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UNE TOITURE REVOLUTIONNAIRE A ARGOS PIERRE AUPERT, RENE GINOUVES Introduction Entre l’agora d’Argos et le thCdtre s’Clkve un vaste Cdifice, dont les caractCristiques thermales Cvidentes laissaient nCanmoins entrevoir l’existence d’un Ctat antkrieur non balnCaire. La fouille nous B peu B peu rCvC1C la morphologie de ce premier Ctat (Fig. 1): une grande salle voQtCe, B abside et crypte sous podium, ouvre sur une cour B peristyle par l’intermediaire d’un porche profond B fagade d’ordre corinthien, flanquC de deux salles annexes. La colonnade de la cour, ionique et surmontCe d’arcades, est portCe par un podium de 3 m de hauteur. Cette importante denivellation entre le sol de la cour et celui des stoas, est rachetke, face au porche, par un large escalier. L’ensemble, a destination manifestement religieuse, peut Ctre interpret6 comme un sanctuaire de SCrapis-AsclCpios, devenu par la suite un simple Asc1Cpieion.I En faveur de cette interpretation Cgyptienne, il existe en effet un nombre important d’indices convergents, comme, entre autres, 1’obscuritC de la cella, la crypte, la cour en contrebas des stoas, la presence d’eau, la dCcouverte, B proximite, d’un masque barbu de grande statue acrolithe, le marbre noir des colonnes, la prCsence possible d’un sanctuaire Cgyptien plus ancien sous l’Cdifice, la bi- mCtrologie, Cgypto-romaine, de son trace2 et, enfin, la technique Cgyptienne de la voiite de la cella. Cette voQte, premier constituant remarquable de la toiture que nous allons maintenant Ctudier, constitue donc un des paramktres du problbme de l’identification. Signalons enfin que l’architecture tout entikre de 1’Cdifice prksente des particularitCs notables, telles que l’enfoncement de la cour et le premier emploi monumental des arcades. Mais I’originalitC de la toiture est telle qu’elle mCrite B elle seule une prksentation prkalable B la publication. 1. Analyse a. Lavoute La voQte(Fig.2) est montCe par lits transversaux, et non longitudinaux, selon une technique dite Cgalement “par tranches”. Les sommiers reposent sur des paliers des murs latbraux, obtenus par une diminution de l’epaisseur de ces derniers. A la naissance, les briques sont posCes de chant, B plat contre le mur de fond, puis le lit suivant contre ce premier lit et ainsi de suite. Le mortier frais suffit B les maintenir en place, si bien qu’il n’est pas besoin d’un cintre: seul un Cchafaudage lCger est nkcessaire, pour les magons. On Cvite ainsi les frais de boiseries, mais aussi les risques le fracture au dCcoffrage. C’est une technique millhaire de la MCsopotamie et R. Ginouvks, BCH 78 (1954), 175; P. Aupert, CRAI (1985), 151-75, fig.1, 152 pour le plan de cet ttat et Etudes &architecture er d’histoire grecques a l’t!poqueirnpe‘riale, en preparation. P. Aupert, dans Le dessin d’architecrure dans les socie‘te‘s antiques, Acres du Colloque de Strashourg, 26-28 janvier 1984 (1985), 255-68. 151

UNE TOITURE REVOLUTIONNAIRE A ARGOS

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UNE TOITURE REVOLUTIONNAIRE A ARGOS

PIERRE AUPERT, RENE GINOUVES

Introduction

Entre l’agora d’Argos et le thCdtre s’Clkve un vaste Cdifice, dont les caractCristiques thermales Cvidentes laissaient nCanmoins entrevoir l’existence d’un Ctat antkrieur non balnCaire. La fouille nous B peu B peu rCvC1C la morphologie de ce premier Ctat (Fig. 1): une grande salle voQtCe, B abside et crypte sous podium, ouvre sur une cour B peristyle par l’intermediaire d’un porche profond B fagade d’ordre corinthien, flanquC de deux salles annexes. La colonnade de la cour, ionique et surmontCe d’arcades, est portCe par un podium de 3 m de hauteur. Cette importante denivellation entre le sol de la cour et celui des stoas, est rachetke, face au porche, par un large escalier.

