées à la rescousse. Un pre-mier danger de cet ordre est écarté lorsqu'un bataillon ennemi est détecté, venant de l'ouest et progressant en début d'après-midi vers Velikani Mokra. Le colonel Dupertuis prélève la compagnie de tirailleurs sénégalais placée initialement en élément de sûreté à sa droite et l'envoie à hauteur de la “maison Dupertuis”, en couverture face à l'ouest. Une reconnais-sance d'officiers, envoyée pour évaluer le dan-ger, rapporte qu'un bataillon autrichien venant d'El Basan a été efficacement pris à partie par le Tabor albanais et que le 47e BTS, ayant compris le danger, s'est installé en coup d'ar-rêt face à l'ouest, au niveau des hauteurs de Velikani Mokra. Reste l'éventualité d'une ten-tative de reprise de la redoute par les forces autrichiennes du prolongement de la ligne de crête. Même si une contre attaque venant de ce secteur semble probable, le colonel Dupertuis évalue les risques et prend sa déci-sion : le 5e escadron, le plus éprouvé par l'as-saut du matin, tiendra la redoute renforcé des trois mitrailleuses de prise, le reste du RMSM relancera le mouvement de débordement vers Golik.

Cette décision va être lourde de conséquen-ces et constitue un tournant de l'opération. En effet, à partir de ce moment les choses se gâtent pour les spahis : à deux kilomètres de la redoute, les escadrons sont bloqués au bord d'un à-pic qui domine les eaux tumultueuses du Proni Stravajit. Simultanément, un très vio-lent orage éclate dans la nuit noire et cloue sur place les escadrons. Malgré tout, une recon-naissance se met en quête d'un cheminement pour traverser le torrent et tâter le terrain du côté de Stranik-; elle rend compte que le vil-lage est très faiblement tenu. Les éléments continuent de se déchaîner et la progres-sion ne pourra reprendre qu'au lever du jour. Justement, au moment où le jour se lève, alors

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6. Bilan de la journée du 20 octobre 1917. Au 4e escadron, le brigadier Jean André meurt de ses blessures le len-demain. Au 5e escadron, sont tués-: le capitaine Raymond Rolland, le maréchal des logis-fourrier Jean Deprouri, le maréchal des logis Victor Berlandi et les spahis Aoumar ben Abbes, Mohamed ben Embarek et El Boui ben Ahmed.

7. Le certificat d'origine de blessure de guerre précise-: “a été blessé d'une balle au pied, d'une balle à la cuisse et d'une balle au bras droit à Stravanj (Albanie)”. Par contre, sa citation à l'ordre de l'Armée précise qu'il a été frappé par quatre balles.

8. Parmi ces prisonniers, seulement deux officiers dont le lieutenant allemand qui commandait la batterie d'artillerie.

Henri Wuilbert, blessé par 4 balles, écrit à sa mère “Oui le régiment à la fourragère mais payée bien chèrement, et combien de camarades y sont restés. Je suis parti à l’at-taque avec 25 hommes, 6 sont revenus, les autres c’est fini pour eux...”

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que les spahis trempés se préparent à franchir le torrent, une vive fusillade éclate du côté de la redoute. Le lieutenant-colonel Guespereau est envoyé à la rescousse avec son demi-escadron mais arrive trop tard-: un bataillon autrichien a chassé de la redoute la cinquantaine de spahis du 5e escadron en contre-attaquant d'un bloc. Les 1er et 2e escadrons parviennent à une cen-taine de mètres de la redoute et sont pris sous le feu de mitrailleuses ennemies parfaitement installées. Le 47e bataillon sénégalais du com-mandant Bontemps rejoint et vient renforcer le début d'encerclement de la redoute. De même, la compagnie de mitrailleuses et le 3e esca-dron rallient le dispositif. Le colonel Dupertuis veut reprendre la redoute malgré le compte rendu du lieutenant-colonel Guespereau qui se rend bien compte que l'ennemi est en force, puissamment armé et que le feu croisé de nombreuses mitrailleuses briserait inexora-blement tout assaut. Il obtient seulement que les soixante derniers obus de 65 mm soient tirés juste avant l'assaut prévu pour 15 h 30. A l'heure dite, le lieutenant-colonel Guespereau va s'élancer avec la vague d'assaut, lorsqu'il reçoit l'ordre de son chef de stopper sur place et de se préparer à décrocher… Le colonel Dupertuis venait de recevoir de la DIP l'ordre suivant9-: “Dégagez-vous tout en gardant le contact pour maintenir ennemi sous menace attaque, rendez-compte emplacements troupe résultant de ce mouvement”. En fait, les deux autres colonnes n'avaient pas pu traverser les premières lignes ennemies et aucun de leurs objectifs n'avait donc été atteint.

