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Une Révolution du cœur La spiritualité de Marcellin et une identité contemporaine pour ses Petits Frères de Marie Frère Seán D. Sammon, FMS Supérieur général Institut des Frères Maristes Volume XXXI, n° 1 6 juin 2003 CIRCULAIRE

Une Révolution du cœur - champagnat.orgchampagnat.org/e_maristas/Circulares/31_1_FR.pdf · con una scala orizzontale del 80%. Grazie TABLE DES MATIÈRES Enfants d’une nouvelle

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Une Révolution du cœurLa spiritualité de Marcellin et une identitécontemporaine pour ses Petits Frères de Marie

Frère Seán D. Sammon, FMSSupérieur général

Institut des Frères MaristesVolume XXXI, n° 16 juin 2003

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TABLE DES MATIÈRES

Enfants d’une nouvelle saison 5

Introduction 7

Première partieL’importance des contextes 17

Deuxième partie Un mot sur l’identité 33

Troisième partie La spiritualité de Marcellin et une identité 45contemporaine pour ses Petits Frères de Marie

Références 82

Remerciements 83

Titre original en anglais :A Revolution of the Heart. Marcellin’s spirituality and a contemporary identity for his Little Brothers of Mary.

Traduction :Joseph Bélanger fms, Louis Richard fms et Gilles Beauregard fms.

Éditeur :Institut des Frères MaristesMaison généraleRoma, ITALIA

Production et Administration :Frères MaristesPiazzale Marcellino Champagnat, 200144 Roma, ITALIATél. (39) 06 545171Téléc. (39) 06 [email protected] www.champagnat.org

Mise en page et photolithographie :TIPOCROM S.R.L.Via G.G. Arrivabene, 2400159 Roma, ITALIA

Impression :C.S.C. GRAFICA, S.R.L.Via G.G. Arrivabene, 2400159 Roma, ITALIA

Photographie :Lluís Serra fms

Couverture :Transmettre la lumièreRencontre du Conseil Général élargi àCochabamba, le 31 mai 2003.

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ENFANTS D’UNE NOUVELLE SAISON

III

Après le loisir de l’été,des cieux gris et des temps de tempêtesrestreignent et définissent notre voyage.Nous marchons plus profondément que le silenceet d’un pas plus haut que le vide.Les feuilles sont emportées,un soleil pâle dore les roseaux :C’est l’automne à demi passé, la fin du temps!

Où est la roue en flammes,La navette spatiale promise depuis longtemps,espérée en attendant patiemment ?S’il y a un messageil gît dans cette vieille terre,à ces carrefours où le portail s’ouvre et se ferme :Le choix entre l’autonomie instantanée -arrachant les racines d’un sol commun -et le vide noir, inconnuoù l’on entend le mystère de la viequi bouge, fait écho à travers les traces communeset l’argile commune.

Par où aller ?Plus loin, où le chemin s’efface,où les pensées de voyage ou de recherchene correspondent plus ni au plan ni au sens.Plus loin dans les nuages ?Hâtez le pas maintenant,l’air manque et il fait froidet la force qui nous entraînene nous lâchera pas.

Catherine de Vinck

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INTRODUCTION

Le 6 juin 2003Fête de Saint Marcellin Champagnat

Chers Frères,

Cette circulaire est une de celles que j’ai l’intention devous envoyer au cours des prochaines années. Intitu-lée : Une Révolution du cœur, elle traite de la placecentrale que la spiritualité de Marcellin doit tenirdans toute identité contemporaine pour ses PetitsFrères de Marie.

Pourquoi choisir ce sujet comme thème de cettecirculaire ? Pour deux raisons. D’abord, la tâche ur-gente de former une identité claire et déterminantepour notre Institut s’impose à nous depuis la fin deVatican II et elle doit être accomplie.

Deuxièmement, au début de ce nouveau millénai-re, non seulement nous semblons désireux de releverle défi de réimaginer l’identité de notre Institut, maisnous sommes aussi bien outillés pour parachever cetravail. Il nous faut l’achever, parce que toute congré-gation religieuse, digne de ce nom, a l’obligation d’of-frir à ses membres une certaine façon de suivre le Sei-gneur, une approche unique au dépassement de soi.

Voilà pourquoi les récits sur Marcellin et ses pre-miers frères sont si importants. Ils nous encouragenttous les jours, vous et moi, à vivre autant que possiblela pauvreté, l’obéissance et la chasteté, et ils nous

Toutecongrégation

religieuse, digne de ce nom,

a l’obligationd’offrir

à ses membresune certaine

façon de suivrele Seigneur,

une approcheunique

au dépassementde soi.

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connaissons bien l’histoire : Jean court devant Pierreet arrive à l’entrée du tombeau avant son compagnon.

Que la course rapide de Jean soit le résultat de sonimpatience face aux pas lents de Pierre, ou de son em-pressement à confirmer le rapport des femmes selonlequel Jésus était vraiment ressuscité, Jean, lorsqu’ilarrive au tombeau, attend respectueusement son aînéavant d’y pénétrer. La vie religieuse joue un rôle sem-blable dans notre Église. Elle doit être à l’avant-gardede l’Église, mais elle doit aussi attendre, au besoin,que ce corps plus lourd la rejoigne.

En faisant nos vœux nous nous engageons ainsi àtémoigner de la mission de Jésus de façon révolution-naire. En paroles et en actes, comme si nous étions saconscience bien formée, nous rappelons sans cesse ànotre Église la nature de son identité. Idéalement,nous assumons la responsabilité d’aider l’Église à serappeler ce qu’elle peut être, ce qu’elle désire ardem-ment être, et ce qu’elle doit être.

Mais, mes frères, soyons honnêtes : on ne peut pasdonner ce qu’on ne possède pas. Nous ne pouvonsrien recommander aux autres sans d’abord fairenôtres ces mêmes bonnes recommandations. NotreÉglise s’est efforcée depuis un demi-siècle de se déga-ger de l’apparat, qui a gêné son aptitude à proclamerla parole de Dieu d’une manière qui parle auxhommes et aux femmes d’aujourd’hui. Nous ne pou-vons pas être moins courageux quand arrive le tempsd’affronter les problèmes cruciaux qui assaillent lesPetits Frères de Marie, à ce moment de leur histoire.

Mais qu’arrivera-t-il si nous échouons dans nostentatives pour trouver des réponses franches et co-hérentes à ces questions : “qui sommes-nous ?” et“que chérissons-nous, qu’avons-nous de plus cher ?”,et si nous ratons alors l’occasion de développer une

aident à comprendre et à rendre grâce pour le faitque notre façon de vivre en Petits Frères de Mariemène non pas à un amoindrissement mais à une plusgrande liberté. Quelle meilleure raison pour tenir fermeà nos traditions et pour faire connaître Marcellin etles autres saints parmi nous ?

MISSION : AU CŒURDE L’IDENTITÉ DE NOTRE ÉGLISE

Mais encore, il y a une autre raison pour choisirl’identité comme thème de cette circulaire ; celaconcerne d’une part notre Église et sa mission, etd’autre part notre rôle de religieux exerçant un mi-nistère en dehors du service sacramentel. Nous assu-mons un rôle prophétique quand, en professant lesconseils évangéliques, nous promettons de vivrenotre engagement baptismal de façon radicale. Per-mettez-moi de m’en expliquer.

La Mission n’est pas seulement une des nom-breuses activités de notre Église ; elle constitue sonêtre même. Une partie de notre travail consiste à pré-server cette identité d’être “à l’avant et au centre”dans la pensée de l’Église. Nous faisons cela en rap-pelant aux membres du Peuple de Dieu les interven-tions salvatrices de Dieu dans le passé, le besoin quenous avons tous de changer notre cœur profondé-ment aujourd’hui, et la responsabilité de chacun pourconstruire la communauté humaine, maintenant etdans les jours à venir, en accord avec les promessesdivines.

On a utilisé de temps en temps l’image, prise dansun tableau d’Eugène Burnand2 de Pierre et Jeans’empressant d’aller au tombeau de Jésus le jour dePâques, pour représenter cette relation entre nous,personnes consacrées, et l’Église en général. Nous U

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cellin est urgente. Le refus de voir la réalité s’installesi facilement dans un groupe qui a peur de changer.Les résultats à long terme d’une culture de dénéga-tion peuvent toutefois être fatals.

J’ai un grand optimisme pour la vie religieuse etson avenir et, en particulier, pour notre Institut, sa vieet sa mission. En même temps, je crois que les “ fe-nêtres d’opportunité ” que Dieu a ouvertes, en ces an-nées récentes, à notre Institut et à plusieurs de sesprovinces et districts, ne resteront pas ouvertes indé-finiment. De fait, sans action décisive et audacieusede la part de tous ceux qui sont concernés, certainesde ces fenêtres sont déjà sur le point de se fermer.

LE BUT DE CETTE CIRCULAIRE

Notre identité en tant que groupe et la place centra-le que la spiritualité de Marcellin doit tenir dans cetteidentité ont été directement ou indirectement desthèmes importants du 20e Chapitre général. Ces su-jets sont réapparus lors des sessions de travail duConseil général, durant plusieurs retraites, et lors desvisites de l’Administration générale aux provinces etdistricts. Ceci ne devrait pas nous étonner. En effet,la question de notre identité et la place de la spiri-tualité de Marcellin dans notre identité forment deséléments essentiels de notre vie de Petits Frères deMarie.

Le défi décrit dans cette circulaire dépasse debeaucoup celui que nous avons relevé il y a quelquesannées, lorsque nous avons entrepris le travail de re-nouveau grâce à des programmes pastoraux etautres. En nous mettant en route maintenant, nousnous éloignons des soucis d’organisation, si impor-tants soient-ils, pour entreprendre des tâches quisont fondamentales.

identité nouvelle et attirante pour notre Institut ?Nous courons le danger d’avancer sans but plutôtqu’avec détermination et passion. Par contre, uneidentité bien comprise, bien exprimée et bien accep-tée, nous unirait en tant que groupe, galvaniserait nosénergies, et nous inviterait à renouveler notre engage-ment.

LE DÉFI EST-IL LE MÊME POUR TOUS ?

Le défi de traiter des problèmes de l’identité et de laspiritualité de Marcellin est-il aussi pressant partoutdans notre Institut ? Pas vraiment. Nous avons au-jourd’hui des provinces et des districts où desmembres se sentent responsables de ce travail de re-nouvellement. Les démarches de restructuration yont aussi contribué. Un aspect important, mais sou-vent négligé, de cet effort de tout l’Institut pour at-teindre une plus grande vitalité et viabilité, a été saspiritualité. Au cœur de ce travail de restructuration,souvent exigeant, on retrouve l’objet central de notrefoi, le Mystère pascal. Un long et douloureux proces-sus de mort au passé doit souvent se produire, avantque l’on puisse voir, avec les yeux de la foi, les pre-miers rayons éblouissants d’un matin de Pâques.

Mais des frères dans d’autres provinces et districtssont moins enthousiastes pour répondre aux appelsdu renouvellement. Ils ont peur du changement, leprenant souvent pour une perte et un bouleverse-ment. Et, de fait, ces deux derniers en sont desconséquences normales. Mais il n’y a pas de transfor-mation possible sans changement.

Enfin, je ne serais pas honnête si je ne partageaispas cette préoccupation que, dans quelques-unes denos unités administratives, la nécessité de s’occuperdes questions d’identité et de la spiritualité de Mar- U

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N’oubliez pasque changement

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de plusieursfaçons.

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Troisièmement, rappelons-nous que ce pèlerinagede renouvellement dans lequel notre Institut s’est en-gagé se fait par au moins trois générations différentesde frères. Chacune d’elles a une expérience unique del’Église et du monde. Ne pas le reconnaître mènera àdes malentendus regrettables et à une lecture erronéedes signes des temps.

Plus loin dans cette circulaire nous discuteronsplus amplement des différences de générations quiexistent aujourd’hui dans notre Institut. Pour le mo-ment, toutefois, rappelons-nous que certains de nosfrères ont eu une expérience directe de la vie reli-gieuse pré-conciliaire, d’autres sont devenus adultesau moment de cette assemblée historique, et enfin lesderniers le sont devenus seulement après.

UNE LEÇON DE L’HISTOIRE

L’histoire est éducatrice mais faut-il encore l’étudier at-tentivement. Dans l’histoire de la vie consacrée, aprèsdes périodes de changements et de transformations, onretrouve toujours présents ces trois éléments : prière,communauté, apostolat. Ils peuvent être présentssous une forme nouvelle, mais d’une façon ou d’uneautre, nous devons nous attendre à ce que toute for-me de vie dite “ religieuse ” les comporte.

En puisant dans l’héritage de nos traditions, nousserons mieux équipés pour le travail stimulant de re-penser notre vie communautaire, notre façon de prierDieu, notre apostolat, spécialement si nous avons dé-veloppé l’habitude de la prière, la capacité d’écouter,la volonté d’agir avec courage et détermination.

Mais surtout l’écoute, acte simple mais combiendifficile, doit imprégner notre nouvelle manière devivre. Oui, écouter doit être une des pierres de touche

Si nous pouvons répondre à cette question qui vaau cœur de notre identité : “ sur qui ou sur quoi, vouset moi, reposons notre cœur ? ”, tant d’autres chosesliées au processus de renouvellement se mettront na-turellement en place : une image de Marie adaptée au21e siècle, la volonté d’embrasser l’option préféren-tielle pour les pauvres vers qui nous sommes appelés,une vision claire de la nature et de la forme de notreapostolat et de notre vie communautaire, une identi-fication facile des Jean-Baptiste Montagne de notretemps, et tant d’autres choses.

TROIS POINTSÀ NE PAS OUBLIER

Frères, au moment d’entreprendre cette aventure de ré-imaginer notre identité, n’oublions pas les trois pointssuivants. Premièrement, pour atteindre notre but, noscœurs doivent être ouverts au changement, tout en ché-rissant le meilleur du passé. Le renouvellement authen-tique ne se débarrasse pas de ce qui a précédé, mais,plutôt, libère ce passé des reliquats de l’histoire.

Deuxièmement, n’oubliez pas que changement ettransformation diffèrent de plusieurs façons. Lechangement arrive à un certain moment dans letemps, la transformation, elle, s’étend dans le temps,nous donnant l’occasion de nous ajuster psychologi-quement et spirituellement aux nouvelles circons-tances. Par exemple, si j’ajoute un programmed’exercice physique à mon horaire quotidien, j’effec-tue un changement dans ma vie. Cependant, les effetstransformants de ce programme ne sont pas rapide-ment visibles, alors que ma perte de poids et l’amé-lioration générale de ma santé sont pourtant évi-dentes pour moi et les autres. U

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moi, nos frères en communauté et dans le ministère,nos partenaires laïques. Commençons notre travail enracontant une histoire qui nous aidera à établir lecontexte dans lequel nous parlerons de la spiritualitéde Marcellin et de notre identité de Petits Frères deMarie.

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de notre travail commun. Pour développer cette ca-pacité nous ferons bien de ne pas nous entourer seu-lement de ceux qui pensent comme nous, ou de lireseulement ces auteurs qui partagent nos opinions etnotre vue du monde.

Oui, il serait plus commode de ne pas avoir à choi-sir parmi plusieurs points de vue. Cependant, si nousvoulons renouveler la connaissance que nous avonsde notre Institut et de sa mission, nous ne pouvonspas faire seulement ce qui est facile. Nous devons en-core faire ce qui est juste.

UN POINTDE CLARIFICATION

Pour garder un style simple et clair, j’ai adressé cettelettre à mes frères de l’Institut. Je me rends biencompte, cependant, que beaucoup de nos partenaireslaïques s’intéresseront aussi à son message, et je n’aiaucunement l’intention de les exclure. Frères, je vousprie de bien vouloir partager cette lettre avec les par-tenaires laïques de votre district, province, ou région,et de les accueillir dans vos groupes de discussion surces sujets. Quand vous arriverez aux questionnaires àla fin de chaque partie, vous constaterez qu’ilss’adressent à diverses personnes et qu’ils prêtent àdifférents arrangements.

