104
Université de Lyon Institut d'études politiques de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine Jean-Matthieu Hautenauve Sous la direction de Bernard Constantin soutenu le 3 septembre 2009 Rédigé dans le cadre du séminaire : « Métropole et nouveaux enjeux urbains »

Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

  • Upload
    others

  • View
    6

  • Download
    1

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Université de LyonInstitut d'études politiques de Lyon

Mutation fonctionnelle de l'emploi etdynamique urbaine

Jean-Matthieu HautenauveSous la direction de Bernard Constantin

soutenu le 3 septembre 2009Rédigé dans le cadre du séminaire : « Métropole et nouveaux enjeux urbains »

Page 2: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :
Page 3: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Table des matièresRemerciements et retour sur la conception du sujet . . 4Introduction . . 5Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes . . 8

Chapitre 1. Fondements de l'agglomération économique . . 8I. L'impossibilité spatiale ignorée des premiers modèles urbains . . 8II. Résolution de l'impossibilité spatiale et naissance de la Nouvelle économiegéographique . . 15

Chapitre 2. Dynamique des villes et différenciation : perspectives économiques et socio-historiques . . 23

I. Multiplication, différenciation et hiérarchisation des villes . . 23II. Socio-histoire de la dynamique des villes . . 31

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises . . 38

Chapitre 3. La mesure des aires urbaines et l'analyse fonctionnelle de l'emploi . . 38I. Les limites de l'analyse sectorielle dépassées par l'analyse fonctionnelle . . 38II. Développements de l'analyse fonctionnelle des territoires : EMS et AFE . . 42

Chapitre 4. Exploitation de la grille d'analyse fonctionnelle de l'emploi . . 48I. Analyse statique 1999 : Une typologie empirique des villes . . 49II. Analyse dynamique 1982-1999 : La dynamique urbaine . . 59

Conclusion . . 69Bibliographie . . 71Annexes . . 78

Annexe 1 : L'impossibilité spatiale liée à la convexité des courbes de préférence etde production . . 78Annexe 2 : la « grille structurale fonctionnelle » de l'emploi . . 79Annexe 3. La composition des 15 fonctions en PCS 1982 . . 80Annexe 4. Composition des 5 strates d'aires urbaines . . 95Annexe 5 : la progressivité de la répartition fonctionnelle de l'emploi, 1999 . . 97Annexe 6 : Résultats par aire urbaine pour l'analyse statique détaillée . . 101

Page 4: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

4 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Remerciements et retour sur la conception du sujetMes remerciements vont en premier lieu à M. Bernard Constantin, mon directeur de mémoire etprofesseur pour le séminaire « Métropoles et nouveaux enjeux urbains ». Sa grande connaissancedes questions urbaines, sa disponibilité et son implication en faveur de ses étudiants ont largementcontribué à la réalisation de ce travail.

Je tiens également à chaleureusement remercier M. Robert Reynard, Adjoint au Chef deservice Etudes et Diffusion, Responsable des études à la direction régionale de l'Insee Rhône-Alpes, pour m'avoir orienté dans l'élaboration de ma problématique et pour m'avoir fourni lesdonnées statistiques essentielles à ce mémoire. Je lui suis très reconnaissant d'avoir fait preuve dedisponibilité et d'attention à mon égard.

Enfin, je tiens à remercier M. Christian Desmaris, professeur agrégé en économie à l'IEP deLyon, pour avoir accepté de prendre part au jury de la soutenance.

J'ai eu à cœur, pour ce mémoire de quatrième année à l'IEP de Lyon, de traiter un sujet liéaux villes, notamment les très grandes aires urbaines. Mon année d'échange universitaire passée àSydney et les lectures que j'ai été amené à faire en économie internationale m'ont donné l'envie,de retour à Lyon, de me replonger dans l'univers cosmopolite et vibrant des grandes métropoles.C'est ce qui explique mon choix du séminaire « Métropoles et nouveaux enjeux urbains ».

Mon intérêt pour les sciences économiques m'a, en outre, conduit à restreindre le vaste champd'étude qu'est la ville à sa dimension économique. M. Constantin m'a alors mis en relation avec M.Reynard, qui, dans le cadre de son travail à l'Insee, travaille régulièrement sur des problèmes liésà l'économie géographique et urbaine. La mise en œuvre par l'Insee d'un nouvel outil de mesure,l'« analyse fonctionnelle de l'emploi » (AFE), a constitué un intéressant objet d'expérience lié authème choisi. J'ai donc eu le privilège de travailler avec un outil économique encore peu usité entestant, très modestement, l'AFE sur les données issues des trois derniers recensements générauxde la population métropolitaine.

La réalisation de ce travail, au-delà de la satisfaction de l'effort accompli, a été très gratifiante :elle m'a permis de traiter un sujet au cœur de mes centres d'intérêts, et, de surcroît, dans uneperspective appliquée et « professionnelle ». Les universitaires qui liront ce mémoire seront sansdoute heureux de savoir que sa rédaction m'a confirmé dans mon ambition de poursuivre des étudesdoctorales.

Page 5: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Introduction

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 5

Introduction

La ville est devenu l'échelon de mesure le plus pertinent pour rendre compte deschangements économiques et sociaux de nos sociétés occidentales. « La ville étant au cœurde nos sociétés, plus encore qu'au temps de l'industrie triomphante, les transformations duprésent s'y concentrent, s'y révèlent et y éclatent » (Viard 1994 p. 65). En effet, l'échelonnational, et à fortiori celui des grands blocs, perd de sa pertinence dans un monde quise globalise dans tous les domaines. La hauteur, si elle permet la prise de recul, a aussitendance à placer un voile obscurcissant sur les micro-phénomènes. Rapprocher le niveaude l'analyse à celui du territoire ou de la ville semble donc de plus en plus nécessaire pourfaire la lumière sur les mécanismes à l'œuvre. La pertinence de l'échelon urbain est d'autantplus renforcée qu'un terrien sur deux vit en ville depuis 2008, et cette tendance s'accélère(UNWUP 2008). La ville, horizon de l'homme ?

L'objet de ce mémoire s'inscrit dans la montée en puissance de l'urbain, la dynamiqueéconomique et sociale des villes. Il a l'ambition de proposer l'intégration d'une étudeempirique à un travail de synthèse théorique dans le vaste domaine de l'économie urbaine.

Le constat d'une urbanisation croissante de la population et du rôle toujours plusimportant que jouent les villes, notamment dans la production culturelle, ont conduit denombreux commentateurs à résumer la France ainsi : « Paris et le désert français » (Gravier,1947). Cette métaphore suggère une forme de hiérarchisation au sein des villes : il y aurait,ou du moins il y aurait eu, une seule ville en France, Paris, puis rien. Cinquante ans plustard, et après plusieurs lois de décentralisation et l'enclenchement d'un nouveau cycle demondialisation, la question de la hiérarchie des villes françaises se pose à nouveau. Or, àl'évidence, non seulement les villes françaises ne se ressemblent pas mais elles évoluentet se transforment. Il est donc possible de dégager, pour une période donnée, une forme dehiérarchie des villes, à condition d'en établir au préalable les critères. C'est essentiellementle critère économique, tel que mesuré par la nature fonctionnelle de l'emploi, qui l'emporteici. Plutôt que d'étayer l'existence ou non d'une hiérarchie urbaine, une des questionsmaîtresses sera donc de déterminer les modalités de la hiérarchisation des villes.

Mais avant même cela se pose la question de l'agglomération économique tout court.En effet, sur le plan économique, la ville peut être définie comme une concentrationgéographique d'activités de production et de consommation. Mais la concentrationgéographique est contre-intuitive en économie puisqu'elle augmente inutilement laconcurrence. Il s'agit d'un paradoxe qui n'a été résolu que récemment

Ces deux questions théoriques s'emboitent et constituent le corps de la premièrepartie, théorique, du mémoire. Les fondements économiques de l'agglomération feronsl'objet d'une présentation préalable en vue de rendre légitime l'examen théorique de ladifférenciation et de la hiérarchisation de ces entités agglomérées.

Afin d'illustrer la théorie par la pratique, la seconde partie sera consacrée à untest empirique, en l'occurrence l'analyse économique et qualitative des villes française ;économique parce que basée sur l'emploi dans les aires urbaines métropolitaines,qualitative parce qu'ayant pour objet de qualifier les villes selon la nature de cet emploi.Ce cas pratique, basé sur l'utilisation de l'analyse fonctionnelle de l'emploi (AFE), un outilde l'Insee encore peu mis en œuvre, permet de rendre compte de la dynamique urbaine

Page 6: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

6 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

à travers la mutation fonctionnelle de l'emploi. Réunies, la première et la seconde partiepermettront de dégager une typologie urbaine et d'infirmer ou de confirmer certains résultatsobtenus dans la partie théorique.

La première partie s'appuie essentiellement sur la théorie économique, bien quedes éléments tirés d'ouvrages de sociologie, notamment de sociologie historique, soientaussi exploités. Interrogeant les éléments nécessaires à l'élaboration d'une typologie desvilles (agglomération, différenciation, hiérarchisation), elle a pour but de délimiter le cadrethéorique dans lequel s'inscrira la partie pratique.

Le chapitre 1 sera consacré à l'étaiement des fondements économiques del'agglomération. Ce chapitre, le plus technique du mémoire, a pour but de répondreà la question existentielle des aires urbaines : pourquoi les activités économiquess'agglomèrent-elles ? La réponse implique la résolution du paradoxe de « l'impossibilitéspatiale », cette incompatibilité fondamentale entre agglomération et hypothèse deconcurrence pure et parfaite. Afin de contourner ce paradoxe, les modèles anciens postulentl'existence à priori d'un centre et d'une périphérie. Ce n'est qu'après la réalisation deprogrès fondamentaux, notamment la découverte des économies d'agglomération et de laconcurrence imparfaite, que la Nouvelle économie géographique (NEG) a pu proposer unesolution à « l'impossibilité spatiale ». En effet, contrairement aux modèles plus anciens, lanaissance d'un centre et d'une périphérie sont endogènes aux modèles issus de la NEG.Celle-ci permet donc de dégager les conditions sous lesquelles les forces d'agglomérationl'emportent sur les forces de dispersion et porte notamment l'emphase sur le rôle joué parla baisse des coûts de transports et de communication.

Le chapitre 2, consacré à l'étude de la différenciation et de la hiérarchisation des airesurbaines, s'appuiera tant sur la théorie économique que sur des éléments de sociologiehistorique. Un des objectifs essentiels du chapitre sera de montrer l'impact qu'ont lesmodalités récentes de l'économie internationale (tertiarisation, importance croissante de lafinance et des services aux producteurs) sur l'organisation des firmes et en particulier surl'intensification de leur décomposition verticale. Or les différentes unités décomposées desfirmes n'ont pas la même sensibilité aux forces d'agglomération et aux forces de dispersion.Certaines fonctions s'agglomèrent dans les plus grandes villes, et par analogie au centre,d'autres des villes plus petites, à la périphérie, et la taille n'est pas le seul critère d'arbitrage.C'est ainsi que les villes se différencient et s'ordonnent selon une hiérarchie économiqueau sommet de laquelle se trouvent les villes globales. Un autre objectif essentiel du chapitreconsistera à dresser un tableau socio-historique de la différenciation urbaine afin de mettreen perspective les résultats du test empirique et de les inscrire dans le temps long. Lasocio-histoire des villes mobilise des concepts tels que ceux de ville du Moyen-Age, deville industrielle, de ville moderne et enfin de ville post-industrielle (ou post-moderne) et deville globale. Ce parcours historique est pertinent pour l'étude des villes contemporainesparce que la ville post-moderne « est à un nouveau carrefour » (Rallet et Torre 1995).Située à l'intersection de l'économie spatiale et industrielle, très liée aux structures desfirmes, l'analyse des villes post-modernes ne peut se passer d'une étude historicisante desmodalités de la production.

La seconde partie du mémoire, dont l'objectif est d'illustrer ou de contester par lapraxis les résultats précédents, se compose d'abord d'une présentation précise de l'outil,l'AFE, puis des résultats de son utilisation. En effet, les concepts, bien qu'ils constituent lecadre dans lequel le chercheur progresse, ne permettent pas à eux seuls de mener desétudes empiriques. Le chapitre 3 sera donc consacré à la revue des différents outils dontdisposent les économistes désireux de mesurer et de qualifier la ville. Les instruments de

Page 7: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Introduction

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 7

mesure classique, comme le PIB, sont insuffisants en économie géographique. Il a doncété nécessaire aux statisticiens de concevoir d'autres outils, notamment ceux basés surles fonctions économiques remplies par l'emploi et permettant de montrer le rôle joué parun territoire ou une ville dans le processus économique. Cette approche s'oppose auxanalyse sectorielles et substitue la fonction de l'emploi au secteur de l'emploi, décomposantpar exemple le secteur automobile en autant de fonctions de recherche, de conception,de fabrication... Parmi ces modèles fonctionnels comptent notamment la « grille d'analysestructural fonctionnelle », celle des « emplois métropolitains supérieurs » et celle del' « analyse fonctionnelle de l'emploi ».

C'est essentiellement sur l'utilisation de cette dernière que repose le cas pratique duchapitre 4.

Dans le dernier chapitre, la grille « AFE » est appliquée aux « Professions et catégoriessociales » (PCS) recueillies par les recensements 1982-1990 et 1999 de l'Insee. Ce caspratique, décomposé en une étude statique (sur la base des données 1999) et une étudedynamique (sur la base des données des 3 recensements), aura pour but d'élaborer unetypologie empirique des aires urbaines et de montrer les tendances dans la concentrationou la dispersion géographique des fonctions de l'économie, infirmant ou confirmant parfoiscertaines conclusions apportées par la théorie. L'AFE permet en effet d'élaborer unetypologie empirique assez fine, distinguant notamment cinq types de villes. Le premiertype se résume à Paris, ville globale. Le second correspond aux métapoles (Ascher, 1995)régionales, disposant de certaines caractéristiques des villes globales mais de manièreplus modérée que Paris. Un troisième type de villes est caractérisé par un certain équilibrefonctionnel, reposant pour une large part sur l'économie résidentielle (Davezies, 2009). Unquatrième type d'aires urbaines est caractérisé, au delà de l'économie résidentielle, par unhéritage encore important des fonctions de l'économie industrielle. Enfin, un cinquième typede villes, les plus petites et les plus rurales, sont naturellement marquées par l'économieagricole et industrielle et sont, en quelque sorte, le reflet inversé de la ville globale.

L'étude dynamique de ce quatrième chapitre montrera que les conclusions théoriquessont souvent vérifiées, mais pas de manière uniforme. L'AFE permet de montrer quela concentration cumulative des fonctions de pointe de l'économie est vérifiée, se quisuggère une polarisation croissante du territoire. Mais cette concentration ne se fait pasnécessairement au profit de la ville globale qu'est Paris, qui, sans perdre sa première place,être rattrapée par les métapoles régionales, qui ont « le vent en poupe ». En outre, cetteconcentration des fonctions de pointe n'est pas toujours liée à la taille de l'aire urbaine.Certaines villes de petite taille ont de fortes concentrations d'emplois liés à ces fonctions,confirmant ainsi les intuitions théoriques de l'importance de « l'accident historique » ou dela structure initiale dans le processus de « causalité cumulative et circulaire » (Myrdal,1970). Certaines petites villes peuvent donc elles aussi, sous conditions, devenir des îlesde l'économie d'archipel (Veltz 1996).

Page 8: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

8 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Première partie : Économie urbaine etdynamique des villes

Chapitre 1. Fondements de l'agglomérationéconomique

Ce chapitre a pour objectif de présenter les fondements théoriques nécessaires pourappréhender la notion de ville en économie, centrale dans ce mémoire. Il s'agit d'unefaçon de rendre légitimes les chapitres suivants, notamment la partie pratique. Cechapitre est tourné vers les fondements économiques uniquement, bien qu'ils ne soientqu'une dimension de l'explication de l'agglomération : un sociologue, un historien ou ungéographe trouveraient d'autres explication de la naissance de villes. Pendant longtempsl'agglomération d'activités économiques en un seul lieu a posé problème aux économistes :l'idée de l'agglomération est contraire aux principes de concurrence parfaite de l'économieclassique. « C'est la contrainte que l'économie conventionnelle fait peser sur notre domainequi fait que nos efforts aboutissent à une intégration partielle du facteur spatial dans le corpsde l'analyse économique » (Ponsard, 1990, 15).

Aussi la dimension spatiale de l'économie a-t-elle été largement occultée jusqu'au

milieu du 20ème siècle et l'émergence des sciences régionales dont le but est notammentd'appréhender la dimension économique des espaces régionaux. L'économiste WalterIsard, pionnier des sciences régionales, a ainsi largement contribué à la création en 1954de la Regional Science Association, dont le but est de rassembler économistes, urbanistesou sociologues afin de constituer un corps de savoir scientifique permettant de penser lerégional, domaine qui manquait jusqu'alors de cohérence académique. Aujourd'hui encore,l'économie géographique est une science en plein développement.

Deux points sont abordés dans ce chapitre. Dans un premier lieu, nous présentonsle problème fondamental de l'économie urbaine, c'est à dire l'incompatibilité des notionsde concurrence parfaite (a-spatiale) et d'agglomération. Cette incompatibilité scientifiqueest largement responsable des difficulté théoriques auxquelles ont été confrontés lespremiers économistes des villes. Aussi brosserons nous une rétrospective des premiersmodèles urbains dans lesquels cette incompatibilité fondamentale a été ignorée. Dans unsecond lieu, nous examinerons les progrès discontinus, mais néanmoins cruciaux, de lascience économique, notamment les économies d'agglomération et l'idée de concurrenceimparfaite. Puis nous verrons comment ces progrès ont permis la théorisation d'équilibresgénéraux en situation de concurrence imparfaite, l'archétype de ceux-ci étant le modèlecentre-périphérie de Paul Krugman (1991b).

I. L'impossibilité spatiale ignorée des premiers modèles urbainsLe problème de l'impossibilité spatiale résulte de la remise en cause du principal modèled'équilibre concurrentiel, celui d'Arrow et Debreu (1954). Après avoir présenté l'impossibilité

Page 9: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 9

spatiale (1), nous brosserons ensuite, sans égard à la chronologie, un tableau des premiersmodèles urbains dans lesquels les fondements économiques de l'agglomération sontignorés (2).

1. Impossibilité spatiale et échec du modèle de concurrence parfaite« Pour un économiste, il est assez naturel de commencer par s'interroger sur la capacitédu paradigme concurrentiel à rendre compte des principales caractéristiques de l'espaceéconomique » (Fujita et Thisse, 2003, page 44). L'hypothèse de concurrence pure etparfaite permet en effet d'aboutir à des situations théoriques dans lesquelles toutesles variables économiques finissent par s'ajuster et par s'équilibrer dans le cadre d'unéquilibre général (ou équilibre concurrentiel). Cette hypothèse a donc longtemps constituéune condition théorique commode pour l'économiste souhaitant aboutir à une situationd'équilibre. L'équilibre concurrentiel est souvent défini comme l'équilibre simultané de tousles marchés de l'économie en situation de concurrence parfaite.

Cette théorie de la concurrence pure et parfaite repose sur quatre hypothèses centralesdont l'objet est d'isoler les marchés de toutes les perturbations extérieures et d'en ainsiproposer une représentation pure (Huriot J.-M et L. Bourdeau-Lepage, 2009, p. 158). Lapremière hypothèse est celle de l'homogénéité parfaite des produits sur un marché. Laseule variable permettant de différencier les produits sur un marché est donc le prix. Laseconde hypothèse est celle de l'atomicité du marché. Elle implique que les agents offreurset demandeurs sont si nombreux que leurs actions individuelles n'impactent pas la formationdu prix des produits. Celui-ci est donc entièrement déterminé par le marché sur lequelne peut pas prendre forme une concurrence imparfaite (monopole, oligopole, monopsoneetc.). La troisième hypothèse est celle de l'information parfaite de chaque agent sur chaqueélément du marché. C'est la raison pour laquelle on ne trouve pas de billets de banque surle trottoir : chaque opportunité est exploitée. Enfin, la dernière hypothèse est celle de lalibre entrée et sortie des agents sur le marché. Il ne doit pas y avoir de couts d'entrée oude sortie venant limiter la concurrence. Cette hypothèse assure elle aussi que toutes lesopportunités sont exploitées par les agents1.

La théorie de la concurrence pure et parfaite a trouvé sont aboutissement dans lemodèle d'équilibre général proposé dans les années cinquante par les travaux communsde Kenneth Arrow et Gérard Debreu (Arrow K. et G. Debreu, 1954) et qui, pour certainséconomistes, sert de référence aujourd'hui encore. A l'équilibre, dans ce modèle basésur les quatre hypothèses sus-citées, les prix en vigueur des biens équilibrent tous lesmarchés, les firmes maximisent leur profits (sous contrainte de la technologie existante)et les ménages maximisent leur utilité (sous contrainte budgétaire liée à leur revenus et àleur part dans les profits réalisés par les firmes). Arrow et Debreu se dispensent de toutedimension spatiale dans leur modèle d'équilibre général en faisant de la localisation desproduits une variable de différenciation de ceux-ci (Fujita et Thisse, 2003). Cela signifie quedeux produits identiques localisés en un lieu A et en un lieu B deviennent, dans ce modèle,deux produits différents. Or cette pirouette des biens localisés est un artifice incapable de

1 L'équilibre concurrentiel est donc une situation dans laquelle l'offre et la demande s'équilibrent grâce à l'unique action des prix.Aussi l'essence de cet équilibre réside-t-il dans le caractère impersonnel des échanges (Fujita et Thisse, 2003, page 44) garantissantl'absence de relations entre les agents en dehors du prix-écran des biens et des services. Il s'agit donc aussi d'une fiction micro-économique dans la mesure où cette hypothèse de la concurrence parfaite conduit à un isolement stratégique des agents (Gabzsewicz,1994) que l'on observe pas dans la réalité.

Page 10: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

10 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

rendre compte des effets de l'espace sur l'économie, ce qui constitue le principal défaut dumodèle.

Sur le plan micro-économique, le recours au biens localisés et l'impossibilité spatialedu modèle sont liés à la conservation, par les auteurs, de l'hypothèse de convexité descourbes de production et des courbes de préférence des agents. Cette hypothèse conduitles auteurs à supposer l'infinie divisibilité de tous les biens et services. En effet, tous lesfacteurs de production sont infiniment divisibles afin d'être produits partout à la fois, et tousles agents préfèrent la multiplicité et la variété à l'unité.

Pour mieux comprendre, prenons l'exemple suivant. Soit deux biens x et y : l'hypothèsede convexité de courbes de préférence des agents implique qu'ils préfèrent toujours unecombinaison d'une multitude de biens x et y qu'une large quantité de biens x uniquementou de biens y uniquement (voir annexe 1). Il en résulte une impasse logique illustrée parMirrlees (1972) : sous l'hypothèse de convexité de leurs courbes de préférences, les agentspréfèrent toujours une multitude de petites maisons réparties dans tout l'espace plutôtqu'une seule grande maison à localisation unique. Le caractère manifestement erroné dece résultat montre à quel point la divisibilité infinie des biens postulée par le modèle le rendinapproprié à l'étude de l'agglomération.

Il en va de même avec l'hypothèse de convexité de courbes de production. Celle-ci est liée à l'infinie divisibilité des ensembles de production dans le modèle de Arrow etDebreu. Cette hypothèse exclut donc la possibilité de rendements d'échelle croissants auniveau de la firme. Pourtant, il est évident que les ensembles de production ne sont pasinfiniment divisibles dans la pratique et cette existence d'indivisibilités est à l'origine de coutsfixes et donc de rendements croissants. En effet, si la firme fait face à des couts fixesinsurmontables, sa production connait des rendements croissants car l'augmentation de laproduction lui permet de surmonter ces couts et de les diminuer relativement à son profit.

Dans la réalité, les indivisibilités sont plutôt la règle que l'exception. Or, en présenced'indivisibilités, la simple prise en compte de l'espace dans la théorie économique suffità créer des situations dans laquelle la concurrence ne peux pas être pure et parfaite.En effet, dès lors que la production à rendements croissants est pensée dans un espacegéographique, la firme ne peut faire preuve du don d'ubiquité supposé par la divisibilitéinfinie de la production. C'est pourquoi la prise en compte de l'espace dans la théorieéconomique suppose l'abandon de l'hypothèse de la convexité des courbes de production.La réalité économique implique l'intégration de non-convexités importantes dans le modèled'équilibre général (Scotchmer et Thisse, 1993 et 1999). Malgré l'introduction de « bienslocalisés », le modèle de Arrow et Debreu ne permet pas de rendre compte de la dimensionspatiale de l'économie : c'est le théorème de l'impossibilité spatiale.

Ce théorème de l'impossibilité spatiale est donc une impasse logique : l'équilibregénéral tel que pensé par Arrow et Debreu est incompatible avec l'agglomération spatiale,parce que celle-ci suppose des marchés imparfaits, des variables externes aux prix(externalités), des rendements croissants liés à l'indivisibilité de certains biens et des coûtsde transports. A contrario, l'hypothèse de concurrence parfaite poussée jusqu'au boutconduit à une situation irréaliste où les processus de production, divisibles à souhait, tendentà minimiser leurs couts de transports en se rapprochant de chaque consommateur à telpoint qu'il y a autant de producteurs que de consommateurs. La dimension spatiale del'économie est niée au point qu'il n'y a aucun échange, aucun transport, et chaque lieuest un microcosme économique indépendant et isolé. « Pour comprendre la nature dela concurrence dans l'espace, il faut d'abord admettre que les rendements d'échelle sontcroissants, du moins dans une première phase. Sinon, dans un monde où la répartition

Page 11: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 11

des ressources naturelles serait uniforme, chaque individu se transformerait en un petitRobinson Crusoe qui n'aurait même pas besoin de l'aide d'un Vendredi. En effet, si d'embléeles rendements sont non croissants, il est toujours (au moins) aussi efficace de diviser lesactivités de production jusqu'à ce que les coûts de transports s'annulent et que chaquelieu possède les caractéristiques de l'économie globale » (Thisse, 1997). C'est ce que l'onappelle une « économie de jardins potagers » ou « backyard capitalism » (Eaton et Lipsey,1977).

Ce problème de l'impossibilité spatiale a été abordé par Koopmans et Beckman en1957, puis généralisé par Starett en 1978. Dans leur modèle d'affectation quadratique,Koopmans et Beckman ont proposé une première tentative pour appréhender les choix desagents quand ils échangent entre eux, c'est-à-dire lorsque les produits sont transportésd'une région à une autre. Les conclusions de ces travaux sont que l'équilibre concurrentielest impossible dans une économie spatiale homogène. En effet, dans un espace homogène,l'incitation pour une firme à se délocaliser est proportionnelle aux couts de transports.Pour qu'il y ait équilibre concurrentiel, les couts de transports doivent donc être nuls. Or,sous l'hypothèse de l'existence d'indivisibilités, les couts de transports sont positifs : il y adonc une incompatibilité fondamentale entre équilibre concurrentiel et dimension spatialede l'économie. Comme l'indique Starrett (1978), principal théoricien de l'impossibilitéspatiale : « à condition qu'il existe des indivisibilités dans le système (si bien queles opérations individuelles consomment de l'espace), alors un ensemble suffisammentcomplexe d'activités inter-reliées entre elles générera des couts de transport. » Or dans lemodèle Arrow Debreu, l'introduction d'un espace homogène « implique que les couts detransports totaux doivent être nuls et ce quel que soit l'équilibre spatial concurrentiel [...] Lemécanisme concurrentiel et l'existence de couts de transports positifs sont mutuellementincompatibles dans une économie spatiale homogène » (Fujita et Thisse, 2003, page 45à 51) car l'incitation à se délocaliser est du même ordre de grandeur que les coûts detransports.

Les explications économiques de l'agglomération doivent donc abandonner l'hypothèsede concurrence parfaite. Dès lors que l'économie se trouve dans un espace homogène,la concurrence est forcément imparfaite car elle est traversée de rendements d'échellecroissants, de biens indivisibles, d'externalités positives susceptibles de générer del'agglomération et de modifier la structure du marché dans le sens d'une compétition de typeoligopolistique ou monopolistique.

C'est la raison pour laquelle cette impasse logique a parfois pu être contournéepar le postulat à priori d'un espace géographique hétérogène, une façon de rendreexogène à la théorie économique le phénomène des villes et de les mettre sur le dosde la géographie et de sa « tyrannie » : « Le modèle concurrentiel est incompatibleavec la présence d'agglomérations économiques, sauf à supposer l'existence de forteshétérogénéités spatiales données à priori » (Fujita et Thisse, 2003, page 45). Dans cecas, c'est alors la simple morphologie du terrain (une rivière, une montagne) qui expliquel'agglomération et qui vient combler le déficit spatial de l'équilibre concurrentiel classique.Dans d'autres cas, l'agglomération est simplement considérée à priori dans le modèle, c'est-à-dire que les mécanismes économiques de sa formations sont tout simplement ignorés.Il faudra attendre les travaux de Dixit et Stiglitz (1977) puis ceux de Krugman (1991a,1991b) et de la nouvelle économie géographique pour voir proposé un modèle économiquepermettant de rendre endogène les rendements d'échelle croissants et de l'indivisibilité desbiens menant à des explications globales de l'agglomération. L'équilibre général pourra

Page 12: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

12 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

alors être modélisé dans une situation de concurrence imparfaite notamment grâce à ladifférenciation des produits.

2. Les modèles urbains sans économies d'agglomérationsLes premiers économistes se sont peu penchés sur les questions liées à l'agglomération,soit qu'ils ne disposaient pas des outils nécessaires (ignorance des rendements croissants,de l'indivisibilité de certains biens, des externalités diverses...), soit que leurs intérêtsportaient ailleurs (production industrielle, « question sociale » et revenus...). Pour autant,

des premières réponses à la question de l'agglomération ont émergé dès le 18ème siècle.Nous souhaitons ici brosser un tableau de ces principaux premiers modèles.

L'économiste physiocrate irlandais Richard Cantillon (1755) est un des premiersauteurs à avoir formulé des intuitions relatives à l'organisation urbaine dans son Essaisur la nature du commerce en général . Il préfigure l'idée d'économies d'agglomération etesquisse la présence d'externalités positives. Pour Cantillon, le village nait de l'associationde l'agriculteur et de l'artisan dont la proximité relative leur permet de diminuer leurs coutsde déplacement (déjà considérés comme un cout d'opportunité puisque le temps passé à sedéplacer égale autant de temps de travail effectif en moins). Lorsque plusieurs villages sontformés, apparaît en leur centre un bourg qui permet de centraliser les différents marchés,l'information générale sur les prix et donc de rendre plus efficace l'allocation de ressources.Enfin, la ville apparaît lorsque plusieurs riches propriétaires fonciers s'installent à proximitédes uns des autres. « Les propriétaires qui n'ont que de petites portions de terre viventordinairement dans les bourgs et villages, proche de leurs terres et fermiers. Le transportdes denrées qui leur en reviennent, dans les villes éloignées, les mettrait hors d'état de vivrecommodément dans ces villes. Mais les propriétaires qui ont plusieurs grandes terres ontle moyen d'aller résider loin de leurs terres, pour jouir d'une agréable société, avec d'autrespropriétaires et seigneurs de même espèce » (Cantillon, 1755, p. 7-8). La formation desvilles est donc permise par la rente foncière permettant aux propriétaires fonciers de seregrouper entre eux sans vivre sur leurs propres terres. Cantillon dresse ainsi une typologiede l'agglomération (village, bourg, ville et capitale, dans laquelle se retrouvent enfin les plusgros propriétaires fonciers et le Roi).

Trente ans plus tard, Adam Smith, dans sa Richesse des nations (1776), a aussiabordé le problème de la formation des villes. D'après Huriot et Bourdeau-Lepage (2009), les apports de Smith à la question de l'agglomération sontdiffus mais néanmoins importants. On peut en distinguer trois. Le premierconcerne le surplus agricole. Pour Smith, celui-ci précède nécessairementla formation des villes. Ce surplus agricole est nécessaire, car sans lui lesagriculteurs ne disposeraient pas d'un revenu suffisant pour acheter les biensproduits en ville. Les villes ne verraient alors jamais le jour car les produitsque l'on y fabriqueraient ne trouveraient pas de débouchés. Le second apportde Smith est celui de la collusion des industriels, qui, en se regroupant, sonten mesure de communiquer et d'échanger plus aisément leur produits. Smithesquisse là les futures économies d'agglomération plus tard théorisée parMarshall (1906). Enfin la troisième logique est celle de la division du travail.La ville permet l'accumulation du capital, qui en retour permet une divisionet une spécialisation des taches en vue d'augmenter la productivité. « Dans

Page 13: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 13

chaque art, la division du travail, aussi loin qu'elle peut y être portée, amène unaccroissement proportionnel dans la puissance productive du travail »

(Smith, 1776, T1, page 73, cité dans Huriot J.-M. et Bourdeau-Lepage L. 2009, page135-136). Sur ce point encore, les gains de productivité esquissés par Smith résultent d'uneintuition qui deviendra les externalités de localisation et d'urbanisation de Marshall.