Sous une pluie glaciale, débute alors une phase très délicate du combat qui consiste à rompre le contact sous le feu de l'ennemi. En l'occur-rence, l'exercice est d'autant plus périlleux que l'artillerie de la colonne Dupertuis n'a plus de munitions. Malgré tout, le décrochage s'ef-fectue en bon ordre et les unités s'installent en position défensive à 1200 mètres à l'ouest de la redoute pour aborder, dans la boue, une nouvelle nuit glaciale. C'est l'heure du bilan et de la rédaction d'un ordre de mouvement bien délicat. Au bilan, au cours de cette difficile journée du 21 octobre, le RMSM perd quinze tués et trente-trois blessés10 . Ces blessés, il faut les brancarder vers l'arrière, l'ambulance alpine n'ayant pas pu traverser le Skumbi. Il faut surtout procéder avec méthode sous

peine d'obstruer les rares sentiers praticables. Les premiers à partir sont les chevaux qui se sont rapprochés chaque soir des bivouacs dans l'hypothèse d'une exploitation dans la profondeur-; ils partent immédiatement, un spahi conduisant six chevaux. Puis vient la TSF et ses mulets. Au petit jour, c'est le tour des blessés auxquels les unités de combat laissent le temps d'être largement hors de portée de l'ennemi avant d'entamer un repli “en tiroir”, un escadron étant en position de coup d'ar-rêt pendant qu'un autre se replie pour occuper plus loin une autre position de coup d'arrêt, recueillir celui qui le précède et ainsi de suite. Le RSM et le 47e RTS se replient parallèlement de cette façon, chacun ayant fractionné ses forces en deux sous-ensembles. Le terrain est épouvantable pour les blessés et, heureuse-ment, l'artillerie ennemie n'est pas trop active. Malgré tout, le RMSM a encore trois hommes tués11. Vers 11 heures, tous les éléments de la colonne sont rétablis sur la crête de Velicani Mokra qui permet de contrôler toute activité ennemie plus au nord. Les chevaux poursui-vent vers le sud, n'étant d'aucune utilité dans le cas présent. Aussitôt débutent les travaux d'organisation du terrain afin de pouvoir faire face à un retour offensif de l'ennemi. Pendant quatre jours les spahis creusent des positions d'armes collectives et des tranchées pour s'ac-crocher au terrain choisi. En face, l'ennemi fait de même pour ne pas risquer une autre mau-vaise surprise et la redoute se renforce de jour en jour. Chaque jour, les batteries ennemies arrosent la crête de Velicani Mokra. Le RMSM demeure sur cette position pendant vingt et un jours-! Enfin, le 11 novembre 1917, il est relevé et passe en réserve d'armée. Le chemin du retour est difficile car les crues ont rendu dangereuse la traversée du Skumbi et certains spahis resterons plusieurs heures dans le cou-rant pour aider leurs camarades et faire passer armes collectives et bagages. Par étapes suc-cessives le RMSM regagne Pogradèts et s'en-gage en sens inverse sur l'itinéraire emprunté début septembre, passe le col de Pisodéri (1527 m) sous une tempête de neige, pour atteindre Florina et le cantonnement d'hiver-nage de Kadjilar à une trentaine de kilomètres à vol d'oiseau au sud-ouest de Florina (cf. illus-tration page 23).

9. L'ordre d'arrêter l'opération venait de Paris où le ministre Painlevé recevait de plus en plus de doléances d'Etats peu enclins à fournir sur place un effort militaire, mais très soucieux de tirer de leur présence le maximum de dividen-des pour l'après-guerre. Le général Sarrail voyait clair dans l'action de certains chefs de contingent alliés-: “Je ne me mêle pas de politique générale, mais au point de vue militaire, j'estime que nous ne pouvons évacuer Koritza, ni laisser aux Italiens Pogradec. Il y aurait des insurrections, le passage à l'ennemi de nos gendarmes d'Albanie, le retour dans nos lignes où ils resteraient inutilisables et sèmeraient l'indiscipline du contingent d'Essad. D'autre part, une brigade italienne fuirait devant les Autrichiens […]” (S.H.A.T., 6 N 200, Sarrail à Decrais, N° 171, 29/09/17). Malgré tout, la poli-tique l'emportait sur la logique militaire.

Le texte de ce dossier, rédigé par le colonel Thierry Moné, est issu d’un ouvrage à paraître début 2004 “Du bur-nous rouge au burnous bleu, les Spahis du 1er Marocains dans la Grande Guerre”.