UN DERNIER MOTÀ PROPOS DE CETTE CIRCULAIRE

Le texte est divisé en trois parties. À la fin de cha-cune se trouve une série de questions pour la ré-flexion. La circulaire veut nous aider à partager nosexpériences et nos impressions, à réfléchir ensemblesur le sujet en discussion. Tous sont invités : vous, U

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PREMIÈRE PARTIE : L’importance des contextes

V oulant récompenser leur bonne conduite, unemaîtresse de jardin d’enfants donna aux élèvesde sa classe une heure pour dessiner ce qu’ils

voulaient. Les élèves en furent ravis et prirent en maincrayons et papier, et se mirent rapidement au travail.

Avec le temps, la maîtresse devint de plus en plus cu-rieuse de juger les efforts de ses élèves. Elle commençadonc à circuler dans la salle, jetant un coup d’œil ici etlà aux divers chefs-d’œuvre en cours.

Toutefois, en regardant le travail d’une élève nom-mée Louise, la maîtresse devint perplexe. Quoiquel’élève eût travaillé diligemment pendant toute la leçon,la maîtresse ne parvint pas à imaginer ce que l’élèvedessinait. Alors, elle demanda à Louise ce que son des-sin représentait. La fillette répondit : “Je dessine Dieu.”Surprise, la maîtresse dit : “Euh! C’est un projet ambi-tieux. Tu te rends compte que personne ne connaît levisage de Dieu.” Sans lever les yeux de son travail,Louise répliqua : “Eh bien, ils le connaîtront dans uneminute!”

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épouse, de l’argent, et une certaine autonomie pourprendre des décisions.

Mais les temps ont changé. Des signes extérieurs(comme une manière commune de s’habiller, la récita-tion quotidienne du rosaire en classe avec nos élèves, oumême un apostolat commun à la province ou au dis-trict), qui dans le passé rendaient notre identité et notremode de vie compréhensible et cohérent, n’existentplus dans beaucoup d’endroits. Malheureusement nouscontinuons à attendre l’apparition de nouveaux signespour remplacer ceux qui ont disparu. Quel en est le ré-sultat ? Dans quelques régions de notre Institut, le senset la valeur de notre vie de frères sont devenus obscurspour certains, et franchement déroutants pour d’autres.

En plus de l’incertitude relative à notre identité, ilfaut ajouter le fait que, depuis au moins quarante ans,nous avons travaillé fort pour convaincre les autresmembres de l’Église, que la vie de frère n’était pas unemanière supérieure de vivre l’Évangile. En mêmetemps, nous n’avons pas réussi à faire ressortir ce quirendait notre vie différente et unique.

Finalement, dans certaines parties du monde actuel,on a vu une augmentation de la consommation au dé-triment d’un mode de vie plus simple, presque austère,comme c’était le cas dans le passé. On a aussi vu uneaugmentation de l’individualisme, des agressionssexuelles d’enfants, même par certains de nos frères.Tout cela a suscité bien des interrogations dans l’espritde plusieurs, les amenant à se questionner sur la santéet l’avenir de la vie consacrée en général, et sur notre viede frère en particulier.

Depuis Vatican II, nous, les religieux, avons peiné pourreprendre pied. Depuis près de quarante ans maintenant,nous avons cherché une identité nouvelle et attirante pourremplacer celle que nous avons perdue lors du Concile.

Voilà, bien sûr, la voix de la confiance et de la certi-tude. Si seulement nous avions aujourd’hui cette mêmeassurance lorsque nous parlons de notre identité de Pe-tits Frères de Marie et de notre spiritualité, comme hé-ritiers du patrimoine de Marcellin Champagnat !

Avec le recul, vous et moi sommes capables demieux apprécier que la véritable crise, à laquelle notreInstitut doit faire face depuis Vatican II, n’est pas lemanque apparent de vocations dans certaines partiesdu monde. Non, la crise fondamentale, pour tant degroupes durant ces quatre dernières décennies, a étéune crise d’identité et de spiritualité.

C’est évident. Si les Pères du Concile se sont atta-qués au défi urgent et nécessaire de définir la place lé-gitime des laïcs, hommes et femmes dans l’Église, ilsont eu moins de succès dans leurs efforts pour redéfinirla nature et le but de la vie religieuse.

Le temps passant, ils sont de moins en moins nom-breux ceux qui d’entre nous ont une mémoire vivantede cette assemblée historique, et du vent d’espoir quisouffla sur notre Église. Ceux d’entre nous qui s’ensouviennent conviendront cependant que notre identi-té de Petits Frères de Marie semblait plus claire lorsquele Concile s’est ouvert, qu’elle ne le semble aujourd’hui.

Par exemple, il y a quarante ans, dans plusieurs paysoù nous oeuvrions, il y avait davantage de jeunes quipouvaient tout de même reconnaître ceux d’entre nousqui étaient frères. Tout en ne connaissant pas les détailsquotidiens de notre vie religieuse, ces jeunes nousvoyaient néanmoins comme des hommes mis à part, etle plus souvent, ils jugeaient notre vie comme simple etpauvre, une vie de sacrifice évident. Ayant promis devivre les conseils évangéliques d’une certaine manière,on pouvait dire qu’aux yeux de plusieurs, nous avionssacrifié ce à quoi la plupart des gens aspiraient : une U

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de Marie ont un futur vital et viable ? Qu’est-ce qui rendnotre réponse à cette question si importante ? L’énergieque nous sommes prêts à dépenser, et les risques quenous sommes prêts à encourir au cours des prochainesannées dépendent en grande partie de notre réponse.

D’autres questions tout aussi troublantes: Sommes-nous attachés au rêve et au charisme de MarcellinChampagnat ? Comptons-nous canaliser une bonnepartie de notre temps et de nos énergies pour réaliser cerêve et répondre aux besoins de notre temps ? Si, en pa-roles et en actes, notre réponse et celle de la majorité denos frères est “Non,” il n’y a plus rien à espérer de l’ave-nir de notre Institut, qui probablement ne durera pasau-delà de la génération actuelle.

Dans son livre, Alice au pays des merveilles, l’auteurLewis Carroll raconte l’histoire de la rencontre d’Aliceavec un chat de Cheshire. Arrivant à un carrefour sur saroute, Alice demande au chat: “Quel chemin dois-jeprendre ?” Il lui répond par une autre question : “Oùvoulez-vous aller ?” “Je ne sais pas,” répond Alice.“Alors,” réplique le chat, “le chemin que vous prendrezn’a aucune importance.”

Le chemin que nous prendrons est aussi sans impor-tance si nous négligeons de donner à notre Institut uneidentité spécifique et attirante, si nous ne nous consa-crons pas sans réserves à la tâche de revitaliser notremode de vie dans les années à venir.

Mais si nous le faisons, nous pouvons prendre cou-rage car, dans les communautés qui ont eu une ou plu-sieurs renaissances au cours de leur histoire, la présen-ce d’une vision inspirante pour guider leur groupe, devoix prophétiques parmi leurs membres, et d’un espoirévident chez leurs chefs, a donné aux participants lecourage qu’il leur fallait pour relever généreusementces trois défis :

Malheureusement, nous sommes loin d’avoir atteintnotre but. Aujourd’hui, dans certaines parties du monde,l’inquiétude vis-à-vis de l’état religieux est telle, queTimothy Radcliffe, OP, ancien Maître général des frèresprêcheurs, a comparé certains d’entre nous à des maré-chaux-ferrants, vivant dans un monde de voitures, er-rant à la recherche de quelque chose d’utile à faire.

Y A-T-IL LIEU D’ÊTRE DÉCOURAGÉS ?

Maintenant, cette situation doit-elle nous décourager ?Pas vraiment. L’historien de l’Église, John Padberg, SJ,3indique que pendant les 450 dernières années, la vie re-ligieuse dans le monde occidental est passée par troispériodes de bouleversements majeurs. La première acommencé avec la Réforme protestante. La deuxièmeest apparue avec la Révolution française. Et la plus ré-cente a débuté avec les années post-conciliaires.

Nous pouvons aussi trouver réconfort dans le faitque, malgré les schémas développés récemment pourillustrer l’évolution de la vie religieuse à partir du tempsde Marie l’Egyptienne et d’Antoine au désert jusqu’à nosjours, l’histoire de la vie consacrée n’a jamais été quelquechose de systématique et de bien rangé. Bien que nousl’aurions aimé différente, l’évolution de la vie religieuseapparaît capricieuse, désordonnée et perturbatrice.

AVONS-NOUS UN AVENIR ?

Avant de poursuivre, arrêtons-nous un bref instant pournous poser des questions troublantes. D’abord, est-ceque vous et moi croyons qu’une revitalisation de notremode de vie est possible ? En vue ou en dépit de tous leschangements des quarante dernières années, et despertes qui les ont souvent accompagnés, est-ce que vouset moi, honnêtement, nous croyons que les Petits Frères U

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une mission essentielle, et ils nous permettront d’inves-tir nos énergies pour bien vivre notre identité et notreraison d’être.

CE QUI COMPLIQUE NOTRE TÂCHE

Cela dit, il faut admettre que notre travail de renouvel-lement est compliqué par certaines caractéristiques del’époque contemporaine, et par la présence de généra-tions différentes dans notre Institut. Ce moment denotre histoire, appelé par plusieurs la post-modernité,se distingue par un fort désir d’avoir de Dieu une ima-ge nouvelle et crédible. S’adressant à la session d’ou-verture de notre 20e Chapitre général, Benito a appelécette situation troublante : une crise de la foi4.

Beaucoup d’entre nous se rendent compte que nousne pouvons plus nous attendre à ce que les milieux oùnous vivons soutiennent notre foi. Le temps est bienpassé où nous pouvions compter vivre dans une cultu-re chrétienne, ou être entourés de croyants. C’est tristeà dire, mais même dans certaines de nos communautésmaristes, ceux parmi nous qui veulent avoir une vie defoi fervente ne peuvent pas toujours compter sur cer-tains membres de leur groupe pour les soutenir.

Ainsi, à l’aurore d’un nouveau millénaire, plusieursd’entre nous aspirons, du plus profond de notre être, àun Dieu qui habitera au cœur de notre vie. Un Dieuavec qui nous pourrons entrer en relation plus facile-ment, qui apportera un sens profond à notre vie, et uneréponse à nos plus grandes inquiétudes. Voilà le Dieuauquel nous aspirons pour renouveler notre spirituali-té et bâtir notre vie de prière personnelle et commu-nautaire.

Moins évident, mais non moins inquiétant, unnombre extraordinaire de changements ont été imposés

• Entreprendre une profonde conversion du cœur ;renouveler leur vie de foi, ce qui les mène à une plusgrande familiarité avec Jésus-Christ.

• Redécouvrir le charisme Fondateur de leur Institut,une fois dégagé des poids de l’histoire.

• Trouver une réponse transformatrice aux signes deleur temps.

Je ne peux pas m’empêcher de croire que, en nousattelant à ces trois tâches, nous découvrirons que la spi-ritualité de Marcellin Champagnat réside au cœur detoute identité renouvelée et décisive pour ses PetitsFrères. Bien sûr, le chemin de Marcellin pour aller versDieu devrait aujourd’hui prendre une allure du 21esiècle et non une du 19e. Cependant, dans le cœur deMarcellin, on trouverait les mêmes attitudes et orienta-tions que celles qui l’ont jadis guidé dans son chemine-ment spirituel.

Un mot de prudence avant de poursuivre. Se repliersur des modèles qui ont engendré un enthousiasme àune époque passée peut sembler attrayant durant unepériode d’incertitude. Mais adopter cette attitude neconduira qu’à une perte de vitalité, et ultérieurement àl’abandon d’un avenir possible.

Nous vivons à une période où notre mode de vie esten train de se modeler une nouvelle image. Quand ceprocessus sera terminé, ce que nous savions auparavantn’aura plus d’importance. Par contre, ce que nous dési-rons ardemment pour revitaliser notre Institut et samission n’est pas encore bien en vue.

Des choix importants, quant à notre identité et ànotre raison d’être se présentent à nous. Ces choix, unefois faits, mettront clairement en évidence les sacrificesrequis pour faire partie d’un Institut renouvelé ayant U

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aux populations de nombreux pays en voie de dévelop-pement durant ces dernières années. Contrôlant peu oupas du tout leur condition, ils ont dû affronter, en uneou deux générations, des changements que certainsd’entre nous des pays développés ont affronté en cinqou six générations. Des points de vue humanitaire etspirituel, le résultat s’est avéré tragique : de nombreusescultures indigènes se sont désintégrées, et même cer-taines ont disparu.

Enfin, au moins trois générations différentes defrères sont présentes dans notre Institut aujourd’hui, etune certaine connaissance de chacune d’elles est im-portante pour mieux comprendre le thème de cette cir-culaire.

Les frères qui composent la plus âgée de ces troisgénérations se rappellent ce à quoi ressemblait notremode de vie avant les changements sismiques qui l’ontbouleversé durant Vatican II et les années qui ont suivi.Ils se rappellent, par exemple, que c’était Pie XII qui,le premier, lança un appel pour le renouveau de la viereligieuse et qui, vers la fin des années cinquante, a ap-pelé à une modification de coutumes périmées et se-condaires dans la vie religieuse. Ces frères se souvien-nent encore de la messe en latin, ils peuvent reconnaîtreune barrette quand ils en voient une, et ils ont vécu uneforme très stricte de vie religieuse pendant de nom-breuses années.

Un second groupe de nos frères est devenu adultequand le Pape Jean XXIII a ouvert les fenêtres de l’ag-giornamento. Non seulement ce pape a-t-il voulu qu’unpeu d’air frais circule dans l’Église, mais il a aussiconvoqué le premier concile œcuménique depuis prèsde cent ans. Beaucoup de frères de cette génération sesont vite immergés dans ce que nous appelons aujour-d’hui la modernité ; ils se sont efforcés d’abandonnercertains privilèges, symboles et modes de vie qui nous U

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séparaient du Peuple de Dieu. L’habit religieux estdonc devenu moins commun. Des manières de vivre encommunauté, établies depuis longtemps, ont commen-cé à changer. Tant de choses, familières depuis si long-temps, se sont mises à disparaître.

Ce groupe nous a obligés à affronter les questionsque tous se posent sur le sens de la vie ; il a conduitnotre Institut à travers une période d’abandon, de ques-tionnement sur le sens et le but de notre mode de vie.Élus pour être témoins de la fin d’une période de l’his-toire de l’Église, ces frères ont été bénis en devenant lesaccoucheurs d’une nouvelle époque.

Cependant, les questions de renouveau en l’an 2003ne sont plus celles des années 1967-1968. Aujourd’huiune nouvelle génération regarde la vie religieuse etnotre Institut, et franchement, ces jeunes proviennentde milieux bien différents de ceux de nos frères de plusde cinquante ans. Bien qu’il y ait des exceptions, la plu-part des jeunes qui nous arrivent sont dépourvus d’uneforte identité catholique. Par exemple, les symboles quinous ont nourris et accompagnés dans notre foi - lepoisson du vendredi, le jeûne de minuit avant de rece-voir la Sainte Communion, la dévotion du premier ven-dredi de chaque mois, pour n’en nommer quequelques-uns – ne font pas partie de leur expérience.

Parmi les candidats à notre mode de vie aujourd’hui,il y a les rejetons de cette période qu’on vient d’appeler,il y a un moment, la modernité. Ils ont porté ses ques-tions depuis leur enfance et, bien sûr, ils veulent main-tenant des réponses, et ils cherchent des signes clairsqui manifesteront leur appartenance à une congréga-tion religieuse. Ils veulent appartenir à un groupe, maisen même temps ils se demandent ce qui les aidera àvivre, des années durant, ce mode de vie très exigeant,et cela, en demeurant une personne de leur temps et deleur âge.