L’ensemble, a destination manifestement religieuse, peut Ctre interpret6 comme un sanctuaire de SCrapis-AsclCpios, devenu par la suite un simple Asc1Cpieion.I En faveur de cette interpretation Cgyptienne, il existe en effet un nombre important d’indices convergents, comme, entre autres, 1’obscuritC de la cella, la crypte, la cour en contrebas des stoas, la presence d’eau, la dCcouverte, B proximite, d’un masque barbu de grande statue acrolithe, le marbre noir des colonnes, la prCsence possible d’un sanctuaire Cgyptien plus ancien sous l’Cdifice, la bi- mCtrologie, Cgypto-romaine, de son trace2 et, enfin, la technique Cgyptienne de la voiite de la cella. Cette voQte, premier constituant remarquable de la toiture que nous allons maintenant Ctudier, constitue donc un des paramktres du problbme de l’identification.

Signalons enfin que l’architecture tout entikre de 1’Cdifice prksente des particularitCs notables, telles que l’enfoncement de la cour et le premier emploi monumental des arcades. Mais I’originalitC de la toiture est telle qu’elle mCrite B elle seule une prksentation prkalable B la publication.

1. Analyse

a. Lavoute La voQte (Fig.2) est montCe par lits transversaux, et non longitudinaux, selon une technique dite Cgalement “par tranches”. Les sommiers reposent sur des paliers des murs latbraux, obtenus par une diminution de l’epaisseur de ces derniers. A la naissance, les briques sont posCes de chant, B plat contre le mur de fond, puis le lit suivant contre ce premier lit et ainsi de suite. Le mortier frais suffit B les maintenir en place, si bien qu’il n’est pas besoin d’un cintre: seul un Cchafaudage lCger est nkcessaire, pour les magons. On Cvite ainsi les frais de boiseries, mais aussi les risques le fracture au dCcoffrage. C’est une technique millhaire de la MCsopotamie et

’ R. Ginouvks, BCH 78 (1954), 175; P. Aupert, CRAI (1985), 151-75, fig.1, 152 pour le plan de cet ttat et Etudes &architecture er d’histoire grecques a l’t!poque irnpe‘riale, en preparation. P. Aupert, dans Le dessin d’architecrure dans les socie‘te‘s antiques, Acres du Colloque de Strashourg, 26-28 janvier 1984 (1985), 255-68.

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de I’Egypte, ou I’on utilisait des briques crues liCes a I’argile. Elle Ctait inconnue dans le reste de l’empire avant la fin du IIIe s. de n.6. et ne se repand vraiment que dans l’architecture byzantine.? I1 est donc particulierement Ctonnant de la voir apparaitre B Argos vers 90/100, soit deux sikcles avant la date que nous enseignent les manuels d’architecture. C’est par ailleurs Cgalement la premikre voQte de cette ampleur CdifiCe en Grkce sur un Cdifice public, la premikre voQte CdifiCe dans l’empire sur la cella d’un temple et, surtout, la premikre voQte entikrement en briques de l’architecture impCriale. A tous Cgards, I’oeuvre fait donc date et bouleverse nos connaissances. Les raisons d’une telle innovation B Argos tiennent vraisemblablement B la nature, CvoquCe B l’instant, de notre Cdifice. En tout Ctat de cause, cette perspective Cgyptienne ou Cgyptisante fournit au moins une rCfCrence: m2me si la rCsurgence de ce type de voQte est chronologiquement Ctonnante, elle ne s’en inscrit pas moins dans une tradition qui existe. Or tel n’est pas le cas de la toiture B laquelle elle est liCe et que nous examinons maintenant.

b. La toiture (Fig.2)