Tous droits réservés, © Thierry Moné, 2003

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Les spahis du 1er Marocains ne combattent pas seuls. Dans son rapport de fin d’opération, le colonel Dupertuis écrit : “Le 47e Bataillon Sénégalais quoique tard mettre en ligne. Offic Salonique, à gauche, un autre tirailleur au repos. En fond, une carte autrichienne où figure le village d’hivernage du RMSM : Kadjilar (Caldzilar).

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insigneBernard Borro n’est pas encore militaire que déjà il s’intéresse à l’insigne et à la symbolique et débute en 1975 sa première collection. En 1979, le sort lui joue un mauvais tour, puisqu’il se fait voler pratiquement toute sa collection d’in-signes. Ce vol met un terme provisoire à sa voca-tion de collectionneur, et il suspend pendant près de huit ans son activité. Une suspension toute relative, puisque le démon du collectionneur couve toujours en lui et qu’il continue à accumuler des insignes, mais “pas de manière sérieuse” dit-il.

En 1996 alors qu’il est en garnison à Canjuers, Bernard Borro devient le fondateur d’un club d’héraldique dans le cadre du Club Sportif et Artistique de son unité. Une initiative qui draine chaque année entre 5 et 20 adhérents. L’occasion d’aller présenter dans le secteur civil sa collection, au profit d’associations d’anciens combattants ou des communes environnantes.

Aujourd’hui l’adjudant-chef Borro est à la tête d’une collection de plus de 1600 insignes. Même si ce chiffre comprend un volant d’environ 200 insignes en double, la collection reste impression-nante. Bernard Borro a orienté celle-ci principa-lement vers l’arme blindée cavalerie, et possède aujourd’hui la totalité des insignes actuels des régiments d’active. La prochaine étape est d’élar-gir ses recherches aux anciens insignes et aux insignes des régiments aujourd’hui disparus. De longues recherches en perspective, qui devraient plutôt réjouir notre collectionneur, qui confie “le plaisir c’est de pouvoir compléter sa collection, de trouver un insigne rare”. Une évolution qui devrait remplir un peu plus la pièce annexée dans la rési-dence familiale, afin de donner libre court à sa passion.

Lorsqu’on lui pose la question de savoir s’il a un

insigne préféré, Bernard Borro répond sans hésita-tion “non, mais je suis attaché aux insignes que j’ai eu l’occasion de porter et à ceux portés par mon père”. Gilles Dubois n’hésite pas plus lorsqu’on lui pose cette même question, et replonge dans son enfance “mon insigne préféré, c’est mon premier, celui d’enfant de troupe que j’ai porté à l’âge de six ans. Il représentait un casque de poilu avec un poussin dessus”.

Son passé d’enfant de troupe ressurgit aujourd’hui chez le collectionneur qu’est l’adjudant-chef Dubois, qui s’est d’abord fixé comme cadre pour sa compilation d’insignes, de collecter ceux des écoles... d’enfants de troupe, élargissant par la suite le périmètre à ceux de l’arme blindée cava-lerie.

Ses débuts de collectionneur, remontent à la période de son affectation au 4e régiment de chas-seurs à La Valbonne. Il les doit à son président des sous-officiers de l’époque, qu’à force de galéjades et de persuasion, il convaincra de lui transmettre les insignes qui seront l’amorce de sa collection. Une collection certes plus modeste que celle de Bernard Borro, mais qui compte quand même près de 400 pièces. Il avoue que “les modèles qui man-quent sont souvent les plus onéreuses”. Sa collec-tion devrait dans le futur s’élargir aux épinglettes (ou pin’s), mais toujours dans le domaine militaire, à la recherche desquelles ils s’est lancé.

Collectionneur Gilles Dubois l’est dans l’âme puis-que aujourd’hui il ajoute une nouvelle corde à son arc en compilant les billets de banque.

Nos deux collectionneurs en véritables passionnés n’hésitent pas à partager leur intérêt pour la sym-bolique, et rêvent de la création d’un club d’héral-dique au sein du 1er régiment de spahis.

par Jean-François Tixier

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Leur grade d’adjudant-chef et leur affectation à la direction des ressources humaines du 1er régiment de spahis auraient pu être les seuls points communs de Bernard Borro et de Gilles Dubois. Mais ces deux là partagent également ce que l’on pourrait qualifier “d’insigne passion d’insigne”, une remarquable et véritable passion pour la collection d’insignes militaires. Portrait de deux collectionneurs acharnés.