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discussions sur ce sujet. Pour plusieurs raisons, je pré-fère l’expression la spiritualité de Marcellin, car toutediscussion à propos de notre spiritualité de PetitsFrères de Marie doit prendre sa source dans celle denotre Fondateur. Le trésor qu’il a transmis à nos pre-miers frères et à chacun de nous à l’intérieur de l’Égli-se est unique, et diffère de l’héritage de Jean-ClaudeColin par exemple. L’influence de ce dernier est évi-dente sur la spiritualité des membres des autresbranches de la Société de Marie, mais pas tellement surla nôtre.

En second lieu, le Testament Spirituel du Fondateuridentifie les trois éléments qui composent le noyau desa spiritualité et de celle de ses Petits Frères : confianceen la présence de Dieu, dévotion à Marie et confiance ensa protection, et la pratique des deux petites vertus desimplicité et d’humilité.

Écrivant dans la langue propre à son temps, Mar-cellin a décrit la spiritualité qu’il recommandait à sesPetits Frères ; c’était un miroir de la sienne : “Persévé-rez fidèlement dans le saint exercice de la présence deDieu; l’âme de la prière, de l’oraison, et de toutes lesvertus. Que l’humilité et la simplicité soient toujours lecaractère des Petits Frères de Marie. Qu’une dévotiontendre et filiale vous anime dans tous les temps ettoutes les circonstances pour notre Bonne Mère.Faites-la aimer partout... Soyez fidèles à votre vocation,aimez-la et persévérez-y avec courage..”7

Plus loin dans cette circulaire nous examineronsplusieurs facteurs qui ont contribué à la maturité spiri-tuelle de Marcellin : sa pratique de la présence de Dieun’étant pas le moindre de ces facteurs. Ce Dieu dontMarcellin savourait la présence et qui le soutenaitn’était aucunement un Dieu abstrait. C’était plutôt leSeigneur Jésus lui-même. Le mystère de l’Incarnationétait au cœur de sa spiritualité. De toute évidence,

Ainsi, quand vous parlez avec nos jeunes frères, vousdécouvrez vite que Vatican II ne fait pas partie de leurhistoire. Les années 1980-1990 forment leur point deréférence, et non pas les années soixante. Donc, quandles membres de cette génération se mettent à découvrirdes aspects de ce qu’on appelle la pré-modernité, avecson insistance sur la tradition, ils ne se sentent pas inté-ressés par la restauration de ce passé. Pourquoi? Parcequ’ils n’ont pas une mémoire vivante du monde et del’Église pré-conciliaires.

Tenant compte d’une expérience si diverse, les res-ponsables actuels de l’Institut ne peuvent pas oublier lebesoin que nous avons d’avoir une vision globale et in-tégrante de tous nos membres. Comment pourrons-nous tenir autrement le cap dans les eaux agitées de lapost-modernité ?

DIEU PRÉSENT AU CENTRE

Le second point central de cette circulaire, celui quej’appelle la spiritualité de Marcellin, est aussi importantque le premier. Comme je l’ai dit ci-dessus, je crois quele renouvellement de l’identité de notre Institut et de samission passe par la découverte du chemin que Mar-cellin a pris pour aller à Dieu.

Ce thème a d’autant plus d’importance que le Cha-pitre a demandé à l’Administration générale d’élaborerun document sur notre spiritualité, sur le modèle deMission éducative mariste5. Avec cette ressource enmain, nous tous qui partageons le charisme et le rêve denotre Fondateur, frères et laïcs ensemble, nous de-vrions pouvoir réfléchir davantage sur sa spiritualitécomme étant le fondement de la nôtre.

Depuis 1976, l’expression la Spiritualité aposto-lique mariste6 a souvent servi de référence pour les U

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Cependant, au commencement de la deuxième se-maine, durant l’une de nos rencontres quotidiennes detrente minutes, Tom fit cette remarque surprenante:“C’est impossible,” dit-il, “pour vous de faire lesExercices de Saint Ignace traditionnels ; Marie esttrop présente dans votre spiritualité.” M’interrogeantsérieusement pour savoir si cette affirmation était unecritique voilée ou non, je lui ai demandé ce qu’il vou-lait dire. Il a répondu : “Oh, c’est évident : vous êtesmariste, pas jésuite.” A partir de ce moment, nousavons élaboré un nouveau plan de retraite, et j’ai pas-sé le temps qui restait à contempler le monde et la Pa-role de Dieu avec les yeux de Marie. A la fin du mois,je me suis rendu compte que cette retraite était deve-nue l’une des plus mémorables et des plus utiles de mavie. Donc, je le répète, pour plusieurs raisons, je pré-fère employer l’expression la spiritualité de Marcellindans cette circulaire.

NOTRE 20E CHAPITRE GÉNÉRAL

Pour ancrer dans l’Écriture sainte le thème denotre 20e Chapitre général, les membres de la Com-mission préparatoire ont choisi un passage du cha-pitre 30 du livre du Deutéronome. Yahvé met les Is-raélites devant ce choix : ou la vie et un avenir, ou lamort et la destruction. Dans certaines parties de notreInstitut, nous affrontons aujourd’hui ce même défi :embrasser avec vigueur l’avenir, ou se cramponner ti-midement au passé.

Quel prix devrons-nous payer pour garantir vie etavenir à notre Institut et à sa mission? Rien de moinsqu’une révolution! Je vous invite donc à me rejoindredans cette révolution, une révolution du cœur. Je nepeux que vous promettre peu en retour : un dur labeur,un régime continu d’abnégation… mais aussi, la possi-bilité de participer à rien de moins qu’à la renaissance

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l’intimité avec Jésus était le but du voyage de foi deMarcellin Champagnat.

Si le Christ était au centre de la spiritualité du Fon-dateur, Marie s’y trouvait aussi, bien que de manièredifférente. Marcellin avait une entière confiance en elleet en sa protection, et il disait souvent à ses frères :“Avec Marie, nous avons tout ; sans elle, nous n’avonsrien.” Le nom de Marie était important pour lui. La foide Marcellin percevait que Jésus et Marie se trouvaienttous les deux au cœur du mystère de l’Incarnation.Nous pouvons donc conclure que la spiritualité denotre Fondateur était assurément mariale puisqu’elles’inspirait du mystère de l’Incarnation.

De plus, la spiritualité de Marcellin était éminem-ment transparente. La simplicité marquait et caractéri-sait cet homme. Le Fondateur était direct, enthousiaste,confiant. Son humilité aussi était évidente : on ne l’a ja-mais décrit comme quelqu’un de prétentieux. Voilàdonc des qualités qu’il conseillait à ses frères, et quetant de personnes de notre Église trouvent encore au-jourd’hui si séduisantes. La spiritualité de Marcellin estl’expression d’un christianisme pratique, capable detransformer l’individu aussi bien que le monde dans le-quel il vit.

Aussi, de temps en temps, on nous rappelle combienl’une ou l’autre caractéristique de la spiritualité de Mar-cellin fait partie de notre propre vie. Par exemple, entremon premier et second mandat de Provincial, j’ai déci-dé de faire une retraite de trente jours dans un centrede spiritualité sur la côte atlantique des États-Unis.

Mon directeur de retraite était un vieux jésuite ex-périmenté du nom de Tom. Nous nous sommes vite misau travail, et nous nous rencontrions régulièrementpendant la première semaine, alors que je prenais lerythme de la retraite. U

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de notre Institut. Oui, la possibilité de participer à riende moins qu’à la renaissance de cet Institut et de sa mis-sion que nous aimons tant.

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QUESTIONS POUR RÉFLÉCHIRQUESTIONS POUR RÉFLÉCHIR

1.Dans le silence, quelles sont vos réflexions quant à l’ave-nir de notre Institut et de sa mission ? Êtes-vous confiants

qu’il ait un avenir ? Vous souciez-vous du chemin que nousprendrons ? Comment expliqueriez-vous votre réaction ?

2. Nommez quelques-uns des obstacles majeurs qui s’op-posent au renouveau de notre vie et mission maristes

dans votre région : province, district ou communauté ?Quelles démarches pouvez-vous faire pour réduire l’impactde ces obstacles ?

3. Qu’est-ce qui, en vous, s’oppose à la revitalisation devotre vie et apostolat maristes, et comment pouvez-vous

y remédier ?

4. D’autre part, quelles sont parmi vos qualités et vos ac-tions, celles qui contribuent à favoriser la vie et la mission

maristes dans votre région, province ou communauté ? Quepouvez-vous faire pour consolider ces forces constructrices ?

5. Dites un mot de votre spiritualité. Comment décririez-vous votre relation à Jésus-Christ et à Marie si un ami

vous demandait quelles places tous les deux occupent dansvotre vie ?

Note : Trouvez un endroit paisible où vous pourrez réfléchir à cesquestions. Faites-le à un moment où vous n’êtes pas pressés par letemps. Prenez carnet et stylo, et notez les pensées, sentiments, ins-pirations que vous estimez valoir la peine de conserver. Plus tard,envisagez un partage avec d’autres qui ont fait pareille réflexion.Les notes prises vous seront utiles pour une telle discussion, ou en-core plus tard, pour vous rafraîchir la mémoire.

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DEUXIÈME PARTIE : Un mot sur l’identité

T ous les soirs, au crépuscule, un rabbin se pro-menait jusqu’aux limites de la ville qu’il habi-tait. Cette habitude quotidienne lui donnait du

temps pour réfléchir et aussi pour se tenir au courantdu va-et-vient de ses voisins.

De riches propriétaires qui demeuraient à l’extrémi-té de la ville avaient la coutume d’engager des gardiensde nuit pour protéger leurs propriétés. Un soir, le rab-bin croisa un de ces gardiens et lui demanda le nom deson patron. Le gardien lui donna un nom familier.

A la surprise du rabbin, le gardien s’informa aussi deson patron à lui. La question l’étonna. N’était-ce pasévident au gardien, au monde entier même, qu’il tra-vaillait pour le Maître de l’Univers ? Devenant moinssûr, le rabbin hésita à répondre au gardien. Enfin, il luiavoua : “Je regrette de vous dire que je ne suis pas sûrde savoir pour qui je travaille. Vous voyez, je suis le rab-bin de cette ville.”

Après une longue promenade ensemble et en silence,le rabbin demanda au gardien : “Voulez-vous venirtravailler pour moi ?”

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changements et des nouveaux besoins, nous noussommes demandés : quels modes de présence au mondenous rendraient plus dépendants de Dieu et plus ca-pables d’œuvrer à la mission de Jésus ?

La seconde étape pour que notre Institut développeune identité propre présente des défis semblables àceux que nous avons affrontés pour former notrepropre identité personnelle ; nous faisons face auxcrises inévitables à tout processus d’exploration. Aucours des quatre dernières décennies nous avons apprisdeux pénibles leçons en tant qu’Institut : 1) l’explora-tion mène aux crises, 2) le nombre de ces crises aug-mente au fur et à mesure que nous découvrons des ma-nières différentes de vivre.

De nouveau, comme c’était le cas pour la formationde l’identité individuelle, la troisième et dernière étapede ce processus implique un engagement ferme. Pourque n’importe quelle période d’exploration, de change-ment et de transition soit fructueuse, il faut faire deschoix. Après avoir évalué des options concurrentes, cer-taines apparaissant probablement fort séduisantes, nousdevons décider ce que nous voulons, quels points de vuenous sont chers, comment nous prévoyons de vivrenotre vie. Si vous et moi voulons forger une identiténouvelle pour notre Institut et sa mission, nous ne pour-rons pas éviter les processus d’évaluation et de choix.

QUELLE EST LA SOURCEDE NOS PROBLÈMES D’IDENTITÉ ?

Vous demandez-vous quelle est la source de cette crised’identité dans la vie consacrée actuelle ? Ne cherchezpas plus loin que Vatican II. Dans l’esprit de plusieurs,certaines décisions prises par cette assemblée histo-rique, bien que nécessaires et attendues depuis long-temps, ont mis fin au cadre idéologique dans lequel

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“Je voudrais bien,” répondit le gardien, “maisquelles seraient mes tâches ?”

Le rabbin lui répondit : “Oh ! il n’y aura qu’une seulechose à faire. Il faudra me rappeler pour qui je travaille,qui est mon patron, et pourquoi je suis ici. Rappelez-moi cela, c’est tout.”

Quelle leçon tirer de cette anecdote ? En tant quePetits Frères de Marie, ayant fait près de quarante an-nées d’efforts de renouvellement, vous et moi pour-rions très bien conclure que nous sommes le rabbin dece récit, toujours dans le besoin de nous faire rappelerpour qui nous travaillons. Mais pourtant notre véritableplace est avec les gardiens. Précédemment, nous avonsdit que nous sommes appelés à être la mémoire vivantede notre Église, pour lui rappeler constamment la na-ture de son identité. Voilà notre rôle prophétique.

QUE VOULONS-NOUS DIREAU JUSTE PAR IDENTITÉ ?

Qu’entendons-nous par identité ? À un niveau person-nel, l’identité est le sentiment de savoir qui vous êtes, etoù vous allez dans la vie. Il en est de même pour l’iden-tité d’un groupe et d’une organisation. Quand on ques-tionne une institution à l’identité forte sur ses convic-tions, on a une réponse immédiate et ferme. Tout com-me l’identité personnelle rend chacun unique, l’identi-té d’un Institut religieux aide ses membres à répondreà ces deux questions : “qui sommes-nous ?” et “qu’ai-mons-nous, que chérissons-nous ?”

Pour se forger une identité, un Institut doit d’abordconsidérer honnêtement les options possibles. Commegroupe, nous nous débattons pour faire cela depuis Va-tican II. À la lumière de notre charisme, en réponse auxappels de l’Église et du monde, en tenant compte des U

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Plus récemment, dans Vita Consecrata, le pape JeanPaul II a noté que chacun des états de vie fondamen-taux dans l’Église exprime l’un ou l’autre aspect dumystère du Christ. Le laïcat, par exemple, a la respon-sabilité de proclamer le message évangélique dans lasphère temporelle.

La vie religieuse, par contre, doit refléter la façonmême de vivre du Christ. Selon les paroles du Pape, ellea la responsabilité de faire éclater la sainteté du Peuplede Dieu. Elle proclame et, d’une certaine manière, anti-cipe un âge futur quand le Royaume de Dieu sera ac-compli. Elle exprime plus complètement le but de l’É-glise qui est la sanctification de l’humanité.

Comme nous venons de le dire, les Pères du Concilen’ont identifié que deux états de vie dans la structure del’Église : le clergé et le laïcat. Vita Consecrata, même avecses défauts, rappelle à tous que, selon l’expérience del’Église, il y en a bien trois : laïque, clérical et religieux.Depuis ces paroles, la vie consacrée a commencé à re-trouver sa place dans notre Église, et à se donner lesmoyens de se repenser pour le nouveau millénaire. Maiscela n’est pas la fin de notre histoire. Dans les pro-chaines pages nous résumerons brièvement notre longvoyage de près de quarante ans, à la redécouverte del’identité de notre mode de vie.

DÉFIS PARTICULIERS AUX RELIGIEUX FRÈRES9

En tant que frères, nous avons affronté des défis sup-plémentaires et particuliers dans nos efforts pour nousfaçonner une identité post-conciliaire. D’abord, dansles années turbulentes d’après Vatican II, nous avonssouffert d’une plus grande perte de notre raison d’êtreque nos confrères prêtres. Pour maintenir leur stabilitéet le sens de l’identité, plusieurs d’entre eux se sont for-tement cramponnés à leur ministère sacramentel.

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depuis des siècles nous décidions tout de notre manièrede vivre.

Du haut Moyen Âge jusqu’à Vatican II, la plupartdes catholiques acceptaient sans conteste les trois divi-sions hiérarchiques de clergé, religieux, et laïcs. Beau-coup d’entre nous, âgés de plus de cinquante ans, pou-vons nous rappeler l’enseignement selon lequel la prê-trise était “la vocation la plus haute de toutes ”.

La vie consacrée arrivait au second rang. La croyancepopulaire prétendait que seuls les membres engagéspar des vœux dans les ordres religieux pouvaient at-teindre à la perfection spirituelle. Le laïcat, malheureu-sement, se trouvait très loin au troisième rang. Beau-coup d’hommes et de femmes laïques, appelés ni au sa-cerdoce ni à la vie religieuse, se sentaient comme des ci-toyens de seconde classe dans leur propre Église.