La toiture en caernenticiurn qui protkge la voQte reprend, partiellement et avec des amknagements dQs a la nature du matCriau, le schdma d’une charpente en bois. Entre les bases de la voQte et les murs IatCraux, on a coulC un blocage de caernenticiurn qui culmine jusque sous le niveau des reins et repose partiellement sur un second palier des murs. Puis, sur ce blocage et sur l’extrados de la voQte, on a montC de part et d’autre, jusqu’au-dessus du niveau des reins, quatre murets transversaux. Leur face inferieure est donc courbe, tandis que leur face supkrieure est en pente nCgative vers l’exdrieur de 1’Cdifice. Entre les ar2tes supCrieures de ces murets, on a ensuite install6 des coffrages perdus, tangentiels B l’extrados de la voQte et faits de planches de bois disposCes longitudinalement. Sur l’ensemble form6 par la clC de voQte, ce coffrage et la crCte des murs IatCraux, on a enfin coulC une dalle de caernenticiurn B double pente, mince dans sa partie haute, puis allant ~’Cpaississant vers la Crete des murs, ou elk est bordCe d’une corniche faite de trois lits de briques en dCbord les uns sur les autres. Le sommet de la voQte reFoit donc le poids le plus faible; les reins sont bloquCs par les murets, mais allCgCs par les vides crCCs grlce aux coffrages et la charge maximale est reportCe verticalement sur les deux paliers et la Crete des murs IatCraux. Ces huit murets B ar2te triangulaire reposent donc, certes, sur la voQte (qui joue alors le r81e d’un systkme de ferme), mais ils fonctionnent Cgalement comme des arbalktriers: ils dCchargent en partie la voQte du poids de la toiture, en le reportant sur les plates-formes du sommet des murs et sur le massif de blocage des reins. Enfin, la dalle en caernenticiurn remplace le systkme de pannes, chevrons et voliges d’une toiture classique. Appuyees sur ces bases, les dalles se contrebutent Cgalement l’une l’autre B leur sommet et allkgent encore d’autant la pression sur la voQte.

Nous pourrions donc decrire l’ensemble voQte-toiture comme une charpente, dont la voQte constituerait une ferme d’arbalktriers courbes ou B moises ou encore B jambes de force, sans entrait, complCtCe par le systkme de demi-arbalktriers; ou plus prCcisCment peut-Stre, comme une charpente B chevrons-portant-ferme, lambrissCe en b e r ~ e a u . ~ Cette substitution de la

J. B. Ward-Perkins, Roman Imperial Architecture (London, 1983), 276-7. Le premier exemple citC, celui des substructions de la basilique d’ Aspendos, est une vocte mixte, par lits longitudinaux jusqu’aux reins, puis transversaux entre les reins. Cette technique a elle aussi un antCcCdent B Argos: c’est le mode de couverture des souterrains des thermes qui se sont intallCs dans notre Cdifice dans la premiere moitiC du IIe s. Choisy traite de la voijte par [ranches dans son Art de hcitir chez les Egyptiens (Paris, 1904), puis dans I’Art de hritir- chez Ies Byzantins (Paris, 1883), et non dans 12 volume consacrC aux Romains (Paris, 1923).

Principes d’ana/yse scientifque. Archifecture (Paris, 1972) (anonyme), 57 et fig.IV,28.

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maGonnerie B la ferme en bois est du reste encore recommandke, pour les grandes portCes, dans un manuel de construction

Nous sommes donc en prksence de deux techniques: celle du charpentage classique, tel qu’il se pratique encore, mais entikrement magonnC, et celle des dalles en mortier coulC sur coffrage longitudinal, telle qu’elle se pratiquait pour le montage des voijtes en blocage, mais ici B plat, bien entendu, et B coffrage perdu.

2. Manque de parallitles

Or ces rCfCrences B des pratiques modernes, voire contemporaines, ne constituent pas un artifice de prksentation gratuit: ce recours est au contraire rendu ne‘cessaire par le manque de parallkles antiques, fussent-ils chronologiquement ou spacialement lointains.

Certes, les matCriaux sont romains: la brique cuite, bien qu’inventke en Egypte, n’y a jamais CtC systkmatiquement utilisCe et l’a CtC surtout B 1’Cpoque impCriale, pour des raisons Cvidentes, dans des constructions thermales. En Grkce mCme, l’usage de la brique cuite n’est pas inconnu,6 mais il est si peu rCpandu avant 1’Cpoque impCriale qu’il ne peut avoir inspirC une construction aussi audacieuse. Quant au mortier en gCnCral et au caementicium des demi- arbalktriers et des dalles de toiture, ce sont des composants typiquement italiens. Mais la mise en oeuvre de l’ensemble est tout B fait originale.