“mon insigne préféré, c’est mon premier, celui d’enfant de troupe que j’ai porté à l’âge de six ans”Gilles Dubois

Ci-dessus : Les deux collectionneurs complices, de la direction des ressources humaines.

Page de droite : Gilles Dubois et Bernard Borro avec l’insigne du régiment.

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insigne passion

Bernard Borro né le 16 septembre 1959 à Bône (Algérie)

adjudant-chef dans l’armée depuis 1977

affecté au 1er Régiment de Spahis depuis août 2000

Gilles Dubois né le 19 mars 1954 à Paris

adjudant-chef dans l’armée depuis 1959

affecté au 1er Régiment de Spahis depuis juin 1998

Leur passion commune, la collection d’insignes.

Bernard Borro débute sa collection en 1975. Gilles Dubois a commencé la sienne en 1981.

jalons

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Orienter sa collection, en définir la thé-matique, tel est le credo de Bernard Borro. Avant de se lancer dans une collection, il convient avant toute chose d’en définir le périmètre. Ainsi tandis que certains choisiront de col-lectionner une arme ou une spécialité, d’autres s’orienteront vers des thè-mes plus pointus, comme collection-ner tous les insignes avec une roue dentée, ou ceux avec un animal, en la matière toute les “excentricités” sont autorisées.

Une fois le thème de votre collec-tion déterminé, il va vous falloir vous documenter. Essayer de réperto-rier les insignes qui correspondent au thème choisi, en connaître le prix couramment pratiqué et surtout... mémoriser ces informations. Pour vous documenter vous pouvez d’abord vous orienter vers les livres qui traitent spécifiquement d’insignes même si certains domaines ne sont pas couverts, tel l’arme blindée cava-lerie, comme le déplore Gilles Dubois. Vous pouvez également vous tourner vers les clubs spécialisés, dont le plus connu est “Symboles et traditions”. Autre source possible d’information, le catalogue annuel du plus gros reven-deur de France, Monsieur Lavocat de Montpellier. L’internet est égale-ment un moyen rapide d’information, notamment en matière d’identification d’insignes (voir encadré page suivant sur l’internet et les insignes).

Débute alors la traque aux insignes. C’est sans doute la phase la plus excitante et aussi la plus difficile du hobby de collectionneur. Pour com-mencer votre collection, nous vous avons conseillé de cibler un thème,

eh bien oubliez le conseil, et récupé-rez tous les insignes que vous pouvez. Ceux hors du thème fixé vont devenir pour vous une monnaie d’échange. En effet, l’échange entre collectionneurs, voire de collectionneur à marchand, permet de constituer sa collection à moindre coût. Il convient pour opérer ainsi d’être un assidu des bourses aux collections et des bourses aux armes. Une autre possibilité pour constituer une collection réside dans la fréquen-tation des foires à la brocante. Là il ne faudra pas hésiter à fouiner, plonger les mains dans un lot d’objets métalli-ques, de pin’s ou de porte-clés permet quelquefois d’en ramener un insigne convoité. Ces foires à la brocante donnent aussi l’occasion de rencon-trer des brocanteurs spécialisés dans le militaria avec lesquels il vous sera loisible de discuter les prix. Les ven-tes aux enchères sont également un moyen de trouver la pièce rare. N’hésitez pas non plus à utiliser les moyens modernes, tel l’internet qui permet de trouver des insignes au travers notamment des sites spé-cialisés dans les enchères. Enfin pour les militaires, les divers stages, missions, opérations extérieu-res sont l’occasion de tisser des liens privilégiés avec des gens d’autres uni-tés, permettant de créer des réseaux amicaux de collecte d’insignes. On le voit les possibilités d’acquérir des insignes ne manquent pas, encore faut-il le faire avec discernement et prendre parfois des “risques”. Ainsi nous dit Bernard Borro, il est quel-quefois intéressant d’acheter un lot complet, permettant d’avoir des prix moins élevés qu’avec des achats à l’unité. Toujours en matière d’achat, l’adjudant-chef Borro conseille de plu-

tôt rechercher des pièces complètes en bon état, sans éclat d’émail et dont l’attache n’a pas été meulée. Toutefois il tempère le propos en précisant que mieux vaut se contenter d’une pièce en mauvais état que de pas de pièce du tout. L’adjudant-chef Dubois précise pour sa part qu’il convient d’être patient dans sa quête d’insi-gne, d’autant plus que certains insi-gnes tirés en série limitée valent très cher du fait de leur rareté. Seule limite à se fixer dans la quête d’insignes, respecter les souvenirs des autres et ne pas jouer les “rapa-ces” auprès par exemple d’un ancien combattant qui possède un insigne qu vous recherchez.

