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Mec. Ind. (2000) 1, 277–283 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1296-2139(00)00137-8/FLA Une nouvelle méthode expérimentale de caractérisation du comportement en cisaillement de matériaux orthotropes Eric Vittecoq, Djelloul Hassaïni, Gérard Degallaix * Laboratoire de mécanique de Lille, Ura CNRS 1441, École centrale de Lille, BP 48, 59651 Villeneuve d’Ascq cedex, France (Reçu le 2 mars 2000 ; accepté le 20 avril 2000) Résumé — Un nouveau dispositif d’essai destiné à caractériser les comportements de cisaillement monotone d’un matériau orthotrope est présenté. Ses caractéristiques et son instrumentation ont été définies à l’aide d’une simulation numérique. Le matériau choisi pour sa validation est un composite unidirectionnel verre–époxyde fabriqué en autoclave. Les résultats sont très encourageants : les trois modules de cisaillement peuvent être identifiés ainsi que les caractéristiques à rupture de deux des trois cisaillements et des valeurs sous-estimées des caractéristiques à rupture du troisième. Le comportement isotrope transverse de ce matériau est retrouvé, et l’essai donne accès à la déformation à rupture en traction transverse. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS matériau orthotrope / composite / essai mécanique / cisaillement / analyse Abstract A new experimental procedure for the characterisation of the shearing behaviour of orthotropic materials. A new experimental device, called the “Cube Test”, was designed in order to investigate the monotonic shearing behaviour of orthotropic composite materials. A numerical simulation was performed to optimise the grip geometry and to define the appropriated instrumentation. The testing procedure is validated using an unidirectional glass–epoxy composite. The obtained results are very satisfactory: the three shear moduli are determined, as well as two out of the three shear characteristics at rupture. The transverse isotropy behaviour of the studied material is demonstrated, and, in addition, the deformation at rupture in transverse tension is accessible. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS orthotropic material / composite / mechanical test / shearing / analysis Nomenclature x axe de la sollicitation ; premier axe du plan de cisaillement y second axe du plan de cisaillement z normale au plan de cisaillement E x ,E y ,E z module d’Young dans la direction x,y,z ......... GPa ε xy déformation de cisaillement du plan xy dans la direction x ε xx yy allongement unitaire dans la direction x,y ε cis max déformation de cisaillement maximum dans le plan xy σ xy contrainte de cisaillement du plan xy dans la direction x ... MPa * Correspondance et tirés à part : [email protected] ; [email protected] σ xx yy contrainte normale dans la direction x,y ........... MPa σ 11r 22r 33r contrainte à rupture dans la direction 1, 2, 3 ......... MPa σ 12r 13r 23r contrainte de cisaillement à rupture dans le plan 12, 13, 23 ...... MPa 1 direction des fibres 2 direction du plan des plis normale aux fibres 3 direction normale aux plis E 1 ,E 2 ,E 3 module d’Young dans la direction 1, 2, 3 ............... GPa G 12 ,G 13 ,G 23 module de cisaillement dans le plan 12, 13, 23 .......... GPa ν 23 23 coefficient de Poisson dans le plan 23 277

Une nouvelle méthode expérimentale de caractérisation du comportement en cisaillement de matériaux orthotropes

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Page 1: Une nouvelle méthode expérimentale de caractérisation du comportement en cisaillement de matériaux orthotropes

Mec. Ind. (2000) 1, 277–283 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1296-2139(00)00137-8/FLA

Une nouvelle méthode expérimentale de caractérisationdu comportement en cisaillement

de matériaux orthotropes

Eric Vittecoq, Djelloul Hassaïni, Gérard Degallaix *Laboratoire de mécanique de Lille, Ura CNRS 1441, École centrale de Lille, BP 48, 59651 Villeneuve d’Ascq cedex, France

(Reçu le 2 mars 2000 ; accepté le 20 avril 2000)