Vatican II a bouleversé ce schéma à trois étages.“ Cet état de vie [consacrée], compte tenu de la consti-tution divine et hiérarchique de l’Église, ne se situe pasentre la condition du clerc et celle du laïc ; Dieu appelledes fidèles du Christ de l’une et de l’autre conditionpour jouir dans la vie de l’Église de ce don spécial etservir à la mission salutaire de l’Église, chacun à sa ma-nière. 8”

Rétrospectivement, nous nous rendons compte queceux qui ont pris part à Vatican II ont entrepris résolu-ment la tâche nécessaire et urgente de redéfinir la pla-ce qui revenait de droit aux laïcs dans notre commu-nauté ecclésiale. Ils ont moins bien réussi, cependant,dans leurs efforts pour redéfinir clairement la nature etle but de notre mode de vie. Perfectæ Caritatis, né avecdifficulté et de manière complexe, n’a pas réussi à dé-velopper pour les religieux et religieuses le type de ré-flexion théologique que Lumen Gentium avait fait pourle laïcat. U

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Accaparés par les préoccupations quotidiennes quiassaillent toute école ou institution, nous pouvons faci-lement nous tenir à l’écart des soucis de l’Église locale.Avec le temps, nous découvrons que les moyens mis ànotre disposition, pour nous aider à partager notre ex-périence et nos points de vue sur le ministère, dimi-nuent progressivement.

Enfin, tout comme les membres des autres Institutsde frères, nous sommes des groupes pragmatiques etréalistes. Avant Vatican II cette caractéristique nous abien servis. Tant que nous avons su ce qu’on attendaitde nous en termes de vœux, de vie communautaire etd’apostolat, nous avons été capables d’aller de l’avantdans notre tâche apostolique auprès des jeunes.

Ce vieux système de pensée s’est effondré soudaine-ment durant les années soixante. Dans les années quiont suivi, certains d’entre nous avons poursuivi notretravail, mais sans la compréhension claire que nous enavions avant Vatican II. Même aujourd’hui, quelques-uns parmi nous restons incertains sur les exigencesexactes de nos vœux et de notre vie communautaire, etde la nature de notre spiritualité.

L’échec à reconnaître que notre système de valeurstombait en morceaux a engendré une immense souf-france demeurée encore inexprimée. Nous devons réa-liser que nous libérer de cette souffrance, que plusieursde nous avons portée pendant presque quatre décen-nies, sera aussi douloureux qu’apaisant.

UN CHAPITRE GÉNÉRAL EXTRAORDINAIRE

En 1967-1968, selon les directives de Vatican II, un Cha-pitre général extraordinaire s’est tenu à notre Maison gé-nérale de Rome. La relecture des documents écrits par lesparticipants nous donne une preuve suffisante qu’ils

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Ensuite, notre vocation a toujours beaucoup intriguéplusieurs de nos coreligionnaires catholiques. D’aucuns,par exemple, restent convaincus que nous sommes “enformation pour devenir prêtre,” tandis que d’autrescroient plutôt que nous avons échoué dans cette tentative.

Mais de nos jours, notre vocation de frère a commen-cé à dérouter même certains d’entre nous. Ces dernièresannées, par exemple, nous avons mis de côté nombre designes extérieurs qui, dans le passé, aidaient les gens àdistinguer un Institut religieux d’un autre. De plus, dansquelques provinces et districts, nous nous sommes éloi-gnés de ce que plusieurs considéraient comme notreapostolat traditionnel, pour nous consacrer à des apos-tolats jugés plus adaptés aux besoins de notre temps.

En conséquence, nous sommes moins visibles dans lessociétés et les milieux culturels où nous nous trouvons etplus semblables aux membres des autres congrégationsreligieuses. Faut-il alors s’étonner que nous ayons tantpataugé, une fois confrontés à la tâche de réimaginerthéoriquement et théologiquement notre rôle distinctifde frères à l’intérieur de la communauté ecclésiale ?

Puis, en tant que frères nous sommes bien placéspour contribuer aux discussions sur le ministère actuelde l’Église. Trop souvent pourtant, nos voix sont res-tées étrangement muettes. Quelle en est la cause ? Pourn’en mentionner qu’une, disons qu’il nous reste encoreà trouver des moyens accessibles et efficaces pour par-tager notre expérience.

Notre Institut évangélise surtout par l’enseignement.La plupart des institutions dans lesquelles nous servonsoeuvrent plutôt indépendamment de l’église locale.L’Ordinaire du lieu doit certes donner sa permission,mais le plus souvent il donne cette autorisation et secontente de nous laisser organiser et diriger nos éta-blissements selon nos traditions et coutumes maristes. U

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d’indépendance sur le continent africain, par exemple,ont nourri le nationalisme et un nouvel ordre politique.

Des mouvements qui réclamaient une plus grande li-berté civile, politique et sexuelle ont aussi marqué lespays développés durant ces mêmes années. Quels en fu-rent les résultats ? Une plus grande valorisation desdroits de l’individu et une méfiance croissante à l’égardde presque toutes les formes d’autorité.

Dans les années qui ont suivi Vatican II, plusieursd’entre nous ont donné la priorité à leur développementpersonnel. Ce faisant, nous sommes devenus plus fami-liers avec les principes du développement humain et de lapsychologie. Pour la plupart d’entre nous, cette connais-sance fut bénéfique pour nous personnellement, et pourla révision de nos programmes de formation initiale etpermanente. Pour quelques-uns, cependant, cela a menéà trop se préoccuper de soi et à un déclin de l’élan de gé-nérosité qui avait toujours caractérisé notre mode de vie.

Finalement, dans certaines parties du monde, le pro-cessus de déconstruction - le démantèlement de struc-tures et institutions traditionnelles - et les difficultés del’Église post-conciliaire ont convergé. L’un des résultatsfut l’effilochement du tissu religieux avec la disparitionde pratiques religieuses reconnues.

Récemment un bon nombre d’entre nous en sont ve-nus à réaliser qu’en démolissant la “clôture monastique”,des idéologies rivales - individualisme, matérialisme, so-ciété de consommation, nouvelles connaissances de lasexualité et des relations humaines, pour n’en nommerque quelques-unes - nous ont submergés et se sont atta-quées aux valeurs porteuses de la vie religieuse. C’est aumilieu de tous ces changements rapides que nous et lesmembres des autres Instituts avons commencé notre tra-vail d’adaptation aux réalités et aux besoins de l’Église etdu monde de cette fin du vingtième siècle.

étaient prêts à remuer ciel et terre pour répondre au défidu Concile et renouveler notre Institut. De plus, à la lec-ture des pages qu’ils nous ont laissées, nous réalisons sanspeine que certains membres de ce 16e Chapitre généralcommençaient déjà à débattre la question de l’identité.

Les frères qui se sont réunis pour notre 17e Chapitregénéral de 1976 ont, eux aussi, discuté l’idée d’identité.Ils l’ont cependant fait dans un contexte très différentde celui du groupe qui s’était réuni neuf ans plus tôt.En effet, dans plusieurs provinces et districts, les frèresavaient été étonnés par le nombre de ceux qui avaientdemandé leur dispense de vœux après le Concile etnotre Chapitre extraordinaire.

Quoi qu’il en soit, à la fin du 17e Chapitre général,les membres ont envoyé ce message sur notre identité,l’intégrant à leur rapport final : “ Notre crise d’identitémariste renvoie à une crise d’identité de la vie religieu-se dans son ensemble. Et cette crise de la vie religieuserenvoie elle-même à la crise actuelle de la civilisation etdes valeurs reconnues jusque-là comme telles. Dès lors,le manque d’unification entre vie de prière, vie aposto-lique et vie communautaire n’est pas d’abord un pro-blème moral. C’est un phénomène comparable à celuid’un organisme vivant, fortement perturbé, à la re-cherche d’un nouvel équilibre.10 ”

MISE EN CONTEXTEDES PREMIERS EFFORTS DE RENOUVEAU

Nous avons mentionné précédemment que les premiersefforts pour renouveler notre mode de vie et notre mis-sion maristes ne se sont pas produits dans un vide cul-turel et en dehors de l’histoire. Au contraire, vers la findes années soixante et au début des années soixante-dix, ces efforts se sont produits durant une période agi-tée dans plusieurs parties du monde. Les mouvements U

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QUESTIONS POUR RÉFLÉCHIRQUESTIONS POUR RÉFLÉCHIR

1. Imaginez qu’un étudiant ou un collègue vous pose cesdeux questions : Qui sont les Petits Frères de Marie ?

Qu’est-ce qu’ils aiment et chérissent ? Comment répondriez-vous ?

2. Est-ce que notre mode de vie mariste est surtout invi-sible dans votre pays, province, ou district ? Si oui, com-

ment réagissez-vous à ceci ? Si la situation vous inquiète,quels moyens pouvez-vous prendre pour y remédier ?

3. J’ai suggéré dans cette circulaire que trois éléments sontessentiels à notre identité de Petits Frères de Marie :

prière, apostolat et communauté. Êtes-vous d’accord ? Si oui,pourquoi exactement ? Si non, quels éléments identifieriez-vous comme essentiels pour forger une identité institution-nelle à notre Congrégation ?

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UNE NOUVELLE IDENTITÉPOUR LES PETITS FRÈRES DE MARIE

Les Chapitres généraux depuis Vatican II ont tous étéprécis sur un point : nous devons absolument tenircompte de la prière, de l’apostolat et de la vie commu-nautaire pour formuler la nouvelle identité de notreInstitut. Notre dernier Chapitre général nous a aussiencouragés à entreprendre ce travail en collaborationavec les maristes laïques, désireux de clarifier leur iden-tité, et vivement intéressés par la mission mariste et laspiritualité de Marcellin.

De plusieurs manières, notre 20e Chapitre généralnous a rappelé que pour un renouvellement authentique,nous devons commencer par réfléchir à notre spiritualité.Nous pouvons changer de travail, de lieux, de commu-nautés, mais ce ne seront que des maquillages de façade sinous ne réussissons pas à changer aussi nos cœurs.

Dans mes deux prochaines circulaires, je compteaborder les sujets de la vie communautaire et de notremission apostolique, et leur lien avec notre identité.Pour la suite de cette circulaire, cependant, j’ai l’inten-tion de me concentrer sur la spiritualité de Marcellin, ceque plusieurs, moi inclus, considèrent comme le fonde-ment sur lequel bâtir toute nouvelle identité mariste. Sivous et moi voulons entreprendre une révolution ducœur, c’est par là qu’il faut commencer.

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Note : Trouvez un endroit paisible où vous pourrez réfléchir à ces ques-tions. Faites-le à un moment où vous n’êtes pas pressés par le temps. Pre-nez carnet et stylo, et notez les pensées, sentiments, inspirations que vousestimez valoir la peine de conserver. Plus tard, envisagez un partage avecd’autres qui ont fait pareille réflexion. Les notes prises vous seront utilespour une telle discussion, ou encore plus tard, pour vous rafraîchir la mé-moire.

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TROISIÈME PARTIE : La spiritualité de Marcellin et une identité contemporainepour ses Petits Frères de Marie

P endant au moins une période de l’histoire del’Église, la croyance populaire était que la plu-part d’entre nous étions destinés à la damnation.

Pour que cette idée s’enracine et prospère, ceux qui lapromulguaient ont dû fermer les yeux sur un sujet émi-nemment important, celui que saint Paul se plaisait à ap-peler le scandale du Mystère pascal. Néanmoins, laconviction que plusieurs d’entre nous passeraient l’éter-nité en enfer a influencé la croyance et la pratique reli-gieuse de plus d’une génération de catholiques.

Les temps dans lesquels nous vivons contribuent ànotre formation. Les chrétiens qui vivaient à l’époquedécrite dans le paragraphe précédant ne pouvaients’empêcher d’être marqués par la pensée et les cou-tumes de leur époque. Ce fait n’en est pas moins vraipour Marcellin Champagnat. La période durant la-quelle il est né et les circonstances dans lesquelles il avécu ont eu une influence profonde sur son développe-ment personnel et spirituel.

Au début du 19e siècle, l’Église de France faisait faceà une crise d’innovation, pas tellement différente de la

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UNE SPIRITUALITÉ DE CROISSANCE

Dans le chapitre 23 des Avis, Leçons, Sentences11, un desdisciples du Fondateur a exposé les grandes lignes descinq saisons de la vie religieuse, chacune ayant sespropres défis distinctifs. Elles sont appelées, respective-ment, les âges de la Docilité, de l’Installation, du Pli dé-finitif, de l’Infécondité et mécontentement, ou maximumd’aptitude et d’efforts, et de la Décadence ou la Sainteté.

Le développement spirituel personnel de MarcellinChampagnat, lui aussi, s’est déroulé par étapes avec unprocessus continu de conversion qui a marqué sa relationtoujours approfondie avec Dieu. Bien qu’il ne soit pas nésaint, notre Fondateur a passé sa vie à en devenir un.

Au début il a insisté sur la maîtrise de soi. Il l’a réali-sée surtout au séminaire après un programme de prièreet de pénitence bien réfléchi. Il a aussi suivi ce pro-gramme pendant ses vacances du séminaire et commejeune prêtre à La Valla.

Le programme rigoureux de pratiques ascétiques duFondateur comprenait le lever à quatre heures du ma-tin, suivi d’une demi-heure de méditation. Il faisait pré-céder la messe quotidienne par quinze minutes d’orai-son. Quoique entièrement engagé dans le travail de laparoisse, il trouvait toujours au moins une heurechaque jour pour étudier la théologie. Il jeûnait le ven-dredi, et il visitait fidèlement les malades de la paroisse.Ces pratiques employées par notre Fondateur au débutpour développer sa relation avec Dieu - la maîtrise desoi, la prière, la pénitence - demeurent utiles pour nousqui voulons développer notre vie spirituelle.

Au fur et à mesure que sa relation avec Dieu s’appro-fondissait, Marcellin en est venu à dépendre de la règlede la loi. Elle lui a donné une point de référence dans savie, elle l’a aidé à veiller sur sa conduite et à atteindre une

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nôtre. Le monde dans lequel elle se trouvait avait chan-gé rapidement et de façon décisive, et la réponse de l’É-glise à ce bouleversement devait être créatrice et dé-brouillarde. Ce sont des gens comme notre Fondateurqui finalement entreprendront la tâche de lui donnerson nouveau visage.

FACTEURS ET PERSONNESQUI ONT INFLUENCÉ MARCELLIN

Marcellin a grandi dans le district de Marlhes, une ré-gion de foi profonde. Ses habitants revendiquaientSaint Jean-François Régis comme leur patron, et ils serendaient en pèlerinage à son tombeau. Ce saint en par-ticulier a beaucoup impressionné notre Fondateur et ainfluencé sa formation spirituelle.

Sa mère Marie-Thérèse et sa tante Louise ont été lespremières à éveiller le petit garçon à sa vie spirituelle.Leur exemple et leur direction en ont posé les fonde-ments. Ces deux femmes lui ont transmis les pratiquesde piété et l’héritage spirituel de la région des hauts pla-teaux, où Marcellin est né.

Le père de Marcellin a aussi beaucoup influencé saformation. Jean-Baptiste Champagnat était penseur, ré-volutionnaire, agent du gouvernement, commerçant etfermier. Il a transmis à son fils les dons de diplomatie,de discernement, de compassion pour autrui ; il lui aaussi donné une tête pour les affaires, et des talentsd’ouvrier.

La dévotion à Marie du Fondateur a été aussi in-fluencée par la pratique religieuse et la théologie fran-çaise de la fin du 18e siècle et du début du 19e. Il a vé-cu dans la région mariale des évêques Pothin et Irénée,et dans un pays influencé par les écrits de mariologuescomme Olier et Grignon de Montfort. U

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spiritualité. Sa mère avait contribué au choix de sa vo-cation et elle l’avait encouragé tout au long de sa for-mation au séminaire. Il avait écrit en 1809 : “O monSeigneur et mon Dieu, je vous promets de ne plus vousoffenser, de faire des actes de foi et d’espérance, de nejamais retourner au cabaret sans nécessité, d’éviter lesmauvaises compagnies, et de mener les autres à la pra-tique de la vertu.” Un an plus tard, nous le trouvons fi-dèle à ses résolutions.