Il faut néanmoins attendre le début du 19ème siècle pour qu'un premier véritablemodèle d'économie spatiale soit développé par l'économiste allemand Johann Heinrichvon Thünen. Celui-ci propose une explication de l'arbitrage entre les forces antinomiquesd'agglomération et de dispersion des activités économiques dans son essai sur L'Étatisolé (1826). Bien que ce modèle ne propose pas une explication de la formation del'agglomération (la formation de la ville est exogène et l'existence d'un centre postuléeà priori), les apports de von Thünen à l'économie spatiale et urbaine en particulier sontconsidérables. Il offre une explication solide de l'occupation des sols par les activitéséconomiques sous les hypothèses classiques de concurrence parfaite et de rendementsconstants. Le modèle s'accommode donc des futures conditions de Arrow et Debreu.

Le cadre du modèle de von Thünen est un espace homogène doté à priori d'un centre,la ville, qui monopolise tous les échanges de tous les biens (notamment les biens agricoles)produits dans son hinterland. Cette ville (le centre), représentée sous la forme d'un point, etson hinterland, un ensemble de points définis par leur distance au centre, sont constitutifsd'un État qui n'a pas de relations avec l'extérieur (les autres États), ce qui fait de lui un Étatisolé. Le cœur de ce modèle d'allocation des ressources réside dans la formation de la rentefoncière. C'est en effet celle-ci qui permet d'allouer l'espace aux activités économiques.La principale variable déterminante de la rente foncière est le cout de transport entre lesdifférents points de l'espace et le centre de celui-ci. Tous les échanges de biens finauxs'effectuent dans ce centre et tous les emplois y sont concentrés. Le résultat du modèle devon Thünen est probant : « l'existence d'un centre est suffisante pour qu'un marché foncierconcurrentiel structure l'usage de l'espace entre différentes activités » (Fujita et Thisse,2003, page 89).

L'équilibre dans l'affectation du sol est ici déterminé par une courbe d'enchère foncière.Celle-ci repose sur la confrontation d'une offre et d'une demande nombreuse (à tel point queles agents sont preneurs de prix) pour chaque point de l'espace dans l'État isolé. Chacunde ces lieux particuliers devient donc un bien différencié malgré l'homogénéité de l'espaceconsidéré. Les ménages arbitrent donc entre la taille de leur logement et leur distance aucentre-ville (lieu de tous les échanges et de tous les emplois). Plus la distance au centreest grande, plus la rente foncière diminue (mais plus les logements peuvent être grands).A l'équilibre, tous les agents (ménages et firmes) maximisent leur utilité en fonction deleurs préférences et l'on obtient un modèle de ville concentrique, avec une rente foncièrenégativement corrélée à la distance au centre. Les activités pour lesquels les coûts detransport sont élevés se rapprochent du centre et supportent des prix fonciers plus élevés ;celles pour lesquelles les couts de transports sont moindres s'en éloignent. La ville estdonc entourée de cercles concentriques composés de différentes cultures dont les coûtsde transports vers le centre sont décroissants avec la distance au centre. Dans le modèlede von Thünen, la ville est ainsi entourée de cinq cercles concentriques. Le premier estconstitué de cultures libres (zones maraichères et d'élevages laitiers) qui ne supportent pasde longs trajets. Ces cultures sont elles-même entourées de sylviculture, puis de culturesalternes, de cultures liées au système pastoral et enfin au de cultures liées au systèmetriennal (Huriot, 1994). La théorie de von Thünen permet donc, en postulant l'existence

Page 14: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

14 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

du centre, de renverser l'impossibilité spatiale en proposant un modèle d'équilibre de lalocalisation sans contrarier les futurs préceptes de la concurrence pure et parfaite.

En outre, une lecture plus fine des textes de von Thünen (Huriot et Bourdeau-Lepage,2009) permet de révéler une approche d'explication de la formation du centre, un élémentque les commentateurs de von Thünen ont parfois oublié dans leur focalisation sur la théoriedes cercles concentriques. En effet, von Thünen est d'abord sensible, comme Cantillon,au caractère social de l'agglomération : sans les théoriser, il esquisse des externalitéspositives hors marché liées à la concentration d'activités supérieures (administration, arts,cultures etc.). Von Thünen les détecte tant dans le marché que dans les firmes (économiesd'échelles externes et internes). En effet, l'efficacité du marché facilite les échanges. C'estla raison pour laquelle tous les biens produits sont échangés dans le centre, même sic'est pour être redistribués dans la périphérie, juste à côté de leur lieu de production initial.Mais des forces d'agglomération sont aussi présentes au sein même des firmes dans lamesure ou la concentration de celles-ci permet une division du travail et une spécialisationdes travailleurs. Les travailleurs les plus qualifiés, conscients de leurs compétences, seretrouvent en ville afin de mieux exprimer leurs savoir-faires et d'obtenir un salaire plusélevé. Esquissant lui aussi les économies d'agglomération, von Thünen montre que laconcentration des firmes résulte aussi de synergies entre les travailleurs.

L'économiste allemand Alfred Weber (1909), frère de Max Weber, propose à son

tour, au début du 20ème siècle, un modèle de localisation des activités économiquesnotamment analysé par Peeters et Perreur (1996). Tout comme celui de von Thünen, cemodèle ne s'intéresse pas directement à la formation des villes, mais à la localisationdes firmes. Il propose un « triangle des localisations » dont les sommets sont situéssur deux localisations des inputs et une localisation de l'output. Les firmes cherchent àoptimiser leur localisation à l'intérieur de ce triangle en minimisant leurs coûts de transports.L'intérêt du papier réside dans le fait que Weber décrit des forces d'agglomération sousla forme d'économies d'échelles et des forces de « déglomération » sous la forme decontrainte foncière. Néanmoins, si Weber décrit ses forces, il n'en donne pas une explicationéconomique.

Enfin la littérature que nous avons parcouru fait très souvent allusion aux travauxde Myrdal (1957, 1970) et de Hirschmann (1958). Ces deux auteurs apportent unecontribution majeure à la compréhension de la formation des villes en mettant en lumièredes phénomènes de « causalité cumulative et circulaire » (Myrdal, 1970) en contradictionsavec les théories de l'équilibre général puisque selon celles-ci, la variation d'une grandeurdevrait entrainer une variation compensatrice (inverse) d'une autre grandeur.

Tous les deux spécialistes de l'économie du développement, Myrdal et Hirschmanmontrent, au contraire, que la variation d'une grandeur peu résulter en une variation demême sens d'une autre variable, d'où l'idée de « causalité circulaire et cumulative »développée par Gunnar Myrdal (1970) et que l'on peut définir comme la situation où « unchangement soutient des changements qui déplacent le système dans la même directionque le premier changement en l'amplifiant » (Myrdal, 1957, page 13, cité dans Rallet et Torre1995, page 29). Cette causalité repose sur un équilibre entre effets de remous (backwasheffects) qui viennent concentrer la richesse et les effets de propagation (spread effects) quila diffuse. Un raisonnement similaire est développé par Albert Hirschman (1958) qui dégageles effets amonts (backward effects) des effets avals (forward effects) de l'investissement.L'idée est que l'investissement a un effet tant sur la demande d'inputs (en amont) que sur

Page 15: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 15

l'offre de biens finaux ou intermédiaires (en aval)2. Le processus cumulatif ainsi engendréest une des bases fondamentales pour interpréter la croissance des agglomérations.

En outre, Myrdal (1957, cité par Huriot et Bourdau-Lepage 2009 page 151) proposeune explication de la genèse et de la croissance des centres : « Dans une large mesure,le pouvoir d'attraction d'un centre a son origine principalement dans un accident historiquequi a fait que quelque chose a commencé là, et non en de nombreux lieux où il auraitpu aussi bien ou mieux commencer, et a rencontré le succès ». De ces deux auteurs, lescommentateurs et théoriciens ont retenu cette idée de l'accident historique, mise en avantpar Krugman aussi, et l'idée de processus cumulatif. A ce stade, la ville résulte donc d'unaccident ayant engendré le cumul circulaire des effets de cet accident.

II. Résolution de l'impossibilité spatiale et naissance de la Nouvelleéconomie géographique

Les auteurs précédents ont tous été, à leur manière, des pionniers de la théorie de lalocalisation. Mais aucun n'a pu proposer de modèle complet dans lequel la formationde la ville et de l'équilibre général seraient endogènes. En raison de leurs hypothèses,tous ces auteurs raisonnent en équilibres partiels, c'est-à-dire que certains éléments del'équilibre sont donnés, ce qui permet aux autres de s'ajuster. C'est Krugman qui donnera en1991 un premier modèle d'équilibre général, permettant de partir d'une situation chaotiqueet d'arriver à une localisation prévisible et ordonnée des activités économiques dansle cadre d'un modèle dont toutes les variables sont endogènes. C'est la naissance dela Nouvelle économie géographique (NEG) (2). Mais la NEG s'est largement appuyéesur d'autres travaux dont elle a en réalité fait, en la dépassant, la synthèse. Afin derelier les auteurs de la section précédente à la NEG, il nous est d'abord nécessaire deprésenter certains progrès théoriques fondamentaux qui ont été intégrés par Krugmandans la NEG. Nous commençons donc par proposer une synthèse sur les théories desrendements croissants et des économies d'échelles d'une part (notamment chez Marshall),la concurrence monopolistique d'autre part (notamment chez Hotelling, Dixit et Stiglitz) (1).

1. Economies d'agglomérations et concurrence monopolistiqueLes progrès fondamentaux que nous voulons évoquer ont permis de dépasser les modèlesexposés en première partie du chapitre. Ce sont des progrès structurels, au sens où ils ontmodifié la structure de l'analyse économique. Les modèles présentés ci-dessus tentaient deconstruire des explications sans disposer des outils que nous allons maintenant présenteret qui permettront la naissance de la NEG. Comme nous l'avons montré, il faut abandonnerles hypothèses de rendements constants et de concurrence parfaite pour intégrer l'espacedans la théorie économique. En effet, « rendements d'échelle croissants et concurrencestratégique [i.e. imparfaitement concurrentielle, ndla] sont les éléments essentiels d'unethéorie pertinente de l'équilibre spatial » (Thisse, 1997, page 12). Nous examinons donc lesrendements croissants et les économies d'agglomération d'abord, les structures de marchéet notamment la concurrence monopolistique ensuite.

Les apports d'Alfred Marshall à la théorie économique sont connus et considérables.On attribue aussi à Marshall la paternité de plusieurs éléments fondamentaux en économieurbaine, notamment la formalisation des processus d'agglomération sous leurs deux

2 Evsey Domar présentait déjà cette idée en 1947

Page 16: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

16 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

formes principales : les rendements croissants, internes aux firmes, et les économiesd'agglomération, externes aux firmes (Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009). Dans un premierlieu en effet, « les principaux avantages de la grande production sont : économie de main-d'œuvre, économie de machines, et économie de matières premières » (Marshall 1906,I, 474-475). Ainsi, plus une firme est grande, plus elle a un pouvoir de marché (ou denégociation) lui permettant d'acheter moins cher, et sa capitalisation est telle qu'elle esten mesure de supporter de plus importants couts de machines, d'investir plus lourdementdans l'innovation... De plus, une large firme bénéficie d'une division du travail plus fine, cequi lui permet d'attirer les compétences les plus pointues. La taille de la firme est doncune source d'économies internes à la firme, ce qui conduit Marshall a proposer sa loi desrendements croissants, en contradiction avec un siècle de théorie économique construitesur les rendements décroissants des facteurs : « dans les industries qui ne s'appliquent pasà la production de produits bruts, une augmentation de capital et de travail donne d'ordinaireune augmentation de rendement plus que proportionnelle » (Marshall, 1906, I, 527).

Dans un second lieu, Marshall montre que l'agglomération d'industries est aussisource d'économies externes aux firmes, c'est-à-dire qu'une multitude de petites entreprisessimilaires localisées à proximité les unes des autres jouissent de certaines synergies,les externalités positives. Celles-ci sont liées à l'entre-aide et au partage d'équipementsd'information couteux (machine à vapeur, télégraphe, imprimerie...). Marshall distingueplusieurs sources d'économies externes, dont une des plus importantes est l'information.En effet, lorsque les firmes sont à proximité les unes des autres, « les secrets de l'industriecessent d'être des secrets ; ils sont pour ainsi dire dans l'air [...] Si quelqu'un trouveune idée nouvelle, elle est aussitôt reprise par d'autres et combinée avec des idées deleur cru ; elle devient ainsi la source d'autres idées nouvelles » (Marshall, 1906, I, 465).En outre, la concentration des activités permet de constituer un pool de main d'œuvrespécialisé permettant des gains de productivité des travailleurs. Enfin, la concentrationd'industries et d'entreprises tout à fait différentes contribue aussi à la réalisation d'économiesd'agglomération : « Les avantages qu'offre la variété d'occupations se combinent avec ceuxde la localisation de l'industrie dans certaines de nos grandes villes manufacturières, et c'estlà l'une des principales causes de leur progrès continu » (Marshall, 1906, I, 467). Ainsi,c'est la mixité des activités économiques qui permet aux agents demandeurs et offreursd'emplois de trouver des emplois satisfaisant au mieux leurs ambitions.

La typologie des économies d'agglomération externes marshalliennes élaborée parHoover (1936), distingue les économies de localisation et les économies d'urbanisation.Les premières sont dues à l'agglomération de firmes d'un même secteur ou d'une mêmeindustrie dans une même localisation. Les secondes sont liées à l'agglomération de secteursdifférents. Les premières sont donc externes à la firme mais internes à l'industrie, lessecondes externes à la firme et à l'industrie. Les deux sont des causes de gains àl'agglomération.

Les économies de localisation ont ensuite été complétées par Arrow et Romer pourdevenir des « externalités MAR », pour Marshall-Arrow-Romer (Glaeser et al., 1992) avecune attention plus particulière portée sur la spécialisation des activités. Les économiesd'urbanisation sont quant à elles devenues les économies externes de type « Jacobs »3.Le concept d'économie externes élaboré par Marshall a en effet connu de nombreux

développements tout au long du 20ème siècle, aboutissant à la notion contemporained'externalité. Il n'est pas à propos ici de présenter cette évolution, d'autant qu'il semble très

3 Nous réutilisons cette distinction entre économies d'agglomération de type MAR et de type Jacobs au second chapitre

Page 17: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 17

difficile de trouver une définition générique du concept d'externalité. L'essentiel pour notretravail est de retenir le rôle fondateur de Marshall.

En revanche, il nous semble important, au regard de notre sujet et de l'attention quenous porterons notamment sur la ville globale (Sassen, 2001) et sur les grandes métropoles,de présenter un de ces développements lié aux externalités informationnelles et aux gainsd'ordre interactionnels. Le rôle des externalités d'information dans la formation d'un centreurbain ont été formalisés par Beckmann (1976), puis Borukhov et Hochman (1977) et O'Hara(1977). Dans leurs modèles, ces auteurs ont permis de rendre endogène l'agglomérationgrâce à la modélisation d'externalités positives externes, notamment dues aux échangesd'information des agents (interaction informationnelles).

Dans son papier, Beckmann distingue trois variables de l'utilité que les ménagescherchent à maximiser : la surface du sol occupé, la quantité de biens consommés, etl'intensité des interactions sociales avec d'autres ménages. Cette dernière variable estfondamentale dans ce modèle à propos duquel Fujita et Thisse expliquent que « l'existenced'une préférence pour la vie sociale suffit pour expliquer la formation d'une agglomérationorganisée autour d'un centre » (Fujita et Thisse, 2003, page 230). Aussi la densité d'uneagglomération est elle maximale au centre de celle-ci en raison de la préférence qu'ont lesménages pour des interactions sociales intenses. C'est pourquoi « la densité de populationde la ville suit une distribution en cloche, soutenue par une courbe de rente foncière ayantune forme identique. La ville joue alors le rôle d'aimant social » (Fujita et Thisse, 2003, page221).

Ces principes d'externalités interactionnelles gouvernant la localisation des ménagesont aussi été appliqués à la localisation des firmes. Mais les interactions changent alorsde nature et font dès lors allusion au « rôle de l'information utilisée par les firmes commeinput » (Fujita et Thisse, 2003, page 221). De très nombreux auteurs se sont penchés surcette question, mais en raison de notre attention pour les villes globales et les grandesmétropoles, nous nous contentons de citer Borukhov et Hochman (1977) et O'Hara (1977)qui montrent « comment les communications en face-à-face peuvent inciter les firmes (oules bureaux) à se rassembler et à former un centre d'affaires (le Central Business Districtou CBD) alors qu'un tel regroupement de firmes entraine une augmentation des chargesfoncières » (Fujita et Thisse, 2003, page 224). En effet, dans les termes de O'Hara (1977,page 1196) : « L'utilisation de sol par une firme localisée près du centre entraine uneaugmentation des coûts de communication des autres firmes qui ne peuvent s'installer aumême endroit. Ces coûts sont alors intégrés dans la rente foncière payée par cette firme.Cette augmentation constitue une incitation à diminuer ces coûts en substituant au sold'autres facteurs, notamment en construisant des immeubles plus hauts au centre qu'à lapériphérie du CBD ».

Notons enfin que Duranton et Puga (2004) ont proposé une typologie simple et clairedes économies d'agglomération urbaine. Leur logique est fonctionnelle : les économiesd'agglomération sont classées selon qu'elles relèvent du partage (des biens indivisibles etpublics, des gains liés à la variété ou à la spécialisation), de l'appariement (accroissementde la qualité et la probabilité des appariements) ou de l'apprentissage (création, diffusionet accumulation de savoir).

Les seconds progrès fondamentaux en direction de la NEG concernent les étudesde structure de marché qui ont abouti à des modèles de concurrence imparfaite, detype oligopolistique ou monopolistique. La période de l'entre deux guerres est riche endéveloppement théoriques en la matière. Les papiers de Sraffa (1926), Chamberlin (1933)et de Robinson (1933) ont ouvert la voie. Mais le problème de la concurrence imparfaite n'a

Page 18: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

18 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

été réellement appliqué à la localisation des firmes et des activités économiques que parHotelling (1929). Le modèle de Hotelling est un des premiers à être basé sur une analyseapprofondie des mécanismes de marché. Dans ce modèle, deux marchands-producteursde glaces proposent un bien homogène dont la différenciation résulte de leur localisation.C'est pourquoi on parle de « duopole de Hotelling » (Gabszewicz, 1994). L'espace considéréest un segment de droite (en l'occurrence une plage), sur lequel les deux producteursvont se situer afin de maximiser leurs ventes. Les consommateurs sont uniformémentrépartis sur le segment et souhaitent minimiser leurs couts de transports et se rendentdonc chez le producteur le plus proche. Sans se concerter, les deux producteurs vontchoisir leur localisation en fonction du choix effectué par l'autre producteur. Leur but est demaximiser leur part de marché, c'est-à-dire un morceau de la plage. Le résultat du modèleest que chaque producteur est incité à se décaler vers le centre du segment afin d'accroitresa part de marché. Dans cette situation de duopole, l'équilibre a lieu lorsque les deuxproducteurs se situent dos-à-dos sur le milieu du segment. Cela signifie que « deux firmes enconcurrence pour attirer un maximum de clients choisissent de minimiser leur différenciationspatiale » (Fujita et Thisse, 2003, page 279). A l'équilibre, aucun des deux producteurs nepeut accroitre sa part de marché. La concurrence en parts de marché constitue donc uneforce d'agglomération.

Le défaut principal du modèle est que l'introduction de la concurrence en prix constitueune force de dispersion dont on ne sait si elle est supérieur ou non à la force d'agglomérationrésultant de la concurrence en parts de marché. En effet, lorsque les deux producteursse trouvent dos-à-dos au centre du segment, leurs profits sont nécessairement nuls soushypothèse de non-coopération des producteurs (il n'y a pas d'entente tacite). Ces profitsnuls constituent une incitation à la dispersion puisque l'éloignement des producteurs accroitla différenciation par la localisation de leurs produits et leur permet de pratiquer des prix plusélevés. Cet arbitrage sera résolu par des modèles suivants, notamment Krugman (1991a,1991b) et l'introduction de la différenciation qualitative des produits. En effet, l'importancede la structure du marché et des interactions entre producteurs (même indirectes commechez Hotelling) ne sera reconnue qu'avec les développements de la nouvelle économieindustrielle et la théorie des jeux dans les années 1970. L'agglomération des producteurspourra alors résulter d'une différenciation de leurs produits aboutissant à une agglomérationd'équilibre dans une situation oligopolistique, ce qui fait l'objet de la partie ci-dessous.

2. La Nouvelle économie géographique (NEG) et ses développementsrécentsTous ces progrès (économies d'agglomération, concurrence imparfaite...) ont contribuéà l'aboutissement du modèle dit « centre-périphérie » qui fait encore loi en économiegéographique. Ce modèle est à la base de la grande majorité des travaux contemporains enéconomie urbaine. Proposé par Krugman dans plusieurs publications au cours de l'année1991 (Krugman, 1991a, 1991b), il est une synthèse de la littérature précédente sur leséconomies d'agglomération et les externalités. La principale base théorique de Krugmanest le modèle de compétition imparfaite et de différenciation des produits proposée par Dixitet Stiglitz (Dixit et Stiglitz, 1977). Krugman complète, formalise et dépasse ce modèle. Enréalité, le modèle de Krugman (centre périphérie ou DSK pour Dixit, Stiglitz et Krugman) esttrès formalisé et nous nous proposons donc de faire une présentation simple des résultats dumodèle. Ceux-ci seront fondamentaux pour aborder la seconde partie sur la différenciationet la hiérarchisation des aires urbaines.

Page 19: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 19

Le modèle « centre-périphérie » est une « étude des externalités au sein d'un modèled'équilibre général avec concurrence monopolistique » (Fujita et Thisse, 2003, page 378).Le cadre théorique du modèle est un espace discontinu composé de deux régions, ou deuxlocalisations. Deux secteurs sont à l'origine de deux activités économiques distinctes (c'estun modèle « 2x2x2 »). Le premier secteur est immobile et utilise un facteur de productionimmobile ; le second secteur est mobile et utilise un facteur de production mobile. Le modèlepropose un équilibre général entre forces de dispersion et forces d'agglomération, entrebackyard capitalism et unique mégalopole mondiale.

Dans l'article initial (Krugman 1991b), le secteur mobile est l'industrie, le secteurimmobile est l'agriculture. Dans le cadre de la ville post-industrielle, agriculture et industriene sont plus aussi pertinents qu'ils ne l'étaient à l'époque où écrivait Krugman. Mais le cadred'analyse reste néanmoins valide puisque les conclusions sont valables pour un secteurmoderne et qualifié (mobile) ou traditionnel et moins qualifié (immobile). On pourra doncappliquer le modèle DSK à une économie tertiarisée.

Les activités du secteur secteur immobile (ou traditionnel, ici l'agriculture) sont répartiesde manière homogène sur tout l'espace considéré, dans les deux localisations à la fois. Il n'ya donc pas de coûts de transport pour les biens produits par le secteur immobile : l'offre estdirectement à portée de la demande. Celle-ci est homogène, car des biens produits par lesecteur immobile sont homogènes, identiques en tout lieux, dans le cadre d'une concurrenceparfaite (les profits sont nuls ou presque et les rendements constants).

Le secteur mobile (moderne) produit des biens différenciés en concurrencemonopolistique en raison de rendements croissants liés à l'existence de couts fixes (icil'industrie). Les couts de transports sont positifs pour les biens mobiles. Ils sont de type« iceberg », c'est à dire qu'ils sont considérés comme une dimension de la production : lecoût de transport « ronge » la valeur ajoutée en fin de course. Afin de dégager la mêmevaleur ajoutée en situation de coûts de transports positifs, il faut produire plus4.

Les travailleurs ont une fonction d'utilité de type Cobb-Douglas, pour laquelle lesarguments sont un indicateur de leur demande pour le bien mobile et un indicateur deleur demande pour le bien immobile. Les travailleurs immobiles sont répartis de manièrehomogène sur l'ensemble de l'espace considéré. En revanche, la répartition des travailleursmobiles dépend de leur migration, puisqu'ils sont mobiles. Or la migration des travailleursmobiles est une fonction des differentiels de salaires entre les différentes régions.

La demande globale est proportionnelle aux nombre de personnes dans chaquelocalisation, c'est-à-dire au nombre de travailleurs immobiles ajoutés au nombre detravailleurs mobiles pour chaque région. Enfin, il existe de nombreuses firmes pour chaquesecteur afin que la concurrence soit parfaite pour le secteur immobile, et qu'elle se fassepar la différenciation des produits pour le secteur mobile.

Le but du modèle est de dégager les conditions sous lesquelles les activités du secteurmobile s'agglomèrent en une seule région, ou bien se répartissent sur les deux régions.Il y a plusieurs forces centrifuges et centripètes dans ce modèle (Fujita et Thisse, 2003).Les forces centrifuges sont d'une part l'immobilité géographique des travailleurs immobilesdont il faut satisfaire la demande en biens mobiles et d'autre part l'intensification de laconcurrence (notamment foncière) qui accompagne l'agglomération. Les forces centripètesdu modèle sont d'une part la baisse des prix liée à la concurrence accrue qui attire lestravailleurs mobiles dans l'agglomération afin de jouir d'un pouvoir d'achat plus élevé et

4 Il s'agit d'un raccourci théorique : en réalité, les producteurs de biens mobiles ne produisent pas plus pour le même prix, maisils gagnent moins à la fin, ce qui revient au même.

Page 20: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

20 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

d'autre part la hausse de la demande agrégée dans l'agglomération suite à cette premièremigration, ce qui suggère un effet cumulatif à la Myrdal. En effet, les firmes sont attiréespar une demande importante. Un début d'agglomération constitue donc une force centripètepour encore davantage d'agglomération. Comme le précise Krugman (1991a, p. 486) : « laproduction industrielle tend à se concentrer là où le marché est grand, mais le marché estgrand là où la production industrielle est concentrée ».

Le modèle de localisation de Krugman repose sur quatre variables (Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009). Le degré de différenciation des produits du secteur mobile est mesuré parσ. Celui-ci est inversement proportionnel à la substituabilité des produits. En effet, plus lesproduits sont différenciés et moins ils sont substituables (l'élasticité-prix de la demande estfaible car la demande ne varie pas quand le prix d'un bien unique varie). En revanche, plusles biens sont similaires, plus ils sont substituables (l'élasticité-prix de la demande est forte).Or, les biens du secteur mobile sont astreints à des couts de transports venant modifierleur prix final. La différenciation des produits est donc non seulement un substitut de lacompétition par les prix (la compétition se fait par la différenciation des produits) mais aussiun facteur de localisation (la production de biens très différenciés peut s'agglomérer car lesprix ne seront pas affectés).

L'importance des rendements croissants (qui n'existent que dans le secteur mobile)est notée φ. Elle est proportionnelle aux couts fixes. En effet, plus les couts fixes sontimportants, plus les rendements sont croissants. Les couts de transport des biens mobilessont notés θ. Enfin, la part des travailleurs mobiles dans la force totale de travail est notée μ.

L'équilibre général de localisation, c'est à dire l'équilibre entre les forcesd'agglomération et les forces de dispersion, est donné par les valeurs relatives de cesquatre variables. Cet équilibre résulte de trois processus (Huriot et Bourdeau-Lepage,2009). Le premier processus est l'arbitrage réalisé par les firmes du secteur mobile entrel'agglomération, qui réduit leurs couts fixes, et les couts de transports pour déservir lademande des deux régions. Le modèle nous indique que plus les couts de transport sontfaibles par rapport aux couts fixes (φ / θ est élevé), plus les activités mobiles s'agglomèrenten une seule localisation. A l'inverse, plus les couts de transports sont élevés par rapport auxcouts fixes ( φ / θ est faible), plus les activités mobiles se dispersent pour se rapprocher dela demande. Ceci peut se comprendre de manière intuitive : lorsque les couts de transportssont plus importants que les couts fixes liés à la construction d'une usine similaire dansl'autre région, la firme préfèrera se dédoubler et créer une succursale. Lorsque les coutsfixes sont importants relativement aux couts de transports, les firmes mobiles préfèrerontse localiser en un seul endroit.

Ainsi, quelle que soit la situation initiale, une baisse suffisante des couts de transports,une proportion suffisamment élevée de firmes industrielles (mobiles) ou des rendementsd'échelle importants (couts fixes élevés) permet aux firmes de bénéficier d'économiesexternes en s'agglomérant. Par définition, seuls les travailleurs mobiles peuvent se déplaceret contribuer au renforcement de l'agglomération.

Le second processus est lié au déclenchement d'un cercle cumulatif de l'agglomération.En effet, les déplacements de travailleurs mobiles d'une région à l'autre, résultant del'arbitrage précédent, modifient la demande agrégée pour chacune des deux régions.Or les firmes souhaitent se rapprocher de la demande afin de limiter leurs couts detransports. Un début d'agglomération de quelques firmes et de travailleurs mobiles résultedonc en un arbitrage différent pour les autres firmes. L'agglomération est en effet uneincitation supplémentaire à l'agglomération. Le processus est donc cumulatif (voir Myrdal etHirschman ci-dessus). Le cercle cumulatif se met en route dans la région qui l'a enclenché

Page 21: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 21

la première. L'agglomération peut donc résulter d'un « accident de l'histoire » (1991a). Nousabordons plus en détail cette dynamique des villes dans le chapitre 2. Comme le disentFujita et Thisse (2003, page 372), « l'existence d'un léger avantage initial en faveur d'unerégion peut conduire à l'émergence d'un espace fortement polarisé. La mobilité des facteurset/ou l'amélioration des transports sont susceptibles d'amplifier un tel phénomène, dans lamesure où ces deux éléments exacerbent l'impact des externalités de localisation ». C'estpourquoi « l'histoire compte » (Eaton et Lipsey, 1977).

Le troisième processus est lié à la modification des salaires elle-même induitepar les modifications de demande. Les firmes agglomérées bénéficient d'économiesd'agglomération importantes et la différenciation des produits vient se substituer à laconcurrence par les prix5. Ces firmes peuvent donc offrir des salaires plus élevés auxtravailleurs ce qui contribue au renforcement de la l'agglomération et constitue une incitationà la mobilité des travailleurs.

Le modèle aboutit donc à plusieurs conclusions fondamentales. La première est quel'agglomération est favorisée par une baisse des couts de transports relativement auxcouts fixes. Il s'agit d'une conclusion importante puisqu'elle met un terme à une intuitionerronée selon laquelle la baisse des couts de transport favorise la dispersion des activitéséconomiques.

La seconde conclusion est que l'agglomération est favorisée par une part relativementimportante de travailleurs mobiles. Or on a vu que les travailleurs mobiles sont les plusqualifiés, les plus « modernes ». Par extension, une augmentation de la part de travailleursqualifiés favorise l'agglomération.

Ces conclusions permettent de confirmer les intuitions de Paul Bairoch (1985) quiassociait industrialisation et agglomération. La révolution industrielle, en réduisant lescouts de transport, a donné une impulsion fondamentale au processus cumulatif del'agglomération. C'est pourquoi la révolution industrielle sera le point de départ de notresocio-histoire des villes dans le chapitre 2. Mais ces conclusions viennent aussi éclairer lesrésultats de Saskia Sassen qui mettent en lumière la concentration dans les villes globalesdes activités les plus modernes (mobiles) d'aujourd'hui, en l'occurrence les services auproducteurs. Ceux-ci ont effet largement tendance, pour les raisons mises en avant parKrugman, à s'agglomérer dans les plus grandes villes du monde.

Le modèle de Krugman a toutefois rencontré des limites, souvent dues aux limitesintrinsèques au modèle de Dixit et Stiglitz (1977) sur lequel Krugman s'est largementappuyé. Celles-ci ont principalement trait aux simplifications de la structure de l'élasticité prixde la demande, trop homogène, aux couts de transports de type « iceberg », et à l'amalgameentre les variables de différenciation des produits et des économies d'échelle, l'une étantutilisée comme estimateur de l'autre (Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009). Aussi le modèleDSK a-t-il fait l'objet de nombreux développements.

Le modèle OTT (Ottaviano, Tabuchi, Thisse, 2002) améliore les hypothèses du modèleDSK en libérant l'élasticité de la demande, en substituant une équation plus complexe àla fonction d'utilité de type Cobb-Douglas des travailleurs et en améliorant la structure descouts de transports. Pourtant le modèle ne remet pas en cause, au contraire, les conclusionsde Krugman : une baisse suffisante des couts de transports conduit à l'agglomération dusecteur mobile en une seule des deux régions. Le modèle OTT, en aboutissant aux mêmes

5 La différenciation des produits est donc un facteur d'agglomération, ce qui vient confirmer les résultats proposés par Hotelling(1929) relatifs aux structures de marché.

Page 22: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

22 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

conclusions que le modèle DSK mais avec des hypothèses de départ perfectionnées,renforce sans conteste la solidité du modèle de Krugman.