Résumé —Un nouveau dispositif d’essai destiné à caractériser les comportements de cisaillement monotone d’un matériau orthotropeest présenté. Ses caractéristiques et son instrumentation ont été définies à l’aide d’une simulation numérique. Le matériau choisi poursa validation est un composite unidirectionnel verre–époxyde fabriqué en autoclave. Les résultats sont très encourageants : les troismodules de cisaillement peuvent être identifiés ainsi que les caractéristiques à rupture de deux des trois cisaillements et des valeurssous-estimées des caractéristiques à rupture du troisième. Le comportement isotrope transverse de ce matériau est retrouvé, et l’essaidonne accès à la déformation à rupture en traction transverse. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

matériau orthotrope / composite / essai mécanique / cisaillement / analyse

Abstract —A new experimental procedure for the characterisation of the shearing behaviour of orthotropic materials.A new experimental device, called the “Cube Test”, was designed in order to investigate the monotonic shearing behaviour oforthotropic composite materials. A numerical simulation was performed to optimise the grip geometry and to define the appropriatedinstrumentation. The testing procedure is validated using an unidirectional glass–epoxy composite. The obtained results are verysatisfactory: the three shear moduli are determined, as well as two out of the three shear characteristics at rupture. The transverseisotropy behaviour of the studied material is demonstrated, and, in addition, the deformation at rupture in transverse tension isaccessible. 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

orthotropic material / composite / mechanical test / shearing / analysis

Nomenclature

x axe de la sollicitation ; premier axedu plan de cisaillement

y second axe du plan de cisaillementz normale au plan de cisaillementEx,Ey,Ez module d’Young dans la

directionx, y, z . . . . . . . . . GPaεxy déformation de cisaillement du

planxy dans la directionxεxx, εyy allongement unitaire dans la

directionx, yεcismax déformation de cisaillement

maximum dans le planxyσxy contrainte de cisaillement du

planxy dans la directionx . . . MPa

* Correspondance et tirés à part :[email protected] ; [email protected]

σxx, σyy contrainte normale dans ladirectionx, y . . . . . . . . . . . MPa

σ11r, σ22r, σ33r contrainte à rupture dans ladirection 1, 2, 3 . . . . . . . . . MPa

σ12r, σ13r, σ23r contrainte de cisaillement à rupturedans le plan 12, 13, 23 . . . . . . MPa

1 direction des fibres

2 direction du plan des plis normaleaux fibres

3 direction normale aux plis

E1,E2,E3 module d’Young dans la direction1, 2, 3 . . . . . . . . . . . . . . . GPa

G12,G13,G23 module de cisaillement dans leplan 12, 13, 23 . . . . . . . . . . GPa

ν23, ν23 coefficient de Poisson dans leplan 23

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E. Vittecoq et al.

ε45◦, ε0◦, ε−45◦ allongements unitaires mesurés parles jauges

εA, εB déformations principales dans leplanxy

1. INTRODUCTION

La caractérisation du comportement en cisaillementdes matériaux composites stratifiés est un problème com-plexe. Pour déterminer le module équivalent d’un stratifiéde séquence d’empilement quelconque, il est nécessaired’identifier le comportement complet d’un pli et de mo-déliser la répartition des déformations dans l’épaisseur.Pour quantifier la résistance du stratifié, les caractéris-tiques propres aux plis (résistance en cisaillement de lamatrice et de l’interface fibre-matrice) et à l’inter-pli doi-vent être identifiées. Inutiles dans le cas de matériaux iso-tropes (le module de cisaillement dépendant alors direc-tement du module d’Young et du coefficient de Poisson,généralement identifiés à l’aide d’un simple essai de trac-tion), ces identifications nécessitent dans les autres cas derecourir à des essais de cisaillement. Pour un stratifié dontles plis ont un comportement isotrope transverse, on secontente souvent d’un essai de type Rosen [1], rails [2] ouparallélogramme [3], qui permet d’avoir accès au modulede cisaillement plan (les autres modules dépendant là en-core des modules d’Young et des coefficients de Pois-son). Ce type d’essai permet de déterminer la plus faibledes résistances de cisaillement du pli ou de l’inter-pli.En revanche, lorsque le comportement du pli est ortho-trope, il est nécessaire d’identifier les trois modules decisaillement pour appréhender le comportement du pli.Avec la convention classique « 1 : direction des fibreset 3 : normale au pli », le moduleG12 correspond alorsau comportement plan (ou intralaminaire), tandis que lesmodulesG13 et G23 correspondent aux comportementsinterlaminaires. Ces derniers sont très délicats à identi-fier, et aucun des dispositifs présentés dans la littératurene propose l’identification de ces trois modules à l’aided’un montage unique, et ne sollicitant qu’un seul typed’éprouvette. Nous avons donc choisi de concevoir et réa-liser notre propre dispositif expérimental. La sollicitationd’éprouvettes unidirectionnelles que nous présentons icipermet d’identifier le comportement de cisaillement tridi-mensionnel de la couche. La résistance de l’inter-pli dé-pendant de l’orientation des plis adjacents [4], sa déter-mination nécessiterait des essais complémentaires (nonréalisés dans le cadre du présent travail) sur des empile-ments non unidirectionnels.