Une fois votre collection amorcée, va rapidement se poser la question de sa présentation. Deux méthodes sont en règle générale utilisées, soit la mise en classeur, soit la mise en tableau. Le classeur présente l’avantage d’un transport facile et permet de voir les marquages du dos de l’insigne. Le tableau pour sa part fait la part belle au plaisir des yeux. Chacun choisira donc avec ses habitudes et son mode de vie. La constante sera dans tous les cas d’éviter de découper une par-tie de l’insigne, par exemple l’attache, qui dévalorise définitivement la pièce.

Vous voilà nantis des conseils de deux spécialistes et vous désormais pou-voir vous lancer dans cette passion dévorante qu’est la collection.

enquête Jean-François Tixier

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Collectionner les insignes militaires, la chose à priori semble simple, pourtant quelques conseils pour débuter dans cette discipline, ne relèvent pas du superflu. “A l’ombre du toug” a rencontré Bernard Borro et Gilles Dubois afin de vous faire partager leurs recommandations.

d’insignesEn quête

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A droite le système de panneau utilisé par l’adjudant-chef Bernard Borro pour pré-senter sa collection.

Un fond en mousse sert de support aux insigne. En fermant le cadre, la vitre vient se plaquer sur les insignes, maintenant ainsi en place les pièces.

Depuis quelques mois le petit grou-pe de collectionneurs d’insignes que compte le régiment, travaille à la constitution d’une collection régimen-taire. A terme c’est un tableau com-plet incluant les insignes escadrons et les insignes des diverses opérations extérieures qui trouverait sa place soit au sein de la salle d’honneur soit au sein de la salle patrimoine.

L’opération qui peut sembler à priori simple - la majorité des insignes esca-drons et opérations extérieures a été produite dans les 20 dernières années - s’avère plus difficile à mener dans les faits, certains insignes n’exis-tant plus dans aucun stock. L’espoir de constituer cette collection, réside donc dans de généreux donateurs qui seraient prêts à se défaire des insi-gnes recherchés qu’ils auraient en leur possession. Les personnes prêtes à contribuer à l’enrichissement du patri-moine régimentaire peuvent se mettre en rapport soit avec les adjudant-chef Borro ou l’adjudant-chef Dubois, soit avec le responsable patrimoine. Les difficultés de constitution de cette collection nous rappellent que c’est aujourd’hui que se bâti le patrimoine de demain, et qu’il vaut mieux engran-ger des insignes dès leur création plutôt que de partir à leur recherche quelques années plus tard.

Insignes du régiment et salle d’honneur

L’internetet les insignes

Depuis quelques années l’internet est devenu un outil incontournable dans bien des domai-nes. Celui des collections et notamment en matière d’insignes n’échappe pas à la règle. L’outil s’il permet la recherche de la “perle rare”, de l’insigne tant convoité, ne se limite pas à cet emploi. Il vous permettra également de vous renseigner très rapidement, en con-sultant les sites des marchands, d’effectuer une estimation ou d’identifier un insigne que vous guignez. Parmi les sites intéressant à consulter, celui de l’association Symboles et Traditions (www.symboles-et-traditions.com) dispose d’une rubrique liens très étoffée. A visiter également le site du plus grand mar-chand d’insignes de France, Monsieur Georges Lavocat (www.i-m-l.com). Plus généraliste le site du magazine Militaria (www.militariamag.com). Enfin à découvrir également les sites de plu-sieurs marchands comme Aux soldats d’antan (auxsoldatsdantan.com), ou Poussière d’Em-pire (www.multimania.com/poussiere).

En quête

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Henri Wuilbert est né le 6 septembre 1888 à Quend dans la Somme. Henri Wilbert pourrait-on dire puis-qu'une erreur d'état-civil va surcharger son nom d'un “U”. Pour les spahis, le patronyme Wuilbert sera celui utilisé tout au long de sa carrière. Henri Wuilbert semble s’être fort bien accommodé de cette erreur d’état civil, ainsi qu’en témoignent les cartes de visite qu’il avait fait confectionner.

Dès 1908 il fait le choix de s'engager et va rejoindre un régiment de Dragons. Son parcours lui permet d’arriver au terme de son contrat en 1911 avec le grade de maréchal des logis.

En signant son rengagement en 1911, Henri Wuilbert commence sa carrière de spahi. Affecté au 4e régiment de spahis, il recommence son par-cours comme spahi de 2e classe. En 1913 il rejoint les spahis marocains alors constitués d'escadrons regroupés au sein des troupes auxiliaires marocai-nes, et sert au 7e escadron. En 1914, alors affecté au 10e escadron, il accède de nouveau au corps des sous-officiers.