Au cours de sa formation à la prêtrise, Marcellins’est ouvert à la grâce transformante de Dieu dans savie. Le Seigneur s’est servi de moyens très humainspour centrer la pensée, le cœur, l’esprit et les énergiesdu Fondateur sur ce seul but : aimer Jésus et, en retour,aider les autres à faire de même.

Frères, appelez cela du christianisme pratique, appe-lez-le comme vous voudrez, mais Marcellin Champa-gnat est arrivé à réaliser une spiritualité incarnée. Il sa-vait d’expérience qu’une vie spirituelle authentiqueprend son origine dans le lieu et au milieu des circons-tances où nous nous trouvons. En progressant en matu-rité, le Fondateur découvrait en celui qu’il rencontraitl’image du Sauveur ressuscité qu’il était parvenu àconnaître et à aimer si bien.

DÉFINITION DE LA SPIRITUALITÉ

Tout cela est bien beau, direz-vous, mais comment vouset moi pouvons-nous vivre la spiritualité de notre Fon-dateur aujourd’hui ? Il était un homme bien de sontemps, sa recherche de Dieu a été influencée par les cir-constances de sa vie et les événements de son époque.Est-ce que les caractéristiques de notre temps, les tradi-tions et coutumes de nos pays et cultures, et biend’autres éléments n’auront aucune influence sur notrefaçon de vivre la spiritualité de Marcellin ?

certaine sérénité d’âme. Son sens commun et son bon ju-gement, considérant que sa pensée était davantage in-fluencée par le rigorisme que le jansénisme, l’ont aidé àsurmonter le légalisme et la rigidité qui caractérisaientune bonne partie de la théologie morale qu’on enseignaitdans les séminaires au début du 19e siècle.

Peu à peu, la pratique de la présence de Dieu a prissa place au cœur de la vie spirituelle de Marcellin. Ce-pendant, développer une relation plus profonde avecJésus et Marie ne lui a pas été facile, car le jeune prêtrea franchi des passages bien ardus sur son chemin.

LE FONDEMENT : L’AMOUR DE DIEU

Finalement, le Fondateur en est arrivé à développer saspiritualité sur cette base solide : l’amour de Dieu et duprochain. Il a aimé Dieu dans sa vraie nature humaine.D’un tempérament ouvert, il aimait les gens et se ré-jouissait en leur compagnie. Conscient que Dieu choi-sit de se révéler dans les personnes et les événements dela vie, le Fondateur en est arrivé à comprendre qu’unefaçon d’atteindre une relation aimante avec Dieu,c’était d’avoir des relations aimantes avec les autres.

POINTS D’APPUI

Plusieurs moments de crises dans la jeunesse de Mar-cellin semblent aussi avoir été ses points d’appui dansson processus de conversion personnelle : son renvoidu séminaire à la fin de la première année, la mort sou-daine de son ami Denis Duplay, le 2 septembre 1807, etune conversation avec son directeur de séminaire, lePère Linossier, sur le besoin d’améliorer sa conduite.

En 1810, la mort de Marie-Thérèse, mère de Mar-cellin, a certainement apporté des changements à sa U

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Est-ce que les

caractéristiquesde notre temps,

les traditions et coutumes de nos pays et cultures,

et bien d’autreséléments

n’auront aucuneinfluence

sur notre façonde vivre

la spiritualité de Marcellin ?

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ni à boire du matin au soir. Toute la journée il doit tra-vailler pour les gens sans jamais être remercié. Souventje le vois se rouler dans la neige ou dans les buissons,comme aiment faire les chevaux, et je vois souvent sonmaître le fouetter. Alors, je vous demande : Est-ce unsaint ou un cheval ?”

Quelle est la leçon de cette histoire ? La spiritualitéa beaucoup plus à voir avec la gratitude pour le don in-conditionnel de l’amour de Dieu qu’avec n’importequelle pratique pieuse. Et cela va de soi. Après tout, lagratitude est à l’origine de toute vertu ; elle est le fon-dement de l’amour et de la charité. Marcellin l’avaitcompris; il nous invite aujourd’hui à faire de même.

Une des grâces de notre temps, bien que difficile àaccepter par plusieurs d’entre nous, c’est une compré-hension toujours plus grande que la spiritualité a plus àfaire avec le feu insatiable qui brûle en nous, qu’avecl’ascension d’une quelconque échelle de vertus. Avec letemps, des pratiques pieuses dénuées de sentiment nenous soutiendront pas, ni vous, ni moi12.

Plusieurs d’entre nous prétendent avoir assez de pas-sion pour plus d’une vie. Nous confessons aussi quecette force pressante, gisant au cœur de notre expériencehumaine, alimente l’amour, la créativité, et l’espéranceque nous offrons à la vie. Pourtant, nous hésitons sou-vent à admettre que la passion est aussi une part intimede notre spiritualité.

Notre hésitation est-elle due au fait que la passion,ayant plus d’un visage, nous fait peur ? Après tout, onla perçoit souvent comme une agitation ou un désirbrûlant que nous appelons la faim. L’image de la pas-sion nous laisse crispés, insatisfaits, et frustrés. Et danstoute cette agitation, qu’est-ce au juste que la spirituali-té ? En fin de compte, elle est ce que nous faisons denotre passion.

Nous reviendrons bientôt à l’étude plus détaillée destrois caractéristiques fondamentales de la spiritualitédu Fondateur qu’on retrouve dans son Testament spiri-tuel: sa pratique de la présence de Dieu, sa confiance enMarie et en sa protection, et les deux petites vertus desimplicité et d’humilité. Mais je veux d’abord définirplusieurs termes afin d’établir un contexte contempo-rain utile pour approfondir la spiritualité de Marcellin.

Qu’est-ce que j‘entends par le mot spiritualité ?Laissez-moi répondre à cette question en vous racon-tant l’histoire d’un jeune homme qui aspirait à unegrande sainteté. Il travaillait dur pour l’atteindre, etaprès quelque temps il est allé trouver son rabbin.

• “Rabbin, “ annonça-t-il, “je crois que j’ai atteint lasainteté.”

• “D’où vous vient cette idée ?” demanda le rabbin.

Le jeune homme répondit : “Je pratique la vertu etla discipline depuis quelque temps maintenant, et jesuis devenu tout à fait compétent en ces deux choses.Du matin au soir je ne prends ni nourriture ni eau. Pen-dant la journée je fais toutes sortes de travaux difficilespour les autres et je ne m’attends jamais à ce qu’onm’en remercie. Si je suis tenté dans ma chair, je meroule dans la neige ou les buissons épineux, jusqu’à ceque les tentations s’en aillent, et puis le soir avant de mecoucher, je pratique l’ancienne discipline monastique,en me flagellant sur mon dos nu. Je me suis disciplinépour devenir un saint.”

Le rabbin resta silencieux pendant quelque temps.Puis, il prit le jeune homme par le bras et le mena à unefenêtre de son bureau. Le rabbin lui montra dans le préun vieux cheval que son propriétaire emmenait. “J’ob-serve ce cheval depuis quelque temps,” commença lerabbin, “et j’ai constaté qu’on ne lui donne ni à manger U

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Les troiscaractéristiquesfondamentales

de la spiritualitédu Fondateur:

sa pratique de la présence

de Dieu, sa confiance

en Marie et en

sa protection, et les deux

petites vertus de simplicité et

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Qu’est-ce que cette tâche requiert ? D’abord, quenous acceptions que Jésus soit la réponse au sens de lavie humaine. Marcellin en est venu, à la longue, à com-prendre cette exigence de la Bonne Nouvelle. C’est aus-si la première idée que les membres de notre 20e Cha-pitre général ont répétée en rédigeant les cinq appelsqui composent le cœur du Message de notre Chapitre.Ma relation avec Jésus forme le centre de ma vie. Celaveut dire, concrètement, que je dois consacrer du tempspour nourrir cette relation, comme toute autre relationimportante de ma vie, et je dois permettre à Jésus d’êtrelui-même.

Je l’ai dit ci-dessus, notre vie spirituelle se développeaussi par étapes, et nous devons apprendre à être pa-tients avec nous-mêmes. Certains directeurs spirituels,par exemple, comparent la grâce de consolation, qu’ontrouve dans notre relation avec Jésus, à une eaubouillonnante à la surface d’un puits, presque au pointde déborder. Au commencement de cette relation, noussommes jeunes et forts et nous pouvons facilement denos propres forces tirer l’eau du puits. Nous disposonsd’autant de grâces divines de consolation que nous vou-lons. Mais soyons honnêtes : c’est nous qui comman-dons, pas Jésus.

Avec le temps, le niveau de l’eau commence à baisserdans le puits. Mais nous demeurons toujours forts, etgrâce à un effort humain, nous continuons à faire des-cendre le seau et à puiser autant de grâces de consola-tion que nous voulons. Mais c’est toujours nous quicontrôlons. Jésus continue d’être tenu à distance.

A la longue, cependant, ce puits, autrefois débor-dant d’eau, se tarit. Et n’étant plus ni jeunes ni forts,nous perdons l’indépendance de nos premières années.Nous nous demandons alors ce que nous pouvons fairemaintenant pour gagner les grâces de Dieu. Réponsehonnête : rien, sauf nous asseoir et attendre la pluie.

L’AMOUR DE DIEU LIBREMENT DONNÉ

Cette approche de la spiritualité n’est pas ce qu’onnous a enseigné, ni durant les premières années denotre formation, ni dans la plupart des programmes derenouveau auxquels nous avons participé. Au lieu decela, on nous a souvent fait croire que pour être dignesde Dieu, nous devions monter péniblement une échel-le de vertus. Mais toute relation avec Jésus ne vient-ellepas de son initiative à lui et non pas de la nôtre ? Thé-rèse d’Avila, par exemple, recommandait souvent, àceux qui lui demandaient conseil pour leur vie spiri-tuelle, d’entrer dans une chapelle lorsqu’ils manquaientde mots pour prier, et de s’asseoir devant le Saint Sa-crement, afin que le Seigneur puisse les regarder avecamour.

Notre faim et notre soif de Jésus ne sont qu’un mi-roir de la faim et de la soif qu’il a pour nous. Contrai-rement à Thérèse et Marcellin, peu d’entre nous sontprêts à croire que Dieu les aime d’une façon aussi in-conditionnelle. Oui, dirons-nous, “Dieu nous aime in-conditionnellement…” mais le mot ‘mais’ semble tou-jours prêt à prendre la place qui revient de droit à cesigne de ponctuation qu’on appelle le point. Nous de-vons alors nous demander pourquoi nous essayonsd’apprivoiser l’amour de Dieu en prétendant qu’unechose donnée aussi gratuitement doive être méritée.Dans cette vie, nous seuls faisons obstacle à l’amour in-conditionnel de Dieu.

ÉLÉMENTS DE LA VIE SPIRITUELLE

Peu à peu, les saints et les mystiques qui nous ont pré-cédés en sont venus à comprendre et à accepter legrand amour que Jésus avait pour chacun d’eux. Toutcroyant doit arriver à cette compréhension. U

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Notre faim et soif de Jésus

ne sont qu’un miroir

de la faim et de la soif

qu’il a pour nous.

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poursuivaient sans interruption ; sa confiance en lui etson abandon à la volonté de Dieu s’approfondissaientde jour en jour. Il citait souvent les paroles du Psaume127, “Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, les ouvrierstravaillent en vain.”

La spiritualité incarnée de Marcellin se manifestedans des extraits de plusieurs de ses lettres. Dans unenote au Frère Marie-Laurent, par exemple, du 8 avril1839, le Fondateur a écrit : “Votre lettre, mon biencher ami, excite singulièrement ma compassion. De-puis, je ne monte pas une fois au Saint Autel sans vousrecommander à Celui en qui on n’espère pas en vain,qui peut nous faire surmonter les plus grands obs-tacles.” (Lettre 249)

LES ÉLÉMENTS QUI FAÇONNENTAUJOURD’HUI UNE SPIRITUALITÉ INCARNÉE

La passion marquait la relation de Marcellin Champa-gnat avec le Seigneur Jésus. De nos jours, nous aspironsà une expérience semblable de Dieu, bien que nouscomprenions qu’elle sera sûrement différente dequelque manière de celle de notre Fondateur.

J’ai mentionné ci-dessus que la passion est ambi-tieuse. Elle ne se satisfait pas de jouer un rôle importantdans notre vie spirituelle, elle envahit aussi plusieursautres aspects de notre vie. Par exemple, là où des émo-tions fortes comme la colère et la rage sont en jeu, lapassion n’est pas loin. Ceci est encore vrai des situationsde profonde tristesse ou de joie extatique. Enfin, la pas-sion joue aussi un rôle prééminent dans notre viesexuelle.

Cependant, lier sexualité et passion à la vie de prièren’aurait pas été une idée bien perçue à l’époque de Mar-cellin. On craignait les sentiments sexuels qu’il fallait

Quand nous arrivons à ce point dans notre vie spiri-tuelle, où Marcellin a dû lui aussi arriver, nous sommesalors plus à même de laisser Jésus être un partenaireégal dans notre relation. Nous lui donnons la liberté denous aimer comme il le veut. Comment savoir que nousallons dans ce sens ? Quand, comme Thérèse, nousn’aspirons plus qu’à être présents devant Dieu. Rien deplus, rien de moins.

Une religieux se remarque par une seconde caracté-ristique qui découle de la première : l’acceptation dufait que Dieu l’aime de façon unique et spéciale. Dès lesorigines, Dieu nous a rejoints en entrant en relationavec nous, et Jésus en est l’exemple le plus étonnant.Notre relation à Jésus et son mode de développementsont uniques ; ils ne peuvent pas être copiés.

UNE SPIRITUALITÉ INCARNÉE

Comme nous l’avons vu, Jésus se trouvait au cœur de lapratique de la foi de notre Fondateur. L’Eucharistieaussi était au centre de sa vie, et il désirait la célébrer ré-gulièrement avec nos premiers frères.

Nous savons encore que trois éléments sont au cœurde la spiritualité que Marcellin nous a léguée, par lapratique et dans son Testament Spirituel : la confianceen la présence de Dieu, la dévotion à Marie et laconfiance en sa protection, et la pratique des petitesvertus de simplicité et d’humilité. La spiritualité duFondateur était incarnée, mariale et transparente.

Jetons un coup d’œil à chacun de ces aspects, tour àtour. La nature incarnée de la spiritualité de Marcellin apris sa source dans sa pratique de la présence de Dieu ;il s’est passionné pour le Seigneur et sa mission.

Pour Marcellin, Jésus était toujours à ses côtés. Enconséquence, ses conversations avec le Seigneur se U

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Notre viespirituelle

se développeaussi par étapes,

et nous devonsapprendre

à être patientsavec

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soi-même honnêtement, une aptitude à supporter la so-litude, et un sens de l’humour. Tous sont essentiels pourune vie féconde.

Depuis maintenant des siècles, les directeurs spiri-tuels ont proposé ces moyens à qui s’intéresse sérieuse-ment à sa croissance spirituelle. Proposition pleine desens. Dans une grande mesure, les règles et les habi-tudes que nous nous donnons pour vivre déterminent leniveau selon lequel notre corps, notre esprit et notreâme se sentent en harmonie. Elles influencent aussi laqualité de notre relation à Dieu et à autrui.

Quant il s’agit de sexualité et de spiritualité nous fai-sons face au défi suivant: devenir amis de la passion quiest en nous et, en même temps, accepter le fait que noussommes incomplets. Bien que plusieurs de nos culturesenseignent le contraire, nous ne pouvons pas “ toutavoir ”. Nous devons plutôt apprendre à vivre avec destensions dans notre vie spirituelle et dans notre viesexuelle. Augustin avait raison - dans cette vie, nous nepouvons répondre pleinement à cette question fonda-mentale de la foi : sur qui ou sur quoi reposer notrecœur ? Notre cœur demeurera sans repos tant qu’il nereposera pas totalement en Dieu.