Figure 1. Présentation générale du dispositif « Essai cube».

2. DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL

Une étude bibliographique et des simulations numé-riques ont orienté notre choix vers un essai proche de laboîte de cisaillement utilisée en mécanique des roches.Ce dispositif d’essai, appelé « Essai cube », est présentéfigure 1. Il permet de solliciter entre deux mors, liéspar une liaison glissière, une éprouvette de forme cu-bique [5]. Montage d’essai, éprouvette et conditions ex-périmentales sont ainsi identiques pour déterminer toutesles caractéristiques de cisaillement du matériau. Seul lechoix de l’orientation de l’éprouvette dans le montagedéfinit la sollicitation de cisaillement appliquée. Les sixorientations possibles et la convention de notation asso-ciée sont présentéesfigure 2. Ce montage est adaptable àtoute machine d’essai de traction, type de machine gé-néralement disponible en laboratoire. Outre le fait quele montage devait aussi permettre d’étudier le compor-tement du matériau en fatigue (sous sollicitation alter-née ou ondulée), deux objectifs principaux ont été mis enavant lors de sa conception : générer le moins possible desollicitation parasite (en particulier de la traction trans-verse) et avoir accès avec une instrumentation simple auxcontrainte et déformation de cisaillement.

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Caractérisation expérimentale du comportement en cisaillement des composites

Figure 2. Orientations possibles de l’éprouvette dans le mon-tage et notations associées.

Une simulation numérique bidimensionnelle soignée(avec hypothèse de déformation plane) [6] a permisd’optimiser les performances du montage (dimensions etforme des mors, dimensions et nature des talons d’appui)et à quantifier ses caractéristiques (chiffrage des sollicita-tions parasites, quantification de l’uniformité des champsde contrainte et déformation). Cette simulation a été réa-lisée en supposant le matériau isotrope transverse, et entenant compte des non linéarités de comportement en ci-saillement et traction transverse identifiées à partir d’es-sais de traction sur unidirectionnel 45◦ et sur stratifiécroisé±45◦. Les conditions limites sont imposées auxmors (supposés indéformables), et une liaison de contactavec frottement sec relie les frontières de l’éprouvette àces mors. À titre d’exemple, lafigure 3montre, pour lestrois orientations possibles des fibres dans le montage,l’évolution de la contrainte de cisaillement le long de laligne centrale de l’éprouvette. La simulation montre quel’écart entre la contrainte de cisaillement locale, dans unezone centrale de 4× 4 mm2, et la contrainte de cisaille-ment moyenne (rapport de l’effort appliqué sur la sectioncisaillée de l’éprouvette) n’excède pas 2 %. L’instrumen-tation a ainsi été choisie : deux rosettes tridirectionnelles(collées au centre des faces avant et arrière de l’éprou-vette) de surface active inférieure à 4× 4 mm2 permet-tent de mesurer directement la déformation de cisaille-ment au centre de l’éprouvette (et de vérifier qu’aucun ef-fet hors plan significatif n’existe), tandis que la contraintede cisaillement au centre de l’éprouvette est issue direc-

Figure 3. Répartition des contraintes de cisaillement dansl’éprouvette en fonction de son orientation dans le montage.

tement de la mesure de la cellule de charge de la machined’essai.