Celui-ci a, de plus, été approfondi de manière importante par Puga (1999) etsa modélisation d'un nouveau paradigme selon lequel une dispersion des activitéséconomiques peut survenir après l'agglomération dans le modèle DSK. En effet,« lorsque les travailleurs sont géographiquement immobiles et que leurs coûts de mobilitéintersectorielle sont faibles, une chute brutale des coûts de transport peut conduire à ladispersion géographique des activités » (Fujita et Thisse, 2003, page 428). Ceci est dûau fait que l'agglomération des activités économiques tend à accroitre le prix des biensdu secteur immobile puisque ceux-ci doivent être importés en ville. Aussi, pour des coûtsde transport faibles, les firmes peuvent se déplacer là ou ces prix sont les plus forts afinde faire du profit. Il n'y a donc agglomération que pour des valeurs intermédiaires descoûts de transports. Ce paradigme complété permet de rendre compte de la délocalisationsectorielle de certaines activités dans l'économie post-industrielle. « D'une certaine manière,à très long terme, on est passé de la dispersion à l'époque pré-industrielle à l'agglomérationdans la période industrielle puis à une dispersion sélective d'activités mobiles relativementstandardisées dans le monde post-industriel » (Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009, page223).

Le modèle DSK et la causalité circulaire fonctionnent aussi pour les services (Kolko1999), la demande de ceux ci étant de plus orientée vers les entreprises elle-même (lesservices aux producteurs dont parle beaucoup Saskia Sassen 2001). Le modèle, en plusfonctionne à toutes les échelles. Il permet d'éclairer des spécialisations régionales, commela formation de la « banane bleue », la mégalopole européenne, ainsi que l'émergencede villes globales. L'extension proposée par Venables (1996) permet d'appliquer le modèlecentre-périphérie au monde entier (Fujita et Thisse, 2003), venant ainsi contribuer à comblerl'écart entre économie géographique et économie internationale. L'apport de Venablesrepose sur une attention particulière portée sur les biens intermédiaires dont le commerceest constitutif d'un secteur intermédiaire.

Les économistes pré-classiques avaient fait de l'espace un objet d'étude à part entière,le modèle canonique étant celui de von Thünen. Mais les contraintes de rigueur qui sesont imposées aux économistes classiques les ont contraint à abandonner l'étude del'espace aux géographes. La réintégration de celui-ci dans la théorie économique a étélente jusqu'à Paul Krugman. « Il est vrai que celui-ci présente parfois comme nouveaudes résultats bien connus en théorie de la localisation, provoquant ainsi l'ire de certainsregional scientists. Néanmoins, il reste que sa contribution est fondamentale, tant du pointde vue scientifique, pour avoir présenté le premier modèle d'équilibre général spatial avecconcurrence imparfaite et rendements croissants [...] que dans celui de la diffusion de idées.Il ne semble donc pas exagéré de parler d'un « effet Krugman » dans la redécouverte récentede l'économie géographique » (Thisse, 1997, page 23).

A l'issue de ce chapitre, il apparaît que l'arbitrage fondamental en économiegéographique résulte d'un équilibre entre les forces d'agglomération (rendementscroissants, internes aux firmes et économies d'agglomération – localisation ou urbanisation-,externes aux firmes) et celles de dispersion. Ces dernières sont d'abord liées à l'immobilitéde certaines sources de demande, qui, ne pouvant s'agglomérer, doivent être satisfaitessous contrainte de coûts de transports. Elles sont ensuite dues à l'accroissement de la rentefoncière en présence d'agglomération. Cet accroissement est cumulatif puisque les salairesdoivent augmenter au centre ville pour satisfaire cette rente, ce qui vient soutenir encoredavantage l'accroissement de la rente foncière de l'ultra-centre. Les forces de dispersion

Page 23: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 23

peuvent aussi être liées aux externalités négatives dues à la congestion ou à la pollution. Lesforces de dispersion peuvent enfin être liées à une trop faible différenciation des produits,ce qui est valable dans un cadre théorique de duopole à la Hotelling, mais discutable dansde très vastes agglomérations dans lesquelles la distance est réintroduite au sein même ducentre. Il peut en effet y avoir plusieurs centres dans la ville, bien que dans ce chapitre nousayons fait le choix de nous concentrer sur la naissance des villes et d'écarter la questionde leur constitution interne. Ce choix est justifié car notre cas pratique est basé sur desagglomérations urbaines, que nous souhaitons hiérarchiser entre elles, sans égard à leurstructure interne.

Chapitre 2. Dynamique des villes et différenciation :perspectives économiques et socio-historiques

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté les fondements économiques de l'aireurbaine. Nous avons montré comment des forces d'agglomération peuvent l'emporter surles forces de dispersion de l'activité économique. C'est la raison pour laquelle des villesexistent. Par un processus incrémental et cumulatif, la ville-aimant attire et concentre lesactivités économiques.

Mais malgré ce premier examen, plusieurs questions restent en suspens. En effet, lesmodèles que nous avons abordés n'éclairent ni la raison de l'existence de plusieurs airesurbaines, ni celle de la différence entre ces aires urbaines. Ils n'expliquent pas l'inexistenced'une seule métropole mondiale. Or à l'évidence, les aires urbaines sont multiples, cequi suggère l'existence d'un point d'arbitrage au niveau duquel les forces de dispersionl'emportent sur les forces d'agglomération. En outre, même si on peut trouver des analogiesentre différentes aires urbaines, elles ne se ressemblent pas : il en existe des grandes,des petites, certaines sont plus dynamiques que d'autres... Ce chapitre a pour ambitiond'apporter des éléments de réponse à ces questions. Dans un premier lieu, il s'agira deréinvestir le champ de la théorie économique afin de faire émerger une explication de lamultiplication, de la différenciation et de la hiérarchisation des aires urbaines (I). Mais à ladifférence du chapitre précédent, l'économie ne sera pas ici notre seul outil d'analyse cardans un second lieu nous esquisserons une socio-histoire du changement économique etsocial des villes, de la « dynamique urbaine » (II).

I. Multiplication, différenciation et hiérarchisation des villesLa cadre général de nos analyses reste inchangé. La ville résulte toujours de la combinaisonde forces d'agglomération (rendements croissants, économies de localisation (type MAR) etd'urbanisation (type Jacobs)) et de dispersion (rente foncière, externalités négatives, coutsde transports...). La multiplication (1) et la différenciation (2) des aires urbaines doit doncrésulter d'une modulation des effets et de l'équilibre de ces différentes forces.

1. Fondements économiques de l'agglomération multipleLa genèse d'une pluralité de centre résulte souvent d'accidents historiques, de la nécessitégéographique ou encore d'avantages comparatifs naturels. Mais la théorie économique

Page 24: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

24 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

propose aussi des outils conceptuels intéressants pour expliquer la multiplicité descentres. Nous les regroupons selon qu'ils se basent sur une forme d'autorégulation de lamultiplication des agglomérations, notamment en raison du rôle joué par la technologie oula croissance démographique, ou selon qu'ils font appel à un agent extérieur au processusd'agglomération, comme la puissance publique.

Parmiles modèles de multiplication de l'agglomération pour lesquels la croissancedémographique et l'autorégulation sont primordiales, les modèles de type Fujita-Imai-Ogawa (FIO) sont les plus connus. La ville est ici représentée par un segment de droite, surun terrain homogène et sans propriétaires fonciers. Le travail et le sol sont deux marchésparfaitement concurrentiels. Les agents sont des ménages ou des firmes, et deux typesd'interactions régissent la société : les interactions entre firmes, et les interactions entrefirmes et ménages (Huriot J.-M. et L. Bourdeau-Lepage, 2009, page 282).

Les modèles de type FIO sont très pertinents pour les études de l'économie post-industrielle. En effet, on considère que les interactions entre firmes sont des échangesinformationnels. Il s'agit d'une force d'agglomération : les firmes cherchent à s'agglomérerafin de bénéficier d'externalités informationnelles (cf. chapitre 1). En conséquence, la rentefoncière en centre ville s'accroit, ce qui constitue une force de dispersion puisque lesménages doivent dès lors arbitrer entre des couts de transports élevés et une rente foncièreélevée. Il y a donc, dans ces modèles, une relation négative entre profit et distance aucentre ville. Plus les firmes sont proches du centre, et plus elles sont en mesure d'entretenirdes relations de type « face-à-face » avec leurs homologues. Or ce type de relation est aucœur de l'économie dite post-industrielle, l'économie de l'information et de la connaissance.Les relations informationnelles sont donc au cœur de la formation de profit dans l'économiepost-industrielle. Plus on s'éloigne du centre, plus les profits des firmes sont faibles.

La clé des modèles de type FIO réside dans la distinction entre différents types d'agentsremplissant différentes fonctions au sein même de la firme. La firme typiquement post-industrielle est une entité verticalement décomposée en plusieurs fonctions, notamment lesfonctions de coordination et les fonctions d'exécution. Les premières sont des fonctionscentrales liées au commandement et à la prise de décision basée sur le traitementd'une information variable et non-standardisée. Les unités de coordination requièrentdonc, en raison de la nature non-standardisée de leurs interactions informationnelles,des rapports directs de type face-à-face avec leurs interlocuteurs, en général d'autresunités de coordination. En revanche, les fonctions d'exécution échangent des informationsstandardisées avec les unités de coordination auxquelles elles se rattachent. Lastandardisation de l'information dont elles ont besoin pour fonctionner permet l'usage detechnologies de l'information et de la communication (TIC) se substituant aux interactionsface-à-face.

Dans ce type de modèle FIO, la baisse des couts de communication obtenue grâce auxprogrès des TIC est responsable de la séparation entre les unités de coordination et cellesd'exécution. En effet, la baisse des couts de communication d'information standardisée arendu peu onéreuses les interactions virtuelles entre les unités de coordination et leursunités d'exécution et a largement valorisé les interactions de face-à-face entre unitésde coordination de différentes firmes. C'est le paradoxe des télécommunications : ellesvalorisent tout ce qui n'est pas télécommunicable (Ascher, 1995). En se banalisant, lesTIC sont devenues partie intégrante du mode de fonctionnement de toute firme. Ce qui n'apu se banaliser, et qui a donc été valorisé, se sont les faces-à-faces pour les personnes.Dès lors, la puissance économiqueréside dans la possibilité de ne pas télécommuniquer(Ascher, 1995, page 75 et plus). La révolution des TIC a ainsi conduit à l'agglomération

Page 25: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 25

des fonctions de coordination et à la dispersion des fonctions d'exécution. Concrètement,les sièges sociaux des firmes se rassemblent dans les centres des affaires afin de pouvoiréchanger directement une information non-standardisée, malgré la rente foncière dont ilsdoivent s'acquitter. Les fonctions d'exécution sont localisées dans des régions où cette rentefoncière est plus faible sans que cela affecte le fonctionnement de la firme puisque leséchanges entre les fonctions de coordination et d'exécution sont standardisées, codées,et que les progrès technologiques liés aux TIC ont largement contribué à réduire les coûtsde ce type de communication. Ota et Fujita (1993) parlent ainsi de « back offices » et de« front offices », les premiers faisant l'objet d'une délocalisation du centre, d'échanges intra-firme d'information standardisée et les seconds d'une concentration au centre de la ville etd'échanges inter-firmes d'information non-standardisée.

Ce modèle a été généralisé par Duranton et Puga (2005) dans leur article « FromSectoral to functional urban specialisation ». A l'équilibre dans ce modèle, on assiste àune concentration fonctionnelle des unités supérieures des firmes et une concentrationsectorielle des unités d'exécution des firmes. Cela signifie que les aires urbaines depremier plan concentrent des fonctions de coordination (économies d'urbanisation), les airesurbaines secondaires et la « périphérie » en général concentrent les fonctions d'exécutionsur une base sectorielle (économies de localisation).

Ces modèles de type FIO permettent d'avancer deux propositions relatives à lamultiplication des aires urbaines. La première, c'est que toutes les activités économiquesne s'agglomèrent pas de la même manière. La décomposition des firmes industrielles enune pluralité de fonctions économiques permet une agglomération à géométrie variable,ce qui rend possible la multiplication fonctionnelle des aires urbaines, c'est-à-dire leurspécialisation fonctionnelle. La seconde est que la firme post-industrielle est une firmedécomposée, recentrée autour de fonctions limitées. Ce resserrement des fonctions desfirmes est aussi lié à la recherche d'exploitation de rendements croissants : les firmesréalisent des gains de productivité en se spécialisant dans la production d'un seul type debien ou service, comme la comptabilité, l'audit, le conseil en management, la communicationetc. Cette tendance à la spécialisation fonctionnelle des firmes et à une localisation variabledes différentes fonctions justifie l'approche que nous adopterons en seconde partie lorsquenous nous baserons sur une décomposition fonctionnelle des activités économiques pourdresser une typologie des villes.

Dans ces modèles FIO, la multiplication des aires urbaines s'explique par les progrèstechnologiques. Mais la croissance démographique peut aussi inciter à la multiplication deslocalisations. En effet, l'accroissement de la population augmente les forces de dispersiondes activités économiques et, passé un certain seuil, elle peut donner naissance à uneautre aire urbaine. Fujita, Krugman et Mori (1999) ont prolongé cette idée en donnantune explication du rôle joué par la croissance du marché (ou de la population) dans lamultiplication des villes (Huriot et Bourdeau-Lepage 2009 page 298). Leur modèle est basésur le cadre centre-périphérie de Krugman. On part d'une situation initiale où toutes lesfirmes sont localisées dans une seule ville. Elles ne supportent donc qu'une seule fois lescoûts fixes liés à leur activité. Mais lorsque la population globale s'accroit, la demande à lapériphérie de la ville s'accroit aussi. Les firmes peuvent donc être incitées à reproduire leurssystèmes de production et à les délocaliser afin de se rapprocher de la demande. L'arbitragese situe au niveau des couts fixes : il faut que la nouvelle demande soit suffisamment fortepour que la reproduction de coûts fixes soit rentable. Passé un certain seuil de croissancedémographique, les firmes peuvent être incitées à se dédoubler et à se re-localiser au plusprès de la nouvelle demande, dans de nouvelles villes.

Page 26: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

26 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

En outre, avec la croissance de la population croissent aussi les effets négatifs del'agglomération. Jusqu'à un certain seuil, les effets positifs l'emportent. Mais passé ce seuil,la congestion, les externalités négatives (pollution, bruit etc.) et la rente foncière sont siélevés que l'utilité marginale de nouveaux arrivants est négative. Lorsque la population estsuffisamment élevée, une partie de la population migre vers une autre ville, en périphérie.La croissance (exogène) de la population permet d'envisager la multiplication des airesurbaines sous la forme de vagues successives. Chaque nouvelle vague se déclenchelorsqu'un point-seuil de population (au centre) ou de demande (à la périphérie) est atteint.Lorsque les plus grandes aires urbaines sont saturées, les agents se déplacent vers lesmoins grandes (Fujita, Krugman et Mori, 1999, d'après Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009).

Nous nous penchons maintenant sur un second ensemble de modèles d'agglomérationmultiples basés sur le rôle primordial des planificateurs et des biens publics. Rappelonsd'abord qu'un bien public pur est un bien ou un service dont la consommation est à la foisnon-rivale et non-exclusive. La non-rivalité implique que la consommation du bien ou duservice par un agent ne diminue pas la possibilité pour un autre agent de le consommeraussi. L'éducation par exemple est un bien dont la consommation est non rivale : l'éducationd'un agent ne se fait pas au détriment de l'éducation d'un autre agent. La consommationd'un fruit, qui n'est pas un bien public, est rivale : si un agent mange une pomme, cettepomme ne pourra pas être mangée par un autre agent. La non-exclusivité quant à elleimplique l'impossibilité d'exclure une partie des agents de la consommation du bien public. Ilne peut donc pas y avoir de marché pour ce type de bien puisque le nombre de « passagersclandestins » est potentiellement infini. L'éclairage public par exemple est un bien dontla consommation est non-exclusive : il est impossible d'exclure qui que se soit de laconsommation de l'éclairage public, que cet agent ai contribué ou non à la production del'éclairage public.

Cette définition des biens publics purs est inappropriée à l'analyse économique car elleomet leur dimension spatiale. C'est un des principaux travers de l'économie « a-spatiale »que d'omettre la dimension spatiale de toute activité économique. En l'occurrence, lesbiens publics sont localisés. L'accès à l'éducation ou à l'éclairage public n'est pas détachéde dimension spatiale : les universités se trouvent essentiellement en ville et il en va demême, par définition, de nombreux autres bien publics. « la disponibilité des biens publicslocaux [est] une spécificité importante des villes modernes, la forte concentration d'unepopulation facilitant la fourniture de services collectifs qui ne pourraient pas être obtenusisolément » (Fujita et Thisse, 2003 page 176).

Or lorsqu'un bien public est situé dans l'espace, il y a une concurrence pour l'accèsà cet espace afin de bénéficier de la consommation de ce bien public. Tiebout (1956) estun des premiers à avoir montré le rôle fondamental de l'accès aux biens publics dans lamultiplication des aires urbaines. Son article intitulé « A Pure theory of Local Expenditures »est un complément direct à l'article de Paul Samuelson publié en 1954 et intitulé « The PureTheory of Public Expenditures”. Ce dernier proposait une théorie des biens publics pursdénuée de dimension spatiale. L'objet de l'article de Tiebout est d'introduire l'espace danscette théorie. En effet, la fourniture d'une large proportion des services publics est localisée,qu'il s'agisse de la police, des pompiers, de l'école, de l'ébouage ou des hôpitaux. Laconcurrence pour le sol urbain et l'accès à ses services constitue un mécanisme d'exclusionet de rivalité dans la consommation de ses biens publics, l'occupation de sol urbain parun ménage se faisant au détriment d'un autre ménage. Les biens publics, dès lors qu'onles replace dans leur dimension géographique, ne sauraient être purs et s'apparententdavantage à des biens privés dont la consommation est rivale et exclusive.

Page 27: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 27

Dans le modèle développé par Tiebout, tous les agents sont mobiles. Ils expriment tousdes préférences différentes pour les biens publics offert par la ville. Les consommateursexpriment alors leurs préférences à travers leurs choix résidentiels. Les agents trèsdemandeurs de ces biens publics s'installent en ville et supportent un cout pour l'occupationdu sol plus élevé que dans les espaces ruraux. Ils supportent aussi un poids fiscal plusimportant en raison de la délivrance de biens publics plus nombreux. L'équilibre s'établitlorsque la rente foncière supportée par chacun correspond à la satisfaction des aspirationsde vie de chaque ménage. A l'équilibre, nul ne peut augmenter son utilité : la rente foncièresupportée par chaque agent correspond aux degré d'accès aux biens publics dont il dispose.Plus aucun agent ne souhaite déménager vers une autre aire urbaine. A l'équilibre, lesdifférences foncières équilibrent les différences d'attractivité des territoires. Les prix du solsont les reflets de la quantité et de la qualité de services publics offerts aux résidents. Celaimplique la mobilité de tous les ménages. En termes de population, la taille optimale de laville résulte de l'arbitrage entre diminution du coût par tête des biens publics et coûts detransports engendrés par l'augmentation de la taille de la ville.

On abouti donc, avec ce type de modèles, à une situation où les agents sont localisésdans différentes aires urbaines en fonction de leur préférence pour l'accès aux bienspublics. Une fois installés, les agents bénéficient de l'ensemble des biens publics de leuragglomération, et sont totalement privés de la consommation des biens publics offerts partoutes les autres agglomération, selon l'image des îles proposée par Stiglitz (1977).

Henderson (1974) propose lui aussi un modèle de développement des aires urbaineset de leur taille optimale. Bien que cela ne soit pas l'objet principal de son article, nousretenons principalement son apport concernant l'action d'un agent extérieur aux firmes etaux ménages dans l'apparition d'un système de villes. Henderson parle ainsi du rôle de« macro-agents », qui peuvent prendre la forme de grands promoteurs, de planificateuret gouvernements locaux etc. (Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009, page 300). On peutmentionner à titre d'exemple les villes de Melun-Sénart, Evry, Marne-la-Vallée, Cergy, StQuentin en Yvelines ou l'Isle-d'Abeau à Lyon. Ces zones d'agglomération ont la particularitéd'avoir été conçues par la puissance publique dans les années 60 et réalisées dans lesannées 70.

Ce type de modèle basé sur les biens publics ou les macro-agents est tant uneexplication de la multiplicité des agglomérations (les ménages s'installant volontairementdans l'une ou l'autre aire urbaine), que de la hiérarchisation des aires urbaines (les unesoffrant davantage de biens publics que d'autres ou étant par nature des villes de délestage).Il nous faut donc aborder plus en détail la question de la hiérarchisation des aires urbaines.

2. Différenciation et hiérarchisation des aires urbainesLa littérature à laquelle nous nous sommes confrontés place régulièrement Christaller(1933) et Lösch (1940) en tête des économistes à s'être penchés sur la question de ladifférenciation et de la hiérarchisation des aires urbaines. Dans son article, déjà ancienmais toujours largement cité, Christaller (1933) a développé la théorie des lieux centrauxplus tard complétée par Lösch. Elle a pour objectif d'expliquer « la distribution des activitéséconomiques au sein d'un système hiérarchisé de villes » (Christaller, 1933, Fujita, Thisse2003, page 436). Dans le modèle de Christaller, le firmes offrent des biens différents que l'onpeut numéroter i=1, ..., n. Ce classement est établit en fonction de la distance qu'acceptentde parcourir les agents pour consommer ces biens. Les biens les plus simples sont ditsinférieurs : ce sont les biens et services de première nécessité. Les agents n'acceptent pasde parcourir une grande distance pour se les procurer. L'offre de biens inférieurs est donc

Page 28: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

28 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

uniformément répartie afin d'être très proche de la demande. Les biens les plus rares etconsommés moins souvent sont dits supérieurs ; leur offre est rare et concentrée. Les biensles plus simples ont une aire de marché réduite (car les agents ne se déplacent pas pourse les procurer) tandis que les biens et services supérieurs ont une vaste aire de marché(les agents acceptent se déplacent loin pour se les procurer).

Dans le modèle, la demande provient des agriculteurs localisés en dehors de la ville,les offreurs sont les résidents urbains. Les villes offrant un niveau de biens n offrent aussitous les biens d'un niveau inférieur à n. Apparaît donc une forme de hiérarchie des airesurbaines qualifiées par leur marché. Plus on monte dans la hiérarchie des villes et pluscelles-ci offrent des biens nombreux et variés, d'un niveau de plus en plus élevé et couvrantune vaste aire de marché. La plus grande ville offre tous les biens. Les plus petites villes,en revanche, se contentent d'offrir des biens très simples et ne couvrent qu'une petite airede marché.

Le territoire est donc composé d'une mosaïque d'aires de marché plus ou moinsgrandes et se recouvrant les unes les autres. Aussi le territoire peut-il être décomposé enaires de marché hexagonales puisque l'hexagone est la figure géométrique la plus prochedu cercle permettant de couvrir tout l'espace. Chaque ville est située sur un des sommets deces hexagones, les plus grandes aires urbaines se trouvant sur les sommets des plus grandshexagones. Chaque grand hexagone est composé de plusieurs petits hexagones, eux-mêmes composés de plus petits hexagones etc. On a donc des aires de marché structuréeset emboitées entre elles.

Lösch (1940), dans le cadre cette théorie des lieux centraux, tente à son tour d'étayerles fondements économiques d'une telle hiérarchie. L'objectif de Lösch est d'expliquer leformation des aires de marché hexagonales évoquées par Christaller. Il développe ainsi unmodèle dans lequel l'espace est parfaitement homogène et sur lequel sont réparties desfermes à intervalles réguliers. La production de ces fermes est soumise à des rendementscroissants si bien que l'une d'elle peut décider, un beau jour, de produire plus que ce qui estnécessaire à la satisfaction de ses propres besoins. Il se forme donc une aire de marchécirculaire autour de la ferme dont le périmètre est fonction de l'arbitrage qu'effectue le fermierentre coûts de transport et valeur ajoutée dégagée par la production élargie. Puisque laproduction de toutes les fermes est soumise, de manière identique, à des rendementscroissants, toutes les fermes se mettent à produire en grand et couvrent une aire de marchécirculaire jusqu'à ce qu'elles occupent intégralement l'espace. Les aires de marché passentalors du cercle à l'hexagone, figure régulière la plus proche du cercle grâce à laquellel'ensemble de l'espace peut être couvert sans que des marchés similaires se chevauchent.

Au début, chaque ferme est située sur un sommet d'un tout petit hexagone. Maislorsque la spécialisation de plusieurs fermes se concentre en une seule localisation (afinde bénéficier d'économies d'agglomération), l'aire de marché couverte est plus vaste et lesommet de ce petit hexagone devient le sommet d'un hexagone plus vaste, c'est-à-dire deniveau supérieur. C'est ainsi qu'apparaît une hiérarchie des agglomérations. On abouti, avecLösch, à une première explication de la naissance des villes, ces « sommets d'hexagones »,ainsi que de leur hiérarchisation fonction de la taille de l'hexagone.

La théorie économique de la hiérarchisation des villes a connu un développementconsidérable avec les apports de Henderson (Henderson, 1974, dont les explicationssuivantes ont été inspirées par la lecture de Abdel-Rahman et Anas, 2004, page 2315et suivantes, et de Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009, page 301 et suivantes). Il s'agitdans un premier temps d'analyser les causes de la spécialisation des aires urbaines. Leraisonnement est basé sur la distinction entre les économies de localisation (de type MAR

Page 29: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 29

et propres à la concentration de firmes d'un même secteur) et les économies d'urbanisation(de type Jacobs et propres à la concentration de firmes de secteurs différents). Dans cetarticle, les économies d'agglomération sont toutes de type MAR. Les secteurs du textileet des services supérieurs aux entreprises (souvent évoqués par Saskia Sassen, 2001,voir infra), par exemple, s'agglomèrent donc entre eux, afin de bénéficier des économiesde localisation, et ne se mélangent guère. Mais les des-économies d'échelles (les forcesde dispersion) sont de type Jacobs, c'est à dire qu'elles affectent de manière identiquetous les secteurs (la congestion et la pollution impactent uniformément les secteurs textileset de services aux entreprises par exemple). Or, selon le type de secteur, les avantagesà l'agglomération n'ont pas la même ampleur. Dans le secteur de l'industrie textile parexemple, les économies de localisation sont existantes mais faibles. En revanche, dansle secteur des services supérieurs aux producteurs, les économies de localisation sontbien plus importantes, les échanges informationnels jouant un rôle fondamental dans lagénération de profit pour ce secteur. L'ampleur du phénomène d'agglomération est doncfonction de la nature même des activités économiques. La taille optimale des villes varieainsi selon leur spécialisation fonctionnelle. C'est ce qui explique que les villes spécialiséesdans l'industrie textile n'aient jamais atteint des tailles très importantes en comparaison desvilles qui, aujourd'hui, sont spécialisées dans la production de services supérieurs.

On note d'ailleurs que les villes atteignant une taille importante sans être spécialiséesdans un secteur suscitant de larges économies de localisation (ou d'urbanisation d'ailleurs),ne dégagent en général pas un niveau de vie très élevé. Ce raisonnement semble confirmépar la pauvreté qui a longtemps régné dans les très grandes villes du tiers-monde avantque certaines de celles-ci ne s'engagent dans un processus de spécialisation fonctionnelle.Comme le montre le rapport 2008 des Nations Unies sur les perspectives mondialesd'urbanisation, la plupart des mégalopoles de plus 10 millions d'habitants se trouvent enAsie ou en Amérique latine et ne jouent pas un rôle majeur dans l'économie mondiale (àquelques exceptions près).

Le modèle développé par Henderson permet donc de dégager le principe selonlequel les villes se différencient et se hiérarchisent selon leur composition sectorielle. Al'équilibre, les avantages obtenus par chaque ville sont équilibrés par le prix (du foncier,notamment). Ainsi, à l'optimum et malgré leur taille différente, toutes les villes « procurentla même utilité » (Huriot et Bourdeau-Lepage, 2009, page 303). A notre connaissance,l'approfondissement du rôle des économies d'urbanisation dans la diversification des villesa notamment été réalisé par Dixit et Stiglitz (1977, cité par Abdel-Rahman et Anas, 2004,page 2296) ainsi que par Abdel-Rahman (1990).

Enfin, selon Abdel-Rahman et Anas (2004), le dernier type de modèle d'explicationde la différenciation et de la hiérarchisation des villes au sein d'un système de villess'appuie notamment sur les théories liées à la croissance exogène de la population. Encoreune fois, la littérature est ici très riche et souvent difficile d'accès. L'idée peut néanmoinsêtre ramenée à quelques traits principaux. Fujita, Krugman et Mori (1999) notamment ontproposé un modèle qui permet d'intégrer les différentes activités économiques en termesfonctionnels (coordination, exécution) et non plus seulement sectoriels (industrie et servicespar exemple). Dans la situation initiale, tous les secteurs et toutes les fonctions sontagglomérées en une seule ville. Les forces de dispersions sont les mêmes pour toutes lesfonctions, comme chez Henderson ci-dessus. Les forces de dispersion sont une fonctionpositive de la croissance démographique : au fur et à mesure que croit la populationde la ville, croit aussi l'ensemble des forces de dispersion (longueurs des déplacementspendulaires, congestion etc.). Mais la sensibilité de chaque fonction au forces de dispersion

Page 30: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

30 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

est différente. Les fonctions de commandement sont peu sensibles à l'accroissement desforces de dispersion car elles dépendent largement d'échange d'information en face-à-face ce qui requiert leur concentration. En revanche les fonctions d'exécution sont plussensibles aux forces de dispersion. Aussi, à mesure que croit la population de la ville, sedélocalisent d'abord les fonctions les plus inférieures, puis les fonctions intermédiaires etc.Toutes ces fonctions se localisent ensuite dans d'autres villes plus petites, ce qui conduit àune spécialisation plus pointue de la grande ville qui s'est ainsi « délestée » de ses fonctionsinférieures. En conséquence, la population de ces petites villes croît, entrainant à son tourla délocalisation des fonctions inférieures qui se déplacent vers d'autres villes encore pluspetites.

On a donc ici un modèle où le moteur de la différenciation et de la hiérarchisation desaires urbaines est à nouveau essentiellement lié la croissance démographique exogène.Comme pour la multiplication des villes évoquée plus haut, ce modèle suggère que les airesurbaines se spécialisent et se hiérarchisent par vagues successives (à chaque fois qu'unseuil de population est atteint), et de manière séquentielle, la ville diversifiée précédantla formation de plusieurs villes spécialisées, qui se diversifient puis se spécialisent ànouveau. Ceci est rendu possible par les différences de sensibilité des activités aux forcesd'agglomération et de dispersion. A chaque étape, des villes d'un rang inférieur se hissentau niveau supérieur dans la hiérarchie des fonctions. Il y a donc d'autant plus de grandesvilles disposant de fonctions supérieures que la population s'élargit. Les plus grandes villes,les villes globales (Sassen, 2001), sont donc les aires urbaines concentrant les fonctionsles plus sensibles aux économies d'agglomération.

Il manque encore un dernier élément à notre présentation. Cette emphase portée sur lacroissance démographique et sur les différences de sensibilité des activités économiquesaux forces d'agglomération, comme pour la plupart des modèles basés sur la NEG, laissesupposer que seuls les grandes métropoles offrent un cadre de vie supérieur ou dumoins plus élevé que dans les zones rurales. Ce biais de la NEG résulte d'un « péchéoriginel » de l'économie classique qui consiste à systématiquement confondre croissance(mesurée par le PIB) et développement (mesuré par une pluralité d'indicateurs plus largeset souvent transversaux). Or, comme le démontre Laurent Davezies (Davezies, 2009 ;Lefèvre 2009), les territoires (ou aires urbaines) peuvent faire l'objet d'un développementsans croissance de PIB et les métropoles d'une « croissance sans développement » à prioriparadoxale. Laurent Davezies pointe l'amalgame souvent fait entre ces deux notions decroissance et de développement. Il rappelle la nécessité de ne pas seulement analyser ledéveloppement via l'agglomération d'activités économiques mais aussi par le truchementde « la circulation invisible des richesses » (sous-titre de l'ouvrage de Davezies 2009). Lesgrandes métropoles, si elles sont les principaux générateurs de PIB, ne sont pas forcementles lieux où le niveau de vie est le plus développé : chômage, pauvreté, faible dynamismesont davantage le lot des grandes villes (Lefèvre 2009).

Pour Laurent Davezies, cet amalgame entre croissance et développement est lié àl'importance qu'ont pris les thèses issues de la NEG dans les études territoriales. Or la NEGest aveugle aux autres formes de développement que la croissance du PIB (Lefèvre 2009).Davezies élabore ainsi un modèle, dit de la « base économique », permettant de faire lalumière sur la circulation du revenu et sa captation par des zones résidentielles. En effet, leslieux de production des richesses (les grandes métropoles) ne sont pas forcement les lieuxde consommation des richesses (aires urbaines périphériques voire rurales). C'est doncla captation de ressources produites ailleurs qui explique le développement (en termes de

Page 31: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 31

niveau de vie) de certaines aires urbaines qui ne concentrent pourtant pas de fonctionssupérieures comme c'est le cas pour les métropoles.

Ce tour d'horizon de la littérature économique existante nous permet maintenant deproposer un cadre conceptuel socio-historique du développement urbain.