SPIRITUALITÉ ET CHASTETÉ DANS LE CÉLIBAT

Il y a un moment, j’ai indiqué que spiritualité et sexua-lité sont intimement liées. On pourrait presque dire quela sexualité est au cœur de toute vie qui se veut spiri-tuelle. Donc, si la sexualité se trouve au centre de notrevie spirituelle, cette dernière doit pareillement être aucœur d’une authentique vie de chasteté dans le célibat.

Je le répète, cette conclusion est raisonnable. En ef-fet, pour nous sentir à l’aise avec notre choix de la chas-teté dans le célibat, nous devons examiner, d’abord et

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contrôler fermement. Bien que plusieurs mystiquesaient employé des images sexuelles dans leurs écrits, cesouvrages étaient lus avec prudence, si tant est qu’ilsétaient lus.

Aujourd’hui, cependant, nous nous rendons compteque la sexualité est beaucoup plus vaste que l’activitégénitale sexuelle ; elle comprend en plus notre manièred’être homme ou femme, les attitudes et les caractéris-tiques définies culturellement comme masculines ou fé-minines, et que nous nous approprions peu à peu.

Plus important encore, la sexualité exprime notrebesoin humain fondamental d’aller vers l’autre, physi-quement et spirituellement, pour atteindre une plusgrande union. Elle exprime le projet de Dieu qui veutque nous découvrions dans les relations avec les autresnotre véritable nature humaine et spirituelle. Oui, lasexualité est intrinsèque à notre relation aux autres et àDieu. Elle a beaucoup plus à voir avec le dépassementde soi qu’avec la satisfaction personnelle.

Cependant, nous nous rendons compte que lasexualité, tout comme la spiritualité, a plus d’un visage.Tout en nous donnant l’appétit de vivre, elle met ducharme et du romantique dans nos relations, et ellepeut générer un courage exceptionnel et une générosi-té héroïque. Mais cette même énergie peut tout aussibien nous porter à une conduite auto-destructive etdéshumanisante. Dans les moments où nous perdonsnotre sens de l’équilibre, la sexualité contribue à notredéroute et à notre perte de contrôle.

Nous devons nous demander s’il y a des moyens ànotre disposition pour nous aider à canaliser de maniè-re créatrice nos envies et nos désirs, en nous éloignantd’une conduite trompeuse, pour nous mener à une plusgrande union à Dieu et aux autres. De fait, il y en a plu-sieurs : un sens de la discipline, une capacité à s’évaluer U

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LA PLACE DE MARIE

Un deuxième aspect de la spiritualité de Marcellin étaitsa dimension mariale. Le Fondateur était fortement at-taché à la Mère de Jésus. Il nous a donné le nom de Ma-rie, il la considérait comme la première Supérieure del’Institut, et l’appelait notre Bonne Mère. Oui, il lui adonné une place centrale dans notre héritage spirituel.

La relation de Marcellin à Marie a mûri avec letemps. Sa confiance entière en elle et en sa protections’est transformée en une union intime. Avec le temps,Marie est devenue sa confidente.

La dévotion du Fondateur à Marie s’exprimait exté-rieurement dans des sermons, des neuvaines et deslettres. Son message du 4 février 1831 aux Frères An-toine et Gonzague n’est qu’un exemple de cet aspect desa vie spirituelle. Le Fondateur écrit : “Intéressez Marieen votre faveur, dites-lui qu’après que vous aurez faitvotre possible, tant pis pour elle si ses affaires ne vontpas.” (Lettre 20) Marcellin avait une totale confiance enl’intercession de Marie : une fois qu’on l’avait imploréede notre mieux, c’était à elle que revenait le sort denotre cause.

Le Fondateur encourageait nos premiers frères àsuivre son exemple dans leur dévotion à Marie. Parexemple, il leur demandait d’exposer son image ou sastatue dans leur maison, et il voulait qu’ils portent sureux quelque chose qui leur fasse penser à elle. Plus tard,il a recommandé la touchante pratique d’offrir à Marieles clés de la maison. “C’est elle qui a charge de nous,”disait-il. “C’est notre patronne et protectrice.”

Marcellin conseillait aussi aux premiers frères deprendre Marie pour Mère. Elle devait être un modèle àimiter, et une personne de qui s’approcher avec laconfiance d’un enfant. À l’Annonciation, la réponse de

surtout, ce que signifie pour nous être un religieux avecune identité spirituelle. Vous et moi pouvons ap-prendre tout ce qu’il y a à savoir de la sexualité humai-ne, en devenir même de véritables experts, mais tantque nous ne considérerons pas notre nature spirituelle,nous demeurerons toujours mal à l’aise avec notre chas-teté dans le célibat.

De nombreuses personnes, dans les sociétés et cul-tures où nous nous trouvons aujourd’hui, croient quenous sommes naïfs et insensés d’embrasser une vie dechasteté dans le célibat. Et elles ont raison ! Naïfs parceque ce choix est un défi face aux conventions sociales ;insensés parce qu’embrasser une vie de chasteté dans lecélibat et bien la vivre mènent inévitablement à une ré-volution du cœur. Ce que le philosophe Bernard Lo-nergan, S.J.13 nous rappelle est analogue à “l’expériencehumaine de tomber amoureux. C’est l’abandon de soi,total et permanent, sans conditions, sans nuances etsans réserves.”

Et qui d’entre nous veut expérimenter une telleconversion, embrasser cette révolution du cœur ? Voilàoù réside le défi de la chasteté dans le célibat : en choi-sissant de vivre notre sexualité de manière chaste et cé-libataire, nous nous engageons à vivre avec passion, àêtre à la fois profondément spirituels et sexuels.

A la longue, nous en venons à découvrir le feu - cedésir de Jésus - qui a toujours brûlé vivement en nous.En faisant cette découverte nous devenons plus à l’aiseavec nous-mêmes et avec le Seigneur, mais cette fois se-lon ses conditions et avec une bien meilleure connais-sance de ses voies. Quand savons-nous que noussommes arrivés à ce point dans notre vie ? Quand l’ex-pression qui nous décrirait le mieux serait celle-ci :“profondément spirituel et profondément humain.”Assurément, cette expression convient parfaitementpour parler de Marcellin Champagnat. U

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Maintenant, à l’aurore

du 21e siècle,nous avons

besoin comme Institutd’une nouvelle

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figé la mère de Jésus dans le temps, nous l’avons empri-sonnée dans les images des artistes de la Renaissance,placée sur un piédestal, et mise hors de notre portée.

Maintenant, à l’aurore du 21e siècle, nous avons be-soin comme Institut d’une nouvelle appréciation de Ma-rie : une appréciation en accord avec les enseignementsde Vatican II, et, en même temps, qui respecte les tradi-tions riches et variées encore bien visibles parmi nous. Ilest incontestable que cette femme de courage et de force,si importante pour Marcellin, a une place centrale dansnotre spiritualité, comme elle l’avait dans la sienne.

NOTRE DÉFI

Le monde du 19e siècle était très différent du nôtre. Parexemple, nous sommes beaucoup plus conscients denotre multiculturalisme et des différences qui existentparmi nous. Paradoxalement, nous nous sentons en mêmetemps plus proches que jamais, et nous avons plus dechance de nous comprendre les uns les autres, que peut-être à n’importe quel autre temps de l’histoire. C’estpour ce monde et cette Église que nous devons inventerun nouveau langage pour parler de Marie. En quelquesmots : ce qu’il nous faut aujourd’hui c’est une théologiemariale adaptée au 21e siècle. Et, pour qu’elle ait uneréelle influence, elle doit être solide, elle doit nous affer-mir spirituellement et nous provoquer moralement.

Le Concile Vatican II nous a appris que la sainteté etl’absence de péché ne sont pas contraires aux chosessimples et aux événements quotidiens de notre vie ter-restre. Au contraire, la grâce de Dieu nous plonge tousau cœur du monde.

La vie de Marie a été un authentique périple humain.Le nier pour faire sortir Marie des rangs de notre hu-manité est injuste pour elle et pour nous. Cette femme

Marie à Dieu a été confiante et directe. Le Fondateurvoulait que nous ne soyons pas moins généreux dansnotre “Oui.” À la Règle de 1837 il a ajouté une prièrespéciale : “Abandon à la Très Sainte Mère de Dieu.”

Qu’apprenons-nous de la personnalité de notreFondateur en réfléchissant à sa dévotion mariale ?Beaucoup. Marcellin était un homme qui, avec letemps, était devenu de plus en plus conscient de ses li-mites. Il s’était rendu compte que les talents nécessairespour l’aventure qu’il vivait dépassaient ses compé-tences naturelles. Comment alors expliquer son succès ?Avec une conscience sincère, notre Fondateur a don-né à Marie tout le mérite pour ce qui avait été accom-pli, parce qu’il avait toujours recherché son soutien etqu’il avait suivi son inspiration le plus fidèlement pos-sible.

MARIE DES ANAWIM, DE NAZARETH, DU NOUVEAU TESTAMENT, D’AUJOURD’HUI

Mais qu’en est-il pour nous aujourd’hui ? Quelle est laplace de Marie dans la spiritualité de notre Institut,dans votre vie et la mienne, à l’aurore d’un nouveaumillénaire ? D’abord, il est bon de reconnaître la richediversité qui existe dans l’Institut quand il est questionde Marie. Bien des pays se la représentent par desimages adaptées ; ils ont leurs propres lieux de pèleri-nage et jours de fête.

Cela dit, nous devons admettre cependant que notrecompréhension et notre appréciation de cette extraor-dinaire femme de foi ne diffèrent pas tellement aujour-d’hui de celles qu’avaient les croyants du 19e siècle.Cette constatation peut aider à expliquer pourquoi ladévotion mariale a décliné depuis Vatican II, à la foisdans notre Église et dans notre Institut. Nous avons U

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plus conscients aujourd’hui que Marie est notre sœurdans la foi, et une prophétesse dans la Communiondes Saints.

Personnellement j’espère souvent, qu’en enlevant àMarie le fardeau d’être la femme idéale ou quelqu’unde plus grand que la vie, qu’en la descendant du pié-destal où nous l’avons placée, elle pourra enfin êtreelle-même dans notre Église et notre Institut.

LES PETITES VERTUSDE SIMPLICITÉ ET D’HUMILITÉ

La pratique des vertus de simplicité et d’humilité formele troisième élément essentiel de la spiritualité de notreFondateur. La simplicité caractérisait Marcellin Cham-pagnat. Il était direct, enthousiaste, confiant. Il encou-rageait ses frères à développer les mêmes traits.

Marcellin était un homme humble ; en grandissant ilen est venu à se connaître et à s’accepter. Le Fondateurn’était pas prétentieux. De même, il nous a mis au défi,nous ses frères, d’être sincères et simples.

Les relations du Fondateur avec les enfants révèlentvite ces deux qualités. Il a exprimé son amour des en-fants et des jeunes en des façons étonnamment directes.On le considérait excellent catéchiste, parlant facile-ment au cœur des jeunes pour rejoindre leurs préoccu-pations. Il se renseignait sur leur éducation et leur caté-chisation ; souvent on l’entendait dire,”Je ne puis voirun enfant sans éprouver l’envie de lui faire le catéchis-me, sans désirer lui faire connaître combien Jésus-Christ l’a aimé. ” (V 549)

L’épisode que nous désignons aujourd’hui sous lenom de Souvenez-vous dans les neiges est un autreexemple de la simplicité et de l’humilité de notre Fon-

de foi n’a jamais été, et ne sera jamais, divine. Conti-nuer d’attribuer à Marie des titres qui l’apparentent àDieu apporte de la confusion au lieu de la clarté.

Marie était une femme juive de son temps qui observaitle Sabbat et toutes ses pratiques connexes avec la ferveurspéciale des anawim, des pauvres de Yahvé, parmi les-quels on la trouvait. Sa vie était ordinaire et cachée. Nousavons ici une femme qui cherchait, s’inquiétait, riait etpleurait, ne comprenait pas tout, et qui devait, en route,découvrir son chemin d’étape en étape. La vie ne l’a pasépargnée. Marie a vécu plutôt le lot humain qui nous in-combe à tous avec les larmes, la détresse, les ennuis, l’ago-nie et la mort, mais aussi, avec le courage et la grandeur.

Bien que des artistes nous la dépeignent, depuis dessiècles, lisant le dernier livre de l’Ancien Testament, at-tendant avec espoir la visite de Gabriel, et la nouvellequi assurerait sa place dans le premier livre du Nou-veau Testament, Marie était, en toute probabilité, anal-phabète comme la grande majorité des hommes etfemmes de son temps. Thérèse de Lisieux nous rappel-le que nous aimons Marie, non parce que la mère deDieu a reçu des privilèges exceptionnels, mais plutôtparce qu’elle a vécu et a souffert simplement, commenous, la nuit obscure de la foi. Marie, fille de cette terre,a eu des passions et des joies humaines. Elle a partagétoutes les inquiétudes humaines que nous éprouvonsaujourd’hui.14

Mais Marie a aussi attendu avec espoir la venue duMessie. Et parce qu’elle regardait toujours le mondeavec les yeux de la foi, elle a pu, peu à peu, le recon-naître dans le Serviteur Souffrant que son Fils était.Humaine comme nous tous, elle a fait avec couragedes choix difficiles, et elle est devenue avec le temps lasœur aînée dans la communauté naissante de l’Église.Tout en tenant fermement à l’image de notre BonneMère, si chère à Marcellin, nous sommes de plus en U

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CROISSANCE SPIRITUELLE

Comment appliquer à notre vie actuelle ce que nous ve-nons de discuter de la spiritualité de Marcellin ? Toutd’abord apprenons qu’il est exigeant de s’engager avecJésus quand il fixe lui-même les conditions. Car il nousdemande de l’imiter, et non pas de l’admirer ; et celaimplique embrasser le Mystère pascal. Si nous désironsêtre transformés, nous devons d’abord apprendre à êtreà l’aise avec la souffrance et la mort.

Deuxièmement, comment se développe toute relationavec Jésus, et qu’est-ce qu’il faut pour la maintenir ?Pour commencer, les auteurs spirituels de tous lessiècles ont fait de la prière personnelle un élément es-sentiel de toute relation avec le Seigneur. L’itinérairespirituel de Marcellin a été influencé au départ par sesrelations avec sa mère et sa tante Louise. Arrivé au sé-minaire, Marcellin développe sa vie spirituelle par ladiscipline et par des moments réguliers de prière, depénitence, et par d’autres pratiques qu’il a introduitesdans sa vie.

Pour que s’approfondisse le lien que nous avons,vous et moi, avec le Seigneur, nos moments de prièrepersonnelle doivent aussi s’amplifier de façon naturellepour devenir réguliers et prolongés. Que veut dire,concrètement, l’expression “réguliers et prolongés ?”Idéalement, une heure par jour. Mais cet objectif estquelque chose vers lequel nous approchons, dans letemps, et à l’invitation de Dieu.

Vous et moi avons le plaisir d’être en compagnie de Jé-sus vingt-quatre heures par jour, sept jours par semaine.Si nous sommes sérieux dans notre relation avec lui,nous voudrons lui rendre la pareille en lui fournissant leplaisir de notre compagnie pendant au moins une heu-re par jour. Cette pratique préconisée depuis longtempset l’intégrité morale qui l’accompagne caractérisent

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dateur. Cet épisode met en lumière des aspects de lapersonnalité et de la spiritualité de Marcellin.

Pourquoi d’abord Marcellin a-t-il entrepris cevoyage? Son souci pour un frère malade. Le grandamour du Fondateur pour les premiers frères étaitune de ses qualités les plus mémorables. Le monde deMarcellin peut paraître petit par comparaison à celuide beaucoup de gens d’aujourd’hui. Mais il n’y avaitrien de petit dans son cœur. Son amour se traduisaittoujours en action. Un frère était-il malade que notreFondateur se mettait en route sur-le-champ pour levisiter.

