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Ann Pathol 2006 ; 26 : 293-4 © 2006. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. 293 Cas pour diagnostic Accepté pour publication le 16 novembre 2005 Tirés à part : C. Girardet, voir adresse en début d’article. e-mail : [email protected] Une tumeur vésicale inhabituelle chez une femme A woman with an unusual bladder tumor Sybil Bolli (1) , Mohamed Abdou (1) , Dominique Fournier (2) , Nicolas Defabiani (3) , Christophe Girardet (1) (1) Service d’Histocytopathologie, ICHV, Avenue Gd-Champsec 86, CP 736, 1951 Sion, Suisse. (2) Institut de Radiologie, Rue du Scex 2, 1950 Sion, Suisse. (3) Service d’Urologie, RSV, Hôpital de Sion, 1950 Sion, Suisse. Bolli S, Abdou M, Fournier D, Defabiani N, Girardet C. Une tumeur vésicale inhabituelle chez une femme. Ann Pathol 2006 ; 26 : 293-4 Observation Il s’agit d’une femme de 37 ans, ayant pour antécédents des infections urinai- res à répétition, qui consulte pour pol- lakiurie et urgences mictionnelles avec spasmes depuis un an environ. L’écho- graphie et l’imagerie par résonnance magnétique nucléaire du petit bassin montrent une formation multikystique bien délimitée de 12 × 18 × 22 mm fai- sant protrusion dans la vessie, localisée au niveau du trigone en arrière du départ de l’urètre. À la cystoscopie, la lésion se présente sous forme de nodu- les bleutés à contenu chocolat avec une muqueuse oedématiée en regard. L’urographie intraveineuse et le lavage de vessie sont dans les normes. Une résection endoscopique de la lésion vésicale est effectuée. À l’examen histologique, on trouve dans la paroi vésicale des glandes tubu- laires (figure 1). Elles présentent un épithélium cylindrique unitratifié. Les cellules montrent un noyau allongé en position basale et un cytoplasme clair. Il n’y a pas d’atypies cytonucléaires. Ces glandes sont entourées par un stroma cellulaire bien vascularisé dans lequel on trouve des macrophages contenant du pigment hémosidérinique (figure 2). À l’immunohistochimie, les cellules glandulaires ainsi que le stroma mon- trent une positivité pour les récepteurs hormonaux aux oestrogènes et à la progestérone. À proximité, on identifie également en surface un urothélium réactionnel avec une métaplasie glan- dulaire à cellules caliciformes. Quel est votre diagnostic ? FIG. 1. — Copeau de résection vésicale. HES × 25. Étoile : glande dans le chorion. Flèche : cystite glandulaire de type intestinal. FIG. 1. — Vesical chip. HES×25. Star: gland within the chorion. Arrow: cystitis glandularis, intestinal type. FIG. 2. — Glande et stroma avoisinant dans la paroi vésicale. HES × 200. FIG. 2. — Gland with adjacent stroma. HES×200.

Une tumeur vésicale inhabituelle chez une femme

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© 2 0 0 6 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s . 293

Cas pour diagnostic

Accepté pour publication le 16 novembre 2005

Tirés à part : C. Girardet, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Une tumeur vésicale inhabituelle chez une femmeA woman with an unusual bladder tumor

Sybil Bolli(1), Mohamed Abdou(1), Dominique Fournier(2), Nicolas Defabiani(3), Christophe Girardet(1)

(1) Service d’Histocytopathologie, ICHV, Avenue Gd-Champsec 86, CP 736, 1951 Sion, Suisse.(2) Institut de Radiologie, Rue du Scex 2, 1950 Sion, Suisse.(3) Service d’Urologie, RSV, Hôpital de Sion, 1950 Sion, Suisse.

Bolli S, Abdou M, Fournier D, Defabiani N, Girardet C. Une tumeur vésicale inhabituelle chez une femme.Ann Pathol 2006 ; 26 : 293-4

Observation

Il s’agit d’une femme de 37 ans, ayantpour antécédents des infections urinai-res à répétition, qui consulte pour pol-lakiurie et urgences mictionnelles avecspasmes depuis un an environ. L’écho-graphie et l’imagerie par résonnancemagnétique nucléaire du petit bassinmontrent une formation multikystiquebien délimitée de 12 × 18 × 22 mm fai-sant protrusion dans la vessie, localiséeau niveau du trigone en arrière dudépart de l’urètre. À la cystoscopie, lalésion se présente sous forme de nodu-les bleutés à contenu chocolat avecune muqueuse oedématiée en regard.L’urographie intraveineuse et le lavagede vessie sont dans les normes. Unerésection endoscopique de la lésionvésicale est effectuée.À l’examen histologique, on trouvedans la paroi vésicale des glandes tubu-laires (figure 1). Elles présentent unépithélium cylindrique unitratifié. Lescellules montrent un noyau allongé enposition basale et un cytoplasme clair.Il n’y a pas d’atypies cytonucléaires. Cesglandes sont entourées par un stromacellulaire bien vascularisé dans lequelon trouve des macrophages contenantdu pigment hémosidérinique (figure 2).À l’immunohistochimie, les cellulesglandulaires ainsi que le stroma mon-trent une positivité pour les récepteurshormonaux aux oestrogènes et à laprogestérone. À proximité, on identifieégalement en surface un urothéliumréactionnel avec une métaplasie glan-dulaire à cellules caliciformes.