Dans l’architecture romaine, en effet, la toiture des coupoles n’est gCnCralement autre que leur extrados, courbe,’ conique8 ou muni de ressauts concentriques, protege par des plaques mCtalliques9 ou des tuiles.I0 C’est Cgalement le cas de la plupart des voOtes (Fig.3)’ B ceci prks que leur extrados est presque toujours trait6 comme un toit B double pentell - ou, sur croisCes d’arCtes, B huit pans’* -: toiture et plafond ne sont que les faces supCrieure et infirieure d’une mCme structure massive et homogkne (Fig.4). Mais ce dispositif prCsente I’inconvCnient d’Cpaissir sensiblement, et donc d’alourdir, la voijte entre les reins et les tetes. Le blocage de cette partie de la voijte est utile B sa bonne stabilitC, mais l’excks de poids y est nuisible et renforce, de surcroit, la pesCe sur les tCtes de murs. Aussi a-t-on cherch6 B allCger ce tas de charge par divers procCdCs: dissociation complkte entre voijte et charpente,13 inclusion d’amphores ou vides mCnagCs par coffrage aux environs des reins, choix de moellons d’origine volcanique de faibles densid, puis utilisation de tubes encastrCs l’un dans l’autre,I4 voire,

G. Oslet, Traite‘ de charpente en hois. Cours de construction. 4Pmepartie (Paris, s.d.), 251, fig.588. 6Des briques de terre cuite, de formats tout a fait inusitCs en architecture romaine, ont CtC recueillies dans les

maisons de Skardana a DClos, dans les couches de destruction du Ier s. av. n. 2. (communication orale de G. Siebert). Comme celui du Pantheon a Rome, des salles thermales dites “temple de Diane” et “temple de VCnus” a Baia, Crema, L’architettura romana. Enc. Classica Ser. I I I . Arch. e Storia dell’ Arte Classica (Turin, 1959), fig.391 et 613 (ci-dessous, Crema), du mausolCe dit “temple de Portunus” 2 Porto di Roma (Crema, fig.745), ou de la salle octogonale des thermes de DioclCtien (Crema, fig.756). Ou a quatre pans comme sur la coupole du sCpulchre dit “Sedia del Diavolo” Rome (Crema, fig.394).

Au PanthCon, cf. Macdonald, The Architecture ofthe Roman Empire (New Haven and London, 1982), 110; K. De Fine Licht, The Rotunda in Rome. A Study of Hadrian’s Pantheon (Copenhagen, 1968), 136.

lo Sur les coupoles des tours laterales du SCrapieion (“Rote Halle”) de Pergame. ‘ I A 1’Hadrianeum de Rome (Crema, fig.451), S. Urbano alla Capella 3 Rome (Crema, fig.639-640) et sur quelques

tombes de la via Appia (ihid. fig.638). C’est le procCdC qui se peqktue, concurremment a la charpente-plafond en bois, dans I’art roman: M. Durliat, L’art roman (Paris, 1982), 527, fig.788; 537-8, fig.821; 538-9, fig.826; F. Eygun, Architecture Romane (1931; sans lieu d’kdition), 89-96 et pl.VI1, 156-7.

I * Sur de nombreux bltiments, cf. Crema, fig.700-01,776,782,787. l 3 Cf. n.16 et 18.

l 4 Cf. Choisy, L’art de hbtir chez les Romains (Paris, 1873), 96-8; Lugli, Tecnica edilizia romana (Rome, 1957), 667-72 (ci-dessous, Lugli); Rivoira, Roman Architecture (Oxford, 1925), 64, 164, 165, 214, 219 (ci-dessous,

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tardivement, galerie annulaire ouverte dans l’dpaisseur de la tCte. Notre architecte, sensible a ce problkme, et dCja precurseur en cela, n’a eu recours a aucun de

ces procCdCs, dont la plupart n’Ctaient du reste pas en pratique a son Cpoque.’5 I1 a invent6 le sien, en dissociant lui aussi, mais partiellement, de la couverture, une voQteIh d’autant plus mince qu’elle supporte une charge plus faible et substantiellement drainCe vers les axes verticaux; en imitant le charpentage en bois et en inaugurant la technique de la dalle plate, qui permet de mCnager, entre chaque demi-arbalktrier, un vide important. Or, ces deux derniers procCdCs, que ce soit celui des arbalktriers maqonnCs ou celui de la dalle de mortier, apparaissent ici pour la premikre et unique fois dans 1’Ctat actuel de nos connais~ances.’~

3. Un prototype revolutionnaire sans posterite

L’ensemble est donc rkvolutionnaire en ce qu’il transpose des technqiues anciennes, certes, - vofite Cgyptienne et charpentage -, mais dans une statique et un matCriau nouveaux, et Cgalement en ce qu’il crCe entre elles une relation originale. I1 est Cgalement d’avant-grade dans la solution apportCe au problkme du couvrement.