Fin 1915, Henri Wuilbert intègre le Régiment de Marche de Spahis Marocains qui opère alors dans la Somme, son parcours devient à partir de ce moment indissociable de celui du régiment.

Au début de 1917 le régiment entame sa cam-pagne sur le front d'Orient. Wuilbert est de tous les engagements, le franchissement du Dévoli, le prise de Pogradec en septembre 1917 et les combats du Skumbi au mois d'octobre de cette même année. C'est lors de cet engagement qu'il est pour la première fois blessé par balle. Sa bles-sure lui vaut l’obtention de la Médaille Militaire. “Très brave, à l'assaut d'une redoute fortement tenue s'est élancé des premiers donnant le plus bel exemple; a été frappé de quatre balles. Cette nomination comporte l'attribution de la Croix de Guerre avec Palme”, écrit de lui le général Sarrail dans son ordre général du 7 novembre 1917. En décembre de cette même année, Henri Wuilbert est promu au grade d’adjudant.

Remis de ses blessures de l’automne précédent Wuilbert est également de la prise d'Uskub en septembre 1918. Quelques semaines plus tard, en novembre, arrive sa promotion au grade de sous-lieutenant, d’abord à titre temporaire, puis à titre définitif en décembre de cette même année.

par Jean-François Tixier

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Henri Wuilbert dans les tranchées pendant la Grande Guerre.

Il est de ces hommes dont le destin semble lié aux spahis. Henri Wuilbert est de ceux là. Portrait d’un homme au parcours exemplaire.

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Avec le reste du régiment, à l'été 1920, il embar-que à Constantinople en direction de Beyrouth, pour participer aux opérations de pacification du Levant. C'est au cours de ces opérations qu'il est à nouveau blessé en mars 1921, en Syrie. En juillet 1922, il est nommé chevalier de la Légion d’Hon-neur.

Le lieutenant Wuilbert n'aura pas le loisir de con-naître la fin de la pacification du Levant. Le 26 janvier 1926, partant à la conquête d’une crête, Henri Wuilbert est tué par balle à l'ennemi, près de Sassa en Syrie. Enterré d’abord sur la terre syrien-ne, son corps est rapatrié quelques mois plus tard pour reposer près des siens dans le cimetière de Terramesnil.

Le lieutenant Henri Wuilbert de part ses qualités et son engagement sans réserve a su s'élever dans la hiérarchie militaire, débutant sa carrière comme engagé volontaire, la poursuivant brillamment comme sous-officier, décoré de la médaille mili-taire alors qu'il est encore maréchal des logis, puis finissant son parcours comme officier, décoré de la légion d'honneur en juillet 1922.

Sachant faire preuve de bravoure, véritable exem-ple pour ses camarades et ses subordonnés, il est de ces hommes qui ont œuvré pour la victoire de la France au cours de la Grande Guerre. Son action et celle de ses camarades combattant à la même époque, contribuera à faire du régiment une unité au potentiel reconnu, au parcours prestigieux.

Outre ses qualités de soldat, Henri Wuilbert fut également un sportif accompli, cavalier émérite de concours de saut d'obstacle, comme en témoi-gnent les récompenses gagnées en 1925, lors des épreuves hippiques de la semaine sportive de l’ar-mée du Levant.

Wuilbert, comme Dupertuis, Ving et tant d’autres encore fut de ces hommes dont le parcours est

Le lieutenant Wuilbert et son peloton en Syrie.

Henri Wuilbert cavalier émérite pose pour le photographe à Alep. En arrière plan le quartier qui prendra le nom de quartier Ving en 1926.

intimement lié aux spahis et plus particulière-ment aux spahis du 1er Marocains. En l’espace de dix ans de présence au sein du régiment Henri Wuilbert aura été l’un de ceux dont le nom restera attaché aux riches heures de la campagne du front d’Orient. Tandis qu’il œuvrait pour écrire au pré-sent l’histoire du régiment et affirmer les qualités militaires de cette unité de fiers cavaliers, Henri Wuilbert s’inventait un destin de spahi.

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Et je l’ai admiré s’en savoir pourquoi.

Et puis il y avait aussi cette photo de l’Etat Major du régiment de marche de spahis marocains à Sofia en 1919. Souvent, grimpée sur un fauteuil pour mieux voir, je demandais à Jeanne où était son frère sur cette photo puis ayant grandi je disais à

Jeanne “c’est bien lui Henri”. Au passage je ne manquais de faire un clin d’œil au petit personnage assis, au milieu devant, le caïd Ali, qui me fascinait presque autant que mon grand-oncle.