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — Copeau de résection vésicale. HES × 25. Étoile : glande dans le chorion. Flèche : cystite glandulaire de type intestinal.

FIG. 1. — Vesical chip. HES×25. Star: gland within the chorion. Arrow: cystitis glandularis, intestinal type.

FIG. 2. — Glande et stroma avoisinant dans la paroi vésicale. HES × 200.

FIG. 2. — Gland with adjacent stroma. HES×200.

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Diagnostic : endométriose vésicale avec foyers de cystite glandulaire de type intestinal

L’endométriose touche 10 à 15 % des fem-mes entre 20 et 50 ans aux États-Unis [1]. Ellese définit par la présence de tissu endomé-trial hors de la cavité utérine. En général,stroma et épithélium sont présents conjoin-tement. Bien que l’on puisse rencontrerl’endométriose en situation extra-pelvienne,les localisations intra-pelviennes sont plusfréquentes, classiquement : les ovaires, lecul-de-sac de Douglas, les ligaments utéro-sacrés, le col, le vagin, l’espace vésico-utérinet le septum rétrovaginal. L’endométriosedu système urinaire est rare (1 à 2 % desendométrioses). La vessie est le site le plustouché (84-90 %) [1]. La paroi est souventépaissie, fibrosée. L’atteinte des uretèrespeut endommager gravement la fonctionrénale. La patiente peut être asymptoma-tique, présenter une masse palpable, desdouleurs pelviennes rythmées ou non selonle cycle, des symptômes urinaires variés(infections, dysurie…) ou, rarement, unehématurie franche pendant les règles. L’exa-men diagnostic de choix est la cystoscopieavec biopsies. Celle-ci montre le plus sou-vent des nodules bleutés recouverts d’unemuqueuse en général oedémateuse. EnIRM, l’aspect est également très évocateur.On trouve des implants tissulaires pelvienshypointenses en T1 et hyperintenses en T2pondéré [2].Macroscopiquement, on voit des nodulesbleuâtres, kystiques, souvent entourés defibrose. On trouve parfois, comme dans lecas présenté, une masse polypoïde mimantune tumeur. Histologiquement, on trouvedes glandes endométriales ayant un épithé-lium cubique, cilié ou non, uni- ou pseudo-stratifié, entourées d’un stroma cellulaireavec des signes d’hémorragie (bien visiblespar une coloration du fer). En général, il ya une importante réaction fibreuse de voi-sinage. La composante stromale peut pré-senter une métaplasie musculaire lisse etl’inflammation induire des atypies. Le diag-nostic différentiel se pose parfois avec unadénocarcinome invasif, notamment muci-neux, et parfois avec certains sarcomes

endométriaux de bas grade. Cependant,l’aspect histologique est caractéristique et lediagnostic différentiel est plus théorique quepratique [3]. Des transformations malignessont décrites : des carcinomes à cellulesclaires et endométrioïdes, des sarcomes dustroma et des tumeurs mülleriennes. Letraitement hormonal (analogues de la LHRH)reste le traitement de référence mais présenteune efficacité variable. Dans les cas réfractai-res, une chirurgie non mutilante consistant enune cystectomie partielle peut être proposé[1, 4]. L’urothélium voisin, comme dans notrecas, peut montrer des métaplasies d’origineréactionnelle. Il s’agit ici d’un sous-type decystite glandulaire de type intestinal avec descellules mucineuses.En conclusion, il est important d’établir lediagnostic d’endométriose urinaire chez unefemme avec symptomatologie pelvienne peuclaire, en raison des risques pour la fonctionrénale et des possibilités thérapeutiques.Enfin, le risque de transformation malignede ce type de lésion à long terme ne peut êtrenégligé [5]. ■

Key words: urinary bladder, endometriosis, cystitis glandularis.

Mots-clés : vessie, endométriose, cystite glandulaire.

Références

[1] Westney OL, Amundsen CL, McGuire EJ. Bladderendometriosis: conservative managment. The Journalof Urology 2000 ; 163 : 1814-7.

[2] Bazot M, Darai E, Hourani R, Thomassin I, Cortez A,Uzan S, Buy JN. Deep pelvic endometriosis: MR ima-ging for diagnosis and prediction of extension ofdisease. Radiology 2004 ; 232 : 379-89.

[3] Borda A, Decaussin Petrucci M, Berger N. Lésionsbénignes diverses de la vessie et de la voie excréto-urinaire. Ann Pathol 2004 ; 24 : 18-30.

[4] Acker O, Robert Y, Carpentier F, Vinatier D, Cos-son M. Endométriose vésicale ou urétérale, sympto-matique : à propos de 8 cas et revue de la littérature.Ann Chir 2003 ; 128 : 34-9.

[5] Price DT, Maloney KE, Ibrahim GK, Cundiff GW,Leder RA, Anderson EE. Vesical endometriosis:report of two cases and review of the literature. Uro-logy 1996 ; 48 : 639-43.