II. Socio-histoire de la dynamique des villesL'objet de cette seconde partie est de proposer un cadre conceptuel dans lequel inscrirela théorie économique que nous venons de parcourir. Il s'agit d'une étape importante poursituer dans le « temps long » les résultats de notre cas pratique. Selon Paul M. Hohenberg(2002), l'histoire longue des villes européennes peut être appréhendée à travers certainsthèmes clés. Ainsi en est-il de « croissance urbaine » : sur le dernier siècle, il évident quele territoire européen, et à fortiori celui qui est aujourd'hui constitutif de la France, s'estlargement urbanisé. De 10% à la fin du Moyen Age à 80% aujourd'hui, la population urbainen'a cessé de croître. « Permanence » permet à l'auteur de souligner la constance de lacarte de villes européennes. En effet, la plupart des grandes villes du Moyen Age, voirede l'Empire romain, sont toujours des grandes villes aujourd'hui. On peut distinguer encorecertains « types historiques » de villes. Sans perdre de vue l'objet de notre chapitre, ladifférenciation des villes, on se penchera dans un premier temps sur la transformation de laville médiévale en ville industrielle puis de celle-ci en ville moderne. Dans un second temps,on esquissera les principaux traits de la ville post-industrielle et des villes globales.

1. Ville médiévale, ville industrielle et ville moderneAu Moyen-Age, les activités agricoles sont évidemment les principaux générateurs derevenu. Seul le petit artisanat et une industrie embryonnaire complètent ce tableauéconomique. Or, en raison de coûts de transports élevés et de rendements croissantsfaibles dans le domaine agricole (les coûts fixes des exploitations sont peu élevés), lesvilles n'atteignent pas encore de très grandes tailles. Pour autant, les villes de plusieursmilliers d'habitants sont nombreuses. Il existe plus de 150 villes de plus de 10000habitants en Europe à la fin du moyen age (Hohenberg, 2002). Seules les activités nonstandardisées sont agglomérées, ce qui s'explique davantage par la présence d'externalitésde connaissances, liées à la transmission et à l'apprentissage, qu'à la présence d'économiesd'urbanisation. En effet, au Moyen Age, « quelle que soit l'implantation physique desmoyens de production matériels, les éléments intangibles que sont les flux d'informations,la prise des décisions et l'activité d'échange se concentraient, sans aucun doute, dans lesvilles » (Hohenberg et Lees, 1992, page 175).

Certaines villes du Moyen Age disposent en fait d'un pouvoir politique et économiqueétendu en raison des nombreux avantages, notamment fiscaux, obtenus de la part dupouvoir royal (sous la forme de chartes par exemple). Aussi les villes deviennent-elles,grâce à l'action des bourgeois, commerçants et marchands, les principaux lieux ducommerce européen. « Dans son chapitre classique « la ville » inclus dans Économieet Société, Max Weber dessine les traits de la ville occidentale du Moyen Age àpartir des caractéristiques suivantes : une forteresse, un marché, une économie urbainespécifique de consommation, d'échange, de production, une cour de justice et une capacitéd'édicter certaines règles et lois, une structure d'associations (de corporations) et unecertaine autonomie politique, concrétisée notamment par la présence d'une administrationcommunale, par la participation des bourgeois au gouvernement local, parfois par unearmée, et une véritable politique de conquêtes extérieures. » (Le Galès, 2003, page 59).

Page 32: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

32 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Peu à peu, les villes deviennent le cadre structurant de la société féodale dans la mesure oùelles regroupent à la fois tous les métiers et tous les échanges. Ainsi, « se glissant d'aborddans les interstices de la féodalité, [les villes] vont devenir le creuset où vont émerger ouréapparaître progressivement les principaux traits des sociétés modernes européennes :classes sociales, capitalisme, culture et éducation, autonomie politique à l'égard de lareligion, rationalité, institutions politiques, démocratie » (Le Galès, 2003, page 59 à 61).Avec le développement des villes, de nouvelles fonctions économiques apparaissent pourne jamais plus disparaître : hommes de loi (juristes ou notaires), banquiers, commerçantset artisans divers. Il s'agit de la manifestation tangible des économies de localisation etd'urbanisation dont nous avons largement usé plus haut et qui peuvent être décrites commeétant « l'attraction du commerce sur le commerce » (Pirenne, 1971, page 104). En outre,« les villes européennes sont aussi devenues des lieux du savoir, des arts, des sciences [...]Cette Europe des villes du Moyen Age n'est pas seulement l'Europe du premier capitalismeet des marchands mais aussi l'Europe des villes des intellectuels, des universitaires, de laculture » (Le Galès, 2003, page 66) notamment avec la création des universités et de diversinstituts. On le voit, dès le moyen âge, la ville européenne concentre toutes les fonctionsde pointe, tant sur le plan économique que politique, culturel ou scientifique. Comme lesuggèrent les modèles de multiplication et de hiérarchisation des aires urbaines, les villesconserveront le monopole de la concentration de ces fonctions de pointe même au coursdes profondes transformations qui les affecteront au fil des siècles, notamment lors desrévolutions industrielles.

« L'industrialisation se conjugue avec l'avènement de l'État-nation dans sa formecontemporaine pour favoriser la croissance des grandes capitales européennes.[...] Même si des grandes capitales existent déjà, le XIXème siècle marquel'avènement de la grande ville, de la métropole. »

(Le Galès, 2003, page 85). En effet, avec la révolution industrielle des années 1750 etles celles qui suivront, la ville devient le creuset du capitalisme. Les rendements dansles nouveaux secteurs de l'industrie (charbon, mines etc.) deviennent rapidement trèscroissants et les économies d'agglomération, notamment de localisation, prennent bienplus d'importance qu'elles n'en avaient au Moyen Age. Le nombre d'habitants de la villeindustrielle ainsi que son poids économique croissent donc très rapidement. La villeconcentre toujours les fonctions essentielles à la génération de profit.

En outre, la hiérarchie des villes françaises en France, contrairement à l'Angleterre, apeu été affectée par la révolution industrielle et la plupart des grandes villes le sont resté.

Ce parallèle entre industrialisation et urbanisation se vérifie sur les 18 et 19èmes siècles.En effet, comme le notent Hohenberg et Lees (1992), on peut distinguer trois processuspropres à la révolution industrielle. D'abord, les villes minières et les régions industriellesse développent très rapidement, comme c'est le cas dans le nord-est de la France ou àSaint Étienne. Ces aires urbaines vont donc concentrer l'essentiel des fonctions liées à lafabrication ou aux activités extractives. Ensuite, des révolutions techniques permettent àcertaines villes de prendre leur essor, comme ce fut le cas pour Lyon suite à l'inventiondu métier Jacquard (permettant l'obtention de rendements très croissants et d'économiesde localisation sur la Croix Rousse). Enfin, les régions exclusivement agricoles ou presqueperdent de leur influence, notamment dans l'ouest et le sud-ouest de la France, comme plustard les villes industrielles perdront le leur en attendant de pouvoir concentrer de nouvellesfonctions économiques.

Au cours de la seconde phase de la révolution industrielle, qui concerne davantage lestransports et leur accélération grâce au chemin de fer, la circulation des richesses et des

Page 33: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 33

informations est accrue. Comme le suggère le modèle centre-périphérie de Krugman, ladiminution drastique des coûts de transports conduit au déclenchement ou au renforcementd'un processus auto-cumulatif de concentration. « Les développements de la chimie, dela métallurgie, des industries mécaniques et des biens d'équipement, sans oublier lafinance, vont renforcer le rôle des capitales régionales engagées dans l'industrialisation etl'adaptation progressive aux nouveaux secteurs et aux nouvelles technologies comme àStuttgart, Lyon, Turin, Liège,... Lille, Nancy » (Hohenberg et Lees, 1992, cité par Le Galès,2003, page 88). Les capitaux fixes et la main d'œuvre, non qualifiée pour l'essentiel, viennent

donc s'immobiliser en s'entassant dans les grandes villes. « Au milieu du 19ème siècle, Parisest à la fois cerné et envahi par la classe ouvrière. Les paysans prolétarisés affluent et sepressent au barrières. Mais ils s'infiltrent aussi jusqu'au cœur, où ils rejoignent les anciensouvriers des métiers artisanaux. Ils s'y entassent dans les immeubles les plus vétustes,dans le vieux centre au rue étroites, et occupent un peu partout les étages supérieurs desmaisons de rapport » (Paul Blanquart, 1998, page 120). Les bourgeois s'installent au centrede la ville, afin de jouir « d'une société agréable » pour reprendre le mot de Cantillon tandisque la population ouvrière est repoussée, sous la pression foncière, à la périphérie urbaine.Aussi l'ordre social de la ville industrielle est-il à la fois « homogène et brisé » (Blanquart,1998, page 126) : homogène car toutes les énergies de la société sont tournées vers letravail et la production, brisé car il est la projection d'une ségrégation sociale qui se reproduit,le divisant et le cloisonnant de manière étanche.

C'est à cette époque aussi que la division fonctionnelle du travail s'accélère. Cetteévolution, qui se manifeste sous la forme du taylorisme notamment, est également trèsliée à l'abolition des corporations (loi Le Chapelier du 14 juin 1791). Dorénavant, c'est letravail individuel et non plus corporatif qui est à la base de la structure économique dela ville. « Jadis dédaigné, placé au dernier rang de l'édifice pyramidal, le travail devient,dans la lignée de l'ingénieur, ce par quoi l'homme se définit : son action sur une naturedésacralisée. » (Blanquart 1998, page 117). Avec l'avènement du travailleur individuelcomme unité de mesure économique, de nouvelles démarches scientifiques voient le jouret font éclater la société en un ensemble de fonctions. Durkheim (1858-1917) la doteen effet d'une tête et de jambes dont les rôles sont de penser et d'avancer. On auradonc ingénieurs et ouvriers, concepteurs et exécutants. La science de gouvernements'enrichit en outre des statistiques probabilistes, donnant ainsi naissance à l'individu moyen,l' « homme calculable » (Mattelard, 2001), au sujet duquel les informations s'accumulent.Au fur et à mesure que les fonctions économiques se clarifient et que les informationssur les personnes et les familles s'accumulent, se constitue la société en tant qu'objet demesures et de connaissance. Avec la naissance de la société en tant que formation socialeconstituée, la ville devient un objet conceptuel propre à être analysé grâce au raisonnementfonctionnaliste que l'on mettra en œuvre dans les chapitre suivants.

A la sortie du long 19ème siècle, la ville dite moderne verra les familles bourgeoisess'installer à leur tour dans les banlieues pavillonnaires ; les nouvelles populations ouvrièreset autres pauvres sont davantage repoussés en périphérie. Cette évolution est uneillustration des conclusions apportées par les modèles économiques de type FIO pourlesquels la pression démographique est l'un des premiers éléments de la différenciationurbaine. Les villes moyennes se multiplient à l'âge de la modernité. En outre, les travaux deLe Corbusier (1887-1965) permettent d'élaborer un nouvel entendement de l'agencementurbain. De nouveaux logements sont conçus autour de fonctions urbaines renouvelées :habiter ici, travailler là, se cultiver ailleurs encore (Blanquart, 1998). En somme, la ville doit« fonctionner ». La rutilance des Trente glorieuse se manifeste par une hausse certaine

Page 34: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

34 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

du niveau de vie moyen de la catégorie « bourgeoise » du centre ville et de l'immédiatepériphérie, à laquelle accède d'ailleurs un nombre croissant de travailleurs pauvres sortisde la lointaine banlieue. Les emplois liés à la consommation de masse et au commerce engénéral prennent de l'importance à cette époque.

La ville moderne semble donc caractérisée par les principes industriels de Ford et deTaylor (organisation de la production), les principes de gouvernement de Keynes et parles principes fonctionnalistes d'aménagement urbain du Corbusier. Mais ce cycle « taylo-fordo-keynésio-corbusien » (Ascher, 1995) a aujourd'hui trouvé sa fin. En effet, les modesde productions économiques et donc la ville, depuis la fin du système de Bretton Woods,sont régis par de nouvelles modalités liées notamment à la finance et à l'émergence d'uneéconomie de services aux producteurs, une économie en réseau. Il s'agit des villes post-industrielles et des villes globales.

2. Ville post-industrielle et ville globaleLa ville post-industrielle est le reflet des nombreuses mutations économiques ettechnologiques propres à son temps, c'est-à-dire de la fin du système de Bretton Woods ànos jours. La finance, d'abord, a connu une double évolution : accroissement considérabledu volume des transactions d'une part, déconnexion croissante entre l'objet de la finance(le financement de la production « concrète ») et profit réalisé d'autre part. En effet, avecle développement des techniques financières (dérivation, titrisation) notamment permisesarla dérégulation, le décloisonnement et la désintermédiation, ce sont les transactions perse qui génèrent du profit et sont à l'origine du considérable enrichissement du secteur. Larévolution financière à transféré un considérable pouvoir des grandes banques riches enpétrodollars vers de plus petites institutions indépendantes comme les hedge funds. Lesfonctions liées au secteur de la finance ont été très largement rémunérées au cours desdernières décennies.

Par ailleurs, l'économie des pays riches s'est largement tertiarisée sur la période, faisantainsi émerger une véritable économie de services dont le cœur est essentiellement lié auxservices aux entreprises. Cette évolution est visible à travers le changement de nature desIDE, qui se concentrent désormais dans les services aux entreprises : ceux-ci représentaient20% des IDE dans les années 50 contre 60% en 1999 (Sassen, 2001). En outre, ces fluxlient principalement des pays riches entre eux. En effet, les États-Uni, le Royaume-Uni etle Japon représentent à eux seuls plus de 50% des IDE mondiaux et 70% des transactionsinternationales sont effectuées par 8 pays seulement (Sassen, 2001).

Cette tertiarisation de l'économie est largement due au progrès réalisés dans ledomaine des techniques de communication, imposant ainsi de nouveaux standardsde productivité aux firmes. C'est pourquoi la firme post-industrielle s'est verticalementdécomposée, comme cela est suggéré dans les modèles FIO : les fonctions périphériquessont délaissées tandis que la propriété du capital se concentre autour de fonctionsstratégiques. De nouvelles firmes se saisissent des fonctions délaissées par les autres. Lesfirmes post-industrielles sont donc souvent très spécialisées dans la fourniture d'un seul typede service aux producteurs : publicité, relations publiques, comptabilité, droit des affaires,gestion des ressources humaines, ou encore audit... Apparaît donc une véritable économiedes services aux producteurs, dont l'offre et la demande sont générées par une multitude defirmes de taille réduite mais hautement spécialisées. Alors que les clés de la productivité dela firme industrielle résidaient dans les rendements croissants et les économies d'échelle,la firme post-industrielle a ajouté à ces éléments de nouveaux facteurs de productivitécomme le degré d'intégration des fonctions de commandement au réseau d'informationnel,

Page 35: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 35

la différenciation des produits, la production de biens et services en flux tendus ou encorela flexibilité dans l'organisation. Avec l'importance de l'information non-standardisée, lefacteur humain est rehaussé dans son importance pour la production ; la coopération entreacteurs et la possession de connaissances deviennent de fondamentales fonctions de laproduction. Ces nouveaux aspects relationnels de la productivité se manifestent par laconcentration des fonctions de coordinations et la marginalisation des fonctions d'exécution.Aussi les grandes villes se voient-elles attribuer de nouveaux rôles : concentration descentres de décisions, des activités financières, de services spécialisés et d'innovations dansles techniques de gestion.

Ces villes post-industrielles ne se caractérisent pas seulement par de nouvellesfonctions économiques. Elles véhiculent aussi de nouveaux modes de vie liés à une pluralitéde facteurs parfois antithétiques, comme la multi-culturalisation des grandes aires urbaines,la rurbanisation, un accès plus étendu à la culture cultivée, un certain sens de la « goodlife » (Sassen, 2001). Émergent ainsi des « métapoles » (Ascher, 1995), terme recouvrantà la fois les aspects économiques de la métropolisation et les aspects sociaux liés auchangements dans les modes de vies. Le terme de « métapolisation » rend compte de lamultiplicité des facettes de ces changements urbains. Les métapoles « entretiennent avecleur environnement, leur arrière-pays et les autres villes, des relations différentes de cellesqu’entretenaient les grandes villes industrielles ou les capitales régionales de la périodeprécédente » (Ascher, 1995). Les métapoles sont « l’ensemble des espaces dont tout oupartie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans lefonctionnement quotidien d’une métropole. Une métapole constitue généralement un seulbassin d’emploi, d’habitat et d’activités. Les espaces qui composent une métapole sontprofondément hétérogènes et pas nécessairement contigus. Une métapole comprend aumoins quelques centaines de milliers d’habitants ». Pour l'essentiel, les métapoles sontles villes qui se sont le plus largement développées d'abord au Moyen Age, puis dans lapériode industrielle. En effet, Myrdal, Hirschman et Krugman ont montré l'importance de lacumulation dans le développement urbain. Néanmoins, l'émergence des métapoles est unecassure dans le rythme de développement des villes : l'agglomération semble s'accélérer(chapitre 4) et les grandes villes de province, les métapoles régionales, gagnent du terrainsur les villes plus petites.

Mais il est possible de monter un cran plus haut dans la hiérarchie urbaine, où l'onassiste à l'émergence de ce que l'on pourrait appeler des « super-métapoles », qualifiéespar la sociologue américaine Saskia Sassen (2001) de « villes globales » (global cities).Dans son ouvrage éponyme, Sassen (2001) se penche plus particulièrement sur le cas detrois villes globales : Londres, Tokyo et New York. Mais la liste peut être élargie à Paris,Francfort, Bangkok, Hong Kong, Chicago... Les villes globales se caractérisent d'abordpar une très forte concentration, voire le monopole, des fonctions de commandement desfirmes post-industrielles. Ces activités sont elles même très concentrées au sein des villesglobales afin d'accroitre les possibilités d'interaction informationnelles, comme c'est le casà La Défense, à Manhattan, à Chiyoda, dans la City... Les villes globales se caractérisentensuite par la concentration d'une population d'agents très qualifiés, fortement rémunéréspar les nouvelles fonctions de pointe de l'économie (finance, services aux producteurs) eten général très sensible à « l'intelligence locale » (Sassen, 2001), c'est-à-dire le partaged'un style de vie avec des personnes remplissant des fonctions similaires. Ce style de vieconsiste en un accès privilégié à la culture cultivée, aux biens de luxe, et pour reprendrele mot de Cantillon, en la jouissance d'une « bonne compagnie ». Les facteurs humainset sociaux sont donc aussi importants que les économies externes dans le processusd'agglomération. C'est pourquoi les villes globales concentrent aussi, au delà des sièges

Page 36: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

36 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

sociaux des grandes entreprises, les principales infrastructures culturelles du territoirepuisqu'elles concentrent la part la plus éduquée de la population et qui est, en général,la part la plus sensible aux affaires culturelles. Mais le style de vie dont bénéficient lestravailleurs des services aux entreprises des villes globales, riches en revenu et pauvre entemps, implique aussi la création d'emplois très peu rémunérés : garde d'enfants, cuisine,ménage... Services aux entreprises et services aux personnes se soutiennent l'un l'autremalgré des écarts de revenus croissants (Sassen, 2001).

Les villes globales concentrent donc l'essentiel de la puissance économique del'économie post-industrielle. En effet, dans la plupart des pays développés, l'emploi dansles services aux entreprises a cru plus rapidement que l'emploi dans le reste du pays. AuxÉtats-Unis, entre 1993 et 1996, l'emploi total a cru de 7,8%, tandis que l'emploi dans lesservices aux entreprises a augmenté de 11,7% (Sassen, 2001). Or, la production de cesservices est très concentrée dans les villes globales, ce qui soulève des questions liées à lahiérarchie urbaine. Les villes du Royaume-Uni sont traversées par de fortes discontinuités.Londres regroupe 15% de l'emploi national, tandis que Birmingham, la seconde ville dupays, n'en regroupe qu'à peine 1,2%. Londres accueille plus de 30% de la productionnationale de services aux entreprises. La distinction est moins prononcée au Japon et auxUSA, puisque Osaka, Nagoya, Los Angeles, Chicago et Boston sont restées de grandscentres économiques. Néanmoins, dans leur pays respectif, Londres, New-York et Tokyosont clairement les leaders en termes de production de services aux entreprises. En France,en 1999, Paris accueillait environ ¼ de l'emploi total, alors qu'il faut additionner l'emploi des11 villes suivantes pour retrouver cette proportion. De plus, la capitale accueille plus de 300000 emplois liés aux prestations intellectuelles, soit 10 fois plus que Lyon, la seconde aireurbaine. On a une concentration très importante des moyens de production dans la grandeville favorisée par un tropisme métropolitain.

Beaucoup de villes intermédiaires trouvent difficilement leur place entre les métapoleset les petites villes patrimoniales. Le décalage se fait donc de plus en plus vif entreles grandes villes et les autres. Aussi les villes globales entretiennent-elles davantagede rapports avec les autres villes globales qu'avec le reste du territoire auquel ellesappartiennent : les travailleurs y sont « globaux », très mobiles, et vivent tantôt dans l'uneou dans l'autre ville globale. Emerge dès lors une forme de société supra-nationale, aufort pouvoir d'achat, capable de faire monter les enchères de l'immobilier au centre dela ville-globale à tel point qu'un marché immobilier international se détache du reste dumarché immobilier national. Les villes globales forment un monde à elle seules. Or, sicertaines villes globales sont des capitales comme Londres ou Tokyo, ce n'est pas la règlegénérale : New York, Francfort ou Hong Kong sont des villes globales de premier rangsans pour autant être des capitales. La concentration de la puissance économique est doncindépendante de la concentration de la puissance politique : c'est la raison pour laquelle onvoit apparaître de nouvelles formes de centralité. Est central ce qui est intégré au réseausocial, d'informations et de contrats, c'est-à-dire le nœud formé par l'agglomération desfonctions de commandement des firmes post-industrielles, le cœur des villes globales.

Avec cette polarisation des territoires, entre villes globales et territoires délaisséspar l'économie post-industrielle, il semble possible d'opposer à l'ancienne « économie dezones » une « économie d'archipel » (Veltz, 1996). Cette métaphore illustre l'importancequ'ont pris les flux et les réseaux dans l'économie mondiale : des îles de productionéconomique, séparées par des mers d'économie résidentielle (Davezies, 2009), sontintensément reliées entre elles par des flux transnationaux de capitaux, d'information et derelations humaines, formant ainsi un archipel qui vient se superposer à l'échelon national.

Page 37: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Première partie : Économie urbaine et dynamique des villes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 37

Le territoire n'est plus la simple agrégation de ressources mais un nœud de croisements,de commutation, voire de condensation des flux pour lesquels la dimension relationnelle estune composante essentielle de la performance des firmes.

Les chapitres 1 et 2 ont eu pour objet d'étayer les fondements théoriques nécessairesà la partie pratique qui fait l'objet des chapitres 3 et 4. La synthèse des principaux travauxpermettant de rendre compte des fondements de l'agglomération économique d'abord, desfondements économiques et sociaux de la différenciation et de la hiérarchisation des airesurbaines ensuite, permet d'engager une étude économique concrète des agglomérationsfrançaises, notamment de leur différenciation et de leur hiérarchisation.

Page 38: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

38 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Seconde partie : Élaboration d'unetypologie fonctionnelle empirique desaires urbaines françaises

Chapitre 3. La mesure des aires urbaines et l'analysefonctionnelle de l'emploi

Ce chapitre a pour objectif de présenter un certain nombre d'outils statistiques élaborésnotammentt par l'INSEE dans le but de fournir des données empiriques et qualitatives sur lesaires urbaines. Il est aisé de concevoir l'agglomération sur le plan conceptuel. On s'imagineune surface plus ou moins circulaire recouverte par des logements, des lieux de travail etdes lieux de loisirs. Mais le problème de la mesure de la ville est tout autre : la frontière de laville est souvent floue, ce qui peu rendre difficile le dénombrement de ses habitants, donnéequi, en outre, n'est pas toujours pertinente pour rendre compte de la spécificité de l'urbain.

Il existe néanmoins un certain nombre d'indicateurs permettant de définir la ville.L'INSEE se sert notamment de la notion d'aire urbaine, ainsi définie :

Une aire urbaine est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave,constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronnepériurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dansle pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. (Source : Insee)

L'aire urbaine est une unité de base pour l'étude de l'agglomération. Mais elle restestrictement quantitative et ne permet pas de qualifier les villes. Or l'étude de la différenciationet de la hiérarchisation des aires urbaines requiert de pouvoir qualifier les aires urbaines.Ce chapitre se propose de faire la synthèse des outils statistiques développés en Francepour qualifier les aires urbaines et mesurer la nature de leur économie (I). Dans le cadredes développements récents de l'analyse fonctionnelle des territoires (II), une emphaseparticulière sera portée sur l'Analyse fonctionnelle de l'emploi (AFE), le dernier outil en date,et dont nous ferons usage dans le chapitre 4.

I. Les limites de l'analyse sectorielle dépassées par l'analysefonctionnelle

1. Les limites de l'analyse sectorielleLes outils à la disposition des économistes et statisticiens désireux de mesurer la ville sontvariés. Le premier indicateur qui vient à l'esprit d'un économiste est probablement le produitintérieur brut (PIB), définit comme étant la somme des valeurs ajoutées produites entre

Page 39: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 39

deux dates et sur un certain territoire. Mais l'utilisation du PIB en économie géographiquepose à la fois un problème de fond et de méthode. En effet, sur le fond, le PIB est unpauvre indicateur dès lors qu'il s'agit de donner une image non pas quantitative (volumede la production), mais qualitative (nature de la production) des aires urbaines. En outre, lePIB est particulièrement délicat à mesurer dans le cadre de l' « économie en réseau » oul' « économie d'archipel » dont parle notamment Pierre Veltz (1996) : que signifie la « sommedes valeurs ajoutées » pour une ville lorsque l'essentiel de la production, tant des biens quedes services, est mondialisée ? Le PIB est donc un indicateur trop imprécis, trop agrégé,pour donner une bonne image de la spécialisation et de la hiérarchisation des villes. C'estla raison pour laquelle la géographie économique se passe souvent d'une simple analysedes territoires en termes de PIB.

Afin de palier à l'imprécision du PIB dans l'étude de l'économie d'une aire urbaine, lesanalystes ont souvent recours à l'étude de l'emploi sur le territoire. « L'analyse géographiquedes activités économiques du point de vue de l'emploi a recours, en règle générale, à quatretypes d'indicateurs : l'emploi total ; le marché du travail (taux de chômage, emplois précairesetc.) ; les secteurs d'activité, dont l'approche la plus répandue est l'approche ternaire(primaire/secondaire/ternaire) issue des travaux de Colin Clarke [ce chercheur australienavait proposé cette répartition des activités dans les années cinquante] ; les niveauxde qualification de l'emploi ou les catégories socio-professionnelles (cadres/techniciens/ouvriers). Tous ces indicateurs sont toujours utiles mais ne suffisent plus. » (Beckouche,Damette, 1993). Il est évident que l'emploi total est un indicateur insuffisant pour qualifierles aires urbaines : il ne permet de donner qu'une information sur le volume mais pas surla nature des activités économiques de la zone considérée. Il est donc, en cela, similaireà l'usage du PIB. Les données relatives au marché du travail sont utiles pour donner auchercheur une idée du dynamisme de l'économie de la zone mais ne le sont pas pour donnerune représentation de la nature des activités économiques.

Les deux autres indicateurs listés par Beckouche et Damette sont plus appropriés àl'étude de la spécialisation et de la hiérarchisation des aires urbaines tout en présentantd'importantes limites. La ventilation de la production en trois secteurs proposée par Clarke,un des pionniers de l'utilisation du PIB comme indicateur économique de référence, permetde spécifier un territoire selon que ses activités productives relèvent du secteur primaire,secondaire et tertiaire (par exemple et respectivement un élevage agricole, une industrietextile et un salon de coiffure). Mais cette grille de lecture est trop étriquée pour rendrepleinement compte de la spécificité des aires urbaines : il n'est pas surprenant que lesactivités du secteur primaire sont les plus importantes dans les zones rurales, que l'ontrouve davantage d'emplois liés au autres secteurs dans des villes. Chacune de cescatégories est trop agrégée pour permettre des comparaisons fines entre territoires. Enoutre, si cette terminologie était pertinente à une époque où le principal changementéconomique était résumé par la substitution de l'industrie à l'agriculture, elle ne l'estplus dans une économie où le secteur tertiaire est très complexe et très différencié.La classification ternaire ne permet par exemple pas de rendre compte des différences,pourtant majeures, entre services aux producteurs et services aux ménages. Enfin, commetoutes les classifications sectorielles, des emplois de tous les niveaux éducatifs et de toutesles natures peuvent se trouver dans chacune des catégories, ce qui rend ardues voireimpossibles les comparaisons fines nécessaires à la hiérarchisation des aires urbaines etde l'élaboration d'une typologie.

La grille Professions et catégories sociales (PCS) présente elle aussi des avantageset des inconvénients certains, bien que celle-ci soit au contraire très fine (il existe, au

Page 40: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

40 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

niveau le plus fin, 497 postes correspondant à autant de métiers différents). Utilisée pourla première fois en 1982, la grille PCS a été rénovée pour la dernière fois en 2003 afinde « regrouper, au sein d'une même catégorie socioprofessionnelle, des professions dontla distinction était devenue obsolète, et à l'inverse, [d']éclater des professions afin de tenircompte de l'apparition de nouveaux métiers (par exemple, dans l'environnement et lesnouvelles technologies de l'information et de la communication), ainsi que de fonctionstransversales aux différentes activités industrielles (méthodes, contrôle-qualité, logistique) »selon l'INSEE6. Les PCS sont donc intrinsèquement basées sur la qualification de l'emploi.Mais aujourd'hui, la nature de nombreux emplois s'est largement complexifiée, à tel pointqu'il n'est plus forcément pertinent de connaître le titre d'un emploi pour en connaître lasubstance, c'est-à-dire la fonction économique que cet emploi rempli. « Aujourd'hui, danschaque catégorie socio-professionnelle, le travail est devenu plus complexe. Côté ouvrier,le travail à la tâche tend à disparaître pour être remplacé par un travail composite : travailsur la matière, mais aussi pilotage d'automatismes, surveillance, maintenance. Il en va demême pour les employés, les techniciens, les cadres. » (Beckouche et Damette, 1993,page 38). Deux ingénieurs- informaticiens peuvent, en pratique, remplir des fonctions trèsdifférentes et pourtant du même niveau de qualification : l'un pourra remplir des fonctionsde conception, l'autre des fonctions d'entretien ou de réparation.

Notons enfin l'existence de la grille Famille Professionnelle (FAP), élaborée dans unelogique de « filière » des entreprises et des activités et qui, par conséquent, ne permet pasnon plus une analyse fonctionnelle de la division spatiale du travail.

2. La grille d'analyse structurale-fonctionnelleLe cœur du problème réside donc, pour l'essentiel, dans l'impossibilité qu'ont les PCS àrendre compte de la complexification de la nature du travail et notamment des nouveauxrapports entre services et productions (services aux producteurs) tels que nous les avonsévoqués dans le chapitre précédent. Néanmoins, les PCS ont l'avantage de pouvoir êtreaisément réparties au sein de nouveaux agrégats. Ils constituent donc une base dedonnées pouvant servir à l'élaboration de nouveaux outils statistiques plus appropriés à lacatégorisation fonctionnelle des emplois. Cette modularité des PCS permet de construiredes indicateurs plus pertinents afin de mettre en œuvre, de manière empirique, des modèlesde type FIO par exemple. C'est notamment l'objet de la « grille structurale-fonctionnelle »créé par Pierre Beckouche et Félix Damette, chercheurs du laboratoire STRATES, et dontl'objet est de fournir une grille d'analyse globale de l'emploi sur la base des fonctionséconomiques remplies par les emplois et non sur la base du simple titre du travailleur oula qualification de son métier. Selon les auteurs, cette évolution semble être dictée parles développements « au sein même de l'industrie, où se sont développées des fonctionscomme la conception, les essais, le contrôle qualité, la logistique, le marketing, la publicité,la communication. [...] L'économie se caractérise, aujourd'hui, de moins en moins par lecloisonnement sectoriel, ou par la prééminence de tel ou tel secteur, et de plus en plus parles relations entre ces secteurs, par la circulation des biens et des services, par l'intégrationdes fonctions » (Beckouche et Damette, 1993, page 38). Enfin, l'analyse fonctionnellepermet de mieux rendre compte des complexes articulations entre l'économique et le social :les grandes entreprises n'installent leur siège que dans des villes où la fonction culturelleest relativement importante, par exemple.

6 En l'occurrence, le site Internet de l'Insee

Page 41: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 41

La « grille structurale-fonctionnelle » distingue, au niveau le plus agrégé, entre plusieurs« sphères » d'activité économique ainsi que plusieurs fonctions assurées par les emplois7.En ce qui concerne les « sphères » d'activité, les auteurs séparent les emplois liés à desfonctions de production d'une part, de ceux liés à des fonctions de reproduction socialed'autre part. La production concerne la production matérielle ou immatérielle de valeurajoutée tandis que la reproduction sociale concentre l'ensemble des services aux ménages,que cela soit au niveau de l'ensemble de la population (éducation jusqu'au secondaire parexemple) ou au niveau d'une partie de la population seulement (éducation supérieure parexemple). Les appelés du contingent (armée) constituent une catégorie à part puisqu'il neremplissent ni une fonction de production, ni une fonction de reproduction sociale.