Un unidirectionnel verre E-M10 (60 % de fibres en vo-lume) a été choisi en collaboration avec l’Onera-IMFLpour la validation du dispositif expérimental. Les éprou-vettes ont une arête de 18 mm et sont découpées à lascie diamantée dans une unique plaque réalisée en auto-clave à partir de préimprégné de 0,75 mm d’épaisseur.Le parallélisme des faces opposées (systématiquementcontrôlé) ne dépasse jamais 0,03 mm. Les talons, d’épais-seur 1 mm, sont également réalisés en verre–époxyde.

3. ANALYSE DES RÉSULTATS

Pour caractériser les trois comportements de cisaille-ment caractéristiques du matériau, les six orientationspossibles de l’éprouvette dans le montage ont été tes-tées, avec un minimum de quatre éprouvettes par orienta-tion. Alors que l’on s’attendait à un regroupement 12–21,13–31 et 23–32 des résultats d’essais, ceux-ci se regrou-pent — tant en termes de caractéristiques mécaniques(module et résistance) que de mode de rupture — en troisfamilles : 12–13, 21–31 et 23–32, ce regroupement étantgouverné par la direction des fibres dans le montage.

Il n’est pas possible de différencier, que ce soit en tra-çant la courbe contrainte déformation ou en observant lefaciès de rupture, le comportement des éprouvettes 12 et13 d’une part, 21 et 31 d’autre part. Cette constatationne remet pas en cause le bien-fondé du choix du dispo-sitif d’essai. Elle permet au contraire d’affirmer que pourun tel matériau, l’inter-pli, dans le cas de plis successifsde même orientation, n’apporte aucune faiblesse supplé-mentaire aux éprouvettes.

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Figure 4. Famille 12–13. (a) Réponse des jauges d’une rosettefonction de la charge appliquée. (b) Ensemble des courbescontrainte–déformation.

La différence observée entre les comportements deséprouvettes 12 et 21 (ou 13 et 31) peut sembler aupremier abord plus choquante, mais nous verrons dansla suite qu’elle s’explique bien.

En revanche, les résultats des orientations 21 et 31 nesont pas directement exploitables, du fait d’un effet destructure, dû principalement à la composante de compres-sion transverse qui entrave la libre déformation des par-ties de l’éprouvette situées dans les mors. Le fait que lesfibres traversent le montage d’un mors à l’autre conduità une surestimation des caractéristiques mesurées, pources orientations, en termes de module et surtout de résis-tance. Le mode de rupture des éprouvettes d’orientations21 ou 31 est d’ailleurs assez proche de celui observé lorsd’essais de compression : pas de séparation franche del’éprouvette en deux morceaux, présence dans le volumede l’éprouvette d’un certain nombre de surfaces de frac-ture orientées à±45◦ et pouvant se croiser, et plastifica-tion générale de l’éprouvette.

La caractérisation du comportement de cisaillementtridimensionnel d’un matériau orthotrope étant possibleà partir des seules orientations 12, 13, 23 et 32, nous nechercherons pas à exploiter dans la suite les résultats desorientations 21 et 31.

3.1. Famille 12–13

La figure 4aprésente, pour la famille 12–13, la ré-ponse typique d’un essai (déformations enregistrées parl’une des deux rosettes en fonction de la charge appli-quée). Lafigure 4bprésente, pour cette même famille,l’ensemble des résultats d’essais sous la forme de courbescontrainte de cisaillementσxy (charge appliquée/section)fonction de la déformation de cisaillementεxy (calculéeà partir de la réponse moyennée des rosettes sur les deuxfaces).

En s’appuyant sur une analyse du cercle de Mohrdes déformations dans le planxy, la réponse des jaugespermet de définir l’état de sollicitation dans la zonecentrale de l’éprouvette (figure 5a). En associant cetteanalyse à l’observation du faciès de rupture (figure 5c),il est alors possible d’expliquer le scénario de rupture etde définir les caractéristiques mécaniques à rupture dumatériau (figure 5b).