Le temps a passé, Léa et Jeanne sont allées rejoin-dre Henri et Edmond, quel-ques années encore et André,

mon père les a retrouvés. Avec le décès de mon père, il a fallu

commencer à envisager la vente de notre grande maison de Terramesnil. Pendant près d’un siècle il s’y était amassé bien des choses. C’est ainsi que j’ai découvert, dans le grenier, toute une correspondance et 3 ou 4 malles débor-dant de souvenirs de l’Oncle Henri. J’ai lu la correspondance, regardé les documents, caressé le drap de sa vareuse et le sable du désert syrien qui se trouvait toujours dans ses bot-tes et j’ai compris les silences de Léa, de Jeanne et d’André. Il y avait beaucoup trop à dire. Les mots n’auraient pas suffi. Ils ne suffisent toujours pas.

S’ i l avai t 20 ans aujourd’hui il serait certainement spahi. Le temps du baptême du gymnase de la caserne Baquet du nom de mon grand oncle j’ai pu apprécier les spahis de maintenant. A coup sûr il serait encore des leurs.

Henri était mon héros, merci aux Spahis d’en avoir fait aussi l’un des leurs.

En ce jour de Toussaint 1956 ou 57 j’accompagne comme souvent Léa (ma grand mère) et Jeanne (sa sœur), au petit cimetière de Terramesnil (dans la Somme). Nous déposons quelques fleurs, l’enfant que je suis s’applique à lire la stèle :

FAMILLE WILBERT - VUILBERT Edmond WILBERT Mort pour la France

à Ste Menehould le 12 janvier 1915 à l’âge de 21 ans

Lt Henri WILBERT chevalier de la Légion d’Honneur

Tué en Syrie le 26 janvier 1926 à l’âge de 37 ans PRIEZ POUR EUX

Nous nous recueillons. Léa essuie subrepticement une larme et nous quit-tons rapidement le cimetière. D’Henri-Maurice W(u)i lbert long-temps je n’en ai pas su plus.

Parfois, Léa ou Jeanne disaient “c’est comme ce pauvre Henri” ou “Henri aurait dit...” et soupiraient. S’en suivait de longs silences. Les yeux baissés, j’avais l’impression qu’elles poursui-vaient entre elles la conversation. Plus de 30 ans après la mort d’Henri, Léa ne pouvait toujours pas en parler. L a D o u l e u r é t a i t e n c o -re trop forte, trop présente. Jamais elle n’a pu m’en parler. Sa peine était la mienne.

Et puis notre grande maison était plei-ne de souvenirs, de photos. Sur les murs du salon, aux côtés des portraits du Maréchal Foch, de Georges Clémenceau et de Raymond Poincarré se trouvait celui d’Henri. Dans mon cœur d’enfant il ne pouvait être qu’un person-nage aussi important qu’eux.

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Henri-Maurice

par Colette Fourel-Wilbert

Petite-nièce d’Henri Wuilbert, Colette Fourel-Wilbert nous fait partager son regard d’en-fant sur celui qu’elle n’a jamais connu autrement que par les photographies qui ornaient la maison familiale. Il lui aura fallu attendre l’âge adulte pour que le hasard, au tra-vers de souvenirs entas-sés au fond de quelques malles et la découverte du livre “Les Spahis du 1er Marocains”, mette de nouveau Henri Wuilbert sur son chemin. De ce grand-oncle spahi, elle a fait son héros.

W(u)ilbertmon héros

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Mademoiselle,

J'ai la douloureuse mission de la part du colo-nel Massiet, actuellement en opération, de venir vous répondre à la lettre que vous lui avez écrite au sujet de votre pauvre cher frère.

C'est avec une grande émotion que je le fais, Wuilbert était pour moi comme un frère. Il y avait plus de 8 ans que nous vivions côte à côte. On ne nous voyait jamais l'un sans l'autre, aussi sa mort lorsque je l'ai apprise m'a-t-elle frappé de stupeur, je ne pouvais y croire, hélas c'était bien vrai.

Si parfois il peut y avoir une atténuation possi-ble à votre immense douleur, elle sera dans les regrets unanimes qu'il a laissés parmi les hom-mes qu'il commandait, tous l'aimaient et l'admi-raient. C'est le plus brave d'entre eux et Dieu sait s'ils le sont. Ses camarades, ses supérieurs l'ont pleuré et lorsque le colonel, sur sa tombe, lui a dit le dernier adieu dans une improvisation pleine de douloureuse affection, nous montrant la perte immense que tous nous venions de faire, les visages se sont crispés et les larmes ont jailli.