Au sein de ces deux sphères, les auteurs distinguent les fonctions d'autorité(administration publique, sécurité, justice), de développement humain (santé, culture), deproduction « abstraite » (conception, gestion), de production « concrète » (fabrication) et lesfonctions aval (distribution). L'ensemble des PCS, tels que relevés lors des recensementsgénéraux de 1982 et de 1990 ont été ventilées dans ces fonctions qui reflètent lesdeux sphères d'activité mentionnées (reproduction sociale pour les fonctions d'autorité, dedéveloppement humain et les fonctions aval, production pour les deux autres).

Les résultats fournis par la grille ont été probants dans la mesure où ces auteurs ontpu, pour la première fois, rendre compte de l'évolution complexe des différentes fonctionset ainsi éclairer les processus de hiérarchisation urbaine. « Au sein de la production,l'opposition est grande entre le recul rapide de la production des biens matériels (agricultureet industrie) et la forte croissance des services liés à la production. En dépit de cela, lasphère de la production perd des emplois. Au sein de la reproduction sociale, ce sont lesservices banals aux ménages qui créent le plus d'emplois [...] la distinction production/reproduction est particulièrement éclairante dans l'analyse de l'économie urbaine [...] Onopposera les cas de Lyon, très tourné vers la production (biens et services), et de Toulouse[où] la reproduction sociale occupe une place élevée » (Beckouche et Damette, 1993, page43). La grille permet en outre d'esquisser des profils-type d'aires urbaines : le profil lyonnaisest similaire au profil parisien, celui de Toulouse ressemble à celui de Grenoble etc.

La grille d'analyse structurale-fonctionnelle a, en outre, permit d'apporter des réponsesaux questions relatives à la polarisation du territoire, notamment dans un contexte dequestionnement quant aux effets de la décentralisation entamée en 1982. L'enquêtedes chercheurs8 a montré que la région Ile-de-France représentait « entre le tiers et lamoitié des fonctions éminentes, notamment la culture et le commandement de l'économienationale » (Beckouche et Damette, 1993, page 43). La région parisienne, entre 1982 et1990, a capté plus de la moitié de la création totale de l'emploi, notamment les emplois liésà ces mêmes fonctions éminentes. Selon cette première étude proprement fonctionnelle, onconstate donc une polarisation du territoire, la région parisienne bénéficiant d'un dynamismeplus important que les régions de province.

L'utilisation de la grille d'analyse structurale-fonctionnelle, malgré les progrès dansl'analyse qu'elle a contribué à réaliser, a depuis été abandonnée pour plusieurs raisons.D'abord, l'utilisation de la grille n'est pas tout-à-fait commode puisqu'elle requiert de jonglerentre différents niveaux d'analyse (sphères d'activités et fonctions) qui s'emboitent et serecoupent, faisant de la grille un outil dont les résultats ne sont pas aisément communicablesaux personnes non-initiées à la complexité de ses articulations. Mais la grille a surtout

7 voir annexe 2 pour une présentation plus précise du modèle8 réalisée par la direction régionale de l'Insee-Rhône-Alpes

Page 42: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

42 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

été critiquée au sein même de la communauté des statisticiens en raison de l'influencequ'ont pu avoir dans sa conception et dans sa sémantique les thèses archéo-marxistes etbourdieusiennes. Cela se ressent en particulier dans la première distinction opérée par lemodèle entre « production » et « reproduction-sociale », ou encore la fonction d'autorité. Sonusage n'a donc pas été adoubé par l'approbation de tous les chercheurs. C'est la raison pourlaquelle d'autres grilles ont été élaborées, notamment celle des « fonctions métropolitainessupérieures ».

II. Développements de l'analyse fonctionnelle des territoires : EMS etAFE

Si la grille d'analyse structuro-fonctionnelle a été abandonnée, ce n'est pas le cas del'analyse fonctionnelle des territoires dans son principe. D'autres outils d'analyse ont vu lejour, notamment les Emplois métropolitains supérieurs (EMS) et l'analyse fonctionnelle del'emploi (AFE).

1. Les Emplois métropolitains supérieurs et les résultats obtenusLes « Emplois métropolitains supérieurs » (EMS) reflètent une volonté de dépasser lesanalyses sectorielles ou par profession et d'approfondir l'analyse fonctionnelle des territoiresen proposant une alternative à la « grille structurale-fonctionnelle ». Ces EMS résultent dela construction préalable des Fonctions métropolitaines supérieures (FMS). Les FMS sontelles-même fabriquées par l'agrégation de PCS en ensembles cohérents et pertinents etont pris le relais des anciennes « fonctions stratégiques » (Julien, 1994). Selon le principalartisan des fonctions métropolitaines supérieures, l'économiste-statisticien Philippe Julien,les FMS sont une sélection de fonctions choisies « selon trois critères : elles sont à la foisaisément identifiables, davantage présentes dans les villes (et, de fait, d’autant plus que laville est importante), et correspondent essentiellement au plus haut niveau de qualification,de type cadre ou ingénieur » (Julien, 2002, page 4). Par rapport à la « grille structuralefonctionnelle », les FMS ont donc pour ambition d'être plus aisément communicables et plusappropriées aux études spécifiquement urbaines. Onze fonctions ont été identifiées dès1994, sur la base du recensement de 1990, et qualifiées de « métropolitaines supérieures »,« symboles de dynamisme, de décision, porteuses d'images positives » (Julien, 2002, page1). Ont en l'occurrence été distinguées les onze fonctions d'art, de banque-assurance,de commerce, de commerce dans l'industrie, de gestion, d'information, d'informatique, derecherche, de services aux entreprises, de télécommunications et de transports. Les FMSne couvrent donc pas l'ensemble des emplois (les fonctions liées à l'économie industriellecomme la fabrication en sont exclues).

Les PCS réparties dans ces fonctions sont typiquement liées aux grandes villes« supérieures », elles en « illustrent le rayonnement » (Julien, 2002, page 1). L'ensemblede ces professions constitue donc les « emplois métropolitains supérieurs ». Les villesqui en concentrent le plus bénéficient d'une meilleure image de marque (Julien, 1996) ;ce sont des villes qui attirent. La grille FMS consiste à mesurer la proportion d'EMS dansl'emploi total d'une aire urbaine. Cette proportion des EMS devient est alors un indicateurdu degré de développement métropolitain et permet d'effectuer des comparaisons diverseset instructives.

L'utilisation des EMS permet, en premier lieu, de donner un aperçu de la situationéconomique à l'échelle de la France métropolitaine. Julien (2002) constate en effet

Page 43: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 43

l'augmentation (relativement au reste de l'emploi) des EMS et leur concentration danscertaines aires urbaines. L'analyse de cette concentration permet dans un second lieu demontrer la polarisation, la spécialisation et la hiérarchisation des airs urbaines.

La part des EMS dans l'emploi total a augmenté entre 1990 et 1999, passant de7,1 à 7,9% à l'échelle du territoire métropolitain. Les EMS sont par nature très présentsdans les villes. Cette concentration des fonctions supérieures est significative : tant pour lerecensement de 1990 que celui de 1999, 15 aires urbaines concentrent 68% des EMS. Ces15 premières aires urbaines sont les mêmes pour les deux recensements, ce qui souligne laconstance de cette concentration. L'aire urbaine de Paris figure en tête de liste avec 16% deson emploi classé dans les EMS, suivie notamment de Grenoble (12,7%), Toulouse (12%),Montpellier (11,4%), Lyon (10,6), Strasbourg (9,5%). En outre, la concentration des EMSdans un nombre restreint d'aires urbaines va croissant. On observe en effet, entre 1990 et1999, que la part des EMS dans les villes de moins de 20000 habitants n'a crut que de 0,1%alors qu'elle a crut de 1,1% dans les villes de plus de 200000 habitants et même de 11,7% àParis. La croissance des EMS est significativement plus importante pour les villes grandesou très grandes : la part des EMS dans l'emploi des villes de 100 000 à 200 000 habitantscomme pour les villes de plus de 200 000 habitants a crut de plus de 20%. L'écart se creusedonc entre les villes déjà grandes et les petites aires urbaines, ce qui illustre empiriquementle processus cumulatif du modèle centre-périphérie (chapitre 1).

D'une manière générale, se sont les villes de l'ouest qui ont le plus bénéficié de cettecroissance ente les deux recensements, notamment Rennes, Pau, Nantes, La Rochelle,Angers... L'attractivité importante des régions du sud et de l'ouest a été récemmentconfirmée par l'étude des résultats du recensement 2006 (Baccaïni, 2009). Or ce sontaussi les villes les plus dynamiques sur le plan démographique qui ont le plus bénéficiéde l'agglomération des EMS, notamment les fonctions d'art, de télécommunications,de recherche, d'information et d'informatique, ce qui suggère le caractère urbain deces migrations vers l'ouest et le sud. En effet, même au sein des territoires du sudet de l'ouest, globalement moins urbanisés que l'Est, ce sont les plus grandes villesqui captent l'essentiel des migrations de population (Baccaïni, 2009). Cette corrélationentre croissance démographique et agglomération des EMS est en droite ligne avec lesconclusions des chapitres 1 et 2 selon lesquelles les aires urbaines se multiplient et sedéveloppent lorsque les aires urbaines de premier rang (Paris) ont atteint un seuil desaturation démographique. La croissance démographique de ces villes reflètent en partiela décroissance démographique des aires urbaines saturées comme celle de Paris.

La concentration des EMS est, de plus, toujours plus faible à mesure que l'on s'éloignedu centre ville, quelle que soit l'aire urbaine considérée, ce qui renforce l'hypothèse del'agglomération des activités de pointe en centre ville et la forme « en cloche » de larépartition de celles-ci, le centre ville étant plus intense en EMS que la périphérie. C'est unedes principales caractéristiques de la ville post-industrielle et des nécessaires interactionsde face-à-face entre les unités de coordination et de commandement des firmes.

La grille des EMS permet également une analyse de la spécialisation des airesurbaines. En effet, la différence entre la croissance des EMS dans les grandes villes et dansles autres s'accompagne d'une différence croissante dans la répartition des fonctions, cequi tend à faire émerger une polarisation et une hiérarchisation des aires urbaines. Paris sedémarque de plus en plus nettement des premières grandes villes régionales. La capitale secaractérise, en 1999, par une très forte concentration, voire le monopole de la fonction art.L'aire urbaine de la capitale accueille, en outre, plus de 30% des emplois liés à la fonctionde services aux entreprises et plus de 60% de la fonction d'information. La capitale est

Page 44: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

44 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

la première concentration métropolitaine pour ces deux fonctions. Cette supériorité de lacapitale dans la concentration de services à la production a récemment été confirmée parPottier et Salembier (2007) dans un article au titre clair : « Pôles d'emplois franciliens : quatreemplois sur dix dans les services à la production ». En revanche, les EMS des fonctionsRecherche et Informatique sont particulièrement bien représentées à Toulouse, à Grenobleet à Montpellier. Comme les modèles de type FIO le suggèrent, ces fonctions sont moinsliées au commandement qu'à l'exécution.

Les EMS permettent enfin de dégager des systèmes de villes. L'ensemble composépar les aires urbaines de Lyon et de Grenoble est équilibré malgré un caractère industrielmarqué. Toulouse est équilibrée aussi, malgré une faible présence d'emplois dans lafonction de banque-assurance. La situation est inverse à Lille, qui est très spécialiséedans cette fonction. Aucune des villes de l'ouest (Nantes, Rennes, Tours, Angers, le Mans,Poitiers...) n'est équilibrée. Mais réunies, ces villes forment un ensemble équilibré, chacunede leur spécialité urbaine complétant celle des autres villes. Les EMS de cet ensemble deville de l'ouest à crut près de deux fois plus que les EMS pour les villes de l'est commeStrasbourg, Metz, Mulhouse, Montbéliard... Notons pour conclure que la relation entre lataille et la croissance des EMS n'est pas vérifiée pour toutes les aires urbaines. En 1999,l'aire urbaine de Niort, malgré sa petite taille, présentait une spécialisation fonctionnellesimilaire à celle de villes bien plus importantes, notamment en raison de la concentrationde sièges de sociétés d'assurance. Cela montre à quel point l'agglomération des fonctionsde pointe dans les villes post-industrielles est une fonction de la présence de firmessimilaires (économies de localisation) qui permet les nécessaires échanges informationnels.La présence des sièges de sociétés d'assurances à Niort a engrangé un processus cumulatifd'agglomération de ce type d'activité, les autres sièges s'y installant dans le but de bénéficierd'économies de localisation.

La plupart des résultats obtenus par l'utilisation de la grille EMS sont confirmés parnotre cas pratique (chapitre 4) et l'utilisation de la grille d'analyse fonctionnelle de l'emploi(AFE) dont nous faisons d'abord une présentation détaillée.

2. Présentation d'un nouvel outil : l'analyse fonctionnelle de l'emploi (AFE)L'analyse fonctionnelle de l'emploi est le fruit d'une longue démarche puisqu'elle s'inscritdans la continuité des modèles d'analyse fonctionnelle, héritière des travaux de Beckouche,de Damette et de Julien notamment. Elle adressee directement le problème évoqué plushaut : la différence de nature entre l'urbanisation et la métropolisation, deux phénomènessouvent amalgamés. Le simple constat de la hausse du nombre de personnes vivanten ville ne permet pas de rendre compte de la nouvelle division spatiale du travail quil'accompagne. L'analyse de la nature de l'emploi importe plus que le nombre d'emploi dèslors que l'on souhaite mettre à jour des systèmes de villes et des hiérarchies urbaines.Toutes les personnes, tous les emplois ne se métropolisent pas puisque seules certainesfonctions économiques font l'objet d'une concentration croissante et d'un certain dynamismeéconomique. L'AFE a pour objectif de déterminer avec précision la nature de ces fonctionset l'ampleur de ce dynamisme économique. L'approche fonctionnelle est privilégiée pour lesmêmes raisons que celles évoquées plus haut : les autres nomenclatures ne permettentpas de donner une bonne image du rôle joué par les villes dans le système économique.

Les résultats obtenus par l'utilisation de la grille EMS avaient l'intérêt d'être trèsaisément communicables : un seul indicateur, le degré de concentration des EMS,traduisait l'essentiel de l'information. Mais cette excessive agrégation est aussi son principaldéfaut, sans compter que l'exclusion de tous les emplois ne relevant pas des fonctions

Page 45: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 45

« supérieures » diminue la pertinence de l'outil dès lors qu'il s'agit de l'appliquer àl'ensemble du territoire. L'AFE a donc aussi pour objectif de permettre une analyse fine dela spécialisation des aires urbaines mais aussi de tous les types de territoires.

Comme pour les précédentes grilles d'approche fonctionnelle de l'emploi, l'AFE estune redistribution des PCS au sein de différentes fonctions qu'il a fallu concevoir. A lasource même de la grille se trouvent donc les recensements généraux de 1982, 1990 et1999. La fabrication des fonctions requiert dans un premier temps l'identification des PCS« stratégiques ». Ce terme polysémique peut en réalité désigner plusieurs critères (Reynard,2001). Les PCS stratégiques doivent d'abord refléter une forte spécificité « métropolitaine »,c'est-à-dire être davantage concentrées dans les grandes aires urbaines. On doit aussis'attendre à ce que l'effectif des PCS stratégiques soit en augmentation, ce qui traduiraitleur dynamisme. Elles devraient en outre avoir un effet d'entrainement sur la croissance del'emploi total de l'aire urbaine et, enfin, concerner essentiellement des professions à hautniveau de qualification.

Les PCS propres aux métropoles ont été identifiées par l'analyse de l'emploi au sein del'ensemble des 12 aires urbaines de plus de 200 000 emplois (qui comprend donc Paris),soit près de 40% de l'emploi national en 2001. Les PCS dont l'effectif est en plus fortecroissance ont aussi été relevées, mais cette fois-ci au niveau national. Les PCS ayant uneffet d'entrainement sur l'emploi de l'aire urbaine ont été identifiées grâce à l'utilisation desrésultats des recensements de 1990 et de 1999. « Il s'agit donc d'identifier les PCS pourlesquelles il y a une corrélation significativement positive entre leur part en 1990 dans l'aireurbaine et l'évolution de l'emploi total de l'aire urbaine entre 1990 et 1999 » (Reynard, 2001).l'analyse a été menée ici à l'échelle des 61 aires urbaines de plus de 50 000 emplois en2001 (sauf Paris en raison de la diminution de l'emploi total dans la capitale). Un calculde corrélation a ensuite été effectué pour 454 PCS. Il en résulte que les coefficients decorrélation les plus élevés concernent des emplois liés aux services à la population (publicsou privés) et très peu les emplois dans la production. Cela confirme le dynamisme des villesplutôt tertiaires. A contrario, les emplois de types ouvriers sont négativement corrélés à lacroissance de l'emploi dans l'aire urbaine.

Une fois ce travail d'identification des PCS stratégiques et non-stratégiques réalisé,l'ensemble des 454 PCS a été ventilé au sein de 15 fonctions dont le tableau 1 ci-dessousoffre une présentation et quelques exemples illustrant leur contenu9.

Tableau 1 : Les quinze fonctions de la grille AFE

9 Voir annexe 3 pour une présentation exhaustive des PCS composant les 15 fonctions

Page 46: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

46 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Fonctions Description (exemples d'emplois en PCS 1982)Administrationpublique

Emplois liés aux activités régaliennes et d’administration de l’État etdes collectivités locales, hors services de la santé, de l'éducation.Elle intègre en particulier toutes les professions de la sécuritépublique et de la justice (Personnels admin de cat A de l'état (saufimpôts, trésor, douanes, PTT ), Personnes exerçant un mandatpolitique ou syndical)

Agriculture et pêche Ensemble des professions concourant directement à la productionagricole, à la pêche ou à l'exploitation forestière (Ouvriers de laviticulture et de l'arboriculture fruitière, Marins-pêcheurs et ouvriersde l'aquaculture)

Bâtiment, travauxpublics

Ensemble des professions concourant directement à la constructionde bâtiments et d'ouvrages de travaux publics (Ouvriers non qualifiésdu second œuvre du bâtiment, Géomètres et topographes)

Commerce inter-entreprise

Professions en relation directe avec le commerce de gros et lecommerce entre les entreprises, que ce soit pour l'achat ou la vente(Petits grossistes en produits non alimentaires, Ingénieurs et cadresdes achats et approvisionnements industriels)

Conception,recherche

Professions de la conception, de la recherche et de l'innovation.Dans l'industrie, elles recouvrent les phases préliminaires à lafabrication. Elle se distingue de la fonction Prestations intellectuellespar la dimension d’innovation incluse dans les travaux des métiersconcernés (Chercheurs de la recherche publique, Dessinateursprojeteurs en construction mécanique et chaudronnerie)

Culture, loisirs Professions de la culture et des loisirs, sportifs ou non (Journalistes,secrétaires de rédaction Artistes dramatiques, danseurs

Distribution Ensemble des professions de la vente aux particuliers, y comprisl'artisanat commercial (Boulangers, pâtissiers (sauf activitéindustrielle), Petits détaillants en alimentation générale)

Éducation, formation Métiers de l’enseignement scolaire et universitaire (primaire,secondaire et supérieur) et de la formation professionnelle, y comprisl’organisation de ces enseignements. Cette fonction n'intègre pasles animateurs sportifs ou de loisirs qui sont inclus dans la fonctionCulture-loisirs (Enseignants de l'enseignement supérieur, Directeursd'établissement d'enseignement secondaire et inspecteurs)

Entretien, réparation Professions prioritairement orientées vers l'entretien et lamaintenance, hors bâtiment et travaux publics, ainsi que le traitementdes déchets et les professions orientées vers l'environnement(Artisans mécaniciens réparateurs d'automobiles, Dépanneursqualifiés en radio-télévision, électroménager)

Fabrication Ensemble des professions consistant à mettre en œuvre desmatériels ou des processus techniques, hors agriculture et pêcheet hors BTP. Pour l’essentiel il s’agit des métiers concourantdirectement aux différentes étapes de la production de biensmatériels et d'énergie (Ouvriers qualifiés de la métallurgie, du verre,de la céramique et des matériaux de construction, Ouvriers nonqualifiés du textile et de la tannerie-mégisserie)

Gestion Professions de la gestion d'entreprise, de la banque et de l'assurance(Chefs d'entreprise de l'industrie ou des transports, de 10 à 49salariés Standardistes, téléphonistes)

Transport, logistique Professions du transport des personnes et des flux de marchandises(Conducteurs routiers et grands routiers (salariés), Responsablesd'entrepôt, de magasinage)

Prestationsintellectuelles

Professions de mise à disposition de connaissances spécifiques pourle conseil, l'analyse, l'expertise, etc. (Programmeurs, préparateursde travaux en informatique (hors fonction publique), Cadres chargésd'études économiques, financières, commerciales)

Santé, action sociale Professionnels de la santé et de l'action sociale, y compris lespharmaciens (Médecins libéraux généralistes, Spécialistes del'appareillage médical)

Services de proximité Professions des services de la vie courante, hors distribution,transport, éducation et santé (Assistantes maternelles, gardiennesd'enfants, travailleuses familiales, Clergé régulier)

Page 47: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 47

Source : INSEE et Psar Synthèse Locales 2008La création de cette grille a notamment permis la suppression des anciens EMS au profit

de la fabrication d'un nouveau groupe, les « Cadres des fonctions métropolitaines » (CFM)qui regroupent la conception-recherche, les prestations intellectuelles, la culture et lesloisirs notamment. En outre, un premier regard sur la grille permet aussi d'identifier lesfonctions liées à l'économie résidentielle, notamment l'éducation et la formation (le systèmeéducatif jusqu'au secondaire est réparti de manière à peu près homogène sur le territoire),la distribution et les services de proximité qui, par nature, ne discriminent pas les plus petitesaires urbaines comme cela est notamment montré par le modèle de Christaller (1933, voirchapitre 2).

Cette grille est aussi, à plusieurs égards, une innovation par rapport à la grille dulaboratoire STRATES (Psar Synthèses Locales, 2008). Sur le plan conceptuel, la distinctionopérée entre production « concrète » et « abstraite » a été remplacée par la distinctionentre les fonctions de mise en œuvre de moyens matériels (fabrication, BTP, Entretien-réparation) et de conception ou d'expertise. Au sein de celles-ci, la grille AFE distingueencore entre la conception et la recherche d'une part et les prestations intellectuelles d'autrepart. Cette distinction est donc plus riche de sens que la fonction « production abstraite » dela grille STRATES qui amalgamait toutes ces différences. La fonction de production concrètes'est quant à elle divisée en BTP d'une part et Agriculture et pêche d'autre part, distinctionpertinente puisque leur répartition sur le territoire ne saurait être, par nature, homogène.Par ailleurs, la fonction de justice dans la grille STRATES (sous-fonction de l'autorité) a étéintégrée aux prestations intellectuelles (à l'exception des magistrats, qui en France relèventplutôt de l'administration publique). Il en va de même pour la sécurité, autre sous-fonctionde l'autorité (sauf pour la sécurité privée, intégrée aux services de proximité). La fonctionde nettoyage (sous-fonction aval de la grille STRATES) a été agrégée à celle d'entretien-réparation.

Mais l'intérêt principal de la grille – sa raison d'être – est de permettre l'étude de laspécialisation fonctionnelle des aires urbaines. Il est nécessaire pour cela d'avoir recours àun « indicateur de spécificité » permettant de mesurer le degré de spécificité de chaque aireurbaine pour chacune des 15 fonctions. Cet indice de spécificité est donné par la formulesuivante :

If, au = (Nf, au / Nf, France) / (N total, au / N total, France)

où :I : indice de spécificitéN : nombre d'emploisf : fonction considéréeau : aire urbaine ou ensemble d'aires urbaines considéré(strate)France : ensemble des aires urbaines françaisesLorsque l'indice de spécificité est égal à 1, la zone géographique (l'aire urbaine ou

la strate d'aires urbaine10) n'est ni spécialisée ni sous-spécialisée dans cette fonction.Cela signifie que la part de cette fonction dans la zone géographique est la même quela part de la zone géographique dans l'emploi total. Si l'indice est supérieur à un, la zonegéographique est relativement spécialisée dans cette fonction. Si l'indice est inférieur à un,la zone géographique est relativement non-spécialisée dans cette fonction. Mais un indice à

10 Une strate d'aire urbaine est un regroupement cohérent d'aires urbaines. Voire chapitre 4.

Page 48: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

48 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

la fois différent et trop proche de 1 n'est pas signifiant et ne permet pas de suffisamment biencaractériser le territoire en question. C'est pourquoi nous avons fixé le seuil de significationà moins de 0,8 et à plus de 1,2. Une fonction dont l'indice de spécificité serait inclus entre 0,8et 1,2 ne serait donc pas considérée comme une spécialisation fonctionnelle de ce territoire,mais plutôt une fonction « neutre » ou équilibrée, ni plus ni moins représentée qu'ailleurs.

Il faut toutefois être vigilant à la relativité de cet indice : celui-ci donne toujours uneindication relativement au reste du territoire et ne donne aucun indication sur la valeurabsolue de l'emploi dans la strate. Une zone géographique non-spécialisée en une fonctionpeut néanmoins accueillir beaucoup plus d'emplois dans cette fonction qu'une autre zonegéographique.

Cet indice de spécificité permet de mesurer l'importance relative pour une zonegéographique d'une fonction donnée. Son utilisation combinée à celle de l'AFE permet dedresser une typologie des villes sans être limité par des considérations de taille des airesurbaines, et de donner une image concrète de la différenciation des agglomérations et dela dynamique urbaine.

Chapitre 4. Exploitation de la grille d'analysefonctionnelle de l'emploi

Ce chapitre a pour objet de présenter les résultats de l'exploitation de la grille AFE présentéedans le chapitre 3. L'objectif est de fournir une présentation empirique non seulement del'agglomération, qui peut bien se passer de l'AFE pour être constatée dans la vie de tous lesjours, mais aussi du processus de différenciation et de la hiérarchisation des aires urbaines,ce que nous appelons la « dynamique urbaine ». La mise en évidence des spécificitésfonctionnelles des villes et de leur évolution dans le temps nous permettra de dresser unetypologie empirique des villes qui rendra compte de la justesse des prévisions théoriquesbasées sur les modèles des chapitres précédents.

La source de notre échantillon est constituées des données recueillies par lesrecensements généraux de la population française métropolitaine de 1982, 1990 et 1999.Ces recensements ont permis de recueillir l'ensemble des PCS des français sur ces troisdates. Mais pour les besoins de notre travail ne sont comptabilisés que les emplois au lieude travail par aire urbaine. Les chômeurs sont donc exclus de notre analyse, ce qui se justifiedans la mesure où l'on ne cherche pas à mesurer la corrélation entre la qualité de l'emploi etle taux de chômage, ce qui pourrait faire l'objet d'un autre mémoire, mais à rendre comptedes spécialisations fonctionnelles des emplois en ville.

Le champ de notre étude est limité à la France métropolitaine. Ce champ est lui-mêmedivisé en 357 agrégats que sont l'emploi de chacune des 354 aires urbaines (AU) tellesque délimitées en 1999, l'emploi de l'ensemble (agrégé) des communes multi-polarisées,l'emploi recensé au sein de l'espace rural, ainsi que l'emploi total en France métropolitaine.

La tache aurait été stakhanoviste s'il eu agit de prendre chacun de ses agrégats et d'enfaire une analyse détaillée. Nous avons donc créé de nouveaux ensembles en fusionnantles différents agrégats au sein de strates d'aires urbaines, à l'image des strates géologiques,délimitées par la cohérence de leur matériau. L'hypothèse est postulée qu'il existe unecorrélation en général assez significative entre la taille de l'aire urbaine et sa spécificité

Page 49: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 49

fonctionnelle. C'est ce qui justifie que nous ayons eu recours à 5 strates d'aires urbaines,comme le résume le tableau ci-dessous11. Chaque ensemble d'aires urbaines a été arrêtéde telle sorte qu'il englobe environ un cinquième de l'emploi national afin de conserver deszones à peu près homogènes en termes de nombre d'emplois. Le total de l'emploi en Francene figure pas dans les ensembles que nous analysons : il ne permet pas de spécifier, pardéfinition, un territoire en particulier. Nous nous contentons de nous servir de cette entréecomme référence ainsi que pour les calculs d'indices de spécificité.

Tableau 2 : Composition des strates d'emplois

Nom Champ Entréesagrégées

Emploi total

Strate 1 Paris 1 AU 5 089 179Strate 2 Aires urbaines de plus de 200 000 emplois, hors

Paris11 AU 4 036 764

Strate 3 Aires urbaines de 50 000 à 200 000 emplois 50 AU 4 814 397Strate 4 Aires urbaines de moins de 50 000 emplois 292 AU 4 591 107Strate 5 Communes multi-polarisées et RUR 2 entrés 4 269 200

Notre utilisation de la grille AFE a été marqué par deux étapes, dont nous nousproposons de retranscrire ici les résultats. Dans un premier temps, nous avons réaliséune étude statique des données (I), c'est-à-dire qu'elle n'est basée que sur les donnéesrecueillies pour l'année 1999. Cette première partie rend compte des différentes airesurbaines, de leur hiérarchisation et de leur spécificité fonctionnelles et nous permetd'esquisser une typologie empirique des fonctions et des aires urbaines s'inscrivant endroite ligne avec les résultats théoriques obtenus aux chapitres 1 et 2. Dans un secondtemps, nous réalisons une étude dynamique en élargissant nos sources aux donnéesdes recensements 1982, 1990 et 1999 (II). L'objectif est de rendre compte des mutationsurbaines, c'est-à-dire de l'évolution des spécificités fonctionnelles dans le temps. Lesrésultats obtenus confirment les conclusions du chapitre 2, en particulier le caractèrecumulatif de la « dynamique urbaine » selon laquelle la concentration des fonctions depointe s'accentue dans les grandes et très grandes villes tandis que d'autres territoires sontclairement en perte de vitesse.

I. Analyse statique 1999 : Une typologie empirique des villesL'analyse est ici statique dans la mesure où elle ne s'appuie que sur les données d'uneannée, en l'occurrence le recensement 1999. Nous réalisons d'abord un « dégrossissage »grâce à l'analyse globale par strates (1) puis une analyse davantage détaillée par aireurbaine (2).

1. Analyse globale par strates d'aires urbainesIl y avait 22 800 647 emplois en France en 1999. La grille AFE révèle l'importancedes fonctions de gestion et de fabrication qui, à elles seules, occupent près du quartde l'emploi total en France métropolitaine (tableau 1). La répartition globale des emploisdans les fonctions est assez linéaire (graphique 1), ce qui donne, pour chaque fonction,une information sur son caractère commun ou non. En l'occurrence, les emplois dans

11 voir annexe 4 pour une présentation détaillée des différentes strates

Page 50: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

50 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

les fonctions de culture et de loisirs, conception-recherche et prestations intellectuellesnotamment sont rares relativement aux emplois des fonctions de gestion, fabrication etservices de proximité. Ce résultat attendu est rassurant quand à la justesse de la conceptionde la grille AFE.

Tableau 3 : Emploi total par fonction, France métropolitaine, 1999

Fonction Emploi Part (%)Gestion 2 880 136 12,63Fabrication 2 550 295 11,19Services de proximité 2 127 297 9,33Transports et logistique 2 028 324 8,90Administration publique 2 012 735 8,83Entretien, réparation 1 870 668 8,20Santé, action sociale 1 703 821 7,47Distribution 1 609 843 7,06BTP 1 366 934 6,00Éducation, formation 1 234 361 5,41Agriculture et pêche 893 774 3,92Commerce inter-entreprise 861 147 3,78Prestations intellectuelles 718 589 3,15Conception, recherche 536 766 2,35Culture, loisirs 405 957 1,78Emploi total 22 800 647 100

Sources : données INSEE, calculs J.-M. Hautenauve

Graphique 1 : Nombre d'emploi par fonction, France métropolitaine, 1999Sources : données INSEE, calculs et graphique J.-M. HautenauvePremière strate : Paris, ville globale

Page 51: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 51

L'aire urbaine de Paris est de loin la plus large de France, avec 5 089 179 emploisen 1999, soit 22% de l'emploi métropolitain. Comme le montre le tableau 3, les fonctionsde gestion, services de proximité, administration publique et de logistique sont les plusreprésentées dans cette aire urbaine, en termes absolus. Le nombre d'emplois dans lafonction de gestion est d'ailleurs particulièrement important et représente plus de 30% del'emploi national pour cette fonction. Cela reflète bien le rôle de capitale économique jouépar l'aire urbaine parisienne.

La part des fonctions dans l'emploi parisien n'est pas directement corrélé à la partdes fonctions dans l'emploi national (tableau 3). Par exemple, les fonctions de conception-recherche et de culture-loisir ne comptent que peu d'emplois relativement à l'emploi parisien(moins de 3,3%), mais représentent respectivement 30,93% et 41,51% des emplois enFrance métropolitaine pour ces fonctions. Les écarts sont tout aussi probants pour lesfonctions de prestations intellectuelles, d'éducation et de formation comme de commerceinter-entreprise, ce qui rend compte de la concentration de ces fonctions dans cette strate.A l'inverse, l'aire urbaine parisienne ne compte que 2% des emplois dans l'agriculture et lapêche et 12% de la fabrication, ce qui était là aussi un résultat attendu.