Cela dit, on peut se demander ce qui l’a poussé àentreprendre le voyage retour malgré la menaced’une tempête de neige. Certains estimeront impru-dent ce voyage retour de Bourg-Argental par notreFondateur.

Quelles que soient les raisons qui ont motivé l’heurede son retour, nous pouvons imaginer que son sens dela présence de Dieu et sa confiance en Marie et en saprotection l’ont poussé à entreprendre le voyage, làoù d’autres auraient hésité. Son recours au Souvenez-vous en face du danger n’a pas été le dernier effortd’un homme mourant. Marcellin était conscient de laprésence permanente et puissante de Dieu à ce mo-ment de sa vie; Marie l’avait aussi déjà secouru assezsouvent pour qu’il compte sur sa protection avec laconfiance simple d’un petit enfant. Oui, sa foi en laprésence salvatrice de Dieu l’accompagnait en touttemps, et il se fiait à Marie sans réserve. Le Souvenez-vous dans les neiges a été simplement une manifesta-tion extérieure de l’approfondissement spirituel au-quel Marcellin était parvenu.

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sommes, et non pas à cause de ce que nous faisons. Onaime citer Basilio, qui aurait dit que, en tant qu’Institutnous semblons exceller davantage au travail qu’à laprière. Ce constat est probablement encore exact.

Un provincial m’a dit récemment qu’il pensait que laplupart des frères de sa province se lèveraient une heureplus tôt qu’à l’ordinaire pour finir un travail pressant sion le leur demandait. Cependant, il ne pouvait pass’imaginer qu’un nombre égal de frères se lèveraientsoixante minutes plus tôt pour faire une heure de plusde prière, ou même pour participer à une activité socialeavec la communauté. Pourtant, la plupart d’entre nousapprenons cette dure leçon avec le temps : une vie deprière de plus en plus approfondie nous soutient sur lechemin de la vie, alors que davantage de travail ne nousapporte aucun réconfort.

Qu’est-ce qui nous empêche de prier ? Je crois que,en partie, nous évitons la prière parce que nous noussentons si inadaptés quand arrive le moment de bienprier. Si votre prière ressemble tant soit peu à la mienne,assez souvent elle est remplie de distractions : les soucisdu jour, les appels téléphoniques, le travail à faire, et àfaire tout de suite. Oui, il y a des jours où tout, saufDieu, semble s’infiltrer dans mes prières.

Mais peut-être devrions-nous voir en ces distractionsdes rappels que nous n’avons rien à faire pour mériterl’amour de Dieu. Cet amour nous est donné gratuite-ment, sans conditions. Comme Marie, nous pouvons ré-pondre ‘oui’ à l’amour ou le rejeter, mais il n’est pasquestion de tenter de le mériter. Cette dernière qualitéd’un religieux est la plus difficile à accepter pour nous.Pourquoi ? En partie parce que nous nous sentons em-barrassés par cette passion sans limites de Dieu pournous. Ce qui à la fin nous donne le courage de répondreà Dieu, c’est que notre faim et soif de Lui dépassent debeaucoup notre égoïsme et notre péché.

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doublement les gens qui se préoccupent de leur vie spi-rituelle.

Nous pouvons regimber à l’idée de trouver une heureininterrompue pour la prière personnelle au milieud’une journée déjà bien remplie. Nous pouvons aussiévoquer l’article de nos Constitutions maristes qui pres-crit trente minutes de prière personnelle par jour. Maissoyons honnêtes : est-ce que n’importe qui parmi nouspourrait convaincre quelqu’un, qu’il n’a qu’une demi-heure par jour à consacrer à ce qu’il déclare être la re-lation la plus importante de sa vie ?

Frères, l’activisme qui sévit dans la vie d’un bonnombre d’entre nous dans l’Institut frise la pathologie.Pour plusieurs parmi nous, c’est la plus grande menaceà notre vie intérieure, et ici, je m’inclus parmi ceux quidoivent lutter contre cette menace.15

Pourquoi cet activisme représente-t-il une telle me-nace ?16 Parce que trois aspects de cette vie turbulentecontribuent à engourdir l’esprit et le cœur d’une per-sonne: croire que tout dépend d’elle, attribuer à l’effica-cité une importance qu’elle ne mérite pas, et enfin, évi-ter le défi de la solitude en remplissant tous ses mo-ments libres avec du travail, de l’amusement, oud’autres activités. Pour ceux d’entre nous qui sommeslittéralement submergés par l’activisme, la solitude estune épreuve terrible ; elle nous oblige à nous confronterà nous-mêmes. C’est triste à dire, bon nombre d’entrenous semblons vouloir prendre tous les moyens aujour-d’hui pour éviter cette confrontation avec nous-mêmes.

POUR TROUVER UN REMÈDE

Ceux qui ont participé au Synode sur la Vie Consacréenous ont rappelé que, comme frères, nous sommes im-portants dans notre Église à cause de ce que nous U

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Par exemple, ces dernières années, l’intérêt pour laspiritualité inspirée par l’écologie s’est développé danscertaines parties du monde. Dans le futur, on pourraétudier la contribution de l’écologie à la spiritualité,de la même manière que nous étudions présentementMarcellin sur son chemin vers Dieu. Lorsque nous leferons, nous devrons cependant tenir compte que nosconnaissances écologiques ont été influencées parnotre culture. Ainsi, toute discussion fructueuse tien-dra compte des connaissances écologiques dans lescultures traditionnelles, dans les traditions religieusesasiatiques, et dans les cultures contemporaines.

Cela dit, il faut admettre que, bien que nous soyonsun Institut répandu dans le monde entier, nos paroleset actes ne réussissent pas à refléter cette réalité. Leplus souvent, nos discussions sur nos manières devivre, ou même sur notre spiritualité, continuent à re-présenter une façon très occidentale de penser. Parfoisaussi, notre comportement et notre langage révèlent lacroyance inexprimée et, à mon avis, erronée, que cer-taines cultures sont fondamentalement meilleures qued’autres.

Nous ne sommes pas seuls, cependant, à désirernous transformer, en paroles et en actes, en un Institutuniversel. Le regretté théologien allemand Karl Rah-ner a suggéré, il y a déjà trente ans, que notre Égliseaffrontait ce même défi à la fin du 20e siècle: être demoins en moins une Église chrétienne occidentale etde plus en plus une Église universelle. Donc, si nouscontinuons à discuter des sujets de la spiritualité deMarcellin et de l’identité contemporaine de ses PetitsFrères, ce souci d’universalité - pour nous-mêmes,notre Institut, et notre Église - doit être toujours pré-sent à notre esprit.

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Cela dit, je dois souligner combien ce sujet est im-portant. Nous avons discuté depuis des années de notrebesoin de prière personnelle, et nous avons parlé denos échecs dans ce domaine depuis aussi longtemps.Pourtant, une étude informelle des raisons données parles frères, qui ont demandé leur dispense de vœux aucours des dix dernières années, démontre que lemanque de vie spirituelle est l’une des deux raisons lesplus souvent invoquées. Ne serait-ce que pour cette rai-son, nous ne pouvons plus continuer de fuir ce pro-blème et d’esquiver la recherche d’une solution.

LE MONDE DE MARCELLIN ET LE NÔTRE

Marcellin Champagnat est devenu un saint, non pas àcause de ses propres mérites, mais plutôt parce qu’il aaccueilli la grâce de Dieu dans son cœur, où elle a prisracine et a fleuri. Cela est suggéré dans son TestamentSpirituel : “ Il y a des peines pour vivre en bon religieux,mais la grâce adoucit tout.” (Cf. Const. p 172)

Comme pour Marcellin, ainsi que pour vous et moi,Jésus doit occuper la première place dans notre vie. Lecaractère distinctif de notre mode de vie a toujours éténotre profession publique de vivre pleinement et radi-calement la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ comme lebut de notre vie.

Depuis notre fondation en 1817, le monde maristeest devenu de plus en plus complexe. Aujourd’hui, parexemple, l’Institut se retrouve dans 77 pays, et oncompte des frères d’un nombre de cultures encore plusgrand. La langue, les coutumes et les traditions varientd’un pays à l’autre et, assez souvent, dans le même pays.Nous devons tenir compte de tous ces développementsdans la discussion sur notre identité et sur la spirituali-té de Marcellin. U

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Il n’y a pas de vie spirituelle possible non plus sinous n’avons pas un cœur reconnaissant. Après tout,la sainteté est alimentée par la gratitude. Il va de soi,donc, que seuls les cœurs reconnaissants peuventtransformer spirituellement notre monde. Le récit del’Enfant Prodigue illumine ce dernier point. Les deuxfils sont “hors de la maison de leur père”, l’un par in-fidélité et faiblesse, l’autre par amertume et colère.

Selon la coutume du temps, tout fils avait droit àson héritage, même du vivant de son père. Mais cedernier, toute sa vie durant, était assuré de toucher lesintérêts sur les avoirs transférés à ses fils. En prenantson héritage et en s’en allant dans un pays étranger, lecadet privait son père des intérêts qui lui étaient dus.Il a péché, non pas tellement par son mode de vie dis-solue dans un pays étranger, que parce qu’il voulaitsymboliquement la mort de son père.17

Mais son frère aîné n’était pas meilleur. Il a faittoutes les bonnes choses pour toutes les mauvaisesraisons. Il n’y avait pas de fête dans son cœur. Jésusnous demande de n’imiter aucun des deux fils, mais ilnous encourage plutôt à regarder le cœur reconnais-sant du père et à faire nôtre sa compassion.

Enfin, la spiritualité a une dimension personnelleet communautaire. Dieu nous appelle non seulementen tant qu’individus, mais aussi en tant que groupe.Quelques-uns d’entre nous trouvent ce fait difficile àaccepter. Nous voulons Dieu, mais nous ne voulonspas d’institutions comme l’Église. Son humanité pé-cheresse nous embarrasse. Notre quête de Dieu, ce-pendant, doit avoir une dimension communautaire ;elle ne peut jamais être qu’une quête individuelle.Nous faisons bien, alors, de nous rappeler que nousappartenons à cette Église trop humaine et pécheres-se, celle qui est si souvent la cible de nos critiques.

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CROISSANCEDANS L’ESPRIT DE DIEU

Nous avons vu que la relation de Marcellin avec leSeigneur s’est développée dans le temps. Dans sa jeu-nesse il se disciplinait en suivant un horaire quotidienet en adoptant des activités fixes afin de développerdes “habitudes” de prière. Ainsi avec les années, il estarrivé à un point où sa relation avec Jésus était deve-nue une seconde nature.

Il a embrassé le Mystère pascal, développé sa prièrepersonnelle et vécu avec une grande rectitude morale.Mais quelles autres pratiques recommandées par Jé-sus notre Fondateur a-t-il utilisées pour nourrir sa viespirituelle ? Nous pensons surtout à trois: une pas-sion pour la justice, un cœur reconnaissant, une par-ticipation à une communauté de foi. Un mot bref surchacune.

On ne s’étonnera pas de retrouver le souci despauvres au haut de la liste des attitudes et actions es-sentielles pour nourrir la vie spirituelle. Pour Jésus, ily avait deux commandements de base : aimer Dieu etaimer le prochain. Au chapitre 25 de Matthieu, Jésusaffirme sans ambages que nous serons jugés sur notrefaçon de traiter les pauvres. Comme nous les traitons,ainsi nous traitons Dieu.

Nous nous trompons si nous pensons que nouspouvons entrer en relation avec Dieu sans nous occu-per des membres les plus faibles de notre société, etsans examiner sévèrement comment notre propre fa-çon de vivre contribue à leur malheur. Une spirituali-té authentique ne peut pas se couper des pauvres etde leurs soucis, et de la nécessité de bâtir une sociétéjuste. U

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Ce qui nous aide encore est de nous fixer un tempsprécis chaque jour pour la prière personnelle, et deconsidérer ce temps comme un rendez-vous sacréqu’on ne peut pas manquer. Je trouve, par exemple, quesi je ne me fixe pas un temps de prière le matin, leschances sont élevées pour que ma prière personnelle decette journée particulière soit écourtée. Le soir je ploiesous la fatigue, et les occupations du jour ne m’ont paspermis d’accorder un temps plus long à la prière per-sonnelle. D’où l’importance d’un horaire approprié.

Un autre moment important de notre journée pourcultiver l’intimité avec Jésus-Christ est celui de la prièrecommunautaire. Ici, cependant, le défi est souvent plusgrand que pour la prière personnelle, à cause de nosdifférences de personnalité, d’âge, d’expériences et deformation. Il faut encore mentionner que les prièresproposées à notre usage commun ont souvent une ori-gine et une nature qui les rendent différemment com-préhensibles aux membres de la communauté.

De tout temps, la prière communautaire dans la vieconsacrée a été modelée par les réalités concrètes de lavie religieuse, tant dans sa forme que dans sa fréquence.Situation vraie pour la vie religieuse en général et aussipour notre Institut. Très souvent le catalyseur pour cetteadaptation de la prière communautaire a été une direc-tive d’un Chapitre général, ou un développement dansl’Église en général, ou encore un manque de temps cau-sé par l’apostolat.

C’est triste à dire, mais des préoccupations plusnobles ont eu moins d’influence ; il est rare qu’unecommunauté s’interroge sur sa vie de prière en se po-sant des questions du genre : comment voulons-nouslouer Dieu en tant que groupe ? quelle est la meilleuremanière de célébrer en communauté notre faim et soifde Jésus ?

QUELQUES APPLICATIONS PRATIQUES

Tout cela est bien beau, direz-vous encore une fois,mais comment cet entretien sur la spiritualité, la pas-sion, Marcellin, et le travail de renouvellement, forme-t-il un tout? Permettez-moi d’offrir quelques pointsd’application pratiques. D’abord, j’ai mentionné ci-dessus que dans les congrégations qui ont subi une ouplusieurs renaissances au cours de leur histoire, on re-trouve un trait constant : leurs membres avaient entre-pris une véritable conversion du cœur en renouvelantleur vie de foi ; cela avait produit une plus grande foca-lisation sur Jésus-Christ. Ce point est vital : l’aspect leplus important de notre identité comme frères est notreidentité spirituelle.

Ellen Gaynor, OP, qui a servi d’oncologiste au re-gretté Cardinal Bernardin de Chicago, Illinois, avantqu’il ne meure d’un cancer, a écrit de façon émouvantesur l’homme, et au sujet de l’influence qu’il a eu sur elle.Elle parle de sa foi et de l’immense courage qu’il a dé-montré dans les semaines qui ont précédé sa mort.

La vie et la mort du Cardinal nous rappellent quele témoignage personnel demeure un outil puissantpour promouvoir le message de Jésus-Christ.18 Ce quidevient évident d’emblée, cependant, c’est que toutle monde savait que Joseph Bernardin était, avanttout et par-dessus tout, un prêtre. Notre identité pre-mière de religieux et de frères doit être aussi clairepour nous que pour tous ceux avec qui nous entronsen contact.

Rien n’est plus propice que la Parole de Dieu pourdévelopper notre vie personnelle de prière, et parvenirainsi à une plus grande intimité avec Dieu. Tout tempspassé à prier avec l’Ancien et le Nouveau Testamentporte ses fruits. U

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Marcellin nous a invité à aimer Dieu et à travailler

à le faireconnaître et aimer,

nous disant que cela devrait

être notre vie de frère.

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Il se peut que vous vous trouviez mal à l’aise à lalecture de ce dernier paragraphe. Après tout, saconclusion logique poussée à l’extrême voudrait que,si on se sert des questions précédentes pour organiserla prière communautaire, on aboutisse à une in-croyable multiplicité de formes, styles, etc. Des imagesde confusion dignes de la Tour de Babel s’emparentde notre l’esprit!