Le champ de déformation plan mesuré par les jaugesau centre de l’éprouvette correspond à un champ de ci-saillement quasi-pur : les réponses des jauges à+45◦(ε45◦) et−45◦ (ε−45◦) sont quasiment opposées tout aulong du chargement. La réponse de la jauge à 0◦ (ε0◦)restant toujours très faible, les directions principales dedéformation sont en permanence orientées (figure 5a) àsensiblement+45◦ (B) et−45◦ (A). Les deux déforma-tions principales(εA etεB) sont donc sensiblement oppo-sées, et voisines — en valeur absolue — de la contraintede cisaillement maximale(εcismax).

Pour cette famille, la rupture a lieu dans un pland’orientationyz, situé au voisinage du centre de l’éprou-vette (figure 5c). Il faut noter que, expérimentalement, lemode de rupture est très reproductible : une telle éprou-vette rompue est présentée sur lafigure 5c, tandis que leplan de rupture est visualisé par des pointillés dans lafi-gure 5b. Pour la majorité des essais, ce plan de rupturen’est pas situé au droit de l’extrémité d’un des mors maisbien entre ceux-ci, ce qui prouve que les concentrationsde contrainte générées par les mors n’ont pas un rôle pré-pondérant sur la rupture. La normale au plan de la ruptureest la directionx, qui correspond à une direction trans-verse du matériau pour cette famille. La déformation decisaillement dans cette direction(εxy) est voisine de ladéformation de cisaillement maximale(εcismax). L’allon-gement unitaire(εxx) est très faible. Il est toutefois posi-tif et, comme ce matériau est très sensible aux sollicita-tions de traction transverse, il peut donc conduire à unetrès légère sous-estimation de la résistance au cisaille-ment.

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Caractérisation expérimentale du comportement en cisaillement des composites

Figure 5. Famille 12–13. (a) Cercle de Mohr des déformations dans le plan xy. (b) Directions principales de déformation. (c) Mode derupture.

La sollicitation de compression générée par le mon-tage est pour cette famille longitudinale, et reste d’un ni-veau négligeable par rapport à la résistance du matériau.La rupture est donc bien essentiellement gouvernée parle cisaillement et les résultats obtenus sont tout-à-fait sa-tisfaisants. Pour le matériau étudié, le moduleG12 iden-tifié sur la partie linéaire de la courbe contrainte(σxy)

déformation(εxy) vaut 4,1 GPa, la contrainte de cisaille-ment à rupture 65 MPa, et la déformation de cisaillementà rupture 1,4 %. Ces valeurs sont confirmées par la litté-rature [7] pour ce matériau.

3.2. Famille 23–32

La figure 6 présente les mêmes résultats pour lafamille 23–32 : réponse typique d’un essai et syn-

thèse des résultats expérimentaux (ensemble des courbescontrainte–déformation).

Une analyse basée sur le dépouillement de la réponsedes jauges et de l’observation du faciès de rupture permetde définir l’état de sollicitation et d’expliquer la rupture( figure 7).

Les résultats obtenus pour cette famille sont exploi-tables, mais les éprouvettes ne sont pas dans ce cas sol-licitées en cisaillement pur. La déformation de la jaugeà +45◦ (ε45◦) étant supérieure (en valeur absolue) àcelle de la jauge à−45◦ (ε−45◦), le champ de défor-mation plan au centre de l’éprouvette correspond à unchamp de cisaillement-compression. Les réponses desjauges à+45◦ et 0◦ (ε0◦) étant proches, les directionsprincipales de déformation sont orientées à sensible-ment+22,5◦ (B) et −67,5◦ (A), comme le montre lafigure 7a.

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E. Vittecoq et al.

Figure 6. Famille 23–32. (a) Réponse des jauges d’une rosettefonction de la charge appliquée. (b) ensemble des courbescontrainte–déformation.