Tableau 4 : Répartition fonctionnelle de l'emploi, aire urbaine de Paris, 1999

Fonction Part de la fonctiondans l'emploi de lastrate

Part de la fonction dans l'emploi total en France (%)

Gestion 18,21 32,17Servies de proximité 9,69 23,18Administration publique 9,35 23,65Transports, logistique 9,03 22,67Santé, action sociale 6,84 20,44Entretien, réparation 6,52 17,73Fabrication 6,27 12,51Prestations intellectuelles 6,27 44,4Distribution 5,89 18,62Commerce inter-entreprise 5,72 33,8Éducation, formation 4,87 20,07BTP 4,38 16,3Culture, loisirs 3,31 41,51Conception, recherche 3,26 30,93Agriculture et pêche 0,39 2,21

Sources : données INSEE, calculs J.-M. HautenauveCes écarts entre la part de la fonction dans l'emploi parisien et la proportion de cette

part dans l'emploi national explique que l'on ait recours à l'indice de spécificité, défini dansle chapitre 3, puisqu'il permet de mesurer le degré de spécialisation fonctionnelle de l'aireurbaine. En effet, on constate dès lors que l'AU de Paris est très hautement spécialisée dansles fonctions de prestations intellectuelles, de culture-loisirs, ainsi que dans le commerceinter-entreprise, la gestion, la conception et la recherche (graphique 2). Ce résultat estcohérent avec les conclusions que nous avons apportées dans le chapitre 2 : les prestationsintellectuelles, la gestion, la conception et la recherche regroupent notamment la grandemajorité des services avancés aux entreprises et des activités de finance.

Page 52: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

52 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

La fonction de culture et de loisirs est caractéristique de la ville globale telle que définiepar Saskia Sassen (chapitre 2): les sièges des plus grandes sociétés commerciales dumonde, à la pointe de l'économie d'archipel, ne choisissent de s'installer que dans des villesoù elles savent que leurs cadres dirigeants pourront bénéficier d'un style de vie satisfaisantleur goût présumé pour les activités culturelles ou l'éducation de leurs enfants. L'aire urbainede Paris dispose de toutes les caractéristiques des villes globales

Graphique 2 : Spécialisation fonctionnelle de l'aire urbaine de Paris, 1999Sources : données INSEE, calculs et graphique J.-M. HautenauveA l'inverse, Paris est extrêmement peu spécialisée dans la fonction d'agriculture et de

pêche, avec le plus faible indice de spécificité recensé dans notre étude (0,1). Paris estaussi très peu spécialisé dans les fonctions héritées de l'ère industrielle comme l'entretien etla réparation, le BTP et la fabrication. Les fonctions dites « intermédiaires », dont l'indice despécificité se situe à un niveau trop « neutre » pour être signifiant (entre 0,8 et 1,2), commel'administration publique, les services de proximité, les transport et la logistique, la santé etl'action sociale, l'éducation et la formation et enfin la distribution sont autant de fonctionspour lesquelles Paris n'est ni spécialisé ni sous spécialisé. Ces emplois, non-spécifiquespour cette urbaine, ne permettent donc pas de la caractériser. Ce sont en effet des fonctionsliées à l'économie résidentielle et qui sont reparties de manière assez homogène sur laquasi-totalité du territoire.

Seconde strate : les « métapoles » régionalesCette strate est composée des onze aires urbaines accueillant plus de 200 000 emplois

et présentées dans le tableau 4. Lyon est de loin la première AU de la strate, devantMarseille-Aix-en-Provence et Lille. Bordeaux, avec une population plus faible que Nice, estdevant celle-ci en termes d'emplois. L'emploi total des 11 AU est inférieur de près d'unmillion d'emplois à celui de Paris. Cette strate est assez hétérogène car constituée d'unfaible nombre d'aires urbaines fort diverses puisque le rapport d'emploi entre la premièreAU et la dernière du groupe est supérieur de 2 à 7. Mais la strate trouve sa cohérence danssa composition fonctionnelle.

Page 53: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 53

Tableau 5 : Rang par la population et emploi total des aires urbaines de plus de 200 000 emplois horsParis, France métropolitaine, 1999

Aire urbaine Rang par lapopulation

Emplois

Lyon 002 714 469Marseille-Aix-en-Provence 003 538 133Lille 004 455 543Toulouse 005 400 475Bordeaux 007 379 663Nice 006 332 935Nantes 008 293 385Strasbourg 009 268 543Rennes 012 228 445Grenoble 014 221 851Rouen 013 210 322Total 4 036 764

Source : données INSEE, 1999Le graphique 3montre les indices de spécificité par fonction pour la strate dans son

ensemble (la somme des emplois des onze aires urbaines). Ce qui frappe d'emblée est ladisparition de toute spécialisation fortement marquée. Si Paris est très spécialisée dans lafonction de culture et de loisir notamment, il n'y a pas de fonction extrêmement spécifiqueà cette seconde strate d'AU. La strate dispose néanmoins de fonctions assez spécifiquescomme la conception et la recherche, le commerce inter-entreprise et les prestationsintellectuelles. Mais globalement, on assiste à un tassement des spécificités fonctionnellesce qui se traduit par un ensemble élargi de fonctions intermédiaires (indice situé entre0,8 et 1,2). Les fonctions essentiellement liées à l'économie résidentielle sont donc plusnombreuses pour cette strate que pour celle de Paris.

On assiste aussi à un changement qualitatif dans la spécialisation de ces aires urbaines,reflétant la différenciation des villes évoquée au chapitre 2. Les prestations intellectuellessont encore caractéristiques de cette strate, mais à un niveau nettement moins accusépuisque l'indice de spécificité est ici de 1,3 contre 1,99 pour Paris. La culture et les loisirsse retrouvent en onzième position à un indice proche de 1. La culture et les loisirs ne sontdonc proprement caractéristiques que de Paris. Les grandes villes de province ne sont pascaractérisées par une part relativement forte d'emplois dans ce domaine, qui reste l'apanagehautement spécifique de la capitale. Enfin, les aires urbaines de cette strate ne sont sousspécialisées que dans les fonctions de fabrication, d'agriculture et de pêche.

Page 54: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

54 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Graphique 3 : Spécialisation fonctionnelle des airesurbaines de plus de 200 000 emplois hors Paris, 1999

Sources : données INSEE, calculs et graphique J.-M. HautenauveL'économie des villes de cette strate repose donc sur un mélange de spécialisation dans

les fonctions « globales », davantage liées à la l'économie post-industrielle, et de fonctionséquilibrées de l'économie résidentielle. Ce sont des villes qui remplissent des fonctions à lafois globales et locales, auxquelles semble donc convenir le terme de métapoles (Ascher,1995), c'est-à-dire des grandes villes, dont le poids économique est important, à la frontièrede l'économie monde, et dont les fonctions sont à la pointe du système économique.

Troisième strate : Les villes résidentielles équilibréesLa principale caractéristique de cette strate, qui regroupait 4 814 397 emplois en 1999

au sein de 50 aires urbaines12 de 50 000 à 200 000 emplois, soit près du cinquième del'emploi total en France, est une absence de spécialisation. En effet, aucune fonction nedépasse le seuil de signification de 1,2, comme le montre le graphique 4. La majorité desfonctions deviennent ainsi « intermédiaires », ce qui illustre à quel point les aires urbainesmoyennes sont caractérisées par une économie résidentielle (Davezies, 2009, cf. chapitre2). En effet, l'économie de ses villes semble reposer essentiellement sur des fonctionsde captation du revenu telles que l'administration publique, l'éducation et la formation, lasanté et l'action sociale, les services de proximité notamment. Par ailleurs, le tassementdes spécialisations fonctionnelles s'accentue, douze fonctions sur quinze n'étant pas icispécialisantes. En outre, l'agriculture et la pêche sont une fonction dans laquelle la sous-spécialisation de la strate est moins accusée que pour les deux premières.

En revanche, cette strate est caractérisée par une sous-spécialisation dans lesfonctions qui caractérisent l'aire urbaine de Paris et, dans une moindre mesure, la secondestrate. Les prestations intellectuelles et les emplois liés à la culture et aux loisirs sontrelativement absentes de cet ensemble de villes. On constate donc un renversement desspécialisations fonctionnelles au niveau de la cette strate. Deviennent sous-spécialisantesles fonctions qui étaient hautement spécialisantes dans les villes de taille plus importante.

12 Voir annexe 4 pour une présentation détaillée des aires urbaines composant la strate

Page 55: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 55

Les aires urbaines de cette taille sont donc pour l'essentiel des villes à l'économierésidentielle, situées en dehors de l'économie monde, et globalement équilibrées.

Graphique 4 : Spécialisation fonctionnelle desaires urbaines de 50 000 à 200 000 emplois, 1999

Sources : données INSEE, calculs et graphique J.-M. HautenauveQuatrième strate : héritage industrielle et économie résidentielleCette strate est composée de toutes les aires urbaines de moins de 50 000 emplois

hors espaces ruraux et communes multi-polarisées13. Regroupant 4 591 107 emplois en1999, elle englobe près du cinquième de l'emploi total en France.

Les résultats issus de l'analyse de l'indice de spécialisation des fonctions de cette stratesont probants à plusieurs égards. D'abord, comme le montre le graphique 5, la fonctionde fabrication devient spécialisante, ce qui reflète l'héritage industriel dont est empreintl'emploi de ces aires urbaines. Ensuite, le groupe des fonctions sous-spécialisées s'élargità 5, ce qui permet de rendre plus parlante notre typologie empirique des aires urbaines,puisque la conception, la recherche, le commerce inter-entreprises, la culture, les loisirs etles prestations intellectuelles sont ici largement sous-spécialisées, de manière plus accuséeencore que pour la strate précédente. Enfin, la fonction d'agriculture et de pêche n'est pas

la moins spécialisante des fonctions, puisqu'elle se trouve en 11ème position, à la limite desfonctions intermédiaires.

13 Voir annexe 4

Page 56: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

56 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Graphique 5 : Spécialisation fonctionnelle des airesurbaines de moins de 50 000 emplois, hors espace rural, 1999

Sources : données INSEE, calculs et graphique J.-M. HautenauveCette strate est donc triplement caractérisée : importance de l'héritage industriel

et agricole (dont la sous-spécialisation est moins marquée), large gamme de fonctionintermédiaires notamment dans l'économie résidentielle, et enfin sous-spécialisation danstoutes les fonctions qui caractérisaient par leur spécificité forte la seconde et surtout lapremière strate.

En outre, la tendance au tassement des fonctions, observé pour la seconde et latroisième strate, semble s'inverser au profit des fonctions dans lesquelles la première strate,notamment, est sous-spécialisée. Ce quatrième ensemble d'aires urbaines est un peu lereflet en inversé du premier et du second ensemble, mais pas de manière aussi prononcéque pour la cinquième strate.

Cinquième strate : reflet inversé de la ville globale

Cette cinquième strate14 de 4 269 200 emplois est un « résidu » composé des airesrurales15 et des communes multipolarisées16. Les résultats tirés de l'analyse des données decette strate sont eux aussi probants, comme le montre le graphique 6, puisque les fonctionssont très inégalement spécifiques : l'indice de spécificité des fonctions liées à l'agricultureet la pêche s'élève à 3,41, le plus fort indice de spécialisation de notre étude. Mais les

14 Voir annexe 415 Définition de l'espace rurale par l'INSEE : L'espace à dominante rurale, ou espace rural, regroupe l'ensemble des petites

unités urbaines et communes rurales n'appartenant pas à l'espace à dominante urbaine (pôles urbains, couronnes périurbaines etcommunes multipolarisées). Cet espace est très vaste, il représente 70% de la superficie totale et les deux tiers des communes dela France métropolitaine.

16 Communes situées hors des aires urbaines (pôle urbain et couronne périurbaine), dont au moins 40 % de la populationrésidente ayant un emploi travaille dans plusieurs aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d'entre elles, et qui formentavec elles un ensemble d'un seul tenant.

Page 57: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 57

fonctions liées au BTP et à la fabrication reflètent elles aussi une très forte spécialisationde cette strate.

En outre, sept fonctions sont devenues des sous-spécialités de cette strate. Certainessous-spécialités de la précédente sont encore davantage accusées, notamment lesprestations intellectuelles à 0,35. Même certaines fonctions liées à l'économie résidentiellecomme l'administration publique tendent ici à s'effacer.

Les fonctions intermédiaires sont réduites au nombre de cinq, ce qui rend d'autant pluspertinente l'analyse fonctionnelle de l'emploi puisque peu de fonctions ne permettent pasde qualifier, par une spécialisation ou une sous-spécialisation, ce type de territoire danslequel semble subsister néanmoins une forme d'économie résidentielle liées aux servicesde proximité, à l'entretien, à la réparation et à la distribution.

La relative constance de la fonction de culture et de loisirs, à ce niveau de la typologie,est surprenante. Elle peut être liée à la présence de professionnels du sport dans les régionsmontagneuses ou de bords de mer, ainsi qu'aux efforts prodigués par les régions ruralespour mettre en valeur leur patrimoine culturel.

Graphique 6 : Spécialisation fonctionnelle,espace rural et communes multi-polarisées, 1999

Sources : données INSEE, graphique J.-M. HautenauveA l'issue de cette analyse statique par strate d'aires urbaines, il nous est déjà possible

de proposer une typologie empirique, statique et globale, des aires urbaines en 1999.Statique car elle ne se base que sur les données de 1999, globale car les indices despécificités sont calculés sur la base d'agrégats de villes. Paris, ville globale, et suiviedes métapoles régionales, puis des villes équilibrées, des villes à fort héritage industriel etrésidentiel et enfin des espaces ruraux et les communes multipolarisées, reflets en creux dela ville globale. La progression entre chaque strate se fait de manière progressive, l'inversiondes fonctions spécifiantes entre la première et la dernière strate s'échelonne sur les cinqstrates, avec une strate intermédiaire équilibrée. L'annexe 5 présente cette progressivité dela répartition de l'emploi dans les cinq fonctions.

Page 58: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

58 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

2. Analyse détaillée par aire urbaineCette partie à pour objectif d'affiner notre étude statique et d'observer la répartition desfonctions au sein même des strates. Il s'agit, pour reprendre le cadre conceptuel élaborédans la première partie, de dégager les îles remarquables de l'économie d'archipel, cespôles de compétitivité de l'économie post-industrielle.

La méthode est la suivante. On se limite aux principales villes, ensemble que nousdélimitons aux 61 aires urbaines de plus de 50 000 emplois hors Paris. On les réparti dansdeux groupes : les onze villes de plus de 200 000 emplois d'une part et les 50 villes de plusde 50 000 emplois d'autre part. On calcul ensuite un indice de spécificité pour les fonctionsde chaque aire urbaine par rapport au groupe de l'aire urbaine. La nouveauté réside icidans le fait que l'on ne calcul plus cet indice par rapport à l'emploi total en France, mais parrapport à l'emploi total dans chacun des deux groupes. On utilise donc la formule suivante :

If, au = (Nf, au / Nf, groupe) / (N total, au / N total, groupe)

où :I : indice de spécificitéN : nombre d'emploisf : fonction considéréeau : aire urbaineGroupe : premier groupe (villes de plus de 200000 emplois hors Paris)ou second groupe (villes de 50000 à 200000 emplois)L'objet de ce nouveau calcul est de distinguer par leur spécificité relative à leur groupe

de taille les aires urbaines les plus caractéristiques de l'économie post-industrielle. Pourutiliser une métaphore sportive, on fait donc des « poules de niveau » au sein desquellesjoue chaque aire urbaine. On exclu l'aire urbaine de Paris parce qu'elle forme un groupe àelle tout seule, en raison de ses fortes particularités, et qu'il n'est pas possible de calculerla spécificité d'une aire urbaine par rapport à elle même. En d'autres termes, il n'y a pasd'autres villes en France permettant de relativiser les spécificités de Paris. Les tableauxdétaillés des indices de spécificités obtenus pour chaque aire urbaine figurent en annexe 6.

Dans le groupe des villes de plus de 200 000 emplois, trois aires urbaines se distinguenttout particulièrement : Toulouse, Grenoble et Nice. Toulouse bénéficie d'une très fortespécialisation dans la conception et la recherche et les prestations intellectuelles. Cettespécificité fonctionnelle est sans doute liée à l'industrie aéronautique et spatiale, ainsi qu'àla présence de grands centres de recherche comme celui de MétéoFrance.

Il en va de même pour Grenoble, dont la forte sous-spécialisation en agriculture,(probablement liée au massif alpin) est accompagnée d'une forte spécialisation dans lesfonctions de conception, de recherche et de prestations intellectuelles notamment grâce à laprésence d'universités très actives dans la recherche, du Synchrotron ainsi que des siègesde grands groupes comme STMicroelectronics, Sun Microsystems, Hewlett-Packard,Schneider Electric, R&D France Télécom qui favorisent nécessairement l'émergence d'uneéconomie de service au entreprises. Notons que ces très grandes firmes implantées àToulouse et à Grenoble sont pour l'essentiel des unités de recherche ou de conception etnon de commandement ou de coordination. Ce résultat est cohérent avec les conclusionsdes modèles FIO (économies de localisation recherchées par les unités d'exécution,communication avec les unités de commandement elles-mêmes agglomérées ailleurs).

Page 59: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 59

Enfin, Nice se singularise dans son groupe de taille par une forte spécificité dans lesfonctions de culture et loisirs, de la distribution et des services de proximité. Toutes cesfonctions sont les corollaires d'une économie très liée au tourisme ainsi qu'à l'économierésidentielle. Le tropisme niçois semble très apte à capter les revenus, ce qui constitue unesorte de rente du soleil.

Dans le groupe des 50 aires urbaines de plus de 50 000 emplois, plusieurs villesprésentent des indices de spécificité éclairants pour notre étude. Annecy semble êtreparvenue à conjuguer une économie résidentielle et une base productive propre àl'économie post-industrielle. Relativement à son groupe de taille, les fonctions liées àl'économie post-industrielle, comme les prestations intellectuelles, la culture, les loisirs et lecommerce inter-entreprise se démarquent par leur spécificité au sein d'un groupe de tailledont la caractéristique est généralement l'accumulation de fonctions peu spécialisantes etliées à l'économie résidentielle.

Montpellier est très spécialisée dans des fonctions habituellement propres à des villesde plus grande taille, comme la conception, la recherche, la culture, les loisirs, et lesprestations intellectuelles.

Enfin, l'exemple de Niort est édifiant. La présence des sièges de nombreuses grandesmutuelles d'assurance, de société de services avancés aux entreprises et de banques,permet à l'aire urbaine de disposer de certaines caractéristiques des villes globales, tellesqu'une spécialisation dans la gestion et prestation intellectuelles. Niort accueille en effet dessièges et des antennes de KPMG, Fiducial, Thalès, de la Banque Populaire, de la Maif, de laPAAF, de Groupama etc. Les économies d'agglomération, notamment de localisation, ainsique le processus cumulatif de l'agglomération, semblent avoir joué un rôle important à Niort,suite à un « accident historique », pour reprendre le terme de Krugman (1995) ou de Myrdal(1957), consistant en l'installation d'un siège de société d'assurance. Nous proposons enannexe 6 un compte rendu plus fin de l'analyse détaillée avec, notamment les résultats pourl'aire urbaine de Lyon.

A l'issue de cette analyse statique, il apparaît donc que certaines métapoles sedistinguent : Toulouse et Grenoble mais aussi Nice. Les nouvelles caractéristiques del'économie d'information permettent de manière surprenante à quelques aires urbainesd'émerger : on voit que ce n'est plus la taille qui importe mais la qualité de l'emploi en termesde fonctions. Ainsi, Niort, Montpellier ou Annecy ont-ils plus à voir avec Grenoble, Toulouseou Nice qu'avec les autres villes de leur groupe de taille.

II. Analyse dynamique 1982-1999 : La dynamique urbaineDans cette seconde partie nous élargissons l'étendue de notre échantillon aux donnéesissues des recensements 1892 et 1990. L'objectif est de déterminer les tendances dans leschangements de répartition des fonctions et l'éventuelle divergence ou convergence dans laspécialisation des aires urbaines. La méthode est la même que pour l'analyse statique. Nousprocédons d'abord à une analyse des cinq strates d'aires urbaines constituées plus haut. Onobservera alors la dynamique urbaine à travers les évolutions des spécificité pour les airesurbaines agrégées (1). Nous procéderons alors à une analyse détaillée afin d'affiner nosrésultats et de distinguer, le cas échéant, des trajectoires particulières au sein des agrégats(2).

1. Analyse globale à l'échelle de la France métropolitaine

Page 60: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

60 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

La variation dans la répartition fonctionnelle de l'emploi n'a pas été homogène à l'échellede la France métropolitaine sur la période 1982-1999. Les effectifs de certaines fonctionsont largement augmenté, d'autres sont restés stables et enfin certains effectifs ont diminué.Les fonctions de prestations intellectuelles, de culture-loisir et de commerce inter-entreprisefigurent parmi les augmentations les plus remarquables, comme le montre l'ensemble desgraphiques suivant. Les emplois liés aux prestations intellectuelles et à la fonction culture-loisirs ont presque doublé leur effectif sur la période considérée.

Graphique 7 : Augmentation d'effectifs les plus importantes, 1982-1999Sources : données INSEE, calculs et graphiques J.-M. HautenauveD'autres fonctions ont également vu leur effectifs augmenter à l'échelle de la France.

C'est le cas des fonctions d'administration publique, de commerce inter-entreprise, deconception-recherche, des services de proximité, de l'éducation-formation et de la santé-action sociale. Pour toutes ces fonctions, l'effectif de l'emploi a augmenté de manièreassez importante, mais somme toute modérée au regard des deux fonctions précédentes.La plupart de ces fonctions (administration publique, services de proximité, éducation-formation, santé-action sociale) sont liées à l'économie résidentielle et donc à la croissancedémographique, ce qui explique leur augmentation à la fois constante et relativementmodérée. Pour ce qui est de la conception et de la recherche, le caractère très spécifiquede la fonction explique probablement son augmentation modérée.

Page 61: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 61

Graphique 8 : Augmentation importantes des effectifsSources : données INSEE, calculs et graphiques J.-M. HautenauveD'autres fonctions ont vu leur effectifs rester à peu près stables, ou évoluer de manière

hétérogène, avec une augmentation sur la première période, mais une diminution sur laseconde, ce qui suggère soit une crise économique affectant particulièrement cette fonction,soit un changement structurel dans la composition de l'emploi métropolitain. On peut danstous les cas émettre l'hypothèse que ces fonctions ont entamé une phase de déclin, quipourra être confirmée par l'analyse des données du recensement 2006.

La diminution de l'effectif de la fonction de distribution s'explique notamment par ladisparition progressive des petits artisans, parfois au profit des plus grandes surfacescommerciales. Les changements des modes de consommation sur la période n'ontpas favorisé le maintien des petites boutiques alimentaires artisanales par exemple. Leretournement de tendance pour la fonction entretien-réparation est probablement due audéclin des emplois liés à l'industrie, notamment de la mécanique, des « métiers du métal ».Mais les nouveaux comportements liés à l'écologie et au développement durable offriront

Page 62: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

62 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

peut être un nouvel avenir à cette fonction. Le déclin de la fonction de gestion est quant àlui lié aux gains de productivité dans les années 1990 et à la substitution de l'informatiqueau secrétariat traditionnel notamment. Enfin, le renversement de tendance pour la fonctionde transports-logistique est probablement lié au changement qualitatif dans les besoins detransports et à un effet de seuil dû à une tertiarisation de l'économie et donc à de plus faiblesbesoins quantitatifs de transports.

Graphique 9 : Fonctions stables ou en début de déclinSources : données INSEE, calculs et graphiques J.-M. HautenauveOn distingue enfin un dernier groupe de fonctions dont l'effectif a globalement baissé

à l'échelle de la France et sur la période considérée. C'est la cas pour les fonctionsd'agriculture et de pêche, de BTP et de fabrication. C'est là le corollaire d'une économiequi se tertiarise.

Page 63: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 63

Graphique 10 : Fonctions sur le déclinSources : données INSEE, calculs et graphiques J.-M. HautenauveToutes ces évolutions globales reflètent les conclusions précédemment mises en avant

dans la partie théorique : ce sont les fonctions les plus en pointes qui augmentent le plusleur effectif, en raison du caractère auto-cumulatif de l'agglomération et des économies delocalisation. Les fonctions les plus représentatives de l'ère industrielle et pré-industriellesont sur le déclin.

2. Analyse détaillée par strate et par aire urbaineCette dernière partie à pour objectif d'affiner l'analyse dynamique en détaillant les évolutionsfonctionnelles les plus remarquables pour chaque strate d'aire urbaine. Nous affineronsenfin l'analyse jusqu'au niveau des principales aires urbaines afin de distinguer lesprincipales tendances de leur évolution fonctionnelle.

La dynamique de l'aire urbaine de Paris est triplement caractérisée. L'emploi total,d'abord, à diminué sur la seconde moitié de la période, comme le montre le tableau 5.Cette diminution de l'emploi total se manifeste par une diminution importante de l'effectif decertaines fonctions, notamment dans la distribution et la gestion, en raison des gains deproductivité importants réalisés dans ces deux domaines. La diminution de l'effectif de lafonction de fabrication est plus marquée que pour le reste de la France.

Les fonctions de prestations intellectuelles et de culture-loisirs croissent beaucoup plusà vite à Paris que dans les autres aires urbaines, ce qui suggère la concentration croissantede ces fonctions de pointe, en conformité avec les résultats de la première partie. Lescaractéristiques de ville globale de Paris ont donc plutôt tendance à ce renforcer bien que

Page 64: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

64 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

même pour les fonctions de pointe, l'augmentation sur la seconde période est plus modéréeque sur la première.

Cette modération de la concentration en seconde période et la baisse globale del'emploi pour cette aire urbaine reflète la saturation de la ville de Paris. Cette décroissanceest particulièrement visible au niveau du commerce inter-entreprise. Cela signifie que lesforces d'agglomération, pour certaines fonctions du moins, diminuent ou que les forces dedispersion augmentent, conduisant à la délocalisation de certaines activités économiquesnotamment dans les aires urbaines de la seconde strate.

Tableau 6 : Évolution fonctionnelle en %, aire urbaine de Paris, 1982 à 1990

Variation de l'effectif Part dans l'emploi de lastrate

1982-19901990-19991982-19991982 1990 1999Emploi total 7,9 -0,6 7,3 100 100 100Administration publique 17,1 12,5 31,7 7,6 8,3 9,4Agriculture et pêche -25,0 -26,0 -44,4 0,8 0,5 0,4BTP -0,1 -26,2 -26,3 6,4 5,9 4,4Commerce inter-entreprise

30,6 10,7 44,5 4,2 5,1 5,7

Conception, recherche 3,2 0,0 3,2 3,4 3,2 3,3Culture, loisirs 44,4 24,6 80,0 2,0 2,6 3,3Distribution 1,7 -4,8 -3,2 6,5 6,2 5,9Éducation, formation 14,6 18,1 35,4 3,9 4,1 4,9Entretien, réparation 15,5 -8,0 6,3 6,6 7,0 6,5Fabrication -25,8 -29,1 -47,4 12,8 8,8 6,3Gestion 2,9 -8,1 -5,4 20,7 20,0 18,2Logistique 10,2 -6,2 3,3 9,4 9,6 9,0Prestations intellectuelles 63,7 23,7 102,5 3,3 5,0 6,3Santé, action sociale 24,7 17,7 46,8 5 5,8 6,8Services de proximité 15,4 19,0 37,3 7,6 8,1 9,7

Source : données INSEE, calculs J.-M. HautenauveL'évolution fonctionnelle de la seconde strate est très différente de celle de Paris. En

effet, non seulement l'emploi de cette strate (les villes de plus de 200 000 emplois) augmenterégulièrement sur toute la période, mais les fonctions liées à l'économie résidentiellesemblent s'y agglomérer. En outre, les fonctions de pointe sont en forte augmentation, àl'instar de Paris. Ces grandes villes de province semblent « avoir le vent en poupe » : lesfonctions de pointe s'y agglomèrent, ainsi que la population et l'emploi en général. Le tropplein de Paris semble se déverser dans les villes qui secondent la capitale, phénomèneauquel le prix moins élevé du foncier, la moindre congestion et pollution ne sont pasétrangers. Notons aussi que les effets des lois de décentralisation sont visibles à traversl'importante augmentation des emplois dans l'administration par rapport à Paris. Enfin, lesprévisions des modèles FIO semblent ici se manifester par l'augmentation plus importantequ'à Paris du nombre d'emplois liés à la conception et à la recherche. En effet, ces fonctionsne requérant pas d'interactions « face-à-face », elles peuvent être localisées en province etleur travail communiqué par des moyens standardisés et les TIC.

Les villes de cette strate bénéficient donc d'une dynamique plus importante que laville de Paris, et bien que les fonctions de point y soient moins représentées, celles-ci

Page 65: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 65

sont en pleine expansion. Cela suggère que les plus grandes villes de province françaiseaccumulent les caractéristiques des villes globales.

Tableau 7 : Évolution fonctionnelle en %, seconde strate, 1982 à 1999

Variation de l'effectif Part dans l'emploi de lastrate

1982-19901990-1999 1982-1999 1982 1990 1999Emploi total 7,8 6,4 14,7 100 100 100Administrationpublique

19,9 16,2 39,3 7,7 8,5 9,3

Agriculture et pêche -27,2 -27,5 -47,2 3,0 2,0 1,4BTP -9,8 -18,3 -26,3 8,3 7,0 5,4Commerce inter-entreprise

35,8 20,3 63,3 3,4 4,2 4,8

Conception,recherche

24,9 21,5 51,7 2,3 2,7 3,1

Culture, loisirs 29,6 47,7 91,4 1,0 1,2 1,7Distribution 7,3 1,1 8,5 7,5 7,4 7,1Éducation, formation 14,4 21,3 38,8 4,7 5,0 5,7Entretien, réparation 17,7 0,4 18,3 7,9 8,7 8,2Fabrication -20,5 -15,6 -32,9 15,0 11,0 8,8Gestion 10,4 2,3 12,9 14,2 14,6 14,0Logistique 4,2 1,8 6,1 10,3 10,0 9,6Prestationsintellectuelles

61,5 31,3 112,0 2,1 3,2 3,9

Santé, action sociale 29,0 23,9 59,9 6,0 7,1 8,3Services de proximité 19,5 29,9 55,2 6,6 7,3 8,9

Source : données INSEE, calculs J.-M. HautenauveLa troisième strate est essentiellement caractérisée par l'augmentation importante

des fonctions de l'économie résidentielle et une forte augmentation de l'emploi total. Lesemplois dans les fonctions de pointe augmentent également, notamment les prestationsintellectuelles et la culture et les loisirs. Mais il y a une rupture au niveau de cette strate :les prestations intellectuelles augmentent soudainement deux fois moins vite dans les airesurbaines de cette taille. En outre, les fonctions liées à l'économie industrielle et agricoles seréduisent à un rythme moins rapide que pour les strates précédentes. Cette strate de villesmoyennes se singularise donc par une certaine constance, un équilibre fonctionnel qui setraduit par de faibles variations dans la nature des emplois, exception faite de la fonction defabrication et malgré de nombreuses créations d'emploi.

Tableau 8 : Évolution fonctionnelle en %, troisième strate, 1982 à 1999

Page 66: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

66 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Variation de l'effectif Part dans l'emploi de lastrate

1982-1990 1990-1999 1982-1999 1982 1990 1999Emploi total 3,4 6,2 9,9 100 100 100Administrationpublique

21,1 16,9 41,3 7,9 9,2 10,1

Agriculture et pêche -26,9 -26,9 -46,5 4,5 3,2 2,2BTP -13,6 -12,5 -24,4 8,9 7,5 6,1Commerce inter-entreprise

23,3 22,7 51,4 2,4 2,9 3,4

Conception,recherche

16,0 20,0 39,2 1,8 2,0 2,3

Culture, loisirs 32,4 42,7 89,0 0,8 1,0 1,4Distribution 7,7 1,2 9,1 7,7 8,0 7,7Éducation,formation

13,0 19,9 35,5 4,9 5,4 6,1

Entretien, réparation 16,5 0,8 17,5 8,3 9,4 8,9Fabrication -22,6 -10,9 -31,0 17,7 13,2 11,1Gestion 6,3 2,8 9,3 12,2 12,5 12,1Logistique 3,8 2,8 6,7 9,3 9,3 9,0Prestationsintellectuelles

37,8 19,4 64,5 1,6 2,2 2,4

Santé, actionsociale

28,5 26,3 62,4 5,7 7,0 8,3

Services deproximité

18,2 31,9 55,9 6,3 7,2 8,9

Source : données INSEE, calculs J.-M. HautenauveLa quatrième strate est traversée par des changements de même direction : l'emploi

total augmente fortement, les fonctions de pointe également mais à un rythme moins élevéque pour la strate précédente. Les fonctions caractéristiques de l'économie industrielledisparaissent à une vitesse plus faible que pour les autres strates, ce qui reflète une forme delatence dans le changement économique des petites villes. Mais ces fonctions industriellesdisparaissent néanmoins.