Mais nous avons, cependant, nos Constitutions ma-ristes et les riches traditions de notre Institut pournous guider, bien que plusieurs d’entre nous puissentavoir besoin qu’on leur rafraîchisse la mémoire sur cessujets avant de présenter leurs idées à la communauté.Pour nous aider dans notre réflexion sur la prièrecommunautaire, nous puisons dans nos expériencesapostoliques, communautaires et autres expériencesde notre vie quotidienne, et nous examinons l’évolu-tion de la prière communautaire dans la vie religieuseen général.

Prenons maintenant quelques minutes pour regar-der l’évolution historique de notre prière communau-taire, et pour la situer dans le contexte d’une brèvehistoire de la prière communautaire dans les congré-gations religieuses, depuis le temps des Pères du Dé-sert jusqu’à nos jours. Cela dit, nous nous sentironssans doute plus à l’aise pour regarder de plus prèsnotre manière de célébrer la présence aimante de Dieuparmi nous chaque jour.

UNE BRÈVE HISTOIREDE LA PRIÈRE COMMUNAUTAIRE

Pour peindre à gros traits, commençons notre étude del’évolution de la prière communautaire dans lescongrégations religieuses avec les communautés béné-dictines du Moyen Âge. Leurs membres favorisaient

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l’Office divin qui, en ce temps-là, consistait à chanterles psaumes, et à les entrecouper de lectures tirées desPères de l’Église.

Au 10e et 11e siècles, cependant, l’Eucharistie - éle-vée maintenant à la position suprême parmi toutes lesprières de l’Église - avait usurpé la position privilégiéede l’Office divin et avait pris sa place au centre de lajournée monastique.

Entrant en scène au haut Moyen Âge, les Cistercienset les Béguines se sont montrés très révolutionnairesdans leur approche de la prière personnelle et commu-nautaire et de la spiritualité. Ils ont souligné l’intentionderrière la prière formelle. Leur “mysticisme affectif,”comme on l’appelait, en est venu à inclure, avec letemps, un nombre d’expressions mystiques de la prièrecomme les transes, les lévitations et les stigmates.

Au 16e siècle, Ignace de Loyola avait développé unenouvelle technique pour la méditation structurée qui secentrait sur la vie du Christ et les grandes vérités de lafoi. Sa contribution apporta des changements dans lamanière de prier de nombreuses congrégations reli-gieuses. Plutôt que d’insister sur la récitation de l’Offi-ce divin ou la contemplation mystique, Ignace encoura-geait ses confrères jésuites à pratiquer les “exercicesspirituels” pendant leur retraite annuelle. Ces exercicesétaient fondés sur la méditation discursive, qui mettaiten jeu les facultés de la mémoire, de l’intelligence et dela volonté.

Ces nouvelles méthodes sont devenues vite popu-laires parmi les membres de beaucoup de congréga-tions nouvelles. Plusieurs d’entre elles, fondées au 19esiècle, ont adopté la pratique d’une retraite annuelle, etont fait de la méditation la base de leur prière commu-nautaire selon l’esprit de Saint Ignace. Des réflexionsstructurées sur des sujets choisis d’avance ont remplacé

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ont évolué avec le temps, et à chaque étape au long duchemin, ils se sont librement inspirés de la pratique ec-clésiale du jour. Aujourd’hui, comme nous réfléchissonsà la spiritualité de Marcellin et que nous peinons pourdévelopper une prière communautaire appropriée et vi-vifiante pour un Institut de notre taille et envergure, ilimporte d’avoir en mémoire ce développement de laprière communautaire dans la vie religieuse.

Plus important encore, nous devons mieux com-prendre les origines de notre propre prière communau-taire. Seulement alors pourrons-nous évaluer les nom-breuses façons nouvelles et innovatrices de louer Dieu,surgies récemment dans notre communauté catholique,et pourrons-nous identifier celles qui sont les plus pro-pices à renouveler la prière communautaire d’un Insti-tut multiculturel.

QUELQUES RÉFLEXIONSSUR NOTRE PRIÈRE COMMUNAUTAIRE MARISTE

Notre Institut, comme tant d’autres, a sa propre his-toire de la prière communautaire. Certains d’entre nousse rappelleront, par exemple, le temps où le Petit Offi-ce de la Vierge Marie, récité en latin bien sûr, servait desupport à notre prière. Aujourd’hui nous aurions pro-bablement bien du mal à en trouver un exemplaire !

Nous savons que le chant ou la récitation du SalveRegina au commencement et à la fin de chaque journéen’était pas la coutume dans notre Institut à son origine.Ce n’est qu’en 1830 que Marcellin a ajouté cette pra-tique. La “deuxième” Révolution française battait sonplein et le Fondateur, dans sa grande dévotion à Marie,a ajouté le Salve pour demander à Marie de protéger sapetite communauté et ses membres pendant ce durtemps de conflit civil.

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le mysticisme affectif si populaire autrefois. Pour ceuxd’entre nous, formés avant le Concile de Vatican II, lamanière structurée et ignatienne de méditer était trèsfamilière ; elle était même la méthode qu’on nous a en-seignée de préférence à toutes les autres.

Avec l’arrivée du 19e siècle, beaucoup de nouvellescommunautés apostoliques ont mis l’Office divin de cô-té. Plusieurs prières de dévotion l’ont remplacé tellesque les neuvaines, le chapelet, les prières du matin et dusoir, et les litanies. Ces pratiques reflétaient ce qui sepassait en même temps ailleurs dans la communauté ca-tholique.

Mais pourquoi choisir des prières de dévotion au dé-triment de l’Office divin ? Bien qu’une explicationcomplète compterait de multiples raisons, disons sim-plement qu’on ne se servait pas communément de l’Of-fice, parce que la récitation de toutes ses heures entra-vait la pratique de l’apostolat. Dans la pensée de plu-sieurs, on ne pouvait pas s’adonner à l’enseignement ouaux soins des malades et, en même temps, s’arrêtertoutes les trois ou quatre heures pour la prière commu-nautaire .

Malheureusement, avec le temps, la prière mystiqueou contemplative est tombée en désuétude et ceux quiaspiraient à la continuer étaient jugés prétentieux. Onen est venu à considérer la contemplation comme uneactivité réservée à un petit groupe d’élites spirituelles.Cette idée erronée nous a appauvris en tant qu’Église.Si, comme religieux dans l’apostolat, nous devons êtredes contemplatifs en action, nous devons être attentifsaussi à la dimension contemplative de cette définitionque nous nous sommes donnée, tout autant qu’à la di-mension importante de l’action.

Le style et la forme de la prière communautaire quiexistent dans notre Institut et dans d’autres Instituts U

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Finalement, nous devons respecter les différencesculturelles. Même si nous appliquons nos présentesConstitutions, notre prière communautaire ne sera pasuniforme dans toutes les parties du monde, mais si elles’inspire du rêve de Marcellin, elle sera animée dumême esprit.

QUELQUES REMARQUES POUR CONCLURE

Nous voici donc arrivés à la fin de cette circulaire. Enconcluant, n’oublions pas que, bien que notre Institutsorte d’une période qui a été, à la fois, bénie et labo-rieuse, il continue à faire face à des tâches formidables età des défis compliqués. Le travail qui reste à faire exige-ra non moins que ce qu’il a fallu pour arriver jusqu’ici :des esprits ouverts, de la détermination à renoncer à desidées qui divisent, et beaucoup de sacrifices.

Comme je l’ai dit ci-dessus, cette circulaire ne parleque d’un aspect de notre identité de Petit Frères de Ma-rie, bien que ce soit le plus important. Les membres denotre 20e Chapitre général nous ont lancé le défi de“centrer passionnément nos vies et nos communautéssur Jésus-Christ, comme Marie. Et, pour cela, mettre enœuvre des processus de croissance humaine et deconversion ” (no 18).

Leur Message est certes une gageure, mais il com-porte sa mesure de joie. Et aujourd’hui la joie doit êtretrès évidente dans notre vie et mission de Petits Frèresde Marcellin. Comme l’un de mes frères me disait ré-cemment : “ Ne serait-il pas merveilleux pour vous etmoi d’arriver à la fin de notre vie mariste, en nous di-sant qu’il n’y a eu aucun mérite de notre part, parce quenous avons tellement savouré cette belle vie mariste ? ”

Alors, debout ! Au travail ! Le défi qui est devantnous est clair, et nous avons les ressources pour le rele-

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Le Frère Louis-Marie, notre troisième Supérieur gé-néral, est l’initiateur, paraît-il, des invocations que nousrécitons tous les matins. Il s’inquiétait des conditions devoyage de nos frères qui partaient établir l’Institut enAfrique du Sud. Cette Province, avant sa restructura-tion, a célébré son 100e anniversaire ; nous pouvonsdonc supposer sans risque de nous tromper que nosfrères y sont arrivés sans mésaventure! Les invocationsrécitées avec tant de ferveur par leurs contemporains,afin d’assurer leur bon voyage, continuent encore au-jourd’hui à faire partie de la prière du matin de tant denos communautés.

UN DERNIER MOT SUR LA PRIÈREPERSONNELLE ET COMMUNAUTAIRE

Marcellin savait que la spiritualité, vécue dans la prièrepersonnelle et communautaire, est au cœur de nos viesde Petits Frères. Sans prière et sans spiritualité, nousdérivons bientôt loin des idéaux de notre mode de vie.La prière personnelle quotidienne doit être le puits au-quel nous nous rafraîchissons régulièrement.

La prière communautaire était tout aussi importantepour Marcellin. Pour la réimaginer et la renouveler, ce-pendant, il faut prendre des risques. D’abord, le risquede partager avec les autres membres de ma communau-té quelque chose de ma relation avec Jésus. Si vous etmoi désirons trouver de nouveaux moyens adaptés pourlouer Dieu, nous devons être prêts à partager quelquechose de notre spiritualité personnelle, si difficile que cepartage puisse être pour certains d’entre nous.

Ensuite, nous devons nous rendre compte de ce quenotre Église fait ailleurs en matière de prière commu-nautaire. De nos jours, le Peuple de Dieu poursuitbeaucoup d’initiatives nouvelles pour louer Dieu. U

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QUESTIONS POUR RÉFLÉCHIRQUESTIONS POUR RÉFLÉCHIR

1.Quels aspects de la spiritualité de Marcellin vous attirentet vous vont droit au cœur ? Les retrouvez-vous dans votre

propre spiritualité aujourd’hui ? Si oui, de quelle manière ?

2.D’autre part, quels aspects de la spiritualité de Marcellinvous troublent ou ne réussissent pas à vous toucher au

cœur ? Soyez précis, si possible, et essayez de noter quelques-unes des raisons pour lesquelles ces aspects vous semblentdésagréables.

3.Quelles sont les plus grandes satisfactions que vous éprou-vez et les plus grandes difficultés que vous affrontez dans

votre vie de prière personnelle, et dans votre vie de prièrecommunautaire ? Ce que vous avez lu de Marcellin et de sa spi-ritualité vous aide-t-il à surmonter de façon plus satisfaisante lesdifficultés que vous rencontrez ? Si oui, comment au juste ?

4. Les discussions sur la prière communautaire peuvent par-fois mener à des incompréhensions et à des relations ten-

dues, le résultat contraire de ce qu’une vie de prière ensembledevrait procurer à une communauté. Essayez de rêver pendantles prochaines minutes : À quoi ressemblerait dans l’idéal la viede prière d’une communauté d’aujourd’hui, en tenant comptede l’âge, du tempérament, de la culture, et de la compréhensionde la vie religieuse de ses membres ? Comment discuter de cesujet plus librement dans votre communauté ? Quels résultatsattendez-vous de cette discussion ?

5.Qui est Marie pour vous aujourd’hui ? Comment votreimage de Marie a-t-elle changé, si tel est le cas, depuis le

temps de votre formation ?

ver. Mais ce défi n’a-t-il pas été le même depuis la fon-dation de notre Institut le 2 janvier 1817 ? Marcellinnous a invité à aimer Dieu et à travailler à le faireconnaître et aimer, nous disant que cela devrait êtrenotre vie de frère. En décrivant ainsi notre vocation, ilnous rappelait qu’au cœur de notre identité de PetitsFrères de Marie, aujourd’hui et maintenant, doit setrouver, par dessus tout, Jésus-Christ et sa BonneNouvelle.

Bénédictions et affection.

Seán Sammon, FMSSupérieur général

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Note : Trouvez un endroit paisible où vous pourrez réfléchir à ces ques-tions. Faites-le à un moment où vous n’êtes pas pressés par le temps. Pre-nez carnet et stylo, et notez les pensées, sentiments, inspirations que vousestimez valoir la peine de conserver. Plus tard, envisagez un partage avecd’autres qui ont fait pareille réflexion. Les notes prises vous seront utilespour une telle discussion, ou encore plus tard, pour vous rafraîchir la mé-moire.

RÉFÉRENCES

1 Catherine de Vinck, p.33. A Time to gather: selected poems. Combermer,Ontario : Alleluia Press, 1967 and 1974.

2 Eugène Burnand (1850-1921). Les disciples Pierre et Jean courant au sé-pulcre le matin de la Résurrection. Musée d’Orsay, Paris, acquis en 1898.

3 John Padberg, SJ, in Laurie Felknor (Ed.). The Crisis in Religious Voca-tions: An Inside View. Mahwah, NJ, Paulist, 1989.

4 Voir les Actes du 20e Chapitre général. Institut des Frères Maristes desÉcoles, Rome, mai 2002.

5 Document du 20e Chapitre général de L’Institut des Frères Maristes desÉcoles. Choisissons la Vie, Rome, 13 octobre, 2001.

6 Unification de notre vie P.A.C. no 1, p. 92 dans Textes du XVIIe Chapitregénéral, Frères Maristes des Écoles, Rome, Italie, 1976.

7 Cf. Testament spirituel de Joseph Benoît Marcellin Champagnat, dansConstitutions et Statuts des Frères Maristes des Écoles, Rome, 1986, p.172.

8 Concile oecuménique Vatican II, Lumen gentium, chap. VI, no 43, Édi-tions du Centurion, Paris, 1967.

9 Bruce Lescher, in Michael Meister, FSC, Blessed Ambiguity: Brothers inthe Church. Winona, MN: St. Mary’s Press, 1993.

10 Unification de notre vie P.A.C. no 1, p. 92 dans Textes du XVIIe Chapitregénéral, Frères Maristes des Écoles, Rome, Italie, 1976.

11 Avis, Leçons, Sentences. Librairie Catholique Emmanuel Vitte, Lyon-Pa-ris, 1927, chap. XXIII.

12 Ronald Rolheiser, OMI, The Holy Longing: The Search for Christian Spi-rituality. New York: Doubleday, 1999.

13 Bernard Lonergan, Method in Theology. London: Herder and Herder,1972.

14 Elizabeth Johnson, CSJ, Truly our sister: A Theology of Mary in the Com-munion of Saints. New York: Continuum, 2003.

15 Ronald Rolheiser, OMI, Against an Infinite Horizon: the Finger of Godin our Everyday Lives. New York, Crossroad, 2001.

16 Ibid.17 Voir : Henri J.M. Nouwen. Le retour de l’enfant prodigue: revenir à la

maison, Bellarmin, 1995.18 Joseph Cardinal Bernardin. The Gift of Peace. London: Darton, Long-

man and Todd, 1998.

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REMERCIEMENTS

Un mot de remerciement aux membres du Conseil, aux frères del’Institut, et à certains amis et collègues qui ont lu les avant-projets de cette circulaire, et ont fait plusieurs suggestions utiles.Ma reconnaissance va à chacun d’eux, et tout spécialement à LuisSobrado et aux membres de la communauté du Conseil qui ontmanifesté leur patience à mon égard tout au long de sa rédaction.Merci aussi à Sœur Marie Kraus, SDN de Namur, et au Frère Ge-rard Brereton, FMS, qui ont édité le texte anglais, et à ceux quil’ont traduit en français (F. Joseph Bélanger, FMS, F. Louis Ri-chard, FMS, et Gilles Beauregard, FMS), en portugais (RicardoTescarolo) et en espagnol (F. Carlos Martín Hinojar, FMS).

Ma reconnaissance va à tous et chacun.