Or, le rksultat de cette innovation, rCussie puisqu’elle nous est parvenue presque dix-neuf sikcles plus tard dans un Ctat encore ddchiffrable, est demeurC parfaitement isolC son Cpoque et, la diffkrence de la voOte Cgyptienne elle-mCme, il est complktement dCpourvu de postCritC dans les sikcles suivants. On connait surtout, en effet, les tentatives parallkles, comme les fermes en bronze au-dessus des vofites du porche du PanthCon et les charpentes en bois au- dessus d’une vofite en tubes 21 Ravenne ou en pierre dans certaines Cglises d’Asie Mineure et de Syrie, puis dans les domaines roman et gothique.IX Dans chacun de ces cas, plafond (vofite ou coupole) et toiture forment deux systkmes superposis et sans contact l’un avec I’autre (Fig.5). Les dispositifs les plus voisins, dans leur esprit, de celui d’Argos, sont sans doute, mais bien plus tard, ceux du “Tempi0 di Siepe” (Fig.6) au Champ de Mars B Rome et de Sainte-Marie Majeure (Fig.7) h Nocera dei Pagani,” oh les arbalktriers en bois reposent sur les reins de la

Rivoira); pour les voiites en tubes, cf. A. Lezine, Archirectur.e romaine dAfrique: recherches et mises au point. UniversitC de Tunis FacultC des Lettres, Premikre SCrie 9 (Paris, 1962), 153.

I s Mis a part I’inclusion d’amphores dans les voQtes des thermes de Stabies h PompCi, les essais d’allbgement ne commcncent vCritablement qu’au second sibcle et la voQte-voile en tubes, connue dbs le IIe s., cf. Crema, 571, ne se repand qu’au IVe s., essentiellement en Afrique: cf. Giovannoni, La tecnica deUa costruzione presso i Romani (Rome, 1925). 38-9; Crema, 335-8; Lugli, 669-72. Exemples italiens dans Rivoira, 261-65.

I h Une telle dissociation apparaitrait dCjja dans I’image que I’on se fait de la coupole de I’Arsinoeion de Samothrace, cf. P. W. Lehmann, Samothrace. The Hieron I (London, 1969), 210-1 1, fig.168, et K. Lehmann, Sarnothrace, a guide (New York, 1975), 56. Mais, si cette reconstitution est exacte, nous avons affaire 9 une voQte en bois, suspendue 5 une charpente en bois Cgalement: le procedC est donc diffkrent de celui d’Argos.

Cet isolement, comme dans le cas de la voQte “Cgyptienne”, n’est peut-Ctre qu’apparent et ne s’entend que par rapport aux vestiges qui nous sont parvenus. Or, ceux des toitures ont t t t les premiers h disparaitre. I1 est toutefois probable que si ces solutions avaient vkritablement fait Ccole, nous en aurions, ici ou 18, tCmoignage ou tcho.

I* Pdnthkon, pronaos: K. de Fine Licht, The Rotunda in Rome (1968), 45-58. La voGte n’est pas vraiment dissocite de la charpente puisqu’elle y est, semble-t-il, suspendue. Ravenne: G. Bovini, Edifci di culto di Ravenna de ta prvteodor.ic.iana (Bologna, 1969), 47, fig. 17. Dans I’architecture gothique, les fermes de toiture, construites anterieurement i la vokte, sont m&me utilisCes comme Cchaufaudage pour le montage de cette demibre: J. Fitchen, The Construction of Gothic Carhedr.a/s (Oxford, 1981), 95, 127, 139, 174. Un exemple de cette dichotomie ti Fossanova: AJA and ofthe History ofthe Fine Arts 6 (l890), pl.IX.