Pour cette famille, la surface de rupture a une formeen « S », qui débute toujours à l’extrémité des mors etpasse au voisinage du centre de l’éprouvette (sous lesjauges). Il faut signaler que, pour cette famille également,le mode de rupture est expérimentalement très reproduc-tible. Pour cette configuration d’essai, toutes les direc-tions du planxy correspondent à des directions trans-verses pour le matériau. La normale à la partie centralede la rupture est sensiblement orientée suivant la direc-tion A. Dans cette direction, la déformation de cisaille-ment est nulle, et l’allongement unitaire(εA) est positif.La rupture centrale de l’éprouvette est donc ici gouvernéepar la traction transverse.

La contrainte de compression générée par le montagereste toujours de l’ordre de grandeur de la contraintede cisaillement, mais est ici transversale. Elle ne peutdonc plus être négligée, les résistances en cisaillementet compression transverse de ce type de matériau étantvoisines. Ceci explique la forme en « S » de la rupture :la rupture s’amorce à l’extrémité de chacun des mors(zones de concentration de contrainte de compression),se propage dans la zone où la contrainte de compressionest la plus importante (sous les mors) avant de revenir aucentre de l’éprouvette, en s’orientant suivant la directionprincipale de déformation positive.

Pour le matériau étudié, le moduleG23 identifié dansla partie linéaire de la courbe contrainte(σxy) déforma-tion (εxy) vaut 5 GPa. En termes de caractéristiques à rup-

ture, seule la déformation à rupture en traction transverseest accessible. Elle vaut 1,3 %. En ce qui concerne le ci-saillement, il n’est possible de parler ici que de « caracté-ristiques mesurées lors de la rupture » et non de « carac-téristiques à rupture », les premières sous-estimant sansdoute assez fortement les secondes. La contrainte de ci-saillement mesurée lors de la rupture vaut 60 MPa, etla déformation de cisaillement mesurée lors de la rup-ture 1,3 %.

Dans notre cas, le matériau étant isotrope transverse,l’identification du module de cisaillement n’a qu’un rôlede vérification. Les résultats obtenus sont cohérents : lemodule identifié à partir des essais sur la famille 23–32est en accord à la fois avec la relation

G23= E2

2(1+ ν23)

et avec la loi des mélanges [8].

4. CONCLUSION, PERSPECTIVES

Dans le cas d’un matériau orthotrope fibreux ayant unmodule d’Young(E1) très supérieur aux autres, le dispo-sitif « Essai cube » permet de caractériser la quasi tota-lité du comportement de cisaillement tridimensionnel :les trois modules(G12,G13 et G23) et deux des troiscontraintes à rupture(σ12r etσ13r). Seule une valeur sous-estimée de la troisième(σ23r) peut être donnée. Trois es-sais, sur des éprouvettes issues d’une même plaque, doi-vent pour cela être entrepris : les essais 12, 13 et 23 ou32. La réalisation des deux essais 23 et 32 permettrait, enanalysant simultanément la rupture et le champ de défor-mation, d’obtenir des informations sur les résistances entraction transverse(σ22r etσ33r). Les orientations 21 et 31sont en revanche à proscrire, du fait d’un effet de structurerendant complexe l’exploitation des résultats. Si le prin-cipal handicap du dispositif expérimental est la nécessitéde disposer d’éprouvettes épaisses, sa réalisation et l’ins-trumentation nécessaire à la caractérisation du matériaun’en font pas un montage coûteux.

Dans le cas d’un matériau isotrope transverse, l’en-semble des résultats obtenus est surabondant mais cohé-rent. Il est en outre possible d’avoir accès à la résistanceen traction transverse.

Enfin, la caractérisation complète du comportementde cisaillement d’un stratifié nécessiterait la détermi-nation de la résistance de l’interpli, pour deux plisvoisins d’orientation différente. Des essais sur des sé-quences[0,90]nset [±θ ]ns permettraient d’y avoir accès,

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Caractérisation expérimentale du comportement en cisaillement des composites

Figure 7. Famille 23–32. (a) Cercle de Mohr des déformations dans le plan xy. (b) Directions principales de déformation. (c) Mode derupture.

essais pour lesquelles la normale aux plis serait orientéesuivantx.

Remerciements

Les auteurs tiennent à remercier l’IMFL-Onera, etplus particulièrement le Dr. B. Paluch, pour la fournituredu matériau et les fructueuses discussions.

RÉFÉRENCES

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