1
REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2009 - N°411 // 19 Une des voies les plus excitantes des trai- tements anticancéreux est celle qui cible spécifiquement les voies de signalisation impliquées dans la cancérogenèse et/ou dans les processus métastatiques. Des chercheurs américains de l’Université de Princeton viennent d’identifier un gène qui pourrait tenir un rôle essentiel dans la propagation d’un cancer du sein initial par le développement de métastases. De puissants algorithmes informatiques ont été utilisés pour localiser le plus préci- sément possible des anomalies génomi- ques associées à des cancers du sein de mauvais pronostic. Une anomalie localisée dans la région 8q du chromosome 22 a été identifiée puis validée sur une collection de tumeurs du sein métastasées. Cette anomalie est liée à une surexpression du gène Metadherin ou MTDH, surexpression retrouvée dans 40 % des cancers du sein et s’associe à un mauvais pronostic de ces tumeurs. Des études fonctionnelles, réalisées in vitro et sur des souris génétiquement modifiées, complètent remarquablement ce travail en montrant que la surexpres- sion de ce gène correspond non seule- ment à un potentiel invasif et métasta- tique augmenté mais également à une résistance tumorale à certaines molé- cules anticancéreuses d’utilisation très courantes, comme le paclitaxel ou la doxorubicine. Ce travail pourrait ainsi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies anticancéreuses, ciblant spécifiquement le produit de ce gène. Hu G, Chong RA, Yang Q, et al. Cancer Cell 2009;15(1):9-20. Rendre plus sensibles à la radiothéra- pie des tumeurs cancéreuses difficiles à guérir, comme les mélanomes ou les glioblastomes, est un rêve ancien des oncologues. Un travail expérimental élé- gant mené à l’Institut Curie à Paris pourrait transformer ce rêve en réalité. Ici, les chercheurs ont eu l’idée d’amplifier la sensibilité des cellules cancéreuses aux effets des rayons en perturbant l’ac- tion des enzymes cellulaires impliquées dans la réparation de l’ADN (quand il a été lésé par le rayonnement). Des petites molécules d’ADN mimant des cassures de la double hélice ont dans ce but été synthétisées. Ces leurres biochimiques appelés Dbait miment ainsi le génome endommagé et monopolisent l’activité des enzymes réparatrices de l’ADN, per- turbant du même coup la signalisation physiologique nécessaire à leur action. Une fois ces leurres introduits dans les cellules cancéreuses, celles-ci deviennent sensibles aux rayons utilisés en radio- thérapie. La validation de ce nouveau concept thé- rapeutique a été réalisée à la fois in vitro et chez l’animal. Une sensibilisation de cellules néoplasiques aux anomalies de l’ADN produites par l’irradiation a ainsi été démontrée en culture. Sur la souris, une réduction importante du volume de tumeurs épithéliales et de mélanomes habituellement radio-résistants est obser- vée après la seule injection de ces Dbaits, mais l’effet est surtout synergique avec l’irradiation des animaux, induisant une augmentation significative de la survie des rongeurs. Ainsi, cette approche pourrait être utile non seulement sur les tumeurs radio-résistan- tes mais aussi sur les cancers radiosen- sibles, puisqu’elle pourrait permettre une diminution des doses nécessaires à l’effi- cacité anticancéreuse de la radiothérapie. Si de nombreuses étapes d’optimisation restent à franchir avant une expérimen- tation chez l’Homme, des essais pilotes pourraient être initiés dès 2011 sur des cancers de très mauvais pronostic comme les mélanomes métastasés. Quanz M, Berthault N, Roulin C, et al. Clin Cancer Res 2009;15(4):1308-16. Un gène, clé de l’agressivité d’un cancer du sein Une piste pour le traitement des tumeurs radio-résistantes Allaiter protège le cœur de la mère Même si elles sont moins fréquentes que chez les hommes, les maladies cardiovas- culaires (MCV) restent la première cause de morbidité et de mortalité chez les fem- mes dans les pays industrialisés. Certaines études avaient montré un impact positif de l’allaitement sur les facteurs de risque classiques des MCV (tabagisme, dyslipi- démies, hypertension artérielle, diabète essentiellement), y compris à distance de l’arrêt de l’allaitement. Une étude prospective de grande enver- gure s’est pour la première fois intéressée à l’influence directe de l’allaitement sur le risque d’infarctus ou de maladie corona- rienne de la femme allaitante. Cette étude s’est incluse dans un suivi de cohorte de 121 700 infirmières américaines, âgées de 30 à 55 ans à la création de la cohorte en 1976. Parmi celles-ci, 89 326 femmes parturientes ayant rapporté leur histoire d’allaitement ont pu être retenues. Toutes les femmes ont répondu régulièrement à un questionnaire évaluant à la fois leurs facteurs de risque et les événements de santé survenus pendant le suivi. Entre 1986 et 2002, les nouveaux cas d’in- farctus du myocarde ont ainsi été colligés, ainsi que le développement d’une mala- die coronarienne, pour un chiffre impres- sionnant de 1 350 965 femmes-années de suivi. Soixante-trois pour cent des fem- mes avaient allaité, dont 1 % pendant une période supérieure à 48 mois, sur la totalité des enfants allaités. Clairement, l’allaitement à un impact favorable sur le système cardiovasculaire puisque le ris- que de maladie coronarienne est réduit de 37 % (IC-95 % 23-49 %; p< 0,001) chez les femmes ayant allaité pendant au moins 24 mois, comparé à celui des femmes n’ayant jamais allaité. Ce qui est surtout intéressant ici, c’est que cet effet bénéfique persiste de façon significative (réduction de 23 %, IC95 % 6-38 %; p = 0,02) après ajustement sur les autres facteurs de risque, suggérant un effet propre de l’allaitement sur le risque cardiovasculaire. Les mécanismes physiopathologiques de cette protection ne sont pas encore com- pris mais ce travail est un nouvel argument pour conseiller aux femmes d’allaiter, et le plus longtemps possible. Stuebe AM Michels KB, Willett WC, et al. Am J Obstet Gynecol 2009;200(2):138.e1-8. Potentiel invasif et métastatique augmenté, résistance à des molécules d’usage courant