Tableau 9 : Évolution fonctionnelle en %, quatrième strate, 1982 à 1999

Page 67: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Seconde partie : Élaboration d'une typologie fonctionnelle empirique des aires urbainesfrançaises

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 67

Variation de l'effectif Part dans l'emploi de lastrate

1982-1990 1990-1999 1982-1999 1982 1990 1999Emploi total 3,0 4,2 7,3 100 100 100Administrationpublique

20,3 18,2 42,2 6,9 8,1 9,2

Agriculture et pêche -27,4 -29,5 -48,8 6,5 4,6 3,1BTP -13,5 -13,3 -25,0 8,9 7,5 6,2Commerce inter-entreprise

22,5 20,0 47,0 2,0 2,4 2,7

Conception,recherche

21,1 22,3 48,1 1,3 1,5 1,8

Culture, loisirs 28,1 42,9 83,1 0,7 0,9 1,2Distribution 6,9 -0,2 6,7 8,1 8,4 8,1Éducation, formation 12,5 14,8 29,1 4,9 5,4 5,9Entretien, réparation 17,7 3,3 21,6 8,1 9,3 9,2Fabrication -17,3 -8,5 -24,4 20,3 16,3 14,3Gestion 7,2 0,9 8,2 10,7 11,2 10,8Logistique 7,5 1,4 9,0 8,6 9,0 8,8Prestationsintellectuelles

27,6 16,1 48,1 1,2 1,5 1,7

Santé, action sociale 31,3 26,4 66,0 5,4 6,8 8,3Services de proximité 17,4 27,0 49,2 6,4 7,3 8,9

Source : données INSEE, calculs J.-M. HautenauveLa cinquième strate se distingue des quatre strates précédentes à plusieurs égards.

L'emploi total y diminue, ce qui reflète l'urbanisation croissante de la population française.Les fonctions industrielles y diminuent encore moins vite qu'ailleurs et continuent dereprésenter près du sixième de l'emploi total de la strate.

En outre, la fonction agricole, principale spécificité de la strate, perd des effectifs.Cumulé à la perte d'emplois dans cette strate, cette tendance illustre la désertion ou lareconversion des zones rurales françaises.

Néanmoins, cette tendance pourrait être en train de se retourner, ce qu'il conviendrade confirmer par l'analyse du recensement 2006. En effet, sur la seconde moitié de lapériode, l'emploi total croît très légèrement. Cette tendance semble être soutenue par uneforte augmentation des emplois dans l'éducation et la formation, fonction qui regroupe unepart faible mais non marginale de l'emploi de la strate (4,5%). L'augmentation du nombred'emplois dans la culture-loisirs, fonction qui reste très marginale en termes de part dansla strate, est surprenante et probablement liée à un nouvel attrait de la campagne pour lesartistes, ou à un regain du tourisme sportif.

Tableau 10 : Évolution fonctionnelle en %, cinquième strate, 1982 à 1999

Page 68: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

68 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Variation de l'effectif Part dans l'emploi de lastrate

1982-1990 1990-1999 1982-19991982 1990 1999Emploi total -5,0 1,1 -4,0 100 100 100Administrationpublique

27,2 27,9 62,8 3,5 4,7 6,0

Agriculture et pêche -28,6 -29,7 -49,8 25,6 19,2 13,4BTP -18,0 -8,3 -24,8 10,3 8,9 8,1Commerce inter-entreprise

15,5 26,8 46,5 1,4 1,7 2,1

Conception,recherche

38,5 35,2 87,3 0,7 1,0 1,3

Culture, loisirs 27,2 54,5 96,5 0,6 0,8 1,2Distribution 1,1 -7,8 -6,8 6,9 7,4 6,7Éducation, formation 2,0 14,0 16,3 3,8 4,0 4,5Entretien, réparation 24,4 8,5 35,0 6,0 7,8 8,4Fabrication -12,8 -5,1 -17,3 18,7 17,1 16,1Gestion 7,7 11,1 19,7 5,8 6,6 7,2Logistique 14,9 6,5 22,3 6,4 7,7 8,1Prestationsintellectuelles

26,2 29,0 62,7 0,7 0,9 1,1

Santé, action sociale 34,8 34,8 81,8 3,0 4,2 5,6Services de proximité 12,0 28,6 44,0 6,9 8,1 10,3

Source : données INSEE, calculs J.-M. HautenauveA l'issue de cette analyse dynamique par strate, on observe donc une très forte

spécificité de la ville Paris pour les fonctions les plus caractéristiques des villes globales etune croissance forte de ces fonctions. Mais Paris semble saturer : l'emploi total y diminue,surtout dans les fonctions liées à l'ère industrielle, ce qui contribue d'ailleurs à accroîtrela spécificité de la ville. La seconde strate suit le modèle de l'aire urbaine de Paris : lesfonctions de pointe croissent rapidement. Mais l'emploi total augmente dans ces villes :le surplus parisien semble s'y déverser. On observe aussi une cassure au niveau de latroisième strate : les fonctions de pointe, notamment les prestations intellectuelles, n'ycroissent soudain que beaucoup moins vite. Cette strate est d'ailleurs plutôt caractériséepar un certain immobilisme fonctionnel, comme c'est aussi le cas pour la quatrième strate.Enfin, la cinquième strate voit son emploi total diminuer sur la période observée et semblede plus en plus détachée des îles de l'archipel.

On observe aussi des macro-tendances communes à toutes les strates : la fonction deculture et de loisir augmente dans toutes les aires urbaines. La spécificité de Paris pour cettefonction n'est due qu'à une quantité d'emplois beaucoup plus importante pour cette fonction.La divergence entre les extrêmes (ville globale – petites villes) semble moins importantepour cette fonction que pour celle de prestations intellectuelles. On observe aussi, pourtoutes les strates, la baisse des emplois dans la fonction de fabrication et d'agriculture et depêche, même dans la cinquième strate, ce qui suggère la transformation des zones rurales.

Page 69: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Conclusion

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 69

Conclusion

L'ambition de ce travail était d'intégrer une approche théorique et une approche pratiquedans le domaine de l'économie urbaine. La partie pratique fait écho aux hypothèsesthéoriques fixées par une synthèse ciblée de la littérature concernant les fondements del'agglomération économique, de la différenciation et de la hiérarchisation des villes. La partiepratique se veut une illustration et une évaluation de ces éléments d'économie géographique« purs ». L'étude préliminaire des études fonctionnelles existantes a permis de cibler lesqualités et les défauts des précédentes études afin de mieux inscrire l'utilisation de l'AFEdans ce continuum et d'en faire un véritable progrès, aussi modeste soit-il.

La typologie empirique qui se dégage de l'utilisation de l'AFE permet de distinguerParis, la ville globale, des grandes capitales régionales d'abord, des villes aux fonctionsgénéralement équilibrées ensuite, de celles encore très marquée par l'économie industrielleet enfin des zones agricoles.

Cette typologie est globalement cohérente, tant au niveau agrégé des strates d'airesurbaines qu'au niveau le plus fin, à l'échelle de chaque aire urbaine. La typologie est donccohérente à l'échelle du territoire et la progressivité dans la répartition fonctionnelle del'emploi est bien la preuve que la spécialisation fonctionnelle des villes obéit à des lois. Lamétropolisation à laquelle on assiste n'est pas anarchique. Les quelques cas particuliers misen évidence par l'analyse détaillée des aires urbaines (Grenoble, Toulouse, Niort, Annecyetc.) trouvent également leur explication dans les travaux théoriques montrant l'importancedes « accidents historiques » (Krugman, 1995) comme l'implantation de telle firme àGrenoble ou Toulouse, ainsi que l'intuition de « causalité circulaire et cumulative » (Myrdal,1970) appuyée par les modèles de type FIO, élucidant l'agglomération d'autres firmes dansles mêmes villes.

De l'analyse dynamique réalisée, il résulte que la fameuse expression « Paris et ledésert français » (Gravier 1947) ne tient plus en 1999. Bien que l'aire urbaine de Parissoit très particulière au regard des autres aires urbaines françaises, en raison de sa fortespécificité dans les fonctions propres aux « villes globales » (Sassen, 2001) et notammentde son quasi-monopole des activités culturelles, les autres très grandes aires urbainesconcentrent une proportion croissante des fonctions de l'économie monde et leur schémade spécialisation s'aligne sur celui de la capitale. C'est particulièrement le cas notable deGrenoble et de Toulouse. En outre, se phénomène est renforcé par le déclin, en nombred'emplois, de Paris et l'augmentation de celui des métapoles régionales (Ascher, 1995).Pour les plus grandes aires urbaines, la règle est donc à la convergence.

Une divergence semble en revanche se produire au niveau de la troisième strate eten de-ça, notamment en raison du fait que les fonctions industrielles et agricoles semblenty être remplacées non par celles de l'économie monde mais par celles de l'économierésidentielle. En effet, bien que plus faibles en volume et en croissance, les fonctionsculturelles et intellectuelles s'y agglomèrent doucement tandis que les fonctions liées àl'ère industrielle et agricole disparaissent. Mais ce sont bien les fonctions résidentiellesqui caractérisent encore largement ces petites et moyennes aires urbaines. Or, commele suggèrent les modèles issus de la NEG tels ceux de type FIO, la structure initiale dela ville est importante puisqu'elle détermine la possibilité d'économies de localisation ou

Page 70: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

70 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

d'urbanisation pour les firmes. Enfin, au delà de quelques exceptions, il n'est pas surprenantque la plupart des petites villes ne deviennent pas des villes-mondes.

Ce mémoire pourrait être substantiellement amélioré par l'ajout d'une analysestructurelle des aires urbaines qui tenterait de déterminer des coefficients de corrélationentre la spécialisation fonctionnelle des aires urbaines et les modalités de leur évolutionrécente. Il serait alors possible de prédire avec plus de précision les trajectoires des villespour les années à venir. Néanmoins, la théorie permet déjà d'avancer l'hypothèse de l'auto-renforcement des spécialisations, ce que l'analyse dynamique a confirmé.

La spécialisation fonctionnelle des territoires est intimement liée aux bouleversementsrécents de l'économie internationale. Alors que tombent les anciens empires de l'économieindustrielle, émergent de nouveaux pôles formant les îles de l' « économie d'archipel ».L'AFE, parce qu'elle permet de statistiquement rendre compte de cette dynamique urbaine,est un précieux outil de conception de politiques publiques, tant sur le plan de l'urbanismeque sur celui de l'économie publique.

Page 71: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Bibliographie

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 71

Bibliographie

Certains des titres suivants n'ont pas directement servi à la rédaction de ce mémoire etfigurent ici à titre indicatif uniquement.

Abdel-Rahman H.M. 1990, Shareable inputs, product variety, and city sizes. Journal ofRegional Science 30, 359-374.

Abdel-Rahman H.M., A. Anas, 2004, Theories of System of Cities. In Henderson J.V.,J.-F. Thisse, 2004, Handbook of Regional and Urban Economics, Amsterdam : NorthHolland, 4, 52, 2293-2339.

Amin A. et Robins K., 1992, Le retour des économies régionales ? La géographiemythique de l'accumulation flexible, in Benko G., A. Lipietz, 1992, Les régionsqui gagnent – districts et réseaux : les nouveaux paradigmes de la géographieéconomique, Paris : PUF, Economie en liberté.

Arrow K. et G. Debreu, 1954, Existence of an equilibrium for a competitive economy.Econometrica 22, 265-290.

Ascher F., 1995, Métapolis ou l'avenir des villes, Paris : Odile Jacob.

Ascher F., 2001, Les nouveaux principes de l'urbanisme. La fin des villes n'est pas àl'ordre du jour. Editions de l'Aube.

Aydalot Ph. 1985, Economie régionale et Urbaine, Economica.

Baccaïni B., 2009, Recensement de la population 2006. Les migrations entredépartements : le Sud et l'Ouest toujours très attractifs. INSEE : DR Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Baccaïni B., F. Sémécurbe, 2009, La croissance périurbaine depuis 45 ans, Extensionet densification. INSEE : pôle Analyse territoriale.

Bairoch P., 1985, De Jericho à Mexico, Villes et Economie dans l'histoire, Paris :Gallimard.

Baumont C, P.-H. Combes, P.H. Derycke, H. Jayet, 2000, Economie géographique. Lesthéories à l'épreuve des faits. Economica.

Ballain R., 1990, Sites urbains en mutation. Territoires et trajectoires. Paris :l'Harmattan.

Beckmann M.J., 1976, Spatial equilibrium in the dispersed city. In : Y.Y. Papageorgiou(sd) Mathematical Land Use Theory. Lexington, MA, Lexington Books, 117-25.

Beckouche P., F. Damette, 1993, Une grille d'analyse globale de l'emploi : le partagegéographique du travail. Economie et statistique, 270, 37-50.

Béguin H., 1992, Postulates in Lösch's theory of economic regions, Sistemi Urbani,1-2-3, 49-59.

Bell D., 1976, The Coming of Post-Industrial Society. New-York : Basic Books.

Page 72: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

72 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Bell D., 1979, The Social Framework of the Information Society, in Dertoozos M.L.& J.Moses (sd), The Computer Age: A 20 Year View, Cambridge, MA: MIT Press.

Bertrand O., Mucchielli J.-M. & H. Zitouna, 2004, Location Choices of Multi-nationalFirms. Discussion Paper Series, Hamburg Institue of International Economics, n°26170.

Blanquart P., 1998, Une Histoire de la ville: Pour repenser la société, Paris : LaDécouverte.

Borukhov E., O. Hochman, 1977, Optimum and market equilibrium in a model of a citywithout a predetermined center. Environment and Planning A 9, 849-856.

Brun J., C. Rhein (sd), 1994, La ségrégation dans la ville. Paris : l'Harmattan.

Camagni R., 1992, Organisation économique et réseaux de villes, in Derycke P.H. (sd),1992, Espace et dynamiques territoriales. Paris : Economica.

Camagni R., 1996, Principes et modèles de l'économie urbaine Economica

Cantillon R., 1755, Essai sur la nature du commerce en général, Londres : FletcherGilles ; édition française, 1997, Paris : éditions de l'Institut National d'EtudesDémographiques.

Carluer F., 2005, Pouvoir économique et espace : Analyses de la divergence régionale.Paris : l'Harmattan.

Castels M; 1989, The Informational City : Information, Technology, EconomicRestructuring and the Urban Regional Process. Cambridge MA : Blackwell.

Chamberlin E., 1933, The Theory of Monopolistic Competition. Cambridge MA : HarvardUniversity Press.

Chenu A., N. Tabard, 1993, Les transformations socioprofessionnelles du territoirefrançais, 1982-1990. Institut National d'Etudes Démographiques.

Chombart de Lauwe P.-H., 1982, La fin des villes : Mythe ou réalité. Paris : Calman-Levy.

Christaller W., 1933, Die Zentralen Orte in Süddeutschland, Jena, Gustav FischerVerlag. Traduction anglaise de C.W. Baskin : The Central Places of SouthernGermany. Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall, 1966.

Combes P.-P., T. Mayer, & J.-F. Thisse, 2006, Economie géographique : l'intégrationdes régions et des nations. Princeton University Press.

Crozet M., T. Mayer & J.-L. Mucchielli, 2004, How do firms agglomerate ? A study ofFDI in France. Regional Science and Urban Economics Vol. 34, 27-54.

Daniels P., F. Moulaert, 1993, The Changing Geography of Advanced producerservices : Theoretical and Empirical Perspectives. London : John Wiley & Sons Inc.

Davezies L., 2008, La République et ses territoires, la circulation invisible desrichesses. Paris : Seuil.

Dixit A.K., J.E. Stiglitz, 1977, Monopolistic Competition and Optimum Product Diversity,American Economic Review, 67, 297-308.

Duranton G., 1995, Economie géographique, urbanisation et développement, thèse dedoctorat EHESS soutenue sous la direction de J.-F. Thisse.

Page 73: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Bibliographie

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 73

Duranton, G., 2004, The communication advantage of cities : what is it made of ? Doesit matter ? Will it survive ? Paper drafted for the Resurgent cities conference, London,2004.

Duranton G., D. Puga, 2004, Micro-foundations of urban agglomeration economies, inHenderson J.V. et J.-F.Thisse, 2004, Handbook of Regional and Urban Economics,Amsterdam.

Duranton G., D. Puga, 2005, From Sectoral to functional urban specialisation, Journal ofUrban Economics 57, 2, 343-370.

Donzelot J., Ph. Estebe, 1994, L'Etat-animateur. Essai sur la politique de la ville. Esprit.

Eaton B. C., R. E. Lipsey, 1977, The introduction of space into the neoclassical modelof value theory. In M. Artis et A Nobay (sd), Studies in Modern Economics, Oxford,Basil Blackwell, 59-96.

Fujita 1989 : Urban Economic theory – Land Use and City size, Cambridge UniversityPress.

Fontagné L., T. Mayer, 2005, Les choix de localisation des entreprises. Paris : laDécouverte.

Fujita M., P. Krugman, T. Mori, 1999, On The Evolution of Hierarchical Urban Systems,European Economic Review 43, 2, 209-251.

Fujita M., H. Ogawa, 1982, Multiple equilibria and structural transition of non-monocentric urban configurations, Regional Science and Urban Economics, 12,161-196.

Fujita M., J.-F. Thisse, 2000, The formation of economic agglomerations : old problemsand New Perspectives, in Huriot J.-M., J.-F. Thisse, Economics of Cities : TheoreticalPerspectives. Cambridge University Press.

Fujita M., J.-F. Thisse, 2001, Agglomération et marché, Cahier d'Economie etSociologie Rurales, 58-59.

Fujita M., J.-F. Thisse, 2003, Economie des villes et de la localisation, Bruxelles : DeBoeck.

Gabszewicz J., 1994, La concurrence imparfaite. Paris : La Découverte.

Glaeser E.L., Kallal H.D., Scheinkman J.A., Shleifer A., 1992, Growth in Cities,

Journal of Political Economy, 100 (6), 1126-1152.

Goe W.R., 1990, Producer services, trade, and the social division of labour. RegionalStudies 24, 4, 327-342.

Grafmeyer Y., 1994, Sociologie urbaine. Paris : Nathan Université 128.

Gravier J.-F., 1947, Paris et le désert français, le Portulan. Rééditions Flammarion1958, 1972.

Hall P., 1998, Cities in Civilization : Culture, Technology, and Urban Order. New York :Pantheon Books.

Head K., T. Mayer, 2004, Market potential and the location of japanese investment inthe european union. The Review of Economics and Statistics 86,4, 959-972.

Page 74: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

74 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Henderson J.V., 1974, The Size and Types of Cities, American Economic Review 64, 4,640-656.

Henderson J.V. et J.-F.Thisse, 2004, Handbook of Regional and Urban economics, 4,North Holland : Elsevier.

Hirschman A., 1958, The Strategy of Economic Development. New Haven : YaleUniversity Press.

Hohenberg P. M., 2004, The Historical Geography of European Cities: an InterpretativeEssay. In Henderson J.V., J.-F. Thisse, 2004, Handbook of Regional and UrbanEconomics, 4, 3021-3051. North Holland : Elsevier.

Hohenberg P.M., L.H. Lees, 1992, La formation de l'Europe urbaine 1000-1950, Paris :PUF. Traduit de The Making of Urban Europe, 1000-1950, 1985, Cambridge :Harvard University Press.

Hoover E.M., 1936, Location Theory and the Shoe and Leather Industries. Cambridge,MA, Harvard University Press.

Hotelling H., 1929, Stability in Competition, The Economic Journal, 39, 41-47.

Huriot J.-M., 1994, Von Thünen : économie et espace. Paris : Economica.

Huriot J.-M., L. Bourdeau-Lepage, 2009, Economie des villes contemporaines. Paris :Economica.

Jouvaud M., 1996, Vers une typologie des services aux entreprises selon leurs facteursde localisation, Revue d'Economie Régionale et Urbaine, 2, 597-627

Julien Ph., 1994, Les fonctions stratégiques dans cinquante villes de france, INSEEpremière 300.

Julien Ph., 1996, Fonctions stratégiques et images des villes, Economie et statistique,294, 1, 127-135.

Julien Ph., 2002, Onze fonctions pour qualifier les grandes villes, INSEE Première, 840.

Koopmans T.C., M.J. Beckmann, 1957, Assignment problems and the location ofeconomic activities. Econometrica, 25, 1401-1414.

Krugman P., 1991a, Geography and Trade, MIT press.

Krugman P., 1991b, Increasing Returns and economic geography, Journal of PoliticalEconomy, 99, 31, 483-499. Traduction française Rallet A., A. Torre, 1995.

Krugman P., 1995, Development, Geography and Economic Theory, Cambridge MA &Londres : MIT Press.

Léo P.-Y., J. Philippe, 1998, Tertiarisation des métropoles et centralité. Revued'Economie Régionale et Urbaine, 1, 63-84.

Le Galès P., 2003, Le retour des villes européennes, Sociétés urbaines, mondialisation,gouvernement et gouvernance. Paris, FNSP : Presses de Sciences Po.

Lefèvre C., 2009, Davezies Laurent, La République et ses territoires : la circulationinvisible des richesses, Métropoles , 5.

Lösch A., 1940, Die Raümliche Ordnung des Wirtschaft. Jena : Gustav Fischer.Traduction anglaise de Woglom W. et W. Stolper, 1954, The Economics of Location.New Haven : Yale University Press.

Page 75: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Bibliographie

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 75

McLuhan M., R. Powers, 1989 (posthume), The Global Village, Transformations inWorld Life and Media in the 21th Century. New-York : Oxford University Press.

Marshall A.,1906, Principes d'économie politique I, Paris : Giard et Brière.

Marshall A., 1909, Principes d'économie politique II, Paris : Giard et Brière.

Marshall A., 1919, Industry and Trade, Londres : MacMillan.

Mattelart A., 2001, Histoire de la société de l'information, Repères, La Découverte

Mirrlees J., 1972, The Optimum Town. Swedish Journal of Economics, 74, 114-135.

Myrdal G., 1957, Rich Lands and Poor, New York : Harper and Brothers.

Myrdal G., 1970, The Challenge of World Poverty : A World Anti-Poverty Program inOutline. New York : Vintage Books.

O'Hara D.J., 1977, Location of firms within a square central business district. Journal ofPolitical Economy 85, 1189-1207.

Ota M, M. Fujita, 1993, Communication Technologies and spatial organisation of multi-unit firms in metropolitan areas. Regional Science and Urban Economics23, 695-729.

Ottaviano G.I.P., D. Puga, 1999, Agglomeration in the global economy : A survey of“new economic geography”. World Economy, 21, 707-731.

Ottaviano G.I.P., T. Tabuchi, J.-F. Thisse, 2002, Agglomeration and Trade Revisited.International Economic Review, 43, 409-436.

Ottaviano G.I.P, J.-F. Thisse, 2005, New Economic Geography : What About the N?,Environment and Planning A, 37, 1707-1725.

Papageorgiou Y.Y., 1990, The Isolated City State : An Economic Geography of Urban-Spatial Structure. London & New-York : Routledge.

Peters J. , D. Perreur, 1996, L'approche weberienne de la localisation industrielle et sesextensions : un bilan. L'Espace Géographique, 3, 273-287.

Philippe J, Léo P.-Y. , L.-M. Bouliane (sd), 1998, Services et Métropoles, formesurbaines et changement économique, Paris : l'Harmattan.

Ponsard C., 1955, Economie et espace. Essai d'intégration du facteur spatial dansl'analyse économique. Annales, Economies, Sociétés, Civilisations 11, 3.

Ponsard C., 1990, L'analyse économique spatiale, observations méthodologiques.Revue d'économie régionale et urbaine, 1, 9-15.

Pottier Ph., L. Salembier, 2007, Pôles d'emplois franciliens : quatre emplois sur dixdans les services à la production. INSEE : DR Ile-de-France.

Psar (Pôle de services pour l'action régionale) Synthèse Locales, 2008, Analysefonctionnelle des emplois. Guide méthodologique.

Puga D., 1999, The rise and fall of regional inequalities. European economic review 43,303-334.

Rallet A., A. Torre (dir), 1995, Economie industrielle et économie spatiale. Paris :Economica.

Reynard R., 2001, Note de travail du 29 octobre 2001, Groupe de travail « Analysefonctionnelle de l'emploi ». Insee, non publié.

Page 76: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

76 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Robinson J., 1933,The Economics of Imperfect Competition. London : Macmillan.

Rosenthal S.S., W.C. Strange, 2004, Evidence on the nature and sources ofagglomeration economies. In Henderson J.V. et J.-F.Thisse, 2004, Handbook ofRegional and Urban economics, 4, North Holland : Elsevier.

Samuelson P., 1954, The Pure Theory of Public Expenditures, The Review ofEconomics and Statistics 36, 387-389.

Sassen S., 2000, Cities in a World Economy. Thousand Oaks CA : Pine Forge Press.

Sassen S., 2001, The Global City, New York, London, Tokyo. Princeton UniversityPress.

Scotchmer S., J.-F. Thisse, 1993, Les implications de l'espace pour la concurrence,Revue Economique 44, 653-669.

Scotchmer S., J.-F. Thisse, 1999, Space and value : an outlook and new perspectives.In Gérard-Varet L.-A., A.P. Kirman (sd) Economics in the Next Millenium. Oxford,Oxford University Press, 152-168.

Smith A. 1776, An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations,London, : Strahamand Cadell. Traduction française de Garnier G., 1843, revue 1881,rééditée 1991, Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations,Paris : Flammarion, 2 tomes.

Savy M., P. Veltz, 1993, Les nouveaux territoires de l'entrepriseLa Tour d'Aigues.

Sraffa P., 1926, The Laws of Returns under Competitive Conditions.The EconomicJournal 36, 535-550

Starrett D., 1978, Market allocations of location choice in a model with free mobility.Journal of Economic Theory 17, 21-37.

Stiglitz J.E., 1977, The Theory of Local Public Goods. In Feldstein M.S., R.P. Inman(sd), The Economics of Public Services. London : Macmillan, 273-334.

Storper M., A.J. Venables, 2004, Buzz: Face-to-face contact and the urban economy.Journal of Economic Geography, 4, 4.

Tiebout C. M., 1956, A pure theory of local public expenditures, Journal of PoliticalEconomy 64, 416-424.

Thisse, J.-F., 1997, L'oubli de l'espace dans la pensée économique, Région etDéveloppement, 6.

Toffler A., 1980, La Troisième vague. Paris : Denoël.

Touraine A., 1969, La Société post-industrielle : naissance d'une société. Paris :Denoël.

United Nations, 2008, World Urbanization Prospects: The 2007 Revision. New York :Department of Economic and Social Affairs.

Venables A.J., 1996, Equilibrium locations of vertically linked industries. InternationalEconomic Review 37, 341-359.

Veltz P., 1996, Mondialisation, villes et territoires : l'économie d'archipel. PUF.

Veltz P., 2008, La Grande transition : la France dans le monde qui vient. Paris : Seuil.

Page 77: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Bibliographie

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 77

Veltz P., F. Rowe, 1991, Entreprises et territoires en réseaux. Presses de l'ENPC.

Virilio P., 1996, Cybermonde, la politique du pire.Textuel.

Viard J., 1994, La société d'archipel ou les territoires du village global. Edition de l'Aube.

Von Thünen J.H., 1826, Der Isolierte Staat in Beziehung auf Landwirtschaft undNationalökonomie, I, Hamburg : Perthes. Traduction française Laverrière J., 1851,Recherches sur l'influence que le prix des grains, la richesse du sol et les impôtsexercent sur les systèmes de culture. Paris : Guillaumin.

Wallerstein I., 1985, Le capitalisme historique, Paris : La Découverte.

Webber M.M., 1996, L'Urbain sans lieu ni bornes. Editions de l'Aube.

Weber A., 1909, Uber den Standort der Industrien, Tübingen. Traduction anglaise,1957, Theory of the location of industries. Chicago : University of Chicago Press.

Page 78: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

78 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Annexes

Annexe 1 : L'impossibilité spatiale liée à la convexitédes courbes de préférence et de production

L'hypothèse de convexité des courbes de production et de préférence, à l'origine del'équilibre général concurrentiel, exclut la possibilité de l'existence d'indivisibilité et derendements croissants. Elle exclue donc la possibilité d'une dimension spatiale del'économie.

L'hypothèse de convexité des courbes de préférence implique que pour tous biens Aet B, le consommateur préfère toujours une moyenne pondérée de deux paniers situéssur la courbe d'indifférence (1 et 2) que les seuls paniers 1 ou 2 parce que la moyennepondérée de deux paniers se situe toujours sur une courbe d'indifférence plus élevée. Leconsommateur préfère donc toujours un panier de type 3 aux deux autres.

L'hypothèse de convexité des courbes de production implique l'impossibilité derendements croissants. Les rendements des firmes sont toujours décroissants ou, tout auplus, constants sous cette hypothèse. Le graphique ci-dessous illustre cette hypothèse pourune firme produisant un bien B en quantité Q.

Page 79: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 79

Le cœur du problème réside dans la décroissance supposée de l'utilité marginale (lapente de la courbe). En effet, celle-ci implique la divisibilité des biens de consommation oudes ensembles de production et n'est donc réaliste que pour des biens A et B parfaitementdivisibles (pour les courbes de préférence, du sirop de fraise et du sirop de citron parexemple).

Mais certains biens de consommation, notamment ceux relatifs à la consommation del'espace, ne sont pas parfaitement divisibles. Il n'est pas possible d'abandonner un peu dubien A au profit d'un peu de bien B si A et B sont respectivement un logement dans deuxvilles différentes.

Il en va de même pour des ensembles de production qu'il n'est pas possible de multiplierautant de fois qu'il existe de consommateur, même si cela diminue les coûts de transport(backyard capitalism). La présence d'indivisibilités implique la concentration géographique.L'intégration de la géographie à l'économie implique donc l'abandon de l'hypothèse dedivisibilité parfaite et de rendements décroissants, et suppose par conséquent l'existencede non-convexités dans les courbes de productions et de préférence des consommateurs.

Annexe 2 : la « grille structurale fonctionnelle » del'emploi

Tableaux extraits de Beckouche P., F. Damette, 1993, Une grille d'analyse globale del'emploi : le partage géographique du travail. Economie et statistique, 270, 37-50.

Page 80: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

80 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Annexe 3. La composition des 15 fonctions en PCS1982

Source : Insee.ADMPUB : Administration publiqueCette fonction regroupe les emplois liés aux activités régaliennes et d’administration de

l’Etat et des collectivités locales, hors services de la santé, de l'éducation. Elle intègre enparticulier toutes les professions de la sécurité publique et de la justice.

Page 81: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 81

Prof Libellé5214 Commis, adjoints administratifs, de la fonction publique5217 Agents de service de la fonction publique (sauf écoles, hôpitaux)4514 Personnels admin de catégorie B de l'état (sauf impôts, trésor, douanes, PTT)5311 Agents de police4513 Professions administratives intermédiaires des collectivités locales5215 Agents de bureau de la fonction publique3317 Personnels admin de cat A de l'état (sauf impôts, trésor, douanes, PTT )3316 Personnels admin sup des collectivités locales et hôpitaux publics5314 Hommes du rang5213 Agents de constatation ou de recouvrement des impôts, du trésor, des

douanes5312 Gendarmes5313 Sergents4522 Adjudants et majors de l'armée et de la gendarmerie3312 Ingénieurs de l'état et des collectivités locales4512 Contrôleurs des impôts, du trésor, des douanes et assimilés4734 Techniciens des travaux publics de l'état et des collectivités locales3321 Officiers de l'armée et de la gendarmerie (sauf généraux)3314 Inspecteurs et autres cadres A des impôts, du trésor et des douanes5315 Pompiers4521 Inspecteurs et officiers de police3311 Personnels de direction de la fonction publique3313 Magistrats5316 Agents techniques des eaux et forêts3318 Personnes exerçant un mandat politique ou syndical

AGRICU : Agriculture et pêcheCette fonction regroupe l'ensemble des professions concourant directement à la

production agricole, à la pêche ou à l'exploitation forestière.

Page 82: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

82 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Prof Libellé1306 Agriculteurs sur grande exploitation sans orientation dominante6915 Ouvriers agricoles sans spécialisation particulière1301 Agriculteurs sur grande exploitation d'agriculture générale1304 Eleveurs d'herbivores sur grande exploitation6914 Ouvriers de la viticulture et de l'arboriculture fruitière1206 Agriculteurs sur moyenne exploitation sans orientation dominante1303 Viticulteurs, arboriculteurs fruitiers sur grande exploitation6913 Ouvriers du maraîchage et de l'horticulture1204 Eleveurs d'herbivores sur moyenne exploitation1106 Agriculteurs sur petite exploitation sans orientation dominante6912 Ouvriers de l'élevage1104 Eleveurs d'herbivores sur petite exploitation1305 Eleveurs de granivores et éleveurs mixtes sur grande exploitation6916 Ouvriers de l'exploitation forestière et de la sylviculture1201 Agriculteurs sur moyenne exploitation d'agriculture générale6921 Marins-pêcheurs et ouvriers de l'aquaculture1203 Viticulteurs, arboriculteurs fruitiers sur moyenne exploitation1302 Maraîchers, horticulteurs sur grande exploitation1101 Agriculteurs sur petite exploitation d' agriculture générale4702 Contrôleurs laitiers, inséminateurs et autres agents techniques agricoles1213 Patrons pêcheurs et aquaculteurs, de 0 à 9 salariés6911 Conducteurs d'engin agricole ou forestier1212 Exploitants forestiers indépendants, de 0 à 9 salariés4801 Personnels de direction et d'encadrement des exploitations agricoles ou

forestières1103 Viticulteurs, arboriculteurs fruitiers sur petite exploitation1211 Entrepreneurs de travaux agricoles à façon, de 0 à 9 salariés1102 Maraîchers, horticulteurs sur petite exploitation1105 Eleveurs de granivores et éleveurs mixtes sur petite exploitation1205 Eleveurs de granivores et éleveurs mixtes sur moyenne exploitation1202 Maraîchers, horticulteurs sur moyenne exploitation

BTP : Bâtiment et travaux PublicsCette fonction regroupe l'ensemble des professions concourant directement à la

construction de bâtiments et d'ouvrages de travaux publics.