Soyez certaine qu'au régiment son souvenir sera pieusement conservé et qu'il sera toujours cité comme exemple aux jeunes officiers venant au régiment. Wuilbert a été tué en plein combat, à la tête de ses hommes, en prenant d'assaut une crête occupée par l'ennemi qu'il fallait déloger pour permettre à la colonne de passer. Une balle aveugle est venue atteindre mon pauvre ami en plein corps dans la région du ventre. Un petit trou, un filet de sang et mon cher camarade était mortellement atteint. Immédiatement on le trans-porte par ambulance à Damas. Il est mort sans avoir souffert.

Sa figure énergique et bonne avait conservé son calme et son aspect habituel. A le voir on aurait jamais cru que tout était fini. Une toute petite blessure avait suffi pour enlever notre cher camarade à l'affection de sa famille et à la nôtre.

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Correspondance

Une balle aveugle est venue atteindre mon pauvre ami...

Le 26 mars 1926, le lieutenant Barbay qui était le meilleur ami de Wuilbert adresse une lettre à Léa, la sœur d’Henri Wuilbert.

Ce qui lui appartenait a été versé entre les mains du gestionnaire de l'hôpital de Damas et de celui d'Alep pour les effets qui étaient dans cette der-nière ville. Sa solde a été versée à la Caisse des Dépôts et Consignations. Tous ses objets doivent être actuellement remis à Beyrouth au service de santé chargé des successions. Vous aurez inces-samment, je pense, l'avis qu'ils sont en route pour la France afin que vous puissiez entrer en possession de ces pieux souvenirs.

Pour le transfert du corps de votre brave frère, il faut adresser vous-même directement une demande au Ministre de la France qui enverra l'autorisation au Général et troupes du Levant pour exécution. Ce dernier sera chargé de vous prévenir de l'arrivée du corps en France.

Je vous envoie avec cette lettre la dernière cita-tion de mon bien cher Ami ainsi que sa dernière Croix de Guerre des T.O.E. avec palme. J'espère aussi que dans quelques jours la Croix d'officier de la Légion d'honneur lui sera conférée, distinc-tion pour laquelle il était proposé bien avant sa glorieuse disparition pour sa brillante conduite et que tous nous comptons lui voir remettre bien-tôt.

Tous au régiment nous nous inclinons devant votre offrande douloureuse et vous priant de croire combien de tout cœur nous sommes avec vous.

Veuillez, Mademoiselle, d'un grand camarade de votre cher Frère agréer l'expression de mes sen-timents les plus respectueux.

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Le 30 septembre, la commémoration de la prise d’Uskub était également l’occasion pour le régi-ment de poursuivre l’opération des “Chemins de la mémoire”. Entamée il y a quelques années, cette action vise à baptiser les différents bâtiments du casernement de noms symboliques pour les spa-his. Henri Wuilbert était le nouvel élu dont le nom était retenu pour baptiser le gymnase.

Pour l’occasion la famille Wuilbert était représen-tée au quartier Baquet par la nièce du lieutenant Wuilbert, Madame Hélène Wilbert, et par ses deux petites-nièces, Mesdames Christine Wilbert et Colette Fourel-Wilbert, cette dernière accompa-gnée de son mari. Ce sont quatre mains qui se sont tendues pour dévoiler la plaque recouverte par le drapeau tricolore. Un moment de forte émo-tion tant pour la famille que pour l’assemblée qui réunissait cadres du régiment, familles et amicalis-tes de “La Gandoura”.

Lors de sa venue au régiment, Madame Colette Fourel-Wilbert saisissait l’occasion pour prêter au régiment quelques souvenirs de son grand-oncle. Ces objets et documents font l’objet d’une exposi-tion temporaire en salle d’honneur jusqu’à la fin du mois de mars 2004.

A gauche et en bas : quelques pièces qui évoquent Henri Wuilbert sont exposées en salle d’honneur jusqu’à fin mars 2004.

“Les chemins de la mémoire”

De haut en bas : - le lieutenant-colonel Duhesme et la famille dévoilent la plaque - le chef de corps et une partie de l’assistance - la famille du lieutenant Wuilbert et le lieutenant-colonel Duhesme posent devant la plaque du gymnase - l’évocation d’Henri Wuilbert, instant d’intense émotion pour la famille

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Remise de fourragères - Quartier Baquet, avril 2003, photographie Jean-François TixierA l’occasion de la création de l’EAS, burnous et treillis se mêlent lors de la remise de fourragères aux nouveaux engagés.

Spahis de lumière - septembre 2002, photographie Jean-François TixierLors d’un défilé de nuit, les spahis traînent derrière eux leurs spectres lumineux.

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