Une piste pour le traitement des tumeurs radio-résistantes

  • View
    214

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Une piste pour le traitement des tumeurs radio-résistantes

REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - AVRIL 2009 - N°411 // 19

Une des voies les plus excitantes des trai-tements anticancéreux est celle qui cible spécifiquement les voies de signalisation impliquées dans la cancérogenèse et/ou dans les processus métastatiques.Des chercheurs américains de l’Université de Princeton viennent d’identifier un gène qui pourrait tenir un rôle essentiel dans

la propagation d’un cancer du sein initial par le développement de métastases. De puissants algorithmes informatiques ont été utilisés pour localiser le plus préci-sément possible des anomalies génomi-ques associées à des cancers du sein de mauvais pronostic.

Une anomalie localisée dans la région 8q du chromosome 22 a été identifiée puis validée sur une collection de tumeurs du sein métastasées. Cette anomalie est liée à une surexpression du gène Metadherin ou MTDH, surexpression retrouvée dans 40 % des cancers du sein et s’associe à un mauvais pronostic de ces tumeurs.Des études fonctionnelles, réalisées in vitro et sur des souris génétiquement modifiées, complètent remarquablement ce travail en montrant que la surexpres-sion de ce gène correspond non seule-ment à un potentiel invasif et métasta-tique augmenté mais également à une résistance tumorale à certaines molé-cules anticancéreuses d’utilisation très courantes, comme le paclitaxel ou la doxorubicine.Ce travail pourrait ainsi ouvrir la voie à de nouvelles stratégies anticancéreuses, ciblant spécifiquement le produit de ce gène.

Hu G, Chong RA, Yang Q, et al. Cancer Cell

2009;15(1):9-20.