Page 83: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 83

Prof Libellé6341 Maçons qualifiés6842 Ouvriers non qualifiés du second oeuvre du bâtiment6841 Ouvriers non qualifiés du gros oeuvre du bâtiment2151 Artisans maçons, plâtriers6345 Peintres et ouvriers des finitions du bâtiment, qualifiés6311 Electriciens qualifiés du bâtiment6741 Ouvriers non qualifiés des travaux publics et du travail du béton6344 Plombiers et chauffagistes qualifiés4832 Chefs de chantier du bâtiment et des travaux publics6332 Menuisiers qualifiés du bâtiment2155 Artisans plombiers, couvreurs, chauffagistes2154 Artisans de la peinture et des finitions du bâtiment6243 Conducteurs qualifiés d'engin de chantier du BTP6244 Autres ouvriers qualifiés des travaux publics2156 Artisans menuisiers du bâtiment, charpentiers en bois4831 Conducteurs de travaux non cadres en bâtiment, travaux publics6242 Ouvriers qualifiés du travail du béton2153 Artisans électriciens du bâtiment6343 Couvreurs qualifiés3833 Ingénieurs et cadres de chantier du BTP6346 Monteurs qualifiés en agencement, isolation2152 Artisans en terrassement, travaux publics, parcs et jardins6331 Charpentiers en bois qualifiés4733 Géomètres, topographes6241 Chefs d'équipe du gros oeuvre et des travaux publics6234 Monteurs qualifiés en charpente métallique6342 Ouvriers qualifiés du travail de la pierre

COMINT : Commerce inter-entreprisesCette fonction concerne toutes les professions en relation directe avec le commerce de

gros et le commerce entre les entreprises, que ce soit pour l'achat ou la vente.

Page 84: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

84 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Prof Libellé4624 Représentants en biens d'équipement, biens intermédiaires, commerce

interindustriel4626 Représentants en services auprès d'entreprises ou de professionnels4625 Représentants en biens de consommation auprès d'entreprises4629 Prof intermédiaires commerciales (sauf représentants et maîtrise de

magasin)3734 Cadres commerciaux des PME (hors commerce de détail)3732 Chefs de produits, acheteurs du commerce et autres cadres de la mercatique2235 Intermédiaires indépendants du commerce, de 0 à 9 salariés3733 Cadres des ventes des grandes entreprises (hors commerce de détail)4628 Acheteurs non classés cadres, aide-acheteurs3852 Ingénieurs et cadres tech-com en matériel mécanique professionnel5511 Vendeurs en gros de biens intermédiaires, biens d'équipement3854 Ingénieurs et cadres technico-commerciaux en biens intermédiaires3855 Ingénieurs et cadres technico-commerciaux en informatique2211 Petits grossistes en produits non alimentaires3851 Ingénieurs et cadres tech-com en matériel électrique/électronique prof.2232 Moyens grossistes en produits non alimentaires3842 Ingénieurs et cadres des achats et approvisionnements industriels2210 Petits grossistes en alimentation3853 Ingénieurs et cadres technico-commerciaux en bâtiment, travaux publics2231 Moyens grossistes en alimentation

CONREC : Conception - rechercheCette fonction regroupe l'ensemble des professions de la conception, de la recherche

et de l'innovation. Dans l'industrie, elles recouvrent les phases préliminaires à la fabrication.Elle se distingue de la fonction Prestations intellectuelles par la dimension d’innovationincluse dans les travaux des métiers concernés.

Page 85: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 85

Prof Libellé4723 Techniciens en mécanique et chaudronnerie4751 Techniciens chimistes, biologistes3821 Ingénieurs et cadres de recherches, études, essais en électricité,

électronique3421 Chercheurs de la recherche publique4713 Techniciens d'études, essais, contrôles, en électricité, électronique3822 Ingénieurs et cadres de bureau d'études ou des méthodes en mécanique3829 Autres ingénieurs et cadres d'études4722 Dessinateurs d'études en construction mécanique et chaudronnerie3825 Ingénieurs et cadres de recherche, développement en chimie, biologie4793 Techniciens des laboratoires de recherche publique ou d'enseignement4761 Techniciens en métallurgie et matériaux6294 Agents qualifiés de laboratoire (sauf chimie et santé)4721 Dessinateurs projeteurs en construction mécanique et chaudronnerie4712 Dessinateurs d'études en électricité, électronique3826 Ingénieurs et cadres de recherche, développement en métallurgie et

matériaux4711 Dessinateurs projeteurs en électricité, électronique3827 Ingénieurs et cadres de recherche, études des industries légères5428 Dessinateurs d'exécution

CULLOI : Culture - loisirsCette fonction regroupe toutes les professions de la culture et des loisirs, sportifs ou

non.

Page 86: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

86 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Prof Libellé4233 Moniteurs et éducateurs sportifs, sportifs professionnels4634 Assistants techniques des arts graphiques, de la mode et de la décoration,

salariés3511 Journalistes, secrétaires de rédaction3534 Professeurs d'art (hors établissements scolaires)4633 Assistants techniques de la réalisation des spectacles vivants et

audiovisuels (salariés ou indépendants)3533 Artistes dramatiques, danseurs3532 Artistes professionnels de la musique et du chant3513 Bibliothécaires, archivistes, conservateurs, de la fonction publique3531 Artistes plasticiens5634 Employés des services divers4635 Assistants techniques des arts graphiques, de la mode et de la décoration,

indépendants3523 Cadres techniques de la réalisation des spectacles vivants et audiovisuels2244 Indépendants gestionnaires de spectacle ou de service récréatif, de 0 à 9

salariés3521 Cadres de la presse, de l'édition, de l'audiovisuel et des spectacles4637 Photographes indépendants3535 Artistes de variétés3522 Cadres artistiques des spectacles4636 Photographes salariés6393 Auxiliaires des spectacles3512 Auteurs littéraires, scénaristes, dialoguistes

DISTRI : DistributionLa distribution regroupe l'ensemble des professions de la vente aux particuliers, y

compris l'artisanat commercial.

Page 87: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 87

Prof Libellé5518 Employés de libre-service5519 Caissiers de magasin5512 Vendeurs en alimentation4627 Représentants auprès de particuliers5514 Vendeurs en équipement de la personne, articles de sport5516 Vendeurs en articles de luxe2215 Petits détaillants en équipement de la personne, articles de sport4622 Maîtrise de l'exploitation des magasins de vente6353 Boulangers, pâtissiers (sauf activité industrielle)4621 Chefs de petite surface de vente (salariés ou mandataires)5513 Vendeurs en ameublement, décor, équipement du foyer5517 Vendeurs en photo, disques, librairie2190 Aides familiaux non salariés ou associés d'artisans effectuant un travail

administratif ou commercial5515 Vendeurs en droguerie, bazar, quincaillerie, bricolage6351 Bouchers (sauf industrie de la viande)2101 Artisans boulangers, pâtissiers, de 0 à 2 salariés2217 Petits détaillants en produits de luxe2212 Petits détaillants en alimentation spécialisée3731 Cadres de l'exploitation des magasins de vente6851 Apprentis boulangers, bouchers, charcutiers2218 Petits détaillants en librairie, photo,disques2233 Moyens détaillants en alimentation2214 Petits détaillants en ameublement, décor, équipement du foyer2213 Petits détaillants en alimentation générale2103 Artisans bouchers, de 0 à 2 salariés5521 Pompistes et gérants (salariés ou mandataires) de station service2102 Artisans boulangers, pâtissiers, de 3 à 9 salariés2234 Moyens détaillants en produits non alimentaires2216 Petits détaillants en quincaillerie, bricolage, bazar6352 Charcutiers (sauf industrie de la viande)4623 Personnels techniques d'inspection, de contrôle, d'assistance des magasins

de vente2105 Artisans charcutiers, de 0 à 2 salariés2107 Autres artisans de l'alimentation2104 Artisans bouchers, de 3 à 9 salariés2219 Exploitants et gérants libres de station service, de 0 à 2 salariés2106 Artisans charcutiers, de 3 à 9 salariés

EDUFOR : Education - formationCette fonction regroupe les métiers de l’enseignement scolaire et universitaire

(primaire, secondaire et supérieur) et de la formation professionnelle, y comprisl’organisation de ces enseignements. Cette fonction n'intègre pas les animateurs sportifs oude loisirs qui sont inclus dans la fonction Culture-loisirs.

Page 88: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

88 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Prof Libellé3411 Professeurs agrégés et certifiés4211 Instituteurs4221 Pegc et maitres auxiliaires de l'enseignement général4232 Formateurs et animateurs de formation continue4227 Conseillers d'éducation et surveillants3415 Enseignants de l'enseignement supérieur4224 Enseignants du technique court4214 Directeurs d'école primaire ou maternelle4215 Instituteurs de l'éducation spécialisée3414 Directeurs d'établissement d'enseignement secondaire et inspecteurs

ENTREP : Entretien - réparationCette fonction regroupe les métiers prioritairement orientés vers l'entretien et la

maintenance (hors bâtiment et travaux publics.

Prof Libellé5222 Agents de service hospitaliers (du public ou du privé)6891 Nettoyeurs5216 Agents de service des établissements d'enseignement6201 Mécaniciens qualifiés d'entretien d'équipements industriels6323 Mécaniciens qualifiés d'automobiles (entretien, réparation)4717 Techniciens de maintenance, dépannage, en électricité, électronique,

automatisme6821 Métalliers, serruriers, réparateurs en mécanique, non qualifiés6301 Jardiniers6347 Ouvriers qualifiés d'entretien général des bâtiments6202 Electromécaniciens, électroniciens qualifiés d'entretien d'équipements

industriels4881 Agents de maîtrise 2e niveau en entretien, installation2161 Artisans mécaniciens réparateurs d'automobiles6322 Métalliers, serruriers, qualifiés4883 Agents de maîtrise 1er niveau en entretien, installation mécanique6321 Carrossiers d'automobile qualifiés4884 Agents de maîtrise d'entretien général3841 Ingénieurs et cadres d'entretien, travaux neufs4882 Agents maîtrise 1er niv en entretien, installation électroméca /électronique6324 Mécaniciens qualifiés d'entretien d'équipements non industriels6313 Electromécaniciens qualifiés d'entretien d'équipements non industriels2162 Artisans tôliers-carossiers d'automobiles6312 Dépanneurs qualifiés en radio-télévision, électroménager2163 Artisans réparateurs en électroménager2111 Artisans mécaniciens en machines agricoles2164 Artisans cordonniers, réparateurs divers2112 Artisans en matériel de précision

FABRIC : Fabrication

Page 89: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 89

Cette fonction regroupe l'ensemble des professions consistant à mettre en œuvredes matériels ou des processus techniques, hors agriculture et sylviculture, et hors BTP.Pour l’essentiel il s’agit des métiers concourant directement aux différentes étapes de laproduction de biens matériels et d'énergie, mais cette fonction inclut aussi les opératricesde saisie et les techniciens des télécommunications.

Page 90: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

90 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Prof Libellé6723 Ouvriers non qualifiés de montage, de contrôle, etc. en mécanique6754 Ouvriers non qualifiés des industries agricoles et alimentaires6799 Ouvriers non qualifiés divers de type industriel et ouvriers mal désignés6899 Ouvriers non qualifiés divers de type artisanal6751 Ouvriers non qualifiés de la chimie6227 Ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement de métal6238 Mécaniciens, ajusteurs, qualifiés, sans autre indication6214 Câbleurs qualifiés6255 Ouvriers qualifiés des industries agricoles et alimentaires6251 Ouvriers qualifiés sur installation ou machine de la chimie6711 Ouvriers non qualifiés de l'électricité et de l'électronique6261 Ouvriers qualifiés de la métallurgie, du verre, de la céramique et des

matériaux de construction6761 Ouvriers non qualifiés de la métallurgie, du verre, de la céramique et des

matériaux de construction6791 Ouvriers non qualifiés du travail du bois6772 Ouvriers non qualifiés de la confection6292 Ouvriers qualifiés de la menuiserie industrielle et de l'ameublement4822 Agents de maîtrise 1er niveau en fabrication mécanique6221 Chaudronniers, tôliers industriels qualifiés6223 Soudeurs qualifiés sur métaux6771 Ouvriers non qualifiés du textile et de la tannerie-mégisserie6283 Ouvriers de l'impression4871 Agents de maîtrise et tech de la prod et distrib d'électricité, gaz, eau,

chauffage, énergie6231 Monteurs qualifiés d'ensembles mécaniques4718 Techniciens des télécommunications6721 Ouvriers non qualifiés travaillant par enlèvement de métal4852 Agents de maîtrise 1er niveau en fabrication chimique ou agro-alimentaire5415 Opératrices de saisie en informatique6273 Mécaniciennes en confection qualifiées2113 Artisans divers du travail des métaux, de l'électromécanique6722 Ouvriers non qualifiés travaillant par formage de métal3832 Ingénieurs et cadres de fabrication en mécanique4781 Préparateurs de méthodes6271 Conducteurs qualifiés de machine du textile et de la tannerie-mégisserie4874 Agents de maîtrise 1er niveau en fabrication en industries légères6203 Régleurs qualifiés d'équipements de fabrication (travail des métaux,

mécanique)6237 Ouvriers qualifiés des traitements thermiques et de surface sur métaux6222 Tuyauteurs industriels qualifiés6299 Ouvriers qualifiés divers de type industriel et ouvriers qualifiés mal désignés6773 Ouvriers non qualifiés du travail du cuir4821 Agents de maîtrise 2e niveau en fabrication mécanique6399 Ouvriers qualifiés divers de type artisanal6371 Tailleurs et couturières qualifiés3839 Ingénieurs et cadres de la production et distribution d'électricité, gaz, eau,

chauffage, énergie3835 Ingénieurs et cadres de fabrication en chimie et agro-alimentaire6226 Ouv. très qualifiés travaillant par enlèvement de métal (à l'unité, petite série

sur machine classique)6392 Ouvriers d'art4851 Agents de maîtrise 2e niveau en fabrication chimique ou agro-alimentaire3831 Ingénieurs et cadres de fabrication en matériel électrique, électronique2131 Artisans du meuble6204 Régleurs qualifiés d'équipements de fabrication (sauf travail des métaux,

mécanique)4862 Agents de maîtrise 1er niveau en fabrication en métallurgie et matériaux6274 Ouvriers qualifiés du travail industriel du cuir6742 Aides mineurs, ouvriers non qualifiés de l'extraction2142 Artisans d'art2121 Artisans tailleurs, couturiers et autres artisans de la confection et du textile6284 Ouvriers qualifiés de la brochure, de la reliure et du façonnage du papier-

carton6293 Surveillants qualifiés d'exploitation (électricite, gaz, eau, chauffage, énergie)6254 Ouvriers qualifiés de laboratoire (chimie)2141 Artisans de l'imprimerie et de l'édition2143 Autres artisans de fabrication6282 Ouvriers de la composition6281 Ouvriers de la photogravure et des laboratoires photographiques et

cinématographiques6236 Ouvriers qualifiés de contrôles et d'essais en mécanique, métallurgie2157 Artisans serruriers, métalliers4771 Assistants techniques de l'édition et de l'imprimerie6264 Ouvriers qualifiés de la fabrication des papiers et cartons6764 Ouvriers non qualifiés de la fabrication des papiers et cartons et des industies

lourdes du bois4772 Techniciens des industries légères4782 Techniciens de planning, ordonnancement, lancement4812 Agents de maîtrise 1er niveau en fabrication de matériel électrique,

électronique3838 Cadres techniques de l'imprimerie et de l'édition4811 Agents de maîtrise 2e niveau en fabrication de matériel électrique,

électronique4873 Agents de maîtrise 2e niveau en fabrication en industries légères5416 Opérateurs d'exploitation en informatique6246 Ouvriers qualifiés de l'extraction (carrières, pétrole, gaz...)6218 Plateformistes, contrôleurs qualifiés de matériel électrique ou électronique3836 Ingénieurs et cadres de fabrication en métallurgie et matériaux4791 Pupitreurs, chefs de salle en informatique (hors fonction publique)4861 Agents de maîtrise 2e niveau en fabrication en métallurgie et matériaux2132 Artisans du travail mécanique du bois3837 Ingénieurs et cadres de fabrication des industries légères6372 Ouvriers qualifiés du travail des étoffes (sauf fabrication de vêtements)6272 Ouvriers qualifiés de la coupe et des finitions des vêtements6373 Ouvriers qualifiés de type artisanal du travail du cuir6291 Ouvriers qualifiés de scierie6211 Bobiniers qualifiés6220 Forgerons qualifiés2122 Artisans fabricants en cuirs et peaux3843 Ingénieurs et cadres de planning, ordonnancement6394 Ouvriers qualifiés du travail du verre ou de la céramique à la main6391 Modeleurs (sauf modeleurs de métal), mouleurs-noyauteurs à la main6235 Traceurs qualifiés6245 Mineurs de fond qualifiés6265 Ouvriers qualifiés des industries lourdes du bois

Page 91: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 91

GESTIO : GestionCette fonction regroupe les professions de la gestion d'entreprise, de la banque et de

l'assurance.

Prof Libellé5411 Secrétaires5421 Employés des services comptables ou financiers5424 Employés administratifs divers d'entreprise4612 Maîtrise et techniciens administratifs (autres que financiers et comptable)3727 Cadres administratifs ou financiers des PME5431 Employés des services techniques de la banque, guichetiers5434 Employés des services techniques des assurances4651 Gradés des services techniques de la banque4611 Maîtrise et techniciens des services comptables ou financiers; comptables4615 Personnels de secrétariat de niveau supérieur, secrétaires de direction (non

cadre)3741 Cadres des services techniques et commerciaux de la banque4654 Rédacteurs d'assurances3744 Cadres des services techniques des assurances5444 Agents et hôtesses d'accueil et d'information3723 Cadres de l'organisation ou du contrôle des services administratifs et financiers2332 Chefs d'entreprise de l'industrie ou des transports, de 10 à 49 salariés2333 Chefs d'entreprise commerciale, de 10 à 49 salariés3726 Cadres de gestion courante des autres services administratifs des grandes

entreprises3722 Cadres spécialistes du recrutement, de la formation2334 Chefs d'entreprise de services, de 10 à 49 salariés5417 Standardistes, téléphonistes2320 Chefs de moyenne entreprise (50 à 499 salariés)2331 Chefs d'entreprise du bâtiment ou des travaux publics, de 10 à 49 salariés3710 Cadres d'état-major administratifs, financiers, commerciaux des grandes

entreprises2246 Indépendants gestionnaires d'établissement privé d'enseignement, de santé

d'action sociale de 0 à 9 salariés3724 Cadres de gestion courante des services financiers ou comptables des grandes

entreprises5412 Dactylos, sténo-dactylos (sans secrétariat), opératrices sur machines de bureau2310 Chefs de grande entreprise (500 salariés et plus)3810 Directeurs techniques des grandes entreprises4231 Assistants techniques de la documentation, de l'archivage (hors fonction

publique)3725 Cadres de gestion courante des services du personnel des grandes entreprises3728 Cadres de la documentation, de l'archivage (hors fonction publique)3130 Aides familiaux non salariés de professions libérales effectuant un travail

administratif5499 -

LOGIST : Transports - logistique

Page 92: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

92 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Cette fonction regroupe tous les métiers du transport des personnes et des flux demarchandises. Elle intègre l'ensemble des métiers des Postes et Télécommunications dansla PCS 1982.

Prof Libellé6411 Conducteurs routiers et grands routiers (salariés)6792 Manutentionnaires, agents non qualifiés des services d'exploitation des transports6515 Magasiniers6793 Ouvriers du tri, de l'emballage, de l'expédition6415 Conducteurs-livreurs, coursiers (salariés)5211 Agents d'exploitation des PTT et assimilés6514 Conducteurs de chariot élèvateur, caristes5212 Préposés des PTT4511 Contrôleurs des PTT et assimilés6412 Conducteurs de véhicule routier de transport en commun (salariés)3315 Inspecteurs et autres cadres A des PTT4641 Responsables administratifs ou commerciaux des transports et du tourisme (non

cadres)5442 Agents des services commerciaux des transports et du tourisme3861 Cadres des transports et de la logistique4642 Responsables d'exploitation des transports (non cadres)4892 Responsables de manutention4891 Responsables d'entrepôt, de magasinage5443 Agents administratifs des transports de marchandises5223 Ambulanciers salariés (du public ou du privé)2181 Transporteurs routiers indépendants, de 0 à 9 salariés2171 Conducteurs de taxi artisans5445 Agents et hôtesses d'accompagnement6521 Agents qualifiés des services d'exploitation des transports (personnels sédentaires)6522 Conducteurs qualifiés d'engin de transport guide6511 Conducteurs d'engin lourd de levage6414 Conducteurs de voiture particulière (salariés)6512 Conducteurs d'engin lourd de manoeuvre3862 Personnels navigants techniques de l'aviation civile6413 Conducteurs de taxi (salariés)5441 Contrôleurs des transports (personnels roulants)6513 Dockers6531 Matelots de la marine marchande2243 Agents de voyage et auxiliaires de transports indépendants, de 0 à 9 salariés3863 Officiers de la marine marchande6532 Capitaines et matelots timoniers de la navigation fluviale (salariés)2182 Bâteliers indépendants, de 0 à 9 salariés4802 Maîtres d'équipage (pêche, marine marchande)

PREINT : Prestations intellectuellesCette fonction regroupe les professions de mise à disposition de connaissances

spécifiques pour le conseil, l'analyse, l'expertise, etc. Elle inclut la plus grande partie desinformaticiens.

Page 93: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 93

Prof Libellé3828 Ingénieurs et cadres spécialistes de l'informatique (sauf technico-commercial)4792 Programmeurs, préparateurs de travaux en informatique (hors fonction publique)4794 Techniciens divers4735 Métreurs et techniciens divers du bâtiment et des travaux publics3121 Avocats3735 Cadres de la publicité; cadres des relations publiques4631 Assistants techniques de la publicité, des rel. publiques (sal ou indépendants)3127 Architectes libéraux3126 Ingénieurs conseils libéraux en études techniques3721 Cadres chargés d'études économiques, financières, commerciales4732 Dessinateurs d'études en bâtiment, travaux publics4701 Techniciens d'études, développement de l'agriculture et des eaux et forêts4795 Experts indépendants de niveau technicien3124 Experts comptables, comptables agréés, libéraux3823 Ingénieurs et cadres d'études, méthodes, contrôles en BTP3122 Notaires4632 Interprètes, traducteurs (salariés ou indépendants)3125 Ingénieurs conseils libéraux en recrutement, organisation, études économiques3820 Ingénieurs et cadres techniques d'études, développement de l'agriculture et des

eaux et forêts4731 Dessinateurs projeteurs en bâtiment, travaux publics3824 Architectes salariés3128 Huissiers de justice, officiers ministériels et professions libérales divers3123 Conseils juridiques et fiscaux, libéraux

SANSOC : Santé - action socialeCette fonction comprend l'ensemble des professionnels de la santé et de l'action

sociale, y compris les pharmaciens.

Page 94: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

94 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Prof Libellé5221 Aide-soignants (du public ou du privé)4315 Infirmiers en soins généraux salariés4332 Educateurs spécialisés4333 Animateurs socio-culturels et de loisirs3112 Médecins libéraux généralistes3431 Médecins hospitaliers (sans activité libérale)4324 Techniciens médicaux4323 Spécialistes de la rééducation et pédicures, libéraux4327 Préparateurs en pharmacie4316 Infirmiers libéraux4331 Assistantes sociales3111 Médecins libéraux spécialistes3113 Chirurgiens-dentistes (libéraux ou salariés)4311 Cadres infirmiers et assimilés4322 Spécialistes de la rééducation et diététiciens, salariés3435 Pharmaciens salariés3116 Pharmaciens libéraux4312 Infirmiers psychiatriques4314 Infirmiers spécialisés (autres que puéricultrices)4325 Spécialistes de l'appareillage médical, salariés3114 Psychologues, psychanalystes, psychothérapeutes (non médecins)3432 Médecins salariés non hospitaliers4313 Puéricultrices4334 Conseillers familiaux4326 Spécialistes de l'appareillage médical, indépendants4321 Sages femmes (libérales ou salariées)3115 Vétérinaires (libéraux ou salariés)3433 Psychologues spécialistes de l'orientation scolaire et professionnelle3434 Etudiants hospitaliers, stagiaires internes

SERPRO : Services de proximitéCette fonction regroupe toutes les professions des services de la vie courante (hors

distribution, transport, éducation et santé).

Page 95: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 95

Prof Libellé5631 Assistantes maternelles, gardiennes d'enfants, travailleuses familiales5611 Serveurs et commis de restaurant ou de café5632 Employés de maison et femmes de ménage chez des particuliers6354 Cuisiniers qualifiés5317 Agents de sécurité, de surveillance2247 Indépendants divers prestataires de services, de 0 à 9 salariés5622 Coiffeurs salariés2221 Patrons de petit restaurant, café-restaurant5614 Employés de l'hôtellerie2172 Artisans coiffeurs, manucures, esthéticiens5633 Concierges, gardiens d'immeubles2222 Patrons de petit café, café-tabac4661 Maîtres d'hôtel2236 Patrons de café, restaurant, hôtel,de 3 à 9 salariés4893 Maîtrise de restauration et de cuisine2241 Agents immobiliers indépendants,de 0 à 9 salariés2242 Agents généraux et courtiers d'assurance indépendants, de 0 à 9 salariés2224 Patrons de petit hôtel, hôtel-restaurant5621 Manucures, esthéticiennes, salariées2174 Artisans des services divers4411 Clergé séculier4662 Maîtrise du hall et des étages (hôtellerie)3751 Cadres de l'hôtellerie et de la restauration2173 Artisans teinturiers, blanchisseurs4412 Clergé régulier2245 Professionnels de la parapsychologie, guérisseurs2223 Patrons de petit café associé à une autre activité

Annexe 4. Composition des 5 strates d'aires urbaines

Page 96: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

96 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Page 97: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 97

Annexe 5 : la progressivité de la répartitionfonctionnelle de l'emploi, 1999

Le tableau ci-dessous montre la progressivité de la repartition fonctionnelle de l'emploi etpermet de comparer les indices de spécificités pour toutes les strates et d'affiner la typologie.Les prestations intellectuelles sont hautement spécifiques de la première strate, et assezspécifique de la seconde. Elles caractérisent en creux, par leur absence, les strates 4 et 5.Il en va de même pour la fonction de culture et de loisirs, le commerce inter-entreprise, lagestion, la conception et la recherche. Pour chacune de ces fonctions, Paris est largementplus spécialisée que la seconde strate. La troisième strate est caractérisée par des fonctionsni spécialisantes, ni sous-spécialisantes.

Page 98: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

98 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Ces résultats confirment, à l'échelle de la France, les conclusions apportées par SaskiaSassen : se dégagent, dans une économie globalisée, des villes-mondes qui sont à la foisinventeurs, producteurs de services aux entreprises hautement spécialisés et acheteursde ceux-cis. Ces services aux entreprises sont groupés dans les fonctions de prestationintellectuelles, de gestion, de conception et de recherche. Les personnes occupant desemplois dans ces fonctions bénéficient de forts salaires, ce qui entraine des évolutionsdans le style de vie des villes globales et notamment une plus forte de demande pour desprestations culturelles, d'où la forte spécialisation de la ville deparis dans cette fonction.

Strate 1 Strate 2 Strate 3 Strate 4 Strate51 Prestations intellectuelles 1,99 1,25 0,77 0,53 0,352 Culture, loisirs 1,86 0,96 0,76 0,66 0,653 Commerce inter-entreprise 1,51 1,27 0,89 0,72 0,564 Gestion 1,44 1,11 0,96 0,86 0,575 Conception, recherche 1,39 1,3 0,97 0,76 0,556 Administration publique 1,06 1,05 1,15 1,04 O,677 Services de proximité 1,04 0,95 0,95 0,95 1,18 Transport, logistique 1,02 1,07 1,02 0,99 0,919 Santé, action sociale 0,92 1,11 1,12 1,11 0,7510 Éducation, formation 0,9 1,05 1,12 1,09 0,8411 Distribution 0,83 1 1,08 1,14 0,9512 Entretien, réparation 0,79 1 1,09 1,12 1,0213 BTP 0,73 0,89 1,02 1,04 1,3514 Fabrication 0,56 0,78 0,99 1,28 1,4415 Agriculture et pêche 0,1 0,35 0,56 0,79 3,41

Source : données INSEE, 1999Les graphiques suivants illustrent la répartition de chaque fonction pour chaque strate.

Les courbes sont , en général strictement croissantes ou décroissantes sur l'intervalle cequi suggère que la typologie empirique établie est cohérente. Les fonctions intermédiaires,caractéristiques de l'économie résidentielle, présentent des évolutions parfois légèrementhyperbolaires mais pas au point de remettre en cause la validité de la typologie. Larépartition des fonctions de l'économie résidentielle est présente de manière assezhomogène sur le territoire, aussi bien dans les premières strates que les dernières, ce quiest cohérent avec la définition de l'économie résidentielle.

Répartition de l'emploi, toutes fonctions, toutes strate, 1999

Page 99: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 99

Page 100: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

100 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

Page 101: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 101

Sources : données INSEE, calculs et graphiques J.-M. Hautenauve

Annexe 6 : Résultats par aire urbaine pour l'analysestatique détaillée

Dans les deux tableaux ci dessous, la couleur bleue indique une spécialisation (indice despécificité supérieur à 1,2) et la couleur orange une sous-spécalisation (indice de spécificitéinférieur à 0,8) de l'aire urbaine par rapport à son groupe de taille.

Au sein du premier groupe, la spécialisation de l'aire urbaine lyonnaise dans lafabrication reflète la concentration des grandes industries, notamment la chimie. Lyonest légèrement spécialisée dans les fonctions de conception-recherche et de commerceinter-entreprises mais est globalement, par rapport à son groupe detaille, plutot équilibrée,tout comme Marseille-Aix-en-Provence. Toulouse et Grenoble ont un profil similaire, très

Page 102: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

102 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009

spécialisé dans les fonctions de conception-recherche et de prestations intellectuelles,même relativement à leur groupe de taille. L'aire urbaine de Strasbourg est très équilibrée,sans aucune spécialisation ni sous-spécialisation. Il en va de même pour Bordeaux,à l'exception près de la fonction agricole pour laquelle l'aire urbaine est spécialisée,probablement en raison de la présence de cultures viticoles. C'est également le cas pourRennes. L'aire urbaine de Nice est spécificique en raison de la concentration importanted'emplois liés aux fonctions de culture-loisirs, de ditribution et de services de proximité,trois fonctions essentielles aux activités touristiques.Enfin, l'aire urbaine de Rouen fait figured'outsider dans ce groupe puisqu'elle s'éfface par une sous-spécialisation assez nette dansles fonctions de commerce inter-entreprise, de conception et de recherche, de prestationsintellectuelles. L'analyse détaillée de la strate relève que Rouen a la taille pour en fairepartie, mais pas vraiment les fonctions.

Il n'est pas rare, au sein du second groupe, de voir apparaître des spécialisations liéesà la presence de quelques grandes firmes ou d'institutions diverses. C'est notamment lecas pour Clermont-Ferrand, dont on peut supposer que la spécialsiation dans les fonctionsde conception-recherche et de prestations intellectuelles est liée à la présence de Michelin.Il en va de même pour la spécialisation dans la fonction culture-loisirs de la ville d'Avignonprobablement liée au tourisme et aux différentes manifestations culturelles de la ville. Dela même manière, la présence de l'administration maritime à Brest et à Toulon suffit àspécialiser ces aires urbaines pour la fonction.

Les grandes lignes de clivages apparaissent aussi avec une spécialisation plusfréquente danes la fonction de fabrication pour les villes du nord (Douai-Lens, Dunkerque,Thionville, Mulhouse, Béthune, Valencienne mais aussi St Etienne etc.) et dans les fonctionsagricoles et pêchières au sud et sud-ouest et en bord de mer (Perpignan, Vannes etc.).

Enfin, Montpellier se distingue par sa spécialisation dans les foncions davantage liéesaux villes de plus grande taille. C'est également le cas remarquable de Niort. D'autres airesurbaines revèlent des caractéristiques suprenantes, comme c'est le cas pour Montbeliard,spécialisée à la fois dans la conception-recherche et la fabrication (peut-être en raison dela présence de Peugeot-Citroën).

Page 103: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Annexes

HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009 103

Page 104: Université de Lyon Mutation fonctionnelle de l'emploi et ...doc.sciencespo-lyon.fr/Ressources/Documents/Etudiants/Memoires/Cyber... · Dynamique des villes et différenciation :

Mutation fonctionnelle de l'emploi et dynamique urbaine

104 HAUTENAUVE Jean-Matthieu_2009