I y Au “Temple di Siepe” (fin IIIe/premibre moitie du IVe s . ) , le dessin d’A16 Giovannoli, reproduit par Crema, fig.757, montre une mince coupole, raidie par un dispositif “i coquille” et couverte par une charpente en bois, dont les arbaletriers portent sur un rehaussement du mur extCrieur et sur les reins de la coupole; mais que cette toiture recouvre I’oculus invite peut-Ctre ti penser qu’il s’agit d’un remaniement postkrieur. Pour Nocera dei Pagani, fin IVeldCbut Ve s., cf. Rivoira, 250, qui en fait, 265, le premier exemple de cette dissociation. I1 en existe peut-Ctre d’autres anterieurement: en Syrie, h Bostra, une tombe circulaire (du dCbut de I’Empire?) porte sur I’espace central une coupole appareillke, qui dCpasse ?i peine la tCte du mur annulaire. Le lit d’attente, tel qu’il est

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coupole, ainsi que les arcs-diaphragmes de quelques Cglises orientales, puis romanes, en Normandie et Lombardie.’O

Mais dans tous ces exemples le plus souvent tardifs, on constate, d’une part la plus ou moins grande independawe des composants et, d’autre part, la dualit6 des matkriaux, alors qu’h Argos nous sommes en prCsence d’une cohkrence totale des ClCments et d’une unit6 de matCriau.

A cet Cgard, la technique argienne ne rencontre donc de veritable parallkle que dans les architectures en bois, comme le comble B la Philibert Delorme,*’ continuellement perfectionnk par la suite (Fig.@, et en fer de la fin du XIXe s., comme B la bourse d’Amsterdam, de H. P. Berlage.

Conclusion

Aux environs de 100 aprhs J.-C., il s’est donc crCC B Argos une solution originale au problkme de la couverture des grandes salles et il faut la ranger parmi les reussites architecturales, dont elle a le caractkre B la fois novateur et enracinC dans la tradition, fonctionnel et prCcurseur, bien que dkpourvue de suites immCdiates. C’est constater en mCme temps que cette brillante tentative a souffert de ce que I’on nommerait aujourd’hui un manque de publicitC, ou bien plus vraisemblablement, que, trop audacieuse, elle ne s’inscrivait pas dans l’esprit de l’architecture impCriale: celle-ci a continu6 B prCfCrer le procCdC plus familier des voiites-toitures monolithes, dont 1’Cvolution la plus remarquable a CtC la voilte de tubes.

L’originalitC de cette renaissance, qui semble limitCe au cas argien, mCritait enfin d’etre soulignCe dans le contexte particulikrement conservateur de l’architecture impCriale en Grkce.

Illustrations (Plates 57-59)

Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3.

Fig. 4. Fig. 5. Fig. 6. Fig. 7. Fig. 8.

Vue axonomCtrique du temple argien. La cella est en haut (P. Aupert). Vue axonomCtrique de la toiture de la cella (K. Kolokotsas). Toitures des themes “des Chasseurs” B Leptis Magna; Ward-Perkins, RIA (1983)’ fig.251. Temple d’Hadrien B Rome; Andreae, fig.698. Couvrements romains; Fitchen, The construction ... (198 l), fig.39. “Tempi0 di Siepe”, dessin d’A16 Giovannoli; Crema, fig.757. S. Maria Maggiore B Nocera dei Pagani; Rivoira, fig.300. Comble du type Emy; Claudel, Laroque, Barre (1899), fig.834.

publit, n’indique pas la nature de la toiture, rnais I’extrados de la voiite ne porte pas trace d’un Cventuel contact avec cette demibre; cf. R. E. Briinnow, A. von Dornaszewski, Die Provincia Arabia 111, (Strasbourg, 1909), 3-4 et Butler, Ancient Architecture in Syria I1 (Princeton, 1914), 277-8, fig. 244-5.

20Les arcs doubleaux supportent un mur diaphragrne termint en triangle et recevant les pannes, cf. F. Eygun, Architecture romane (1931), 94.

21 G. Oslet, Trait6 de charpente en h i s , ss.d., 348-55, fig.788-803. J. Claudel, L. Laroque, L.-A. Barre, Pratique de I’art de construire (Paris, 1899), 900, fig.834.