Rendre plus sensibles à la radiothéra-pie des tumeurs cancéreuses difficiles à guérir, comme les mélanomes ou les glioblastomes, est un rêve ancien des oncologues. Un travail expérimental élé-gant mené à l’Institut Curie à Paris pourrait transformer ce rêve en réalité.Ici, les chercheurs ont eu l’idée d’amplifier la sensibilité des cellules cancéreuses aux effets des rayons en perturbant l’ac-tion des enzymes cellulaires impliquées dans la réparation de l’ADN (quand il a été lésé par le rayonnement). Des petites molécules d’ADN mimant des cassures de la double hélice ont dans ce but été synthétisées. Ces leurres biochimiques appelés Dbait miment ainsi le génome endommagé et monopolisent l’activité des enzymes réparatrices de l’ADN, per-turbant du même coup la signalisation physiologique nécessaire à leur action. Une fois ces leurres introduits dans les cellules cancéreuses, celles-ci deviennent sensibles aux rayons utilisés en radio-thérapie.La validation de ce nouveau concept thé-rapeutique a été réalisée à la fois in vitro

et chez l’animal. Une sensibilisation de cellules néoplasiques aux anomalies de l’ADN produites par l’irradiation a ainsi été démontrée en culture. Sur la souris, une réduction importante du volume de tumeurs épithéliales et de mélanomes habituellement radio-résistants est obser-vée après la seule injection de ces Dbaits, mais l’effet est surtout synergique avec l’irradiation des animaux, induisant une augmentation significative de la survie des rongeurs.Ainsi, cette approche pourrait être utile non seulement sur les tumeurs radio-résistan-tes mais aussi sur les cancers radiosen-sibles, puisqu’elle pourrait permettre une diminution des doses nécessaires à l’effi-cacité anticancéreuse de la radiothérapie. Si de nombreuses étapes d’optimisation restent à franchir avant une expérimen-tation chez l’Homme, des essais pilotes pourraient être initiés dès 2011 sur des cancers de très mauvais pronostic comme les mélanomes métastasés.

Quanz M, Berthault N, Roulin C, et al. Clin

Cancer Res 2009;15(4):1308-16.

Un gène, clé de l’agressivité d’un cancer du sein

Une piste pour le traitement des tumeurs radio-résistantes

Allaiter protège le cœur de la mèreMême si elles sont moins fréquentes que chez les hommes, les maladies cardiovas-culaires (MCV) restent la première cause de morbidité et de mortalité chez les fem-mes dans les pays industrialisés. Certaines études avaient montré un impact positif de l’allaitement sur les facteurs de risque classiques des MCV (tabagisme, dyslipi-démies, hypertension artérielle, diabète essentiellement), y compris à distance de l’arrêt de l’allaitement.Une étude prospective de grande enver-gure s’est pour la première fois intéressée à l’influence directe de l’allaitement sur le risque d’infarctus ou de maladie corona-rienne de la femme allaitante. Cette étude s’est incluse dans un suivi de cohorte de 121 700 infirmières américaines, âgées de 30 à 55 ans à la création de la cohorte en 1976. Parmi celles-ci, 89 326 femmes parturientes ayant rapporté leur histoire d’allaitement ont pu être retenues. Toutes les femmes ont répondu régulièrement à un questionnaire évaluant à la fois leurs facteurs de risque et les événements de santé survenus pendant le suivi.Entre 1986 et 2002, les nouveaux cas d’in-farctus du myocarde ont ainsi été colligés, ainsi que le développement d’une mala-die coronarienne, pour un chiffre impres-sionnant de 1 350 965 femmes-années de suivi. Soixante-trois pour cent des fem-mes avaient allaité, dont 1 % pendant une période supérieure à 48 mois, sur la totalité des enfants allaités. Clairement, l’allaitement à un impact favorable sur le système cardiovasculaire puisque le ris-que de maladie coronarienne est réduit de 37 % (IC-95 % 23-49 %; p< 0,001) chez les femmes ayant allaité pendant au moins 24 mois, comparé à celui des femmes n’ayant jamais allaité.Ce qui est surtout intéressant ici, c’est que cet effet bénéfique persiste de façon significative (réduction de 23 %, IC95 % 6-38 %; p = 0,02) après ajustement sur les autres facteurs de risque, suggérant un effet propre de l’allaitement sur le risque cardiovasculaire.Les mécanismes physiopathologiques de cette protection ne sont pas encore com-pris mais ce travail est un nouvel argument pour conseiller aux femmes d’allaiter, et le plus longtemps possible.

Stuebe AM Michels KB, Willett WC, et al. Am J

Obstet Gynecol 2009;200(2):138.e1-8.

Potentiel invasif et métastatique augmenté, résistance à des molécules d’usage courant